1 - UN NAVIRE CHARBONNIER DEVENU EXPLORATEUR
Au XVIIIe siècle, les corvettes et les sloops étaient de petits bâtiments
de guerre, de construction légère, avec un seul pont pour les canons (dont
le nombre variait de 18 à 30). Ces navires étaient utilisés dans les flottes
de guerre pour la surveillance et la liaison. En fait, ces corvettes devinrent
célèbres grâce aux voyages scientifiques.
La corvette l’Endeavour était à l’origine un navire de charge charbonnier
de 368 tonneaux. Elle s’appelait Earl of Pembroke. James Cook la rebaptisa
et la réarma avec 10 canons de 4 livres et douze pièces légères à main.
Cook avait choisi un navire charbonnier pour son premier voyage parce
qu’il avait commencé sa carrière de marin comme mousse sur cette sorte
de navire et qu’il avait pu en apprécier toutes les qualités : “plus spacieux,
plus propre à s’approcher de terre et pouvant être manuvré avec
moins de monde que d’autres bâtiments de charge.” La coque de l’Endeavour
était revêtue d’un doublage de bois traité contre les vers (le doublage
en cuivre, habituel dans la marine anglaise à l’époque, aurait été difficile
à réparer dans les îles du bout du monde).
L’Endeavour fut le premier navire muni d’un appareil de distillation de
l’eau de mer.
2 - JAMES COOK, UN MARIN AUTODIDACTE
Né en 1728, James Cook est le deuxième des neuf enfants d’un simple ouvrier
agricole. A treize ans, il entre en apprentissage chez un épicier d’un
village de pêcheurs. Un an plus tard, il s’enfuit, gagne le port voisin
et s’engage comme mousse sur un bateau charbonnier. Durant l’hiver, opiniâtre,
il étudie les mathématiques. Six ans plus tard, il est second à bord d’un
autre charbonnier.
Il aurait vraisemblablement poursuivi cette carrière jusqu’à la retraite
si la guerre de Sept Ans n’avait pas tout changé. En 1756, désirant servir
son pays, Cook s’engage dans la Marine royale. Ses connaissances en géographie
et en astronomie continuent de s’étoffer. En 1758, il part pour le Canada
avec la mission de sonder le Saint-Laurent et dresse la cartographie de
l’embouchure du fleuve.
En 1762, il se marie et aura six enfants. Devenu ingénieur-hydrographe,
il part à Terre-Neuve à la fin de la guerre (1763) pour en établir, durant
quatre ans, la cartographie ainsi que celle des côtes du Labrador. En
1766, il rédige un mémoire sur l’éclipse du soleil observé à Terre-Neuve.
C’est ainsi lui qui sera chargé par la Royal Society de diriger une expédition
vers Tahiti pour observer dans les mers du Sud le passage de Vénus sur
le disque solaire. On espérait de la sorte calculer la distance de la
Terre au Soleil. Les voyages d’exploration vont désormais être indissolublement
associés à son nom.
Cook était l’homme de la situation. Avec un physique grand, fort, il arborait
une expression sévère et, quand il discutait, ne supportait pas la moindre
contradiction. Les règlements en vigueur étaient appliqués à la lettre
et les punitions, en cas de manquement, inexorables. Mais il n’était jamais
injuste et savait toujours prévoir le danger qui pouvait menacer son bâtiment.
Ayant été lui-même matelot, il connaissait les besoins des hommes, l’utilité
de la discipline et la nécessité de la propreté du navire.
3 - LE PREMIER VOYAGE D'EXPLORATION (1768-1771)
Seul le premier voyage se fit sur l’Endeavour. Cook emmène une équipe
de scientifiques dont Joseph Banks, âgé de vingt-cinq ans, qui allait
plus tard acquérir une renommée internationale en tant que protecteur
des sciences naturelles. Parti en août 1768 de Plymouth, l’Endeavour cingle
vers le cap Horn et arrive en mars 1769 dans une petite île des Tuamotu.
Le mois suivant, Cook aborde à Tahiti où, grâce à sa courtoisie avec les
indigènes, il peut établir un campement et un observatoire astronomique.
A Tahiti, il note soigneusement toutes ses observations sur la vie et
les murs des Tahitiens, données très précieuses qu’il enrichira
lors des voyages suivants.
Peu après, il reconnaît les îles de l’archipel (qu’il appelle îles de
la Société) et en relève minutieusement le tracé. L’Endeavour se dirige
ensuite vers le continent austral. En septembre, il aperçoit les côtes
de la Nouvelle-Zélande et en dresse la carte malgré l’hostilité des indigènes.
En mars 1770, le navire mouille l’ancre dans Botany Bay, sur la côte orientale
de l’Australie. Là, les botanistes de l’expédition découvrent des centaines
de végétaux inconnus, tandis que les contacts avec les naturels sont rendus
difficiles de par leur caractère très craintif.
Puis l’Endeavour fait voile au nord. Malgré des récifs et des hauts-fonds
omniprésents, malgré aussi la férocité des habitants qui l’accueillent
à coup de javelines, il explore la côte Est sur 2000 km et baptise la
région Nouvelles-Galles du Sud. Il en prend possession au nom du roi George
III. C’est là que les naturalistes rencontrent pour la première fois les
kangourous. L’expédition rapporta la peau naturalisée d’un spécimen de
moyenne taille (dont George Stubbs fit un tableau). Contrairement à ce
que l’on crut alors, ils n’étaient pas les premiers Européens à voir des
kangourous. Cent cinquante ans plus tôt, en 1629, le capitaine hollandais
Pelsaert, échoué près des îles Wallabies au nord de l’Australie avait
rencontré un kangourou femelle de petite espèce (appelé depuis wallaby)
avec un petit suspendu à une tétine dans la poche de sa mère. Mais son
rapport était passé inaperçu. Au cours de cette exploration, l’Endeavour
s’échoua sur un récif de corail, mais parvint à se dégager. Le navire
faisant eau, Cook se décida à rentrer en Angleterre via Batavia (île de
Java) et le cap de Bonne-Espérance. Avec un équipage décimé par la malaria
et les fièvres tropicales, le navire rejoignit la côte anglaise en juin
1771. Sur les 94 hommes partis de Plymouth, seuls 56 revinrent.
L’accueil fut triomphal. L’expédition rapportait mille espèces de plantes
séchées dans les herbiers et sous forme de graines, cinq cents poissons
conservés dans l’alcool, cinq cents peaux d’oiseaux, plusieurs centaines
d’échantillons minéralogiques et d’innombrables insectes. Mille trois
cents dessins d’une minutieuse exactitude illustraient la documentation.
Le journal de bord de Cook, tenu au jour le jour, devint un modèle à suivre
pour les futurs explorateurs. Avant d’être publié, il fut enrichi des
notes des scientifiques du voyage et remanié par un littérateur qui, malheureusement,
y ajouta ses commentaires personnels, pas toujours fidèles à l’esprit
du navigateur. La relation du premier voyage de Cook connut néanmoins
un immense succès en Angleterre, puis en France, en Italie et en Allemagne.
.
4 - LE DEUXIÈME VOYAGE D'EXPLORATION
(1772-1775)
En 1772, Cook repart vers le sud avec deux navires charbonniers, la Resolution
et l’Adventure. Son objectif est de trouver un éventuel continent austral
(thème très à la mode dans les cercles cultivés européens) et de l’explorer.
En janvier 1773, pour la première fois au monde, le cercle polaire antarctique
est franchi. Cook le reconnaît vide de toute présence humaine. Puis les
navires cinglent à travers un stupéfiant univers de glaces pendant 171
jours. Après s’être perdus et retrouvés, ils font route vers Tahiti.
De là, l’expédition repart à la découverte des atolls du Pacifique, puis
retourne vers les glaces de l’extrême Sud lors de l’été austral de 1773-1774.
En avril, Cook découvre l’île de Pâques. En août, il aborde les Nouvelles-Hébrides
où il fait donner le canon contre les anthropophages mélanésiens qui massacrent
plusieurs de ses hommes. En juin 1775, les navires sont de retour à Londres.
5 - LE
TROISIÈME VOYAGE D'EXPLORATION (1776-1780)
La Société royale de géographie confie à Cook une nouvelle mission : découvrir
le passage du Nord-Ouest reliant l’océan Pacifique à l’océan Atlantique.
A cette époque, Cook, malgré par l'âge et la fatigue de ses voyages, était
devenu colérique et atrabilaire. Un caractère qui n'est pas idéal pour
être le chef d'une mission d'exploration.
Néanmoins il embarque à bord du Resolution en juillet 1776, rejoint par
le Discovery au cap Horn. Après un passage par Tahiti, Cook découvre les
îles Sandwich (actuellement îles Hawaï) en janvier 1778. Il procède ensuite
au relevé des côtes du Pacifique septentrional et rencontre des esquimaux
dans la future baie de Vancouver, puis des Russes, comme lui à la recherche
du fameux passage du Nord-Ouest à travers l’Arctique. Il se heurte bientôt
à une véritable mer de glace et doit rebrousser chemin. Les navires essuient
peu après une tempête épouvantable qui les pousse à mouiller dans l’archipel
hawaïen. Depuis le départ d'Angleterre, son caractère irascible avait
déjà causé de nombreux conflits entre lui et l'équipage.
A Hawaï, bénéficiant de l'accueil pacifique des naturels de la baie où
il a mouillé, le navire fait le plein de vivres (fruits et légumes essentiellement).
Cook lève l’ancre le 4 février 1779. Une nouvelle tempête et la casse
de gréements le contraignent à rebrousser chemin. Malgré les conseils
de ses lieutenants, le capitaine décide de revenir dans la baie d’où il
était parti. Les indigènes, qui avaient déjà beaucoup donné, sont d'abord
désappointés, puis, devant les exigences de Cook en fourniture de vivres,
se montrent de plus en plus menaçants. A l’aube du 14 février 1779, James
Cook et plusieurs de ses matelots trouvent la mort, attaqués par des milliers
d’indigènes.
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