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Au Moyen Âge, l'église
abbatiale Notre-Dame du Bourg-Dieu comptait parmi les plus grandes
églises romanes de France. Au départ, en 917, Ebbe
le Noble, prince de Déols, céda de nombreuses terres
aux religieux. Lui-même s'installa dans un castrum
de l'autre côté de l'Indre pour mieux lutter contre
les invasions hongroises et normandes. Son fils fit encore mieux :
il vécut dans la nouvelle forteresse de Château-Raoul.
À ses pieds, un village se constitua : le futur Châteauroux.
La construction de l'abbaye connut plusieurs étapes jusqu'au
XIVe siècle. À ce titre elle fut un témoin
du mouvement artistique d'où naquit la sculpture gothique
du XIIIe siècle. En 991, le premier édifice est rebâti.
Le chur est consacré par le pape Pascal II en 1107.
Suivent les clochers de la façade ouest, la nef, le transept
et le narthex. En 1211, le clocher de la croisée s'écroule.
Il faudra trente ans pour le rebâtir. Principale pièce
d'une très riche abbaye sur le chemin du pélerinage
de saint Jacques de Compostelle, l'église abbatiale était
immense : 113 m de long, sept clochers, déambulatoire avec
sept chapelles rayonnantes. Plus petite que Cluny, sa maison mère,
elle dépassait néanmoins l'abbatiale de
Saint-Denis (103 m). Entre 250 et 300 personnes y vivaient -
sur deux hectares -, dont une centaine de moines. 150 églises
ou prieurés lui étaient rattachés. Les guerres
de Religion sonnèrent le début de ses malheurs. Puis
survint la sécularisation en 1628 au profit du prince de
Condé. L'abbaye devint une carrière de pierres jusqu'au
XIXe siècle.
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Vestige du dernier clocher de la façade occidentale |
La chambre des cloches dans la tour-clocher et ses fenêtres
romanes |
Modillon du clocher |
Modillon du clocher |
La destruction
de l'abbaye. La guerre de Cent Ans et les guerres
de Religion marquent le début des malheurs de l'abbaye.
Les Protestants s'emparent de Déols à trois
reprises : en 1567, 1569 et 1589. Ils saccagent le monastère
et mettent le feu à l'église abbatiale. Une
partie du chur est détruite, mais, selon les
sources, le clocher de la croisée, le narthex et les
quatre clochers de la façade n'ont pas trop souffert.
Le 16 mars 1628, l'abbaye est sécularisée au
profit du Prince de Condé. Celui-ci en fait une carrière
de pierres. Il faut réparer les domaines du duché
détruits ou endommagés et les paysans s'y emploient.
On ne comptera plus les maisons, fermes, ponts et même
châteaux construits avec les pierres de l'abbaye. Les
sources indiquent que, vers 1643, le clocher central et une
partie des voûtes de la nef n'existaient déjà
plus. En 1673, le narthex était rasé. Comble
d'ironie, la Révolution ne toucha pas aux ruines. À
l'emplacement de l'abbaye, on voyait déjà une
route, des maisons et des jardins.
Au début du XIXe siècle, d'importants vestiges
subsistaient : le porche nord et ses sculptures, les deux
clochers de la façade occidentale, la partie de la
chapelle Notre-Dame des Miracles et le grand escalier de pierre
qui y conduisait.
Source : «Église Saint-Étienne
de Déols», brochure de l'Office du Tourisme.
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En septembre 1844, Prosper
Mérimée passe à Déols
et nous donne un court témoignage de ce qu'il voit
de l'abbaye dans une lettre à Ludovic Vitet, président
de la Commission des Monuments historiques : «J'ai trouvé
Mr Joly [l'architecte Joly-Leterme] au Bourg Dieu près
de Châteauroux. Il y a là une très belle
tour romane, et quelques débris d'église qui
font vivement regretter la perte du reste. On a démoli
en 1830 pour empêcher de tomber. Rien n'eût été
plus facile, m'a-t-on dit, que de restaurer. Aujourd'hui la
tour appartient à la ville, qui ne paraît pas
l'apprécier beaucoup. Il y aurait quelques petites
réparations à y faire, dont il faudra nous charger.
Mr Joly en prépare le devis.»
Source : «La Naissance des Monuments historiques,
la correspondance de Prosper Mérimée avec Ludovic
Vitet (1840-1848)», édité par le Ministère
de l'Éducation nationale, comité des travaux
historiques et scientifiques.
Sachant que les deux clochers de la façade occidentale
étaient encore debout au début du XIXe siècle,
on peut déduire de la lettre de Mérimée
que l'avant-dernière tour a été détruite
en 1830 pour des raisons de sécurité.
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La maquette de l'abbaye au XIIIe siècle
exposée à l'Office de Tourisme de Déols |
La porte d'entrée du clocher et ses sculptures romanes |
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Modillons rieurs sur le clocher |
La maquette. Elle
s'inspire du dessin de Joachim Deviert de 1612 et du
plan réalisé par Jean Hubert et Jacques
Barge en 1924 après une étude minutieuse
du terrain. L'exactitude n'étant pas possible,
la maquette restitue néanmoins l'ampleur des
volumes et donne une idée de l'importance de
l'abbaye Notre-Dame de Déols au XIIIe siècle.
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Maquette de l'abbaye : la façade et ses clochers |
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Colonnette sur la tour-clocher
Sculpture avec emblème du Sagittaire |
Vestige d'arcades gémellées au milieu des fleurs |
Chapiteau à feuillages |
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Chapiteau avec des animaux fabuleux sur le clocher |
Chapiteau : Daniel dans la fosse aux lions |
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Chapiteau de feuillages (XIVe siècle) dans le cloître ou une
salle voisine
Musée Bertrand, Châteauroux |
Chapiteau de la tour-clocher |
Fenêtre romane aveugle avec voussure sculptée |
Le clocher (XIIe siècle) et les emplacements des piliers de
la nef dans le jardin |
Vestige d'arcade gothique au niveau du collatéral nord |
Voussure d'une fenêtre romane sur la tour-clocher |
Les abbayes
en ruine. La campagne anglaise regorge de vestiges
romans ou gothiques des vieilles abbayes d'Outre-Manche. La
Reformation d'Henri VIII a causé leur
perte.
En Angleterre, au XIVe siècle, l'attrait de l'idéal
monastique décline fortement, phénomène
que la Peste noire de 1348 accentuera encore. Seuls quelques
moines vivent dans les abbayes. Les abbés eux-mêmes
ont souvent été conduits, de par leurs obligations
de gestionnaires des lieux, à se séculariser.
Sous Henri VII (1485-1509), on se mit à penser qu'on
pourrait utilement rebâtir le paysage monacal : fermer
les plus petites abbayes et envoyer les moines dans les plus
grandes pour les repeupler. Ceci fut fait en partie. L'Acte
de Suppression des monastères pris par Henri VIII en
1536 s'attaqua aux petites abbayes, qui furent fermées.
Les terres qu'elles possédaient passèrent sous
l'autorité royale. Si le motif officiel était
de lutter contre des lieux présentés comme des
repères du vice, l'Acte fut en fait motivé par
le besoin d'argent. Les envoyés de la Couronne soldèrent
les comptes, renvoyèrent les serviteurs, vendirent
biens et bétails et installèrent de nouveaux
tenanciers. Les métaux précieux, les fournitures
d'autel, les cloches, les plombs servant à la toiture,
tout ce qui avait de la valeur devint propriété
du roi. L'hostilité naquit un peu partout. Et surtout
dans le nord du pays où elle prit la forme du «Pèlerinage
de Grâce», rébellion qui fut réprimée
dans le sang.
Vers la mi-1537, le roi durcit sa politique. Les moines de
moins de 24 ans furent expulsés de toutes les abbayes.
Aux autres il fut interdit de partir. Les moines furent incités
à la délation contre leurs supérieurs,
quitte à inventer... Une période de forte agitation
s'ensuivit. Le but fut rapidement atteint : les abbés
rendirent les lieux à la Couronne les uns après
les autres. Vers octobre 1538, c'était presque au rythme
de vingt monastères par mois! Il n'était plus
question de «réforme» : l'État cherchait
ouvertement à supprimer le monachisme et à renvoyer
les moines à la vie civile avec une pension. Thomas
Cromwell envoya ses agents forcer la main des abbés
réticents, quitte à les exécuter quand
ils s'obstinaient à ne pas rendre leur abbaye... La
dernière à céder fut celle de Waltham
en mars 1540. Après cette date, il n'y eut plus aucun
monastère en Angleterre. À noter que cette absence
allait entraîner la disparition de tous les pèlerinages.
La dévotion des Anglais allait prendre une tournure
nouvelle.
Faisons les comptes : tout ce qui était précieux
avait été confisqué par la Couronne.
Les fournitures d'autel, les habits, les chandeliers avaient
rejoint les coffres royaux. Les cloches avaient été
refondues sous forme de canons dans l'atelier de la Tour de
Londres. Le plomb utilisé pour les charpentes avait
été arraché des toits et souvent refondu
sur place pour en faciliter le transport. Tandis que le bois
des toits était utilisé comme combustible pour
les fours... Privés de toiture et d'entretien, les
bâtiments se délabrèrent rapidement. Évidemment
les villageois des environs vinrent se servir en pierres,
utilisant les monastères comme des carrières.
Et, comme à Déols, on ne compta plus les pierres
utilisées pour les routes et les maisons. D'anciens
cloîtres, ou certaines parties, devinrent des manoirs
ou des églises paroissiales, mais beaucoup restèrent
à l'état de ruines. Néanmoins les quatorze
grandes cathédrales qui étaient desservies par
des moines furent sauvegardées.
Source : «Dissolution of monasteries»,
A Pitkin Guide - ISBN 0 85372 617 5
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Maquette de l'abbaye dans l'Office de Tourisme
Le chevet de l'église abbatiale avec ses sept chapelles rayonnantes |
Vestige du cloître (XIVe siècle) et des galeries couvertes,
ouvertes sur l'espace intérieur (aujourd'hui espace vert) |
Vestige d'arcades avec trace de voûtement
et chapiteau à têtes de feuilles |
Vestiges du cloître (XIVe siècle) |
Chapiteau à tête de feuilles (cloître)
Il symbolise l'incorporation du paganisme
dans l'Église catholique. |
Chapiteaux à tête de feuilles (cloître) |
Chapiteaux à tête d'ange (cloître) |
Les anciens bâtiments religieux
À partir de 1843, ils ont accueilli un orphelinat . En 1973,
la municipalité y installa la maison d'enfants de Déols.
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Un bâtiment ancien de style gothique parmi les vestiges |
Documentation : Feuillet sur l'histoire de
l'abbaye + brochure «L'abbaye Notre-Dame de Déols»
disponible à l'Office du Tourisme |
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