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Avec la cathédrale
et la basilique Saint-Rémi,
l'église Saint-Jacques est la seule église médiévale
de Reims qui soit parvenue jusqu'à nous (avant la Révolution,
on en comptait plus d'une trentaine). Son origine est assez bien
connue. Le quartier de la Couture, où elle se trouve, fut
concédé aux Rémois par l'archevêque Guillaume
de Champagne en 1182 pour y construire des échoppes et
des maisons. Située hors les murs, cette zone se présentait
en fait comme une extension de la ville. Auparavant, c'était
un terrain cultivé sur lequel l'abbaye de Saint-Denis percevait
des dîmes. Pour compenser la perte de revenus, l'archevêque
Guillaume accorda à l'abbaye une rente annuelle de douze
livres.
Saint-Jacques fut évidemment bâtie pour subvenir aux
besoins spirituels de la nouvelle communauté. On sait qu'elle
était déjà en travaux en 1190. On construisit
d'abord le chur,
puis le transept et les deux premières travées de
la nef (appelées «double-travée»).
Le tout fut terminé vers 1200. Enfin vint le reste de la
nef jusqu'à la façade. Selon l'historien Peter Kurmann,
cette partie fut construite en deux temps. Le rez-de-chaussée
fut achevé avant 1235. Après un arrêt des travaux
assez long, la construction reprit vers 1250-1260. Tout porte à
penser que l'édifice était achevé en 1270.
Le style de l'édifice est homogène. On note un aspect
roman évident au premier niveau de la nef (arcades, piliers,
chapiteaux), niveau qui est surmonté par un triforium en
gothique rayonnant (style en vogue au moment de la suite des travaux,
vers 1250-1260). Au XVIe siècle, tout le chur fut détruit
(sans doute pour être agrandi). Les architectes choisirent
le style gothique dans le sanctuaire pour respecter l'harmonie de
l'ensemble quand on le regarde depuis l'avant-nef, mais bâtirent
les chapelles
latérales du chur en style Renaissance. Leur beauté
est aujourd'hui bien mise en lumière par les vitraux modernes
de l'artiste Maria Elena Vieira Da Silva.
En 1854, l'architecte Narcisse Brunette se livra à des réparations
et des reconstructions fort importantes - et dont l'ampleur paraît
aujourd'hui injustifiée. Ainsi, tout le croisillon
nord du transept fut reconstruit en l'agrandissant, la croisée
refaite et la double-travée adjacente, altérée
; d'autres éléments voisins furent reconstruits à
l'identique. Au cours du premier conflit mondial, l'église
eut beaucoup à souffrir. En 1920, l'architecte Henri Deneux
y mit au point sa technique de couvrement de la nef en éléments
de ciment armé. Cette technique fut ensuite utilisée à
grande échelle à la cathédrale.
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Vue d'ensemble de la nef de l'église Saint-Jacques.
Le premier niveau date du tout début du XIIIe siècle,
les niveaux supérieurs sont de la seconde moitié de
ce même siècle. |
La façade occidentale de l'église.
Pour l'historien Peter Kurmann, avec son immense pan de mur
terminé
par trois pignons, elle est unique dans la France septentrionale. |
Sculptures florales au-dessus d'un pilier du portail nord (XIIIe
siècle). |
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La partie centrale de la façade illustre un thème
typiquement rémois :
deux niches situées entre les trois portails (aménagement
reproduit à Saint-Rémi).
En 1827, on a placé les trois statues que l'on voit dans
les niches :
saint Jacques est entouré de saint Jean l'Évangéliste
et de saint Pierre. |
Saint Jean l'Évangéliste et son aigle dans
une niche de la façade.
Statue installée en 1827. |
Saint Jacques dans la niche centrale
de la façade.
Statue installée en 1827. |
«««---
À GAUCHE
Le portail nord date
du XIIIe siècle. |
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Sculptures florales au-dessus d'un pilier du portail nord
(premier tiers du XIIIe siècle). |
Le chevet de Saint-Jacques a été entièrement
reconstruit au XVIe siècle. |
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Plan de l'église Saint-Jacques |
Les
chapiteaux de Saint-Jacques.
Les chapiteaux du premier niveau de la nef, comme celui
donné ci-contre en (1), méritent un commentaire.
Il faut d'ailleurs leur ajouter ceux de la façade
occidentale vus plus haut. Si l'on suit la terminologie
de l'historienne Denise Jalabert, cette famille de chapiteaux
appartient au type de la «flore généralisée»
de la première moitié du XIIIe siècle.
L'historien Peter Kurmann précise dans son article
sur Saint-Jacques dans la revue du Congrès
archéologique tenu en Champagne en 1977 :
«La plupart d'entre eux sont décorés
de feuilles à larges tiges s'enroulant en des
crochets en grande majorité épanouis.
D'autres feuilles plus petites se collent sur les larges
tiges dans une rangée qui prend naissance au-dessus
de l'astragale.» (L'astragale est la moulure
qui sépare le chapiteau et le fût du pilier).
Le chapiteau donné dans la photo ci-contre en
(2) appartient aussi à cette catégorie
bien qu'on y voie des fleurs sculptées sans ordonnancement
particulier et avec des pétales qui ressortent
nettement. Notons que cet aspect reflète d'ailleurs
très bien le côté sauvage de la
nature. La thèse de Denise Jalabert, exposée
dans son ouvrage La Flore sculptée des monuments
du Moyen Âge en France, paru en 1965, a suscité
maintes critiques. Il semble en effet hors de portée
des historiens d'ordonner les sculptures de chapiteaux
médiévaux selon un système chronologique
ou de les classer par école. Il y a trop d'inconnus
dans les noms des sculpteurs et les dates. Seul un rangement
par famille de fleurs et de feuilles peut être
tenté.
|
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Le clocher est surmonté d'un lanternon construit pour
remplacer la flèche abattue par un ouragan en déc.
1711.
Il a été à nouveau détruit en 1918
et refait. |
Le Baptême de Clovis.
Vitrail historié datant de 1933.
Atelier Jacques Simon, Reims. |
Statue moderne
de la Vierge à l'Enfant. |
1 : Chapiteau à thème floral sur les colonnes
jumelles de la nef.
Son type artistique a été appelé
«flore généralisée». |
Clé de voûte du XIIIe siècle
dans un collatéral. |
2 : Chapiteau à thème floral sur les colonnes
jumelles de la nef. |
Clé de voûte du XIIIe siècle dans
un collatéral. |
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Élévations sud de la nef (XIIIe siècle). |
L'élévation
sud de la nef. Les deux travées les plus
à gauche sont appelées «double-travée».
Elles auraient été achevées vers 1210.
La pile qui divise en deux cette double-travée est
la seule pile faible de l'église (la partie en vis-à-vis,
qui est au nord, a été entièrement refaite
et transformée en 1854 par l'architecte Narcisse Brunette).
Les cinq autres travées (la cinquième à
droite sort du cadre de la photo)
|
ont été construites
entre 1210 et 1230. L'alternance pile forte - pile «faible»
n'a plus qu'un intérêt artistique puisque la
voûte au-dessus de ces travées est quadripartite.
L'alternance vise en quelque sorte à répéter
le schéma artistique de la double-travée, notamment
en adoptant un dessin différent pour les colonnettes
selon qu'elles sont fixées sur une pile faible ou une
pile forte.
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Chapiteau du triforium
Vers 1250-1270. |
Chapiteau du triforium
Vers 1250-1270. |
L'histoire
de la nef médiévale. Les cinq
travées occidentales de Saint-Jacques ont donné
lieu à des interprétations contradictoires.
Elles ont été construites en deux fois
: d'abord le rez-de-chaussée, qui possède
un indéniable cachet roman, puis le triforium,
en gothique rayonnant et la voûte. On constate,
sur la photo ci-dessus de l'élévation
sud, une alternance de piles fortes et de piles «faibles»
(les colonnes doubles jouent le rôle des piles
faibles, mais n'en sont pas). On en déduit, de
prime abord, que le plan prévoyait une voûte
sexpartite. On sait pourtant que la voûte construite
dans la deuxième moitié du XIIIe siècle
était quadripartite (dite «à plans
barlongs»), rendant inutile l'alternance fort-faible.
Que s'est-il donc passé?
Une première interprétation nous est donnée
par l'architecte Louis Demaison dans son article
sur l'église Saint-Jacques rédigé
à l'occasion du Congrès archéologique
tenu à Reims en 1911. Celui-ci écrit :
«Vers le début du XIVe siècle eut
lieu une reconstruction partielle ; on refit l'étage
supérieur du portail, les murs, les fenêtres,
le triforium et les voûtes des cinq premières
travées de la nef.» Ce qui signifie, ni
plus ni moins - et l'historien Peter Kurmann le souligne
- que toute la nef aurait été achevée
au début du XIIIe siècle, voûte
sexpartite comprise. On ne voit pas pourquoi la fabrique
de l'église aurait dissipé ses fonds dans
le simple plaisir de changer partiellement l'architecture.
Aucun ouragan destructeur n'étant signalé
dans les relations, il n'y avait pas de réparations
importantes à apporter. Et le procédé
visant à modifier une large partie de l'édifice
pour le plaisir, après un laps de temps aussi
court, ne s'est jamais rencontré. Dans son article
sur Saint-Jacques, écrit lors du Congrès
archéologique tenu en Champagne en 1977,
l'historien Peter Kurmann contredit son collègue
avec diplomatie : «Je crois que les choses se
passèrent différemment, écrit-il.
Pour quelles raisons les parties élevées
à plus de ---»» Suite 2/2
|
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---»» (2/2)
deux tiers de la nef auraient-elle été démolies?»
Kurmann rappelle qu'il n'y a pas de trace de «soudure»
architecturale dans la liaison entre la cinquième et
la «sixième» travée, c'est-à-dire
là où l'on pourrait s'attendre à voir
une rupture de la construction. Il opte donc pour un arrêt
des travaux - ce qui est hautement probable compte tenu des
difficultés habituelles de financement. Les étapes
s'échelonnent alors de manière logique. Une
fois terminée la double-travée (travées
6 et 7 près du transept), sous l'influence des avancées
architecturales, on change les plans pour adopter une voûte
à plans barlongs (quadripartite). Puis on élève
«les grandes arcades et les collatéraux sur toute
la longueur de la nef, probablement de l'est à l'ouest,
y compris le rez-de-chaussée de la façade»
(Kurmann). Cette construction a dû se terminer vers
1235 au plus tard. Notons que les piles faibles doivent impérativement
être remplacées par des piles quasi fortes afin
de soutenir la nouvelle forme de voûte prévue
- d'où la présence de colonnes doubles alternant
avec les grosses piles rectangulaires. On remarquera que l'alternance
fort-faible a été appliquée dans le dessin
des colonnettes, selon le schéma de la double-travée
(départ du sol ou départ du chapiteau), ceci
afin d'assurer l'homogénéité de la nef
et son harmonie.
Relevant les particularités artistiques du deuxième
niveau, Kurmann écrit que les niveaux supérieurs
n'ont pas pu être élevés avant 1250-1260.
Ainsi, une fois bâtis les arcades et les collatéraux,
l'activité du chantier aurait cessé pendant
vingt à trente ans. (Pour que le culte pût avoir
lieu, il suffisait de couvrir les travées occidentales
d'une toiture provisoire.) L'intervalle 1250-1260, donné
par Kurmann pour la reprise des travaux, se trouve confirmé
par les formes du triforium et le décor végétal
des chapiteaux. Le style roman imprègne le premier
niveau, mais, au-dessus, c'est un gothique rayonnant arrivé
à maturité qui est à l'honneur. Le triforium
est ainsi une succession de baies à quatre arceaux
trilobés. Quant au style floral des chapiteaux, il
a lui aussi évolué. Peter Kurmann écrit
à ce sujet : «Les tailloirs polygonaux
|
et reculés par rapport au
feuillage, leurs feuilles en grande partie serrées
et aux surfaces souvent boursouflées les font comparer
aux chapiteaux des quatre travées occidentales de la
cathédrale
de Reims qui doivent être datées de la seconde
moitié du XIIIe siècle». On peut voir
ci-dessus deux exemples de ces chapiteaux en gothique rayonnant.
Conséquence : compte tenu de la reprise au XIXe siècle
de la double-travée nord par Narcisse Brunette, la
seule pile faible (et réellement faible) visible dans
l'église Saint-Jacques est la colonne centrale de la
double-travée méridionale, donnée ci-contre
à droite.
Récapitulons à présent les différentes
étapes de la construction médiévale et
Renaissance de l'église :
vers 1183 - avant
1200 : construction du chur et du transept sur le terrain
de la Couture concédé par l'archevêque
;
1200-1210 : construction
de la double-travée adjacente au transept (en quelque
sorte les 6e et 7e travées) ;
changement de projet
pour la voûte des cinq travées restantes qui
sera quadripartite et non plus sexpartite ;
1210 - avant 1235
: construction du rez-de-chaussée de la nef (les cinq
travées restantes) avec reprise, pour les colonnettes
engagées, du schéma adopté dans la double-travée
(afin de respecter l'harmonie de l'ensemble) ;
arrêt des travaux
(1235 - après 1250) ;
après 1250
jusqu'à 1270 : construction des étages supérieurs
des cinq travées de la nef et de leur voûte quadripartite
;
XVIe siècle
- jusqu'à 1548 : destruction du chur, puis construction
d'un nouveau chur gothique avec ajout de chapelles latérales
Renaissance.
Sources : 1) Congrès archéologique
de France, 78e session, Reims, 1911, article de Louis
Demaison ; 2) Congrès archéologique de France, 185e
session, Champagne, 1977, article de Peter Kurmann.
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Pile faible dans la double-travée méridionale.
C'est la seule pile réellement faible qui subsiste
dans l'église actuelle après la décision
de passer à une voûte quadripartite au-dessus
des cinq travées ouest qu'il restait à construire (décision
prise après 1210).
Le style est du XVIe siècle : la pile a donc été
reprise en sous-uvre à cette époque. |
Quatre illustrations du baptême (moderne, Clovis, un catéchumène
des premiers siècles et le Christ).
Vitraux de l'atelier rémois Jacques Simon datés de 1933.
On peut les voir au-dessus d'un local attenant à la nef. |
Les vitraux
de l'église Saint-Jacques. Les vitraux actuels
de l'église forment trois groupes distincts : ceux
de 1933 (donnés ci-dessus) réalisés par
l'atelier rémois Jacques Simon, auxquels il
faut rajouter le vitrail de Jésus
prêchant, donné
plus bas) ; ceux réalisés par le peintre tchèque
Joseph Sima, puis par Maria Elena Vieira Da Silva
dans les années 1960 et 1970 (ils ornent l'abside et
les chapelles latérales du chur) ; enfin les
vitraux (assez pauvres) de la nef réalisés par
Benoît Marq au début du XXIe siècle.
Tous ces artistes ont uvré au sein de l'atelier
Simon à Reims.
L'un des clous de la vitrerie de l'église, c'est sans
aucun doute la création de Maria Helena Vieira da Silva
dans les chapelles qui encadrent le chur. De grandes
photos de ces chapelles sont données dans cette
page. On pourra juger comme les verrières, qui semblent
elles-mêmes reproduire la structure des vieilles pierres,
s'intègrent à merveille dans l'ensemble, accroissant
d'ailleurs l'atmosphère de méditation de l'endroit.
Le point négatif est qu'elles sont assez sombres et
l'on se doute qu'elles laissent passer très peu de
lumière. Il n'est guère possible de s'en rendre
compte car des projecteurs éclairent les chapelles
presque en permanence (voir les différentes photos
proposées).
On sait que l'église Saint-Jacques a beaucoup souffert
de la première guerre mondiale. Mais qu'en était-il
de ses vitraux avant 1914? Dans son article sur Saint-Jacques
paru dans la revue du Congrès archéologique
tenu à Reims en 1911, l'historien Louis Demaison rapporte
qu'il y avait des vitraux anciens épars dans les
|
diverses fenêtres de l'église.
Néanmoins, seules les trois fenêtres hautes de
l'abside avaient conservé leurs vitraux complets du
XVIe siècle. Il en donne la description.
Dans la fenêtre centrale (là où Joseph
Sima a créé une grande
croix blanche à cheval sur les deux panneaux),
le panneau de gauche illustrait la fontaine de vie : «le
Christ en croix, dont le sang est recueilli dans une vasque
placée à ses pieds» (Demaison). De part
et d'autre se tenaient Marie-Égyptienne portant trois
pains et Marie-Madeleine qui tenait un vase de parfums. Le
panneau de droite accueillait une Résurrection avec
des gardes vêtus d'une armure du XVIe siècle.
Les deux panneaux de la fenêtre de droite illustraient
des sujets de l'Ancien et du Nouveau Testament : Moïse
sur le Sinaï, le Serpent d'airain, Jésus au milieu
des docteurs et la Multiplication des pains. Dans la fenêtre
gauche était représenté le martyre d'un
saint que Louis Demaison n'est pas parvenu à identifier.
Il précise qu'on y trouvait ce qu'on peut regarder
comme des éléments traditionnels de l'iconographie
: un chevalet, les pieds du martyr chargés de meules,
le bourreau, le prince qui préside à l'exécution,
son sceptre à la main. Dans une autre scène,
le saint est décapité. On trouvait ensuite le
donateur, sa femme et ses trois filles, accompagnés
de leurs saints patrons. Enfin, au pied du chef de famille,
on pouvait voir un blason appartenant à la famille
de Thumery.
Source : Congrès
archéologique de France,
78e session, Reims, 1911, article de Louis Demaison sur l'église
Saint-Jacques.
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Le collatéral nord vu de l'entrée.
On observe l'alternance des piles fortes (rectangulaires) et des piles
«faibles» (colonnes gémellés).
À DROITE ---»»»
Clé de voûte du XIIIe siècle dans un collatéral. |
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Chemin de croix moderne
Station 1 : Jésus est condamné. |
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Voûte des cinq travées occidentales.
Leur dessin à plan barlong date de la deuxième moitié
du
XIIIe siècle, après le changement de plan intervenu
vers 1210.
|
Collatéral sud érigé au début du XIIIe
siècle.
Il est éclairé par les vitraux modernes de Benoît
Marq créés vers 2010. |
Jésus prêchant à ses disciples
Vitrail de l'atelier rémois Joseph Simon, 1933. |
Élévations de la double travée méridionale
(avant 1210).
L'histoire de cette double-travée est développée
dans l'encadré ci-contre. |
Chapiteaux à thème floral.
Ce style correspond à la deuxième moitié
du XIIIe siècle. |
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Triforium à quatre baies en tiers-points dans la double-travée
méridionale (avant 1210). |
Une
curiosité architecturale de l'église Saint-Jacques
: la double-travée méridionale.
Même si le visiteur ne s'en doute pas quand il
rentre dans l'église, il y a une partie de l'architecture
qui mérite son attention : c'est la double-travée
au sud (elle tient en fait la place des travées
6 et 7 si l'on compte en partant de l'avant-nef). Avec
le transept sud, la double-travée (donnée
ci-contre à gauche) est la partie la plus ancienne
de l'édifice. Pour l'historien Peter Kurmann,
elle a dû être érigée avant
1210. La double-travée est surmontée d'une
voûte sexpartite, datée de la même
époque, qui n'a été que peu retouchée
en 1854 par l'architecte de la ville de Reims, Narcisse
Brunette. La partie la plus intéressante de cette
double-travée est son triforium. Une photo
en est proposée ci-dessus, tandis qu'une photo
du triforium des autres travées, construites
après 1250, est donnée ci-dessous.
Le triforium de la double-travée est constitué
de quatre arcades par travée. On s'aperçoit
tout de suite que les deux arcades du milieu sont posées
en retrait par rapport aux arcades latérales
- alors que, dans le triforium qui sera construit après
1250, les arcades sont alignées. Les deux arcades
du milieu constituent une sorte de «panneau reculé»
(Kurmann) qui correspond, en largeur et en profondeur,
à l'embrasure de la fenêtre haute. Il est
clair que les baies de la double-travée sont
plus belles que celles qui suivront après 1250.
C'est pourquoi des considérations esthétiques
s'imposent. Le pourtour de la fenêtre haute est
mis en exergue par un élégant arc qui
naît au niveau de la corniche surplombant le triforium.
Cet arc est inexistant ailleurs, ce qui appauvrit l'aspect
des fenêtres hautes dans les cinq travées
post-1250. Au niveau des deux arcades centrales de la
double-travée, l'architecte n'a pas lésiné
sur les moyens pour embellir ce qui aurait dû
être le schéma général de
l'harmonie de l'église. En effet, une petite
pile avec chapiteau sépare de chaque côté
le «panneau reculé» des arcades latérales.
On a ainsi deux piles, de diamètre différent
et avec chapiteau, qui sont juxtaposées. Tous
les chapiteaux sont au même niveau, y compris
ceux qui reçoivent les retombées des voûtes.
Pour ce faire, ces retombées plongent littéralement
sur le triforium. L'effet esthétique global ainsi
créé est tout à fait séduisant.
À l'opposé, le triforium des cinq travées
post-1250 (ci-dessous) paraît sortir d'un catalogue
de prêt-à-construire. Ses quatre arceaux
en tiers-point à redents trilobés et ses
chapiteaux à feuilles resserrées paraissent
bien standardisés en face de la maîtrise
architecturale du concepteur du triforium à «panneau
reculé».
L'historien Peter Kurmann nous apprend que c'est à
l'église Notre-Dame-en-Vaux de Châlons-en-Champagne
que fut construite pour la première fois toute
une nef avec ce fameux «panneau reculé».
Dans un article de 1966 sur cette même église,
l'historienne Anne Prache défend l'idée
selon laquelle les travaux dans cette dernière
église se situeraient bien avant 1183. À
Saint-Jacques, un détail sur les moulures du
triforium pousse Peter Kurmann à penser que l'architecte
connaissait Notre-Dame-en-Vaux.
A priori, rien n'empêchait les maîtres d'uvre,
après 1250, de réutiliser ce schéma
esthétique de «panneau reculé»
pour le triforium des cinq travées suivantes.
S'ils ne l'ont pas fait, c'est probablement pour une
question de coût.
Sources : Congrès archéologique
de France, 185e session,
Champagne, 1977, article de Peter Kurmann.
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Triforium à quatre arceaux et à redents trilobés
dans la nef.
Style gothique rayonnant. |
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Le transept et son grand oculus qui reçoit un vitrail moderne.
Le croisillon nord a été intégralement refait
en 1854. |
La nef vue depuis le chur. |
LE CHUR
CONSTRUIT EN GOTHIQUE RAYONNANT À L'ÉPOQUE DE
LA RENAISSANCE |
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Le chur de Saint-Jacques a été construit en style
gothique au début du XVIe siècle.
Ce style, dépassé à l'époque, permettait
s'aligner sur le style gothique de la nef.
Les vitraux des fenêtres hautes sont de Joseph Sima (XXe siècle).
|
Le Baptistère est placé derrière le chur,
au sein d'une architecture gothique. |
Arcades en gothique flamboyant dans le chur
(début du XVIe siècle).
Au XVIe siècle, le style Renaissance a été rejeté
pour l'abside afin qu'il ne vienne pas
heurter l'aspect architectural en gothique rayonnant de la nef. |
Le chur de l'église Saint-Jacques a été
édifié au XVIe siècle.
Par souci d'harmonie de l'ensemble vu depuis la nef, les constructeurs
ont opté pour le style gothique flamboyant, bien que le triforium
du chur soit plus proche du gothique rayonnant.
L'architecte s'est néanmoins permis quelques libertés
sur les intrados (qu'on ne voit pas depuis la nef) en y sculptant
une structure en caissons typique de la Renaissance. |
Élévations nord du chur. |
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Le Christ en croix dans le chur.
Statue moderne. |
Arceaux trilobés dans le triforium du chur (gothique
rayonnant). |
Chapiteaux dans le triforium du chur (construit au XVIe siècle). |
LA CHAPELLE ABSIDIALE
SUD DE STYLE RENAISSANCE (XVIe SIÈCLE) |
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La chapelle absidiale sud et le chur.
Les arcades en plein cintre qui font communiquer la chapelle et le
chur sont garnies, à leur intrados,
de caissons sculptés en relief, décorés de fleurons
et de pointes de diamant. |
Vitrail moderne dans la chapelle absidiale sud
créé par Maria Elena Vieira Da Silva,
Atelier Simon à Reims, années 1970. |
La chapelle absidiale sud et son atmosphère féerique
(XVIe siècle).
Les voûtes retombent sur des colonnes corinthiennes qui reprennent
le parti des piles faibles de la nef (colonnes jumelles).
Les vitraux de Maria Elena Vieira Da Silva (années 1970) s'insèrent
fort bien dans les vieilles pierres,
mais ils sont assez opaques. Que donnerait la photo sans l'éclairage
artificiel ? |
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CI-DESSUS
Arcature à coquilles Renaissance
dans la chapelle absidiale sud.
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«««---
À GAUCHE
Sculpture Renaissance d'un angelot
sur un pilier séparant le chur et la chapelle. |
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Vitrail moderne dans la chapelle absidiale sud
créé par Maria Elena Vieira Da Silva,
Atelier Simon à Reims. |
LA CHAPELLE ABSIDIALE
NORD DE STYLE RENAISSANCE (XVIe SIÈCLE) |
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La chapelle absidiale nord.
L'ornementation des fenêtres est plus raffinée que dans
la chapelle sud.
Le millésime « 1548» est gravé sur la deuxième
arcade qui sépare la chapelle du chur. |
Clé pendante avec tête de chérubin
dans la chapelle absidiale nord.
Milieu du XVIe siècle. |
Coquille Renaissance dans une arcade de la chapelle absidiale nord. |
Vue d'ensemble de la chapelle absidiale nord depuis l'autel annexe.
Cette chapelle bénéficie d'une ornementation plus élaborée
que le chapelle sud. |
Coquille Renaissance avec tête de chérubin
dans une arcade de la chapelle absidiale nord. |
Statue moderne de saint Joseph
au sein d'un ancien autel Renaissance.
Chapelle absidiale nord. |
Vitrail moderne dans la chapelle absidiale nord
créé par Maria Elena Vieira Da Silva,
Atelier Simon à Reims. |
Ornementation Renaissance
dans l'intrados d'une fenêtre
Chapelle absidiale nord. |
Statue de la Vierge à l'Enfant dans la chapelle absidiale nord. |
Saint Joseph dans l'autel Renaissance. |
Vitrail moderne dans le chur. |
«««--- À
GAUCHE
Cette statue moderne de la Vierge à l'Enfant paraît
bien commune, mais il faut reconnaître que, placée
devant un vitrail de Maria Elena Vieira Da Silva représenté
en gros plan, elle acquiert un cachet certain.
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LA CHAPELLE ANNEXE
OU SACRISTIE |
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Vue d'ensemble de la sacristie avec sa pièce maîtresse
: le Christ en croix de Pierre Jacques de Reims (1596). |
L'orgue de tribune est moderne. |
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Le Christ en croix
uvre en bois attribuée au sculpteur Pierre Jacques
de Reims (1596). |
Le visage du Christ mort dans l'uvre de Pierre Jacques
de Reims. |
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Vue de la nef et de l'orgue de tribune depuis le chur. |
Documentation : Dictionnaire des églises
de France, tome V, éditions Robert Laffont
+ Congrès archéologique de France, 78e session, Reims,
1911, article de L. Demaison
+ Congrès archéologique de France, 185e session, Champagne,
1977, article de Peter Kurmann. |
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