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La Bastide est un quartier de Bordeaux
qui ne fait pas partie de la ville historique. Pendant des siècles,
aucun pont ne reliait cette étendue isolée de la rive
droite à la grande ville de la rive gauche. Sous le Premier
Empire, enfin, un décret impérial de juin 1810 ordonna
la construction du pont de pierre pour franchir le fleuve
sur un demi-kilomètre. L'inauguration de cet important ouvrage
d'architecture, soumis à péage jusqu'en 1861, eut
lieu le 1er mai 1822. La Bastide était enfin reliée
à Bordeaux.
Elle intégra administrativement la grande ville en 1865.
Dès les années 1830, l'architecte Bordes y avait érigé
une chapelle néo-classique. Fait majeur : c'est dans le quartier
de la Bastide qu'on construisit la gare Bordeaux-Orléans,
qui desservait Paris. Cela entraîna une multiplication des
entreprises et un essor rapide de la population. La chapelle ne
suffisait plus. En 1860, on arrêta le projet d'une nouvelle
église. Un projet qui fut confié à l'architecte
Paul Abadie.
Ce n'était pas une affaire simple : le sol tourbeux devait
être stabilisé et le poids d'un haut clocher rendait
obligatoire la consolidation des sols. Abadie décida de désolidariser
nef et clocher. La construction commença en 1863. Le projet
d'ensemble était un monument d'allure gothique, avec pinacles
et gargouilles, mais avec des baies en plein cintre rappelant l'art
roman. Une très haute flèche devait coiffer le clocher.
Une fois les sols renforcés, Abadie modifia la terminaison
de ce clocher : ce sera un grand bulbe élancé couronné
d'un lanternon sur colonnettes.
Dix ans plus tard, en 1876, les fondations s'étaient tassées
lentement. Paul Abadie dut remplacer la voûte en berceau prévue
à l'origine, trop lourde, par une charpente apparente, en
forme de coque de navire inversée. Cette voûte est
actuellement décorée de peintures
à l'italienne.
L'église, de 65 mètres de long, a été
inaugurée en décembre 1883 sous le vocable de Sainte-Marie
de l'Immaculée Conception. Bien qu'elle soit globalement
d'aspect néo-roman, son style demeure assez hétéroclite
: le roman, le gothique et l'art Renaissance s'y côtoient.
À noter la présence de quelques peintures murales
dans les chapelles absidiales, notamment une Mort
de Joseph et une Apparition
du Sacré-Cœur à Marguerite-Marie Alacoque.
Tous les vitraux
sont l'œuvre de l'atelier Édouard Didron dans les années
1880.
Le chevet étant dirigé vers le nord-ouest, ce sont
le nord et le sud liturgiques qui sont utilisés dans cette
page.
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L'église Sainte-Marie-de-la-Bastide vue depuis l'entrée.
Longueur : 65 mètres. Hauteur sous voûte : 20 mètres. |
ASPECT EXTÉRIEUR
DE L'ÉGLISE SAINTE-MARIE |
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L'église Sainte-Marie-de-la-Bastide et son imposant clocher. |
Le côté nord et sa suite de chapelles latérales.
Les gargouilles gothiques prévues dans le premier
projet d'Abadie n'ont jamais été réalisées. |
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L'église vue depuis le chevet néo-roman.
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Architecture
extérieure (1/2).
Seul le clocher possède une histoire intéressante.
Lorsqu'il est désigné pour bâtir
l'église, Paul Abadie prévoit d'élever,
en façade, un clocher porche terminé
par une très haute flèche.
La construction, sur un sol tourbeux et instable,
commence en 1863. Deux ans plus tard, les fondations
sont achevées avec la pose des socles.
Pour contrer l'instabilité du sol, l'architecte
désolidarise le clocher de la nef.
Les arcades de la nef s'élèveront
sur des arcs appareillés renversés.
Après tassement de cette structure superficielle,
Abadie décide d'élever le clocher
sur une base de 136 pieux profondément
enfoncés dans le sol. En 1867, il change
le dessin du clocher : plus de flèche,
mais un grand bulbe élancé couronné
d'un lanternon sur colonnettes.
Pour Robert Coustet et Marc Saboya (Bordeaux,
le temps de l'histoire, Mollat, 1999), cette
couverture est le fruit des recherches de l'architecte
sur le dôme et la coupole des édifices
romans qu'il dessine ou restaure. En 1866, Abadie
a essuyé un échec avec le couronnement
curviligne de l'église Saint-Ausone à
Angoulême : pour non-conformité avec
le projet initial, il a dû le démolir
! ---»» Suite ci-dessous.
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Le bulbe est couvert d'un appareillage en écailles.
Le clocher culmine à 49 mètres de hauteur. |
Architecture
extérieure (2/2).
---»» Ce haut bulbe est en quelque sorte
la revanche d'un homme qui voulait s'écarter
des modèles archéologiques traditionnels
et inventer des formes originales.
«L'appareillage en écailles renvoie à
l'art roman local, ajoutent nos deux auteurs, et évoque
les coupoles à extrados en couverture de l'architecture
byzantine.»
Abadie compose les formes (roman, gothique, byzantin)
et renouvelle. Il incorpore dans le néo-roman
de Sainte-Marie une «flèche bulbeuse»
(selon sa propre expression), c'est-à-dire, soulignent
Robert Coustet et Marc Saboya, l'image prestigieuse
du dôme.
Les deux auteurs concluent : «En produisant une
forme nouvelle à partir d'une synthèse
architecturale, il réussit là où
le néo-gothique avait échoué.»
Opinion qu'on est libre de ne pas partager...
En 1875, le Conseil municipal de Bordeaux
reconnut qu'Abadie n'avait pas réalisé une copie servile
du roman ou du gothique, mais n'a pas semblé très enthousiaste
non plus. «Nous ne blâmons point ces efforts de
l'artiste pour donner à son œuvre un caractère nouveau
de personnalité», est-il écrit dans un rapport
de séance. Formule aimable qui cache en fait un désaccord
exprimé par la phrase creuse qui la suit : «Les
œuvres de copie ou de reproduction, où l'on s'astreint
à un rigoureux archaïsme, ne sont que des fantaisies
qui ne trompent jamais personne.» On se console
comme on peut...
Source : Bordeaux, le
temps de l'histoire, Architecture et urbanisme au XIXe
siècle (1800-1914) de Robert Coustet et Marc Saboya,
éditions Mollat, 1999.
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Sur la façade, sainte Marie est entourée des saints et des
saintes auxquels sont dédiées six des églises de Bordeaux.
De gauche à droite : saint Seurin, sainte Eulalie, saint Pierre, saint
André, sainte Foi et saint Martial.
En 1952, dans son ouvrage Les églises de Bordeaux, l'abbé Brun
indique qu'il y a, au premier niveau du clocher,
25 statues représentant les apôtres et les saints. Elles sont toutes
l'œuvre du sculpteur Mora. |
LA NEF DE L'ÉGLISE
SAINTE-MARIE |
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Vitrail du bas-côté sud : saint Jean, sainte Véronique et saint
Luc.
Atelier Édouard Didron, années 1880. |
Chapelle latérale nord du Souvenir. |
Gédéon, détail.
Atelier Édouard Didron, années 1880. |
Les
vitraux de l'église Sainte-Marie-de-la-Bastide.
Tous les vitraux ont été créés
par l'atelier Édouard Didron. Datés
des années 1880, leur style est typique de l'art
du vitrail français de la fin du XIXe siècle.
Deux vitraux sont historiés : Adam et Ève
devant la Vierge (ci-dessous) et la
Vierge, secours des affligés. Ce dernier
vitrail présente la Vierge devant un beau
camaïeu de gris, riche de châteaux médiévaux
et d'églises.
Tous les autres vitraux sont consacrés à
des personnages de l'Ancien Testament (Moïse,
Salomon,
Rebecca,
Marie l'Égyptienne, Bethsabée,
Judith,
etc.) et du Nouveau Testament (saint
Luc, sainte
Véronique, saint
Jean-Baptiste, Sainte
Marie, etc.). On peut y ajouter quelques figures
de saints et de martyrs (saint
Augustin, sainte
Agnès).
Les vitraux sont regroupés par trois dans les
chapelles latérales de la nef ainsi que dans
le chœur.
Les sept pans de l'abside reçoivent, quant à
eux, sept vitraux illustrant les membres, pris isolément,
de la famille élargie du Christ : Sainte
Marie Mère de Dieu ; saint
Joseph ; Anne
et Joachim,
parents de Marie ; Élisabeth
et Zacharie,
parents de saint
Jean-Baptiste. Les six vitraux latéraux de
l'abside convergent vers le vitrail axial dédié
à la Vierge
Marie.
Un panneau dans l'église indique la disposition
des vitraux de la nef :
- au nord liturgique, les patriarches, les prophètes
et les personnages de l'Ancien Testament ;
- au sud liturgique, les saints et les saintes du Nouveau
Testament.
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La Vierge avec Adam et Ève.
Atelier Édouard Didron, 1883. |
La Vierge avec Adam et Ève, detail.
Selon une image familière, la Vierge écrase le serpent. |
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Lieu de dévotion dédié à saint Antoine
de Padoue. |
Sainte Agnès, détail. |
Saint Augustin tenant son ouvrage La Cité de Dieu,
détail. |
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Vitrail du bas-côté nord : Bethsabée, Salomon et Judith.
Atelier Édouard Didron, années 1880. |
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Le bas-côté nord vu depuis l'ouest liturgique. |
Vitrail du bas-côté nord : Rebecca, Moïse et Marie l'Égyptienne.
Atelier Édouard Didron, 1883. |
Moïse, détail. |
La Vierge, secours des affligés, détail, 1883.
L'atelier Édouard Didron a représenté la Vierge
devant une féérie de châteaux médiévaux
et d'églises. |
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La Vierge, secours des affligés.
Atelier Édouard Didron, 1883. |
Rebecca, détail. |
Judith, détail. |
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LE CHŒUR ET LES CHAPELLES ABSIDIALES NORD ET SUD |
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Le chœur de l'église Sainte-Marie-de-la-Bastide et la chapelle
absidiale nord dédiée à la Vierge.
Pour répondre aux préceptes de Vatican II, un autel de messe et son
estrade ont été installés dans les deux dernières travées de la nef. |
Chapelle absidiale nord de la Vierge. |
Chapelle absidiale sud du Sacré-Cœur. |
La Mort de saint Joseph.
Peinture murale d'Abel Terral (1811-1886). |
L'Apparition du Sacré-Cœur à Marguerite-Marie Alacoque.
Peinture murale d'Abel Terral (1811-1886). |
Le chœur de l'église Sainte-Marie-de-la-Bastide possède une travée
droite prolongée d'une abside à sept pans.
L'orgue de l'église, du facteur Wenner, est installé
dans le chœur.
La fragilité du sous-sol interdisait de placer un orgue sous le clocher.
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Le niveau médian de l'abside est une succession de petits
pilastres corinthiens. |
Architecture
de l'abside - les choix de Paul Abadie.
L'architecte a coupé l'élévation de l'abside en trois
niveaux, réservant le niveau supérieur aux vitraux présentant
sainte Marie et sa famille.
La photo ci-contre à droite montre qu'Abadie a fermé
l'abside avec le même type de piles que dans la nef.
On y retrouve les deux niveaux de deux colonnettes en
délit.
En revanche, les pans sont séparés les uns des autres
par une simple colonnette surmontée d'un chapiteau floral.
Si l'on y ajoute le nu des fenêtres, on voit qu'Abadie
a réservé au bandeau médian de l'élévation la décoration
sculptée. La photo ci-dessus montre, dans ce bandeau
en retrait, une succession de pilastres à chapiteaux
corinthiens surmontés d'une large frise florale. Au
bas des pilastres, un ruban en saillie parachève l'ornementation.
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Détail de la décoration du chœur (chapiteau
au sud-est liturgique). |
Anne
et Joachim (vitraux donnés ci-dessous).
Si l'architecte Paul Abadie cherchait des formes originales,
il n'en était pas de même avec le verrier Édouard Didron.
Ses verrières s'inscrivent toujours dans le style
fin XIXe siècle le plus pur.
Anne et Joachim, les parents de Marie, sont ainsi représentés,
comme c'est la tradition, avec les offrandes qu'ils
destinaient au Temple : une colombe et un agneau. Offrandes
refusées par le grand-prêtre parce que le couple n'avait
pas d'enfant.
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Saint Joseph, vitrail de l'abside. |
Détail de l'élévation sud du chœur. |
Saint Zacharie, père du Baptiste.
Vitrail de l'abside. |
Saint Jean-Baptiste.
Vitrail de l'abside. |
Sainte Élisabeth, mère du Baptiste.
Vitrail de l'abside. |
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Saint Joachim, père de Marie.
Vitrail de l'abside.
Atelier Édouard Didron, années 1880. |
Sainte Marie, Mère de Dieu.
Vitrail axial de l'abside.
Atelier Édouard Didron, années 1880. |
Sainte Anne, mère de Marie.
Vitrail de l'abside.
Atelier Édouard Didron, années 1880. |
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La voûte du chœur est à sept pans. Elle est ornée
de peintures à l'italienne. |
La peinture à la clé de voûte de l'abside
affiche une couronne de fleurs de lys. |
La nef et le bas-côté nord vus depuis le chœur. |
Documentation :«Bordeaux, le temps
de l'histoire, Architecture et urbanisme au XIXe siècle (1800-1914)»
de Robert Coustet et Marc Saboya, éditions Mollat, 1999
+ «Histoire de Bordeaux» par Serge Pacaud, La Geste Éditions,
2021
+ «Les églises de Bordeaux» de l'abbé Brun, éditions Delmas, 1952
+ panneau d'information dans la nef. |
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