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Page créée en août 2024
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Sainte Marie, détail. Atelier Édouard Didron, années 1880.

La Bastide est un quartier de Bordeaux qui ne fait pas partie de la ville historique. Pendant des siècles, aucun pont ne reliait cette étendue isolée de la rive droite à la grande ville de la rive gauche. Sous le Premier Empire, enfin, un décret impérial de juin 1810 ordonna la construction du pont de pierre pour franchir le fleuve sur un demi-kilomètre. L'inauguration de cet important ouvrage d'architecture, soumis à péage jusqu'en 1861, eut lieu le 1er mai 1822. La Bastide était enfin reliée à Bordeaux. Elle intégra administrativement la grande ville en 1865.
Dès les années 1830, l'architecte Bordes y avait érigé une chapelle néo-classique. Fait majeur : c'est dans le quartier de la Bastide qu'on construisit la gare Bordeaux-Orléans, qui desservait Paris. Cela entraîna une multiplication des entreprises et un essor rapide de la population. La chapelle ne suffisait plus. En 1860, on arrêta le projet d'une nouvelle église. Un projet qui fut confié à l'architecte Paul Abadie.
Ce n'était pas une affaire simple : le sol tourbeux devait être stabilisé et le poids d'un haut clocher rendait obligatoire la consolidation des sols. Abadie décida de désolidariser nef et clocher. La construction commença en 1863. Le projet d'ensemble était un monument d'allure gothique, avec pinacles et gargouilles, mais avec des baies en plein cintre rappelant l'art roman. Une très haute flèche devait coiffer le clocher. Une fois les sols renforcés, Abadie modifia la terminaison de ce clocher : ce sera un grand bulbe élancé couronné d'un lanternon sur colonnettes.
Dix ans plus tard, en 1876, les fondations s'étaient tassées lentement. Paul Abadie dut remplacer la voûte en berceau prévue à l'origine, trop lourde, par une charpente apparente, en forme de coque de navire inversée. Cette voûte est actuellement décorée de peintures à l'italienne.
L'église, de 65 mètres de long, a été inaugurée en décembre 1883 sous le vocable de Sainte-Marie de l'Immaculée Conception. Bien qu'elle soit globalement d'aspect néo-roman, son style demeure assez hétéroclite : le roman, le gothique et l'art Renaissance s'y côtoient. À noter la présence de quelques peintures murales dans les chapelles absidiales, notamment une Mort de Joseph et une Apparition du Sacré-Cœur à Marguerite-Marie Alacoque. Tous les vitraux sont l'œuvre de l'atelier Édouard Didron dans les années 1880.
Le chevet étant dirigé vers le nord-ouest, ce sont le nord et le sud liturgiques qui sont utilisés dans cette page.

Sainte Geneviève, détail. Atelier Édouard Didron, années 1880.

L'église Sainte-Marie-de-la-Bastide vue depuis l'entrée.
Longueur : 65 mètres. Hauteur sous voûte : 20 mètres.
ASPECT EXTÉRIEUR DE L'ÉGLISE SAINTE-MARIE

L'église Sainte-Marie-de-la-Bastide et son imposant clocher.

Le côté nord et sa suite de chapelles latérales.
Les gargouilles gothiques prévues dans le premier
projet d'Abadie n'ont jamais été réalisées.

L'église vue depuis le chevet néo-roman.

Architecture extérieure (1/2).
Seul le clocher possède une histoire intéressante.
Lorsqu'il est désigné pour bâtir l'église, Paul Abadie prévoit d'élever, en façade, un clocher porche terminé par une très haute flèche.
La construction, sur un sol tourbeux et instable, commence en 1863. Deux ans plus tard, les fondations sont achevées avec la pose des socles. Pour contrer l'instabilité du sol, l'architecte désolidarise le clocher de la nef. Les arcades de la nef s'élèveront sur des arcs appareillés renversés. Après tassement de cette structure superficielle, Abadie décide d'élever le clocher sur une base de 136 pieux profondément enfoncés dans le sol. En 1867, il change le dessin du clocher : plus de flèche, mais un grand bulbe élancé couronné d'un lanternon sur colonnettes.
Pour Robert Coustet et Marc Saboya (Bordeaux, le temps de l'histoire, Mollat, 1999), cette couverture est le fruit des recherches de l'architecte sur le dôme et la coupole des édifices romans qu'il dessine ou restaure. En 1866, Abadie a essuyé un échec avec le couronnement curviligne de l'église Saint-Ausone à Angoulême : pour non-conformité avec le projet initial, il a dû le démolir ! ---»» Suite ci-dessous.


Le bulbe est couvert d'un appareillage en écailles.
Le clocher culmine à 49 mètres de hauteur.

Architecture extérieure (2/2).
---»» Ce haut bulbe est en quelque sorte la revanche d'un homme qui voulait s'écarter des modèles archéologiques traditionnels et inventer des formes originales.
«L'appareillage en écailles renvoie à l'art roman local, ajoutent nos deux auteurs, et évoque les coupoles à extrados en couverture de l'architecture byzantine.»
Abadie compose les formes (roman, gothique, byzantin) et renouvelle. Il incorpore dans le néo-roman de Sainte-Marie une «flèche bulbeuse» (selon sa propre expression), c'est-à-dire, soulignent Robert Coustet et Marc Saboya, l'image prestigieuse du dôme.
Les deux auteurs concluent : «En produisant une forme nouvelle à partir d'une synthèse architecturale, il réussit là où le néo-gothique avait échoué.» Opinion qu'on est libre de ne pas partager...
En 1875, le Conseil municipal de Bordeaux reconnut qu'Abadie n'avait pas réalisé une copie servile du roman ou du gothique, mais n'a pas semblé très enthousiaste non plus. «Nous ne blâmons point ces efforts de l'artiste pour donner à son œuvre un caractère nouveau de personnalité», est-il écrit dans un rapport de séance. Formule aimable qui cache en fait un désaccord exprimé par la phrase creuse qui la suit : «Les œuvres de copie ou de reproduction, où l'on s'astreint à un rigoureux archaïsme, ne sont que des fantaisies qui ne trompent jamais personne.» On se console comme on peut...
Source : Bordeaux, le temps de l'histoire, Architecture et urbanisme au XIXe siècle (1800-1914) de Robert Coustet et Marc Saboya, éditions Mollat, 1999.


Sur la façade, sainte Marie est entourée des saints et des saintes auxquels sont dédiées six des églises de Bordeaux.
De gauche à droite : saint Seurin, sainte Eulalie, saint Pierre, saint André, sainte Foi et saint Martial.
En 1952, dans son ouvrage Les églises de Bordeaux, l'abbé Brun indique qu'il y a, au premier niveau du clocher,
25 statues représentant les apôtres et les saints. Elles sont toutes l'œuvre du sculpteur Mora.
LA NEF DE L'ÉGLISE SAINTE-MARIE

Élévation du bas-côté nord.

Architecture interne.
Conformément aux vues de Paul Abadie qui cherchait des formes nouvelles, la nef de l'église présente des piles tout à fait originales.
La photo ci-dessus montre un placage de pierre sur la pile de l'arcade. Une colonne en forme d'ellipse aplatie surmontée d'un chapiteau non saillant arrive jusqu'au niveau du chapiteau qui reçoit les retombées de l'arcature.
Au-dessus : d'un soubassement assez grossier s'élèvent deux étages de deux colonnettes en délit. On est là à la limite entre le néo-gothique et le néo-Renaissance.
La plupart des chapiteaux portent un décor floral. Il est vraisemblable que ces colonnes face à la nef ne soient que de la pure décoration et ne servent pas à soutenir la voûte charpentée.


Lieu de dévotion dans le bas-côté sud.

Décoration florale et animale : piles, chapiteaux et bas-relief dans la nef.

Vitrail du bas-côté : sainte Agnès, saint Augustin et sainte Catherine d'Alexandrie.
Atelier Édouard Didron, années 1880.

Chapelle latérale sud dédiée à Saint-Pierre.

Bethsabée, détail.

Le roi Salomon porte une maquette du Temple de Jérusalem, détail du vitrail.
Peinture à l'italienne sur la voûte de la nef. ---»»»

Vitrail du bas-côté sud : saint Jean, sainte Véronique et saint Luc.
Atelier Édouard Didron, années 1880.

Chapelle latérale nord du Souvenir.

Gédéon, détail.
Atelier Édouard Didron, années 1880.

Les vitraux de l'église Sainte-Marie-de-la-Bastide.
Tous les vitraux ont été créés par l'atelier Édouard Didron. Datés des années 1880, leur style est typique de l'art du vitrail français de la fin du XIXe siècle. Deux vitraux sont historiés : Adam et Ève devant la Vierge (ci-dessous) et la Vierge, secours des affligés. Ce dernier vitrail présente la Vierge devant un beau camaïeu de gris, riche de châteaux médiévaux et d'églises.
Tous les autres vitraux sont consacrés à des personnages de l'Ancien Testament (Moïse, Salomon, Rebecca, Marie l'Égyptienne, Bethsabée, Judith, etc.) et du Nouveau Testament (saint Luc, sainte Véronique, saint Jean-Baptiste, Sainte Marie, etc.). On peut y ajouter quelques figures de saints et de martyrs (saint Augustin, sainte Agnès).
Les vitraux sont regroupés par trois dans les chapelles latérales de la nef ainsi que dans le chœur. Les sept pans de l'abside reçoivent, quant à eux, sept vitraux illustrant les membres, pris isolément, de la famille élargie du Christ : Sainte Marie Mère de Dieu ; saint Joseph ; Anne et Joachim, parents de Marie ; Élisabeth et Zacharie, parents de saint Jean-Baptiste. Les six vitraux latéraux de l'abside convergent vers le vitrail axial dédié à la Vierge Marie.
Un panneau dans l'église indique la disposition des vitraux de la nef :
- au nord liturgique, les patriarches, les prophètes et les personnages de l'Ancien Testament ;
- au sud liturgique, les saints et les saintes du Nouveau Testament.


La Vierge avec Adam et Ève.
Atelier Édouard Didron, 1883.

La Vierge avec Adam et Ève, detail.
Selon une image familière, la Vierge écrase le serpent.

Lieu de dévotion dédié à saint Antoine de Padoue.

Sainte Agnès, détail.

Saint Augustin tenant son ouvrage La Cité de Dieu, détail.

Vitrail du bas-côté nord : Bethsabée, Salomon et Judith.
Atelier Édouard Didron, années 1880.

Le bas-côté nord vu depuis l'ouest liturgique.

Vitrail du bas-côté nord : Rebecca, Moïse et Marie l'Égyptienne.
Atelier Édouard Didron, 1883.

Moïse, détail.

La Vierge, secours des affligés, détail, 1883.
L'atelier Édouard Didron a représenté la Vierge devant une féérie de châteaux médiévaux et d'églises.

La Vierge, secours des affligés.
Atelier Édouard Didron, 1883.

Rebecca, détail.

Judith, détail.
LE CHŒUR ET LES CHAPELLES ABSIDIALES NORD ET SUD

Le chœur de l'église Sainte-Marie-de-la-Bastide et la chapelle absidiale nord dédiée à la Vierge.
Pour répondre aux préceptes de Vatican II, un autel de messe et son estrade ont été installés dans les deux dernières travées de la nef.

Chapelle absidiale nord de la Vierge.

Chapelle absidiale sud du Sacré-Cœur.

La Mort de saint Joseph.
Peinture murale d'Abel Terral (1811-1886).

L'Apparition du Sacré-Cœur à Marguerite-Marie Alacoque.
Peinture murale d'Abel Terral (1811-1886).

Le chœur de l'église Sainte-Marie-de-la-Bastide possède une travée droite prolongée d'une abside à sept pans.
L'orgue de l'église, du facteur Wenner, est installé dans le chœur.
La fragilité du sous-sol interdisait de placer un orgue sous le clocher.

Le niveau médian de l'abside est une succession de petits pilastres corinthiens.

Architecture de l'abside - les choix de Paul Abadie.
L'architecte a coupé l'élévation de l'abside en trois niveaux, réservant le niveau supérieur aux vitraux présentant sainte Marie et sa famille.
La photo ci-contre à droite montre qu'Abadie a fermé l'abside avec le même type de piles que dans la nef. On y retrouve les deux niveaux de deux colonnettes en délit.
En revanche, les pans sont séparés les uns des autres par une simple colonnette surmontée d'un chapiteau floral. Si l'on y ajoute le nu des fenêtres, on voit qu'Abadie a réservé au bandeau médian de l'élévation la décoration sculptée. La photo ci-dessus montre, dans ce bandeau en retrait, une succession de pilastres à chapiteaux corinthiens surmontés d'une large frise florale. Au bas des pilastres, un ruban en saillie parachève l'ornementation.


Détail de la décoration du chœur (chapiteau au sud-est liturgique).

Anne et Joachim (vitraux donnés ci-dessous).
Si l'architecte Paul Abadie cherchait des formes originales, il n'en était pas de même avec le verrier Édouard Didron. Ses verrières s'inscrivent toujours dans le style fin XIXe siècle le plus pur.
Anne et Joachim, les parents de Marie, sont ainsi représentés, comme c'est la tradition, avec les offrandes qu'ils destinaient au Temple : une colombe et un agneau. Offrandes refusées par le grand-prêtre parce que le couple n'avait pas d'enfant.


Saint Joseph, vitrail de l'abside.

Détail de l'élévation sud du chœur.

Saint Zacharie, père du Baptiste.
Vitrail de l'abside.

Saint Jean-Baptiste.
Vitrail de l'abside.

Sainte Élisabeth, mère du Baptiste.
Vitrail de l'abside.

Saint Joachim, père de Marie.
Vitrail de l'abside.
Atelier Édouard Didron, années 1880.

Sainte Marie, Mère de Dieu.
Vitrail axial de l'abside.
Atelier Édouard Didron, années 1880.

Sainte Anne, mère de Marie.
Vitrail de l'abside.
Atelier Édouard Didron, années 1880.

La voûte du chœur est à sept pans. Elle est ornée de peintures à l'italienne.

La peinture à la clé de voûte de l'abside
affiche une couronne de fleurs de lys.

La nef et le bas-côté nord vus depuis le chœur.

Documentation :«Bordeaux, le temps de l'histoire, Architecture et urbanisme au XIXe siècle (1800-1914)» de Robert Coustet et Marc Saboya, éditions Mollat, 1999
+ «Histoire de Bordeaux» par Serge Pacaud, La Geste Éditions, 2021
+ «Les églises de Bordeaux» de l'abbé Brun, éditions Delmas, 1952
+ panneau d'information dans la nef.
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