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L'église Saint-Étienne
de Nevers
est l'une des plus belles églises romanes de France.
Elle nous est parvenue presque intacte depuis sa construction
à la fin du XIe siècle. Des fouilles entreprises
en 1974 éclairent ses antécédents : un
monastère de moniales fut fondé au début
du VIIe siècle, vraisemblablement par saint Colomban
lui-même. En 1063, l'évêque de Nevers,
Hugues de Champellement, y établit un chapitre de chanoines
de Saint-Sylvestre... qui n'attira pas les foules. En 1068,
il n'y avait plus qu'un seul moine. La vie revint quand, la
même année, le comte Guillaume de Nevers
et l'évêque Mauguin décidèrent
de transférer le monastère et toutes ses dépendances
à l'abbaye de Cluny.
C'est alors que l'église fut reconstruite. Le chantier
bénéficia de la générosité
de l'évêque Hugues, successeur de Mauguin, et
de celle du comte de Nevers. Le 13 décembre 1097, sans
doute non entièrement terminé, le nouvel édifice
fut dédié au proto-martyr par l'évêque
Yves de Chartres. À cette occasion, le comte Guillaume
fit lire devant l'autel une longue charte énumérant
les dons et privilèges qu'il accordait au monastère
et au «bourg de Saint-Étienne» qui s'était
formé aux alentours. Au XIIe siècle, un porche
fut bâti devant la façade, sous lequel le bailli
rendait la justice au nom des moines. Il fut démoli
à la fin du XVIIe.
En 1420, un incendie détruisit les bâtiments
du monastère. Ils seront reconstruits aussitôt.
En 1475, on se livra aux seuls travaux qui altérèrent
quelque peu l'ensemble de l'église : une sacristie
fut bâtie entre la chapelle d'axe et la chapelle rayonnante
au sud et, surtout, l'absidiole orientée dans le croisillon
sud du transept fut remplacée par une grande chapelle
carrée, voûtée d'ogives prismatiques et
éclairée par une grande fenêtre de style
flamboyant.
En 1554, l'abbaye est placée en commende. À
la Révolution, les trois clochers sont abattus (voir
l'encadré
et le désaccord entre historiens à ce sujet)
et l'église est transformée en magasin à
fourrage militaire.
Bénéficiant de l'attention toute particulière
de Prosper Mérimée, inspecteur général
des Monuments historiques, elle est classée Monument
historique dès 1841. Puis, de 1846 à 1851,
elle subit une restauration très étendue au
cours de laquelle les retables classiques sont ôtés.
La sacristie du XVe siècle, située au niveau
du chevet, est détruite. En 1910, la grande chapelle
carrée dans le croisillon sud le fut à son tour.
On lui substitua une absidiole semblable à celle du
bras nord : le chevet avait retrouvé son aspect roman
d'origine. Les bâtiments plus ou moins adossés
à l'église furent détruits : on pouvait
à nouveau embrasser l'ensemble de la structure architecturale
comme au temps de sa construction.
Après la dernière guerre, le roman regagna toute
sa place à l'intérieur de l'édifice par
l'enlèvement des stalles du chur. À présent,
l'église Saint-Étienne de Nevers présente
une magnifique unité de style. Certains peuvent trouver
son atmosphère un peu froide, mais ce défaut
est largement compensé par la beauté des formes
et l'élégance de la nef.
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Vue d'ensemble de la nef de Saint-Étienne. |
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La façade occidentale date du dernier tiers du
XIe siècle. |
Les étages supérieurs de la façade
occidentale.
La partie basse est une reconstruction moderne. |
Au XIIe siècle,
un large porche fut construit devant la
porte romane. Le bailli y rendait la justice au
nom des religieux de Saint-Étienne qui
détenaient tous les droits sur le faubourg
(haute, moyenne et basse justice). À la
fin du XVIIe, on le remplaça par un petit
porche à colonnades qui fut détruit
en 1792.
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Extérieur.
La façade occidentale de Saint-Étienne,
datée du dernier tiers du XIe
siècle, ressemble à
la muraille d'une forteresse. Un pont-levis
à l'entrée ne déparerait
pas l'ensemble... Cette impression
guerrière est sans doute due
aux deux tours arasées qui
dominent la place : on ne serait pas
étonné d'y trouver des
créneaux et des mâchicoulis.
Seules les arcades à colonnettes
et la petite croix sur le tympan rappellent
que le bâtiment est une église.
La décoration extérieure
du bâtiment ne repose que sur
un cordon de billettes qui fait le
tour de l'édifice. Heureusement,
la beauté romane du chevet
avec ses trois absidioles rachète
le tout.
La façade est clairement divisée
en deux étages. Les corbeaux
de pierre qui subsistent sous la corniche
de séparation trahissent la
présence d'un ancien porche
couvert d'une toiture en appentis.
D'après un ancien dessin, ce
porche était aussi large que
la façade.
Les tours arasées et le
clocher, fort peu élevé,
au-dessus de la croisée ont
fait travailler l'imagination des
archéologues. Tout part d'un
dessin de l'église réalisé
en 1609 et donné ci-dessous.
D'après ce dessin de l'époque
classique, l'église Saint-Étienne,
à l'époque médiévale,
exhibait fièrement ses trois
clochers terminés par d'imposantes
flèches. Certes, l'édifice
y a belle allure, mais correspond-il
à la réalité?
Dans l'article écrit pour le
Congrès archéologique
de France tenu dans le Nivernais
en 1967, l'archéologue Francis
Salet émet de sérieux
doutes à ce sujet. Analysant
le clocher sur la croisée,
il demande de rester très sceptique
sur la valeur de ce dessin car les
baies géminées des trois
niveaux supérieurs n'ont rien
à voir avec celles du niveau
inférieur (le seul qui existe)
et qui, elles, sont authentiques.
Francis Salet conseille d'ailleurs
de se méfier des représentations
des clochers réalisées
par les dessinateurs classiques :
«ils sont le plus souvent exagérément
développés en hauteur,
étant à leurs yeux symboles
d'une importance religieuse plus que
volumes réels d'une architecture».
À la fin de son article, il
revient sur le sujet des trois clochers.
Reproduisons ici son paragraphe qui
a le mérite d'être (suite
plus
bas)
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La porte romane de la façade ouest
est en plein cintre.
Elle comprend trois voussures qui reposent
sur des colonnes monolithes faites au tour.
À l'époque médiévale,
le tympan recevait un Christ
en majesté entre deux anges ;
le linteau recevait une Adoration des mages.
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Le côté nord avec ses deux cordons
de billettes
et sa suite de modillons romans. |
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Extérieur,
suite --»» très clair : «Il
faut d'ailleurs poser la question de l'aspect qu'avaient autrefois
les trois clochers de Saint-Étienne. J'ai dit combien
l'on doit se défier du dessin de 1609 puisqu'il montre
sur la croisée un parti architectural bien différent
de celui qui se voit aujourd'hui. Il serait donc pareillement
imprudent d'en inférer que les tours occidentales détachaient
au-dessus de la façade deux étages de maçonnerie
et une flèche de bois. On répète volontiers
que les trois clochers ont été arasés
pendant la Révolution au niveau actuel. Un tel travail,
onéreux et des plus délicats sur un monument
conservé, est invraisemblable. En fait, les textes
révolutionnaires, s'ils sont imprécis, disent
que Fouché, en mission dans la Nièvre en 1792,
ne prescrivit la démolition des clochers que pour les
édifices du culte supprimés. Saint-Étienne
était devenue paroissiale et, en novembre 1791, un
charpentier avait été chargé de vérifier
la force du beffroi pour voir si le «clocher»
- évidemment celui de la croisée - pouvait recevoir
les cloches des Jacobins de Nevers. Je suis persuadé,
en dépit de l'aspect qu'elles présentent sur
le dessin de 1609, que la partie maçonnée des
tours - peut-être laissées inachevées
- n'a jamais eu plus de développement qu'aujourd'hui
; celles de l'ouest se terminent par une corniche très
régulière qui pourrait bien marquer la naissance
d'une partie de bois, étage du beffroi, flèche
ou simplement amortissement en pyramide basse. Il n'est donc
pas impossible que les démolitions révolutionnaires
n'aient porté que sur des uvres de charpente
jugées inutiles parce qu'elles étaient sans
doute en mauvais état.»
Si l'on suit Francis Salet, les clochers du dessin seraient
donc exclusivement faits en charpente ou bien seraient, même
partiellement, une vue d'artiste.
Auparavant, lors du Congrès archéologique
de France tenu à Moulin et à Nevers en 1913,
l'archéologue Louis Serbat se contentait d'indiquer
que, en 1792, l'église fut privée des clochers
qui la dominaient. En revanche, l'archéologue Jean
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Dupont, dans son ouvrage
Nivernais Bourbonnais roman paru en 1976 aux éditions
Zodiaque, ne partage pas l'avis de Francis Salet. Il écrit
: «La Révolution n'épargna pas l'édifice
: en 1792, le porche fut abattu et les deux tours occidentales
arasées au niveau de la façade avec la tour
centrale dont il ne reste aujourd'hui que la souche.»
Il poursuit : «On notera toutefois que Francis Salet,
malgré l'existence d'un dessin de 1609 apparemment
fort explicite, conteste la démolition de ces tours
dont il pense qu'elles ne durent jamais avoir plus d'élévation.»
On remarquera que le propos de Jean Dupont est partiellement
inexact. Francis Salet n'a pas écrit que ces élévations
n'ont jamais existé, mais que, si elles ont bel et
bien existé, elles étaient en charpente (sur
quelle hauteur?) et qu'elles se terminaient peut-être
par une flèche. Ce qui laisse la porte ouverte à
une interprétation d'artiste.
Sur le dessin, le clocher de la croisée se rattache
à peine à l'art roman. Les charpentes auraient-elles
été ajoutées au XVe ou au XVIe siècle?
Dans ce cas, qui aurait financé les travaux? Saint-Étienne
était l'église d'un monastère bénédictin
et les particuliers n'y rentraient pas. Les ressources des
moines auraient-elles servi à la construction des clochers?
Quel intérêt un noble ou un riche particulier
aurait-il eu à financer les clochers (en bois !) d'un
édifice où il ne pouvait pas rentrer et qui
ne conservait aucune relique, alors que les églises
paroissiales de Nevers étaient ouvertes à la
générosité publique? Ces questions restent
sans réponse.
Sources : 1) Congrès
archéologique de France tenu à Moulin et
à Nevers en 1913, article de Louis Serbat ; 2) Congrès
archéologique de France tenu dans le Nivernais
en 1967, article de Francis Salet ; 3) Nivernais Bourbonnais
roman, éditions Zodiaque, 1976, article de Jean
Dupont.
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Le transept nord et le chevet. |
Les trois fenêtres supérieures du chevet nord.
La succession d'arcature en plein cintre et en mitre est originale.
La présence d'une arcature en mitre pourrait faire croire
à un monument
extrêmement archaïque, ce que dément l'examen
archéologique.
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Le chevet roman et ses chapelles rayonnantes (fin du XIe siècle). |
LA NEF DE L'ÉGLISE
SAINT-ÉTIENNE |
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Élévations sud de la nef.
Le point le plus surprenant de cette architecture romane est le troisième
étage, scandé de fenêtres, sur une tribune voûtée
en demi-berceau. |
Plan de l'église Saint-Étienne. |
La
nef. Lorsqu'on se trouve dans la nef,
on ne peut être qu'impressionné par
l'uniformité architecturale de l'église.
À part la construction d'une sacristie
dans l'angle sud-est du chevet, puis sa destruction,
et le remplacement d'une absidiole dans le bras
sud du transept par une grande chapelle carrée,
elle n'a quasiment connu aucune transformation
depuis le XIe siècle. La nef possède
six travées séparées des
bas-côtés par une suite d'arcades
en plein cintre à double rouleaux. Les
chapiteaux y sont fort simples : une corbeille
épannelée s'étend entre un
tore qui tient le rôle d'astragale et un
tailloir en forte saillie (voir photo)
parfois orné de stries. Les faces planes
des corbeilles étaient peut-être
peintes à l'époque médiévale,
mais il n'en reste aucune trace de polychromie
nulle part.
En ce qui concerne l'élévation,
rien ne vient interrompre, sur les piles, la montée
des demi-colonnes jusqu'à la retombée
des doubleaux de la voûte : l'effet d'élancement
est assuré. Les tribunes sont ouvertes
sur la nef par des baies géminées
du même style roman que les arcades du premier
niveau. Elles sont voûtées en demi-berceau
(ce qui est très difficilement visible
car elles sont jetées dans une pénombre
totale).
Le point le plus remarquable de cette architecture
est la présence de tribunes au deuxième
étage et de fenêtres au troisième
étage, le tout sous une voûte
en pierre. Cela semble unique dans l'art roman
français. Ces fenêtres, profondément
ébrasées, se positionnent immédiatement
au-dessus de l'extrados des grands arcs des tribunes.
Compte tenu de cette présence atypique,
les archéologues se sont posé une
question passionnante : ces fenêtres étaient-elles
prévues dès l'origine de la construction
ou bien l'architecte a-t-il changé ses
plans au cours de l'élévation de
la nef ? Après le désaccord des
archéologues sur les trois clochers (voir
plus haut l'encadré
sur l'extérieur de l'édifice), cette
question va mettre en lumière un second
désaccord, plus exacerbé que le
premier.
Dans son article pour le Congrès archéologique
de France tenu dans le Nivernais en 1967,
l'archéologue Francis Salet s'est
livré à une analyse très
poussée de ce problème. Deux faits
le portent à penser que l'architecte médiéval
a changé ses plans en cours de route. Suivons
son raisonnement : la nef a été
construite alors que le chevet, le transept et
surtout la façade occidentale étaient
déjà élevés. Quand
on a bâti la nef, on a commencé l'aménagement
de la façade qui comprenait alors une tribune
béante. La disposition des pilastres et
des hautes colonnes engagées dans cette
tribune montre à l'évidence un changement
d'objectif de la part de l'architecte. Deuxième
fait (illustré par la photo à gauche)
: les demi-colonnes de la nef qui montent jusqu'aux
doubleaux de la voûte ne s'élèvent
pas d'un seul jet, mais accusent un décrochement
(à peine perceptible) au niveau du sommet
des baies des tribunes. Ce décrochement
a lieu au point où se seraient terminées
les demi-colonnes pour soutenir les doubleaux
d'une voûte plus basse. Et Francis Salet
conclut : «On est donc amené à
penser que l'on décida seulement en cours
de construction de surhausser la nef pour lui
procurer un éclairage direct.» L'historien
en profite pour signaler que «Saint-Étienne
de Nevers n'est sans doute pas l'uvre extraordinaire
qu'on se plaît à décrire,
conçue de la façon la plus hardie,
voire avec quelque témérité,
dès la seconde moitié du XIe siècle.
La construction ne s'est pas faite d'est en ouest,
mais par les deux bouts à la fois, le vaisseau
central est venu s'insérer en dernier lieu
entre le transept et le massif occidental et,
alors, il n'était même pas prévu
tel que nous le voyons.»
Neuf ans plus tard, en 1976, dans l'ouvrage Nivernais,
Bourbonnais roman paru aux éditions
Zodiaque, l'historien Jean Dupont, traitant
de Saint-Étienne de Nevers, écrit
tout le contraire ! Il rappelle que chercher l'origine
de ces fameuses fenêtres du troisième
niveau revient à chercher les influences
stylistiques subies par l'architecte. Il se réfère
à une analyse de Raymond Ourcel
dans son ouvrage, terminé en 1969, Invention
de l'architecture romane paru aux mêmes
éditions Zodiaque. Après avoir cité
une charte du comte Guillaume de Nevers, datée
de 1097 (et qui veut prouver l'existence des trois
clochers dès cette époque), Raymond
Ourcel défend la thèse d'une «robuste
homogénéité» de l'édifice
et récuse une quelconque influence bourguignonne
pour l'élévation de la nef. Raymond
Ourcel et Jean Dupont défendent l'idée
d'une architecture à trois niveaux élaborée
dès l'origine des travaux. Ourcel écrit
d'ailleurs : «(...) l'aisance et la solidarité
des différents éléments,
leurs proportions respectives apparaissent tellement
justes et parfaites qu'on n'arrive pas à
imaginer quelle figure, réduite à
un boyau bas et obscur, aurait présentée
[sic] une nef primitive amputée de son
étage supérieur.» Or, Francis
Salet, en 1967, s'est échiné à
montrer qu'il n'y avait ni justesse ni perfection...
À charge pour Raymond Ourcel, sa prose
donne l'impression d'une profession de foi assénée
sans preuve et qui compte sur la seule énergie
de son style littéraire pour convaincre.
En somme, son credo se résume à
: «l'église est tellement belle qu'elle
ne peut pas avoir subi de retouches». C'est
un peu court... Rien n'est dit à propos
du fameux décrochement signalé par
Francis Salet - et qui paraît pourtant très
pertinent. Quant aux influences régionales
ayant pu conduire à cet étage de
fenêtres, sur tribunes, éclairant
la nef, Jean Dupont leur fait un sort : «Il
ne s'agirait donc nullement, écrit-il,
de la combinaison hardie de recettes déjà
éprouvées dans le Val de Loire ou
dans l'aire architecturale de Clermont, mais d'une
création purement originale et solitaire
: un prototype, en quelque sorte, dont on peut
seulement s'étonner qu'aucune autre église
n'ait su profiter.» Francis Salet, de son
côté, fait la même constatation
en évoquant le passage d'un système
à deux niveaux à une nef à
trois niveaux : «(...) l'architecte s'est
détourné au cours des travaux de
la logique inhérente au premier système
pour verser dans une hardiesse bien étonnante
et insolite au XIe siècle, et proche de
la témérité. Son exemple
ne sera pas suivi : on ne retrouvera pas à
l'époque romane le parti de l'église
voûtée, à tribunes et fenêtres
hautes».
Changement de ton en 1995 lors de la parution
du 1er tome de l'Histoire de l'Architecture
Française paru aux éditions
du Patrimoine et consacré à la période
qui va du Moyen Âge à la Renaissance
; auteurs : Alain Erlande-Brandenburg et
Anne-Bénédicte Mérel-Brandenburg.
Dans le développement portant sur l'architecture
religieuse à la fin du XIe siècle,
les deux archéologues rappellent le mérite
de l'architecte roman qui «va réussir,
à la fois à couvrir le vaisseau
central d'un couvrement de pierre, à utiliser
les tribunes comme contrebutement tout en perçant
des ouvertures et à conserver aux grandes
arcades les dimensions qu'elles avaient dans l'architecture
de charpente.» Analysant ensuite Saint-Étienne
de Nevers, l'hypothèse d'un changement
de plan au cours de la construction devient une
certitude ! Les auteurs de l'ouvrage partent du
principe que le plan d'origine était traditionnel :
déambulatoire à trois chapelles,
transept avec deux absidioles, massif occidental
à deux tours, etc. Quant à l'élévation,
elle «comportait deux niveaux dans la nef
aveugle, de grandes arcades et tribunes.»
La suite est énoncée comme une vérité
archéologique de base : «Le changement
intervint au moment de la construction des tribunes
(avant 1090), quand il fut décidé
d'ajouter un troisième niveau de baies
et de voûter le vaisseau central d'un berceau
scandé de doubleaux. Il fallut donc exhausser
de façon assez considérable les
supports, contrebutés par les demi-berceaux
des tribunes. L'audace ayant cependant ses limites,
des interventions sur la voûte furent nécessaires.»
Les auteurs ne rentrent pas dans le secret de
leur analyse, mais leur avis est sans appel.
Sources : 1) Congrès
archéologique de France tenu dans le
Nivernais en 1967, article de Francis Salet ;
2) Nivernais Bourbonnais roman, éditions
Zodiaque, 1976, article de Jean Dupont
; 3) Histoire de l'Architecture
Française, Du Moyen Âge à
la Renaissance d'Alain Erlande-Brandenburg
et Anne-Bénédicte Mérel-Brandenburg,
éditions du Patrimoine, 1995.
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Élévations sud près de l'avant-nef. |
Chapiteau roman
près de l'orgue de tribune. |
Chapiteau roman à palmettes
dans l'avant-nef. |
«««---
C'est une magnifique architecture romane
qui s'offre au visiteur dans la nef : arcades
en plein cintre, baies géminées
cachant les tribunes, et englobées
dans un arc surmonté d'une fenêtre
très abrasée au troisième
niveau. Le tout est voûté en
pierres.
Cette structure si pure et si agréable
à l'il n'a jamais été
reproduite dans le monde roman. On en ignore
la raison.
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Le décrochement le long des demi-colonnes de la nef. |
La voûte de la nef et sa série de doubleaux. |
Chapiteaux romans épannelés dans la nef.
L'ornementation des tailloirs de ces chapiteaux est très
variée. |
Le bas-côté sud. |
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Le bas-côté nord et sa simplicité romane
de la fin du XIe siècle. |
La
décoration. L'église Saint-Étienne
de Nevers laisse toute la place à l'architecture
romane. Les objets d'art y sont rares. On remarque une
belle chaire à prêcher du XIXe siècle
(sans abat-son), quelques statues de saints et de saintes
typiquement saint-sulpicien
(et sans intérêt artistique), un autel
de la Vierge du XIXe dans le transept avec un soubassement
meublé de petites sculptures de saints et saintes
lovées dans des niches. Une seule uvre
est vraiment à noter : la statue de saint Jean-Baptiste
portant l'agneau, qui est datée du XVe siècle.
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Saint Matthieu et saint Luc sur la cuve de la chaire à
prêcher, XIXe siècle. |
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La nef et l'entrée dans le bas-côté sud vues de
la croisée. |
LE TRANSEPT DE
L'ÉGLISE SAINT-ÉTIENNE |
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Le transept sud et la croisée.
Un arc en plein cintre surmonté de cinq baies sépare
les deux travées. |
Statue de saint Jean-Baptiste. |
Statue de saint Jean-Baptiste, détail.
XVe siècle. |
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La voûte sur trompes et les arcades du croisillon
nord du transept. |
Le côté oriental du croisillon nord avec
le baptistère dans l'absidiole. |
Statue de saint Éloi tenant un marteau. |
Vitrail dans le déambulatoire. |
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Le transept. On pourrait qualifier le transept
de Saint-Étienne de Nevers de «moyennement
éclairé». En effet, ce ne sont pas
moins de quinze fenêtres très abrasées
qui éclairent chaque croisillon. Leur disposition
mérite d'être notée. Nord et sud
: au premier niveau, deux baies encadrent une niche
centrale en mitre ; au deuxième niveau, trois
baies. À l'est et à l'ouest, trois baies
au deuxième niveau, puis deux au troisième.
Les deux murs à l'est reçoivent chacun
une absidiole : au nord, le baptistère (ci-dessus)
remonte au XIe siècle ; au sud, la chapelle de
la Vierge (ci-dessous) a été entièrement
reconstruite au XIXe après la démolition
d'une grande chapelle bâtie dans l'angle sud-est
au XVe siècle. Ajoutons que cette chapelle du
XVe avait elle-même fait disparaître l'absidiole.
Le carré est couvert d'une coupole sur trompes.
L'un des points originaux de ce transept est le traitement
réservé à la séparation
des deux travées qui constituent les croisillons
(photos plus haut). On y voit une grande arcade en plein
cintre surmontée d'une arcature à cinq
colonnes. Notons que les chapiteaux dans les absidioles
quittent l'aspect épannelé (et assez pauvre)
qu'ils présentent dans la nef. Cette fois, les
feuillages les recouvrent. L'embellissement va se poursuivre
dans le déambulatoire et dans les chapelles rayonnantes.
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La Vierge à l'Enfant de l'autel de la Vierge. |
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L'autel de la Vierge du croisillon nord est orné d'une
multitude d'ex-voto. |
La chapelle de la Vierge dans le croisillon sud du transept
a été entièrement reconstruite au XIXe
siècle. |
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Dormition et Couronnement
Atelier Lobin, Tours 1871. |
Annonciation et Présentation
Atelier Lobin, Tours 1871. |
Vierge à l'Enfant dans l'autel de la Vierge.
Imitation du XIIIe siècle ? |
L'Annonciation, vitrail de 1871, détail. |
La Dormition, vitrail de 1871, détail. |
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LE CHUR
ET LE DÉAMBULATOIRE |
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Le chur roman de Saint-Étienne. |
Aspect du déambulatoire et de sa voûte d'arêtes
près de la chapelle axiale. |
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Arcature romane et fenêtres hautes du chur. |
Chur. Il possède une architecture
en fûts monolithes assez rapprochés,
pris dans une arcature en plein cintre extrêmement
surhaussée. Aucun muret, aucune stalle
ne vient le séparer du déambulatoire.
Il en acquiert un aspect aéré et
élancé. Les chapiteaux qui coiffent
ces fûts sont tous faits «au tour»
(photo ci-dessous à droite). Louis Serbat,
dans son article sur l'église pour le Congrès
archéologique de France de 1913 rapporte
que ce genre de travail, vu la qualité
des matériaux, a vraisemblablement été
en faveur dans le Nivernais. Faut-il y voir la
persistance de traditions antiques ? Louis Serbat
mentionne que le musée de Nevers (de l'époque)
abrite des colonnes romaines, trouvées
dans région, qui usent de ce procédé.
Le deuxième étage au-dessus de cette
arcature dégage une pureté romane
remarquable. Il se présente comme un faux
triforium très bas où les pilastres
et les colonnettes alternent. Notons que les pilastres
(photo ci-dessus) sont disposés au droit
des supports de l'étage inférieur.
Le déambulatoire est voûté
d'arêtes sans doubleaux (photo ci-contre).
Les trois chapelles rayonnantes sont séparées
par des baies encadrées de colonnettes
à chapiteaux. L'embellissement amorcé
dans les absidioles du transept continue : les
socles des colonnes sont variés ; les chapiteaux
sont ornés de feuillages et de palmettes.
Certains chapiteaux accusent une floraison végétale
intense. Il est probable qu'ils ont été
refaits à l'époque moderne.
Enfin, les vitraux du chur, du déambulatoire
et des chapelles rayonnantes reçoivent
un thème floral varié, traité
de manière assez riche. Seule une chapelle
rayonnante possède deux
vitraux historiés des ateliers Lobin
à Tours. Ils illustrent la Cène
et le martyre de saint Étienne. Ils sont
datés de 1871.
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Le déambulatoire nord. |
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Le chur et le déambulatoire vus du sud. |
Chapiteau à palmettes. |
Chapiteau à large pétale dans les
angles. |
Chapiteau à double rangée de palmettes. |
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SEPT
CHAPITEAUX ROMANS DANS LE DÉAMBULATOIRE |
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Chapiteau roman avec tailloir sculpté. |
Chapiteau à feuilles d'acanthe et rinceaux (refait
au XIXe siècle)
«««--- Sur le biseau du tailloir, deux
longs serpents mordent
les pattes d'une tortue. |
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Chapiteau fait «au tour» dans le chur. |
Vitrail moderne dans le chur. |
Chapiteau roman dans le déambulatoire. |
Chapiteau roman à double rangée de palmettes. |
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LES TROIS CHAPELLES
RAYONNANTES ET LEURS VITRAUX HISTORIÉS |
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Chapelle rayonnante (fin du XIe siècle). |
Le martyre de saint Étienne, Lobin 1871. |
La Cène, Atelier Lobin, 1871. |
Vitrail moderne dans le déambulatoire. |
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Chapelle axiale (fin du XIe siècle). |
Vitrail moderne avec deux cerfs. |
Vitrail moderne dans le déambulatoire. |
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L'orgue de tribune sur la façade ouest (Ducroquet, 1853). |
Chapelle rayonnante (fin du XIe siècle) et ses
statues modernes. |
L'orgue de Saint-Étienne de
Nevers est l'orgue de l'ancienne église
de la Trinité à Paris. Cet orgue
avait été créé par
la maison Ducroquet en 1852-1853.
Racheté sous le Second Empire, il est installé
par Aristide Cavaillé-Coll et inauguré
le 20 décembre 1868 par le jeune organiste
Charles-Marie Widor. En 1886, Gabriel Reinburg,
de la maison Cavaillé-Coll réaménage
l'orgue. Source : document
affiché dans la nef.
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La nef vue de la croisée du transept. |
Documentation : Congrès archéologique
de France tenu à Moulin et à Nevers en 1913, 70e session,
article sur l'église Saint-Étienne par Louis Serbat
+ Congrès archéologique de France tenu dans le Nivernais
en 1967, 125e session, article sur l'église Saint-Étienne
par Francis Salet
+ «Nivernais Bourbonnais roman», éditions Zodiaque,
1976, article sur l'église Saint-Étienne par Jean Dupont
+ «Histoire de l'Architecture Française, Du Moyen Âge
à la Renaissance» d'Alain Erlande-Brandenburg et Anne-Bénédicte
Mérel-Brandenburg, éditions du Patrimoine, 1995
+ «Bible de l'art roman» par Jacques Loubatière,
éditions Ouest-France, 2010
+ Notes d'information affichées dans l'église. |
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