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Au Moyen Âge, grâce aux foires
de Champagne, Troyes était une ville prospère. Il
y avait plusieurs Hôtel-Dieu. Celui qui nous occupe ici et
dont on visite l'apothicairerie a succédé à
un premier hôpital créé au XIIe siècle
par le 9e comte de Champagne, Henri Ier dit le Libéral. C'était
l'Hôtel-Dieu Saint-Étienne, bâti en bois. À
la fin du XVIIe siècle, il menace ruine. Il est reconstruit
en pierre à partir de 1702 sous le nom d'Hôtel-Dieu-le-Comte
et ne sera réellement achevé qu'en 1764. L'apothicairerie
de l'Hôtel-Dieu est le premier bâtiment à sortir
de terre. Sous Louis XVI, l'hôpital est regardé comme
l'un des plus beaux de France sous le rapport de l'architecture
et de la décoration. Mais d'autres gens s'alarment : l'édifice
a coûté très cher à construire et, dès
la fin du siècle, ses capacités se révèlent
insuffisantes.
Au Moyen Âge, les hôpitaux de Troyes sont tenus par
des moines et des moniales de l'ordre de Saint-Augustin. À
la Renaissance, l'administration se laïcise : des notables
de la ville les remplacent petit à petit. Point de médecins
avant le XVIe siècle. En 1765, une école de chirurgie
s'ouvre dans la cité, mais ce n'est qu'en 1875 que l'Hôtel-Dieu-le-Comte
se dote d'un service chirurgical. Les sources indiquent que, au
XIIe siècle, les hôpitaux accueillaient les pauvres
de passage, les malades et les femmes en couche, puis, à
la Renaissance, les enfants trouvés et les incurables. Enfin,
au XVIIIe, on y verra aussi les nouveau-nés abandonnés
et les soldats malades ou blessés.
L'apothicairerie de Troyes comprend la salle de stockage (photo
ci-dessous) et la salle
de préparation. C'est une des plus belles de France,
et l'une des plus riches. On pourra voir une apothicairerie plus
petite à l'Hôtel-Dieu
de Tournus.
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Vue d'ensemble de la salle de stockage avec ses pots de faïence
et ses boîtes |
La salle
de stockage est une grande pièce d'environ
huit mètres de côté et de cinq mètres
de hauteur sous plafond. Elle apparaît aux visiteurs
comme lors de son installation au début du XVIIIe siècle.
Les boiseries sont d'époque Louis XIV. Mais il est
vraisemblable que l'ordonnancement des objets a été
modifié à de multiples reprises.
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Fontaine à thériaque |
Mortier en bronze
Décoré de fleurs de lys, il porte la date de 1634, |
Albarello
France, XVIe et XVIIe siècles |
Albarello
France, XVIe et XVIIe siècles |
La fontaine
à thériaque est un vaste récipient
en étain destiné à recevoir des substances
diverses : sirop, miel, vin, pulpes végétales,
y compris de la chair de vipère. Le tout, bien mélangé,
donnait un liquide qui servait de panacée pour tout
soigner. Au XVIIIe siècle, on y agglomérait
72 drogues, dont beaucoup d'épices. La fontaine à
thériaque est l'un des plus anciens remèdes
de pharmacopée. Elle aurait été inventée
par Andromaque, médecin de l'empereur Néron.
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«La Légende de Notre-Dame-de-Liesse»
Faïence de Nevers |
«La Légende de Notre-Dame-de-Liesse»
Faïence de Nevers |
La
Légende de Notre-Dame-de-Liesse vient
de Soissons. Elle est illustrée sur deux vases
en faïence de Nevers. Le sultan d'Égypte
veut convaincre trois chevaliers picards, qui sont ses
prisonniers, d'embrasser la religion de Mahomet. Peine
perdue. Sa fille Ismérie essaie à son
tour, mais c'est elle qui abandonne l'Islam. En effet,
les chevaliers avaient commencé à sculpter
une statue de la Vierge dans leur prison et un ange
était venu la nuit finir l'uvre qui, bien
sûr, est magnifique. Ismélie, frappée
par la beauté de la sculpture, embrasse la foi
chrétienne et repart avec eux en France. Sur
le second vase, la scène est près de Soissons.
La petite statue devient soudain très lourde.
Il est impossible de la déplacer. Les chevaliers
et Ismérie interprètent ce prodige comme
un signe divin : la Vierge demande à être
honorée en ce lieu même. Le sanctuaire
Notre-Dame-de-Liesse est alors élevé.
Source : «Apothicairerie de l'Hôtel-Dieu-le-Comte,
guide de visite»
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Vase avec anses
Faïence de Nevers |
Boîte médicinale appelée «silène» |
À côté
du bois et de la faïence, le
verre a fait son apparition plus tardivement
pour stocker les produits. Au XIXe siècle, on
s'est rendu compte qu'on pouvait facilement le stériliser,
ce qui garantissait de meilleures conditions d'hygiène.
Les pièces en étain
servaient aux malades : assiettes, gobelets, pichets,
grands pots à tisane. L'apothicairerie en possède
quelques pièces remarquables : cimarre
(voir photo ci-dessous), marmite américaine (avec
double couvercle), plat rond à trous (pour égoutter
la tisane ou d'autres produits?), canard (sorte
de théière au long bec qui permettait
aux malades de boire en restant allongés). Voir
les dangers
de l'étain à la page de l'Hôtel-Dieu
de Tournus.
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Bouteilles de verre sur une étagère.
Stérilisables, elles assuraient de meilleures conditions d'hygiène. |
Récipients, plats et écuelles en étain
À gauche, une cimarre (aiguière à poignée
mobile avec couvercle)
Au centre, deux «canards» |
Deux murs de rangement dans la salle de stockage avec l'escabeau monté
sur roulettes |
Deux étagères avec pots-canons (en bas) et chevrettes (en haut) en
faïence |
Albarello |
Albarello
France, XVIe et XVIIe siècles
(photo ci-dessus et celle de gauche) |
L'apothicairerie de Troyes possède
un éventail complet des récipients utilisés
jadis pour le stockage des denrées médicinales
: le plus ancien, l'albarello, puis au XVIIe et XVIIIe siècles,
les pots-canons, les chevrettes et les piluliers.
a chevrette est un pot
en faïence traditionnel dans les apothicaireries. Le
nom vient du bec verseur qui évoque la corne d'un chevreuil.
Le pot était prévu pour recevoir des liquides
visqueux. La chevrette servait aussi de signe distinctif pour
les apothicaires. À partir du XVIe siècle, les
épiciers n'eurent pas le droit d'en posséder,
sous peine d'amende. Les apothicaires avaient coutume d'en
mettre une ou plusieurs à la fenêtre de leur
officine pour bien marquer leur qualité.
Le pot-canon possède
un corps cylindrique (un peu en forme de canon), resserré
en son milieu pour mieux le tenir en main. La plupart du temps,
il a un piédouche et surtout un bourrelet au col qui
permet d'y fixer un couvercle souvent fait de tissu ou de
parchemin. On n'y stockait pas des produits bruts directement
tirés des jardins, mais des onguents, substances déjà
bien travaillées et qui sont les ancêtres de
nos pommades. Le pilulier
est un pot-canon plus petit (voir la photo
du bas de cette page) qui contenait des pilules de toutes
substances, réduites en poudre.
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Au milieu de la faïence bleue
sur fond blanc de Nevers, l'alberello
apportait une touche de couleurs. Cet ancêtre de la
chevrette et du pot-canon est apparu en Europe au XIIe siècle,
venant du Moyen-Orient. La pharmacopée des Arabes était
en avance sur celles des Européens. L'albarello
était un récipient massif et solide qui servait
à la conservation des denrées solides et visqueuses,
mais aussi à leur transport. Son corps cylindrique
était légèrement étranglé
pour mieux le tenir ; son orifice était doté
d'un bourrelet pour y fixer un couvercle : deux fonctionnalités
déjà vues pour le pot-canon puisque celui-ci
en est le descendant direct. Le pot-canon dispose d'un piédouche
(pour faire joli) car il n'est pas destiné au transport.
Les albarelli de la salle de stockage ont été
fabriqués en France aux XVIe et XVIIe siècles
à Lyon et dans le sud de la France. Ceux de l'ancienne
salle de préparation proviennent de pays européens
divers (Espagne, Italie, Pays-Bas, etc.) Soulignons que toutes
ces pièces historiques colorées proviennent
du legs qu'un pharmacien et collectionneur de Troyes, Jean-Marie
Denis, fit aux musées de la ville en 1980.
Source : «Apothicairerie de l'Hôtel-Dieu-le-Comte,
guide de visite»
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L'ANCIENNE SALLE
DE PRÉPARATION |
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Vue d'ensemble de l'ancienne salle de préparation
S'y côtoient récipients et ustensiles de médecine
d'un côté, et reliquaires et bustes de l'ancienne chapelle
de l'Hôtel-Dieu-le-Comte de l'autre. |
Grande vitrine de majoliques
Les albarelli de cette vitrine viennent de pays européens,
hors France. |
Vitrine avec balance, mortiers et livres |
Petit mortier utilisé pour broyer les substances |
On ne peut visiter une apothicairerie
des siècles passés sans se souvenir de
quelques recettes
abracadabrantes, censées soigner telle ou telle
«humeur», à base d'excréments,
de bave, de peau de batracien ou d'ongles de cervidés.
Bien sûr, les livres exposés dans la vitrine
donnée dans la photo ci-dessus ne dérogent
pas à la règle. Le petit livret de visite
qu'on peut acquérir à l'accueil de l'apothicairerie
donne par exemple ce remède, à l'époque
de Molière, pour guérir les malades des
nerfs ou la sciatique : «Prenez deux petits chiens
nouveau-nés. On les coupera en morceaux, on les
mettra dans un pot vernissé avec une livre de
vers de terre bien vivants... Faites bouillir pendant
deux heures jusqu'à ce que les vers soient bien
cuits.» Les livres de recettes médicales
de l'ancien temps ressemblaient plutôt à
un grimoire de sorcière!
Mais le livret du visiteur donne néanmoins un
remède viable : lors du sevrage des bébés,
les nourrices devaient boire une tisane de feuilles
de sauge pour arrêter les montées de lait.
Source : «Apothicairerie de l'Hôtel-Dieu-le-Comte,
guide de visite»
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Buste reliquaire de saint Florentin
École troyenne, XVIe siècle, bois polychromé et doré |
Buste reliquaire de sainte Marguerite
début du XVIe siècle |
Vase avec anses «Aqua maluat» |
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Faïence de Nevers
Grande potiche avec deux têtes d'homme |
Maquette d'une apothicairerie au XIXe siècle (Legs de J.-M. Denis
en 1980) |
Vase de pharmacie avec Esculape, le dieu de la médecine
Porcelaine de Paris
XIXe siècle |
Reliquaires : à gauche, châsse de saint Barthélémy 1520, cuivre
doré
À droite, châsse Sante Marguerite XVIIIe siècle, bois
doré
(Ils proviennent de la chapelle de l'Hôtel-Dieu-le-Comte) |
Vue d'ensemble de l'ancienne salle de préparation |
Deux murs de l'apothicairerie
À droite, on voit une étagère où alternent
les pots-canons et les piluliers (plus petits). |
Documentation : «Apothicairerie de l'Hôtel-Dieu-le-Comte,
guide de visite», brochure en vente à l'accueil |
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