Accueil
  Histoire navale
  Céramique
  Bibliographie
  Les Grands Thèmes
  PATRIMOINE
  Châteaux, palais,
    Églises, monuments
Est Ouest Sud-Ouest Nord IdF Sud-Est Centre-OuestCentre-Est
RÉGIONS


 Contact
Page créée en août 2023
??
Voir l'extérieur et la nef de  la cathédraleVoir le transept et ses vitrauxVoir les chapelles du déambulatoireVoir la chapelle de la Mère de Dieu et ses vitraux
Saint Jean l'Évangéliste dans la baie 204, détail
LE CHŒUR ET SES VERRIÈRES HAUTES
Le chanoine Regnault de Molins dans la baie 212, détail

Cette page expose l'architecture du chœur et détaille les vitraux des hautes fenêtres. Certains d'entre eux sont célèbres comme celui des Trois Marie dans la baie 213. Le visiteur prendra certainement plaisir à admirer cet ensemble de vitraux. Les historiens l'ont assez souligné : le chœur de Notre-Dame d'Évreux offre presque un historique complet du vitrail des années 1330 jusqu'au début du XVe siècle. Cette page essaie d'en rendre compte.
Pour ce qui est du mobilier, le chœur étant fermé par des grilles et des stalles, et l'autel étant nu, il y a peu à voir. Le seul intérêt réside dans les grandes piles de style gothique rayonnant qui remontent au XIIIe siècle.
Qu'y a-t-il d'intéressant dans l'élévation ? Le chœur de la cathédrale Notre-Dame date de la fin du XIIIe et du tout début du XIVe. Mais l'abandon du style gothique rayonnant au profit du flamboyant s'est traduit au XVe siècle par des travaux qui ont laissé quelques traces. Ce point architectural est développé plus bas.


Vue d'ensemble du chœur de la cathédrale (achevé avant 1310).
À droite, dans le déambulatoire : la chapelle du trésor.
On remarquera le pavage au sol. Il date de 1785 et a suscité l'ire de l'historien Louis Réau dans son Histoire du vandalisme (voir plus bas).

Architecture du chœur.
Le chœur (appelé aussi sanctuaire) de la cathédrale Notre-Dame est un espace clos, dont la construction a commencé dès la fin des travaux de la nef (vers 1260) et qui s'est achevée avant 1310. Les grilles et les stalles qui font barrière interdisent d'y pénétrer, mais le visiteur a toujours le loisir d'y observer l'architecture.
Le style est ici le gothique rayonnant avec un triforium flamboyant. L'élévation du chœur est à trois niveaux : grandes arcades en tiers point (le point se rétrécit dans l'abside) ; triforium vitré ; puis grandes fenêtres.
La photo ci-dessus montre l'impression générale de verticalité de l'ensemble. Aucun élément horizontal ne vient, par son volume, casser cette impression dûment étudiée par l'architecte : 1) la mince moulure qui souligne la naissance du triforium n'attire pas l'œil ; 2) aucun chapiteau ne vient casser l'élan des colonnettes qui s'élèvent depuis le sol jusqu'à la retombée des ogives ; 3) les liserés floraux qui ornent le faisceau de colonnettes sont trop fins et situés trop haut pour menacer l'impression de verticalité.
En regardant le chœur, l'œil ne peut être que satisfait par l'application du principe de bonnes proportions, un concept crucial dans la mentalité médiévale : le triforium, étage le moins étendu, agit comme un ruban de pierre ajouré qui viendrait décorer une élévation d'un seul bloc, tel un étroit galon cousu au milieu d'une bande de tissu. Imagine-t-on ce que donnerait l'élévation si le triforium avait la hauteur des fenêtres hautes, et les fenêtres hautes la hauteur du triforium ? Au-delà des problèmes de solidité de la construction, la répartition paraîtrait totalement déséquilibrée.
La curiosité de l'élévation repose dans sa première travée, dit «travée biaise» en raison de sa forme trapézoïdale (voir le plan du chœur donné ci-dessous). Les travées du chœur gothique étant plus larges que celles de la nef et de la croisée romanes, il fallait rattraper la différence pour joindre les piliers de la croisée aux piliers du chœur. Conséquence : en regardant le chœur depuis la chapelle axiale (voir photo), on a la nette impression que le chœur se referme sur lui-même.
On notera que le maître-autel fait office d'autel de messe. Comme il n'y a aucun retable dans le sanctuaire, le célébrant peut tout à fait dire la messe selon les règles de Vatican II.
Voir plus bas les modifications intervenues sur le triforium.
Source : La cathédrale d'Évreux d'Annick Gosse-Kischinewski et Françoise Gatouillat, Les Colporteurs, 1997.


Les stalles du XIVe siècle près de l'orgue de chœur.

Stalles du XIVe siècle : rampants assis.

Les stalles de la cathédrale Notre-Dame.
Les stalles sont du XIVe siècle et comptent parmi les plus anciennes de Normandie. Offertes en 1377 par Charles le Mauvais, elles ont passé les siècles en ne perdant que leurs hauts dossiers à la Révolution. Les jouées sculptées ne sont plus là non plus (trois sont au musée d'Évreux avec celles de l'église Saint-Taurin). Néanmoins, il reste quelques figures intéressantes : des rampants assis ou allongés. Malheureusement, comme le sanctuaire est un espace clos (par des grilles ou par le dos de ces mêmes stalles), il est impossible de les voir de près.
On donne ici quelques photos de ces personnages, dont le masque ci-dessous qui semble jouer à la balançoire avec l'homme en face de lui.
Source : La cathédrale d'Évreux d'Annick Gosse-Kischinewski et Françoise Gatouillat, Les Colporteurs, 1997.


Stalles du XIVe siècle : rampants allongés.
«««--- L'entrée principale du chœur et sa grille du XVIIIe siècle.
À droite, l'entrée dans le déambulatoire nord.
Voir la croisée en page 2Voire le rond-point en page 4Voir le déambulatoire en page 4
Plan du chœur de la cathédrale Notre-Dame.
Les travées du chœur sont plus larges que celles de la nef.
La «travée biaise» assure donc le lien entre les piles
du sanctuaire et celles de la croisée du transept.

Le maître-autel (qui est aussi l'autel de messe) vu depuis la chapelle axiale.
Le rétrécissement des arcades dans la «travée biaise» est ici bien visible.

La grille de la clôture du sanctuaire face à la nef (années 1747-1750).

Le vandalisme d'avant la Révolution.
Dans son ouvrage Histoire du vandalisme, l'historien Louis Réau nous apprend que, jadis, la cathédrale Notre-Dame était riche en dalles tumulaires et monuments consacrés aux évêques d'Évreux. Malheureusement, le XVIIIe siècle voulait du neuf, de la clarté pour les vitraux et ne manifestait aucun souci pour le patrimoine, une notion qui ne prendra réellement forme qu'au siècle suivant.
Louis Réau écrit : «En 1794, le chapitre fit paver à neuf les nefs : ce qui nécessita l'enlèvement des dalles gravées qu'on utilisa comme matériaux.» Un Ébroïcien contemporain, relate Louis Réau, a pu écrire que certaines d'entre elles, qui furent sciées sans ménagement, étaient très belles.
Ce qui est à nos yeux modernes du vandalisme continua l'année suivante avec le pavage du chœur. Décidée et payée par Mgr François de Narbonne, évêque d'Évreux, qui sortit douze mille livres de sa cassette, cette «regrettable libéralité, écrit l'historien, entraîna la disparition des tombeaux de plusieurs de ses prédécesseurs.»
Source : Histoire du vandalisme par Louis Réau, Robert Laffont, 1994.


Une vue du chœur avec ses chaises et ses stalles du XIVe siècle sans leurs hauts dossiers (ôtés à la Révolution).

Les grilles du chœur.
Si le chœur de la cathédrale est un espace clos (avec des jouées de stalles impossibles à approcher), le visiteur peut néanmoins se consoler en admirant les grilles qui ferment cet espace entre les arcades. Elles illustrent l'art de la ferronnerie au XVIIIe siècle.
Le marché a été passé en 1747 entre le chapitre et un maître serrurier d'Évreux. Ces grilles sont venues remplacer les précédentes et, à suivre Annick Gosse-Kischinewski, représentaient une somme modique. Deux photos en sont données ici, dont la grille solennelle d'entrée dans le chœur en venant de l'allée centrale dans la nef (ci-contre).
Source : La cathédrale d'Évreux d'Annick Gosse-Kischinewski et Françoise Gatouillat, Les Colporteurs, 1997.


La voûte quadripartite du chœur vue depuis la chapelle d'axe.
Début du XIVe siècle.

Une grille fermant le chœur.
Année 1750.

Le chœur, de style rayonnant, est ceinturé par une série d'arcades en tiers-point.
On remarque que l'autel n'est adossé à aucun retable.

Les verrières des grandes fenêtres du chœur.
Ces fenêtres ont été vitrées approximativement entre les années 1325 et 1340, celles de l'abside étant les dernières à l'être.
Seuls les trois-quarts sont parvenus jusqu'à nous. Dans le quart restant, les verrières, déposées et reposées à plusieurs reprises, sont un peu postérieures aux autres. Les verrières des baies 213 et 214 de la travée biaise sont évidemment plus tardives puisque la liaison entre le transept et le chœur date du XVe siècle.
Des changements de goût, associés à l'apparition de nouvelles formes architecturales, ont affecté l'aspect des vitraux à partir du milieu du XIIIe siècle en privilégiant la lumière (voir en page 1 les hautes fenêtres de la nef). Mais les hautes verrières du chœur, créées dans la première moitié du XIVe, suivent une mode encore nouvelle, issue des progrès de l'industrie du verre. C'est en fait une vraie révolution technique qui touche l'univers du vitrail entre 1310 et 1320.
Au XIVe siècle, les vitreries claires sont traitées différemment car la qualité du verre s'est améliorée. Il est maintenant plus fin, et le blanc est plus nacré. On voit ainsi des séries de losanges rehaussés de jaune d'argent (verrière de la baie 208). La gamme chromatique s'accroît. Le rouge et le bleu de l'âge roman sont enrichis de teintes adoucies donnant des bleus clairs, des violets, des verts obtenus par des touches de jaune d'argent sur du bleu. Les niches s'étoffent, souvent surmontées d'une haute et savante architecture.
Dans ces hautes verrières du chœur, la Vierge à l'Enfant est très présente, souvent associée à des saints. Par chance, il s'y trouve aussi un élément bien utile : le donateur. Il suffit alors aux historiens de puiser dans les biographies de ces généreux mécènes pour établir une chronologie de la pose des verrières et évaluer les modifications du goût sur une longue période.
Le chœur de Notre-Dame d'Évreux offre presque un historique complet du vitrail des années 1330 jusqu'au début du XVe siècle.
Source : La cathédrale d'Évreux d'Annick Gosse-Kischinewski et Françoise Gatouillat, Les Colporteurs, 1997.


Verrière de la baie 109.
Vers 1380 et 3e quart du XVe siècle.
Comme toutes les verrières du triforium du chœur, elle reçoit une série d'écus armoriés,
notamment ceux de la maison d'Évreux-Navarre.
Ces verrières sont surtout étudiées par les historiens spécialistes
des généalogies au sein de la noblesse normande au Moyen Âge.

Le chœur de la cathédrale et son élévation absidiale.

Baie 200 : le vitrail sans le tympan ---»»»
La Vierge et saint Jean-Baptiste.
Vers 1330-1333.
BAIE AXIALE 200   -   (1330-1333)
BAIE 202   -   (1335)

Baie 202, détail : le Couronnement de la Vierge.
1335.

Baie 202.
Comme en baie 201, la verrière de la baie 202 a été offerte par l'évêque d'Évreux Geoffroy Faë. Datée de 1335, elle présente le Couronnement de la Vierge par un ange, celui-ci volant juste au-dessus de la couronne qu'il dépose. Marie est assise en face du Christ. La verrière, peu restaurée, affiche, en son bas, le donateur en prière, agenouillé en face d'un écu à ses armes, surmonté du texte de la donation.
On remarquera, dans les verrières 200, 201 et 202, que le donateur n'est jamais situé sous la Vierge, mais toujours sous son vis-à-vis (le Christ, un ange ou un saint). Était-ce une règle à respecter ?
Source : Corpus Vitrearum, les vitraux de Haute-Normandie, CNRS Éditions, 2000.


Baie 201, détail : l'évêque Geoffroy Faë, donateur, est en prière.
Vers 1335 et début du XVe siècle.
Baie 201 : l'Annonciation ---»»»
Vers 1335 et début du XVe siècle.

Baie 200.
La baie axiale présente, sous de modestes dais, une Vierge à l'Enfant face à saint Jean-Baptiste. Datée de 1330-1333, la verrière a été offerte par Jean du Prat, moine dominicain, maître de théologie à l'université de Paris, évêque d'Évreux de 1329 à 1333, année où il abandonne son évêché pour terminer sa vie dans un monastère de son ordre.
Au-dessus : deux saynètes illustrant la Crucifixion et la Résurrection. Au niveau inférieur, le donateur est en prière devant un petit édicule. Ses armoiries sont affichées dans le panneau opposé. Le texte latin indique la donation.
Source : Corpus Vitrearum, les vitraux de Haute-Normandie, CNRS Éditions, 2000.

BAIE 201   -   (Vers 1335 + XVe siècle)

Baie 201.
Vers 1335 et début du XVe siècle.
La verrière, ci-dessous, a été offerte par Geoffroy Faë, ancien abbé du Bec-Hellouin et évêque d'Évreux de 1335 à 1340. Elle représente une Annonciation.
À l'image de la baie 200, le donateur figure au bas de la verrière, agenouillé et en prière devant «une cathèdre de style italiénisant» [Corpus Vitrearum]. En face de lui : un écu portant ses armoiries, surmonté du texte de la donation.
À noter que le tympan, refait au début du XVe siècle, accueille le lys de France.
Source : Corpus Vitrearum, les vitraux de Haute-Normandie, CNRS Éditions, 2000.


Le triforium ajouré et les hautes verrières du chœur.
Ici, l'abside et le côté nord.
Style gothique rayonnant pour les hautes verrières, style gothique flamboyant pour le triforium (voir l'encadré plus bas).
BAIE 203   -   (Vers 1408-1415)

Baie 203, partie principale : le donateur Thibaut de Malestroit devant la Vierge à l'Enfant.
Vers 1408-1415.
(La largeur de la bande noire centrale a été réduite pour l'insertion dans la page.)
BAIE 204   -   (Vers 1335)

Baie 204 : la verrière (sans le tympan du XIXe siècle).
Vers 1335.
BAIE 205   -   (Vers 1408-1415)

Baie 205 : la verrière sans le tympan.
Vers 1408-1418.

Baie 204.
Datée vers 1335, la verrière de cette baie a été offerte par Geoffroy Faë. Les lancettes sont peintes de deux saints debout sous des arcatures réduites : saint Jean l'Évangéliste et le saint archevêque Martin de Tours.
Saint Jean (ci-contre à droite) porte un livre dans sa main droite cachée sous un voile de son manteau (selon la mode antique). De l'autre main, il tient une palme. Celle de son martyre ? Le Corpus Vitrearum évoque la palme de la seconde Annonciation à la Vierge (l'annonce de sa mort prochaine).
Dans la partie basse, le donateur Geoffroy Faë est présenté de profil dans un panneau restauré.
Source : Corpus Vitrearum, les vitraux de Haute-Normandie, CNRS Éditions, 2000.

BAIE 205   -   (Vers 1408-1415)

Baie 205 : un saint évêque resté mystérieux.
Saint Taurin? Saint Thibaut de Thann?
Vers 1408-1418.
Baie 205, détail ---»»»
Saint Thibaut de Marly, abbé du Breuil-Benoît
près de Marcilly-sur-Eure.
Vers 1408-1418.

Baie 205.
La verrière de cette baie est à rapprocher de celle de la baie 203. Réalisée vers 1408-1415 et offerte, comme cette dernière, par l'évêque de Cornouailles Thibaut de Malestroit, elle présente deux saints sous de hauts dais.
Le saint de gauche, est resté mystérieux. Est-ce saint Taurin? Est-ce saint Thibaut de Thann, patron du donateur? Le saint de droite, tout de vert vêtu, est saint Thibaut de Marly, moine cistercien et abbé de Breuil-Benoist, près de Marcilly-sur-Eure.
On remarquera l'ornementation précieuse des deux manteaux... avec une pensée pour le peintre anonyme qui savait très bien que personne, depuis le sol, ne pourrait admirer son travail.
Source : Corpus Vitrearum, les vitraux de Haute-Normandie, CNRS Éditions, 2000.

Baie 205, détail : ---»»»
l'ornementation de la robe
du saint mystérieux.
Vers 1408-1418.

Baie 203.
Vers 1408-1415. La verrière de la baie 203 (donnée ci-contre) a été réalisée environ soixante-dix ans après les verrières 200, 201, 202 et 204.
On constate que le donateur a trouvé qu'il méritait mieux qu'un petit panneau dans le bas de la verrière ! Cette fois, il est de la même taille que la Vierge à l'Enfant qui se tient en face de lui, mais il est agenouillé. Il s'agit de Thibaut de Malestroit, évêque de Cornouailles, mort en 1408.
Les deux personnages sont peints sous des dais élevés. Les dais sont coupés dans la photo ci-contre, mais des dais similaires sont visibles dans la baie 205, offerte également par Thibaut de Malestroit et qui fait la paire avec la baie 203.
Dans cette verrière de la baie 203, le donateur est vêtu d'une chape brodée à ses armes (que reprend l'écu situé au-dessous de lui - non donné ici).
À noter qu'une partie de la lancette gauche a été restaurée, en particulier le visage de l'évêque Thibaut.
Source : Corpus Vitrearum, les vitraux de Haute-Normandie, CNRS Éd, 2000.

BAIE 204   -  (Vers 1335)

Baie 204, détail : saint Jean l'Évangéliste.
Vers 1335.

Baie 204, détail : l'archevêque
saint Martin de Tours.
Vers 1335.

Baie 204, détail : le donateur
Geoffroy Faë.
Vers 1335.
BAIE 205   -   (Vers 1408-1415)

Vue des parties hautes du chœur : le triforium ajouré, les hautes verrières et la voûte.
Ici, l'abside et le côté sud.
Style gothique rayonnant pour les hautes verrières, style gothique flamboyant pour le triforium (voir l'encadré ci-dessous à gauche).

Architecture : qu'y a-t-il d'intéressant dans l'élévation du chœur (1/2) ?
Sous le règne de Louis XI (1461-1483), l'église, à part le portail nord, est achevée. Cependant, des mouvements dans les maçonneries du chœur suscitent des inquiétudes. La voûte n'est pas assez soutenue : il faut consolider l'édifice au niveau du triforium à l'extérieur (donc sur le chevet) et à l'intérieur.
À l'extérieur, le renfort va se concrétiser par des arcs-boutants supplémentaires et une unification des culées (voir page 1). À l'intérieur, la consolidation est obtenue par l'ajout d'un mur de soutien au niveau de la galerie, à l'aplomb des piliers. Ces travaux accentuent sans aucun doute les malfaçons, rendant nécessaire la réfection du triforium. Tant qu'on y est, on en profitera pour remplacer l'ornementation de style gothique rayonnant en style gothique flamboyant qui est maintenant à la mode..
À lire les ouvrages spécialisés sur la cathédrale d'Évreux, il n'est pas aisé de comprendre le déroulement de ces travaux. Le texte proposé par Annick Gosse-Kischinewski dans La Cathédrale d'Évreux (Les Colporteurs, 1997) manque de précisions et l'article rédigé par Yves Bottineau-Fuchs dans La Haute-Normandie gothique (Picard, 2001) pêche par son absence de rigueur et son désordre.
Qu'observe-t-on aujourd'hui dans le triforium ? Il est de style flamboyant dans les parties hautes et basses de la galerie, à l'exception des baies 113 et 114 situées dans la travée biaise (voir plan). Pourquoi ces deux exceptions ?
Posons d'abord les jalons :
1) Comment distinguer le style roman du style flamboyant (et donc être à même de différencier les époques) ? Il faut regarder la forme sommitale des arcatures. Un trèfle à quatre feuilles (ou un trilobe) dans un cercle, c'est du rayonnant ; des soufflets et des mouchettes imitant les flammes d'une bougie, c'est du flamboyant. Cette différence se constate dans la partie haute du triforium (photo ci-dessous) : flamboyant dans la baie 112 ; rayonnant dans la baie 114. Les grandes fenêtres du chœur ont un remplage de tympan de style roman. Le chœur de la cathédrale Saint-Pierre de Beauvais, achevé vers 1270, donne, lui aussi, un très bel exemple de ce gothique rayonnant.
2) Lorsque le réseau flamboyant possède des quatre-feuilles, il est considéré comme antérieur au flamboyant ne possédant que des soufflets et des mouchettes.
3) Les bras du transept s'étalant sur deux travées, il faut distinguer la travée proche de la croisée de celle qui inclut le pignon. On appellera la première la travée-croisée ; la seconde, la travée-pignon. On aura donc les travées-croisée nord et sud et les travées-pignons nord et sud.
---»» Suite 2/2 plus bas.


Détail de l'élévation sud du chœur.
Triforium : baies 112 et 114 ;
Hautes fenêtres : baies 212 et 214.

L'élévation sud du chœur : le triforium et les verrières 112 et 114.
Voir plus haut l'analyse proposée sur l'élévation du chœur et les modifications du triforium.
LE TRIFORIUM FLAMBOYANT DU XVe SIÈCLE

Le gothique rayonnant et le gothique flamboyant :
l'élévation nord sur les verrières 113-213 et 111-211.

Le triforium flamboyant (photo à droite ---»»)
Il est rare de voir une pareille profusion de sculptures à cette hauteur-là dans une cathédrale gothique. Pour goûter à l'exubérance de ce triforium, il faut une paire de jumelles ou un téléobjectif. Depuis le sol, on aperçoit une vague dentelle de pierre très étoffée, mais il est impossible d'en voir les détails.
Les sources datent ce triforium de la fin du règne de Louis XI (1461-1483), voire juste après sa mort, en tout cas avant l'an 1500.
Pourtant, il est tentant de l'attribuer à l'époque de Louis XII (1498-1515), voire à Jean Cossart (qui va intervenir un peu plus tard sur la façade nord de la cathédrale et y implanter un gothique flamboyant de toute beauté). C'est ce qu'a fait l'historien Louis Régnier en 1907 dans une étude sur le triforium de Notre-Dame d'Évreux. Annick Gosse-Kischinewski, qui le mentionne, rejette cette possibilité à cause du manque d'arguments. En effet, Louis Régnier se contente de «similitudes de détails dans la forme des accolades» entre le portail nord et le triforium. C'est peu.
Source : La cathédrale d'Évreux d'Annick Gosse-Kischinewski et Françoise Gatouillat, Les Colporteurs, 1997.


Une travée du triforium flamboyant dans le chœur (fin du XVe siècle).

L'ornementation flamboyante (et luxuriante) du triforium du chœur.
Le triforium est daté de la fin du règne de Louis XI (1461-1483).
L'architecte qui a créé cette décoration de soufflets, de gâbles, de pinacles et de choux frisés n'est pas connu.

Architecture : qu'y a-t-il d'intéressant dans l'élévation du chœur (2/2) ?
---»» Partons de l'époque où le chœur est achevé, tout comme la travée biaise et les deux travées-croisées. Le tout en style gothique rayonnant. Les comparaisons entre les travées du triforium et celles des hautes fenêtres au niveau du transept et de la travée biaise conduisent à la chronologie suivante :
1) Avant 1450, dans les travées-croisées, trois travées de triforium sont refaites : les deux au nord ; et, dans le bras sud, celle qui est à l'ouest (contre la nef). La modification se fait en gothique flamboyant, mais avec des soufflets à quatre-feuilles.
2) Sous le règne de Louis XI, vers 1470, le tympan de la baie 216, située dans la travée-croisée sud-est, passe en gothique flamboyant (avec soufflets-mouchettes), alors que le triforium reste roman.
3) À la fin du règne de Louis XI (1461-1483), le triforium du chœur passe à son tour en gothique flamboyant sauf dans la travée biaise, côté sud (baie 114). Cette exception est donnée par les historiens comme la concrétisation d'un souci de continuité du chœur vers le transept.
4) Toujours à la fin du règne du Louis XI, on achève le bras sud du transept (travée-pignon et pignon) en gothique flamboyant pour le triforium et les fenêtres hautes.
5) Fin du XVe siècle, les fenêtres hautes de la travée-croisée nord sont refaites en gothique flamboyant. Vraisemblablement, il en va de même pour la fenêtre haute de la travée biaise nord (baie 213), mais son triforium reste en gothique rayonnant.
6) Fin du XVe siècle et début du XVIe (avant 1517), la travée-croisée nord et le pignon nord sont érigés par Jean Cossart en un style totalement flamboyant.

Résultat dans le chœur :
1) Tous les tympans des fenêtres hautes sont restés en gothique rayonnant, à l'exception du tympan de la fenêtre haute de la travée biaise nord (baie 213).
2) Tout le triforium est passé en gothique flamboyant (avec soufflets-mouchettes) sauf dans la travée biaise où il est resté rayonnant (baies 114 et 115).
Conclusion : qu'y a-t-il d'intéressant à observer dans l'élévation du chœur ? La travée biaise et ses deux curiosités : un triforium rayonnant (au nord et au sud) et un remplage flamboyant dans le tympan de la fenêtre haute au nord.
Le visiteur pourra comparer les styles avec celui des travées voisines. Ces détails sont indiqués dans les photos jointes.
Sources : 1) La cathédrale d'Évreux d'Annick Gosse-Kischinewski et Françoise Gatouillat, Les Colporteurs, 1997 ; 2) Haute-Normandie gothique d'Yves Bottineau-Fuchs, Éditions Picard, 2001.

BAIE 206   -   (Vers 1335)

Baie 206, détail :
l'archange saint Michel terrassant le démon.
Original plafond à caissons au-dessus de l'archange.

Baie 206 (datée vers 1335).
La verrière de cette baie a été offerte par Geoffroy Faë, évêque d'Évreux de 1335 à 1340.
L'archange saint Michel terrassant le démon fait face à saint Maur représenté en moine tonsuré tenant sa crosse et un livre. L'archange est dessiné devant des contreforts vus en perspective et sous un original plafond plat et caissonné vert.
L'évêque donateur est peint agenouillé, en prière, sur un fond de vitrerie incolore. Le donateur à gauche est un panneau rapporté d'une autre verrière datée du deuxième quart du XVe siècle.
Source : Corpus Vitrearum, les vitraux de Haute-Normandie, CNRS Éditions, 2000.

«««--- Verrière de la baie 206 sans le tympan.
Vers 1335.


Baie 206, détail : l'évêque donateur Geoffroy Faë.
Vers 1335.

Vue d'ensemble du chœur avec son orgue.
BAIE 207   -   (Vers 1325-1330)

Baie 207, détail : Raoul de Ferrières et la Vierge à l'Enfant allaitant.
Vers 1325-1330.

Baie 207, détail : le tympan.
Vers 1325-1330.
BAIE 207   -   (Vers 1325-1330)

Verrière de la baie 207.
Tympan et lancettes centrales : vers 1325-1330.
Les deux lancettes externes sont modernes.

Baie 207.
Réalisée vers 1325-1330, c'est l'une des plus anciennes verrières de la cathédrale avec la baie 211.
Seuls nous en restent les deux lancettes centrales et le tympan. Les lancettes externes sont modernes.
La verrière a été offerte par le chanoine Raoul de Ferrières († avant 1329). Le donateur est agenouillé et donne la maquette de sa verrière à la Vierge debout et qui allaite l'Enfant.
Conformément à la pratique, les figures sont peintes en grisaille et jaune d'argent sur verre blanc. Le manteau de la Vierge et son nimbe sont teints dans la masse, comme le nimbe de l'Enfant. La Vierge adopte la célèbre position du «déhanchement XIIIe siècle».
On remarquera que les fonds colorés ne sont pas damassés. La différence des tailles des personnages est compensée par un dais plus riche du côté du donateur.
Autrefois, les lancettes de saint Pierre et de Pierre de Mortain, actuellement dans la baie 209, étaient comprises dans cette vitrerie. Déposée en 1939, celle-ci a été reposée en 1955, dépouillée de ces deux lancettes.
L'époque aime l'architecture. C'est ce que note Françoise Gatouillat à propos de l'oculus central du tympan (qui est bien conservé). Le peintre a simulé, dans un hexalogue redenté, la continuation du réseau de pierre de style gothique rayonnant (photo ci-dessous à gauche).

La verrière de la baie 207 a suscité l'enthousiasme de Louis Grodecki. Son ouvrage Le Moyen Âge retrouvé contient son article très érudit sur les verrières d'Évreux. Après une analyse des vitraux du chœur de la cathédrale, du contenu de leur arrière-plan et de la comparaison avec l'art de la miniature, il conclut que ces vitraux «participent à un mouvement général, à cette "inquiétude de la troisième dimension" que l'influence de Giotto et des Siennois propage, pendant la première moitié du XIVe siècle à travers l'Europe.»
Il poursuit : «Quant au style des figures, il n'est pas, dans tous ces vitraux, homogène. On doit mettre à part le "portrait" de Raoul de Ferrières et l'admirable Vierge à l'Enfant de cette fenêtre. (...) Cette silhouette fléchie sur une jambe - ce qui entraîne un balancement harmonieux des hanches et des épaules - cette présentation ondoyante, de trois quarts, cette asymétrie accusée du visage, nous les retrouvons comme des formules fixes et "maniérées", dans le Bréviaire de Belleville, dans les 'Heures Rothschild', etc. La technique elle-même concourt à faciliter les comparaisons avec la miniature. Le modelé de grisaille est pratiquement absent, tant il est discret et léger ; c'est par le trait seul, qui souligne les sourcils, les yeux, les lignes du nez et de la bouche, que le visage est caractérisé et rendu expressif. Les adjonctions de jaune à l'argent dans les chevelures ne valent point par leur tache colorée et font penser à la technique des miniaturistes, qui dessinent souvent les contours des visages en traits colorés. Une atmosphère d'infinie préciosité se dégage de ce travail, à laquelle contribuent l'expression de la Vierge, la douceur et l'élégance du geste de l'Enfant.»
Sources : 1) Corpus Vitrearum, les vitraux de Haute-Normandie, CNRS Éditions, 2000 ; 2) Le Moyen Âge retrouvé de Louis Grodecki, Flammarion, 1991, article : Les verrières d'Évreux ; 3) La cathédrale d'Évreux d'Annick Gosse-Kischinewski et Françoise Gatouillat.

BAIE 208   -   (Vers 1325-1330 et 1390-1400)

Baie 208, détail : Assomption de la Vierge célébrée par des anges. Dans le panneau de droite : la reine Blanche de Navarre.
Vers 1325-1330 et 1390-1400.

Baie 208.
Vers 1325-1330 et 1390-1400. Cette verrière recomposée est une Assomption de la Vierge entourée de onze petits anges, dessinés au jaune d'argent sur un fond blanc, telle qu'on peut le voir dans la deuxième lancette ci-dessus.
La Vierge est entourée, dans les lancettes de droite et de gauche, par «six anges musiciens et thuriféraires, écrit le Corpus Vitrearum, plongeant des nuées pour encadrer le sujet principal, détourés sur le fond de vitrerie.» En fait, ces six anges dégagent une impression étrange. Les deux corps colorés qui pendent au-dessous de chacun d'eux font croire que les anges sont agrippés à un animal, voire qu'ils sont complètement affalés dessus ! L'effet obtenu n'est pas très heureux. Au-dessous de la Vierge, un septième ange joue de l'orgue positif. Les fonds en losanges rehaussés de fleurs jaune d'or correspondent à la nouvelle mode qui envahit l'univers du vitrail à partir des années 1320 (voir plus haut).
Dans la quatrième lancette, une reine est agenouillée à côté d'un prie-Dieu, devant un joli fond damassé. L'écu placé sous le panneau (non donné ici) indique qu'il s'agit de la reine Blanche de Navarre, sœur de Charles II le Mauvais, comte d'Évreux. Blanche s'est mariée en 1349 au roi Philippe VI de Valois qui venait de perdre sa première épouse, Jeanne de Bourgogne. Blanche de Navarre décède en 1398. Ces panneaux appartenaient au groupe des «Verrières royales» réalisées pour la nef.
La verrière 208 a été recomposée en 1955 et restaurée en 1988 par l'atelier Tisserand. Le Corpus Vitrearum précise, en conséquence, que la tête de la reine est moderne, à l'exception d'un fragment. Source : Corpus Vitrearum, les vitraux de Haute-Normandie, CNRS Éditions, 2000.


Baie 208, détail : la Vierge de l'Assomption.
Vers 1325-1330 et 1390-1400.

Baie 208, détail : la reine Blanche de Navarre en prière.
Vers 1325-1330 et 1390-1400.
La tête de la reine est moderne, à l'exception
d'un fragment [Corpus Vitrearum].
BAIE 209   -   (Vers 1390-1400)

Baie 209, détail : le comte de Mortain est présenté à la Vierge par saint Pierre et saint Denis.
Vers 1390-1400.

Baie 209.
Vers 1390-1400. La verrière de cette baie est une «Verrière royale» recomposée. Le point central en est le comte de Mortain, Pierre de Navarre. La troisième lancette le montre agenouillé à côté d'un prie-Dieu en cotte armoriée d'Évreux-Navarre. Il est présenté à la Vierge, debout dans la première lancette, par saint Pierre et saint Denys. Saint Pierre tient la clé du Paradis et porte la tiare pontificale. Saint Denys porte son chef sous le bras. Les dais sont finement tracés au jaune d'argent, en particulier celui qui coiffe le comte de Mortain.
Cette verrière a été recomposée par Jean-Jacques Gruber en 1953. Elle est peu restaurée (1893 dans ses parties principales).
Source : Corpus Vitrearum, les vitraux de Haute-Normandie, CNRS Éditions, 2000.

BAIE 210   -   (Vers 1390-1400)

Baie 210, détail : le roi Charles VI le Fol en prière devant la Vierge.
«Verrière royale» recomposée. Vers 1390-1400.

Baie 210, détail : le motif du damas du prie-Dieu de Charles VI.

Baie 210.
Vers 1390-1400.
La verrière de cette baie est une «Verrière royale» recomposée du roi de France Charles VI. Le roi est présenté au centre devant une table qui sert de prie-Dieu. La table est recouverte d'un tissu damassé.
L'arrière-plan est un drap d'honneur fleurdelisé où l'on repère quelques fleurs de lys montées en chef-d'œuvre. La scène est surmontée d'une voûte ogivale surmontée d'une série d'arcades et de deux anges.
Le roi est présenté à la Vierge par saint Denis (qui tient son chef sous le bras). Ce dernier est dessiné avec le même carton que le saint Denis de la baie 209 (ci-dessus).
Les niches qui abritent la Vierge et saint Denis sont similaires et dessinées au jaune d'argent sur fond blanc. La différence d'aspect entre les deux tient à l'altération prononcée de la peinture.
Comme celle de la baie 207, cette verrière est une recomposition, entreprise depuis 1845, à partir de panneaux déplacés. Le roi Charles VI se trouvait initialement dans les hautes fenêtres de la nef, en baie 132, sous une rose aux armes de France.
Le vitrail a été restauré vers 1890, puis recomposé et restauré par J.J. Gruber en 1955. Enfin, endommagé par un orage de grêle de 1983, il a été restauré par l'atelier Tisserand en 1990. Source : Corpus Vitrearum, les vitraux de Haute-Normandie, CNRS Éditions, 2000.


Baie 209, détail : le donateur Pierre de Navarre,
comte de Mortain, en prière.
Vers 1390-1400.

Les panneaux de Pierre de Mortain et de Charles VI (baie 210 ci-dessous)
ont été réalisés par le même atelier : le damas du drap
de leurs prie-Dieu est identique.
Le même pochoir a donc été utilisé.

Baie 210, détail : le roi Charles VI est présenté à la Vierge par saint Denis.
Vers 1390-1400.
Le damas du drap qui recouvre le prie-Dieu de Charles VI est identique à celui
qu'on voit, plus haut, au prie-Dieu de Pierre de Navarre, comte de Mortain.
BAIE 211   -   (Vers 1325-1327)

Baie 211 : Guillaume d'Harcourt et sa femme entourent la Vierge et sainte Catherine.
Vers 1325-1327.

Baie 211 (2/2).
---»» Dans la partie haute de cette baie 211, les deux niches centrales débordent, par un haut dais, sur la quatrième rangée, alors que celles des deux donateurs sont coupées, d'un côté, par l'inscription de donation et, de l'autre, par une modeste vitrerie losangée.
Dans la partie basse, les écus armoriés représentent les armes des donateurs.
Selon le Corpus Vitrearum, la verrière est bien conservée et peu restaurée.
Source : Corpus Vitrearum, les vitraux de Haute-Normandie, CNRS Éditions, 2000.


Baie 211, détail : Blanche d'Avaugour.
Vers 1325-1327.

Baie 211, détail : sainte Catherine d'Alexandrie.
Vers 1325-1327.

Baie 211 (1/2).
Vers 1325-1327.
C'est l'une des plus anciennes verrières du chœur.
Guillaume d'Harcourt, seigneur de la Saussaye, grand sénéchal de France, est agenouillé, en prière et légèrement de biais (ci-contre dans la quatrième lancette), tandis que son épouse Blanche d'Avaugour est représentée dans la même position, mais de face, dans la première.
Le couple encadre une Vierge à l'Enfant et sainte Catherine d'Alexandrie, toutes deux hanchées. La sainte est reconnaissable à la roue et à l'épée de son supplice.
Les deux visages en gros plan, donnés ci-dessous à gauche, montrent un décor floral dans des fonds de niches damassés. L'historienne Françoise Gatouillat précise qu'on a là un «premier exemple d'un décor qui aura dans le vitrail une particulière longévité». L'exemple ci-dessous, tiré de la baie 212 est postérieur de quelques années. Il montre un damas du même style, mais plus sophistiqué.
---»» Suite 2/2 à gauche.

BAIE 212   -   (Vers 1335-1340)

Baie 212, détail : le donateur Regnault de Molins,
chanoine de la cathédrale Notre-Dame.
Vers 1335-1340.
BAIE 212   -   (Vers 1335-1340)

Baie 212.
Vers 1335-1340.
Les deux lancettes centrales sont d'origine. Regnault de Molins, donateur et chanoine à Évreux, se tient agenouillé, en prière, devant un ample décor floral (ci-dessus à droite). Devant lui, la Vierge à l'Enfant, dont les traits du visage réjouiraient l'historien Louis Grodecki (voir plus haut), le regarde avec attention, tout comme l'Enfant qu'elle porte sur son bras gauche. La posture dynamique de la Vierge est obtenue par le «déhanchement XIIIe siècle», bien visible dans les quatre lancettes complètes données en grande taille ci-dessous.
Dans les lancettes externes, saint Taurin et saint Aquilin accompagnent la scène centrale, coiffés par des dais très modestes.
La Vierge et Regnault de Molins bénéficient de hauts dais avec pinacles parce que la verrière a été recomposée. Avant 1939, les saints Laurent et Vincent de l'actuelle baie 130 (verrière haute de la nef) occupaient la place de Taurin et d'Aquilin. Mais leur dais s'étalant sur deux rangées, l'atelier chargé de la recomposition en 1953 a choisi, à juste titre, de ne pas les replacer en baie 212.
Cette verrière a été endommagée par la grêle en 1983 et restaurée par l'atelier Tisserand en 1992.
Source : Corpus Vitrearum, les vitraux de Haute-Normandie, CNRS Éditions, 2000.


«««--- Verrière de la baie 212.
Vers 1335-1340.

Baie 212, détail ---»»»
La Vierge à l'Enfant.

Baie 212, détail : Regnault de Molins est agenouillé devant la Vierge. Saint Aquilin et saint Taurin les entourent.
On remarquera le «déhanchement XIIIe siècle» de la Vierge à l'Enfant.
BAIE 213   -  VERRIÈRE DES TROIS MARIE  (Vers 1450)

Verrière de la baie 213 : les Trois Marie.
Vers 1450.

Baie 213 - la verrière des Trois Marie.
La baie 213 abrite une verrière dite historique, l'une des plus célèbres de la cathédrale Notre-Dame.
Réalisée aux alentours de 1450, elle a été offerte par Pierre de Brézé et Robert de Floques, tous deux vainqueurs de la bataille de Formigny en 1450 qui entraîna la perte de la Normandie par les Anglais. Les deux hommes de guerre offrirent cette verrière pour célébrer l'arrivée dans la cathédrale des reliques de Marie Salomé et Marie Jacobé, sœurs de la Vierge. Ces reliques furent incluses dans le Trésor.
Le vitrail comprend douze saynètes. Dans chacune, un fond architectural de gâbles, de frontons, de pinacles et d'arcs-boutants, dessiné sur du verre blanc, reçoit une niche colorée où prennent place deux catégories de personnages :
  - Marie-Madeleine et les Trois Marie (la Vierge et ses deux sœurs), toutes représentées debout ;
  - les donateurs, leurs familles et les représentants des pouvoirs spirituel et temporel, tous agenouillés, les mains jointes et les têtes levées vers les saintes (voir plus bas).
Dans la rangée supérieure figurent (voir ci-dessous) : Marie-Madeleine (qui tient un livre et un coffret à onguents) ; Marie Salomé (tête restaurée) avec ses quatre fils ; la Vierge à l'Enfant couronnée ; Marie Jacobé (dite aussi Marie Cléophas) et ses deux fils.
Dans la rangée médiane : les deux donateurs en cottes armoriées ; le roi Louis XI en cotte aux armes du Dauphiné ; le pape Eugène IV ; le roi Charles VII.
Dans la rangée du bas : les membres des familles de Floques et de Brézé dans les deux niches de gauche ; Guillaume de Floques, évêque d'Évreux (et père du donateur Pierre de Floques) accompagné du doyen du chapitre Robert Cybole et de Jean de Rouen, abbé du Bec jusqu'en 1452 ; trois hommes d'armes dans le panneau de droite.
Dans le tympan (que l'on voit ci-contre) : les armes du roi, du pape, de la reine Marie d'Anjou, du dauphin et des deux donateurs.
La verrière est décrite comme peu restaurée par le Corpus Vitrearum.
Remarque : les visages de Marie-Madeleine, de la Vierge et de Marie Jacobé n'ont pas été restaurés). Donnés en gros plan plus bas, ils retiennent l'attention par leur étonnant graphisme. Taillés en quelques coups de traits rapides, ils sont à l'évidence de la même main et l'on ne peut pas dire qu'ils soient beaux ! Que s'est-il donc passé dans l'atelier des peintres verriers pour aboutir à un résultat de cette nature ? A-t-on désigné un débutant pour faire le visage de ces personnages qui, placés de toute façon dans les fenêtres hautes, ne se verraient pas ? Ou a-t-on renoncé - pour la même raison - à reprendre des tracés jugés insuffisants ?
En matière de Vierge Marie, la cathédrale d'Évreux propose beaucoup mieux. Dans la chapelle des Saints-Évêques d'Évreux, en baie 27, un verrier doué a réussi, par quelques traits adroits, à tracer un visage de jeune femme tout à fait séduisant.
Source : Corpus Vitrearum, les vitraux de Haute-Normandie, CNRS Éditions, 2000.


Baie 213, partie principale.
De gauche à droite : Marie-Madeleine et les trois Marie : Marie Salomé, la Vierge et Marie Jacobé.
Vers 1450.

Baie 213, détail : la Vierge à l'Enfant.
Vers 1450.

Baie 213, détail : sainte Marie-Madeleine tenant un livre et un coffret à onguents.
Vers 1450.

Baie 213, détail : Marie Jacobé et ses deux fils.
Vers 1450.

Les visages de ces trois jeunes femmes ne sont pas ce qu'on fait de mieux.
À l'opposé, voir le beau visage de la Vierge en baie 27
dans la chapelle des Saints-Évêques d'Évreux dans le déambulatoire.



Baie 213, détail : les donateurs, leurs familles et les représentants des pouvoirs spirituel et temporel.
En haut, de gauche à droite : les deux donateurs ; le futur Louis XI (sa cotte est aux armes du Dauphiné) ;
le pape Eugène IV ; le roi Charles VII.
Vers 1450.

Baie 213, détail : les deux donateurs en cottes armoriées, Pierre de Brézé et Robert de Floques.
Vers 1450.

Baie 213, détail : des membres des familles de Floques et de Brézé.
Vers 1450.
BAIE 214   -   (2e quart du XIVe siècle et 1er quart du XVe)

Verrière de la baie 214.
2e quart du XIVe siècle et 1er quart du XVe.

Baie 214, dé : saint Aubin.
1er quart du XVe siècle.

Baie 214, détail : le Calvaire et deux donateurs. ---»»»
2e quart du XIVe siècle.

Baie 214 (1/2).
La verrière de cette baie est une recomposition. On y trouve un Calvaire et trois saints. Les deux personnages des extrémités, sainte Foy et l'évêque saint Aubin, sont donnés du 1er quart du XVe siècle par le Corpus Vitrearum. La part du jaune d'argent y est importante, notamment sur saint Aubin (donné en gros plan ci-dessus).
---»» Suite 2/2 à droite.


Baie 214, détail : Sainte Foy
1er quart du XVe siècle.

Baie 214 (2/2).
---»» Le Calvaire (ci-dessus à droite) retient l'attention : les deux personnages au pied de la croix (donnés en gros plan ci-dessous) s'écartent un peu de la tradition évangélique. La jeune femme semble bien ne pas être la Vierge, mais Marie-Madeleine peinte avec une belle chevelure d'or et des mains crispées. Des larmes coulent de ses yeux. Quant à saint Jean, il est représenté avec des cheveux blonds et une barbe de la même teinte, ce qui est fort rare.
Un couple de donateur (en remploi) figure sous le Calvaire.
Dans la troisième lancette, saint Pierre est coiffé de la tiare pontificale. Il bénit d'une main et ,de l'autre, tient une clé du Paradis à la taille démesurée. Un chanoine donateur est peint au-dessous de lui avec un nom inscrit : ROBERT LE SESNE. Ce personnage a été très restauré. Sa tête est moderne.
Cette verrière a été endommagée par la grêle en 1983, puis restaurée en 1992-1993 par l'atelier Tisserand.
Source : Corpus Vitrearum, les vitraux de Haute-Normandie, CNRS Éditions, 2000.


Baie 214, détail : saint Pierre (2e quart du XIVe siècle).

Baie 214, détail : sainte Marie-Madeleine et saint Jean, barbu, au pied de la croix.
2e quart du XIVe siècle.
On remarquera l'utilisation du jaune d'argent pour les deux chevelures, la barbe de saint Jean et
pour la croix afin que celle-ci se différencie nettement du corps de Jésus.

Baie 214 : sainte Foy, Calvaire, saint Pierre et saint Aubin.
2e quart du XIVe siècle et 1er quart du XVe.
Voir l'extérieur et la nef de  la cathédraleVoir le transept et ses vitrauxVoir les chapelles du déambulatoireVoir la chapelle de la Mère de Dieu et ses vitraux
Documentation : Livret et panneaux dans la cathédrale
+ «Congrès archéologique de France, Évrecin, Lieuvin, Pays d'Ouche», Société française d'archéologie, Paris 1984
+ «Congrès archéologique de France tenu à Évreux en 1889», article Émile Travers
+ «La cathédrale d'Évreux» d'Annick Gosse-Kischinewski et Françoise Gatouillat, Les Colporteurs, 1997
+ «Haute-Normandie gothique» d'Yves Bottineau-Fuchs, Éditions Picard, 2001
+ «Les plus belles cathédrales de France» de l'abbé J.-J. Bourassé, Alfred Mame et Fils Éditeurs, 1880
+ «L'architecture normande au Moyen Âge», Presses Universitaires de Caen, éditions Charles Corlet, 1997
+ «Évreux, la légende des pierres» d'Annick Gosse-Kischinewski, Froment Glatigny Éditeurs, 1988
+ «Corpus Vitrearum, les vitraux de Haute-Normandie», CNRS Éditions, 2000
+ «Le vitrail du Triomphe de la Vierge d'Évreux et Louis XI» de Gary B. Blumenshine, Annales de Normandie, 40e année n° 3-4
+ «Le Vitrail Français», éditions Mondes, 1958
+ «Le Moyen Âge retrouvé» de Louis Grodecki, Flammarion, 1991, article : Les verrières d'Évreux.
PATRIMOINE CARTE PATRIMOINE LISTE Retourner en HAUT DE PAGE