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La Réole a une position géographique
cruciale le long de la Garonne, ce qui lui voudra d'être assiégée
à de nombreuses reprises. C'est aussi une voie de passage
pour les voyageurs venant du nord, en particulier les pèlerins
partis de Limoges et qui cheminent vers Saint-Jacques de Compostelle.
Pour ce qui est du monastère, certaines sources parlent d'un
prieuré au VIIIe siècle, mais la critique historique
actuelle opte pour l'an 977. De cette année-là date
la fondation du prieuré Saint-Pierre et son rattachement
à la règle de Saint-Benoît et à Fleury-sur-Loire.
C'est une époque où la Gascogne voit se multiplier
les abbayes bénédictines et... le relâchement
de leurs murs. À La Réole, l'abbé de
Fleury, Abbon, s'en vint par deux fois sermonner les moines sur
leur vie dissolue. La seconde fois, en 1004, ils l'assassinèrent.
L'église actuelle fait suite à une première
église priorale, sans doute de la fin du Xe siècle,
détruite sur ordre d'Henri II Plantagenêt afin de laisser
la place à un futur château
fort. L'édifice que l'on voit aujourd'hui date donc de
la fin du XIIe siècle et du début du XIIIe. C'est
une époque de transition architecturale : le roman va être
abandonné peu à peu au profit du gothique. En attendant,
Saint-Pierre, comme d'autres bâtiments de l'époque,
va recevoir une empreinte mêlant le roman tardif et le premier
gothique. À ce titre, c'est un monument de première
importance. D'une longueur de 85 mètres, il n'a qu'une nef
unique. Son chevet est voûté de pierre, la nef est
abritée par une charpente. Vers le milieu du XIIIe siècle,
à la suite d'une rébellion contre Simon de Montfort,
il perd ses deux travées occidentales qu'il ne retrouvera
jamais (voir encadré).
Au XIVe, deux croisillons sont rajoutés au nord et au sud.
En 1574, les huguenots saccagent l'église et mettent le feu
au mobilier en bois, ce qui fait brûler la charpente. Elle
sera reconstruite.
En 1680, les Mauristes prennent en charge le prieuré, bien
délabré, et l'église. Ils se lancent dans de
grands travaux : les bâtiments monastiques sont entièrement
reconstruits, tandis qu'une réfection partielle est menée
dans l'église, doublée d'un embellissement interne
au XVIIIe siècle. À Révolution, les moines
sont chassés ; l'église est désaffectée.
Rendue au culte au début du XIXe, elle perdra tout son mobilier
(surtout au profit de la cathédrale
de Bordeaux) et ne sera plus qu'une annexe de l'église
paroissiale Saint-Michel. En 1839, cette dernière sera détruite
pour faire place à une prison. Saint-Pierre sera alors l'église
paroissiale de La Réole. Une série de vitraux viendra
l'embellir après 1840.
On donne, en bas de page, des photographies des bâtiments
monastiques construits par les Mauristes au XVIIIe siècle.
Ils ont tous été récupérés par
l'Administration (mairie, gendarmerie et palais de justice).
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Vue d'ensemble de la nef de l'église Saint-Pierre.
Fin du XIIe - début du XIIIe siècle.
La voûte sexpartite de la nef date de la fin du XVIIe siècle,
celle du sanctuaire du début du XIIIe. |
Paysage de la Réole avec l'église (paysage vu depuis
le pont sur la Garonne). |
Le chevet de l'église Saint-Pierre
(fin du XIIe - début du XIIIe siècle). |
Le clocher (XIXe siècle) et le portail nord. |
Le clocher
de l'église Saint-Pierre a été
construit lors de la reprise en main du monastère par
les Mauristes à partir de 1680 (sans la partie terminale).
Tout a été reconstruit au XIXe siècle.
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Arcature en tiers-point au-dessus des fenêtres de l'abside (fin
du XIIe - début du XIIIe siècle).
Elle est ornée d'une suite de consoles à masques, souvenir
de l'époque romane. |
Plan de l'église Saint-Pierre de La Réole. |
Le cloître et la façade occidentale.
La rose, dans le mur, date de l'époque mauriste. |
Statue de saint Pierre (moderne) et boiseries du XVIIe siècle
en bas-relief sur le portail nord. |
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Le
plan de l'église Saint-Pierre. Les
élévations nord et sud remontent à
la fin du XIIe et au début du XIIIe siècle.
À cette date, seul le chevet est voûté
de pierre. Les piles de la nef alternent le fort et
le faible, ce qui indique le choix d'une voûte
sexpartite. (Au début du XIIIe siècle,
ce type de voûte commencera à céder
la place à la voûte quadripartite.) Les
croisillons nord et sud ont vraisemblablement été
ajoutés au début XIVe siècle, quand
deux cardinaux issus de l'entourage du pape Clément
V furent à la tête du prieuré. Après
1680, les Mauristes voûtèrent la nef de
pierre selon le plan original d'une voûte sexpartite
(complètement passé de mode à cette
époque.) et fermèrent la cloison occidentale.
Source : Congrès
archéologique de France, Bordelais et Bazadais,
1987, 145e session, article sur l'église Saint-Pierre
par Jacques Gardelles.
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Le portail nord date du XIVe siècle. |
Le
portail nord date du XIVe siècle.
Il a été créé en style flamboyant.
Pour l'historien Gabriel Loirette, il ne semble pas
qu'il ait jamais été pourvu de statues
sur les socles et contre les pieds-droits. La porte
est du XVIIe siècle. Sur le trumeau, la statue
de saint Pierre est moderne. Ce portail a été
détruit par les troupes protestantes de Fabas
en 1577.
Source : Congrès
archéologique de France
tenu à Bordeaux et à Bayonne en 1939,
102e session, article sur l'église Saint-Pierre
par Gabriel Loirette.
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Les deux
travées occidentales disparues. Dans son
article sur l'église Saint-Pierre rédigé
à l'occasion du Congrès archéologique
de 1939, l'historien Gabriel Loirette fait remarquer que la
nef est trop large pour sa longueur (38 mètres sur
16 mètres). L'édifice a donc dû posséder
deux travées de plus à l'ouest. Quand ces travées
ont-elles été détruites? La question,
passionnante pour ce qui est de l'histoire de l'édifice,
intéresse à la fois historiens et archéologues.
Deux solutions se présentent : 1) après 1254
et sur ordre d'Henri III, roi d'Angleterre ; ou 2) en 1577
par les protestants de Jean Geneste de Fabas, l'un des chefs
du parti calviniste. L'historien Jacques Gardelles, dans son
article sur l'église Saint-Pierre rédigé
lors du Congrès archéologique de 1987,
écrit que, en 1254, «les bourgeois, alliés
aux nobles gascons révoltés contre les excès
commis par Simon de Montfort, comte de Leicester et sénéchal
du roi d'Angleterre [Henri III], purent s'emparer du château
en utilisant les hautes structures de l'église, qui
commandaient à l'est l'assiette de la forteresse.»
Gabriel Loirette, de son côté, ne parle que d'un
bombardement du château depuis le toit de l'église.
Toujours est-il que le roi ordonna de démolir en partie
l'édifice menaçant et offrit une compensation
pécuniaire (qui d'ailleurs tarda à venir) :
c'est la thèse présentée par Jacques
Gardelles en 1987. Gabriel Loirette, en 1939, préfère
privilégier la destruction par les troupes protestantes
du chef calviniste Fabas en 1577. Il s'appuie pour cela sur
le fait que le mur occidental (avec sa rose) n'a été
élevé qu'au début du XVIIe siècle.
En fait, Jacques Gardelles, en 1987, donne la clé de
l'énigme grâce à un plan dressé
par les moines Mauristes avant l'année 1682, année
qui marque le début des travaux de reconstruction.
(Pour ce qui est de l'église, cette reconstruction
sera d'ailleurs très partielle.) On voit sur ce plan
(reproduit en partie ci-contre) que les élévations
nord et sud de ces travées disparues sont bel et bien
présentes et qu'elles prolongent les murs gouttereaux
actuels. Il précise qu'elles étaient assez élevées
pour que des bâtiments annexes puissent s'y adosser
(ils sont d'ailleurs dessinés sur le plan). On comprend
donc que l'ordre de destruction partielle d'Henri III n'a
concerné que la charpente qui couvrait la nef disparue.
Cette partie sans toit est restée vide et à
l'air libre pendant plusieurs siècles : du milieu du
XIIIe jusqu'à la fin du XVIIe.
Quant au mur occidental actuel, il était déjà
présent à l'arrivée des Mauristes. Toutefois,
si l'on en croit le plan, il était percé d'un
passage en son centre. Ce passage desservait ce qui est aujourd'hui
la travée occidentale, utilisée à l'époque
comme caves et greniers. Un mur séparait cette travée
du reste de la nef. Les Mauristes auraient donc cassé
ce dernier mur pour agrandir la nef (en supprimant caves et
greniers) et fermé la paroi occidentale.
Sources : 1) Congrès
archéologique de France tenu à Bordeaux
et à Bayonne en 1939, 102e session, article sur l'église
Saint-Pierre par Gabriel Loirette ; 2) Congrès archéologique
de France, Bordelais et Bazadais, 1987, 145e session,
article sur l'église Saint-Pierre par Jacques Gardelles.
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Le cloître du prieuré Saint-Pierre (début du XVIIIe
siècle).
Voir le développement sur le prieuré plus
bas. |
Plan de l'église dressé par les Mauristes avant 1682. |
Les restes du château des Quate-Sos de La Réole.
Au centre, la tour sud-ouest dite «La Thomasse». |
Le château
des Quate-Sos de la Réole a vraisemblablement
été érigé à l'initiative
de Richard Cur de Lion, vers la fin du XIIe siècle.
Dominant la Garonne, il possédait quatre tours (appelées
les Quatre-Surs - Quate-Sos en gascon) et barrait le
passage à toute armée qui désirait, venant
de l'Est, envahir le Bordelais. Ce château-fort fut
une pièce essentielle de la défense de la ville
lors des nombreux sièges que la Réole eut à
soutenir au cours de son histoire. Les sièges de 1224
et 1253 l'endommagèrent d'ailleurs fortement et il
dut être presque complètement reconstruit dans
la seconde moitié du XIIIe siècle.
Il est intéressant de connaître ce qu'il se passa
lorsque, le 4 janvier 1629, Louis XIII signa la lettre patente
qui ordonnait la destruction du château. À cette
époque, il était habité par la veuve
du maréchal de Roquelaure, ancien gouverneur de la
ville, et sa famille. Les soldats qui gardaient la forteresse
refusèrent de la rendre. Le duc d'Épernon, chargé
d'exécuter la sentence, dut employer la force. Le 13
janvier, le duc fit réunir toutes les troupes disponibles,
bien décidé à faire un exemple. On installa
deux canons contre le donjon, là où se trouvait
le pont-levis ; et l'on sapa les murailles. Les barricades
allaient être enfoncées quand, le 30 janvier,
deux voûtes d'une tour d'angle sautèrent. Alors
les assiégés ouvrirent les portes et se rendirent
sans conditions. Tout à sa colère, le duc d'Épernon
fit venir une troupe d'archers, commandée par le vice-sénéchal
de Guyenne, pour exécuter les prisonniers. Les armes
et les munitions furent saisies et les travaux de démolition
commencèrent. La dame de Roquelaure essaya bien, peu
après, de s'opposer ---»» suite à
gauche
|
|
---»»» à
la suite de la destruction, mais le duc d'Épernon passa
outre. Néanmoins, il fallut attendre vingt ans pour
que le château soit totalement démantelé.
Il ne fut pas rasé, comme tant d'autres, victimes de
la vindicte de Richelieu : les deux tours qui font face à
la rivière subsistent encore.
Source : Notice historique
et statistique de La Réole, suivie de détails historiques
sur les diverses communes de l'arrondissement qui renferment
des monuments, des antiquités et des curiosités remarquables
par M. Ml Dupin - 1839 (disponible
sur Gallica.fr)
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Le château des Quate-Sos,
le côté ouest ---»»» |
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LA NEF DE L'ÉGLISE
SAINT-PIERRE |
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Vue de la nef et de son côté nord avec l'abside (fin
du XIIe - début du XIIIe siècle)
Cette belle architecture d'église accuse donc huit siècles
d'existence.
La voûte sexpartite date de l'époque mauriste (fin du
XVIIe siècle), sauf celle du chur qui est du XIIIe. |
Vitrail de saint Abbon
XIXe siècle (après 1840).
Ainsi se présentent les vitraux à grands
personnages qui parcourent la nef. |
Vitrail de saint Ferdinand roi, détail.
XIXe siècle (après 1840) |
Vitrail de saint Bernard, détail.
XIXe siècle (après 1840) |
|
Architecture.
Le visiteur ne peut être qu'admiratif devant la
remarquable architecture interne de l'église
Saint-Pierre. L'édifice est très large
pour sa longueur : deux travées ont été
supprimées au cours des siècles (voir
encadré plus
haut). Saint-Pierre s'inscrit dans la transition
entre le roman tardif (reconnaissable aux chapiteaux)
et le premier gothique du début du XIIIe siècle.
L'il averti reconnaît immédiatement,
dans la nef, l'alternance pile forte - pile faible.
Le nombre de faisceaux de colonnettes parle de lui-même.
Cette alternance correspond aux piliers d'une voûte
sexpartite. Au début du XIIIe siècle,
seul le chevet est voûté de pierre. Le
reste reçoit une simple charpente. Donc l'alternance
fort-faible ne sert pas. Au XIVe siècle, on peut
donc ajouter deux croisillons au nord et au sud afin
de créer un pseudo-transept, sans se soucier
du poids qui va venir peser sur les élévations.
Lors des guerres de Religion, les huguenots brûlent
la charpente, qui est rebâtie ensuite. Quand les
Mauristes prennent en main le monastère (vers
1680), ils décident de voûter la nef. Quelques
travaux sont alors nécessaires pour récupérer
la fameuse alternance dans toute la nef. Jacques Gardelles
fait remarquer que, au XVIIIe siècle, un architecte
a peut-être fait disparaître la pile faible
de la grande arcade du transept. En effet, un dessin
daté de 1841 ne montre qu'une seule grande arcade
à l'entrée des croisillons, mais on voit
bien «au-dessus du sommet du grand arc unique,
le sommet d'une pile faible à chapiteaux nus,
telle que celles qui ont été alors mises
en place le long de la nef.»
Source : Congrès
archéologique de France, Bordelais et Bazadais,
1987, article sur l'église Saint-Pierre par Jacques
Gardelles.
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Très beau Christ en croix sur l'élévation
nord.
Le Christ est entouré de la lance du soldat Longin (qui
lui perça le flanc)
et de la pique qui tenait le morceau d'éponge imbibé
de vinaigre. |
La voûte sexpartite de l'église date de la fin
du XVIIe siècle.
Celle du chur est du XIIIe siècle. |
L'éponge
et le vinaigre. Dans les récits de
la Passion, un soldat romain tend au Christ crucifié
une éponge imbibée de vinaigre. On présente
souvent cet épisode comme une torture supplémentaire
infligée au condamné, voire comme un geste
visant à abréger ses souffrances. Dans
son ouvrage Quand la science explore l'histoire,
le médecin légiste Philippe Charlier rappelle
(page 99) que le vinaigre doit au contraire être
regardé comme une marque de «déférence»,
plutôt que de «mépris». En
effet, le traitement des eaux usées, souillées
par des déchets de toute nature, était
inconnu dans l'Antiquité. Mettant les pieds dans
le plat, Philippe Charlier parle ainsi du «péril
fécal», toujours là pour tuer les
gens d'une fièvre typhoïde. L'eau était
donc impropre à la consommation et l'on utilisait
du vinaigre pour essayer de la décontaminer.
Source : Quand la science
explore l'histoire
de Philippe Charlier avec David Alliot, Éditions
Tallandier.
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«Le Mariage de la Vierge» par Juan de Baldes,
3e quart du XVIIe siècle. |
Statue moderne de don Bosco. |
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«L'Adoration des bergers»
XVIIe siècle, auteur anonyme. |
Vitrail de saint Abbon, détail.
(XIXe siècle, après 1840) |
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Le côté nord de l'église avec le double
passage vers la chapelle Notre-Dame (XIVe siècle). |
Chemin de croix (XIXe ou XXe siècle?)
Station 1 : Jésus est condamné. |
«La Vierge offrant le Rosaire à saint Dominique
et sainte
Jeanne de Chantal», auteur anonyme, XVIIIe siècle? |
La chaire à prêcher : la cuve et ses beaux
placages de marbre. |
Vitrail de sainte Catherine d'Alexandrie, détail.
XIXe siècle (après 1840). |
|
Les
chapiteaux de l'église relèvent
de plusieurs époques. Les plus intéressants
et les plus beaux sont ceux de la 3e travée (vers
le mur occidental). Pour l'historien Jacques Gardelles,
les sculptures qu'ils accueillent sont à replacer
dans une époque de transition entre le roman
tardif et le gothique du début du XIIIe siècle.
Il décrit ainsi les chapiteaux dans son article
au Congrès archéologique de 1987
: «Tantôt les corbeilles, entourées
de feuillages peu différenciés, épais
et découpés sur leurs bords, laissent
voir à leurs angles des protomes humains ou monstrueux,
tantôt le corps du chapiteau est remplacé
par une hure énorme, "gros masque"
grimaçant ou "glouton", absorbant le
fût entier de la colonne.» Les quatre photographies
des chapiteaux de la nef qui sont données ici
illustrent cette description.
Dans les travées I et II, les corbeilles des
chapiteaux sont nues (comme le chapiteau central de
la photo ci-dessous). Jacques Gardelles les fait remonter
à la fin du XVIIe siècle. Leur intérêt
artistique est inexistant.
À l'entrée du chevet, la tradition romane
réapparaît timidement tandis que, dans
le chevet lui-même, c'est le style gothique septentrional
du premier tiers du XIIIe siècle qui est à
l'honneur : astragale en larmier surmontée d'une
rangée de crochets identiques (voir photo). Mais,
au-dessus, les hauts tailloirs (qui sont coiffés
d'une tablette rectiligne) n'appartiennent pas vraiment
à la même école.
Selon Jacques Gardelles, cette diversité dans
les chapiteaux (ceux de la nef étant associés
à une longue coursière) font penser que
l'ornementation de Saint-Pierre ne se rattache pas seulement
au milieu français, champenois ou picard. Il
faut au contraire y voir le lieu où s'est élaboré
un style gothique méridional avant même
son implantation dans le Midi languedocien. C'est une
des raisons qui font que l'église Saint-Pierre
de La Réole présente un très grand
intérêt.
Source : Congrès
archéologique de France, Bordelais et Bazadais,
1987, 145e session, article sur l'église Saint-Pierre
par Jacques Gardelles.
|
|
Chapiteaux du roman tardif dans la nef (aux alentours de 1200).
On voit, à l'extrême-droite, le «"glouton"
qui absorbe le fût entier de la colonne» (Jacques
Gardelles). |
|
La chaire à prêcher, en bois précieux recouvert
de beaux placages
de marbre, vient de l'ancienne église Saint-Michel,
détruite vers 1840 pour construire une prison. |
L'archange saint Michel sur l'abat-son de la chaire à
prêcher. |
Chapiteaux du roman tardif dans la troisième travée
de la nef. |
Chapiteaux du chevet
On retouve le style gothique septentrional du 1er tiers du XIIIe
siècle. |
Chapiteaux du roman tardif dans la nef
(Arcade du côté sud). |
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Chapiteaux du roman tardif sur la façade occidentale nord :
dragon, sirènes et énorme masque. |
Statue de saint Abbon, abbé de Fleury,
martyr à La Réole en 1004. |
Saint
Abbon. Comme souvent, dans ces temps reculés
du Moyen Âge, les moines, oubliant leurs vux
et leurs devoirs, menaient joyeuse vie. Ceux du prieuré
Saint-Pierre à La Réole ne faisaient pas
exception.
Au Xe siècle, Abbon, le saint abbé de
Fleury-sur-Loire, voulait mettre en place la réforme
clunisienne dans tous les monastères dépendant
de Fleury. Il vint une première fois à
La Réole rappeler à l'ordre les religieux
gascons. Ce fut peine perdue. Les mauvaises habitudes
reprirent de plus belle. Aussi Abbon décida-t-il
de revenir en 1004, mais, cette fois, les moines rebelles
l'assassinèrent.
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L'agneau pascal sur une clé de voûte. |
Les clés de saint Pierre sur une clé de voûte. |
«Saint Abbon et saint Maur»
Auteur anonyme, XVIIIe siècle? |
Vitrail de saint Louis, partiel
XIXe siècle (après 1840) |
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Élévation nord avec le croisillon du transept. |
«La Cène»
Auteur anonyme, XVIIIe siècle? |
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Vitrail de sainte Cécile
XIXe siècle (après 1840). |
Le côté sud avec le chur.
On n'oubliera pas de jeter un petit coup d'il sur les chapiteaux
(cf encadré plus
haut). |
LES CROISILLONS
DU TRANSEPT ET LEURS DEUX CHAPELLES |
|
Chapelle sud dédiée à Notre-Dame.
L'architecture et l'ornementation de cette chapelle sont nettement
plus élaborées que celles de la chapelle Saint-Maur,
au nord. |
Les
chapelles du transept. Il faut avoir l'il,
une fois dans l'église, sur les deux bras du
transept construits au XIVe siècle. Ils présentent
une architecture sobre au nord, et plus travaillée
au sud. On a en fait sous les yeux deux des tendances
artistiques qui se manifestaient, au début du
XIVe siècle, dans l'art sacré de la France
du Midi et du Sud-Ouest.
Chaque croisillon se compose d'une travée droite
quadripartite, enrichie d'une abside à cinq pans
abritant une petite chapelle. Au nord (photo ci-dessous),
on observe «des colonnettes grêles, de coupe
prismatique, séparées par des chapiteaux
nus de nervures offrant le même profil très
sec» (Congrès archéologique de
1987). Au sud (voir plus haut), dans la chapelle
Notre-Dame, l'effort artistique est à souligner
: «supports légers, formés de colonnettes
liées par un jeu délicat de contre-courbes,
chapiteaux élégants au décor de
feuilles découpées, fenêtres à
réseaux rayonnants, animation générale
des parois toute différente de l'austérité
de la chapelle nord» (Congrès archéologique
de 1987).
Source : Congrès
archéologique de France, Bordelais et Bazadais,
1987, 145e session, article sur l'église Saint-Pierre
rédigé par Jacques Gardelles.
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Chapelle nord dédiée à Saint Maur.
Cette chapelle présente une architecture beaucoup plus
sobre que la chapelle sud. |
À DROITE ---»»»
Partie basse de la rose historiée illustrant la
vie de Marie (XIXe siècle, après 1840) |
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Chapelle sud dédiée à Notre-Dame.
Les chapiteaux de cette chapelle, beaucoup plus travaillée
que la chapelle nord,
sont ornés d'élégantes feuilles découpées. |
«Saint Jean-Baptiste et l'agneau»
Tableau d'un auteur anonyme, XVIIIe siècle? |
«Saint Jacques le Majeur»
Tableau d'un auteur anonyme, XVIIIe siècle? |
Rose avec vitrail du XIXe siècle dans le transept sud.
Le vitrail illustre des épisodes de la vie de Marie. |
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Détail de la rose historiée dans le croisillon sud du
transept :
Jésus parmi les docteurs. |
«Apparition de la Vierge»
Auteur anonyme, XVIIe siècle? |
Autel de la chapelle Saint-Maur (transept nord). |
LE CHUR
DE L'ÉGLISE SAINT-PIERRE DE LA RÉOLE |
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«L'onction royale» avec saint Sébastien.
Auteur anonyme, XVIIIe siècle? |
La Vierge, détail d'un vitrail du chur. |
Le Christ, détail d'un vitrail du chur. |
Saint Pierre, détail d'un vitrail du chur. |
Vue d'ensemble du chur avec les boiseries et la coursière.
Cette architecture est du tout début du XIIIe siècle.
Les chapiteaux relèvent du gothique septentrional de la même
époque.
La coursière, qui court au-dessous des baies, a été
conçue lors de la création de l'église, mais
la balustrade de pierre a été refaite au XIXe siècle. |
Vitrail de l'Arbre de Jessé
(XIXe siècle, après 1840).
|
Les
vitraux de l'abside. Dans la nef, les
vitraux font apparaître des saints et des
saintes de grande taille dans un décor
où les figures géométriques
et les éléments floraux abondent.
Les vitraux de l'abside offrent plus de variétés.
Les deux vitraux de l'axe central accueillent
le Christ et la Vierge en haut, l'apôtre
Pierre et l'archange Michel en bas. Sur les côtés,
on note la présence d'un Arbre
de Jessé, façon XIIIe siècle,
et d'un Arbre des prophètes, Tous les deux
sont du même style (voir l'église
Saint-André
à Joigny
qui propose elle aussi un Arbre de Jessé
et un Arbre des prophètes - ce dernier
sous la forme des litanies de la Vierge). Le reste
des baies du chevet de Saint-Pierre est occupé
par les évangélistes. Un exemple
en est donné ci-contre à droite
avec saint Matthieu et saint Luc.
Au niveau du style, les vitraux de Saint-Pierre
(en incluant les deux roses) sont très
riches en couleurs. Ils sortent vraisemblablement
d'un même atelier de peintres verriers (qui
est inconnu). Le programme iconographique est
assez cohérent. Tout a été
mis en place après 1840.
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Jessé endormi dans le vitrail de l'Arbre de Jessé
(XIXe siècle, après 1840).
CI-DESSOUS : Le maître-autel du chur. |
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Le
mobilier de l'église Saint-Pierre.
Avant la Révolution, de 1764 à 1781, les
Mauristes eurent à cur d'embellir leur
église : autel à la romaine, sculptures
en marbre blanc, lutrin, portes en fer, balustrade du
sanctuaire, boiseries du chur, grandes orgues
furent créés par d'excellents artistes
(dont Blaise Charlut, de La Réole). À
cette époque, il y avait quatre autels latéraux
dans la nef avec les dorures qui les accompagnaient.
Et surtout de remarquables peintures à fresque
dues au peintre Beaucourt. Ces peintures (qui ont toutes
disparu) ont été achevées en 1779.
La Révolution a laissé cette ornementation
intacte. Mais, en 1803, tout fut enlevé pour
orner la cathédrale
de Bordeaux. L'administration ne fit rien pour s'y
opposer «(...) et cette chapelle, que les habitants
montraient naguère aux étrangers comme
le plus beau monument de la cité, tomba dès
lors dans le délabrement le plus complet»,
écrit M. Dupin, auteur d'une notice historique
en 1830. Quant à la chaire à prêcher,
elle déménagea dans la chapelle de l'hospice.
Source : Notice historique
et statistique de La Réole, suivie de détails historiques
sur les diverses communes de l'arrondissement qui renferment
des monuments, des antiquités et des curiosités remarquables
par M. Ml Dupin - 1839
(disponible sur Gallica.fr)
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Saint Matthieu et saint Luc
Vitrail du chur
(XIXe siècle, après 1840). |
Vitrail de l'Arbre des Prophètes, détail
Le prophète Laban. |
La rose de la façade occidentale (cachée par l'orgue
de tribune depuis 2015). |
La rose
de la façade occidentale. Si vous passez
dans l'église Saint-Pierre de La Réole, vous
ne verrez qu'une toute petite partie de la rose donnée
ci-contre. En effet, en 2015, une partie des anciennes orgues,
qui avaient été transférées à
Bordeaux (soit à la cathédrale Saint-André,
soit à l'église Sainte-Croix), ont à
nouveau pris place sur la grande tribune restée vide
depuis près de deux siècles. Insérées
dans un buffet moderne, elles cachent à présent
la partie centrale de la façade occidentale. La photo
de la rose occidentale ci-contre a été prise
en 2014.
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Vue de la nef depuis le chur (avant l'installation du nouvel
orgue de tribune en 2015).
La tribune d'orgue en anse de panier a été conçue
par Jean Alary en 1766. |
RETOUR SUR LE
CLOÎTRE ET LES BÂTIMENTS MONASTIQUES |
|
Les bâtiments
monastiques de La Réole. Pour ceux qui sont
de passage à La Réole et qui ont à cur
de visiter dans la ville les bâtiments qui comptent,
l'ancien prieuré du XVIIIe siècle doit venir
juste après la visite de l'église Saint-Pierre.
Il ne reste rien du premier monastère, brûlé
et pillé au temps des guerres de Religion. Ses ruines
servirent ensuite de carrière de pierres aux gouverneurs
du château. Les religieux, de leur côté,
reprirent leur vie communautaire dans le cadre de l'hôpital
de la Madeleine. En 1627, ils adoptèrent la règle
de Saint-Maur et lancèrent une reconstruction rapide
du monastère, qui fut terminée au bout de deux
ans (!). Hélas, ce n'était que des bâtiments
de fortune qui furent rapidement ruinés à leur
tour. En mars 1703, on passa enfin aux choses sérieuses
: le supérieur général de la Congrégation
de Saint-Maur donna son agrément pour la reconstruction
de l'ensemble. La première pierre fut posée
le 1er avril 1704. On commença par l'aile sud-est qui
fut achevée en 1708, selon les plans - de style très
archaïque - de l'architecte Maurilhe Gassy (photo
ci-contre). Une déficience dans la conception obligea
à refaire les voûtes du rez-de-chaussée.
Selon Christian Taillard dans son rapport au Congrès
archéologique de 1987, le manque de fonds interrompit
le chantier. La reprise se fit en 1720 et la partie ouest
des bâtiments sud fut achevée en 1725. Des vices
de construction apparurent encore. Christian Taillard soulève
la possibilité de l'incompétence de Maurilhe
Gassy (dont on ignore tout), «incapable de trouver une
solution adaptée au double problème posé
par la hauteur et ---»» suite plus
bas
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La façade sud, que l'on voit à gauche, a été
construite par moitié :
En 1708, la partie est (la plus proche sur la photo) était
terminée. La seconde a été bâtie de 1720
à 1725.
Les contreforts ont été ajoutés en 1726 pour
contenir l'instabilité du soubassement. |
Le cloître occidental avec son puits. |
Galerie intérieure du cloître. |
Coupole à côtes sur plan carré conçue par
Jean Alary
dans la cage de l'escalier d'honneur central. (années 1730) |
Coupole de pierre ovoïde conçue par Jean Alary
dans l'escalier d'honneur est (années 1730).
La rampe d'escalier est l'uvre du maître serrurier Blaise
Charlut. |
Saint Abbon en extase
sur la coupole à côtes sur plan carré
dans la cage de l'escalier d'honneur central. |
Galerie intérieure du prieuré. |
---»» les poussées
des murs et un sous-sol instable.» C'est pourquoi
neuf contreforts furent élevés le long
de la façade sud (1726).
En fait, dès 1723, Dom Maupel, prieur
claustral, avait relancé le chantier. Une fois
terminée la grande aile sud face à la
Garonne, le projet mauriste consistait à fermer
le monastère en édifiant trois corps de
logis en arrière de la construction neuve. Dom
Maupel s'adressa à un jeune architecte bordelais,
Jean Alary. Celui-ci érigea d'abord le
bâtiment est, situé entre l'abside de l'église
et l'aile sud. Puis il bâtit les corps de logis
qui reliaient les divers éléments du monastère
(passage de la cuisine au réfectoire, passage
liant le bâtiment sud à l'entrée
de l'église). Enfin, l'infirmerie intégra
l'ensemble claustral. Les derniers éléments
furent ajoutés entre 1756 et 1759.
La construction du prieuré s'était donc
étalée sur cinquante-cinq ans et sous
l'autorité de quinze prieurs. Ce qui s'explique,
à l'évidence, par le manque d'enthousiasme
de certains d'entre eux, mais surtout, rappelle Christian
Taillard, par le manque de ressources.
Les mauristes passèrent ensuite à la décoration
de l'église priorale, qui fut la grande affaire
de la décennie 1770.
Au-delà de l'uvre en pierre, il faut avoir
un il, lors de la visite, sur le travail remarquable
de Blaise Charlut, maître ferronnier de
Bordeaux (rampes d'escalier et portes).
Source : Congrès
archéologique de 1987,
Bordelais Bazadais, article Les bâtiments monastiques
de la Réole rédigé par Christian
Taillard.
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Escalier d'honneur central de Jean Alary (1731-1733) |
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Documentation : Congrès archéologique
de France tenu à Bordeaux et à Bayonne en 1939, 102e
session, articles sur les édifices de La Réole par Gabriel
Loirette
+ Congrès archéologique de France, Bordelais et Bazadais,
1987, 145e session, article sur l'église Saint-Pierre par Jacques
Gardelles
+ Notice historique et statistique de La Réole, suivie de détails
historiques sur les diverses communes de l'arrondissement qui renferment
des monuments, des antiquités et des curiosités remarquables par M.
Ml Dupin - Éditée en 1839 (disponible sur Gallica.fr) |
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