Jean Mauret,
membre d'une dynastie de maîtres-verriers puisqu'il
est fils et petit-fils de verriers, est né en 1944
dans le Cher, à quelques lieues de l'abbaye de Noirlac.
Très jeune, il fréquente bien sûr l'atelier
familial. Cependant, à sa sortie de l'école
des Beaux-Arts de Nancy, puis de celle de Bourges, il se dirige
vers la sculpture.
La recherche de commandes en statuaire va lui faire rencontrer
des ecclésiastiques et des architectes. L'architecte
départemental de l'Indre lui demande un projet pour
un centre gériatrique près de Châteauroux.
Ses maquettes pour de la dalle de verre sont acceptées
et son activité démarre. Par le biais de ses
recherches et de ses innovations en sculpture, il revient
vers le vitrail. Il utilisera abondamment la technique de
gravure sur des verres plaqués (qui rappelle la nature
même de la sculpture) : retirer de la matière
pour «accrocher» la lumière. La restauration
de l'abbaye de Noirlac, confiée au peintre Jean-Pierre
Raynaud (dont Jean Mauret connaissait bien le travail), marque
pour lui une étape importante dans ses recherches sur
le vitrail.
À partir de 1978, Jean Mauret est associé à
quelques travaux de restaurations (notamment pour la cathédrale
de Bourges) où il collabore avec le peintre-verrier
de Bourges Marcel Chauffour. Sa carrière de restaurateur
va être lancée d'une manière inattendue
et originale. Citons ici Marc du Pouget et Michel Maupois
dans l'article cité en source : «Lors d'une réunion
de chantier avec des chercheurs du Corpus Vitrearum,
Catherine Brisac, historienne d'art réputée,
commente comme une pièce originale une de ses restaurations
: le plus beau compliment involontaire!»
Les commandes pour les restaurations de vitraux anciens vont
suivre. Les Monuments historiques vont lui confier des vitraux
dans les cathédrales de Chartres, Lyon, Poitiers, et
l'ensemble des vitraux du XVIe siècle dans l'église
de Brou à Bourg-en-Bresse. En 1985, il réalise
la verrière de la crypte de la cathédrale
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de Bourges.
Pour ce qui est de ses créations personnelles, on notera
surtout que Jean Mauret privilégie la lumière.
Le vitrail ne doit pas accrocher l'il en tant qu'objet
distinct de son environnement, mais, par ses lignes et ses
rythmes, s'insérer dans l'architecture en soulignant
l'aspect spirituel de la lumière qu'il laissera passer
abondamment. En cela il critique la vitrerie, trop opaque,
de Soulages à Conques «qui manque à son
devoir d'éclairement et d'espace».
Il faut reconnaître que, si l'on veut voir quelque chose
dans les édifices romans, on ne peut que lui donner
raison. L'église Saint-Martin à Ardentes, vitrée
par Jean Mauret en 1993-1994, est un bon exemple de cette
recherche absolue de lumière. On devine que des vitraux
opaques y auraient créé une atmosphère
complètement différente, voisine de celle que
l'on observe dans l'église romane de Talant,
près de Dijon. Les vitraux très colorés
de Gérard Garouste, posés en 1998, la plongent
dans une pénombre permanente, même par beau temps,
ce qui rend l'éclairage électrique indispensable.
Il y a presque là une opposition dans la façon
d'apprécier l'art roman. On peut y voir un monde sombre,
sans nul doute apte à la méditation, mais qui
paraît quand même un peu replié sur lui-même,
ou un monde ouvert sur l'extérieur, baigné par
une lumière créatrice où la méditation
religieuse, portée par cette lumière, va vers
le Créateur au lieu de lui demander de venir vers elle.
Notons pour terminer que Jean Mauret, après ses importants
travaux de restaurations, s'est spécialisé dans
la création de vitraux pour des édifices plus
modestes.
Source : «Art sacré, Cahiers de Rencontre
avec le Patrimoine religieux», Numéro 20 : «Le
vitrail au XXe siècle, intelligence de la lumière»,
article «Jean Maurent» de Marc du Pouget et Michel
Maupois.
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