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Non loin de la route principale qui
traverse Cormery
et avant d'enjamber l'Indre, on peut voir les vestiges d'une très
ancienne abbaye bénédictine. Le nom de Cormery apparaît
pour la première fois en 791 sous l'appellation de «Cormaricus»
dans la charte d'Ithier, abbé de Saint-Martin-de-Tours
et chancelier de Charlemagne. S'agit-il du nom du seigneur wisigoth
qui tenait le gué sur l'Indre à cet endroit? On ne
sait. C'est Ithier qui fonde l'abbaye Saint-Paul en 791 et lui octroie
de vastes terres venant des possessions de Saint-Martin-de-Tours.
Son successeur, Alcuin, va la développer. L'abbaye se reconnut
fille du chapitre canonial de Saint-Martin. Pour les laïcs,
les moines créeront l'église Notre-Dame-de-Fougeray.
En 1791, l'abbaye est vendue par lots, comme bien national. Ses
bâtiments sont en grande partie détruits. À
voir la dissémination des vestiges sur le terrain, on imagine
facilement l'ampleur de l'édifice. Aujourd'hui certains bâtiments,
qui ont été réaménagés, sont
occupés. Le point le plus curieux de ces vestiges est sans
doute la rue de l'Abbaye : elle passe exactement là où
se trouvaient la nef et le chur de l'ancienne église
abbatiale.
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Le grand réfectoire (début XIIIe siècle) et la
Tour Saint-Paul (fin du XIe siècle). |
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«ÉTAT ACTUEL DE L'ABBAYE DE CORMERY
et tentative de restitution d'après l'atlas cadastral
de 1863».
(Plan affiché sur les vestiges de l'abbaye) |
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Charlemagne
et l'abbaye de Cormery. Sous les Carolingiens,
les abbayes devinrent les plus beaux domaines de l'Empire.
Les dons affluaient et leurs richesses s'accroissaient sans
cesse contrairement aux domaines des particuliers car aucun
partage successoral ne venait les démembrer. Le pouvoir
concède des exemptions de tonlieux et de péages
aux grands monastères favorisant ainsi leur rôle
commercial dans certains secteurs économiques.
À la demande d'Alcuin, abbé du monastère
de Saint-Martin dont dépend Cormery et conseiller très
proche de Charlemagne, l'empereur accorde une exemption au
monastère de Cormery. Georges Minois cite le texte
officiel dans son ouvrage Charlemagne paru aux éditions
Perrin : «Charles, par la grâce de Dieu roi des
Francs et des Lombards, patrice des Romains, à tous
évêques, abbés, comtes, domestiques, vicaires,
centeniers et à tous nos autres fidèles présents
et à venir, sachent tous qu'à la requête
de notre très cher Alcuin, vénérable
abbé du monastère de Saint-Martin... nous avons
accordé ce qui suit : c'est à savoir, que les
moines placés sous la règle de saint Benoît
qui vivent dans le monastère au lieu dit Cormery aient
congé de mener pour leurs nécessités
deux navires sur la Loire, la Mayenne, la Sarthe, le Loir
et la Vienne, à l'aval et à l'amont, sans acquitter
ni donner aucun tonlieu, ni de sel, ni d'aucune autre denrée,
en aucun lieu ni eux ni leurs hommes. Puis, nous avons ordonné
que soit fait le présent précepte en vertu duquel
nous voulons qu'à perpétuité ni nous,
ni nos successeurs n'osent troubler ou citer en justice, pour
lesdits navires, le susdit abbé ou ses successeurs
et pas davantage les moines ni les hommes... et que nul n'ose
requérir ou prendre d'eux aucun tonlieu... ni aucune
redevance d'aucune sorte, mais que notre aumône serve
perpétuellement à l'accroissement de ce saint
lieu de Cormery...».
Source : Charlemagne par Georges
Minois, éditions Perrin.
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La Tour Saint-Paul (fin du XIe siècle).
La rue de l'Abbaye la traverse, puis se prolonge à l'emplacement
de la nef
et du chur de l'ancienne église abbatiale. |
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L'abbaye
et la guerre de Cent Ans. L'abbaye cistercienne
eut beaucoup à souffrir pendant la guerre de
Cent Ans. En 1899, le chanoine Heinrich Denifle
entreprit la rédaction d'une vaste étude
sur La désolation des églises, monastères
& hôpitaux en France pendant la guerre de
Cent Ans d'après les Suppliques envoyées
par les religieux au Vatican, suppliques qu'il a soumises
à une étude approfondie pendant plusieurs
années.
L'historien décrit les ravages que subit l'abbaye
Saint-Paul : «Sous la conduite de Basquin du Poncet,
une des bandes anglo-bretonnes parut devant Cormery
le 21 mars 1358. Ces brigands s'emparèrent d'abord
de la ville, mirent tout au pillage et renversèrent
les maisons. On estime qu'ils en détruisirent
à peu près mille [c'est-à-dire
un grand nombre] ; il est certain que les rues n'existaient
plus. Parmi les habitants plusieurs furent égorgés,
beaucoup furent couverts de blessures, d'autres furent
rançonnés ; le reste, femmes et enfants,
fut emmené en prison au château de la Roche-Posay,
les femmes furent déshonorées. L'église
paroissiale de Notre-Dame
de Fougeray fut complètement dévastée.
Cinq jours après, les ennemis réussirent
à entrer dans l'abbaye. La nef de l'église
devint une écurie où ils placèrent
leurs chevaux. Les biens, meubles et immeubles, furent
occupés ; sept ou huit moines furent arrêtés
; les autres prirent la fuite. On fortifia les murs
du monastère qui fut transformé en citadelle.
Pour faciliter ce travail, les ennemis renversèrent
une chapelle et d'autres bâtiments afin de se
servir des pierres. À Cormery,
pendant tout le temps que les ennemis y demeurèrent,
c'est-à-dire pendant un an et demi, le service
divin fut suspendu tant au monastère qu'à
l'église paroissiale, ainsi que le disent les
moines dans leur supplique à Innocent VI.»
Heinrich Denifle précise que les moines et toute
la contrée en appelèrent à Bertrand
du Guesclin pour les délivrer. Mais «les
efforts de ce vaillant restèrent sans succès.
Cormery ne fut évacué que vers la fin
de 1359 et non au moyen de l'épée, mais
à prix d'argent comme Basquin du Poncet l'exigea
de l'abbé Gérard réfugié
à Tours.
À l'instar de plusieurs chefs de bandes, une
des conditions que le bandit mit à son départ
était que l'abbé solliciterait pour lui
et ses compagnons l'absolution de l'excommunication.»
Pendant les premières décennies de la
Guerre de Cent Ans, les chefs des bandes, puis ceux
des Grandes Compagnies avaient trouvé une astuce
pour se donner bonne conscience : après avoir
pillé, détruit, violé et rançonné,
ils acceptaient de quitter une contrée à
condition que les moines obtiennent du pape l'absolution
pour tous leurs crimes ! Ce qu'ils obtenaient la
plupart du temps.
Source : La désolation
des églises, monastères & hôpitaux
en France pendant la guerre de Cent Ans
du chanoine Heinrich Denifle, Alphonse Picard et fils
éditeurs, 1899.
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Le logis de l'abbé.
XVe siècle. |
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La chapelle dite «de la Vierge»
Style gothique flamboyant
fin du XVe siècle.
Elle faisait partie intégrante de l'église
abbatiale. |
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La Tour Saint-Paul.
Au premier plan : les galeries du cloître,
XIIIe siècle. |
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Le logis de l'abbé.
XVe siècle. |
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Documentation : Panneaux
affichés sur la tour Saint-Paul de l'ancienne abbatiale et
brochure disponible à l'office de tourisme. |
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