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La ville de Chaumont
possède deux petits musées assez pittoresques. Le
musée d'Art et d'Histoire, présenté dans cette
page, n'a que cinq salles, mais vaut la visite par son cachet incomparable.
Il est en effet situé dans les anciennes salles basses du
château
de Chaumont et bénéficie, par-là, d'impressionnantes
et magnifiques voûtes en pierre qui créent une atmosphère
propre à la contemplation d'uvres d'art ou d'uvres
antiques. On trouve dans le musée des éléments
très anciens, comme la cuirasse
de Marmesse de l'âge de Bronze, des mosaïques et
des gisants.
Chaumont, c'est la ville des Bouchardon,
père et fils, Jean-Baptiste et Edme. Une salle leur est dédiée.
Quelques-unes de leurs créations sont données ici.
Chaumont, c'est aussi la ville du peintre de paysages François-Alexandre
Pernot (1793-1865). Cinq toiles de cet artiste peu connu sont
données ci-dessous et un long encadré est consacré
à sa vie.
Enfin, c'est à Chaumont que, pendant plus d'un demi-siècle,
a prospéré la ganterie Tréfousse, disparue
en 1973. On donne quelques images de la salle qui lui est consacrée
ainsi qu'un long exposé sur son activité.
En conclusion, si vous passez à Chaumont,
il ne faut pas rater le musée d'Art et d'Histoire ainsi que
le musée
de la Crèche qui lui est associé (le billet d'entrée,
très modique, est couplé).
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Une des salles basses de l'ancien château des comtes de Champagne.
On ne peut pas dire que le musée d'Art et d'Histoire de Chaumont
manque de cachet... |
Le donjon, tout près du musée.
Le bastion triangulaire qui le prolonge a été
construit
au XVIe siècle. Donjon et salles basses (dont celles
du musée) ont fait office de prison jusqu'en 1886. |
Mosaïque représentant une panthère
et un serpent.
Dernier quart du IIe siècle. |
La Charité,
vertu théologale ---»»»
Fragments du tombeau de Claude de Lorraine.
uvre de Dominique Florentin, Albâtre,
1550-1552. |
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La cuirasse de Marmesse du musée de Chaumont.
IXe et VIIIe siècles avant J.-C. |
À DROITE
---»»»
MUSÉE D'ARCHÉOLOGIE NATIONALE
À SAINT-GERMAIN-EN-LAYE
Vitrine des sept cuirasses de Marmesse.
IXe et VIIIe siècles avant J.-C. |
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Gisant de Jean Ier de Châteauvillain, dit l'aveugle (1313),
pierre calcaire.
Ce gisant provient de l'église Saint-Bercaire de Châteauvillain. |
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La
cuirasse de Marmesse. En 1974, lors de travaux
de terrassement, trois cuirasses antiques, emboitées
les unes dans les autres, ont été découvertes
à Marmesse (Haute-Marne). On récupéra
ensuite les fragments d'autres cuirasses et, en 1980,
des fouilles archéologiques permirent de compléter
le lot. Ces cuirasses, toutes découvertes à
Marmesse, constituaient sans doute un dépôt
votif près d'une source. Leur datation reste
imprécise. Seuls des éléments typologiques
et stylistiques peuvent aider les spécialistes.
Un élément semble néanmoins sûr :
elles datent de la période charnière qui
vit l'humanité passer de l'Âge du Bronze
à l'Âge du Fer.
D'après l'article du site Internet du musée
d'Archéologie nationale à Saint-Germain-en-Laye,
le décor des cuirasses est identique à
celui que l'on trouve sur des casques étrusques
ou encore sur des vaisselles italiennes, hongroises
et danoises des IXe et VIIIe siècles avant J.C.
Évidemment, c'est insuffisant pour conclure à
une origine lointaine de ces cuirasses, mais cela prouve
au moins que les idées et les formes artistiques
circulaient en Europe. Après restauration, les
cuirasses ont pris le chemin du musée de l'Archéologie
nationale à Saint-Germain-en-Laye. L'une d'entre
elles a néanmoins été attribuée
au musée d'Art et d'Histoire de Chaumont.
Sources : site Web du musée
d'Archéologie nationale à Saint-Germain-en-Laye
+ panneau du musée.
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Fragments du tombeau de Claude de Lorraine, premier duc de Guise.
uvre de Dominique Florentin, albâtre, 1550-1552. |
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Retable représentant la vie de saint Jean-Baptiste. Pierre
calcaire, vers 1540.
Cinq scènes : Apparition à Zacharie ; Naissance de saint
Jean ; Baptême du Christ ; Prédication de saint Jean
; Décollation de saint Jean.
Provient d'un ancien maître-autel de la basilique
Saint-Jean-Baptiste de Chaumont. |
Le Baptême du Christ par saint Jean-Baptiste.
Pierre calcaire, XVe siècle. Provient de l'église
Saint-Michel de Chaumont (démolie). |
Vue d'une salle basse et de sa magnifique voûte d'arêtes.
Des fragments du tombeau de Claude de Lorraine tapissent le mur du
fond. |
Deux «Vierge à l'Enfant» du XIVe siècle.
Pierre calcaire polychrome. Provient de la chapelle de Buxereuilles. |
Sainte Marthe, XVIIe siècle
Pierre calcaire. Provient de l'ancien hôpital de Chaumont. |
La tarasque apprivoisée par sainte Marthe.
Pierre calcaire, XVIIe siècle. |
«Vue de Châteauvillain»
François-Alexandre Pernot (1793-1865), huile sur toile. |
Voir un modèle
du genre (dont la tarasque a disparu) : la Sainte
Marthe du Maître de Chaource à l'église
Sainte-Madeleine à Troyes. |
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LA GRANDE SALLE
ET LES TABLEAUX DE FRANÇOIS-ALEXANDRE PERNOT (1793-1865) |
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Vue d'ensemble de la grande salle et de ses tableaux. |
François-Alexandre
Pernot (1793-1865) (1/2).
Né à Wassy en Haute-Marne, ce peintre
peu connu est initié au dessin par son père,
maître horloger. Le jeune garçon poursuit sa
formation chez un graveur de Joinville, puis chez un peintre
de Saint-Dizier. En 1811, à l'âge de dix-huit
ans, il vient à Paris suivre les cours de Jean-Christophe
Bertin, peintre spécialisé dans le paysage composé.
Cet enseignement va s'étaler sur plusieurs années,
son point d'attache restant Wassy.
À Paris, la marquise de Simiane l'introduit auprès
des milieux légitimistes. Sa première lithographie,
le tombeau de Louis XVI, y est appréciée.
En 1817, Pernot échoue au Prix de Rome de paysage
historique et part en Suisse, en «voyage pittoresque».
Admiratif devant les paysages alpins, il réalise la
toile du château de Saint-Maurice (voir plus
bas). Il revient et se marie. Il aura trois enfants. En
1824, il part en Écosse et y réalise de nombreuses
vues, réunies peu après dans un recueil de lithographies
qui sera très apprécié par la duchesse
d'Angoulême. En 1826, il est nommé maître
des dessins des pages du roi par Charles X. Sous la Monarchie
de Juillet, il reçoit une médaille d'or au Salon
en 1839 et la Légion d'honneur en 1846. Pernot fréquente
les cercles à la mode, dont celui de Lamartine, et
continue ses voyages (bords du Rhin, Italie, régions
françaises). Il acquiert une fascination pour les vieilles
pierres, les ruines, les églises, tous les monuments
du passé. «Dès 1834, il dessine les vieux
quartiers de Paris voués à la démolition.
Le préfet de la Seine remarque son travail et lui commande
de nouveaux dessins», apprend-on sur ---»»
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Saint Jean au tombeau, statue du XVIIe siècle. (Élément
d'une Mise au tombeau?) |
«Intérieur de la basilique
Saint-Jean de Chaumont»
uvre attribuée à François-Alexandre Pernot
(1793-1865), huile sur toile. |
Sainte Anne, la Vierge et l'Enfant
Groupe sculpté du début du XVIe siècle. |
François-Alexandre
Pernot (2/2).
---»» le panneau du musée de
Chaumont
qui lui est dédié. Ce qui aboutira à
un nouveau recueil de lithographies. Cependant, dès
avant 1830, les Français prennent conscience de l'importance
de la sauvegarde du patrimoine national et de la nécessité
de placer cette action dans l'orbite de l'État. À
cet effet, en 1835, Guizot crée le Comité
Historique des Arts et Monuments. Son but : inventorier
tous les monuments de France, les décrire, les dessiner
et donner des instructions pour leur conservation. Il est
placé sous la présidence de Victor Cousin. On
y trouve des gens comme Ludovic Vitet, Prosper Mérimée,
Victor Hugo ou encore Édouard Didron. Le Comité
nomme des correspondants et François-Alexandre Pernot
est l'un d'eux. En fait, ce comité a vu trop grand.
Il doit rapidement réduire ses ambitions à une
simple énumération des monuments. Plus tard,
c'est la Commission des Monuments historiques, rendue
célèbre par l'action de Mérimée,
qui se chargera de l'inventaire monumental.
La Révolution de 1848 prive François-Alexandre
Pernot de ses soutiens et, cette même année,
l'une de ses filles meurt. Il se plonge dans les recherches
historiques et passe beaucoup de temps en Haute-Marne. Dessins
et études sont présentés
|
lors de Congrès. Mais,
quand l'État a besoin d'illustrations pour une statistique
monumentale de la Haute-Marne, ce n'est pas Pernot qui est
choisi, mais Émile Sagot (qui fait d'ailleurs partie
de l'équipe de dessinateurs du baron Taylor). Pour
Pernot, la désillusion est grande. Les dernières
années de sa vie sont cruelles : en 1861, son épouse
meurt ; en 1865, c'est sa dernière fille. Cette même
année, il est emporté par le choléra.
Ses collections seront dispersées lors d'une vente
aux enchères après décès.
La peinture de François-Alexandre Pernot n'est pas
celle d'un romantique. Malgré sa passion pour la nature,
on ne décèle dans sa griffe ni émotion,
ni exaltation. Sa touche artistique reste celle du classicisme.
La notice du musée qui lui est consacrée précise
d'ailleurs : «Son goût pour l'introduction dans
ses paysages de scènes historiques traitées
à la manière de scènes de genre dénote
plutôt une légère influence du style Troubadour».
Sources : panneau dans le musée
+ Congrès archéologique de France, 97e session,
Paris, 1934, article de Paul Léon : Les principes
de la conservation des monuments historiques, évolution
des doctrines.
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«Le château et le donjon de Chaumont»
de François-Alexandre Pernot (1793-1865), huile sur toile.
Dans les deux toiles on trouve, au premier plan, un soldat montant
la garde. |
«Vue au clair de lune du pont et du château de Saint-Maurice
dans le Valais»
de François-Alexandre Pernot (1793-1865), huile sur toile. |
«Léda et le cygne»
de Jean-François de Troy (1679-1752), huile sur toile. |
«Le passage de la duchesse d'Angoulême à Chaumont
le 8 septembre 1828»
de François-Alexandre Pernot (1793-1865), huile sur toile.
Madame Royale (future duchesse d'Angoulême) avait été
traitée avec beaucoup de respect
dans l'auberge (au centre) lors de son départ pour l'Autriche
en 1795. |
Sainte Marie-Madeleine au tombeau.
Statue du XVIIe siècle.
(Élément d'une Mise au tombeau?) |
«Le passage de la duchesse d'Angoulême à Chaumont
le 8 septembre 1828», détail.
François-Alexandre Pernot (1793-1865), huile sur toile. |
«La fruitière et le galant»
Italie du Nord (?)
Fin du XVIe siècle, début du XVIIe siècle. |
«Allégorie de l'hiver», huile sur toile.
Pays-Bas espagnols, XVIIe siècle. |
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«La Création» de Paul de Vos (1595-1678).
Huile sur toile, deuxième tiers du XVIIe siècle. |
«Hercule et Omphale» de Luca Ferrari (1605-1654)
Huile sur toile (vers 1652-1653). |
«««---
À GAUCHE
Le Couronnement de la Vierge, XVIIe siècle, bois
polychrome, École allemande. |
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La pièce consacrée à la famille Bouchardon
dans les salles basses du château. |
Les
Bouchardon (1/2).
Jean-Baptiste Bouchardon (1667-1742),
natif de la région du Puy-en-Velay, a commencé
une carrière de sculpteur à Chaumont vers
1692. Il se marie cette même année. uvrant
avant tout pour le clergé, il conçoit
du mobilier liturgique (retables, chaires à prêcher,
tabernacles, crucifix, lutrins, et bien sûr statues).
Le mobilier le plus important de la basilique Saint-Jean-Baptiste
de Chaumont est d'ailleurs de sa main. Bientôt
la demande s'accroît et il crée son atelier.
L'aînée de ses huit enfants, sa fille Jacquette,
une fois parvenue à l'âge adulte, va l'assister
sa vie durant.
D'après les historiens, Bouchardon s'est essentiellement
consacré à la conception de ses modèles,
laissant la réalisation à son atelier.
Passionné d'architecture, il réalise de
nombreux dessins de maisons, de châteaux et d'églises,
à tel point qu'il accolera la mention «architecte»
à son nom à partir de 1709. Toutefois
ses dessins seront rares à se concrétiser
: on ne lui attribue que des éléments
d'architecture mineure (entrée d'abbaye, loge,
maisons d'abbaye). Il réalise même un projet
très détaillé pour la construction
du nouvel hôpital de Chaumont
(voir ci-contre) qu'un bienfaiteur se propose de financer.
Et ses idées ont peut-être été
utilisées par l'architecte Forgeot qui bâtira
l'hôpital en 1748. Nommé «architecte
de la ville», Bouchardon se retrouve chargé
d'expertiser les différents bâtiments de
Chaumont, ses églises et ses remparts.
Ce sculpteur, architecte et concepteur méconnu
est resté un artiste régional, surtout
connu à l'heure actuelle pour ses très
nombreux retables, encore visibles dans les églises
de la Haute-Marne et de l'Aube.
Son deuxième enfant, Edme Bouchardon (1698-1762),
va bénéficier d'une renommée internationale.
Il commence sa carrière dans l'atelier de son
père. En 1719, l'année de ses vingt-et-un
ans, celui-ci lui délègue une importante
commande : la Lapidation de saint Étienne
pour l'église du même nom à Dijon.
Ce beau bas-relief a été déplacé
en 1813 sur le portail ouest de la cathédrale
Saint-Bénigne
de Dijon
où il est toujours visible. En 1721, il poursuit
sa formation dans l'atelier parisien de Guillaume Ier
Coustou et, en 1722, avec ---»»
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«Gédéon choisissant ses soldats en les regardant
boire»
Bas-relief en plâtre de l'atelier d'Edme Bouchardon.
En 1722, la terre cuite de ce bas-relief obtint le grand prix
de sculpture
de l'Académie royale de Peinture et de Sculpture. |
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Projet de façade pour l'hôpital de Chaumont (1716).
Encre noire, lavis et aquarelle de Jean-Baptiste Bouchardon
(1667-1742). |
Christ en croix, 1ère moitié du XVIIIe siècle.
Bois sculpté, J.-B. Bouchardon (1667-1742). |
Projet de retable pour l'église de Montier-en-Der, 1718,
par Jean-Baptiste Bouchardon (1667-1742).
Ce projet fut effectivement choisi
en 1733 pour la réalisation du retable. |
Les
Bouchardon (2/2).
---»» Gédéon
hoisissant ses soldats en les regardant boire, il
obtient le grand prix de sculpture de l'Académie
royale de peinture et de sculpture. Il peut ainsi intégrer
l'Académie de France à Rome et en devient
pensionnaire en 1723. Il y restera neuf ans. À
Rome, il travaille pour le roi et honore les nombreuses
commandes de l'aristocratie européenne. De retour
en France, son style s'est forgé : tout en pureté,
il rappelle l'antique. Mais son carnet de commandes
se réduit. Seuls des amateurs éclairés,
comme le comte de Caylus, le sollicitent.
En 1737, il est nommé dessinateur de l'Académie
des Inscriptions et Belles Lettres, ce qui lui vaudra
de créer pendant vingt-cinq ans (et pour son
grand plaisir) des médailles et des jetons (qui
sont des récompenses offertes aux membres de
l'administration royale). Edme Bouchardon possède
aussi un beau coup de plume. Il dessine pour le comte
de Caylus soixante petits métiers de Paris, dessins
qui donneront lieu à un recueil.
En 1739, la ville de Paris lui commande un projet pour
une fontaine, rue de Grenelle. Il va y mêler rondes-bosses
et bas-reliefs. En revanche, sa sculpture, associant
mythologie et naturalisme, d'un Amour se faisant
un arc de la massue d'Hercule, pour un salon à
Versailles, choque et déçoit.
En 1745, il est reçu à l'Académie
royale de peinture et de sculpture où il va enseigner.
En 1748, la ville de Paris lui passe commande de la
grande uvre de sa carrière : une statue
équestre de Louis XV destinée à
la place Royale (actuelle place de la Concorde). Son
travail acharné va se traduire par des centaines
de dessins préparatoires. Le projet final représente
Louis XV en général romain «sur
un piédestal orné de quatre vertus vêtues
de gracieux drapés à la grecque»,
lit-on sur le panneau du musée qui lui est consacré.
Cependant la taille du projet et son acharnement à
donner le meilleur de son art l'épuisent. Sentant
sa fin arriver, il désigne Jean-Baptiste Pigalle
(1734-1796) pour prendre la relève. Edme Bouchardon
s'éteint en juillet 1762. Le monument, inauguré
en 1763, sera détruit par les révolutionnaires.
L'étoile artistique d'Edme Bouchardon a bien
pâli depuis deux siècles. Privilégiant
la rigueur antique, son style est dépouillé
de toute sentimentalité. Il reste néanmoins
l'un des artistes et des sculpteurs majeurs du XVIIIe
siècle.
Sources : panneaux sur
les Bouchardon dans le musée + Les retables
de Jean-Baptiste Bouchardon, Itinéraires
du Patrimoine.
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Retable du couvent des Ursulines.
Paire de panneaux d'entrecolonnement.
uvre de Jean-Baptiste Bouchardon
(1667-1742) |
La Sainte-Trinité couronnant la Vierge.
Élément sommital du retable du couvent des Ursulines
de Chaumont.
Pierre sculptée et dorée (1712-1713) par Jean-Baptiste
Bouchardon (1667-1742).
Les parties centrales (Vierge et colombe du Saint-Esprit) sont
absentes de cet élément. |
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La salle de la ganterie bénéficie, elle aussi,
d'une superbe voûte en berceau dans les salles basses
du château. |
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Vierge de l'Assomption, 1ère moitié du XVIIIe
siècle.
Jean-Baptiste Bouchardon (1667-1742). |
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La
ganterie à Chaumont (1/3).
Après avoir connu de nombreuses échoppes
de maîtres gantiers au XVIIIe siècle, l'histoire
de la ganterie moderne commence à Chaumont
en 1829. Cette-année-là, Jules Tréfousse
(1809-1894), originaire de Lunéville,
s'installe dans le chef-lieu de la Haute-Marne et crée
une petite entreprise de ganterie. L'un de ses oncles
lui a appris le métier.
Tréfousse va révolutionner la fabrication
des gants en appliquant le concept de la division du
travail. D'une part, son entreprise se charge de toutes
les étapes de la chaîne de production,
depuis l'arrivage des peaux brutes jusqu'à la
mise en boîte des produits finis (préparation,
teinturerie, confection et emballage), mais chaque ouvrier
ne s'occupe que d'une seule des cent vingt étapes
de la fabrication. Cette division du travail poussée
à l'extrême est à l'opposé
de ce que fait la concurrence installée à
Niort,
Grenoble, Saint-Junien ou encore Millau. ---»»
2/3
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La ganterie
à Chaumont (2/3).
---»» La Monarchie de Juillet apporte
à la France une stabilité politique favorable
aux affaires et aux investissements. Le secteur de la ganterie
va en profiter, d'autant plus que Jules Tréfousse,
passionné par les inventions mécaniques, multiplie
les machines (machine à tanner, essoreuse, machine
à dôler) et fait éclairer ses ateliers
au gaz. Sa politique commerciale vise loin. Il tisse des liens
avec le Bon Marché et, en 1855, s'associe avec un négociant
de New York. Il gagne ainsi des marchés aux États-Unis
et en Angleterre. Son créneau est celui du luxe : des
gants en chevreau pour femme. À la charnière
des XIXe et XXe siècles, Tréfousse est
honoré de plusieurs prix dans les expositions universelles.
Mais nous sommes toujours au XIXe siècle avec le côté
noir de la révolution industrielle. Et l'usine Tréfousse
n'y échappe pas. Une centaine d'employés en
1848, 5500 vers 1880 (et un quasi-monopole sur Chaumont),
mais sur les 5500, seuls 900 travaillent à l'usine.
Le plus grand nombre s'affaire dans des petites unités
de sous-traitance ; d'autres travaillent à domicile
en louant leur machine à coudre à l'usine. Les
conditions de travail restent celles du siècle : milieu
humide, malodorant, rendu dangereux par les produits chimiques
et envahi par le bruit des machines. La durée de travail
quotidienne est de douze heures. On y compte même quelques
enfants avant que les lois Ferry ne rendent l'école
obligatoire. Il y a de nombreux syndicats dans ce secteur
industriel, mais, chez Tréfousse, ---»»
3/3
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Petites machines utilisées pour la ganterie dans une vitrine. |
Paire de gants à manchette.
Peau, 1930, Tréfousse (?) |
La ganterie
à Chaumont (3/3).
---»» les grèves sont rares. Le créateur,
tout comme son successeur, Émile Goguenheim,
ont un côté paternaliste. Ils connaissent le
métier et restent proches de leurs ouvriers. «Tréfousse
crée une caisse de secours vers 1850 et une coopérative
d'achat de viande en 1870», lit-on sur le panneau du
musée. Tréfousse, puis Goguenheim seront d'ailleurs
élus maires de Chaumont.
La IIIe République est réellement l'âge
d'or de la ganterie Tréfousse.
Après 1918, l'environnement change : création
de gants masculins pour l'armée et les sportifs, délégation
de la gestion des affaires à un patron plus distant
des ouvriers, innovation en perte de vitesse, et surtout marché
de la ganterie attaqué par la concurrence allemande
et italienne. La crise de 1929 aggrave la situation. 47% de
la production partant aux États-Unis, l'usine souffre,
d'autant plus que les taxes douanières augmentent.
Les conséquences sont rudes : baisse des marges, baisse
des salaires et chômage partiel. En 1934, on ne compte
plus que 800 ouvriers sur le site ; moins de 500 travaillent
à domicile.
En 1940, la France est occupée. Les marchés
américains et anglais disparaissent. Les gérants
de l'usine - juifs - fuient le nazisme. Cependant, les cadres
rachètent les parts des actionnaires familiaux et vont
ainsi détenir 66% du capital, ce qui évite à
l'entreprise de tomber sous le contrôle de l'administrateur
des biens juifs. Après la guerre, la famille rachètera
ses anciennes parts. Le directeur, arrivé sous l'Occupation,
reste en place et cherche à regagner le marché
américain. La production se diversifie dans les gants
en tissu, évidemment moins chers et plus faciles à
entretenir. Mais le monde de la ganterie se heurte de plein
fouet aux changements d'habitude. Le gant se porte de moins
en moins. Hausses des salaires et taxations douanières
viennent à bout de l'entreprise qui est revendue en
1957 à une association de deux gantiers de Grenoble
et de Saint-Junien. Ils fondent l'entreprise Chaumont-France.
Les difficultés continuent et les banques reprennent
l'affaire en 1960. En 1967, mégisserie (préparation
du cuir) et teinturerie sont arrêtées. En 1973,
c'est le dépôt de bilan.Source : panneaux
sur la ganterie et l'entreprise Tréfousse dans
le musée.
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Gant à manchette. |
Documentation : Panneaux dans le musée
+ À la découverte de Chaumont, brochure de l'Ofice de
tourisme
+ Congrès archéologique de France, 97e session, Paris,
1934, article de Paul Léon : Les principes de la conservation
des monuments historiques, évolution des doctrines |
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