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La Chapelle Royale du château de Versailles
est sans aucun doute le plus bel édifice de la ville. Elle n'a été
achevée qu'en 1710, cinq ans avant la mort du roi soleil. La chapelle
actuelle est la cinquième du château, les précédentes n'ayant été
bâties qu'à titre provisoire. Celle que fréquenta le plus Louis
XIV est la quatrième (de 1682 à 1710).
Cette cinquième chapelle, bien que critiquée au XVIIIe siècle
(voir plus bas),
est considérée aujourd'hui comme un chef d'œuvre de l'art sacré.
Elle a été construite sur les plans de Jules Hardouin-Mansart
(1646-1708) à l'emplacement d'un corps de logis, dans l'aile sud
du château. Supervisant tous les aspects de la construction, y compris
les bas-reliefs, le brillant architecte assura la direction du chantier
jusqu'à sa mort en mai 1708. Robert de Cotte prit la suite,
mais, dans les faits, c'est Louis XIV en personne qui assura alors
le rôle de maître d'œuvre, surveillant l'ensemble du projet de très
près. À tous les niveaux, la chapelle porte sa griffe. Les
chroniqueurs de la Cour se sont fait maintes fois l'écho de l'inflexible
volonté du souverain, en dépit des réticences de son entourage,
de mener à bien ce chantier hors norme.
L'historien Alexandre Maral, dans son maître-ouvrage sur la
chapelle, voit dans cet édifice le quatrième élément d'une suite
de chantiers architecturaux du Grand Règne qui expriment l'essence
même de la politique de Louis XIV en matière de religion. Cette
suite commence avec les Invalides et se poursuit avec la cathédrale
de Paris et la cathédrale
d'Orléans. La chapelle en est le point d'orgue et doit «exalter
la vertu de religion comme principe de gouvernement.» Après son
achèvement, le souverain la confia en desserte perpétuelle aux pères
lazaristes. Elle perdit son rôle cultuel en 1899.
Pour les visiteurs, le malheur veut qu'elle soit la plupart du temps
inaccessible. Seules les doubles portes des vestibules haut et bas
sont ouvertes : on peut voir, mais on ne peut pas entrer !
La Conservation du Château profite souvent de ce lieu chargé d'histoire
pour organiser des manifestations musicales. Dans la photo ci-dessous,
on voit que le chœur est préparé pour la venue d'un orchestre de
chambre.
La Révolution de 1789 a martelé les emblèmes royaux et pillé le
mobilier, mais s'en est tenu là (voir plus
bas). Il n'y a pas eu de casse architecturale. Certes, depuis
l'origine, la nef a perdu son lanternon (en 1765) ; sa chaire à
prêcher, jadis dressée au quatrième pilier nord, a été vendue aux
enchères en 1795, tout comme les sept confessionnaux des bas-côtés.
Mais, dans l'ensemble, l'édifice nous est arrivé presque intact.
Au XIXe siècle, la chapelle royale a connu deux grandes périodes
de restauration : d'abord, sous Louis XVIII qui voulait se réinstaller
au château, puis sous la IIIe République. La dernière restauration,
toute récente, date des années 2017-2021. Elle s'est d'ailleurs
traduite par un emmaillotage artistique de l'ensemble du bâtiment.
Dans son ouvrage Versailles après les rois, l'historien Franck
Ferrand rapporte quelques épisodes concernant la chapelle royale
dignes d'être relevés. Après la Révolution, le Directoire fut une
époque de fêtes. À Versailles,
la chapelle, devenue temple civique, leur servit souvent de cadre,
tout comme l'Opéra de Gabriel, construit au XVIIIe siècle.
En 1870, après la chute du Second Empire et l'invasion prussienne,
Versailles
devint la capitale de fortune de la Prusse. De confession protestante,
l'occupant exigea d'avoir son propre lieu de culte. Il fallait donc
lui céder une église paroissiale et en faire un temple. Mais le
clergé de l'église Notre-Dame
s'y opposa avec ténacité. Conséquence : l'office dominical de la
Cour de Prusse se tint dans la chapelle royale. «Qui eût dit, se
demande Franck Ferrand, qu'à près de deux siècles d'écart, dans
un concours très versaillais de courtisans et de grands officiers,
des "huguenots" se réuniraient, pour prier, dans le sanctuaire de
leur plus grand persécuteur?»
La revanche arriva le 3 juillet 1919. Pour fêter la victoire, le
conservateur du château, Pierre de Nolhac, fit donner un grand Te
Deum dans une chapelle pleine à craquer.
Retour de bâton en 1940 : l'armée allemande entre à Versailles
le 14 juin. L'armistice est signé le 22. Dûment encadrés, des milliers
de soldats du Reich viennent, jour après jour, visiter le
château. Des dignitaires nazis arrivent aussi, comme Joseph Goebbels
le 1er juillet. À la fin septembre, l'orchestre philharmonique de
Berlin, en tournée, joue dans la chapelle royale. Durant l'Occupation,
Versailles,
auréolée de sa gloire passée, sera un véritable lieu de repos
pour les soldats allemands. En juin 1944, l'aviation américaine
bombardera la ville et ses environs, mais évitera le domaine.
Cette page a profité de l'ouverture exceptionnelle de la chapelle
en octobre 2021. Son but est d'en montrer tous les décors (du moins
ceux qui sont visibles depuis le rez-de-chaussée) en multipliant
les photos, notamment en grand angle. Les textes mettent largement
à profit l'ouvrage d'Alexandre Maral sur la chapelle, paru aux éditions
Arthéna en 2021.
La rigueur historique oblige à rappeler que, à l'époque où l'on
payait, parfois cher, les peintres et les sculpteurs pour élever
un édifice à la gloire du roi, les paysans français mouraient de
faim par dizaines de milliers dans les campagnes. Lors du terrible
hiver de 1709, la Seine gela à Paris et des loups rentrèrent dans
la capitale.
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La chapelle royale vue de la porte du vestibule
bas.
Comme on le voit ici, l'édifice est souvent utilisé
pour organiser des manifestations musicales. |
Le château de Versailles depuis la place d'Armes au crépuscule. |
La chapelle royale depuis la cour du château. |
L'Architecture extérieure (2/2).
---»» Les couples d'angelots qui surmontent les fenêtres
hautes doivent aussi retenir l'attention. Là encore,
les meilleurs sculpteurs ornemanistes furent mis à contribution
par la maîtrise d'œuvre. Jules Hardouin-Mansart, protégé
de Louis XIV, fut tout à la fois maître d'œuvre rigoureux,
contrôleur et inspecteur.
D'après les nombreux témoignages qui nous sont parvenus,
bien des artistes, après avoir soumis leur premier projet,
durent le reprendre et l'adapter. Ainsi le sculpteur
Jean-Melchior Raon vit son esquisse en plâtre
de deux enfants se tenant autour d'un vase de fleurs
refusée. Motif : la statue de saint Grégoire le Grand
allait se dresser presque au-dessus et il fallait un
décor en rapport avec ce père de l'Église ! Raon
plaça ses anges de part et d'autre d'une «thiarre,
roulleaux de papiers, cornet et plume»... et son
projet fut accepté (voir photo
plus bas).
Mansart n'avait pas toujours les idées bien arrêtées
et Louis XIV, qui suivait le chantier de très près,
pouvait aussi donner son avis. Un avis qui faisait évidemment
force de loi. Ainsi, le sculpteur Lapierre révèle, dans
son mémoire sur les Vertus du vestibule haut, qu'il
a travaillé à trois modèles successifs : des enfants,
des adolescents et enfin des figures féminines. Alexandre
Maral en conclut que «là encore, le travail du
sculpteur reflète, voire accompagne, les hésitations
de la maîtrise d'uvre dans l'évolution du
projet.» Source : La
chapelle royale de Versailles par Alexandre Maral,
éditions Arthéna, 2021.
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L'Architecture extérieure (1/2).
Elle brille par sa conception logique et sa recherche
systématique de la beauté. La chapelle royale est de
forme rectangulaire à deux niveaux et se termine à l'est
par une abside semi-circulaire. Ce monde majestueux
de pilastres, de bas-reliefs, de statues est surmonté
d'une toiture élancée qui domine l'ensemble du château.
Deux groupes de trois
anges en plomb, conçus par Guillaume Coustou
et Pierre Lepautre, remplacent le lanternon d'origine
et coiffent l'édifice à ses extrémités. À l'est,
ils tiennent une couronne et s'ébattent sous une grande
croix. À l'ouest,
ils soutiennent un palmier.
Les statues qui scandent la balustrade constituent l'élément
le plus remarquable de l'appareil extérieur. Les plus
belles, les plus travaillées se dressent sur le côté
sud et sur le chevet. Ciselées par les meilleurs sculpteurs
(ceux qui sont situés en haut de la hiérarchie académique
comme Guillaume Coustou, Pierre Lepautre
ou Corneille Van Clève), elles resplendissent,
par beau temps, sous le soleil (voir photo plus
bas). Bien souvent, les visiteurs, impatients de
rentrer dans les bâtiments, ne les remarquent
pas. L'art français de la sculpture du début du XVIIIe
siècle s'y étale pourtant dans toute sa magnificence.
Au chevet, on trouve les quatre évangélistes (Luc,
Marc, Matthieu
et Jean) ; au sud, des apôtres (André, Paul, Pierre)
et les Pères de l'église (Jérôme, Augustin, Grégoire
le Grand et Ambroise).
Les statues du nord, toujours dans l'ombre et moins
visibles, échappent parfois aussi à l'attention des
visiteurs les plus assidus car c'est de l'intérieur
du château qu'on les aperçoit. Il faut
regarder par la fenêtre de l'allée qui prolonge
le vestibule
bas quand on s'éloigne de l'entrée de la chapelle
royale. C'est également vrai au premier étage en s'éloignant
du vestibule haut. Ainsi, au-dessus de la chapelle de
la Vierge (hors
uvre nord de la chapelle royale), on peut
voir les vertus
théologales : la Foi, la Religion, la Justice
et la Charité
et d'autres apôtres. Ces uvres furent confiées
à des artistes non académiciens comme Jean de Lapierre
ou Sébastien Slodtz. Leur niveau artistique est
clairement inférieur à celui déployé au sud par les
académiciens. Sur un plan général, en dépit d'un contrôle
rigoureux exercé par Jules Hardouin-Mansart, «le
chantier des statues de la balustrade extérieure, constate
Alexandre Maral, permit aux différents sculpteurs d'exprimer
avec une certaine liberté leurs qualités artistiques
propres.»
---»» Suite 2/2
à gauche.
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Saint Basile et saint Athanase par Jean Poultier
Côté nord
(pierre de Tonnerre, 1708). |
Saint Paul par Claude Poirier
Côté sud
(pierre de Tonnerre, 1707). |
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Vue d'ensemble de la statuaire de la balustrade sud.
De gauche à droite : saint André, saint Paul, saint Pierre, saint
Jérôme, saint Augustin, saint Grégoire le Grand et saint Ambroise. |
Le chevet de la chapelle donne sur la rue.
Voir plus bas
d'autres exemples de couples d'anges sur les arcades. |
Fenêtre basse surmontée de son couple d'anges
portant une tiare
(Jean-Melchior Raon, 1707-1708). |
Les anges en plomb doré au sommet de la coupole du chevet.
uvre de Guillaume Coustou et Pierre Lepautre. |
Tympan d'un vitrail de la chapelle.
Les vitraux de la chapelle royale suivent la pratique de l'époque
: verre blanc et franges colorées.
La totalité du circuit porteur est en fer.
Les fleurs de lys dans les franges des vitraux datent du XIXe
siècle. ---»»» |
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Saint Grégoire le Grand et saint Ambroise par Pierre Lepautre
(Matériau : pierre de Tonnerre, 1708) . |
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Élévation nord de la chapelle royale avec les chapelles nord hors
œuvre.
Les véhicules sont garés dans la cour basse (ancienne cour des Cuisines).
La cour basse est située en sous-sol par rapport à la rue. |
Trois anges autour d'un palmier.
uvre en plomb doré de Guillaume Coustou et Pierre Lepautre
sur le faîte de la toiture ouest (1707.) |
Saint Pierre et les clés du Paradis
Statue de Claude Poirier.
Matériau : pierre de Tonnerre, 1707. |
Côté nord : Statues des vertus théologales sur la balustrade
qui surplombe la chapelle latérale de la Vierge.
Au centre : la Justice, la Charité et la Foi.
De profil à gauche : la Religion. De profil à droite : saint Simon. |
Côté nord : La Charité par Robert le Lorrain
Matériau : pierre de Tonnerre, 1707. |
Trophée sur la façade sud.
C'est le seul trophée extérieur
de la chapelle. |
COUPLES D'ANGES
DANS LES BAS-RELIEFS AU-DESSUS DES ARCADES |
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Le
XVIIIe siècle contre la chapelle (1/2).
Au XVIIIe siècle, des auteurs, Voltaire en tête,
ont critiqué le bâtiment à tout va. Leurs arguments
font aujourd'hui un peu sourire car la chapelle royale
est unanimement regardée par les historiens comme un
chef-d'uvre de l'art sacré à l'époque classique.
En 1721, l'un des premiers contempteurs, l'architecte
Delamair, lui adressait une multitude de reproches :
absence de façade occidentale ; absence de symétrie
; trop grande hauteur ; voûte trop divisée ; autel
trop petit ; orgue mal placé et excès de sculptures !
Pour y remédier, il proposait d'ouvrir l'arcade axiale,
de placer l'autel au centre de la nef, de rehausser
d'or la peinture de la voûte, et enfin d'enrichir
l'ensemble par un revêtement de marbre.
D'autres analyses similaires allaient suivre.
En 1746, l'avocat André Clapasson, devant la société
royale des Beaux-Arts de Lyon, critiqua l'élévation
éxagérée du bâtiment et surtout la disproportion
de hauteur entre les arcades du rez-de-chaussée et les
piles cannelées de l'étage. Bref, que le second niveau
écrasait le premier par sa hauteur. On pourra objecter
que, debout dans la nef et les yeux levés vers les peintures
des voûtes, les visiteurs ne remarquent rien. Mais c'est
peut-être dû à l'impossibilité de prendre du recul.
De façon plus étonnante pour nos yeux modernes,
Clapasson dénonçait aussi un contraste trop accentué
entre la blancheur des pierres et la polychromie des
voûtes. Un reproche vraiment étrange car c'est précisément
dans ce contraste que repose une grande part de la beauté
intérieure de l'édifice... Notre avocat proposait donc
d'apporter des touches dorées dans les cannelures des
colonnes du second niveau ainsi qu'aux extrémités des
feuillages des chapiteaux corinthiens qui les surmontent.
Il fallait en quelque sorte, au moyen d'un crescendo
de coloris, éviter à l'œil le «choc» de la polychromie
de la voûte... Enfin, dernier reproche, il y avait trop
de sculptures et elles manquaient de saillie. Autrement
dit, les bas-reliefs étaient trop «bas»...
Dans son Architecture françoise parue
en 1756, le critique Blondel reprochait à l'abside semi-circulaire
«qui nous vient des Goths» (cité par A.
Maral) d'entraîner une répartition irrégulière
des colonnes et des plates-bandes du chevet. L'uniformité
des autels latéraux ne lui plaisait pas davantage. Il
jugeait même leur monotonie «inexcusable».
Bizarrement, notre érudit n'a pas pensé qu'une suite
d'autels hétérogènes aurait pu entraîner un reproche
inverse bien plus lourd.
Plus loin, on retrouve dans son Architecture
la critique déjà vue sur la hauteur de l'étage de la
tribune. Celle de la voûte ne lui sied pas non plus.
Idem pour l'autel mal placé et pour la tribune de la
Musique qui gagnerait à être ailleurs. Enfin, la toiture
était trop pentue, trop visible, trop chargée.
Mais, dans le même temps, des voix contraires s'élevaient
pour célébrer la chapelle royale et la rattacher à l'héritage
de l'architecture chrétienne de l'Antiquité et à son
alliance heureuse avec le style gothique. Une analyse
artistique que la façade orientale du Louvre, elle aussi
de Jules Hardouin-Mansart, avait déjà suscitée.
---»»» Suite 2/2 ci-dessous.
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Anges musiciens
Offrement, pierre 1707-1708. |
Anges portant une mitre, attribut de saint Basile
Jean Dedieu, pierre 1707-1708. |
Anges portant les attributs de l'Évangile
Philibert Vigier, pierre 1707-1708. |
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Le XVIIIe
siècle contre la chapelle (2/2).
---»» Le XVIIIe siècle n'en a pas
fini de nous étonner avec ses critiques un peu folles. En
1755, un certain père Laugier, jésuite de son état, dans son
Essai sur l'architecture, voyait dans l'existence même
du rez-de-chaussée le principal défaut de l'édifice. Il proposait
donc de poser un plancher depuis la tribune du roi jusqu'à
l'orgue ! En 1765, pis que Clapasson, il en vint critiquer
la polychromie de la voûte qui faisait ressortir, en
mauvaise part, la blancheur de la partie basse : «(...)
cette blancheur qui tranche fortement rembrunit, efface, tue
les couleurs les plus vives du tableau» (cité par A.
Maral). Là encore, une opinion bien étrange : on aurait pensé
que c'était le contraire... Citons l'intéressante suite du
texte du père Laugier : «les yeux, éblouis par
la blancheur de la pierre, ne voient dans les peintures de
la voûte que des ombres et des bruns qu'ils ont peine
à démêler. Cette voûte, où devrait être
le plus grand jour et qui est éclairée par un grand nombre
de lunettes, paraît sans éclat : c'est, sur l'horizon
le plus serein, le ciel le plus ténébreux. Des oppositions
de cette espèce ne peuvent se concilier, l'accord est banni,
l'harmonie cesse». Le père Laugier parle de l'éblouissement
des yeux. N'aurait-il pas visité la chapelle en plein été
quand les rayons du soleil profitent des vitraux de verre
blanc au sud pour inonder l'édifice de leur éclat ?
On peut voir, dans quelques photos de cette page, pourtant
prises en octobre, la luminosité apportée par les rayons du
soleil.
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Les critiques se répandirent aussi
au XIXe et au XXe siècle. En 1904, c'est carrément le conservateur
du château, André Pératé, qui osa une comparaison avec
la place Saint-Pierre à Rome en accusant les statues de la
balustrade d'être du «mauvais Bernin». Un
autre critique ne vit dans ces statues que des figures aux
draperies ronflantes gesticulant sur la balustrade...
Quand la critique n'a d'autre but que de critiquer, il est
normal que tout y passe et les couples d'anges extérieurs,
au-dessus des arcades de la nef, reçurent aussi leur
volée de bois vert. On y vit un art superficiel, de la tendresse,
de la grâce, mais aucune valeur profonde ; on y décela
le «goût de plaire plus que d'instruire»
(cité par A. Maral).
L'époque contemporaine n'est pas en reste. Citons, pour terminer,
la critique de Michèle Baulieu en 1982 dans son ouvrage sur
Robert le Lorrain aux éditions Arthéna (toujours cité
par Alexandre Maral). Notre auteur reproche à la chapelle
un manque d'ampleur dans l'exécution et dans l'éparpillement
du décor, un décor qui est «trop étroitement limité
par un désir exclusif d'allusions».
S'il a la chance de visiter la chapelle, le lecteur se fera
son idée...
Source : La chapelle royale
de Versailles par Alexandre Maral, éditions Arthéna,
2021.
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Sur la gauche, la chapelle domine l'aile nord du château. Au
centre, le grand corps abrite la galerie des Glaces. |
L'entrée de la chapelle dans le VESTIBULE BAS.
À proprement parler, la chapelle royale n'a pas de façade
à l'ouest. |
Saint Luc et saint Matthieu sur la balustrade du chevet
par Corneille Van Clève (pierre de Tonnerre 1707). |
Louis XIV franchissant le Rhin par Nicolas et Guillaume Coustou.
Cette œuvre était destinée à orner la cheminée du salon de la
Guerre.
Elle a été placée dans le vestibule bas sous le règne de Louis-Philippe.
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Les
dégradations de la Révolution et le retour au culte
(1/3).
Le mobilier de la chapelle fut dispersé à partir d'octobre
1789. On commença par des pièces d'argenterie qui rejoignirent
la chapelle des Tuileries. En octobre 1793, des ornements
ainsi que le «trône de l'ordre du ci-devant Saint-Esprit»
furent dégalonnés pour en récupérer l'or, l'argent et
le cuivre. Puis arrivèrent les ventes aux enchères.
De décembre 1793 à août 1794, le marteau des commissaires-priseurs
ne chôma pas. D'abord le linge et les petits ornements,
puis les portes battantes auxquelles il faut probablement
rajouter la tribune amovible du roi ; puis le lutrin,
le tabernacle, la chaire à prêcher. On sait que cette
dernière était en bois de chêne peint, sculpté et doré.
Suivirent des petites tribunes, des tabourets, des consoles,
les stalles et les sept confessionnaux.
L'orgue
et son buffet faillirent connaître un sort semblable.
Heureusement, un certain Jean-Louis Bêche, membre de
la Commission des arts de Seine-et-Oise et le facteur
d'orgue Somer, tous deux chargés en mai 1795 de rédiger
un procès-verbal d'estimation, mirent en avant le caractère
irremplaçable de l'instrument qui était le «reflet d'un
moment d'excellence de la facture d'orgue» [Maral].
Un autre rapport du même Bêche prenait la défense des
principales orgues dressées dans les églises de Versailles.
Bêche compare la vente des orgues à un vandalisme d'État
contraire aux intérêts de la République. Vendre l'orgue,
c'est menacer de faire disparaître les organistes et
leur talent si rare, d'anéantir l'industrie des facteurs
d'orgues qui n'auraient d'autre issue que d'aller vendre
leur talent à l'étranger. Enfin, dernier argument, souvent
évoqué par tous ceux qui défendaient les orgues de leur
église à la même époque : l'instrument pouvait servir
lors de la célébration des fêtes nationales.
Dès 1793, les instances révolutionnaires du département
donnèrent l'ordre de supprimer les emblèmes royaux de
la chapelle, c'est-à-dire les couronnes, les fleurs
de lys, les chiffres de saint Louis, les armes de France
et tout autre symbole qui pouvait rappeler les «tyrans».
On commença par le plus simple : les emblèmes sur les
portes des vestibules haut et bas.
Peu après, le reste suivit. De manière systématique
et méticuleuse. Les nouveaux maîtres avaient pour objectif
de transformer le château en un musée ouvert au public,
et ceci dès 1794. Qu'ils fussent en pierre ou en bois,
dans la nef, dans le narthex, les bas-côtés ou le déambulatoire,
les insignes de la royauté disparurent. On fit même
un sort aux boîtiers des serrures ! Toutefois,
près du buffet
d'orgue et dans la chapelle
Saint-Louis, un petit nombre de fleurs de lys, toujours
visible, échappa à la purge.
Sur la balustrade, les statues des Pères de l'Église
subirent aussi la vindicte antireligieuse des révolutionnaires
: un dénommé Pierre-Claude Boichard fut chargé de supprimer
leurs mitres ! Même la couronne du roi
David sur le buffet
d'orgue fut jugée comme une offense à la République !
Boichard la remplaça par un bout de chevelure supplémentaire.
---»» Suite 2/3
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Façade de l'aile nord du château devant la chapelle. |
Fronton de la façade occidentale. |
Fronton de la façade occidentale : la FOI et la RELIGION
par Guillaume Coustou (1707). |
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La nef et le côté nord vus en grand angle.
La TRIBUNE DU ROI se trouve à l'étage devant la façade occidentale,
c'est-à-dire dans la partie gauche de la photographie. |
L'architecture
intérieure. La chapelle royale est un joyau architectural
de l'époque classique qui porte l'empreinte du génie de Jules-Hardouin
Mansart. Fidèle au plan des chapelles palatines, l'édifice
est à deux niveaux, surmontés d'une voûte à lunettes. Il frappe
par son harmonie, que ce soit dans les formes, les proportions
ou dans l'intelligente répartition chromatique. De plus, l'importante
masse de verres blancs aux fenêtres lui assure une grande
luminosité.
L'ensemble est de forme rectangulaire et se termine par une
abside, bouchée à l'étage par un orgue
à cinq tourelles. Le rez-de-chaussée accueille une suite d'arcades
en plein cintre surbaissées soutenues par des piles oblongues.
Les reliefs qui recouvrent la surface de ces piles sont mis
en valeur par un entablement mince et peu saillant situé à
la retombée des arcs. Cet entablement coupe agréablement la
hauteur.
L'étage est scandé de hautes piles cannelées, terminées par
des chapiteaux
corinthiens dont la forme a été spécialement créée pour
la chapelle. En levant les yeux vers l'étage, l'œil du visiteur
est immédiatement attiré par les peintures des plafonds, sans
parfois se douter que ce choix de grandes plates-bandes était
un pari architectural audacieux.
L'étage est celui de la tribune du roi. C'est là que, tous
les matins, Louis XIV, sortant de ses appartements, entrait
dans la chapelle depuis le vestibule haut pour assister à
la messe avec toute la Cour. Autour de lui prenaient place
les membres de sa famille, tandis que les princes du sang
et les principaux dignitaires de la Cour occupaient les tribunes
latérales. Les autres fidèles se tenaient debout au rez-de-chaussée,
tournés vers le roi, le dos à l'autel.
Les bas-côtés
sont voûtés par une suite de magnifiques bas-reliefs de pierre,
tandis que le sol reçoit un somptueux dallage de marbre blanc,
ocre et noir. Source : La
chapelle royale de Versailles par Alexandre Maral, éditions
Arthéna, 2021.
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Le dallage de marbre de la nef vu du chur.
Ce dallage a été amplement restauré au XIXe siècle. |
LES BAS-RELIEFS
DU PREMIER NIVEAU |
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Élévations sud vers le chur.
Il n'y a guère de parement vertical qui ne porte pas un bas-relief.
Dans la partie supérieure de la photo, on remarquera les couples d'anges
(tous différents) au-dessus des fenêtres des tribunes. |
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Les
bas-reliefs de la nef.
En général, quand il est pris par la beauté des
décors à la voûte et aux plafonds des tribunes,
le visiteur ne pense pas à regarder attentivement
les nombreux bas-reliefs ornant les arcades et
les piles au rez-de-chaussée. Pas plus qu'il ne
pointe l'œil vers les trophées que l'on trouve
un peu partout. La première réaction peut être
de penser que tout est identique et qu'il est
donc inutile de les regarder, mais c'est une erreur.
En réalité, tout est différent, tout a été soigneusement
étudié par la maîtrise d'œuvre et tout symbolise
quelque chose.
Les dizaines de bas-reliefs (intérieurs et extérieurs)
incluses dans le projet artistique exigeaient
un nombre important d'artistes. On peut les partager
en deux groupes : les sculpteurs académiques et
les ornemanistes. Ces derniers, plus proches des
pratiques artisanales, contribuèrent au renouvellement
des formes et des styles. Mais ils ne reçurent
pas les commandes des reliefs situés aux places
d'honneur, c'est-à-dire proches du sanctuaire.
Les reliefs donnés en exemple ici sont ceux du
rez-de-chaussée. Ils illustrent le thème de la
Passion du Christ et font le tour de la
nef. Dans les écoinçons, un ange représente, de
manière allégorique, une étape du Chemin de croix
tandis qu'un relief explicatif orne le pilier
au-dessous.
La plupart du temps, la maîtrise d'œuvre confiait
au même sculpteur le relief de l'écoinçon et celui
du pilier associé, ce qui assurait une unité d'exécution.
On donne ci-dessous la Descente de croix
par Claude Poirier et la Résurrection par
Nicolas Coustou, deux œuvres datées de 1709 tout
près du maître-autel.
Ci-dessous : l'Ecce Homo de Simon
Mazières et le Portement de croix de Jean-Louis
Lemoyne. Un trophée entier illustre l'Entrée
de Jésus à Jérusalem et deux extraits donnent
La Prédication du Christ et Le Christ
chassant les marchands du temple. Ce deux
derniers thèmes qui ne font pas partie de la Passion
sont situés dans le narthex.
Source : La
chapelle royale de Versailles par Alexandre
Maral, éditions Arthéna, 2021.
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«««---
À GAUCHE
Deux bas-reliefs dans les écoinçons
près du sanctuaire :
la Descente de croix (Claude Poirier, 1709)
et la Résurrection (Nicolas Coustou, 1709). |
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Bas-relief sur un pilier de la nef : La Prédication
du Christ
par Jean de Lapierre (vers 1708-1710) |
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Écoinçon occidental : Ecce Homo
(Simon Mazière, 1709). |
Attributs de l'Ancien Testament
(Nicolas Coustou, 1709) |
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Écoinçon sud : le Portement de croix
(Jean-Louis Lemoyne, 1708). |
Le Christ chassant les marchands du temple
(Nicolas Monthéan et Jean Voirot, 1708-1709)
Détail d'un bas-relief en pierre dans le narthex. |
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Entrée de Jésus à Jérusalem
(Nicolas Monthéan et Jean Voirot, 1708-1709)
Bas-relief en pierrre dans le narthex. |
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Bas-côté sud en direction du chevet.
Dans les bas-reliefs, toutes les fleurs de lys ont été bûchées
à la Révolution.
Le XIXe siècle a réparé les dégradations en introduisant des thèmes
végétaux. |
Autel de sainte Adélaïde dans le bas-côté sud.
Mis à part l'autel
Saint-Louis, tous les autels des bas-côtés ont cet aspect. |
Sainte Adélaïde quittant saint Odilon
Bas-relief en bronze de LAMBERT-SIGISBERT ADAM (vers 1737-1742)
Autel de sainte Adélaïde. |
Le Martyre de sainte Victoire
Bas-relief en plâtre de NICOLAS-SéBASTIEN ADAM (vers 1737-1743)
Autel de sainte Victoire. |
L'Assomption par LOUIS BOULLOGNE
Huile sur enduit dans la coupole de la chapelle de la Vierge
(1708-1710)
La chapelle de la Vierge se situe au-dessus de la chapelle Saint-Louis.
|
Les
dégradations de la Révolution et le retour au culte
(2/3).
---»» Suppression ne signifiait pas saccage
car, en février 1795, on pensa faire de la chapelle
un local du conservatoire de musique. Il fallait donc
en préserver la qualité artistique. En fait, après grattage,
les surfaces furent partagées en deux groupes : celles
qui resteraient planes et unies, quelquefois enrichies
d'un fleuron quadrilobé et celles qui recevraient un
nouveau décor.
Dans le déambulatoire et les bas-côtés, les ornements
détruits furent remplacés par des motifs floraux, symbolisant
parfois les saisons, ou par des rosaces plus ou moins
vastes. C'est ce que l'on voit actuellement. Quant aux
endroits privés de leur mobilier (chaire, stalles, confessionnaux),
les hommes de l'«art» chargés de la purge y procédèrent
à un nettoyage en règle comme pour faire croire que
ce mobilier n'avait jamais existé. Là où il le fallait,
on badigeonna même quelques raccords de peinture, notamment
sur les portes et sur des panneaux du buffet
d'orgue.
De la sorte, en mars 1797, le château de Versailles,
devenu musée spécial de l'École française, pouvait intégrer
l'ex-chapelle royale au circuit de visite des Grands
Appartements.
Après les Cent jours, la chapelle fut bénie le 5 septembre
1815. Cette cérémonie était indispensable pour
redonner à l'édifice son rôle cultuel.
En 1816, on démarra une importante restauration qui
prit fin en avril 1820. On en connaît le détail. À l'extérieur :
reprise des parements usés ; travaux d'étanchéité ;
intervention sur les plombs de la toiture, sur les têtes
d'anges érodées ; restauration totale des verrières.
À l'intérieur : nettoyage de la grande voûte et
comblement des fissures ; reprise de toutes les
dorures et repeintures diverses. Ainsi Simon Moench
repeignit entièrement les médaillons
des évangélistes, les parties en faux marbre, les
ciels dans les Apothéoses
des tribunes et le ciel de l'Assomption
dans la chapelle de la Vierge. Les emblèmes royaux furent
rétablis à la voûte du déambulatoire
et au-dessus de la tribune du roi. ---»»
Suite 3/3
|
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Les
autels. Seuls ceux du rez-de-chaussée sont
visibles, même quand la nef est accessible au public,
Il faut distinguer entre l'autel Saint-Louis situé dans
la chapelle du même nom (donnée ci-dessous) et qui se
prolonge à l'étage par la chapelle de la Vierge et les
autels qui scandent les bas-côtés. Ces autels, dits
secondaires, répondent à un modèle identique. Ils se
composent d'un soubassement de marbre surmonté d'un
bas-relief, lui-même couronné de deux angelots autour
d'une croix. L'autel
de sainte Adélaïde plus haut en donne un bon aperçu.
Pour le malheur des photographes, les grandes verrières
en verre blanc qui surplombent ces autels offrent un
magnifique contre-jour ! Sous Louis XVIII, tous
les vitraux qui demandaient une restauration ont été
refaits. On respecta évidemment leur aspect, typique
du XVIIIe siècle : du verre blanc dans le corps
central afin d'assurer le maximum de lumière, l'ensemble
étant bordé d'une frange de fleurs de lys. Visible à
tous les étages, cette vitrerie de verre blanc assure
une grande luminosité dans la nef.
En 1846, un projet, resté sans suite, ambitionna
de remplacer la vitrerie par des vitraux de couleur.
Au rez-de-chaussée, seule la chapelle de saint Louis
rompt cette ordonnance. Le bas-relief en plâtre Saint
Louis servant les pauvres à table est niché
dans le soubassement tandis qu'un tableau à la gloire
du saint domine l'autel : Saint
Louis priant pour les blessés et les faisant assister
après une bataille. Quelle est cette bataille ?
Alexandre Maral énumère trois réponses données au XVIIIe
siècle. Selon Piganiol de la Force, auteur d'une description
de la chapelle en 1711, il s'agit d'une victoire (sans
plus de précision). Selon un mémoire pour l'histoire
de la peinture paru en 1730, il s'agit de la victoire
de Damiette ; enfin, selon Dezallier d'Argenville en
1745 dans un autre ouvrage de description, ce n'est
autre que la défaite de la Mansurah.
En 1710, les bas-reliefs des autels secondaires étaient
en plâtre. En 1713 et 1714, le peintre Bailly les recouvrit
d'un badigeon imitant le bonze. Les versions définitives
ne furent pas installées avant 1747. Seul le Martyre
de sainte Victoire est toujours en plâtre.
Source : La chapelle
royale de Versailles par Alexandre Maral, éditions
Arthéna, 2021.
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«««--- Chapelle de la Vierge
La chapelle de la Vierge se situe au-dessus de la chapelle
Saint-Louis.
Elle est inaccessible au public comme tout l'étage de
la tribune du roi.
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Chapelle Saint-Louis sur le côté nord. |
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«Saint Louis servant les pauvres à table»
Bas-relief en bronze de SÉBASTIEN-ANTOINE et PAUL-AMBROISE
SLODTZ (vers 1737-1746)
Autel de la chapelle Saint-Louis. |
«Le Martyre de saint Philippe» (Autel de saint Philippe)
Bas-relief en bronze de FRANÇOIS LADATTE et de SÉBASTIEN-ANTOINE
ou PAUL-AMBROISE SLODTZ
(vers 1737-1746). |
«Saint Charles Borromée demandant à Dieu la cessation
de la peste à Milan» (Autel de saint Charles)
Bas-relief en bronze d'EDME BOUCHARDON (vers 1737-1744). |
«Le Martyre de sainte Victoire»
Bas-relief en bronze de NICOLAS-SÉBASTIEN ADAM (bvers
1737-1743), détail. |
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«Saint Louis priant pour les blessés et les faisant assister
après une bataille»
par JEAN JOUVENET, huile sur toile (1709-1710). |
Les
dégradations de la Révolution et le retour au culte
(3/3).
---»» Les portes ouvrant sur les vestibules,
qui avaient disparu, furent refaites. Si l'on ajoute
les restaurations de toute nature sur les autels, les
toiles, les bronzes, la grande Gloire, les marbres au
sol, etc., on peut dire que, en avril 1820, la chapelle
revêtait un aspect - royal - présentable. Une nouvelle
bénédiction, plus solennelle cette fois, clôtura les
travaux.
D'autres restaurations mineures sur les peintures et
les marbres furent entreprises après cette date. Et
un nouveau mobilier vint enrichir la chapelle tout au
long du siècle.
Après la loi de Séparation de l'Église et de l'État
de 1905, ce mobilier fut soumis à un inventaire partiel.
Des documents du XIXe siècle montrent qu'il y avait
des grands lustres qui descendaient de la voûte, diverses
lampes et de nombreux prie-Dieu. À l'heure actuelle,
ce qui en reste est relégué dans la sacristie ou dans
les réserves de mobilier du musée. Quant au petit mobilier,
il a disparu ou il a été donné ou transféré. Source
: La chapelle royale de Versailles
par Alexandre Maral, éditions Arthéna, 2021.
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LES VOÛTES
PEINTES DU SECOND NIVEAU |
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Les tribunes sud et leurs voûtes peintes. |
Apothéose de saint Jude
LOUIS BOULLOGNE, huile sur enduit, 1708-1710. |
Les voûtes peintes des tribunes (2/2).
---»» Le choix de ces illusions
artistiques que sont les Apothéoses (thème non biblique)
libéra les peintres des obligations des quadri riportati.
Ils conçurent de fins cadres dorés enrichis de coquilles
aux angles, mais s'autorisèrent souvent à les recouvrir
de nuées. On en voit un exemple frappant sur l'Apothéose
de saint Jude donnée ci-dessus : un nuage noir
fait disparaître le bas du cadre peint.
Bon Boullogne peignit les plafonds du côté nord avec
les saints André, Philippe, Simon,
Matthias et Thomas ainsi que ceux du chevet à l'aplomb
de l'orgue : le Concert d'anges chantant le Domine
salvum fac Regem donné plus bas ainsi que les apothéoses
de saint Pierre et saint Paul. Son frère Louis prit
en charge les peintures des cinq plafonds de la tribune
sud avec les saints Jacques le Majeur, Jacques le Mineur,
Barthélemy,
Jude
et Barnabé.
On peut regretter que les deux principaux apôtres (Pierre
et Paul)
soient rejetés dans la courbure du chevet. Certes, ils
sont à la place d'honneur, c'est-à-dire au-dessus du
maître-autel,
mais, pour le visiteur qui déambule au rez-de-chaussée,
ils sont moins visibles que ceux situés au nord et au
sud.
Source : La chapelle
royale de Versailles par Alexandre Maral, éditions
Arthéna, 2021.
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Apothéose de saint Jacques le Majeur
LOUIS BOULLOGNE, huile sur enduit, 1708-1710. |
Les voûtes peintes des tribunes (1/2).
Ce sont les frères Bon et Louis Boullogne
qui furent choisis par la maîtrise d'œuvre pour peindre
les petites voûtes nord et sud du second niveau de la
chapelle. Ces deux artistes avaient déjà été mis à contribution
pour les peintures de la chapelle royale antérieure,
édifiée en 1682, puis avaient participé au chantier
des Invalides.
Le thème initial pour le plafond des tribunes devait
être les Miracles du Christ, mais le choix se porta
finalement sur les Apothéoses des apôtres. Ce
choix garantissait des scènes homogènes sous un fond
de ciel bleu qui prolongeait intelligemment le ciel
de la Gloire divine de Jean Jouvenet. Alexandre Maral
décrit cet effet comme une «dilatation» de la partie
centrale de la grande voûte.
Des érudits ont fait remarquer que le thème des Miracles
aurait contraint les artistes à suivre les lois rigoureuses
de l'art post-Renaissance qui régissaient la peinture
de scènes tirées de la Bible ou de la mythologie gréco-romaine.
C'est-à-dire à opter pour des quadri riportati,
des «tableaux rapportés».
Selon cette règle, sur une voûte unifiée (par exemple
une voûte en berceau), l'artiste devait concevoir une
suite ininterrompue de scènes peintes entourées de cadres
pastiches bien voyants et bien délimités. L'objectif
était d'imiter les tableaux de chevalet. Nos yeux contemporains
y verraient sans doute une surcharge nuisant à la beauté
de l'ensemble, mais cette pratique post-Renaissance
correspondait aux goûts de l'époque.
À la chapelle royale, si l'on ajoute aux nervures barlongues
qui scandent le plafond des tribunes les frises de pierre
oblongues, on obtient en quelque sorte les cadres des
tableaux : ce type de plafond ne correspond pas
à une voûte unie de quinze mètres de long. Y appliquer
la règle des cadres pastiches, dessinés de manière très
apparente pour séparer les scènes, n'avait donc pas
d'intérêt.
Mais, dans ce cas, les lois de l'art post-Renaissance
imposaient de changer le thème peint et donc de dire
adieu à la Bible. Pas de quadri riportati, donc
pas de scènes testamentaires ou mythologiques !
---»» Suite 2/2
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Apothéose de saint Thomas
BON BOULLOGNE
Huile sur enduit, 1708-1710. |
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Apothéose de saint Barnabé
LOUIS BOULLOGNE, huile sur enduit, 1708-1710, détail.
«««--- Voûte des tribunes
Apothéoses de saint Barthélemy et de saint Jude
LOUIS BOULLOGNE, huiles sur enduit, 1708-1710. |
|
Apothéose de saint Simon
BON BOULLOGNE, huile sur enduit, 1708-1710. |
Apothéose de saint Barthélemy
LOUIS BOULLOGNE, huile sur enduit, 1708-1710. |
LE MAÎTRE-AUTEL
ET LA GLOIRE DE LA CHAPELLE ROYALE |
|
Le maître-autel de la chapelle et sa grande Gloire.
Là encore, toutes les parois verticales reçoivent un bas-relief. |
Le maître-autel
et son retable (1/2). Ces deux éléments sont l'aboutissement
d'une dizaine de projets. Les premiers, de moindre ambition,
n'occupaient pas la totalité de l'arcade axiale. Les seconds
donnaient au retable plus d'ampleur et bouchaient complètement
cette même arcade. On y proposait un thème très classique
: une Résurrection, une Déploration ou une Nativité.
Trois d'entre ces projets y inséraient une Gloire angélique.
C'est finalement ce dernier thème qui sera retenu et mis en
œuvre en 1709.
La Déploration du Christ mort ne fut pas abandonnée
pour autant. La maîtrise d'œuvre commanda à Corneille Van
Clève un bas-relief en bronze sur ce sujet pour le soubassement
d'un maître-autel en marbre. --»» Suite
2/2 à droite
|
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La Déploration du Christ mort
Bas-relief en bronze de CORNEILLE VAN CLÈVE (1709-1710). |
La grande Gloire en bronze du maître-autel.
Détail de la Gloire avec un ange adorateur ---»»» |
Le
maître-autel et son retable (2/2).
---»» Ce thème de la Déploration
vient en fait clore le cycle de la Passion inscrit dans
les bas-reliefs des piliers de la chapelle.
Dans le retable, la grande Gloire, coulée dans le bronze,
met à la place d'honneur la Trinité sous la forme traditionnelle
du triangle portant le tétragramme divin. La Trinité
est entourée d'anges adorateurs enrichis de têtes de
chérubins sortant des nuées. Van Clève cisela trois
grands anges en ronde bosse qui prirent place dans le
prolongement des angles du triangle trinitaire.
Qui a conçu et dessiné l'ensemble du maître-autel ?
Les historiens n'ont pas de certitude, mais il semble
qu'Antoine-François Vassé (1681-1736) y soit
pour une bonne part.
Source : La chapelle
royale de Versailles par Alexandre Maral, 2021.
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La Déploration du Christ mort
Bas-relief en bronze de Corneille Van Clève (1709-1710), détail. |
L'ORGUE DE LA
CHAPELLE ROYALE |
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L'élévation nord et l'abside vues en grand angle. |
L'orgue
de la chapelle (1/2). Placé à l'abside, l'orgue
de la chapelle occulte complètement la grande baie centrale.
Par la présence importante de dorures, l'instrument
apparaît - de façon très élégante - comme la continuité
verticale du maître-autel
et de sa grande Gloire. L'or flamboyant des ornementations
crée un agréable contraste avec le blanc de la pierre.
L'instrument possède cinq tourelles. Malheureusement,
comme le montre la photo ci-contre, les deux piliers
cannelés qui se dressent devant lui empêchent d'en apprécier
toute la beauté.
Dès août 1708, le sculpteur Bertrand façonna
un modèle en cire du buffet de l'orgue et c'est vraisemblablement
à lui que revient la paternité du buffet actuel. Le
menuisier Marteau créa la structure en bois que Jules
Degoullons et ses associés ornèrent de motifs, bien
sûr validés par la maîtrise d'œuvre.
L'ornementation actuelle est l'aboutissement d'une série
de projets qui multipliaient les trophées, les feuilles
d'acanthe, les têtes de chérubins et les renommées.
On y trouvait aussi des anges musiciens sur les tourelles
et, dans un cartouche, le roi
David jouant de la lyre.
Dans la version définitive, les anges musiciens firent
place aux fleurs de lys du modèle créé pour l'occasion
par le sculpteur Monthéan. Au cul-de-lampe des tourelles
latérales, des têtes d'angelots furent préférées aux
motifs végétaux initiaux. Enfin, au soubassement, deux
Victoires entourèrent les Armes
de France au-dessus d'un cadre accueillant un bas-relief
du roi
David jouant de la lyre. Ce cadre fait office de
porte qu'il faut ouvrir pour faire apparaître les claviers.
Il ne fait aucun doute que Louis XIV, maître d'ouvrage,
a choisi lui-même certains motifs. Ainsi le roi
David a été préféré à sainte Cécile et, sur les
tourelles, les fleurs de lys ont remplacé les anges
musiciens. Enfin, les deux Victoires encadrant les Armes
de France font pendant au bas-relief
similaire au-dessus de la tribune du roi. ---»»
Suite 2/2
|
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Les trois peintures de BON BOULLOGNE au-dessus de l'orgue. |
Apothéose de saint Paul au-dessus de l'orgue.
BON BOULLOGNE
Huile sur enduit, 1708-1710. |
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L'orgue de tribune.
Le buffet d'orgue en bois doré date de 1708-1710. |
L'orgue
de la chapelle (2/2). ---»» L'instrument
lui-même est l'œuvre des deux facteurs Clicquot
et Tribuot. Les documents qui nous restent de
cette époque rendent impossible le partage des tâches
entre les deux. On sait simplement qu'en 1710 une brouille
les opposa et que Clicquot s'efforça d'apparaître comme
le principal auteur de l'orgue de la chapelle.
Source : La chapelle
royale de Versailles par Alexandre Maral, éditions
Arthéna, 2021.
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Armes de France portées par des Victoires
Détail du buffet d'orgue (1708-1710). |
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Le roi David jouant de la lyre
Détail du buffet d'orgue. |
Anges chantant le «Domine, salvum fac Regem»
BON BOULLOGNE, huile sur enduit, 1708-1710. |
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Voûte de l'abside : La Résurrection du Christ.
CHARLES DE LA FOSSE, huile sur enduit (1708-1710). |
La voûte
de l'abside. En septembre 1706, Louis XIV décida
que le peintre Charles de La Fosse, déjà auteur de
la Coupole supérieure des Invalides, serait chargé de la décoration
de l'ensemble de la voûte de la chapelle royale. Mais il fallut
se rendre à l'évidence : un unique artiste, de plus âgé de
soixante-dix ans, ne pourrait jamais venir à bout de cette
tâche dans le temps imparti. La maîtrise d'œuvre décida donc
de partager le travail entre trois peintres. Néanmoins, selon
les sources connues, La Fosse avait fourni en 1707 les modèles
pour toute la voûte : un Christ glorieux dans la partie
centrale ; l'Apothéose de saint Louis sur le voutain
occidental et une Résurrection dans le cul-de-four
de l'abside. Passer d'un peintre à trois entraîna la modification
des thèmes et seule la Résurrection subsista.
Techniquement, aux Invalides, La Fosse avait utilisé le procédé
de la fresque avec des reprises à la détrempe. Cependant,
à Versailles,
la technique, plus sûre, de l'huile sur enduit avait déjà
été largement employée pour peindre les voûtes des salons
et des chambres. La mort de Mansart, protecteur de La Fosse,
en mai 1708, conduisit à retenir ce dernier procédé pour l'ensemble
de la voûte. On ne sait si La Fosse en fut satisfait... Toujours
est-il qu'il fut chargé de peindre avec ce procédé la Résurrection
à l'abside. Situé à l'aplomb du maître-autel,
cet emplacement était à la fois le plus glorieux et le plus
visible.
|
La composition de La Fosse paraît
assez étrange. Elle laisse apparaître de grands espaces vides
bleutés et une myriade d'anges. À cette aune, on pourrait
aisément la prendre pour une Ascension. Cependant la
présence, sur la gauche, du Sépulcre ouvert, surmonté de rochers,
et celle, dans la partie basse, des corps terrassés des gardes
romains rappellent qu'il s'agit bien là d'une illustration
de l'événement fondateur de la religion chrétienne.
Il est probable que Charles de La Fosse a voulu reprendre
une partie du programme de 1707 qu'il avait proposé et que
la maîtrise d'œuvre avait abandonné : un Christ glorieux
au centre de la voûte de la nef. Quoi qu'il en soit, réunir
les thèmes de la Résurrection et de l'Ascension
dans une unique peinture n'était pas courant. L'Église
avait-elle donné son accord ? C'est vraisemblable car
il faut voir dans cette audace picturale, comme le fait remarquer
Alexandre Maral, le fruit d'une réflexion certaine sur l'essence
de la foi chrétienne et sur les événements surnaturels qui
la sous-tendent.
Source : La chapelle royale
de Versailles par Alexandre Maral, éditions Arthéna,
2021.
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|
Voûte de l'abside : La Résurrection du Christ
CHARLES DE LA FOSSE, huile sur enduit (1708-1710), détail. |
Les
chapiteaux. Même s'ils ressemblent à bien
des éléments de sculpture connus, les chapiteaux de
la chapelle ont fait l'objet d'une élaboration très
soignée. Dès l'origine du projet, le choix se porta,
pour l'intérieur, sur le style corinthien. Le même choix
fut retenu pour l'extérieur un peu plus tard. C'est
le sculpteur Noël Jouvenet qui fut chargé par
Mansart, à partir de juin 1699, de définir, puis de
créer les dizaines de chapiteaux qui seraient hissés
sur les colonnes et les pilastres. Jouvenet s'adjoignit
une équipe de sept sculpteurs et d'un mouleur. Ces artistes
mirent plus d'un an à concevoir le modèle définitif
du chapiteau corinthien. Choisir la feuille d'acanthe
comme élément constitutif n'était pas tout, il fallait
encore composer un ensemble qui allierait beauté et
noblesse.
Les vingt-huit chapiteaux extérieurs, exécutés à partir
de 1706, reçurent un dessin plus simple. On en donne
un exemple ci-contre.
La photo ci-contre montre deux chapiteaux de colonnes
et un chapiteau à six faces de forme complexe. Ces ensembles
complexes sont au nombre de quatre. On les trouve de
part et d'autre du chevet et de la tribune du roi. Les
chapiteaux «furent réalisés avec soin, beaucoup de temps,
écrit Alexandre Maral, et les paiements furent relativement
élevés au regard des autres éléments sculptés de la
chapelle.»
Source : La chapelle
royale de Versailles par Alexandre Maral, éditions
Arthéna, 2021.
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La voûte de la nef et les voûtes des tribunes vues
en grand angle. |
Les deux niveaux de
l'élévation au sud ---»»» |
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Chapiteaux corinthiens près du chevet. |
Chapiteaux corinthiens sur l'élévation nord extérieure. |
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La voûte de la nef et les voûtes des tribunes vues en
grand angle. |
Historique
de la peinture des voûtes.
D'après les documents d'époque qui nous sont restés, les plans
initiaux de la chapelle royale prévoyaient une suite d'arcs-doubleaux
à la grande voûte, ce qui créait autant de compartiments séparés
recevant chacun une composition peinte distincte. En revanche,
la voûte de l'abside et celle de la tribune du roi étaient,
dès l'origine, prévues unifiées (ce qu'elles sont toujours),
autorisant la présence d'une grande peinture ininterrompue.
Au cours de l'élaboration du projet, la grande voûte va perdre
ses arcs-doubleaux au profit d'une surface centrale unifiée
pouvant accueillir elle-aussi la peinture d'un sujet unique.
Avant 1707 (sans que la date soit plus précise), on proposa,
pour l'ensemble de la chapelle royale, une thématique centrée
sur le «Fils de Dieu incarné pour le salut de tous les hommes»,
et ceci depuis la Nativité jusqu'à l'Ascension. On avait donc
une Annonciation et une Nativité dans la chapelle
basse hors œuvre au nord (photo ci-contre) ; les principaux
Miracles du Christ aux plafonds des tribunes et aux
autels secondaires des bas-côtés ; une Crucifixion
au premier étage de la chapelle nord hors œuvre (photo ci-contre)
; une Résurrection à l'abside ; une Ascension
à la voûte de la tribune du roi ; et enfin, dans la partie
centrale de la grande voûte, Jésus-Christ dans sa gloire
avec le Père éternel et le Saint-Esprit, accompagnés de la
Vierge, des anges, des évangélistes, des apôtres, des Pères
de l'Église et d'autres saints.
En 1707, dans un second projet, ces choix furent modifiés.
Des thèmes changèrent de place, d'autres furent supprimés.
C'est à cette occasion qu'on abandonna les Miracles du
Christ au plafond des tribunes au profit des Apothéoses
des apôtres (voir la question des quadri riportati
plus
haut. L'Apothéose de saint Louis faisait son apparition
au-dessus de la tribune du roi. Autre nouveauté iconographique
: les anges portant les instruments de la Passion devaient
être peints à la coupole de la chapelle basse hors œuvre.
Alexandre Maral décèle dans ces nouveautés l'influence du
chantier des Invalides.
Il faut reconnaître que cette association un peu disparate
de thèmes laissait peu de place à la logique iconographique.
Aussi la maîtrise d'œuvre se lança-t-elle, au cours des années
1707-1708, dans une réflexion d'ensemble pour établir un projet
plus satisfaisant. De ce fait, les peintres, en attente des
choix définitifs, ne purent entrer en activité qu'au cours
de l'année 1709.
Finalement, on renonça complètement aux épisodes de la Vie
du Christ pour privilégier une grande représentation trinitaire
: dans la partie centrale de la grande voûte serait peint
le Père céleste dans sa gloire ; à l'abside, on étofferait
le choix initial en représentant le Christ dans la réunion
audacieuse d'une Résurrection et d'une Ascension ;
et la voûte de la tribune du roi achèverait le cycle trinitaire
avec une Descente de l'Esprit-Saint sur la Vierge et les
apôtres lors de la Pentecôte. De leur côté, les plafonds
des tribunes conserveraient leurs Apothéoses.
La liaison iconographique, parfaitement établie cette fois,
fut toutefois rompue pour les deux chapelles nord hors œuvre
: un Saint Louis ornerait celle du bas et la
Vierge dans son Assomption celle du haut.
Source : La chapelle royale
de Versailles par Alexandre Maral, éditions Arthéna,
2021.
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Les chapelles nord hors œuvre.
En haut, la chapelle de la Vierge. En bas, la chapelle Saint-Louis. |
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Dieu le Père dans sa gloire
ANTOINE COYPEL, huile sur enduit (1708-1710), détail.
«««---
La voûte de la nef vue depuis l'entrée. |
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Dieu le Père dans sa gloire
ANTOINE COYPEL, huile sur enduit (1708-1710), partie centrale. |
Les chérubins en adoration dans la voûte d'ANTOINE COYPEL. |
La hiérarchie
céleste du Pseudo-Denys l'Aréopagite.
Cette célèbre hiérarchie a été établie aux alentours de l'an
500 par un auteur qui reste assez mystérieux (puisque certains
auteurs antiques le voient avec saint Paul devant l'Aréopage
d'Athènes...). Pour veiller au service de Dieu, mais aussi
gérer le monde d'En-bas, le pseudo-Denys crée neuf catégories
d'êtres célestes regroupées en trois ordres. Le premier
ordre, le plus proche de la divinité, comprend les séraphins,
les chérubins et les trônes. En bas de
la hiérarchie, les archanges et les anges ont
en charge la gestion des mortels. Dans l'extrait de la voûte
donné juste au-dessus, Antoine Coypel a vraisemblablement
peint des chérubins en adoration.
|
Comme l'écrit le Pseudo-Denys,
«tout nom donné aux intelligences célestes est le signe
des propriétés divines qui les caractérisent.» Ainsi, selon
les hébraïsants, les séraphins se distinguent
par leur attrait perpétuel pour le divin, leur capacité, grâce
au feu qui les dévore, à revivifier les natures subalternes
ainsi que par leur propriété à recevoir et communiquer la
lumière.
Les chérubins sont appelés «à connaître
et admirer Dieu, à contempler la lumière dans son éclat originel
et la beauté incréée dans ses plus splendides rayonnements».
À leur tour, ils répandent sur les essences inférieures les
dons qu'ils ont reçus. Enfin, les trônes,
affranchis des «humiliantes passions de la terre»
et unis au Très-Haut, reçoivent l'esprit divin et le
portent en eux.
Source : La hiérarchie céleste
du Pseudo-Denys l'Aréopagite.
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Dieu le Père dans sa gloire
ANTOINE COYPEL, huile sur enduit (1708-1710), détail. |
La
grande voûte d'Antoine Coypel (1/3).
Jules Hardouin-Mansart n'appréciait pas Coypel. Aussi
le peintre avait-il été tenu à l'écart du chantier des
Invalides. Ce n'est qu'après la mort de Mansart, en
mai 1708, que Coypel fut sollicité pour la voûte de
la chapelle royale. Une lettre de son protecteur, le
duc d'Orléans, nous apprend indirectement qu'il fut
nommé à cette charge par le marquis d'Antin, directeur
des Bâtiments du roi, une nomination évidemment approuvée
par Louis XIV. On est ici aux alentours de juillet 1708.
Dès le départ, la forme géométrique de la voûte découragea
l'artiste. Comment gérer le problème de la «défectuosité
des voussures», comme l'écrit son fils qui fut aussi
son biographe ? Sans oublier que ces voussures
n'avaient entre elles que six pieds d'espace. Copyel
devait s'attaquer à «une voûte très étroite et très
longue, écrit Alexandre Maral, recoupée par les dix
lunettes des fenêtres hautes.» Cependant, l'artiste
releva le défi et commença le travail au printemps 1709.
Philippe, duc d'Orléans et frère du roi, l'encouragea
en visitant souvent le chantier.
Coypel n'avait pas d'autre solution que de recourir
à l'illusionnisme. Il conçut «un édifice imaginaire
de marbre et d'or» [Maral] qui devait en imposer aux
visiteurs, même quand ils ne pouvaient observer la voûte
que depuis le vestibule
bas.
L'artiste régla de somptueuse façon le problème posé
par les dix lunettes. Décrivons ses choix tels qu'ils
se présentent à nos yeux.
Par construction, une lunette est accolée à une fenêtre
haute. En quelque sorte, cette fenêtre délimite la lunette
sur l'un de ses côtés. À l'opposé de cette fenêtre,
Coypel choisit de fermer la lunette par une arcade pastiche
épousant l'arête de la lunette. (Passez la souris sur
le menu ci-dessous pour faire apparaître les indications.)
Aux dix lunettes correspondent évidemment douze pendentifs.
Dans le dessin de Coypel, ces pendentifs deviennent
les piliers des arcades pastiches.
Ce point étant réglé, comment orner les écoinçons entre
les arcades ? Coypel y fait figurer «des coquilles
servant d'écrins à des cassolettes d'encens» [Maral].
Ces coquilles peuvent d'ailleurs être totalement ou
en partie cachées par des anges (comme on le voit dans
la partie centrale de la voûte). Enfin, il faut relier
au centre les deux suites d'arcades pastiches nord et
sud. Ce sera fait par des médaillons au centre de la
voûte, qui pourront, là encore, être partiellement
masqués par des anges.
Reste la paroi verticale qui jouxte les fenêtres (et
qui est en grande partie cachée dans la photo ci-dessous).
Coypel y peint la continuation de la longue guirlande
de fleurs qui fait le tour de la voûte. ---»»
Suite 2/3.
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LES FIGURES BIBLIQUES
D'ANTOINE COYPEL
sur les piliers feints.
Huiles sur enduit (1708-1710). |
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Le prophète MALACHIE
«VENIET AD TEMPLUM SUUM DOMINATOR»
Le Seigneur entrera dans son temple |
Le prophète AGGÉE
«ET VENIET DESIDERATUS CUNCTIS GENTIBUS»
Et va venir le Désiré de toutes les nations. |
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LE ROI DAVID
«DE FRUCTU VENTRIS TUI PONAM
SUPER SEDEM TUAM»
C’est du fruit qui sortira de toi
que j’établirai succession sur ton trône. |
Le prophète JOËL
«EFFUNDAM SPIRITUM MEUM
SUPER OMNEM CARNEM»
Je répandrai mon Esprit sur toute chaire. |
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Dieu le Père dans sa gloire par ANTOINE COYPEL et les trois médaillons
au nord. |
LES QUATRE ÉVANGÉLISTES
PAR ANTOINE COYPEL
CAMAÏEUX OCRES
Huiles sur enduit (1708-1710)
- Quatri riportati - |
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Saint Marc et son lion. |
Saint Jean l'Évangéliste et son aigle. |
Saint Matthieu et l'ange. |
Saint Luc et son taureau. |
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La grande voûte d'ANTOINE COYPEL et la Résurrection de
CHARLES DE LA FOSSE.
C'est la partie de la voûte qu'on peut voir depuis l'entrée
quand les portes sont ouvertes. |
Élévation sud de la nef vue en grand angle. |
La
grande voûte d'Antoine Coypel (2/3). ---»»»
L'espace central est occupé par le Père céleste dans
sa gloire, peint entièrement en blanc selon la vision
du prophète Daniel, et entouré de myriades d'anges de
différente taille et de coloris variés. Les deux trouées
qui entourent cet espace sont occupées par des anges
qui portent les instruments de la Passion. Le ciel bleu
y est nettement visible : il produit une très agréable
impression de profondeur et donne l'illusion que les
anges descendent du ciel.
Il reste maintenant à combler l'espace aux deux extrémités
est et ouest. Coypel choisit d'y peindre deux scènes
en camaïeu ocre, interrompant ainsi le ciel bleu et
liant sa voûte à celles de Jouvenet et de La Fosse par
une zone assez sombre et sans contraste. Par son choix,
il met en valeur l'ouvrage de ses confrères qui ont
mis, eux aussi, le ciel au centre de leurs peintures
: l'œil de l'observateur est en effet invité adroitement
à se diriger vers les peintures voisines ! Les
camaïeux, assez originaux, sont traités en quadri
riportati, c'est-à-dire que les cadres qui entourent
les scènes sont parfaitement définis et presque sans
aucun manque. Au-dessus de la tribune où se tenait Louis
XIV, Coypel a représenté un saint
Louis en prière. Vers l'abside, c'est un Charlemagne
offrant sa couronne.
Notons en passant la curieuse posture de saint Louis
qui a l'air complètement avachi sur son prie-Dieu !
Mais peut-être était-ce, à l'époque, l'expression d'une
piété profonde...
Redisons-le : ces deux camaïeux ocres peints aux extrémités
ne frappent pas l'œil du visiteur, même par grand beau
temps. Ils apparaissent presque comme des scènes un
peu fades. Ce qui pourrait confirmer indirectement une
volonté de Coypel, non rapportée par les historiens,
de ne pas porter ombrage à la scène de la Résurrection
de Charles de La Fosse à l'abside et à celle de la La
Descente du Saint-Esprit sur la Vierge et les apôtres
de Jean Jouvenet au-dessus de la tribune du roi. Coypel
avait-il reçu des instructions en ce sens ? On
ne sait.
Pour remplir l'intérieur légèrement courbé des dix lunettes,
Coypel y niche les quatre évangélistes et leurs attributs,
là encore en camaïeu ocre, dans des quadri riportati.
Ils sont tous donnés dans cette page. Les six autres
sont des médaillons décoratifs. ---»»»
Suite 3/3.
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Dieu le Père dans sa gloire par ANTOINE COYPEL.
On remarque les deux quadri riportati aux extrémités
de la voûte : Charlemagne en bas ; saint Louis (renversé)
en haut. |
La
grande voûte d'Antoine Coypel (3/3). ---»»»
Dernier espace à peindre : la partie basse des pendentifs
avant qu'ils ne rejoignent, en s'évasant, le centre
de la voûte. Trois exemples en sont donnés ci-contre.
Coypel y fait figurer, entre ses piliers feints (ou
pastiches), des grandes figures bibliques, principalement
des patriarches et des prophètes. À ces figures l'artiste
donne la meilleure part car elles empiètent sans ménagement
sur le tracé des piliers. Des médaillons abritant des
citations tirées des Écritures les surplombent. Alexandre
Maral fait remarquer que le programme de 1707, consacré
au Christ glorieux, n'a pas été oublié : les
quatre médaillons qui entourent le Père céleste rappellent
la promesse du Messie et sa venue. Une demi-douzaine
de ces figures bibliques est donnée dans cette page.
On pourra remarquer qu'elles sont toutes peintes à la
manière de Michel-Ange : pleines de muscles et
d'autorité !
La voûte d'Antoine Coypel est un véritable chef-d'œuvre
marqué par la vivacité de l'ensemble de ses personnages.
Les astucieux camaïeux ocres sur les côtés rejettent
toute la lumière vers le centre, là où se tient le Père
céleste dans sa gloire.
La peinture fut achevée à l'automne 1709 (avant le terrible
hiver qui allait suivre). Louis XIV la découvrit depuis
la tribune royale à l'étage. Bien sûr, il fut impressionné
par sa richesse et sa noblesse. Cependant, selon la
biographie du peintre écrite en 1745 par son
fils Charles-Antoine, il trouva les personnages trop
grands. Le bruit s'en répandit aussitôt à la Cour, mais
fut coupé net dès le lendemain. Charles-Antoine Coypel
raconte en effet que Louis XIV, apercevant le peintre
à son petit couvert, le fit approcher et lui dit : «Les
figures de votre beau plafond m'avaient paru trop fortes,
mais ma critique n'était pas juste, vous avez dû travailler
pour deux points de vue. J'ai examiné votre ouvrage
du bas de ma chapelle et je suis convenu que vous eussiez
mal fait de tenir ces figures plus petites. Ce morceau
est beau et plus on le regarde attentivement, plus il
vous fait honneur.»
Source : La chapelle
royale de Versailles par Alexandre Maral, éditions
Arthéna, 2021.
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LES FIGURES BIBLIQUES
D'ANTOINE COYPEL
sur les piliers feints.
Huiles sur enduit (1708-1710). |
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Le prophète Daniel. |
Le prophète Jérémie. |
Le prophète Isaïe. |
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Les anges porteurs des instruments de la Passion
dans une trouée de la voûte d'ANTOINE COYPEL. |
Saint Louis en prière
Peinture en camaïeu ocre au-dessus du maître-autel. |
Charlemagne offrant sa couronne
Peinture en camaïeu ocre au-dessus de la tribune du roi.
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LA VOÛTE
OCCIDENTALE DE JEAN JOUVENET |
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L'élévation occidentale et sa voûte peinte.
Quand une barrière empêche le visiteur de rentrer dans la chapelle,
toute cette partie n'est évidemment pas visible. |
Voûte de la tribune royale : La Descente de l'Esprit-Saint sur
la Vierge et les apôtres
JEAN JOUVENET, huile sur enduit (1708-1710). |
La Descente de l'Esprit-Saint sur la Vierge et les apôtres par JEAN
JOUVENET
Détail : saint Jean et la Vierge. |
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««--- La
Descente de l'Esprit-Saint sur la Vierge et les apôtres
par JEAN JOUVENET, partie sud. |
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La Descente de l'Esprit-Saint sur la Vierge et les apôtres
par JEAN JOUVENET, partie nord, détail. |
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La Descente de l'Esprit-Saint sur la Vierge et les apôtres
par JEAN JOUVENET
Partie sud, détail. |
La
Descente de l'Esprit-Saint sur la Vierge et les apôtres.
La voûte occidentale de la chapelle, celle de la tribune
du roi, fut confiée au pinceau de Jean Jouvenet.
C'est en effet à cette tribune que Louis XIV prenait
place pour les offices. En bas dans la nef, les courtisans
lui faisaient face, le dos tourné au maître-autel. Le
thème de l'Ascension préalablement retenu avait
été remplacé par une Pentecôte, vraisemblablement
pour ne pas faire double emploi avec le dessin de Charles
de La Fosse à l'abside. Ce nouveau thème était vraiment
bien choisi. Quoi de plus flatteur pour un souverain
assoiffé de gloire que de se voir associé aux personnages
du Nouveau Testament sur qui descend le Saint-Esprit
quarante jours après l'Ascension !
Jean Jouvenet a réussi à donner l'illusion d'un espace
pictural commun à la voûte de la nef et à sa propre
composition. En dépit d'un style différent de celui
d'Antoine Coypel à la voûte, le visiteur ne remarque
aucune rupture entre les œuvres des deux artistes.
Il est clair que Jouvenet a refusé de suivre les règles
de la quadratura, c'est-à-dire de représenter
des éléments architectoniques en trompe-l'œil comme
l'a fait Coypel. Sa colombe irradiante dans l'espace
cintré et ses anges en oblique sur les côtés, sans aucun
ajout de voutains ou de médaillons, font contraste avec
la peinture sophistiquée de Coypel. On peut même
dire qu'ils reposent l'œil de l'observateur et évitent
la surcharge.
Source : La chapelle
royale de Versailles par Alexandre Maral, éditions
Arthéna, 2021.
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Bas-relief de deux anges tenant un écusson avec les Armes de
France
au-dessus de la porte de la tribune royale. |
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Voûte de la tribune royale : La Descente de l'Esprit-Saint sur
la Vierge et les apôtres
JEAN JOUVENET, huile sur enduit (1708-1710), détail.
La restauration récente de la chapelle (2017-2021) n'a pas réparé
les imperfections de la partie basse de cette peinture. |
La nef et l'élévation occidentale vues du chur. |
Documentation : «La Chapelle Royale de
Versailles» par Alexandre Marral, éditions Arthéna 2021
+ «Versailles, Château, Domaine, Collections, le Guide
officiel», publications du château de Versailles
+ «Versailles après les rois» par Frank Ferrand, éditions
Perrin, collection Tempus, 2012. |
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