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La cathédrale de Paris a subi
un grave incendie le 15 avril 2019. Les photos de cette page
ont été prises en 2015 et montrent la nef,
le chur
et les voûtes peut-être comme on ne les verra jamais
plus. Compte tenu de l'importance des travaux de restauration à
effectuer (la charpente du couvrement a entièrement brûlé
et une partie de la voûte en pierre s'est écroulée),
il faut envisager une réouverture de la cathédrale
vers la fin de l'actuelle décennie (2028-2030).
Aucune photo de l'extérieur de l'édifice n'est proposée
ici.
La cathédrale Notre-Dame est issue de la volonté d'un
homme : l'évêque de Paris, Maurice de Sully
(1120-1196). Vers le milieu du XIIe siècle, le précédent
édifice se révélant trop exigu pour le nombre
croissant des fidèles, l'évêque décide
d'en faire bâtir un nouveau selon les règles du gothique
naissant. Il est possible qu'il soit aussi l'auteur des plans. Quant
à l'architecte, son nom reste inconnu. Le chantier démarre
en 1163 par le chur
et le double
déambulatoire. Suivent les travées de la nef (sauf
les deux les plus proches de la façade), et celles des bas-côtés.
Au tournant du XIIIe siècle, on construit les deux premières
travées et les portails de la façade. Celle-ci sera
achevée, avec ses tours, sa rose et sa galerie, de 1220 à
1250.
Au XIIIe siècle, constatant la profonde pénombre de
l'édifice, les architectes (dont les célèbres
Jean de Chelles et Pierre de Montreuil) revoient les
plans et engagent les travaux en conséquence. L'élévation,
qui était à quatre niveaux, passe à trois :
les deux derniers, scindés jusque-là en oculi et fenêtres,
sont réunis au profit de grandes fenêtres. Le transept
est agrandi. Mais la pénombre ne s'éclaircit guère.
Autour du chur, une clôture de pierre est ajoutée
; la toiture est refaite. C'est dès ce même XIIIe siècle
que les chapelles latérales s'élèvent entre
les contreforts de la nef alors que, à la cathédrale
d'Amiens par exemple, il faudra attendre deux siècles
après la fin de la construction pour les voir sortir de terre.
Compte tenu des modifications inévitables qui interviennent
sur les arcs-boutants, l'édifice parisien n'adopte sa forme
actuelle que vers le milieu du XIVe siècle.
Au XVIIIe siècle, pour gagner en clarté, les chanoines
font remplacer toutes les grandes verrières médiévales
par du verre cathédrale blanc, souvent orné d'une
simple frange à fleurs de lys, à l'exception toutefois
des trois grandes roses du XIIIe siècle qui sont préservées.
L'architecte Robert de Cotte (1656-1735), suivant l'esprit du Concile
de Trente, supprime le jubé et une partie de la clôture
qui ceinture le chur.
En 1771, c'est le portail central qui est remanié : il faut
permettre le passage des dais lors des processions.
La Révolution entraîne le saccage du bâtiment
et le pillage de son ornementation : statues brisées ; châsses
fondues ; tableaux volés, tombes profanées, etc. La
cathédrale devient temple de la Raison, puis temple de l'Être
suprême. Elle est rendue au culte en 1802.
Le XIXe siècle redécouvre l'art gothique sous la notable
impulsion du roman de Victor Hugo, Notre-Dame de Paris, paru
en 1831. En 1844, le roi Louis-Philippe confie aux architectes Lassus
et Viollet-le-Duc la restauration de l'édifice, qui est en
péril. C'est notamment Eugène Viollet-le-Duc qui imprimera
sa griffe sur la façade occidentale que l'on peut admirer
aujourd'hui.
Viollet-le-Duc veut rendre à l'édifice son atmosphère
gothique d'antan. Pour cela, la lumière doit vibrer à
travers des vitraux colorés, et qu'importe la pénombre
! En conséquence, l'ensemble de la vitrerie est bouleversé
(sauf les roses). Si le chur
actuel est toujours orné des vitraux XIXe sortis des meilleurs
ateliers de l'époque, en revanche les grisailles posées
vers 1860 dans les tribunes et dans les grandes fenêtres de
la nef ont été remplacées, dans les années
1960, par des créations à thème non figuratif.
À part les trois roses, seuls subsistent du XIIIe siècle
deux médaillons
visibles dans le déambulatoire. (Voir plus
bas l'encadré sur les vitraux.)
La cathédrale de Paris possède de très nombreuses
uvres d'art : des groupes sculptés, essentiellement
du XVIIIe siècle ; dans les chapelles latérales,
des peintures murales du XIXe et de grands tableaux dont certains
sont des mays du XVIIe. Mais le visiteur se heurte toujours à
la pénombre générale de l'édifice, doublée,
dans les chapelles, d'une exiguïté qui n'autorise aucun
recul pour apprécier vraiment les uvres. On pourra
se reporter, dans ce site, à la grande église parisienne
de Saint-Vincent
de Paul pour avoir une idée du problème de l'obscurité
dans une église. Cet édifice a beau avoir été
érigé au XIXe siècle, son architecte n'a pas
su non plus anticiper le manque tragique de lumière sur les
uvres d'art dont il a fait orner la nef.
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Vue d'ensemble de la nef de la cathédrale Notre-Dame de Paris.
L'édifice étant sombre, les lumières de la nef
sont allumées en permanence. |
«Notre-Dame de Paris au clair de lune» par E.RAMIER
XIXe siècle. |
La cathédrale Notre-Dame de Paris et les travaux en janvier
2023. |
LA NEF DE LA CATHÉDRALE
NOTRE-DAME |
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Élévations nord dans la nef avec ses trois niveaux. La photo
a été éclaicie.
L'importance des tribunes ne peut manquer de frapper le visiteur. |
Les baies des tribunes éclairées par les roses
du XXe siècle. |
Architecture
interne. Sur le plan initial, vraisemblablement
dessiné par l'évêque Maurice de
Sully, l'élévation était à
quatre niveaux : les grandes fenêtres du haut
faisaient place à une suite d'oculi surmontés
chacun d'une petite fenêtre. Au XIIIe siècle,
pour diminuer la pénombre qui envahissait l'édifice
(et dont la cathédrale
de Chartres peut donner une idée), on regroupa
les niveaux 3 et 4 en un seul : celui qu'on voit à
présent. Toutefois, pour assurer la robustesse
de l'ensemble, les architectes n'osèrent pas
toucher à la première travée (celle
qui jouxte les tours occidentales). Au XIXe siècle,
Eugène Viollet-le-Duc décida de recréer
cette élévation à quatre niveaux
dans les travées de la nef et du chur qui
bordent le transept (comme on le voit dans la partie
droite de la photo ci-dessus).
À Notre-Dame, l'art du premier gothique est appliqué
avec harmonie. Le premier niveau, avec ses dix travées,
est scandé d'une suite de piles cylindriques
et massives, couronnées de chapiteaux à
feuillages. Ceux-ci exposent toute une gamme du règne
végétal. Les arcades sont en tiers point,
sans grande recherche artistique au niveau des intrados.
Du large tailloir des chapiteaux s'élèvent
trois fines colonnettes. Rien ne vient les interrompre
jusqu'à leur point final : la retombée
des voûtes au niveau des grandes fenêtres.
Cette absence d'interruption garantit un bel effet d'élancement.
Notre-Dame de Paris est l'une des dernières cathédrales
construites avec des tribunes. Et elles y sont très
vastes, impressionnantes même, et largement ouvertes
sur la nef au moyen d'élégantes baies
à trois arcades. (Dans le chur, les mêmes
baies n'ont que deux arcades.) La forme très
pure des colonnettes monolithes des baies s'harmonise
parfaitement avec celles des piles du premier niveau.
Pour ne pas casser l'élancement, l'ornementation
horizontale se fait discrète : une corniche moulurée
très peu saillante court à l'aplomb des
tribunes, accompagnée d'une corniche similaire
sous les hautes fenêtres.
La voûte
de la nef est sexpartite, comme dans tous les monuments
du premier gothique. Cette triple retombée, au
nord et au sud, dans chaque ogive des voûtes s'associait,
au premier niveau, à l'alternance traditionnelle
pile faible - pile forte. (Voir par exemple la
grande église Saint-Jacques
à Reims,
construite à la même époque sur
ce principe). Notons qu'à Notre-Dame il n'y a
pas de différence de robustesse entre les piles
faibles et les piles fortes : les piliers cylindriques
ont le même diamètre.
Au XIIIe siècle, le double déambulatoire
de Notre-Dame était bordé par le mur gouttereau,
un mur évidemment percé des fenêtres
du premier niveau. Au XIVe démarra la construction
des chapelles latérales entre les arcs-boutants,
ce qui rejeta les ouvertures loin du déambulatoire
et contribua à accentuer la pénombre de
la nef. Les chapelles latérales sont étroites
: le visiteur n'a pas le recul suffisant pour apprécier
les peintures murales (du XIXe siècle) ou les
toiles qui y sont exposées. La majorité
de ces toiles sont d'ailleurs des mays du XVIIe siècle
qui étaient auparavant exposés dans la
nef.
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Suite de chapelles dans le collatéral nord.
Vu l'étroitesse des chapelles, les visiteurs n'ont pas
un recul suffisant pour véritablement apprécier
les mays qui y sont exposés. |
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Les chapiteaux de
la nef sont riches
d'une flore extrêmement variée. |
Un ange souffleur sur le dais de la chaire. |
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La chaire à prêcher date du XIXe siècle. |
Décoration murale dans une chapelle latérale. |
La chapelle des fonts baptismaux. |
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La voûte de la nef est sexpartite.
Les destructions d'avril 2015 ont mis en lumière la faible
épaisseur des voûtes
et la quasi-absence de mortier. Les pierres ne sont pas soudées
en un seul bloc. |
«Le Martyre de sainte Catherine»
Joseph-Marie Vien
Troisième quart du XVIIIe siècle.
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Les Fonts baptismaux (XIXe siècle).
Ils ont été dessinés par Eugène Viollet-le-Duc. |
Le
financement de la construction (1/6). C'est
une tautologie de le dire, mais la cathédrale
Notre-Dame de Paris est à Paris, capitale de
la France. Les liens entre la royauté et l'Église
sont donc à prendre en compte dans l'origine
du financement de la construction. À l'époque
médiévale en Europe, dans d'autres villes
épiscopales, le prince, le duc ou le comte n'interviennent
souvent qu'en cas de force majeure : quand la restauration
doit démarrer sans attendre les legs et le résultat
des quêtes sous peine de voir tout ou partie de
l'édifice s'écrouler. C'est ce que fit
Jean sans Terre en 1202 en donnant 2000 livres au chapitre
de la cathédrale
de Rouen pour réparer les dommages de l'incendie
de l'an 1200. Autre cas rare : à Évreux,
Louis XI finança d'importants travaux dans la
cathédrale,
un édifice auquel il vouait un attachement particulier.
Mais, en règle générale, il n'y
a guère d'aides de l'«État».
Église et particuliers pourvoient, dans une très
large mesure, au financement de la construction des
bâtiments cultuels.
À Paris, la présence royale modifie le
contexte. Le roi est le protecteur de l'Église.
En tant que oint de Dieu, il doit mener son peuple au
salut avec le soutien du clergé. Ce lien étroit
se traduit par des privilèges ou des postes accordés
à l'Église de Paris, son évêque
et ses hauts prélats : diminution des impôts
; envois d'ecclésiastiques en mission diplomatique
ou politique ; nominations au Conseil royal. Cette union
entre le religieux et le politique s'afficha clairement
dès 1186 quand Philippe Auguste décida
de faire inhumer dans le chur de la cathédrale,
Geoffroy, fils du roi d'Angleterre, mort à Paris
à l'âge de 27 ans ; de même, il y
fit inhumer, en 1190, sa jeune épouse et reine,
Isabelle de Hainaut, morte elle aussi à Paris.
Il est probable d'ailleurs que le chapitre cathédral
ait vu, dans ce choix, un regain de prestige pour le
monument qui rivalisait ainsi avec la basilique de Saint-Denis
ou l'église de Saint-Germain-des-Prés.
---»» 2/6
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Élévations nord de la cathérale (la photo
a été éclaircie). |
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«La Nativité» de H. Francken, 4e quart du
16e siècle. |
Le
financement de la construction (2/6). Autre
fait primordial à prendre en compte dans le financement
: au XIIIe siècle, la France est une contrée
opulente. Philippe Auguste (1180-1223) a beaucoup agrandi
le domaine royal. La Normandie, confisquée à
Jean sans Terre, est annexée en 1204 ; Bouvines
signe une importante victoire contre les Impériaux
en 1214. Avec son fils Louis VIII le Lion (1223-1226),
la croisade des Albigeois prépare l'annexion
du Languedoc, rendue officielle sous la régence
de Blanche de Castille. «On estime que l'annexion,
dans la première moitié du XIIIe siècle,
de la Normandie et du Languedoc, doubla les revenus
du roi», écrit l'historien Henry Kraus
dans son ouvrage L'argent des cathédrales.
Au cours des campagnes, des agents royaux suivaient
les troupes et s'en retournaient en région parisienne
dépenser leur butin en biens cultuels et en donations
à l'Église, comme Jean Sarrazin, Pierre
Apothicaire ou Aléaume Hécelin.
En 1204, l'annexion de la Normandie transféra
les avantages des marchands rouennais aux marchands
parisiens (suppression de taxes, libre passage sur la
Seine, etc.). Ce qui a enrichi la bourgeoisie parisienne.
Kraus poursuit : «Paris et l'Île-de-France
furent favorisés par leur extraordinaire enrichissement
et se trouvèrent bientôt émaillées
de multiples chefs-d'uvre gothiques.» Malheureusement,
les documents reliant précisément cette
richesse à la construction de la cathédrale
Notre-Dame n'existent pas. Néanmoins, les preuves
abondent pour d'autres monuments parisiens.
Dans les cercles qui gravitent autour du roi, l'argent
ne manque pas. Ses fidèles sont riches et vont
multiplier donations et offrandes à Notre-Dame.
Le roi n'est pas le plus généreux. Au
XIIe siècle, Louis VII donne 200 livres à
la fabrique, une somme forte importante, mais ce geste
ne sera pas imité par ses successeurs. Par exemple,
Saint Louis, qui règne de 1226 à 1270,
ne donnera rien. Aucun document n'a été
retrouvé d'une quelconque donation de sa part.
On aura compris qu'en fait le roi aide à la construction
de «sa» cathédrale de manière
indirecte : par les nombreux privilèges et postes
lucratifs accordés aux membres de l'Église
de Paris.
En effet, grâce à cette manne, les évêques
de Paris qui, rappelons-le, sont rattachés
à l'archevêché de Sens,
comptent parmi les donateurs importants : Maurice de
Sully, l'initiateur de la cathédrale, donne 100
livres en 1196, idem pour Renaud de Corbeil en 1268
et Simon de Bucy en 1304, année de sa mort. Pour
Simon de Bucy, Henry Kraus parle, quant à lui,
de 5000 livres de dons au total, dont une allocation
pour la création des trois chapelles axiales.
Ajoutons ce commentaire qu'il fait au sujet de l'initiateur
de la cathédrale : «Maurice de Sully (mort
en 1196) ne se contenta pas d'amorcer la construction
du nouvel édifice en 1163-1164 mais la poursuivit
avec ferveur tout au long de sa vie, à la fois
comme collecteur de fonds et comme donateur. Son legs
de 100 livres destiné à acheter du plomb
pour la toiture de la nef témoigne de la vitesse
presque incroyable à laquelle la cathédrale
fut construite, pendant son épiscopat.»
Depuis l'incendie de 2019 et l'écroulement de
plusieurs voûtes d'ogives, on peut sans doute
aujourd'hui rattacher cette «vitesse incroyable»
à un travail fait à la va-vite. On a ainsi
découvert que les voûtes d'ogives n'avaient
qu'une seule couche de pierres et que ces pierres n'étaient
pas liées par du mortier. Un travail rapide en
effet... Maurice de Sully a-t-il fait exagérément
accélérer les travaux pour voir sa cathédrale
terminée avant sa mort ? En l'absence de documents
d'archives, on ne peut pas répondre.
---»» 3/6
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Le
financement de la construction (3/6). Les
chanoines du chapitre vont eux aussi participer
activement au financement. Si une partie des dons vient
indirectement des services rendus à la Couronne,
d'où vient le reste ? Le texte de l'historien
Dany Sandron, dans l'ouvrage que la collection La
grâce d'une cathédrale consacre à
Notre-Dame de Paris, ne le dit pas. En revanche, Henry
Kraus est prolixe sur le sujet. L'église de Paris
est très riche, nous apprend-il. Elle tire ses
revenus de ses innombrables propriétés
(maisons dans la capitale, nombreux domaines dans le
diocèse et même des villages entiers),
de taxes seigneuriales et, bien sûr, de ses activités
religieuses. Dans la capitale, l'estimation donnée
par Henry Kraus est que l'ensemble des groupes ecclésiastiques
possède les deux tiers de la superficie de Paris
! Conséquence : la part sur les actes de justice
temporelle attribuée à l'évêque
dépasse celle du roi ; il faut lui ajouter les
revenus que cette même justice attribue au chapitre
de la cathédrale dans toute l'Île de la
Cité, puisqu'il en possède la juridiction.
Autre taxe très rémunératrice :
l'évêque reçoit le tiers de l'impôt
de la Couronne qui frappe toutes les transactions effectuées
aux Halles. Les commerçants et artisans ont l'obligation
de s'y trouver trois jours par semaine en ayant fermé
boutique...
Fruit des taxes d'un côté, mais également
ventes de biens temporels de l'autre. Pour assurer
le financement de la construction, les documents abondent
qui montrent que les ecclésiastiques parisiens
ont vendu une quantité considérable de
leurs richesses foncières. Henry Kraus cite ainsi
un extrait du cartulaire de Notre-Dame qui voit
un bourgeois parisien, Guillaume Barbette, acheter plusieurs
fiefs à l'évêque Eudes de Sully
en 1208, 1228 et 1229. Une part importante de ces ventes
se situe au début du XIIIe siècle.
À la source des revenus, il faut extraire l'essentiel
: les impôts qui frappent les serfs. «Cet
exploit remarquable, écrit Henry Kraus, que constitue
la construction de la cathédrale est, dans une
très large mesure, dû aux lourds sacrifices
imposés aux deux mille serfs du chapitre.»
L'argent venait de la taille que les chanoines
imposaient à leurs sujets - et aussi souvent
qu'ils le voulaient. Ce qui provoqua un long conflit
auquel Blanche de Castille fut d'ailleurs mêlée.
Elle en tira la réputation d'avoir émancipé
les serfs alors qu'elle n'en avait pas le droit.
L'historien médiéviste Marc Bloch a étudié
cet épisode rappelé ici brièvement.
En 1250 (Louis IX est à la croisade), le chapitre
crée une nouvelle taille. Refus des serfs qui
prétendent qu'ils ne doivent cette taxe qu'au
roi (ce qui est faux). Les serfs envoient une délégation
à Paris plaider leur cause. En réaction,
le chapitre fait enfermer les délégués
dans une prison sordide où beaucoup périssent.
La régente, Blanche de Castille, que les prisonniers
ont réussi à prévenir, conduit
des cavaliers au cloître de la cathédrale
où l'on ne trouve aucun membre du clergé.
Paralysée dans sa compassion du fait des règles
féodales, elle rentre néanmoins prier
dans la cathédrale. Entre-temps, un soldat a
fait sauter les portes de la prison et a libéré
les serfs.
Un procès s'en suivit qui donna raison aux chanoines
et à leur taille. Toutefois, en 1219, des chanoines
s'opposèrent à la levée d'une nouvelle
taille pour financer la construction de maisons capitulaires,
prétextant qu'il y a assez d'argent dans les
caisses. Les archives portent mention d'une déclaration
terrible : «la majorité rétorqua
que le chapitre avait un droit illimité d'imposer
la taxe "à volonté" et aussi
souvent qu'il le désirait» [Kraus]. Toujours
est-il qu'aucune taxe ne fut créée entre
1235 et 1250. Marc Bloch y voit la pression humaniste
de certains chanoines. Peut-être était-ce
dû avant tout à la baisse des besoins de
financement. À cette époque, de nombreux
serfs choisirent de s'émanciper du chapitre en
lui payant la manumission (entre 15 et 90 livres par
personne). Ils devinrent alors, d'après Marc
Bloch, les débiteurs des bourgeois de Paris via
le surcens, une augmentation de la redevance
féodale. ---»»
4/6
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«««---
Le collatéral nord et sa suite de piles cylindriques
couronnées de chapiteaux gothiques.
La pénombre de la cathédrale est bien visible
sur cette
photographie. Il en est de même partout, à
l'exception
de la partie est du déambulatoire (chevet). |
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«Saint Pierre guérissant les malades»
Laurent de la Hyre
Milieu du XVIIe siècle. |
«Le Triomphe de Job»
Guido Reni, XVIIe siècle. |
|
«Saint Thomas d'Aquin, Fontaine de la sagesse»
Toile peinte par Antoine Nicolas, XVIIe siècle. |
Le
financement de la construction (5/6).
Peut-on généraliser aux autres corps de
métier ? Y a-t-il eu d'autres lancettes, liées
à une corporation, qu'on ait ainsi retrouvées
ou qui aient disparu ? Henry Kraus répond par
la négative. Les bourgeois les plus riches pouvaient
fonder des chapellenies (voir en 6/6 le sens exact de
ce terme), mais les chanoines de Notre-Dame s'opposaient
à la présence des artisans et des commerçants.
Henry Kraus précise : «Dès la fin
du XIIe siècle déjà, toute activité
sacerdotale ordinaire avait été transférée
dans les églises des paroisses voisines. La cathédrale
de la cité du roi de France était réservée
à des activités d'une plus haute dignité,
la chapelle des cordonniers demeurant une exception
inexplicable.» D'autant plus inexplicable que
les chanoines ne plaisantaient pas avec cette haute
dignité : la présence des plus riches
bourgeois de la capitale était strictement encadrée
; même eux n'avaient pas le droit d'assister aux
cérémonies funèbres dans l'édifice,
y compris dans les chapelles dont ils avaient financé
la construction.
L'importance des églises voisines pour le culte
et l'abondance d'argent - Henry Kraus le souligne -
fait qu'il n'y a jamais eu à Paris d'édit
épiscopal arrêtant les constructions ou
restaurations d'églises tant que le chantier
de Notre-Dame n'était pas terminé. Ce
laxisme n'était pas la norme. À Amiens,
autre cité épiscopale et plus petite ville
aux moyens financiers moindres, un édit de l'évêque
interrompit les chantiers d'églises afin de drainer
tous les dons vers la cathédrale
Notre-Dame en construction. Henry Kraus précise
le cas parisien : «Les immenses richesses que
les conquêtes françaises apportèrent
à la capitale rendirent un tel compromis inutile,
de sorte qu'on assista à la construction d'une
multitude de paroisses, couvents et abbayes en même
temps qu'à celle de l'église de l'évêque
de Paris.» ---»»
6/6
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Le
financement de la construction (4/6).
Les autres sources de financement sont plus
classiques. Ce sont des dons petits et moyens qui en
s'accumulant aboutissent à des montants importantes.
On note ainsi les inévitables legs adressés
à l'Église pour assurer son salut. Il
y a aussi des donations de particuliers laïcs,
comme le chevalier Guillaume des Barres en 1160 (au
tout début de la construction) ou le neveu du
pape Alexandre III en 1180. Plus classiques encore,
les quêtes pratiquées dans le diocèse
(avec parfois menace de sanctions si les fidèles
n'obtempèrent pas), les produits du tronc des
reliques dédié à saint Denis, et
des offrandes extraordinaires, bien souvent en nature.
L'historien Dany Sandron rappelle l'importance des femmes
dans les oboles. Le légat Eudes de Châteauroux
écrit ainsi au début du XIIIe siècle
: «Il n'est pas de marchand un peu avisé
qui refuse de gagner même une obole. C'est avec
les oboles des femmes que la cathédrale de Paris
a été construite en grande partie».
Opinion certainement issue de l'observation, mais évidemment
exagérée.
Maurice de Sully a accordé des indulgences (remise
de peines dans l'Au-delà contre offrandes), mais
a cru sage de ne pas abuser de ce principe déjà
contesté.
Il y a une source quasiment absente dans le financement
de la construction et qu'il faut souligner. Le chapitre
«Revenus affectés à la construction»,
dans l'ouvrage sur Notre-Dame dans la collection La
grâce d'une cathédrale, n'en dit pas
un mot, ce sont les dons des confréries. Lors
des constructions d'églises, les corps de métiers
de la ville ont l'habitude de faire des donations pour
les vitraux, les autels ou les chapelles. Souvent ils
possèdent une chapelle à eux où
ils ont le droit de fêter leur saint patron. Ou
bien ils ont financé une verrière en totalité
et, rassemblés devant elle, ils peuvent honorer
leur protecteur dans les Cieux. L'intérêt
de l'historien Henry Kraus pour les vitraux l'a conduit,
dans ses recherches sur Notre-Dame, à découvrir
la représentation graphique d'un petit il
de buf montrant les saints Crépin et Crépinien
dans leur cordonnerie : un signe que ce corps de métier
avait une chapelle attitrée dans la cathédrale
et qu'elle était ornée d'un vitrail honorant
leur activité. Henry Kraus en apporte la preuve
en signalant qu'«il existe un document montrant
qu'en 1379 Charles V accepta la requête, faite
cinq ans auparavant, de permettre aux compagnons de
Paris de célébrer une messe chaque lundi
en l'honneur de leurs saints patrons dans leur chapelle
à Notre-Dame.» ---»»
5/6
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La chapelle latérale Sainte-Madeleine et sa peinture
murale du XIXe siècle. |
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«Les Prédications du prophète Agabus à
saint Paul»
Louis Chéron, quatrième quart du XVIIe siècle.
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Le financement
de la construction (6/6).
Il faut rappeler ici l'origine des chapelles et des chapellenies.
Lors de la construction, les architectes des grandes églises
et des cathédrales ne prévoient pas de bâtir
des chapelles latérales : les murs gouttereaux sont
à l'aplomb des bas-côtés. Ces chapelles
latérales ne sont érigées qu''une fois
la construction terminée (élévation et
couvrement). L'historienne Sabine Berger, dans l'ouvrage déjà
cité de la collection La grâce d'une cathédrale,
en raconte l'origine. Dans un premier temps, des lieux de
piété privée sont autorisés autour
des piliers de la nef et sur les bas-côtés (voir
à ce sujet le financement de l'église Notre-Dame
à Dole
par ventes sur plan). À Notre-Dame de Paris, la famille
royale fonda ainsi des chapellenies en 1186, c'est-à-dire
qu'elle donna de l'argent pour assurer des messes particulières
dans des lieux précis au niveau des bas-côtés.
Les élites de la capitale et les grands bourgeois l'imitèrent,
ce qui finit par encombrer singulièrement la nef. Les
pénitents circulaient avec gêne et se trouvaient
freinés dans le versement de leur obole...
Le clergé eut une réponse toute prête
: étendre latéralement l'édifice. Le
coup était double car il répondait en plus aux
prescriptions édictées par plusieurs conciles
au début du XIIIe siècle. Sabine Berger rappelle
le détail de ces prescriptions : «Autels et chapelles
devaient être convenablement pourvus, les prêtres
devaient être dignement vêtus, dans un espace
approprié au service religieux, clairement circonscrit
et permettant la bonne conservation des instruments liturgiques.»
Si l'on y ajoute le paiement des messes, c'est en fait donner
une définition de la chapellenie par l'utilisation
des fonds qui lui sont consacrés. La chapelle, c'est
l'espace physique, la chapellenie, l'offrande faite pour assurer,
sur un laps de temps assez long, le service religieux dans
cet espace physique. Notons que l'usage a souvent englobé
chapellenie et chapelle dans l'unique acception de chapellenie.
Sabine Berger mentionne que la construction de ces très
nombreuses chapelles démarra sans doute vers 1225 et
prit fin dans les années 1320.
Qui fondent les chapelles ? Les chanoines du chapitre, le
haut clergé, les serviteurs du roi. Notons parmi ces
derniers : le drapier et chambellan de saint Louis, Jean Sarrazin,
en 1270 ; l'ancien médecin de saint Louis, Dudon de
Laon, en 1300 ; le maître de la chambre des Comptes
et chanoine de Notre-Dame, Pierre de Condé, en 1322.
Dans la cathédrale de Paris, ces chapelles, toujours
normalisées, sont exiguës. Elles n'ouvrent que
sur le bas-côté dont elles n'étaient isolées
jadis que par une mince grille de fer.
À partir de la fin du XIIIe siècle, l'usage
se répandit au sein du clergé cathédral
d'avoir sa sépulture dans une chapelle. Un privilège
que les riches laïcs se mirent aussi à convoiter.
Sources : 1) L'argent des cathédrales
de Henry Kraus, les Éditions du Cerf, CNRS Éditions,
2012 ; 2) La cathédrale
Notre-Dame de Paris, La Nuée Bleue, collection
La grâce d'une cathédrale, 2012.
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LE TRANSEPT DE
LA CATHÉDRALE NOTRE-DAME |
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Le transept a bien la largeur que l'on attend dans une cathédrale.
Sur la façade méridionale, la rose est du XIIIe
siècle. |
«««--- Le transept
et l'élévation de la nef.
La photo a été éclaircie.
Au XIXe siècle, la dernière travée
de la nef a été rebâtie sur quatre
niveaux.
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Le
transept de Notre-Dame dégage un volume
grandiose. Comme l'actualité le montre, c'est
là que se déroulent les grandes cérémonies
officielles telles que les obsèques des chefs
de l'État français. L'autel (qui paraît
un peu étroit) est une création des artistes
Jean et Sébastien Touret en 1989. Les bras nord
et sud, avec leur grande rose rayonnante du XIIIe siècle,
ont été traités par les architectes
médiévaux comme des façades, ce
qui est d'ailleurs assez courant dans les grandes cathédrales.
Notons un détail architectural intéressant
: les deux piles qui terminent la nef sont constituées
de pilastres et non pas de colonnettes comme c'est le
cas pour les piles qui leur font face, du côté
du chur. Faut-il y voir un changement d'architecte
lors de la construction ?
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La
rose sud. Datée autour de 1260, elle
illustre les scènes du Nouveau Testament. Autour
du Christ en gloire, on peut voir des évangélistes,
des apôtres, des saints martyrs ainsi que des
Vierges folles et des Vierges sages. Cette rose a subi
une importante réfection en 1726 sous l'impulsion
du cardinal de Noailles. À cette occasion, elle
reçut des restes de vitraux des XIIe et XIIIe
siècles. Le cardinal de Noailles avait fait placer
ses armoiries dans l'oculus central. Au XIXe siècle,
lors de la dépose intégrale de la rose,
le maître verrier Alfred Gérente les remplaça
par un Christ de l'Apocalypse.
Au XVIIIe siècle, les vitraux de la claire-voie
subirent eux aussi la mode de la clarté à
tout prix. On n'en connaît pas l'iconographie.
En s'inspirant de la vitrerie du bras sud de la cathédrale
de Chartres, Alfred Gérente y plaça,
au siècle suivant, une galerie
de seize prophètes. Détail intéressant
: les quatre prophètes du milieu, Isaïe,
Jérémie, Êzéchiel et Daniel,
portent les quatre évangélistes sur leurs
épaules.
Source : La cathédrale
Notre-Dame de Paris, La Nuée Bleue, collection
La grâce d'une cathédrale, 2012.
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La rose sud du XIIIe siècle appartient au style du gothique
rayonnant. |
Vierge à l'Enfant à l'entrée du chur,
XIVe siècle.
Elle est le symbole de Notre-Dame de Paris. |
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La galerie des prophètes dans le bras sud du transept (totalité).
Création de l'atelier Alfred Gérente, 2e moitié
du XIXe siècle. |
Galerie des prophètes (vue partielle) dans le bras sud
du transept (Atelier Gérente, XIXe siècle).
Cette verrière illustre le propos de Bernard de Chartres
(XIIe siècle) : «Nous sommes des nains juchés
sur des épaules de géants» |
La
rose nord est datée du XIIIe siècle
comme la rose sud. Une Vierge à l'Enfant trône
en son centre, vénérée par les
grandes figures de l'Ancien Testament (prophètes,
rois et grands prêtres). La dominante de cette
grande verrière de 12,90 mètres de diamètre
est le violet (voir l'extrait ci-dessous), une couleur
sombre qui symbolise l'attente de l'humanité
jusqu'à l'arrivée d'un Sauveur. La rose
septentrionale est la mieux conservée parmi les
trois de la cathédrale. Son exposition au nord
n'y est pas étrangère.
Au-dessous, la claire-voie abrite dix-huit rois de Juda.
Comme celle qui est au sud, cette galerie date de la
restauration du XIXe siècle, les vitraux initiaux
ayant été détruits au XVIIIe.
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La voûte du transept vue depuis le croisillon nord.
Les voûtes des bras sont sexpartites. |
La rose nord, détail : Prophètes et rois de l'Ancien
Testament vénèrent la Vierge (XIIIe siècle). |
La galerie des rois de Juda dans le bras nord du transept, détail
(Atelier Gérente, XIXe siècle). |
LE CHUR
DE LA CATHÉDRALE NOTRE-DAME |
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Le chur, les stalles et l'élévation.
Les baies des tribunes sont ici à deux arcades, contre trois
dans la nef.
Au premier plan, l'autel de messe, uvre de Jean et Sébastien
Touret, est moderne (1989). |
L'abside et ses vitraux du XIXe siècle. |
Le
chur. Daté de la seconde moitié
du XIIe siècle, le chur est la partie la
plus ancienne de l'édifice. Il est constitué
de quatre travées terminées par une abside.
L'élévation est la même que celle
de la nef : arcades, tribunes et grandes fenêtres.
Ces grandes fenêtres viennent aussi des travaux
de modifications du XIIIe siècle. Le double déambulatoire
qui entoure le chur est la continuité parfaite
de celui de la nef. L'architecte a choisi de ne pas
multiplier les piles dans la partie tournante, mais
plutôt de s'appuyer sur des voûtains triangulaires
pour dessiner la courbure du chevet.
En 1638, après la naissance inespérée
de son fils, Louis Dieudonné, Louis XIII fit
vu de consacrer la France à la Vierge.
Il concrétisa son Vu par la promesse de
bâtir un nouveau maître-autel à Notre-Dame
de Paris. C'est son fils, Louis XIV, qui le réalisera
à la toute fin du XVIIe siècle. De cette
uvre, il ne nous reste aujourd'hui que le célèbre
groupe de la Piéta de Nicolas Coustou (non présenté
dans cette page). Les stalles,
éléments du Vu, seront changées
par celles que l'on peut voir actuellement et qui datent
du début du XVIIIe siècle. Enfin - ornement
qui contribue à la renommée du chur
de Notre-Dame de Paris - la clôture
est datée de la première moitié
du XIVe siècle.
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Les verrières de l'abside (atelier Maréchal de Metz,
XIXe siècle).
Au centre : la Glorification de la Vierge. |
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Vitraux dans le chur :
Les apôtres Luc et Jean, XIXe siècle.
Atelier Maréchal de Metz, XIXe siècle. |
Le transept et l'entrée du chur.
On remarquera que l'élévation dans le transept et dans
la première travée du chur est à quatre
niveaux. |
Vitraux dans le chur :
Les prophètes Daniel et Jérémie
Atelier Maréchal de Metz, XIXe siècle. |
Vue des stalles dans le chur (réalisées entre
1710 et 1715).
Conformément au vu de Louis XIII consacrant le chur
à Marie, elles illustrent des scènes de la Vie de la
Vierge. On y voit aussi des figures allégoriques. |
Vue du déambulatoire avec l'entrée de la chapelle du
Saint-Sacrement. |
La chapelle Saint-Georges dans le déambulatoire. |
Le double déambulatoire dans le chur (ici, la partie
nord). |
La
clôture du chur. À sa
création au XIIe siècle, la cathédrale
Notre-Dame était aussi l'église de la
paroisse : les fidèles venaient y entendre la
messe. Dans le chur, une clôture basse séparait
l'espace réservé aux clercs. Au XIIIe
siècle, elle n'était plus paroissiale.
Les chanoines du chapitre y célébraient
les différents offices de la journée,
parfois en faveur de défunts. Les laïcs
n'eurent plus vocation d'y participer. Une clôture
haute fut alors érigée pour mieux séparer
les espaces et ne pas troubler les pères. À
l'entrée du chur, la façade (qui
ne s'appelait pas encore jubé) comprenait une
tribune avec une grande porte surmontée de la
Vierge et de saint Jean entourant une croix triomphale.
Des scènes de la Passion étaient sculptées
à la partie inférieure.
Le mur de la clôture haute a été
érigé entre la fin du XIIIe siècle
et le milieu du XIVe. Il était orné d'une
série de hauts-reliefs gothiques en bois, de
très bonne qualité artistique. Ces hauts-reliefs
illustraient des scènes de la Vie de Jésus
et, peut-être aussi, des scènes de la Vie
de la Vierge et de l'Ancien Testament.
Mort en 1643, Louis XIII ne put concrétiser son
Vu de 1638. Aussi est-ce son fils, Louis XIV,
qui s'en chargea. En 1699, le jubé (façade
ouest de la clôture) fut détruit, tout
comme la clôture à l'est. Ne restèrent
plus que les pans nord et sud (d'ailleurs en parfait
état de conservation) représentant des
scènes de la Vie de Jésus : au nord, quatorze
scènes, sculptées en haut relief dès
la fin du XIIIe siècle (c'est la partie la plus
ancienne) ; au sud, neuf scènes relatant les
Apparitions de Jésus après sa Résurrection,
sculptées en haut-relief et en ronde-bosse.
--»»
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La voûte du chur est, comme celle de la nef, sexpartite. |
---»» Ce sont
ces parties nord et sud que l'on peut voir aujourd'hui.
Couvertes d'un badigeon au XVIIIe siècle, ces
sculptures en bois ont été restaurées
sous l'autorité de l'architecte Eugène
Viollet-le-Duc au siècle suivant. Leur polychromie
a été retrouvée.
Source : La cathédrale
Notre-Dame de Paris, La Nuée Bleue, collection
La grâce d'une cathédrale, article
de Reine Bonnefoy.
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La clôture du chur et ses haut-reliefs.
Ici, le pan sud. Au premier plan à gauche, l'Apparition de
Jésus aux saintes femmes. À côté : Apparition
à Pierre et Jean. |
La Nativité et une vue partielle de l'Adoration des mages dans
la clôture du chœur.
La Nativité
dans le clôture du chur (1ère moitié
du XIVe siècle).
Dans le haut-relief de la Nativité ci-dessus, l'attitude
et le visage de la Vierge laissent perplexe. Il faut en trouver
l'origine, dès les premiers siècles de notre
ère, dans l'art chrétien moyen-oriental, en
particulier syrien. L'historien de l'art Maurice Vloberg,
dans son ouvrage La Vierge et l'Enfant dans l'Art Français
paru en 1933, fait remonter la source de ces représentations
aux pseudo-évangiles. Ceux-ci connurent une très
large diffusion dans le monde grec, puis le monde latin «malgré
la censure des papes et la condamnation des Pères».
À Marie, Joseph et l'Enfant, la tradition syrienne
ajoutait Marie-Salomé et Marie-Jacobé et leur
faisait tenir un rôle de sages-femmes. Bon an mal an,
l'Église acceptait que Marie-Salomé donnât
le bain à l'Enfant. On voyait déjà ce
genre de scène dans les catacombes romaines et dans
des peintures des Ve et VIe siècles.
Maurice Vloberg rapporte que l'Église accepta même
une pose étrange de la Vierge. Une pose qui s'explique
en partie par la Légende. D'origine syrienne, on trouve
cette attitude pour la première fois dans la chaire
d'ivoire de Maximien à Ravenne (VIe siècle).
L'historien écrit : «Marie est étendue
sur un lit ou un matelas, dans une attitude d'ordinaire inexpressive,
plutôt celle d'une immense lassitude. L'Enfant est au
berceau, à côté d'elle. Dans un coin,
Joseph médite ou sommeille. Les deux animaux complètent
le groupe, et parfois les deux sages-femmes.» C'est
bien la description du haut-relief ci-dessus.
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Le Christ dans l'Apparition aux Apôtres. |
L'incrédulité de saint Thomas. |
Le Massacre des Innocents. |
LE DÉAMBULATOIRE
DE LA CATHÉDRALE NOTRE-DAME |
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La chapelle d'axe et le monument au duc de Retz dans le déambulatoire. |
Les
vitraux. Notre-Dame de Paris n'est pas la
cathédrale
de Chartres où l'on entre pour admirer les
verrières médiévales. Ce n'est
pas non plus la cathédrale
de Bourges, célèbre pour ses magnifiques
verrières Renaissance. On entre à Notre-Dame
de Paris pour voir l'architecture
gothique du XIIe siècle et les uvres d'art
du XVIIIe et des époques suivantes. En effet,
à l'exception de deux médaillons (donnés
ci-contre) et des grandes roses, il ne reste plus rien
de la vitrerie médiévale.
Les historiens ne possèdent aucune information
sur la nature des vitraux du XIIe siècle et sur
l'iconographie retenue pour les trois niveaux d'élévation.
L'historienne du vitrail Françoise Gatouillat
rappelle que la vitrerie de cette époque a dû
se constituer grâce à des donations, mais
sans doute aussi avec des remplois des verrières
de l'église que la nouvelle cathédrale
remplaçait. Ainsi, un triomphe de la Vierge,
offert par l'abbé Suger, a été
réutilisé dans les tribunes.
Au XIVe siècle, le problème de la cathédrale
restait sa pénombre extrême. Et la vitrerie
en place allait en faire les frais : quelques verres
blancs joignirent les étages supérieurs
; parfois des scènes diverses en camaïeu
ou en grisaille et jaune d'argent. Néanmoins
des chapelles reçurent des vitraux historiés
avec commanditaires à leur partie inférieure,
mais on les compte sur les doigts d'une main. Rappelons
que les confréries, pourvoyeuses habituelles
de vitraux, étaient interdites de séjour
dans la cathédrale de Paris (voir le financement
de la construction plus
haut). Pis encore au XVIIIe siècle : les
vitraux des grandes fenêtres seront détruits
pour gagner de la lumière.
Les seuls vitraux médiévaux importants
qu'il nous reste sont les trois grandes roses du XIIIe
siècle. Ces uvres exceptionnelles dépassent
en dimensions les autres roses produites à l'époque
gothique : les deux roses du transept
accusent 13 mètres de diamètre ; la rose
occidentale, 9,6 mètres.
Au XIXe siècle, le roi Louis-Philippe initia
une profonde restauration de l'édifice. Les architectes
Viollet-le-Duc et Lassus, chargés du projet,
entendirent redonner à la cathédrale son
cachet médiéval, c'est-à-dire la
pourvoir de vitraux peints... avec la pénombre
qui s'en suit. Qu'importe, celle-ci était partie
intégrante de l'atmosphère des temps gothiques.
En conséquence, toute la vitrerie (trop claire)
du XVIIIe fut supprimée. À part les trois
roses qui furent remises en état selon leurs
besoins, les ateliers des maîtres verriers Gérente,
Lusson, Oudinot, Didron et Thévenot reçurent
les commandes de vitrerie en pastiche du XIIIe siècle.
L'atelier Maréchal de Metz fut chargé,
quant à lui, des grandes
verrières, plus classiques celle-là,
du chur
et du chevet.
Rapide retour en arrière. Au XVIIIe siècle,
faute de commandes, l'art du vitrail s'était
perdu en France. Dans la première moitié
du XIXe, notamment sous l'impulsion anglaise (voir l'église
Sainte-Élisabeth
de Hongrie à Paris), cet art se mit à
renaître et profita des recherches des manufactures
de Choisy et de Sèvres
sur les pigments colorés. On arriva ainsi à
la mise au point de deux catégories de vitraux
: le vitrail-tableau, obtenu au moyen de pigments vitrifiables
(l'artiste peint le dessin sur le verre qui passe ensuite
au four) et le vitrail «archéologique»
ou «historiciste». Ce dernier se veut un
pastiche de l'art médiéval : c'est du
verre teinté dans la masse et mis en plomb selon
les contours du dessin. Avec les années, la technique
du pastiche s'améliora.
La création des nouveaux vitraux à Notre-Dame,
de 1855 à 1875, bénéficia ainsi
d'une technique bien au point. Les vitraux «historicistes»
vinrent orner les fenêtres des chapelles du déambulatoire.
Comme vu plus haut, les fenêtres hautes du chur
reçurent des vitraux plus classiques, typiques
du XIXe siècle, représentant les fondateurs
de l'Église de Paris. Dans les hautes fenêtres
de la nef, les fenêtres des tribunes et dans celles
des chapelles latérales, on se contenta de grisailles
très soignées, aux tonalités variées.
L'objectif de Viollet-de-Duc était de faire chatoyer
les rayons lumineux comme aux temps anciens en banissant
la lumière crue. À cet effet, les ateliers
Baptiste et Coffetier furent mis à contribution.
On trouvera dans cette page des extraits des vitraux
«médiévaux» de la Vie
de la Vierge, des Pèlerinages,
de l'Arbre
de Jessé, des Sibylles
et de la Vie
de saint Eustache. On donne également plus
haut des vitraux
du chur, très XIXe siècle, issus
de l'atelier de Maréchal de Metz.
À la fin des années 1930, les verrières
des fenêtres hautes de la nef suscitèrent
une ardente polémique. On sait que les verrières
initiales, datées du XIIIe siècle, représentaient
des personnages en pied et qu'elles furent méticuleusement
détruites entre 1753 et 1755 pour gagner en lumière
dans la nef. On les remplaça par du verre blanc
bordé d'une frange de couleurs ornée de
fleurs de lys. Fleurs de lys qui furent recouvertes
de peinture à la Révolution, peinture
elle-même grattée savamment à la
Restauration ! Quoi qu'il en soit, la réverbération
du soleil sur ces grandes verrières blanches
gênait les chanoines qui firent installer des
rideaux de velours rouge pour s'en protéger !
Comme on l'a vu plus haut, Viollet-le-Duc fit installer
des grisailles sur ces fenêtres dans les années
1860-1870.
Dans les années 1930, l'État français,
propriétaire de la cathédrale, se mit
en tête de modifier la vitrerie des grandes fenêtres
de la nef. Une douzaine d'ateliers de maîtres
verriers fut sollicitée pour créer des
vitraux - modernes - sur le thème des saints
et des saintes de la ville de Paris. Ces uvres,
présentées lors de l'Exposition internationale
de 1937 à Paris, reçurent l'accord de
la commission des Monuments historiques. Installés
dans la cathédrale en 1939, avec évidemment
l'aval du cardinal Verdier, archevêque de Paris,
elles provoquèrent l'émoi d'une partie
de la critique qui y vit un contraste choquant entre
l'art gothique et l'art moderne. En bref, un attentat
scandaleux à l'esprit médiéval.
La polémique n'eut pas le temps de s'aggraver
: avec la déclaration de guerre, les vitraux
furent déposés et confiés à
leurs auteurs. Les verres n'étant pas cuits,
certains furent détruits. Le problème
se reposa donc après la guerre. Cette fois, on
fit plus simple : le maître verrier Jacques Le
Chevallier fut chargé de concevoir toute une
vitrerie colorée et abstraite pour les fenêtres
hautes de la nef, du mur occidental et des tribunes.
André Malraux, ministre de la Culture, approuva
le projet en 1964. Ce sont les verrières en place
depuis lors et que l'on peut apercevoir sur quelques
photos de cette page. Tous différents, ces vitraux
sont non figuratifs et à dominante rouge, bleue,
verte ou jaune. Leur ton reste fidèle à
celui des grandes roses du XIIIe siècle.
Source : La cathédrale
Notre-Dame de Paris, La Nuée Bleue, collection
La grâce d'une cathédrale, 2012,
article de Françoise Gatouillat.
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Vitrail de la baie 1 : Les Sibylles, détail. |
Un roi de Juda dans l'Arbre de Jessé
Atelier E. Didron, 1864. |
Chapelle capitulaire de l'Ordre du Saint-Sépulcre de
Jérusalem.
C'est la chapelle d'axe dans le déambulatoire avec son
retable du XIXe siècle.
Derrrière, vitrail de LA VIE DE LA VIERGE (Atelier Lusson,
XIXe siècle). |
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Vitrail de la Vie de la Vierge : L'Annonciation
Atelier Lusson, XIXe siècle.
«««--- Vitrail de la Vie de la Vierge
(XIXe siècle) :
La Crucifixion et la Fuite en Égypte. |
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Le retable de la chapelle d'axe dans le déambulatoire illustre
des scènes de la Passion (XIXe siècle). |
L'ARBRE DE JESSÉ (Atelier E. Didron, 1864) dans la chapelle
Sainte-Anne. |
Vitrail de la baie 2, LES PÈLERINAGES à Notre-Dame
(Atelier Gérente, 1855). |
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Détail de l'Arbre de Jessé : Jessé avec
David et Salomon.
Atelier E. Didron, 1864. |
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Vitrail de la baie 2 : Les Pèlerinages à Notre-Dame,
détail.
Atelier Gérente, 1855.
Le pastiche XIIIe siècle est ici d'une excellente facture. |
Vitrail de la baie 2, Les Pèlerinages à Notre-Dame,
détail.
Atelier Gérente, 1855. |
«««---
Vitrail de LA VIE DE SAINT EUSTACHE (atelier E. Didron,
1863). |
|
Vitrail de la Vie de saint Eustache dans le déambulatoire,
détail.
Atelier E. Didron, 1863. |
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L'orgue de tribune et la rose occidentale. |
Vierge à l'Enfant dans un vitrail du XIXe siècle.
La rose
occidentale est datée aux alentours de 1220.
Son diamètre est de 9,60 mètres. Comme la plupart
des roses sur les façades ouest, elle est à
moitié cachée par l'orgue de tribune Comme pour
la rose nord, une Vierge à l'Enfant occupe le rond
central. La Vierge est entourée des prophètes,
des vices et des vertus. L'iconographie fait également
appel au temps par la représentation des signes du
Zodiaque et des mois de l'année.
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L'orgue de tribune est de Cliquot (1730). Il a été restauré
par Cavaillé-Coll en 1863-1868. |
L'Apparition du Christ aux saintes femmes.
Clôture du chur
Première moitié du XIVe siècle. |
Documentation : La cathédrale Notre-Dame
de Paris, Éditions du Patrimoine, Centre des Monuments nationaux,
2007
+ L'argent des cathédrales de Henry Kraus, les Éditions
du Cerf, CNRS Éditions, 2012
+ La cathédrale Notre-Dame de Paris, La Nuée Bleue,
collection La grâce d'une cathédrale, 2012
+ L'élan des cathédrales d'Alain Erlande-Brandenburg,
Éditions Jean-Paul Gisserot, 2002
+ Notre-Dame de Paris d'Alain Erlande-Brandenburg, Éditions
Nathan, 1991
+ Paris d'église en église, éditions Massin,
2007 |
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