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La Vierge à l'Enfant dans le chœur de la cathédrale, XIVe siècle

La cathédrale de Paris a subi un grave incendie le 15 avril 2019. Les photos de cette page ont été prises en 2015 et montrent la nef, le chœur et les voûtes peut-être comme on ne les verra jamais plus. Compte tenu de l'importance des travaux de restauration à effectuer (la charpente du couvrement a entièrement brûlé et une partie de la voûte en pierre s'est écroulée), il faut envisager une réouverture de la cathédrale vers la fin de l'actuelle décennie (2028-2030).
Aucune photo de l'extérieur de l'édifice n'est proposée ici.
La cathédrale Notre-Dame est issue de la volonté d'un homme : l'évêque de Paris, Maurice de Sully (1120-1196). Vers le milieu du XIIe siècle, le précédent édifice se révélant trop exigu pour le nombre croissant des fidèles, l'évêque décide d'en faire bâtir un nouveau selon les règles du gothique naissant. Il est possible qu'il soit aussi l'auteur des plans. Quant à l'architecte, son nom reste inconnu. Le chantier démarre en 1163 par le chœur et le double déambulatoire. Suivent les travées de la nef (sauf les deux les plus proches de la façade), et celles des bas-côtés. Au tournant du XIIIe siècle, on construit les deux premières travées et les portails de la façade. Celle-ci sera achevée, avec ses tours, sa rose et sa galerie, de 1220 à 1250.
Au XIIIe siècle, constatant la profonde pénombre de l'édifice, les architectes (dont les célèbres Jean de Chelles et Pierre de Montreuil) revoient les plans et engagent les travaux en conséquence. L'élévation, qui était à quatre niveaux, passe à trois : les deux derniers, scindés jusque-là en oculi et fenêtres, sont réunis au profit de grandes fenêtres. Le transept est agrandi. Mais la pénombre ne s'éclaircit guère. Autour du chœur, une clôture de pierre est ajoutée ; la toiture est refaite. C'est dès ce même XIIIe siècle que les chapelles latérales s'élèvent entre les contreforts de la nef alors que, à la cathédrale d'Amiens par exemple, il faudra attendre deux siècles après la fin de la construction pour les voir sortir de terre. Compte tenu des modifications inévitables qui interviennent sur les arcs-boutants, l'édifice parisien n'adopte sa forme actuelle que vers le milieu du XIVe siècle.
Au XVIIIe siècle, pour gagner en clarté, les chanoines font remplacer toutes les grandes verrières médiévales par du verre cathédrale blanc, souvent orné d'une simple frange à fleurs de lys, à l'exception toutefois des trois grandes roses du XIIIe siècle qui sont préservées. L'architecte Robert de Cotte (1656-1735), suivant l'esprit du Concile de Trente, supprime le jubé et une partie de la clôture qui ceinture le chœur. En 1771, c'est le portail central qui est remanié : il faut permettre le passage des dais lors des processions.
La Révolution entraîne le saccage du bâtiment et le pillage de son ornementation : statues brisées ; châsses fondues ; tableaux volés, tombes profanées, etc. La cathédrale devient temple de la Raison, puis temple de l'Être suprême. Elle est rendue au culte en 1802.
Le XIXe siècle redécouvre l'art gothique sous la notable impulsion du roman de Victor Hugo, Notre-Dame de Paris, paru en 1831. En 1844, le roi Louis-Philippe confie aux architectes Lassus et Viollet-le-Duc la restauration de l'édifice, qui est en péril. C'est notamment Eugène Viollet-le-Duc qui imprimera sa griffe sur la façade occidentale que l'on peut admirer aujourd'hui.
Viollet-le-Duc veut rendre à l'édifice son atmosphère gothique d'antan. Pour cela, la lumière doit vibrer à travers des vitraux colorés, et qu'importe la pénombre ! En conséquence, l'ensemble de la vitrerie est bouleversé (sauf les roses). Si le chœur actuel est toujours orné des vitraux XIXe sortis des meilleurs ateliers de l'époque, en revanche les grisailles posées vers 1860 dans les tribunes et dans les grandes fenêtres de la nef ont été remplacées, dans les années 1960, par des créations à thème non figuratif. À part les trois roses, seuls subsistent du XIIIe siècle deux médaillons visibles dans le déambulatoire. (Voir plus bas l'encadré sur les vitraux.)
La cathédrale de Paris possède de très nombreuses œuvres d'art : des groupes sculptés, essentiellement du XVIIIe siècle ; dans les chapelles latérales, des peintures murales du XIXe et de grands tableaux dont certains sont des mays du XVIIe. Mais le visiteur se heurte toujours à la pénombre générale de l'édifice, doublée, dans les chapelles, d'une exiguïté qui n'autorise aucun recul pour apprécier vraiment les œuvres. On pourra se reporter, dans ce site, à la grande église parisienne de Saint-Vincent de Paul pour avoir une idée du problème de l'obscurité dans une église. Cet édifice a beau avoir été érigé au XIXe siècle, son architecte n'a pas su non plus anticiper le manque tragique de lumière sur les œuvres d'art dont il a fait orner la nef.

La Descente de croix, retable de la chapelle d'axe, XIXe siècle
Vue d'ensemble de la nef de la cathédrale Notre-Dame
Vue d'ensemble de la nef de la cathédrale Notre-Dame de Paris.
L'édifice étant sombre, les lumières de la nef sont allumées en permanence.
Vue d'ensemble de la nef de la cathédrale Notre-Dame
«Notre-Dame de Paris au clair de lune» par E.RAMIER
XIXe siècle.
Vue d'ensemble de la nef de la cathédrale Notre-Dame
La cathédrale Notre-Dame de Paris et les travaux en janvier 2023.
LA NEF DE LA CATHÉDRALE NOTRE-DAME
Élévations nord et ses trois niveaux
Élévations nord dans la nef avec ses trois niveaux. La photo a été éclaicie.
L'importance des tribunes ne peut manquer de frapper le visiteur.
Les baies des tribunes éclairées par les roses du XXe siècle
Les baies des tribunes éclairées par les roses du XXe siècle.

Architecture interne. Sur le plan initial, vraisemblablement dessiné par l'évêque Maurice de Sully, l'élévation était à quatre niveaux : les grandes fenêtres du haut faisaient place à une suite d'oculi surmontés chacun d'une petite fenêtre. Au XIIIe siècle, pour diminuer la pénombre qui envahissait l'édifice (et dont la cathédrale de Chartres peut donner une idée), on regroupa les niveaux 3 et 4 en un seul : celui qu'on voit à présent. Toutefois, pour assurer la robustesse de l'ensemble, les architectes n'osèrent pas toucher à la première travée (celle qui jouxte les tours occidentales). Au XIXe siècle, Eugène Viollet-le-Duc décida de recréer cette élévation à quatre niveaux dans les travées de la nef et du chœur qui bordent le transept (comme on le voit dans la partie droite de la photo ci-dessus).
À Notre-Dame, l'art du premier gothique est appliqué avec harmonie. Le premier niveau, avec ses dix travées, est scandé d'une suite de piles cylindriques et massives, couronnées de chapiteaux à feuillages. Ceux-ci exposent toute une gamme du règne végétal. Les arcades sont en tiers point, sans grande recherche artistique au niveau des intrados. Du large tailloir des chapiteaux s'élèvent trois fines colonnettes. Rien ne vient les interrompre jusqu'à leur point final : la retombée des voûtes au niveau des grandes fenêtres. Cette absence d'interruption garantit un bel effet d'élancement.
Notre-Dame de Paris est l'une des dernières cathédrales construites avec des tribunes. Et elles y sont très vastes, impressionnantes même, et largement ouvertes sur la nef au moyen d'élégantes baies à trois arcades. (Dans le chœur, les mêmes baies n'ont que deux arcades.) La forme très pure des colonnettes monolithes des baies s'harmonise parfaitement avec celles des piles du premier niveau. Pour ne pas casser l'élancement, l'ornementation horizontale se fait discrète : une corniche moulurée très peu saillante court à l'aplomb des tribunes, accompagnée d'une corniche similaire sous les hautes fenêtres.
La voûte de la nef est sexpartite, comme dans tous les monuments du premier gothique. Cette triple retombée, au nord et au sud, dans chaque ogive des voûtes s'associait, au premier niveau, à l'alternance traditionnelle pile faible - pile forte. (Voir par exemple la grande église Saint-Jacques à Reims, construite à la même époque sur ce principe). Notons qu'à Notre-Dame il n'y a pas de différence de robustesse entre les piles faibles et les piles fortes : les piliers cylindriques ont le même diamètre.
Au XIIIe siècle, le double déambulatoire de Notre-Dame était bordé par le mur gouttereau, un mur évidemment percé des fenêtres du premier niveau. Au XIVe démarra la construction des chapelles latérales entre les arcs-boutants, ce qui rejeta les ouvertures loin du déambulatoire et contribua à accentuer la pénombre de la nef. Les chapelles latérales sont étroites : le visiteur n'a pas le recul suffisant pour apprécier les peintures murales (du XIXe siècle) ou les toiles qui y sont exposées. La majorité de ces toiles sont d'ailleurs des mays du XVIIe siècle qui étaient auparavant exposés dans la nef.

Plan de la cathédrale de Paris
Plan de la cathédrale de Paris.
QUATRE CHAPITEAUX SUR LES PILES DE LA NEF
Chapiteau dans la nef
Chapiteau dans la nef
Chapiteau dans la nef

Les chapelles latérales sont toutes très étroites (voir le plan). La photo de droite montre qu'il est impossible d'apprécier vraiment les décors muraux par manque de recul. De plus, l'éclairage extérieur est insuffisant et la lumière artificielle crée un contraste dommageable pour l'appréciation d'ensemble...

Suite de chapelles dans le collatéral nord
Suite de chapelles dans le collatéral nord.
Vu l'étroitesse des chapelles, les visiteurs n'ont pas un recul suffisant pour véritablement apprécier les mays qui y sont exposés.
Chapiteau dans la nef, détail
Les chapiteaux de la nef sont riches
d'une flore extrêmement variée.
Un ange souffleur sur le dais de la chaire
Un ange souffleur sur le dais de la chaire.
La chaire à prêcher
La chaire à prêcher date du XIXe siècle.
Toile dans une chapelle latérale
Décoration murale dans une chapelle latérale.
La chapelle des fonts baptismaux
La chapelle des fonts baptismaux.
La voûte de la nef est sexpartite
La voûte de la nef est sexpartite.
Les destructions d'avril 2015 ont mis en lumière la faible épaisseur des voûtes
et la quasi-absence de mortier. Les pierres ne sont pas soudées en un seul bloc.
«Le Martyre de sainte Catherine» par Joseph–Marie Vien, 3e quart du XVIIIe siècle
«Le Martyre de sainte Catherine»
Joseph-Marie Vien
Troisième quart du XVIIIe siècle.

Les Fonts baptismaux
Les Fonts baptismaux (XIXe siècle).
Ils ont été dessinés par Eugène Viollet-le-Duc.

Le financement de la construction (1/6). C'est une tautologie de le dire, mais la cathédrale Notre-Dame de Paris est à Paris, capitale de la France. Les liens entre la royauté et l'Église sont donc à prendre en compte dans l'origine du financement de la construction. À l'époque médiévale en Europe, dans d'autres villes épiscopales, le prince, le duc ou le comte n'interviennent souvent qu'en cas de force majeure : quand la restauration doit démarrer sans attendre les legs et le résultat des quêtes sous peine de voir tout ou partie de l'édifice s'écrouler. C'est ce que fit Jean sans Terre en 1202 en donnant 2000 livres au chapitre de la cathédrale de Rouen pour réparer les dommages de l'incendie de l'an 1200. Autre cas rare : à Évreux, Louis XI finança d'importants travaux dans la cathédrale, un édifice auquel il vouait un attachement particulier. Mais, en règle générale, il n'y a guère d'aides de l'«État». Église et particuliers pourvoient, dans une très large mesure, au financement de la construction des bâtiments cultuels.
À Paris, la présence royale modifie le contexte. Le roi est le protecteur de l'Église. En tant que oint de Dieu, il doit mener son peuple au salut avec le soutien du clergé. Ce lien étroit se traduit par des privilèges ou des postes accordés à l'Église de Paris, son évêque et ses hauts prélats : diminution des impôts ; envois d'ecclésiastiques en mission diplomatique ou politique ; nominations au Conseil royal. Cette union entre le religieux et le politique s'afficha clairement dès 1186 quand Philippe Auguste décida de faire inhumer dans le chœur de la cathédrale, Geoffroy, fils du roi d'Angleterre, mort à Paris à l'âge de 27 ans ; de même, il y fit inhumer, en 1190, sa jeune épouse et reine, Isabelle de Hainaut, morte elle aussi à Paris. Il est probable d'ailleurs que le chapitre cathédral ait vu, dans ce choix, un regain de prestige pour le monument qui rivalisait ainsi avec la basilique de Saint-Denis ou l'église de Saint-Germain-des-Prés.  ---»» 2/6

Élévations nord
Élévations nord de la cathérale (la photo a été éclaircie).
«La Nativité» de H. Francken, 4e quart du XVIe siècle
«La Nativité» de H. Francken, 4e quart du 16e siècle.

Le financement de la construction (2/6). Autre fait primordial à prendre en compte dans le financement : au XIIIe siècle, la France est une contrée opulente. Philippe Auguste (1180-1223) a beaucoup agrandi le domaine royal. La Normandie, confisquée à Jean sans Terre, est annexée en 1204 ; Bouvines signe une importante victoire contre les Impériaux en 1214. Avec son fils Louis VIII le Lion (1223-1226), la croisade des Albigeois prépare l'annexion du Languedoc, rendue officielle sous la régence de Blanche de Castille. «On estime que l'annexion, dans la première moitié du XIIIe siècle, de la Normandie et du Languedoc, doubla les revenus du roi», écrit l'historien Henry Kraus dans son ouvrage L'argent des cathédrales. Au cours des campagnes, des agents royaux suivaient les troupes et s'en retournaient en région parisienne dépenser leur butin en biens cultuels et en donations à l'Église, comme Jean Sarrazin, Pierre Apothicaire ou Aléaume Hécelin.
En 1204, l'annexion de la Normandie transféra les avantages des marchands rouennais aux marchands parisiens (suppression de taxes, libre passage sur la Seine, etc.). Ce qui a enrichi la bourgeoisie parisienne. Kraus poursuit : «Paris et l'Île-de-France furent favorisés par leur extraordinaire enrichissement et se trouvèrent bientôt émaillées de multiples chefs-d'œuvre gothiques.» Malheureusement, les documents reliant précisément cette richesse à la construction de la cathédrale Notre-Dame n'existent pas. Néanmoins, les preuves abondent pour d'autres monuments parisiens.
Dans les cercles qui gravitent autour du roi, l'argent ne manque pas. Ses fidèles sont riches et vont multiplier donations et offrandes à Notre-Dame. Le roi n'est pas le plus généreux. Au XIIe siècle, Louis VII donne 200 livres à la fabrique, une somme forte importante, mais ce geste ne sera pas imité par ses successeurs. Par exemple, Saint Louis, qui règne de 1226 à 1270, ne donnera rien. Aucun document n'a été retrouvé d'une quelconque donation de sa part. On aura compris qu'en fait le roi aide à la construction de «sa» cathédrale de manière indirecte : par les nombreux privilèges et postes lucratifs accordés aux membres de l'Église de Paris.
En effet, grâce à cette manne, les évêques de Paris qui, rappelons-le, sont rattachés à l'archevêché de Sens, comptent parmi les donateurs importants : Maurice de Sully, l'initiateur de la cathédrale, donne 100 livres en 1196, idem pour Renaud de Corbeil en 1268 et Simon de Bucy en 1304, année de sa mort. Pour Simon de Bucy, Henry Kraus parle, quant à lui, de 5000 livres de dons au total, dont une allocation pour la création des trois chapelles axiales. Ajoutons ce commentaire qu'il fait au sujet de l'initiateur de la cathédrale : «Maurice de Sully (mort en 1196) ne se contenta pas d'amorcer la construction du nouvel édifice en 1163-1164 mais la poursuivit avec ferveur tout au long de sa vie, à la fois comme collecteur de fonds et comme donateur. Son legs de 100 livres destiné à acheter du plomb pour la toiture de la nef témoigne de la vitesse presque incroyable à laquelle la cathédrale fut construite, pendant son épiscopat.»
Depuis l'incendie de 2019 et l'écroulement de plusieurs voûtes d'ogives, on peut sans doute aujourd'hui rattacher cette «vitesse incroyable» à un travail fait à la va-vite. On a ainsi découvert que les voûtes d'ogives n'avaient qu'une seule couche de pierres et que ces pierres n'étaient pas liées par du mortier. Un travail rapide en effet... Maurice de Sully a-t-il fait exagérément accélérer les travaux pour voir sa cathédrale terminée avant sa mort ? En l'absence de documents d'archives, on ne peut pas répondre.    ---»» 3/6

Le collatéral nord et sa suite de piles cylindriques couronnées de chapiteaux gothiques

Le financement de la construction (3/6). Les chanoines du chapitre vont eux aussi participer activement au financement. Si une partie des dons vient indirectement des services rendus à la Couronne, d'où vient le reste ? Le texte de l'historien Dany Sandron, dans l'ouvrage que la collection La grâce d'une cathédrale consacre à Notre-Dame de Paris, ne le dit pas. En revanche, Henry Kraus est prolixe sur le sujet. L'église de Paris est très riche, nous apprend-il. Elle tire ses revenus de ses innombrables propriétés (maisons dans la capitale, nombreux domaines dans le diocèse et même des villages entiers), de taxes seigneuriales et, bien sûr, de ses activités religieuses. Dans la capitale, l'estimation donnée par Henry Kraus est que l'ensemble des groupes ecclésiastiques possède les deux tiers de la superficie de Paris ! Conséquence : la part sur les actes de justice temporelle attribuée à l'évêque dépasse celle du roi ; il faut lui ajouter les revenus que cette même justice attribue au chapitre de la cathédrale dans toute l'Île de la Cité, puisqu'il en possède la juridiction. Autre taxe très rémunératrice : l'évêque reçoit le tiers de l'impôt de la Couronne qui frappe toutes les transactions effectuées aux Halles. Les commerçants et artisans ont l'obligation de s'y trouver trois jours par semaine en ayant fermé boutique...
Fruit des taxes d'un côté, mais également ventes de biens temporels de l'autre. Pour assurer le financement de la construction, les documents abondent qui montrent que les ecclésiastiques parisiens ont vendu une quantité considérable de leurs richesses foncières. Henry Kraus cite ainsi un extrait du cartulaire de Notre-Dame qui voit un bourgeois parisien, Guillaume Barbette, acheter plusieurs fiefs à l'évêque Eudes de Sully en 1208, 1228 et 1229. Une part importante de ces ventes se situe au début du XIIIe siècle.
À la source des revenus, il faut extraire l'essentiel : les impôts qui frappent les serfs. «Cet exploit remarquable, écrit Henry Kraus, que constitue la construction de la cathédrale est, dans une très large mesure, dû aux lourds sacrifices imposés aux deux mille serfs du chapitre.» L'argent venait de la taille que les chanoines imposaient à leurs sujets - et aussi souvent qu'ils le voulaient. Ce qui provoqua un long conflit auquel Blanche de Castille fut d'ailleurs mêlée. Elle en tira la réputation d'avoir émancipé les serfs alors qu'elle n'en avait pas le droit.
L'historien médiéviste Marc Bloch a étudié cet épisode rappelé ici brièvement. En 1250 (Louis IX est à la croisade), le chapitre crée une nouvelle taille. Refus des serfs qui prétendent qu'ils ne doivent cette taxe qu'au roi (ce qui est faux). Les serfs envoient une délégation à Paris plaider leur cause. En réaction, le chapitre fait enfermer les délégués dans une prison sordide où beaucoup périssent. La régente, Blanche de Castille, que les prisonniers ont réussi à prévenir, conduit des cavaliers au cloître de la cathédrale où l'on ne trouve aucun membre du clergé. Paralysée dans sa compassion du fait des règles féodales, elle rentre néanmoins prier dans la cathédrale. Entre-temps, un soldat a fait sauter les portes de la prison et a libéré les serfs.
Un procès s'en suivit qui donna raison aux chanoines et à leur taille. Toutefois, en 1219, des chanoines s'opposèrent à la levée d'une nouvelle taille pour financer la construction de maisons capitulaires, prétextant qu'il y a assez d'argent dans les caisses. Les archives portent mention d'une déclaration terrible : «la majorité rétorqua que le chapitre avait un droit illimité d'imposer la taxe "à volonté" et aussi souvent qu'il le désirait» [Kraus]. Toujours est-il qu'aucune taxe ne fut créée entre 1235 et 1250. Marc Bloch y voit la pression humaniste de certains chanoines. Peut-être était-ce dû avant tout à la baisse des besoins de financement. À cette époque, de nombreux serfs choisirent de s'émanciper du chapitre en lui payant la manumission (entre 15 et 90 livres par personne). Ils devinrent alors, d'après Marc Bloch, les débiteurs des bourgeois de Paris via le surcens, une augmentation de la redevance féodale.    ---»» 4/6

«««--- Le collatéral nord et sa suite de piles cylindriques
couronnées de chapiteaux gothiques.
La pénombre de la cathédrale est bien visible sur cette
photographie. Il en est de même partout, à l'exception
de la partie est du déambulatoire (chevet).
«Saint Pierre guérissant les malades» de Laurent de la Hyre, milieu du XVIIe siècle
«Saint Pierre guérissant les malades»
Laurent de la Hyre
Milieu du XVIIe siècle.
«Le Triomphe de Job» de Guido Reni, XVIIe siècle
«Le Triomphe de Job»
Guido Reni, XVIIe siècle.
«Saint Thomas d'Aquin, Fontaine de la sagesse» d'Antoine Nicolas
«Saint Thomas d'Aquin, Fontaine de la sagesse»
Toile peinte par Antoine Nicolas, XVIIe siècle.

Le financement de la construction (5/6).
Peut-on généraliser aux autres corps de métier ? Y a-t-il eu d'autres lancettes, liées à une corporation, qu'on ait ainsi retrouvées ou qui aient disparu ? Henry Kraus répond par la négative. Les bourgeois les plus riches pouvaient fonder des chapellenies (voir en 6/6 le sens exact de ce terme), mais les chanoines de Notre-Dame s'opposaient à la présence des artisans et des commerçants. Henry Kraus précise : «Dès la fin du XIIe siècle déjà, toute activité sacerdotale ordinaire avait été transférée dans les églises des paroisses voisines. La cathédrale de la cité du roi de France était réservée à des activités d'une plus haute dignité, la chapelle des cordonniers demeurant une exception inexplicable.» D'autant plus inexplicable que les chanoines ne plaisantaient pas avec cette haute dignité : la présence des plus riches bourgeois de la capitale était strictement encadrée ; même eux n'avaient pas le droit d'assister aux cérémonies funèbres dans l'édifice, y compris dans les chapelles dont ils avaient financé la construction.
L'importance des églises voisines pour le culte et l'abondance d'argent - Henry Kraus le souligne - fait qu'il n'y a jamais eu à Paris d'édit épiscopal arrêtant les constructions ou restaurations d'églises tant que le chantier de Notre-Dame n'était pas terminé. Ce laxisme n'était pas la norme. À Amiens, autre cité épiscopale et plus petite ville aux moyens financiers moindres, un édit de l'évêque interrompit les chantiers d'églises afin de drainer tous les dons vers la cathédrale Notre-Dame en construction. Henry Kraus précise le cas parisien : «Les immenses richesses que les conquêtes françaises apportèrent à la capitale rendirent un tel compromis inutile, de sorte qu'on assista à la construction d'une multitude de paroisses, couvents et abbayes en même temps qu'à celle de l'église de l'évêque de Paris.»    ---»» 6/6

Le financement de la construction (4/6).
Les autres sources de financement sont plus classiques. Ce sont des dons petits et moyens qui en s'accumulant aboutissent à des montants importantes. On note ainsi les inévitables legs adressés à l'Église pour assurer son salut. Il y a aussi des donations de particuliers laïcs, comme le chevalier Guillaume des Barres en 1160 (au tout début de la construction) ou le neveu du pape Alexandre III en 1180. Plus classiques encore, les quêtes pratiquées dans le diocèse (avec parfois menace de sanctions si les fidèles n'obtempèrent pas), les produits du tronc des reliques dédié à saint Denis, et des offrandes extraordinaires, bien souvent en nature. L'historien Dany Sandron rappelle l'importance des femmes dans les oboles. Le légat Eudes de Châteauroux écrit ainsi au début du XIIIe siècle : «Il n'est pas de marchand un peu avisé qui refuse de gagner même une obole. C'est avec les oboles des femmes que la cathédrale de Paris a été construite en grande partie». Opinion certainement issue de l'observation, mais évidemment exagérée.
Maurice de Sully a accordé des indulgences (remise de peines dans l'Au-delà contre offrandes), mais a cru sage de ne pas abuser de ce principe déjà contesté.
Il y a une source quasiment absente dans le financement de la construction et qu'il faut souligner. Le chapitre «Revenus affectés à la construction», dans l'ouvrage sur Notre-Dame dans la collection La grâce d'une cathédrale, n'en dit pas un mot, ce sont les dons des confréries. Lors des constructions d'églises, les corps de métiers de la ville ont l'habitude de faire des donations pour les vitraux, les autels ou les chapelles. Souvent ils possèdent une chapelle à eux où ils ont le droit de fêter leur saint patron. Ou bien ils ont financé une verrière en totalité et, rassemblés devant elle, ils peuvent honorer leur protecteur dans les Cieux. L'intérêt de l'historien Henry Kraus pour les vitraux l'a conduit, dans ses recherches sur Notre-Dame, à découvrir la représentation graphique d'un petit œil de bœuf montrant les saints Crépin et Crépinien dans leur cordonnerie : un signe que ce corps de métier avait une chapelle attitrée dans la cathédrale et qu'elle était ornée d'un vitrail honorant leur activité. Henry Kraus en apporte la preuve en signalant qu'«il existe un document montrant qu'en 1379 Charles V accepta la requête, faite cinq ans auparavant, de permettre aux compagnons de Paris de célébrer une messe chaque lundi en l'honneur de leurs saints patrons dans leur chapelle à Notre-Dame.»    ---»» 5/6

La chapelle latérale Sainte-Madeleine et sa peinture murale du XIXe siècle
La chapelle latérale Sainte-Madeleine et sa peinture murale du XIXe siècle.
«Les Prédications du prophète Agabus à saint Paul» de Louis Chéron
«Les Prédications du prophète Agabus à saint Paul»
Louis Chéron, quatrième quart du XVIIe siècle.
 

Le financement de la construction (6/6).
Il faut rappeler ici l'origine des chapelles et des chapellenies. Lors de la construction, les architectes des grandes églises et des cathédrales ne prévoient pas de bâtir des chapelles latérales : les murs gouttereaux sont à l'aplomb des bas-côtés. Ces chapelles latérales ne sont érigées qu''une fois la construction terminée (élévation et couvrement). L'historienne Sabine Berger, dans l'ouvrage déjà cité de la collection La grâce d'une cathédrale, en raconte l'origine. Dans un premier temps, des lieux de piété privée sont autorisés autour des piliers de la nef et sur les bas-côtés (voir à ce sujet le financement de l'église Notre-Dame à Dole par ventes sur plan). À Notre-Dame de Paris, la famille royale fonda ainsi des chapellenies en 1186, c'est-à-dire qu'elle donna de l'argent pour assurer des messes particulières dans des lieux précis au niveau des bas-côtés. Les élites de la capitale et les grands bourgeois l'imitèrent, ce qui finit par encombrer singulièrement la nef. Les pénitents circulaient avec gêne et se trouvaient freinés dans le versement de leur obole...
Le clergé eut une réponse toute prête : étendre latéralement l'édifice. Le coup était double car il répondait en plus aux prescriptions édictées par plusieurs conciles au début du XIIIe siècle. Sabine Berger rappelle le détail de ces prescriptions : «Autels et chapelles devaient être convenablement pourvus, les prêtres devaient être dignement vêtus, dans un espace approprié au service religieux, clairement circonscrit et permettant la bonne conservation des instruments liturgiques.» Si l'on y ajoute le paiement des messes, c'est en fait donner une définition de la chapellenie par l'utilisation des fonds qui lui sont consacrés. La chapelle, c'est l'espace physique, la chapellenie, l'offrande faite pour assurer, sur un laps de temps assez long, le service religieux dans cet espace physique. Notons que l'usage a souvent englobé chapellenie et chapelle dans l'unique acception de chapellenie. Sabine Berger mentionne que la construction de ces très nombreuses chapelles démarra sans doute vers 1225 et prit fin dans les années 1320.
Qui fondent les chapelles ? Les chanoines du chapitre, le haut clergé, les serviteurs du roi. Notons parmi ces derniers : le drapier et chambellan de saint Louis, Jean Sarrazin, en 1270 ; l'ancien médecin de saint Louis, Dudon de Laon, en 1300 ; le maître de la chambre des Comptes et chanoine de Notre-Dame, Pierre de Condé, en 1322. Dans la cathédrale de Paris, ces chapelles, toujours normalisées, sont exiguës. Elles n'ouvrent que sur le bas-côté dont elles n'étaient isolées jadis que par une mince grille de fer.
À partir de la fin du XIIIe siècle, l'usage se répandit au sein du clergé cathédral d'avoir sa sépulture dans une chapelle. Un privilège que les riches laïcs se mirent aussi à convoiter.
Sources : 1) L'argent des cathédrales de Henry Kraus, les Éditions du Cerf, CNRS Éditions, 2012 ; 2) La cathédrale Notre-Dame de Paris, La Nuée Bleue, collection La grâce d'une cathédrale, 2012.

LE TRANSEPT DE LA CATHÉDRALE NOTRE-DAME
Le transept et la nef Le bras sud du transept et sa rose du XIIIe siècle
Le transept a bien la largeur que l'on attend dans une cathédrale.
Sur la façade méridionale, la rose est du XIIIe siècle.

«««--- Le transept et l'élévation de la nef.
La photo a été éclaircie.
Au XIXe siècle, la dernière travée de la nef a été rebâtie sur quatre niveaux.

Le transept de Notre-Dame dégage un volume grandiose. Comme l'actualité le montre, c'est là que se déroulent les grandes cérémonies officielles telles que les obsèques des chefs de l'État français. L'autel (qui paraît un peu étroit) est une création des artistes Jean et Sébastien Touret en 1989. Les bras nord et sud, avec leur grande rose rayonnante du XIIIe siècle, ont été traités par les architectes médiévaux comme des façades, ce qui est d'ailleurs assez courant dans les grandes cathédrales. Notons un détail architectural intéressant : les deux piles qui terminent la nef sont constituées de pilastres et non pas de colonnettes comme c'est le cas pour les piles qui leur font face, du côté du chœur. Faut-il y voir un changement d'architecte lors de la construction ?

La rose sud. Datée autour de 1260, elle illustre les scènes du Nouveau Testament. Autour du Christ en gloire, on peut voir des évangélistes, des apôtres, des saints martyrs ainsi que des Vierges folles et des Vierges sages. Cette rose a subi une importante réfection en 1726 sous l'impulsion du cardinal de Noailles. À cette occasion, elle reçut des restes de vitraux des XIIe et XIIIe siècles. Le cardinal de Noailles avait fait placer ses armoiries dans l'oculus central. Au XIXe siècle, lors de la dépose intégrale de la rose, le maître verrier Alfred Gérente les remplaça par un Christ de l'Apocalypse.
Au XVIIIe siècle, les vitraux de la claire-voie subirent eux aussi la mode de la clarté à tout prix. On n'en connaît pas l'iconographie. En s'inspirant de la vitrerie du bras sud de la cathédrale de Chartres, Alfred Gérente y plaça, au siècle suivant, une galerie de seize prophètes. Détail intéressant : les quatre prophètes du milieu, Isaïe, Jérémie, Êzéchiel et Daniel, portent les quatre évangélistes sur leurs épaules.
Source : La cathédrale Notre-Dame de Paris, La Nuée Bleue, collection La grâce d'une cathédrale, 2012.

La rose sud du XIIIe siècle
La rose sud du XIIIe siècle appartient au style du gothique rayonnant.
Vierge à l'Enfant du XIVe siècle dans le chœur
Vierge à l'Enfant à l'entrée du chœur,
XIVe siècle.
Elle est le symbole de Notre-Dame de Paris.
La galerie de saints dans le bras sud du transept (totalité)
La galerie des prophètes dans le bras sud du transept (totalité).
Création de l'atelier Alfred Gérente, 2e moitié du XIXe siècle.
Galerie de saints (vue partielle) dans le bras sud du transept
Galerie des prophètes (vue partielle) dans le bras sud du transept (Atelier Gérente, XIXe siècle).
Cette verrière illustre le propos de Bernard de Chartres (XIIe siècle) : «Nous sommes des nains juchés sur des épaules de géants»

La rose nord est datée du XIIIe siècle comme la rose sud. Une Vierge à l'Enfant trône en son centre, vénérée par les grandes figures de l'Ancien Testament (prophètes, rois et grands prêtres). La dominante de cette grande verrière de 12,90 mètres de diamètre est le violet (voir l'extrait ci-dessous), une couleur sombre qui symbolise l'attente de l'humanité jusqu'à l'arrivée d'un Sauveur. La rose septentrionale est la mieux conservée parmi les trois de la cathédrale. Son exposition au nord n'y est pas étrangère.
Au-dessous, la claire-voie abrite dix-huit rois de Juda. Comme celle qui est au sud, cette galerie date de la restauration du XIXe siècle, les vitraux initiaux ayant été détruits au XVIIIe.

La voûte du transept vue depuis le croisillon nord
La voûte du transept vue depuis le croisillon nord.
Les voûtes des bras sont sexpartites.
La rose nord, détail
La rose nord, détail : Prophètes et rois de l'Ancien Testament vénèrent la Vierge (XIIIe siècle).
La galerie des rois dans le bras nord du transept, détail
La galerie des rois de Juda dans le bras nord du transept, détail (Atelier Gérente, XIXe siècle).
LE CHŒUR DE LA CATHÉDRALE NOTRE-DAME
Le chœur, les stalles et l'élévation
Le chœur, les stalles et l'élévation.
Les baies des tribunes sont ici à deux arcades, contre trois dans la nef.
Au premier plan, l'autel de messe, œuvre de Jean et Sébastien Touret, est moderne (1989).
L'élévation de l'abside
L'abside et ses vitraux du XIXe siècle.

Le chœur. Daté de la seconde moitié du XIIe siècle, le chœur est la partie la plus ancienne de l'édifice. Il est constitué de quatre travées terminées par une abside. L'élévation est la même que celle de la nef : arcades, tribunes et grandes fenêtres. Ces grandes fenêtres viennent aussi des travaux de modifications du XIIIe siècle. Le double déambulatoire qui entoure le chœur est la continuité parfaite de celui de la nef. L'architecte a choisi de ne pas multiplier les piles dans la partie tournante, mais plutôt de s'appuyer sur des voûtains triangulaires pour dessiner la courbure du chevet.
En 1638, après la naissance inespérée de son fils, Louis Dieudonné, Louis XIII fit vœu de consacrer la France à la Vierge. Il concrétisa son Vœu par la promesse de bâtir un nouveau maître-autel à Notre-Dame de Paris. C'est son fils, Louis XIV, qui le réalisera à la toute fin du XVIIe siècle. De cette œuvre, il ne nous reste aujourd'hui que le célèbre groupe de la Piéta de Nicolas Coustou (non présenté dans cette page). Les stalles, éléments du Vœu, seront changées par celles que l'on peut voir actuellement et qui datent du début du XVIIIe siècle. Enfin - ornement qui contribue à la renommée du chœur de Notre-Dame de Paris - la clôture est datée de la première moitié du XIVe siècle.

Les verrières de l'abside (atelier Maréchal de Metž, XIXe siècle)
Les verrières de l'abside (atelier Maréchal de Metz, XIXe siècle).
Au centre : la Glorification de la Vierge.
Vitrail dans le chœur : les apôtres Luc et Jean (XIXe siècle)
Vitraux dans le chœur :
Les apôtres Luc et Jean, XIXe siècle.
Atelier Maréchal de Metz, XIXe siècle.
Le transept et le chœur
Le transept et l'entrée du chœur.
On remarquera que l'élévation dans le transept et dans
la première travée du chœur est à quatre niveaux.
Vitrail dans le chœur : les prophètes Daniel et Jérémie (XIXe siècle)
Vitraux dans le chœur :
Les prophètes Daniel et Jérémie
Atelier Maréchal de Metz, XIXe siècle.
Vue des stalles dans le chœur
Vue des stalles dans le chœur (réalisées entre 1710 et 1715).
Conformément au vœu de Louis XIII consacrant le chœur à Marie, elles illustrent des scènes de la Vie de la Vierge. On y voit aussi des figures allégoriques.
Vue du déambulatoire avec l'entrée de la chapelle du Saint-Sacrement
Vue du déambulatoire avec l'entrée de la chapelle du Saint-Sacrement.
La chapelle Saint-Georges dans le déambulatoire
La chapelle Saint-Georges dans le déambulatoire.
Le double déambulatoire dans le chœur (ici, la partie nord)
Le double déambulatoire dans le chœur (ici, la partie nord).

La clôture du chœur. À sa création au XIIe siècle, la cathédrale Notre-Dame était aussi l'église de la paroisse : les fidèles venaient y entendre la messe. Dans le chœur, une clôture basse séparait l'espace réservé aux clercs. Au XIIIe siècle, elle n'était plus paroissiale. Les chanoines du chapitre y célébraient les différents offices de la journée, parfois en faveur de défunts. Les laïcs n'eurent plus vocation d'y participer. Une clôture haute fut alors érigée pour mieux séparer les espaces et ne pas troubler les pères. À l'entrée du chœur, la façade (qui ne s'appelait pas encore jubé) comprenait une tribune avec une grande porte surmontée de la Vierge et de saint Jean entourant une croix triomphale. Des scènes de la Passion étaient sculptées à la partie inférieure.
Le mur de la clôture haute a été érigé entre la fin du XIIIe siècle et le milieu du XIVe. Il était orné d'une série de hauts-reliefs gothiques en bois, de très bonne qualité artistique. Ces hauts-reliefs illustraient des scènes de la Vie de Jésus et, peut-être aussi, des scènes de la Vie de la Vierge et de l'Ancien Testament.
Mort en 1643, Louis XIII ne put concrétiser son Vœu de 1638. Aussi est-ce son fils, Louis XIV, qui s'en chargea. En 1699, le jubé (façade ouest de la clôture) fut détruit, tout comme la clôture à l'est. Ne restèrent plus que les pans nord et sud (d'ailleurs en parfait état de conservation) représentant des scènes de la Vie de Jésus : au nord, quatorze scènes, sculptées en haut relief dès la fin du XIIIe siècle (c'est la partie la plus ancienne) ; au sud, neuf scènes relatant les Apparitions de Jésus après sa Résurrection, sculptées en haut-relief et en ronde-bosse.  --»»

La voûte du chœur
La voûte du chœur est, comme celle de la nef, sexpartite.

---»» Ce sont ces parties nord et sud que l'on peut voir aujourd'hui.
Couvertes d'un badigeon au XVIIIe siècle, ces sculptures en bois ont été restaurées sous l'autorité de l'architecte Eugène Viollet-le-Duc au siècle suivant. Leur polychromie a été retrouvée.
Source : La cathédrale Notre-Dame de Paris, La Nuée Bleue, collection La grâce d'une cathédrale, article de Reine Bonnefoy.

Le tour de chœur et ses haut-reliefs
La clôture du chœur et ses haut-reliefs.
Ici, le pan sud. Au premier plan à gauche, l'Apparition de Jésus aux saintes femmes. À côté : Apparition à Pierre et Jean.
La Nativité et une vue partielle de l'Adoration des mages dans le  tour de chœur
La Nativité et une vue partielle de l'Adoration des mages dans la clôture du chœur.

La Nativité dans le clôture du chœur (1ère moitié du XIVe siècle).
Dans le haut-relief de la Nativité ci-dessus, l'attitude et le visage de la Vierge laissent perplexe. Il faut en trouver l'origine, dès les premiers siècles de notre ère, dans l'art chrétien moyen-oriental, en particulier syrien. L'historien de l'art Maurice Vloberg, dans son ouvrage La Vierge et l'Enfant dans l'Art Français paru en 1933, fait remonter la source de ces représentations aux pseudo-évangiles. Ceux-ci connurent une très large diffusion dans le monde grec, puis le monde latin «malgré la censure des papes et la condamnation des Pères». À Marie, Joseph et l'Enfant, la tradition syrienne ajoutait Marie-Salomé et Marie-Jacobé et leur faisait tenir un rôle de sages-femmes. Bon an mal an, l'Église acceptait que Marie-Salomé donnât le bain à l'Enfant. On voyait déjà ce genre de scène dans les catacombes romaines et dans des peintures des Ve et VIe siècles.
Maurice Vloberg rapporte que l'Église accepta même une pose étrange de la Vierge. Une pose qui s'explique en partie par la Légende. D'origine syrienne, on trouve cette attitude pour la première fois dans la chaire d'ivoire de Maximien à Ravenne (VIe siècle). L'historien écrit : «Marie est étendue sur un lit ou un matelas, dans une attitude d'ordinaire inexpressive, plutôt celle d'une immense lassitude. L'Enfant est au berceau, à côté d'elle. Dans un coin, Joseph médite ou sommeille. Les deux animaux complètent le groupe, et parfois les deux sages-femmes.» C'est bien la description du haut-relief ci-dessus.


Le Christ dans l'Apparition aux Apôtres.
L'incrédulité de saint Thomas
L'incrédulité de saint Thomas.
Le Massacre des Innocents
Le Massacre des Innocents.
LE DÉAMBULATOIRE DE LA CATHÉDRALE NOTRE-DAME
Vue du déambulatoire et de sa voûte
Vue du déambulatoire et de sa voûte.
LES DEUX MÉDAILLONS DE l'ÉPOQUE MÉDIÉVALE
Scène de sacrifice (), vitrail de 1225–1230 dans la chapelle Saint–Guillaume
Scène de sacrifice (?)
Vitrail de 1225-1230 dans la chapelle Saint-Guillaume.
Tentation d'Adam et Ève, vitrail 1225-1230 dans la chapelle  Saint-Guillaume
Tentation d'Adam et Ève
Vitrail 1225-1230 dans la chapelle Saint-Guillaume.
Le Monument au duc de Retz avec vitrail des Sibylles dans le déambulatoire
Le Monument au duc de Retz et le vitrail des Sibylles dans le déambulatoire.
Vitrail de la baie 1 : les Sibylles (XIXe siècle)
Vitrail de la baie 1 : LES SIBYLLES (XIXe siècle).

Le Couronnement de la Vierge dans le vitrail de la chapelle d'axe Le Couronnement de la Vierge dans le vitrail de la chapelle d'axe.
Atelier Lusson, XIXe siècle.

Saint Georges dans le vitrail de la Vie de saint Georges
Saint Georges dans le tympan du vitrail de la Vie de saint Georges (XIXe siècle).
La chapelle d'axe et le monument au duc de Retz dans le déambulatoire
La chapelle d'axe et le monument au duc de Retz dans le déambulatoire.

Les vitraux. Notre-Dame de Paris n'est pas la cathédrale de Chartres où l'on entre pour admirer les verrières médiévales. Ce n'est pas non plus la cathédrale de Bourges, célèbre pour ses magnifiques verrières Renaissance. On entre à Notre-Dame de Paris pour voir l'architecture gothique du XIIe siècle et les œuvres d'art du XVIIIe et des époques suivantes. En effet, à l'exception de deux médaillons (donnés ci-contre) et des grandes roses, il ne reste plus rien de la vitrerie médiévale.
Les historiens ne possèdent aucune information sur la nature des vitraux du XIIe siècle et sur l'iconographie retenue pour les trois niveaux d'élévation. L'historienne du vitrail Françoise Gatouillat rappelle que la vitrerie de cette époque a dû se constituer grâce à des donations, mais sans doute aussi avec des remplois des verrières de l'église que la nouvelle cathédrale remplaçait. Ainsi, un triomphe de la Vierge, offert par l'abbé Suger, a été réutilisé dans les tribunes.
Au XIVe siècle, le problème de la cathédrale restait sa pénombre extrême. Et la vitrerie en place allait en faire les frais : quelques verres blancs joignirent les étages supérieurs ; parfois des scènes diverses en camaïeu ou en grisaille et jaune d'argent. Néanmoins des chapelles reçurent des vitraux historiés avec commanditaires à leur partie inférieure, mais on les compte sur les doigts d'une main. Rappelons que les confréries, pourvoyeuses habituelles de vitraux, étaient interdites de séjour dans la cathédrale de Paris (voir le financement de la construction plus haut). Pis encore au XVIIIe siècle : les vitraux des grandes fenêtres seront détruits pour gagner de la lumière.
Les seuls vitraux médiévaux importants qu'il nous reste sont les trois grandes roses du XIIIe siècle. Ces œuvres exceptionnelles dépassent en dimensions les autres roses produites à l'époque gothique : les deux roses du transept accusent 13 mètres de diamètre ; la rose occidentale, 9,6 mètres.
Au XIXe siècle, le roi Louis-Philippe initia une profonde restauration de l'édifice. Les architectes Viollet-le-Duc et Lassus, chargés du projet, entendirent redonner à la cathédrale son cachet médiéval, c'est-à-dire la pourvoir de vitraux peints... avec la pénombre qui s'en suit. Qu'importe, celle-ci était partie intégrante de l'atmosphère des temps gothiques. En conséquence, toute la vitrerie (trop claire) du XVIIIe fut supprimée. À part les trois roses qui furent remises en état selon leurs besoins, les ateliers des maîtres verriers Gérente, Lusson, Oudinot, Didron et Thévenot reçurent les commandes de vitrerie en pastiche du XIIIe siècle. L'atelier Maréchal de Metz fut chargé, quant à lui, des grandes verrières, plus classiques celle-là, du chœur et du chevet.
Rapide retour en arrière. Au XVIIIe siècle, faute de commandes, l'art du vitrail s'était perdu en France. Dans la première moitié du XIXe, notamment sous l'impulsion anglaise (voir l'église Sainte-Élisabeth de Hongrie à Paris), cet art se mit à renaître et profita des recherches des manufactures de Choisy et de Sèvres sur les pigments colorés. On arriva ainsi à la mise au point de deux catégories de vitraux : le vitrail-tableau, obtenu au moyen de pigments vitrifiables (l'artiste peint le dessin sur le verre qui passe ensuite au four) et le vitrail «archéologique» ou «historiciste». Ce dernier se veut un pastiche de l'art médiéval : c'est du verre teinté dans la masse et mis en plomb selon les contours du dessin. Avec les années, la technique du pastiche s'améliora.
La création des nouveaux vitraux à Notre-Dame, de 1855 à 1875, bénéficia ainsi d'une technique bien au point. Les vitraux «historicistes» vinrent orner les fenêtres des chapelles du déambulatoire. Comme vu plus haut, les fenêtres hautes du chœur reçurent des vitraux plus classiques, typiques du XIXe siècle, représentant les fondateurs de l'Église de Paris. Dans les hautes fenêtres de la nef, les fenêtres des tribunes et dans celles des chapelles latérales, on se contenta de grisailles très soignées, aux tonalités variées. L'objectif de Viollet-de-Duc était de faire chatoyer les rayons lumineux comme aux temps anciens en banissant la lumière crue. À cet effet, les ateliers Baptiste et Coffetier furent mis à contribution.
On trouvera dans cette page des extraits des vitraux «médiévaux» de la Vie de la Vierge, des Pèlerinages, de l'Arbre de Jessé, des Sibylles et de la Vie de saint Eustache. On donne également plus haut des vitraux du chœur, très XIXe siècle, issus de l'atelier de Maréchal de Metz.
À la fin des années 1930, les verrières des fenêtres hautes de la nef suscitèrent une ardente polémique. On sait que les verrières initiales, datées du XIIIe siècle, représentaient des personnages en pied et qu'elles furent méticuleusement détruites entre 1753 et 1755 pour gagner en lumière dans la nef. On les remplaça par du verre blanc bordé d'une frange de couleurs ornée de fleurs de lys. Fleurs de lys qui furent recouvertes de peinture à la Révolution, peinture elle-même grattée savamment à la Restauration ! Quoi qu'il en soit, la réverbération du soleil sur ces grandes verrières blanches gênait les chanoines qui firent installer des rideaux de velours rouge pour s'en protéger ! Comme on l'a vu plus haut, Viollet-le-Duc fit installer des grisailles sur ces fenêtres dans les années 1860-1870.
Dans les années 1930, l'État français, propriétaire de la cathédrale, se mit en tête de modifier la vitrerie des grandes fenêtres de la nef. Une douzaine d'ateliers de maîtres verriers fut sollicitée pour créer des vitraux - modernes - sur le thème des saints et des saintes de la ville de Paris. Ces œuvres, présentées lors de l'Exposition internationale de 1937 à Paris, reçurent l'accord de la commission des Monuments historiques. Installés dans la cathédrale en 1939, avec évidemment l'aval du cardinal Verdier, archevêque de Paris, elles provoquèrent l'émoi d'une partie de la critique qui y vit un contraste choquant entre l'art gothique et l'art moderne. En bref, un attentat scandaleux à l'esprit médiéval. La polémique n'eut pas le temps de s'aggraver : avec la déclaration de guerre, les vitraux furent déposés et confiés à leurs auteurs. Les verres n'étant pas cuits, certains furent détruits. Le problème se reposa donc après la guerre. Cette fois, on fit plus simple : le maître verrier Jacques Le Chevallier fut chargé de concevoir toute une vitrerie colorée et abstraite pour les fenêtres hautes de la nef, du mur occidental et des tribunes. André Malraux, ministre de la Culture, approuva le projet en 1964. Ce sont les verrières en place depuis lors et que l'on peut apercevoir sur quelques photos de cette page. Tous différents, ces vitraux sont non figuratifs et à dominante rouge, bleue, verte ou jaune. Leur ton reste fidèle à celui des grandes roses du XIIIe siècle.
Source : La cathédrale Notre-Dame de Paris, La Nuée Bleue, collection La grâce d'une cathédrale, 2012, article de Françoise Gatouillat.

Vitrail de la baie 1 : les Sibylles, détail
Vitrail de la baie 1 : Les Sibylles, détail.
Un roi de Juda dans l'Arbre de Jessé (1864)
Un roi de Juda dans l'Arbre de Jessé
Atelier E. Didron, 1864.
La chapelle d'axe et son retable du XIXe siècle dans le déambulatoire
Chapelle capitulaire de l'Ordre du Saint-Sépulcre de Jérusalem.
C'est la chapelle d'axe dans le déambulatoire avec son retable du XIXe siècle.
Derrrière, vitrail de LA VIE DE LA VIERGE (Atelier Lusson, XIXe siècle).
Vitrail de la baie 0 : La Crucifixion et la Fuite en Égypte (XIXe siècle)
Vitrail de la baie 0 : L'Annonciation (XIXe siècle)
Vitrail de la Vie de la Vierge : L'Annonciation
Atelier Lusson, XIXe siècle.



«««--- Vitrail de la Vie de la Vierge (XIXe siècle) :
La Crucifixion et la Fuite en Égypte.
Le retable de la chapelle d'axe dans le déambulatoire : scènes de la Passion
Le retable de la chapelle d'axe dans le déambulatoire illustre des scènes de la Passion (XIXe siècle).
L'Arbre de Jessé (Atelier E. Didron, 1864) dans la chapelle Sainte–Anne
L'ARBRE DE JESSÉ (Atelier E. Didron, 1864) dans la chapelle Sainte-Anne.
Vitrail de la baie 2, les Pèlerinages à Notre–Dame (Atelier Gérente, 1855)
Vitrail de la baie 2, LES PÈLERINAGES à Notre-Dame (Atelier Gérente, 1855).
Vitrail de la Vie de saint Eustache (atelier E. Didron, 1863)
Détail de l'Arbre de Jessé de 1864 : Jessé avec David et Salomon (atelier Didron)
Détail de l'Arbre de Jessé : Jessé avec David et Salomon.
Atelier E. Didron, 1864.
On pourra voir de très beaux Arbres de Jessé de l'époque Renaissance aux églises Saint-Étienne de Beauvais et Saint-Madeleine de Troyes.
Vitrail de la baie 2 : Les Pèlerinages à Notre–Dame, détail
Vitrail de la baie 2 : Les Pèlerinages à Notre-Dame, détail.
Atelier Gérente, 1855.
Le pastiche XIIIe siècle est ici d'une excellente facture.
Vitrail de la baie 2 : Les Pèlerinages à Notre–Dame, détail
Vitrail de la baie 2, Les Pèlerinages à Notre-Dame, détail.
Atelier Gérente, 1855.
«««--- Vitrail de LA VIE DE SAINT EUSTACHE (atelier E. Didron, 1863).
Vitrail de la Vie de saint Eustache dans le déambulatoire (1863), détail
Vitrail de la Vie de saint Eustache dans le déambulatoire, détail.
Atelier E. Didron, 1863.
L'orgue de tribune et la rose occidentale
L'orgue de tribune et la rose occidentale.
Vierge à l'Enfant dans un vitrail du XIXe siècle
Vierge à l'Enfant dans un vitrail du XIXe siècle.

La rose occidentale est datée aux alentours de 1220. Son diamètre est de 9,60 mètres. Comme la plupart des roses sur les façades ouest, elle est à moitié cachée par l'orgue de tribune Comme pour la rose nord, une Vierge à l'Enfant occupe le rond central. La Vierge est entourée des prophètes, des vices et des vertus. L'iconographie fait également appel au temps par la représentation des signes du Zodiaque et des mois de l'année.

L'orgue de tribune
L'orgue de tribune est de Cliquot (1730). Il a été restauré par Cavaillé-Coll en 1863-1868.
L'Apparition du Christ aux saintes femmes
L'Apparition du Christ aux saintes femmes.
Clôture du chœur
Première moitié du XIVe siècle.

Documentation : La cathédrale Notre-Dame de Paris, Éditions du Patrimoine, Centre des Monuments nationaux, 2007
+ L'argent des cathédrales de Henry Kraus, les Éditions du Cerf, CNRS Éditions, 2012
+ La cathédrale Notre-Dame de Paris, La Nuée Bleue, collection La grâce d'une cathédrale, 2012
+ L'élan des cathédrales d'Alain Erlande-Brandenburg, Éditions Jean-Paul Gisserot, 2002
+ Notre-Dame de Paris d'Alain Erlande-Brandenburg, Éditions Nathan, 1991
+ Paris d'église en église, éditions Massin, 2007
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