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Cette seconde page sur la cathédrale
de Bourges
donne de nombreuses illustrations des vitraux des XVe et XVIe
siècles des chapelles latérales et de la chapelle
axiale. On trouvera aussi des vues du chur, du déambulatoire
et de l'exceptionnelle série des grandes verrières
du XIIIe siècle qu'il abrite. Dans les chapelles latérales,
on se reportera tout spécialement aux deux vitraux qui ont
impressionné des historiens de l'art comme Émile Mâle
ou Jean Lafond : celui de l'Annonciation
(XVe siècle) dans l'ancienne chapelle Jacques Cur et
celui de la présentation
à la Vierge de la famille Trousseau dans la chapelle
du même nom (XVIe siècle), uvre de Jean Lescuyer.
On ne manquera pas non plus le sosie
d'Henri IV dans la vitrail de l'Assomption
du XVIe siècle.
Pour ce qui est de la mentalité médiévale,
le vitrail
de la vie et du martyre de saint Étienne et de saint Laurent
est l'occasion de développer le concept de
pauvreté au Moyen Âge et de son évolution
depuis le XIIe siècle jusqu'au XVIe.
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Vue de l'impressionnant double déambulatoire de la cathédrale
Saint-Étienne.
Il présente l'une des plus belles collections de verrières
du XIIIe siècle que l'on puisse voir dans le monde.
Une autre vue de ce lieu extraordinaire est donnée plus
bas. |
Les verrières
de la cathédrale Saint-Étienne. La
cathédrale doit une partie de sa célébrité
à ses vitraux qui embrassent toutes les époques
du vitrail français. Le déambulatoire est illuminé
de vitraux du tout début du XIIIe siècle,
typiques du premier âge du vitrail : de grandes verrières
constituées de petites scènes insérées
dans une architecture géométrique de carrés,
de losanges et de cercles. Ce sont les vitraux les plus anciens
de l'édifice. «Ils ont sans doute été
mis en place avant 1214, car des célébrations
d'offices sont mentionnées à cette date dans
les chapelles du chur», lit-on dans le Corpus
Vitrearum. Les grandes fenêtres du chur doivent
être antérieures à 1225, sans que l'on
soit sûr de la date. Soulignons la présence de
deux réemplois de vitraux du XIIe siècle
dans des grisailles modernes (photos ci-contre).
C'est un style artistique différent qui s'affiche dans
les fenêtres de la fin du XIVe et du début
du XVe siècle : la partie supérieure
du «grand
housteau» (dont la rose) derrière le grand
orgue et les vitraux des chapelles latérales des familles
Trousseau
et Aligret.
Suivent au XVe siècle les lancettes du «grand
housteau» et les verrières d'autres chapelles
latérales (Fradet,
Beaucaire,
Jacques
Cur, etc.) car la cathédrale s'embellit à
la suite de nombreuses donations. Les vitraux du XVIe siècle,
possédant le style Renaissance proprement dit, se trouvent
dans trois autres chapelles latérales (chapelles des
Bar,
des Copin,
des Tullier)
et dans la chapelle
axiale dite «Notre-Dame-la-Blanche». Le XVIIe
siècle n'est pas absent non plus avec le magnifique
vitrail de la chapelle de Montigny
où resplendit un portrait du maréchal
de Montigny, sosie d'Henri IV. Le XIXe siècle
a aussi offert ses inévitables vitraux dans le style
qu'on lui connaît, notamment un Jésus au jardin
des Oliviers dans la chapelle Jacques Cur. La cathédrale
Saint-Étienne de Bourges propose ainsi aux visiteurs
toute l'évolution du vitrail depuis le XIIIe siècle
jusqu'au XVIIe. On trouvera dans cette page un extrait
de ces vitraux du début du XVe jusqu'au XVIIe siècle,
présentés dans l'ordre chronologique.
Toutes les restaurations effectuées au XIXe siècle
ont été comptabilisées. Dans la première
moitié du XIXe, elles furent mineures. En 1843, le
maître verrier Étienne Thevenot, de Clermont-Ferrand,
fut chargé de restaurer à titre d'essai cinq
grandes fenêtres du XIIIe siècle situées
dans le déambulatoire (Nouvelle Alliance, Vie de saint
Thomas, de saint Vincent, etc). Ce travail fut âprement
condamné en 1848 par Adolphe Didron, critique très
écouté et chargé d'un rapport officiel.
Le chapitre du Corpus Vitrearum consacré à
la cathédrale de Bourges écrit à ce sujet
que Thevenot «employa des méthodes tout à
fait contestables». Il est intéressant de rapporter
ce qu'en disaient les membres du Congrès archéologique
de France tenu à Bourges en octobre 1849. On lit ainsi
sous la plume de l'abbé Crosnier, auteur du rapport
de la visite des congressistes à la cathédrale
le 3 octobre 1849 : «Après l'étude du
portail, le Congrès est rentré de nouveau dans
l'intérieur de la basilique [sic], pour contempler
les magnifiques vitraux qui forment son plus bel ornement
; il ne s'agissait pas ici d'expliquer les différents
sujets représentés sur ces vitraux, le temps
manquait, et d'ailleurs les savants travaux des pères
Martin et Cahier sur ces légendes diaphanes étaient,
au musée de la ville, à la disposition des membres
du Congrès, il s'agissait de juger des restaurations
récentes qui y ont été exécutées
par M. Thevenot, de Clermont. L'artiste était témoin
de cet examen, il attendait avec confiance le jugement que
devait porter ce jury impartial ; bientôt des félicitations
unanimes le dédommagèrent amplement de certaines
critiques mal fondées, et qui, heureusement, n'avaient
pas ébranlé son courage dans l'important travail
qu'il avait entrepris.» Ajoutons qu'Étienne Thevenot
adressa une communication complète au Congrès,
détaillant tout son travail. Quoi qu'il en soit, en
1853, on changea de spécialistes (qui furent Coffetier
et Steinheil) pour la restauration d'une grande partie du
reste des vitraux du déambulatoire. Ceux du haut-chur
furent restaurés en 1885-1886 (Steinheil et Leprevost).
Puis, au début du XXe siècle, l'atelier Chigot,
de Limoges, fut chargé de restaurer les vitraux des
XVe et XVIe siècles des chapelles latérales.
Soulignons que les vitraux ont tous été déposés
en 1939 et reposés en 1946.
Sources : 1) Les vitraux du
Centre et des Pays de la Loire, Corpus Vitrearum, CNRS,
1981; 2) Session du Congrès archéologique
tenue à Bourges en 1849, rapport de l'abbé Crosnier.
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Deux panneaux du XIIe siècle :
La Résurrection de Lazare et
Marie-Madeleine aux pieds du Christ (1170). |
Extrait d'un vitrail moderne avec un réemploi médiéval,
Réemploi de deux fragments de 1170 (restaurés) :
La Résurrection de Lazare et Marie-Madeleine aux pieds du Christ. |
Deux panneaux du XIIe siècle :
Annonciation et Adoration des mages (vers 1160). |
Étienne
Thevenot ou l'histoire d'un jugement faussé (1/3).
Un très intéressant article de l'historienne
Karine Boulanger a récemment fait justice des critiques
adressées au restaurateur Étienne Thévenot
(et inspecteur des Monuments historiques depuis 1837). Il
a aussi mis en lumière l'art de dénigrer un
bon professionnel que l'on n'apprécie pas. En 1845,
Thevenot est chargé - à l'essai - de restaurer
cinq grandes verrières basses du chur de la cathédrale.
Pour cela, il va s'associer avec le vitrier berrichon Félix
Chédin. Karine Boulanger démontre la bonne qualité
du travail réalisé, surtout dans le souci de
garder le plus possible les verres anciens. Ce qui signifie
respecter les nombreux plombs de casse qui parsèment
les vitraux (et qui parfois défigurent un peu les visages).
Les bouche-trous et les morceaux post-XIIIe siècle
qui perturbaient la lecture et dénaturaient le vitrail
furent remplacés.
«Dans l'ensemble, écrit K. Boulanger, le restaurateur
a parfaitement saisi le style des verrières qui lui
étaient confiées et a souvent su refaire de
nouvelles pièces dont la peinture se fond bien parmi
les pièces originales». Toutefois, le travail
fut loin d'être parfait dans la re-création des
panneaux manquants. D'abord, Thevenot se référa
à la Légende dorée de Jacques
de Voragine et non pas au travail iconographique récent
des moines Cahier et Martin (cité plus haut dans l'extrait
du rapport du Congrès archéologique de France).
Ensuite, il n'hésita pas à reprendre certaines
de ses propres compositions modernes, introduisant des anachronismes
fâcheux dans des verrières du XIIIe siècle.
Par exemple, il représenta les saints de profil alors
que «seuls les personnages méchants
--»» Suite 2/3
plus bas.
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LES CHAPELLES LATÉRALES ET LEURS VERRIÈRES
DES XVe et XVIe SIÈCLES |
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Chapelle latérale sud du Sacré-Cur
C'est la plus grande des chapelles latérales de la cathédrale.
C'est aussi la plus ancienne (XIVe siècle).
Le vitrai central est du XIXe siècle : Jésus au
jardin des Oliviers. |
Peinture murale : Saint Pierre et Ananias (?)
Chapelle du Sacré-Cur. |
Le
mobilier. Au début du XVe siècle,
une série de chapelles latérales entourait
la nef. Chaque donateur devait veiller à meubler
son petit espace privé : vitrerie, autel, statue,
etc. Une quarantaine d'années plus tard, Jacques
Cur relança les donations en faisant
bâtir une sacristie capitulaire et une chapelle.
Il est facile d'imaginer la richesse de la cathédrale
au XVIIIe siècle. À la Révolution,
l'édifice fut vidé de son mobilier par
le saccage et le vol. Il nous reste quelques priants
et gisants, souvent entreposés dans l'église
basse. D'une manière générale,
la cathédrale Saint-Étienne ne possède
pas, à l'heure actuelle, de mobilier digne de
son rang. Les chapelles latérales sont à
l'image de celle donnée ci-contre : autel du
XIXe siècle et voûte un peu délabrée.
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Bas-relief du XIXe siècle au-dessus de l'autel
Chapelle du Sacré-Cur. |
Baie 42 : deux lancettes venant de la Sainte-Chapelle
de Bourges.
Chapelle du Sacré-Cur.
Les vitraux originaux de cette chapelle (qui étaient
du milieu du XVe siècle)
ont été détruits par un ouragan en
1645. |
Clé de voûte avec fleurs de lys. |
Clé de voûte. |
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Chapelle latérale Sainte-Solange. |
Sainte Solange priant au milieu de ses moutons.
Peinture murale du XIXe siècle.
Chapelle latérale Sainte-Solange. |
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BAIE 27 - LA PRÉSENTATION DE LA FAMILLE
TROUSSEAU À LA VIERGE (chapelle Trousseau), 1400-1405
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Baie 27 : Verrière dite «de la famille
Trousseau».
Vers 1400-1405.
Présentation à la Vierge et à l'Enfant
de la famille Trousseau :
(de gauche à droite) frères et sur, puis
le chef de famille, puis ses parents.
Pierre Trousseau avait une autre sur, Catherine, qui,
trop jeune à l'époque, n'est pas présente. |
Baie 27, détail : les parents de Pierre Trousseau
présentés à la Vierge par saint Jacques
le Majeur.
Vers 1400-1405. |
Baie 27, détail : le damas qui accompagne saint
Jacques représente
des fleurs et des animaux fantastiques.
Vers 1400-1405. |
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Baie 27, détail : saint Étienne présente
Pierre Trousseau à la Vierge
Vers 1400-1405. |
Baie
27 - Le vitrail de la famille Trousseau.
Daté des années 1400-1405,
ce vitrail orne une chapelle fondée par Pierre
Trousseau, chanoine de la cathédrale. La
famille du donateur est présentée à
à la Vierge et à l'Enfant. On y trouve
les parents du donateur ainsi que ses deux frères
et sa sur.
Le vitrail a connu quelques restaurations (tête
de l'évêque restaurée au XVIe siècle
par Jean Lescuyer).
On remarquera les très beaux damas d'arrière-plan
et leurs scènes d'animaux fantastiques..
Source : Les vitraux
du Centre et des Pays de la Loire, Corpus Vitrearum,
CNRS, 1981.
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Baie 27, détail : La Vierge avec saint Sébastien
(à gauche) et
un saint évêque à droite (saint Guillaume
ou saint Ursin).
Vers 1400-1405. |
Baie 27, détail : les frères du donateur,
Jacques et Jean Trouseau,
et leur sur Agnès sont présentés
à la Vierge
par une sainte qui pourrait être sainte Catherine d'Alexandrie
ou sainte Agnès. |
Baie
27 - Qui est la sainte derrière les frères
et la sur (image ci-dessus) ?
Les historiens qui se sont penchés
sur le vitrail de la famille Trousseau voient généralement
sainte Agnès dans la sainte couronnée
derrière les deux frères et la sur
de Pierre Trousseau. Agnès est en effet le prénom
de la jeune femme (et dame de Méreville) qui
se tient entre les deux jeunes gens, Jacques et Jean,
ses frères.
Mais, à sainte Agnès, morte martyre au
IVe siècle pour avoir refusé, à
quatorze ans, d'épouser un païen, l'iconographie
n'attribue pas une couronne de reine. C'est plutôt
«une couronne de noces venant du ciel et tenue
par la main de Dieu», lit-on dans le Dictionnaire
iconographique des saints, ou une couronne de fleurs.
Dans son étude très fouillée sur
les vitraux de la cathédrale de Bourges postérieurs
au XIIIe siècle parue à la fin du
XIXe, le marquis Albert des Méloizes rapporte
que Pierre Trousseau avait une autre sur, Catherine.
Il écrit : «C'était encore une enfant
à l'époque de la confection de ce vitrail,
et c'est sans doute pourquoi elle n'y figure pas.»
Est-il permis d'aller plus loin ? On pourra penser que,
puisqu'elle n'y figure pas et pour établir une
sorte d'égalité au sein de la fratrie,
c'est sa sainte patronne qui a été représentée,
à savoir sainte Catherine d'Alexandrie. En effet,
cette sainte légendaire est souvent figurée
avec une (vraie) couronne et bien sûr, comme saint
Agnès, avec la palme du martyre.
Un détail peut aller dans ce sens : la sainte
Catherine de la baie
30 dans la chapelle des Aligret, porte le même
style de couronne. En revanche, un autre détail
va dans le sens opposé : le visage de la sainte
Catherine de la baie
30, même s'il a été refait,
ne correspond pas à celui de la «sainte
Catherine» de la baie
27. Or, pour aller dans le sens du marquis des Méloizes,
le style de dessin et l'aspect des damas des arrière-plans
suffisent pour convaincre que les deux verrières
sont de la même époque et sortent du même
atelier...
Sources : 1) Dictionnaire
iconographique des saints par Bernard Berthod et
Élisabeth Hardouin-Fugier, Les Éditions
de l'Amateur, 1997 ; 2) Vitraux peints de la cathédrale
de Bourges postérieurs au XIIIe siècle
par le marquis Albert des Méloizes, 1891-1897.
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Baie 27, détail : saint Étienne présente
Pierre Trousseau à la Vierge.
Vers 1400-1405.
Le fondateur de la chapelle, Pierre Trousseau, détenait le
siège archiépiscopal de Bourges au moment de sa mort.
Il tient dans ses mains une petite chapelle surmontée d'un
campanile où loge une cloche. |
BAIE 30 - LA VERRIÈRE DES QUATRE SAINTS
(Chapelle Simon Aligret), 1405 - 1412 ou 1415 |
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Baie 30 : saints Simon, Catherine, Hilaire et Georges.
Vers 1405-1415.
Saint Simon, à gauche, présente Simon Aligret et ses
deux neveux.
Saint Georges, à droite, présente des membres de la
famille Aligret.
Baie 30, détail du tympan
---»»»
Les anges sonnent le réveil des morts lors du Jugement dernier.
Les Justes, ressuscités et le visage réjoui, sortent de leurs
tombeaux. |
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La
chapelle Aligret a été fondée vers la fin
du XIVe siècle ou le début du XVe par Simon Aligret
(1415), chanoine de la cathédrale et médecin du
duc de Berry.
Le vitrail représente des membres de sa famille en prière
devant leurs saints patrons (saint Simon, sainte Catherine,
saint Hilaire de Poitiers et saint Georges).
La verrière est jugée peu restaurée. Toutefois,
les visages de sainte Catherine et de saint Hilaire
de Poitiers ont été refaits, peut-être au XVIe
siècle. Le tympan, outre des écussons, illustre
la Résurrection des morts dans le Jugement dernier,
sonnée par des anges musiciens.
Ce vitrail donne une information sur la mode vestimentaire
de l'époque. Le quatrième
panneau montre en effet saint Georges présentant
un homme et trois femmes. Ces dernières font partie
de la classe moyenne. Ce sont des bourgeoises vêtues
de longs surcots et coiffées d'«une espèce
de cornette qu'on appelait huve à la fin
du XIVe siècle» [des Méloizes].
Sources : 1) Les
vitraux du Centre et des Pays de la Loire, Corpus Vitrearum,
1981 ; 2) Vitraux peints de la cathédrale de Bourges
postérieurs au XIIIe siècle par le marquis
Albert des Méloizes, 1891-1897.
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Baie 30, détail : saint Simon, sainte Catherine, saint
Hilaire et saint Georges.
Vers 1405-1415.
Les têtes de sainte Catherine et de saint Hilaire ont été
refaites après le XVe siècle. |
Le vitrail
au début du XVe siècle.
La verrière de la baie 30 est un bon exemple de
la révolution qui va bouleverser l'univers du vitrail
aux alentours de l'an 1400.
Le vitrail roman, axé sur trois couleurs de base (rouge,
vert et bleu) laisse passer peu de lumière. Les grandes
baies de la cathédrale
de Chartres ou celles du déambulatoire
de la cathédrale de Bourges en donnent des exemples
connus.
Au cours du XIIIe siècle, l'exigence de lumière
dans les églises va se répandre et, avec elle,
le verre blanc. Ces nouveaux vitraux seront souvent ornés
de quelques panneaux de style roman, voire d'une litre, c'est-à-dire
d'une rangée de saynètes, mêlant le rouge,
le vert et le bleu.
Arrive ensuite le jaune
d'argent au début du XIVe siècle : un sel
que l'on passe au pinceau directement sur le verre, ce qui
diminue les découpes des verres colorés dans
la masse. On peut ainsi faire varier les couleurs à
la cuisson ou rehausser des éléments qui seraient
restés à l'état de simple grisaille.
Aux alentours de l'an 1400, nouvelle évolution qui
touche cette fois le style : les personnages, maintenant disposés
sous de hauts dais, s'agrandissent et sont dessinés
à coups de traits fins ; les grisailles s'amoindrissent
et le jaune d'argent vient relever certaines parties des anatomies
(notamment les cheveux) ou les contours des dais. Souvent
damassé, l'arrière-plan adopte un ton foncé
pour assurer le contraste. C'est ce que propose la baie
30.
Curieusement, il y a eu des historiens au XIXe siècle
qui n'ont pas apprécié ce nouveau style. Ainsi
le marquis Albert des Méloizes, dans son étude
très détaillée des vitraux de la cathédrale
de Bourges postérieurs au XIIIe siècle,
écrit à propos du vitrail
des Trousseau que «les figures sont un peu écrasées
par l'importance exagérée des motifs d'architecture
qui les encadrent», ce qui restreint d'ailleurs le côté
religieux du vitrail. D'autre part, il ajoute que «la
grande étendue des parties blanches nuit singulièrement
à l'effet décoratif», alors que le peintre
verrier Eugène Hucher, à la même époque
et d'une manière générale, voit le blanc
et l'or du jaune d'argent s'unir «avec beaucoup d'éclat
et de fraîcheur».
Des Méloizes explicite clairement son rejet (étrangement
sans jamais retenir le besoin de lumière) : «On
ne pense plus, écrit-il, qu'un vitrail doit entrer
dans l'ornementation de l'édifice au même titre
qu'une mosaïque ou une tenture, avec l'éclat en
plus qui résulte de la translucidité des surfaces
colorées. Les artistes ne veulent plus se borner à
l'illustration des feuilles de missels et des manuscrits ;
(...) ils peuvent, comme sur le parchemin, tendre à
l'imitation de la nature et ils abandonnent les types hiératiques
pour poursuivre le réalisme des figures et des attitudes.
Le vitrail se transforme ainsi en un tableau dans lequel le
dessin prend de plus en plus d'importance, tandis que la couleur
semble devenir accessoire.» Il en conclut que l'effet
harmonieux de l'ensemble disparaît au profit des détails.
C'est presque un avant-goût de la querelle entre poussinistes
et rubénistes qui va surgir dans le monde des peintres
à la fin du XVIIe siècle !
Source : Vitraux peints de
la cathédrale de Bourges postérieurs au XIIIe
siècle par le marquis Albert des Méloizes,
1891-1897.
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Baie 30, détail : saint Georges brandissant son épée.
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Baie 30, détail : sainte Catherine avec la roue
dentée de son supplice.
La tête a été refaite (peut-être au
XVIe siècle).
Chapelle Aligret.
La robe de la sainte est ornée de motifs à la
grisaille. |
Baie 30, détail du tympan : la Résurrection
des morts.. |
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BAIE 25 - VERRIÈRE DE L'ANNONCIATION (Ancienne
chapelle Jacques Cur), 1448 - 1450 |
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Verrière de l'Annonciation, les quatre lancettes (1448-1450)
Ancienne chapelle Jacques Cur. |
Vitrail de L'Annonciation (1448-1450)
Ancienne chapelle Jacques Cur. |
Sainte Catherine dans l'Annonciation (1448-1450), détail
Ancienne chapelle Jacques Cur. |
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La
verrière de l'Annonciation (baie 25)
dans l'ancienne chapelle Jacques Cur a
été portée aux nues par des spécialistes
de l'art médiéval, notamment Émile
Mâle. Elle représente l'archange Gabriel
et la Vierge en compagnie de saint Jacques et de sainte
Catherine. Le point important est que les personnages
sont dans un édifice dont on voit les voûtes
fleurdelisées et les fenêtres. La verrière
a été peu restaurée. Le tympan
est orné d'anges portant les écussons
du Dauphiné, du Berry et de France.
Pour ce qui est de l'auteur du vitrail, Jean Verrier,
ancien inspecteur général des Monuments
historiques, penche pour Henri Mellein, un peintre verrier
attaché à Jacques Cur et qui «avait
orné la 'maison' du grand argentier d'une verrière
où celui-ci s'était fait représenter
assistant Charles VII à son sacre en compagnie
des douze autres pairs de France.» [Verrier]
À propos de la beauté de ce vitrail qualifié
de «chef-d'uvre des verriers français
du XVe siècle» par Émile Mâle,
lisons ce qu'en écrit ce spécialiste de
l'art médiéval (cité par Jean Verrier)
: «l'ordonnance architecturale est maintenue,
saint Jacques et sainte Catherine sont debout sous des
dais comme deux statues ; mais, chose nouvelle, la Vierge
et l'ange de l'Annonciation sont réunis sous
la voûte d'une chapelle peinte en azur et semée
de lys d'or. On voit poindre ici comme un désir
d'échapper à l'immobilité de la
statuaire et à son cadre rigide : le peintre
rêve d'un vitrail qui serait un tableau, mais
ce n'est encore qu'un vague pressentiment de l'art de
l'avenir. Une autre particularité mérite
d'être notée : la couleur devient plus
riche ; les verriers se sont aperçus que les
vitraux tout en nuances du commencement du siècle,
si charmants à voir de près, perdent un
peu, de loin, leur puissance décorative.»
Sources : 1) Les vitraux
du Centre et des Pays de la Loire, Corpus Vitrearum,
CNRS, 1981 ; 2) La cathédrale de Bourges et ses
vitraux par Jean Verrier, éditions du Chêne,
Paris.
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L'archange Gabriel dans l'Annonciation (1448-1450)
Ancienne chapelle Jacques Cur. |
La Vierge dans l'Annonciation (1448-1450)
Ancienne chapelle Jacques Cur. |
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Le Père céleste dans le tympan de l'Annonciation
(1448-1450)
Ancienne chapelle Jacques Cur. |
«««---
Deux prophètes dans les niches des piliers
Vitrail de l'Annonciation (1448-1450) |
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BAIE 35 - LE VITRAIL DES DOCTEURS DE L'ÉGLISE
(chapelle des Beaucaire), vers 1462 |
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Vitrail des Docteurs de l'Église
Saint Ambroise, saint Jérôme, saint Augustin et
saint Grégoire.
Chapelle des Beaucaire, vers 1462. |
Le
vitrail des Docteurs de l'Église occupe
la fenêtre d'une chapelle latérale nord
fondée par Pierre de Beaucaire, chanoine
de la cathédrale. Daté des années
autour de 1462, il possède toutes les caractéristiques
des vitraux du XVe siècle de Saint-Étienne.
Les quatre docteurs de l'Église sont debout dans
des niches d'architecture, sur des fonds damassés.
Le tympan (non donné ici) illustre la Résurrection
des morts du Jugement dernier. Le vitrail a été
restauré dès 1560. Il est dans l'ensemble
bien conservé. La tête de saint Grégoire
a été refaite.
Source : Les vitraux du
Centre et des Pays de la Loire, Corpus Vitrearum, CNRS,
1981.
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Paysage d'architecture en camaïeu bleu derrière saint
Augustin.
Vitrail des Docteurs de l'Église, vers 1462. |
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Saint Augustin et sa magnifique étole
Vitrail des Docteurs de l'Église, vers 1462. |
L'étole de saint Augustin montre
un très beau travail au jaune d'argent. |
«Saint-Étienne», tableau par François Lafon, 1875. |
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BAIE 37 - LE VITRAIL DES QUATRE ÉVANGÉLISTES
(chapelle Fradet), 1462-1464 |
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Vitrail des quatre évangélistes, 1462-1464
Chapelle Fradet |
Saint Marc (et le lion) avec saint Matthieu (et l'ange)
Vitrail des quatre évangélistes, 1462-1464 |
Noli me tangere (Tympan du vitrail des quatre évangélistes) |
Le vitrail
des quatre évangélistes est situé
dans la chapelle fondée par Pierre Fradet, doyen du
chapitre de la cathédrale, au XVe siècle. Chaque
évangéliste occupe une lancette, son symbole
à ses pieds. Beau tissu damassé en arrière-plan
de la niche d'architecture. Source : Les
vitraux du Centre et des Pays de la Loire, Corpus Vitrearum,
CNRS, 1981.
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BAIE 29 - LA CHAPELLE SAINT-JEAN-BAPTISTE ET
LE VITRAIL DES MAGES, 1467 |
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Peinture murale «Noli me tangere» (vers 1475)
Chapelle Saint-Jean-Baptiste
Un travail récent (années 1990) a permis de découvrir
les magnifiques peintures de cette chapelle, qui étaient recouvertes
d'un badigeon. |
St Jean-Baptiste présente les donateurs Jean et Martin de Breuil
Vitrail des mages, 1467. |
Peinture murale : la Crucifixion
(Vers 1475)
Chapelle Saint-Jean-Baptiste. |
Vitrail des Mages, 1467
Chapelle Saint-Jean-Baptiste (fondée par Jean de Breuil)
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L'Adoration des mages dans le vitrail des Mages, 1467. |
Le roi maure dans le vitrail des Mages, 1467. |
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BAIE 44 - LE VITRAIL DE L'ASSOMPTION DE LA VIERGE
(chapelle Le Roy), 1473-1474 |
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L'Assomption de la Vierge, 1473-1474
Vitrail très restauré. Dans chaque lancette, seule une
tête d'apôtre sur trois est ancienne. |
Trois apôtres dans le vitrail de l'Assomption de la Vierge.
Sur les trois têtes, seule celle de l'apôtre de face est
ancienne. |
Un apôtre dans l'Assomption de la Vierge
(Tête d'origine) |
Un ange en camaïeu jaune
dans le tympan. |
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Le vitrail
de l'Assomption est du XVe siècle. Il se
trouve dans la chapelle fondée en 1472 par Jean
Le Roy, seigneur de Contres. Les douze apôtres sont
groupés trois par trois dans des niches d'architectures.
Le vitrail a été très restauré,
notamment en 1645. Il a subi un nouveau nettoyage en 1916.
Les têtes des apôtres ne sont plus guère
d'origine. Dans chaque lancette, deux sur trois ont été
refaites. Le tympan représente la Vierge entourée
d'anges. Les quatre soubassements représentent quatre
prophètes tenant chacun un phylactère. Le point
le plus intéressant du vitrail est bien caché.
Il s'agit de la Tentation d'Adam et Ève, scène
située dans chacune des quatre têtes de lancette,
mais qu'il faut voir comme un ensemble. Jésus (ou le
Père céleste jeune) observe Adam et Ève
d'un air soupçonneux pour savoir comment ils vont agir
avec l'Arbre de la connaissance qui les sépare. Le
démon s'entoure bien sûr autour de l'Arbre. Les
dais donnant les quatre personnages de cette scène
sont donnés ci-dessous.
Source : Les vitraux du Centre
et des Pays de la Loire, Corpus Vitrearum, CNRS, 1981.
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À DROITE ---»»»
Un prophète tenant un phylactère dans un soubassement
du vitrail de l'Assomption. |
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Le Père céleste (pinacle de la niche 1)
La Tentation d'Adam et Ève. |
Adam (pinacle de la niche 2)
La Tentation d'Adam et Ève. |
L'Arbre de la connaissance (pinacle de la niche 3)
La Tentation d'Adam et Ève. |
Ève (pinacle de la niche 4)
La Tentation d'Adam et Ève. |
La TENTATION D'ADAM
ET ÈVE : Le Père céleste observe
d'un il soupçonneux le comportement d'Adam
et Ève devant l'Arbre de la connaissance où
s'enroule le démon. |
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BAIE 31 - LA VERRIÈRE DE LA VIE DE SAINT
DENIS DE PARIS (chapelle des Bar), 1517-1518 |
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Vitrail de la vie de saint Denis de Paris, 1517-1518 |
Le
vitrail de la vie de saint Denis de Paris
occupe la chapelle des Bar fondée par
Denis de Bar, évêque de Tulle. Le
vitrail est une uvre Renaissance (1517-1518) découpée
en saynètes. Elle illustre la vie du pseudo-Aréopagite
depuis sa conversion (en haut à gauche) jusqu'à
son martyre (en bas à droite). Chaque saynète
est accompagnée d'un libellé descriptif.
Au tympan : le Christ adoré par les anges. Le
vitrail a été partiellement restauré.
Point à noter : toutes les colonnes présentes
dans les panneaux sont ornées de figures de style
Renaissance.
Source : Les vitraux
du Centre et des Pays de la Loire, Corpus Vitrearum,
CNRS, 1981.
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Vitrail de la vie de saint Denis de Paris, 1517-1518.
Détail : un bourreau. |
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BAIE 46 - LE VITRAIL DES MARTYRES DE SAINT LAURENT
ET DE SAINT ÉTIENNE (chapelle Copin), vers 1518 |
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Vitrail des Martyres de saint Laurent et de saint Étienne.
Jean Lescuyer, vers 1518. |
Le
vitrail des martyres de saint Laurent et saint Étienne
se trouve dans la chapelle Copin, fondée par
Pierre Copin, chanoine de la Sainte-Chapelle
à Bourges. Le vitrail est attribué à
Jean Lescuyer (vers l'année 1518).
La vie des deux saints et leurs martyres (qui sont représentés
pour l'un et l'autre comme une suite de quatre scènes)
occupent les deux registres, sans présence de
dais. Les couleurs vives accrochent l'il et donnent
presque à l'ensemble l'aspect d'une bande dessinée
de qualité. Dans le registre du haut, le diacre
Étienne est lapidé ; dans celui de bas,
Laurent, après avoir distribué (sur ordre
de feu l'empereur Philippe) le trésor royal aux
pauvres [cf Légende dorée], est
mis à mort sur le gril devant l'empereur Décius.
On remarquera la cuirasse bleu pâle portée
par un soldat dans l'image de droite (panneau du martyre
de saint Étienne) et celle, tout en jaune, du
soldat ci-dessous. Deux autres belles cuirasses Renaissance
se trouvent dans le vitrail de saint
Julien à l'église Saint-Pierre de
Saint-Julien-du-Sault
dans l'Yonne.
Le vitrail a été restauré, notamment
en 1737 et 1845, nettoyé en 1916. La tête
de saint Étienne mort (4e panneau du 2e registre)
est du XIXe siècle.
Source : Les vitraux
du Centre et des Pays de la Loire,
Corpus Vitrearum, CNRS.
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Le Père céleste
Tête de lancette du vitrail des martyres, 1518. |
Saint Laurent
Tête de lancette du vitrail des martyres, 1518. |
Une passante et deux soldats dont l'un porte une cuirasse Renaissance.
Détail du dernier panneau du martyre de saint Étienne. |
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Deux soldats romains avec cuirasse
et casque de la Renaissance.
Vie et martyre de saint Étienne.
Jean Lescuyer, vers 1518. |
Lapidation de saint Étienne.
Vitrail des Martyres de saint Laurent et de saint Étienne.
Jean Lescuyer, vers 1518.
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Saint Laurent est fouetté et bastonné.
Vitrail des Martyres de saint Laurent et de saint Étienne,
vers 1518. |
Saint Laurent distribue le trésor de l'empereur Philippe aux
pauvres.
Vitrail des Martyres de saint Laurent et de saint Étienne.
Jean Lescuyer, vers 1518. |
La pauvreté
au Moyen Âge et le retournement des valeurs (1/5).
Dans le vitrail ci-contre (daté du début de
la Renaissance), saint Laurent fait l'aumône aux pauvres.
Qui sont ces pauvres? Nous voyons à gauche un homme
estropié avec une béquille (qui simule peut-être
parce sa jambe a l'air d'être repliée au-dessus
de la béquille). Nous voyons une femme (qui doit être
une veuve) avec ses deux jeunes enfants. À l'extrême
droite, une personne tient une espèce de bâton
jaune, sûrement une grande béquille, tandis qu'un
homme en rouge, portant un chapeau, s'en retourne en s'appuyant
sur une canne. Bref, on ne voit pas d'homme valide en train
de mendier. Ce constat mérite des explications.
Au Moyen Âge, le pauvre est celui qui ne peut pas subvenir
à ses besoins par sa force physique. Un serf n'est
pas un pauvre parce qu'il a la sécurité de l'emploi.
Son champ et son travail lui permettent de survivre au sein
d'une communauté rurale encadrée qui assure
un soutien informel à tous. Les religieux le prêchent
: l'aumône est un devoir envers les vieillards, les
estropiés et les victimes des hasards de la vie ; les
biens de l'Église tout comme le superflu des riches
sont la propriété des pauvres. (Voir le vitrail
des uvres de miséricorde et le problème
du riche ingrat à l'église Sainte-Jeanne
d'Arc de Rouen).
Quant aux moines (qui font tous vu de pauvreté),
ils restent attachés à un monastère.
Leur stabilité géographique et leur pauvreté
évangélique dûment choisie les font accepter
par les populations besogneuses.
Cependant le contexte social va changer. L'historien Michel
Mollat, dans un article de la Revue d'histoire de l'Église
de France [cf sources] écrit : «(...) au
cours des XIe et XIIe [siècles], certaines révoltes
de la faim, la prédication de certains ermites, l'attraction
de quelques pèlerinages, surtout la Croisade, avaient
déraciné et jeté sur les chemins des
bandes hétérogènes de «jeunes»
(juvenes) : paysans et bergers en surnombre, cadets
de familles chevaleresques, mêlés à des
criminels en rupture de ban, à de simples amateurs
d'aventures, aux inadaptés de toutes sortes, enfin
à des prostituées.» Tous ces errants sont
très mal vus car l'errance fait peur. L'instabilité
heurte la mentalité médiévale.
À partir du milieu du XIIIe siècle, la migration
des errants des campagnes vers les villes en croissance s'accentue.
«Le pauvre rural était généralement
un personnage méprisé, mais familier, connu
et assisté des siens ; le pauvre urbain devient un
être anonyme, souvent vagabond, sans autre recours que
la communauté d'un destin marginal, partagé
avec ses congénères.» [Michel Mollat].
Cependant, malgré les désordres que ces gens
pouvaient susciter, la mentalité de l'époque
était encore de leur côté. Pour reprendre
les termes de notre historien, on accusait les «évêques
infidèles», les «seigneurs exigeants»,
les «juges iniques» d'avoir aggravé la
misère. La théorie de l'extrême nécessité,
prenant la défense des très pauvres pris sur
le fait de leur larcin, proclamait la communauté des
biens et l'innocence de l'affamé voleur.
Dans le cours du XIIIe siècle, le contexte va empirer.
Arrivent les ordres mendiants (dominicains et franciscains)
qui érigent la mendicité en vertu. Il faut être
nu comme le Christ. Le mariage mystique de François
d'Assise (le Poverello) avec Dame Pauvreté va
créer bien des problèmes en Occident car il
est pris comme modèle. Avec les ordres mendiants et
les sectes hérétiques, la mendicité errante
déferle sur l'Europe occidentale. Les moines gyrovagues
cheminent de village en village, imités par une foule
de gens, pas toujours bien intentionnés. Michel Mollat
note avec lucidité : «Le vrai scandale du Poverello
est d'avoir exalté la pauvreté à l'heure
même où l'ébranlement de la société
préparait la multiplication du nombre des pauvres.»
---»» Suite 2/5
|
|
La pauvreté
au Moyen Âge et le retournement des valeurs (2/5).
---»» Vient le XIVe siècle avec la Peste
noire, la guerre de Cent Ans en France et les Grandes Compagnies.
Dans la seconde moitié de ce siècle, la mendicité
s'accroît en Occident. Les ordres mendiants, multipliant
les pauvres, eux-mêmes augmentés par les calamités
de l'époque, conduisent à des excès.
Et la sensation d'être envahis par les mendiants a dû
devenir insupportable. La position de la société
envers la pauvreté va peu à peu s'inverser.
La pauvreté volontaire des religieux finit par être
blâmée. L'époque était assez dure
comme cela, inutile de rajouter à la liste des vrais
pauvres des moines errants et oisifs. Le changement de mentalité
va d'ailleurs être complet. Dans un premier temps, à
la peur que tous les errants suscitaient s'était ajouté
le mépris. Mais le mépris ne suffit plus. À
la fin du XIVe siècle, la mendicité est regardée
quasiment comme une insulte à la dignité de
la personne humaine, et la pauvreté comme une déchéance.
Même le don spontané est freiné. Mieux
vaut un prêt sans intérêt qu'une aumône
car le prêt encourage et stimule le travail. La société,
de moins en moins rurale, devient plus policée ; l'ordre
social est ressenti comme une nécessité ; les
désordres dus aux pauvres sont jugés inacceptables.
Villes et États veulent contrôler les indigents
et les uvres qui s'occupent d'eux. Michel Mollat précise
: «La législation sur le travail et le paupérisme
naît simultanément en France et en Angleterre
au lendemain de la Peste noire. Les autorités municipales
désignent les administrateurs des hôpitaux, vérifient
leurs comptes et réglementent l'hospitalisation des
mendiants et des vagabonds.» La société
finit par établir une nette distinction entre la charité,
qui est à la source des uvres de miséricorde,
et l'assistance administrative, rendue nécessaire par
l'exigence d'ordre social.
En Angleterre, les premières lois sur les pauvres prises
par Élisabeth Ière, au milieu du XVIe siècle,
instaureront le fouet pour les hommes valides qui refusent
de travailler. Au siècle suivant, Colbert proposera
d'enfermer les indigents pour les mettre au travail. On trouvera
dans ce site, à la page de l'église Saint-Sulpice
à Paris, dans l'uvre de Monsieur de Terssac (XVIIIe
siècle), un exemple de cette glorification du travail
et de la volonté d'y contraindre les pauvres en échange
d'assistance.
Le XVe siècle offre un passionnant exemple de ce double
souci en la personne de Jean Geiler de Kaiserberg.
De ce prélat énergique qui a prêché
à Strasbourg pendant trente-deux ans (de 1478 à
1510), nous possédons un recueil de sermons qui permet
aux historiens de mieux cerner la psychologie de l'époque,
du moins en Alsace, sur ce thème important. Dans un
premier temps, l'historien Francis Rapp, dans son article
pour la Revue d'histoire de l'Église de France,
nous révèle que notre orateur «honore
l'éminente dignité du pauvre», image de
Jésus. Il critique les riches qui attendent, avant
d'aider, de connaître la moralité du solliciteur
(autrement dit, qui veulent savoir ce que le pauvre va faire
de l'aide qu'on lui apporte). Francis Rapp cite un extrait
d'un sermon édifiant de Geiler de Kaiserberg : «Et
s'il était effectivement pêcheur, aurais-tu le
droit de le condamner? Dieu, lui, n'hésite pas à
lui donner sans compter l'air, la lumière et l'eau.
Il te donne la nourriture à toi qui n'es sans doute
pas moins coupable que ce déshérité.»
Ce raisonnement, bien spécieux on en conviendra, trouve
son aboutissement révolutionnaire dans l'encouragement
---»» 3/5 ci-dessous
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Saint Laurent est martyrisé sur un gril.
Vitrail des Martyres de saint Laurent et de saint Étienne.
Jean Lescuyer, vers 1518. |
Saint Étienne discute des Écritures Saintes avec les
gardiens de la Loi.
Vitrail des Martyres de saint Laurent et de saint Étienne.
Jean Lescuyer, vers 1518. |
La pauvreté
au Moyen Âge et le retournement des valeurs (3/5).
---»» que le prélat adresse aux pauvres d'user
de la force pour arracher ce qui leur est dû : «Allez
dans les maisons des riches. Elles regorgent de blé.
Si elles sont fermées, enfoncez les portes à
coups de hache et servez-vous. Marquez le montant de votre
prise sur une taille et, si vous égarez cette dernière,
venez me trouver. Je vous dirai comment vous pourrez vous
justifier.»
Voilà pour le premier visage de Janus. Le second lui
est bien opposé car Geiler ne supporte ni les hypocrites
ni les paresseux. Sa véhémence attaque de front
«ceux qui tendent la main parce qu'ils ont peur du travail»
[Rapp]. Vivre de mendicité comme saint François
ou saint Dominique est réservé à une
élite et ne doit en aucun cas être imité.
Geiler fustige les montreurs de reliques, les marchands de
pardons, les clochards de toutes sortes, les simulateurs d'infirmité
pour apitoyer le passant. Ce sont de mauvais pauvres.
La mendicité acceptable ne peut avoir que deux motifs
: la recherche de la perfection chrétienne ou le dénuement
réel et complet. Et le prélat se fait le défenseur
d'une idée qui est déjà dans l'air du
temps : c'est à l'État de s'occuper des pauvres.
Mieux, c'est son devoir. Autrement dit, ce que le particulier
ne doit pas faire (scruter le pauvre pour savoir ce qu'il
va faire de l'aumône qu'il reçoit), l'État
doit l'officialiser et le généraliser. Disposant
de l'autorité, l'État se doit de contraindre
les paresseux qui mendient à gagner leur vie à
la sueur de leur front. L'aumône doit aller aux malades
et aux vieillards incapables de travailler, pas aux gens valides.
De la sorte, les bénéficiaires de l'aide (qui
deviendra donc publique) ne seront plus des mendiants, mais
des «assistés» (sens bien différent
de celui qu'il possède aujourd'hui). Autre avantage
: l'aide sera bien répartie, contrairement aux aumônes
«aveugles». Et la caisse d'assistance sera alimentée
par les dons des riches. Dans un mémoire qu'il adresse
vers 1501 aux autorités de Strasbourg, Geiler propose
de partager la ville en six ou sept secteurs. Dans chacun
d'entre eux, un homme désigné (et qui en viendrait
vite à connaître le quartier), serait chargé
de repérer les faux mendiants. Francis Rapp fait remarquer
qu'il n'y a plus aucune trace de spiritualité dans
ce programme social.
Après 1460, la ville de Strasbourg prit effectivement
de sévères mesures contre les indigents : seuls
ceux qui étaient incapables de gagner leur vie eurent
le droit de mendier ; ceux qui venaient du «plat pays»
ne devaient pas rester dans la ville plus de trois jours.
Des sergents de ville pouvaient perquisitionner au domicile
des mendiants suspectés de fraude. Au début
du XVIe siècle, les mesures s'aggravèrent :
le délai de trois jours fut réduit à
un seul et les citadins qui avaient reçu le droit de
mendier durent porter un insigne.
---»» Suite 4/5 ci-dessous
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La pauvreté
au Moyen Âge et le retournement des valeurs (4/5).
---»» Depuis les origines, lutte contre
la paresse et recherche de ceux qui mendient indûment
ont fait partie intégrante des valeurs chrétiennes.
Tout part de l'apôtre Paul et de sa Première
épitre à Timothée. Se soucier des autres,
c'est avant tout prendre soin de ses proches. Pour Paul, l'altruisme
commence au sein de sa famille. Notons en passant la thèse
séduisante du sociologue américain Rodney Stark,
dans son ouvrage L'Essor du christianisme (Excelsis,
2013) : ce souci des malades au sein du cercle familial, contraire
à la mentalité romaine, a favorisé l'expansion
de la religion nouvelle lors des pestes qui ravagèrent
l'Empire romain aux IIe et IIIe siècles. Sans vraiment
en comprendre les raisons, des auteurs chrétiens des
premiers siècles (Denys, Eusèbe de Césarée)
ont d'ailleurs reconnu que ces épidémies mortelles
avaient servi la cause du christianisme.
En matière de mendicité, la pensée chrétienne
s'appuie sur le duo don et contre-don. Donner est le
devoir du riche, mais il oblige celui qui reçoit. Dans
son ouvrage Les Marchands et le Temple (Albin Michel,
2017), le médiéviste italien Giacomo Todeschini
analyse cette relation en profondeur L'un des premiers textes
du christianisme primitif, le Didaché, écrit
vers la fin du Ier siècle, affirme déjà
les obligations de celui qui reçoit. Le riche donne,
soit, mais le pauvre a le devoir d'être reconnaissant
et de restituer ce qu'il a perçu à tort. «Malheur
à celui qui reçoit : si quelqu'un reçoit
parce qu'il a besoin, il sera sans reproche, lit-on dans ce
texte. Mais, s'il n'a pas besoin, il devra dire pourquoi il
a reçu et dans quel but. Jeté en prison, il
sera examiné sur ce qu'il a fait et il ne sera pas
relâché jusqu'à ce qu'il ait restitué
le dernier quadrant.».
La notion paulinienne d'obligation de prendre soin de ses
proches est à considérer comme la racine même
de la fidelitas, c'est-à-dire l'appartenance
au cercle des élus. Cette notion va s'élargir
au fil des siècles, être théorisée
et englobée dans une vision socio-économique
des rapports humains. Pour faire court : vivre sa foi chrétienne,
c'est produire et convertir. Le mendiant ne produit rien et,
en principe, ne croit plus. En faisant l'aumône, le
riche lui permet de se ressaisir pour croire à nouveau
et produire à son tour. De la sorte, le mendiant pourra
espérer réincorporer la fidelitas, cette
fois prise au sens large. Thomas d'Aquin partira du texte
de Paul et utilisera le don comme fondement et lien de sa
société chrétienne.
Giacomo Todeschini prend l'exemple des Hôtel-Dieu qui
vont se répandre en Europe occidentale à partir
du XIIe siècle, faisant affluer les dons. L'étude
des discours de l'époque sur la mendicité conduit
l'historien à écrire à ce sujet : «(...)
le don fait à l'hôpital s'inscrivait dans une
conception présentant la marginalité sociale
et économique comme perte à réparer.»
Autrement dit, mendier est l'expression d'une fissure dans
l'organisation sociale chrétienne, une fissure qu'il
appartient aux riches de combler. En recevant un pécule,
le mendiant doit rendre à son tour, par la foi et par
le produit de son futur travail, faisant ainsi disparaître
la fissure. Aux XIIe-XIVe siècles, la charité,
écrit l'historien, se conçoit comme «une
générosité productrice d'obligations
internes à la sphère du bien public».
Todeschini explicite clairement les obligations du pauvre
: avoir un métier pour être utile à la
société, se guérir des maux physiques
et spirituels qui peuvent l'en empêcher ; bref se convertir
«à une chrétienté effective, à
la fois religieuse et sociale mais aussi spécifiquement
économique.»
Au IXe siècle, bien avant Jean Geiler de Kaiserberg,
le moine de l'abbaye de Lobbes en Belgique, Rathier de
Vérone, qui fut aussi évêque de Vérone,
s'était élevé contre les pauvres oisifs,
que leur pauvreté avait rendus arrogants. Il les opposait
aux riches pieux qui utilisaient leurs richesses pour faire
le bien. Rathier, en se proposant d'examiner les capacités
des pauvres, réfléchissait déjà
à des stratégies d'insertion. Todeschini cite
quelques extraits de cet auteur du IXe siècle. Ainsi,
quand il s'adresse aux pauvres : « Gare à toi
donc si, abruti par la paresse, tu profites du labeur d'autrui
alors que tu peux vivre de ton travail» ; si le pauvre
est malade et se plaint : «Prie plutôt pour ceux
aux dépends desquels tu vis» ; si le pauvre est
en bonne santé, mais a de nombreux enfants : «Pratique
la continence si tu le peux (...) en accord avec ton épouse,
et mets-toi au travail pour subvenir à tes besoins
et à ceux des autres» ; si le pauvre n'est pas
capable de travailler : «Pleure donc pour ce vice car
c'est un malheur grave: demande en aumône ce qui te
suffit pour vivre et garde-toi d'accumuler ce qui ne te sert
pas» ; si le pauvre est en bonne santé : «offre
ton soutien aux autres: visite les infirmes, enterre les morts
et partage avec ton prochain cette bénédiction
que Dieu t'a accordée (...)».
En résumé, au-delà du don, de la foi,
de la conversion, au-delà de la générosité
productrice, la philosophie du christianisme universel se
résume en un principe simple : s'appliquer à
faire quelque chose pour les autres ; utiliser la liberté
donnée par Dieu pour que chacun apporte son écot
à l'édification de la fidelitas, c'est-à-dire
de la société chrétienne,.
Le concept de caritas (charité) représente
stricto sensu l'amour civique exprimé par les
membres de la communauté, un amour qui les porte au
souci administratif de bien gérer l'argent en circulation.
Au sens chrétien, la caritas, ce n'est pas faire
l'aumône. La caritas, c'est faire quelque chose
pour les autres, ce qui inclut l'aumône évidemment,
mais avec l'obligation du contre-don pour celui qui
reçoit. Ce qui signifie que celui qui donne a un droit
de regard sur ce qui est fait de son aumône. La notion
de don et de contre-don s'intègre dans
un englobant socio-économique de générosité
créatrice où chacun doit faire quelque chose
pour l'autre. Même les soldats qui revenaient manchots
de la guerre pouvaient se rendre utiles dans l'armée,
souvent en tant que simple garde, comme en témoigne
le protestant Jean Marteilhe dans ses Mémoires d'un
galérien du Roi-Soleil (Mercure de France, 2021).
Avoir bonne conscience parce qu'on a donné une pièce
à un mendiant - et s'en tenir là - ne correspond
nullement à la pensée des Pères de l'Église.
---»» Suite 5/5
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Arrière-plan d'un panneau du Martyre de saint Laurent.
Vitrail des Martyres de saint Laurent et de saint Étienne.
Jean Lescuyer, vers 1518. |
Saint Laurent distribue le trésor de l'empereur Philippe
aux pauvres, détail.
Vitrail des Martyres de saint Laurent et de saint Étienne.
Jean Lescuyer, vers 1518. |
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Saint Laurent devant les dames riches de la cour de Rome.
Vitrail des Martyres de saint Laurent et de saint Étienne.
Jean Lescuyer, vers 1518. |
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La
pauvreté au Moyen Âge et le retournement
des valeurs (5/5).
---»» Faire quelque chose pour les
autres, c'est uvrer, dans la foi, à l'édification
de la société chrétienne. Le catholicisme
prône ainsi la justification par les uvres.
De la sorte, on peut imaginer qu'un croyant, après
sa mort, arrive dans l'Au-delà et s'entende poser
la question qui résume en fait toute sa vie :
«Qu'as-tu fait pour les autres ?» La
question a le mérite de la clarté. Quant
à l'analyse des uvres réalisées,
elle est aisée à faire.
À l'opposé, le protestantisme a mis en
avant la justification par la foi. Ce qui n'empêchait
pas Calvin, notons-le, de penser que la foi a pour conséquence
les (bonnes) uvres. Mais «avoir la foi»
pose le problème de la définition. Croire
en quoi exactement ? À l'existence de Dieu,
entité omnisciente et omnipotente ? Aux
anges ? Au paradis ? À l'enfer ?
Des philosophes protestants se sont d'ailleurs livrés
à d'amusantes digressions sur ce sujet. Au XIXe
siècle, le Danois Sren Kierkegaard (1813-1855)
s'y est essayé dans son essai Coupable ? Non
coupable ?
Rappelons rapidement les faits : en 1845, Kierkegaard
vient de rompre ses fiançailles avec Régine
Olsen, cassant ainsi un amour partagé ; son motif
caché est d'ôter toute barrière
à sa mélancolie afin de se livrer au plaisir
suprême qu'est pour lui la méditation philosophique.
Torturé par les affres du doute, de la culpabilité
possible, du malheur où il a peut-être
plongé sa fiancée, il s'imagine jeté
dans l'absurde et n'avoir, lui le protestant, la foi
qu'à un certain degré. Il écrit
: «Qu'on introduise en pensée l'éternité
dans une telle confusion, qu'on imagine un tel homme
au jour du jugement suprême, et qu'on écoute
la voix de Dieu : "As-tu eu la foi ?"
qu'on écoute la réponse : "La foi
est l'immédiat ; il ne faut pas s'arrêter
à l'immédiat, on le faisait au moyen âge,
mais depuis Hegel on va plus loin, toutefois, on avoue
que la foi est l'immédiat et que l'immédiat
existe, mais on attend une nouvelle étude."»
Si l'oisiveté et la mendicité frauduleuse
sont regardées par le christianisme authentique
comme des perversions à pourchasser, il faut
tirer le constat, depuis le début du XXe siècle,
de l'oubli total par les chrétiens du principe
du don et du contre-don. Autrement dit,
le principe de charité chrétienne
est maintenant totalement dévoyé. À
croire que les Églises sont fières de
se livrer à une aide débridée,
sans doute pour ne pas se sentir débordées
par l'aide sociale mise en place par les gouvernements.
À la naïveté pseudo-chrétienne
qui s'exclame : «Il a faim ! Il gémit !
Nourrissons-le !» répond le doigt
autoritaire de Rathier de Vérone et des Pères
de l'Église pointé sur le mendiant : «Que
fais-tu pour les autres ? Comment uses-tu de ta
liberté ?» Et ces questions tombent,
tel un couperet, contre toutes les lâchetés,
toutes les naïvetés.
Sources : 1)
La notion de pauvreté au Moyen Âge :
position de problèmes de Michel Mollat ;
2) L'Église et les pauvres à la fin
du Moyen Âge : l'exemple de Geiler de Kaiserberg
de Francis Rapp. Les deux articles se trouvent dans
la Revue d'histoire de l'Église de France,
Tome 52, n°149, 1966 ; 3) Les Marchands et le Temple
de Giocomo Todeschini, éditions Albin Michel,
2017 ; 4) Étapes sur le chemin de la vie
de Sren Kierkegaard, éditions Gallimard,
1979.
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«««---
Dans sa prison, saint Laurent baptise le soldat Romain.
Vitrail des Martyres de saint Laurent et de saint Étienne.
Jean Lescuyer, vers 1518. |
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BAIE 32 - LE VITRAIL DES TULLIER (chapelle Tullier),
1532 |
|
Présentation à la Vierge et à l'Enfant
de la famille Tullier.
Vitrail des Tullier, le chef d'uvre de Jean Lescuyer,
1532. |
--»»
Le vitrail de la chapelle des Tullier (2/2).
À propos de Pierre Lescuyer, Émile Mâle
écrit [cité par Jean Verrier] : «Son
chef d'uvre est à la cathédrale,
c'est le fameux vitrail des Tullier (1534). Aucun vitrail
en France n'est supérieur à celui-là
; tout y est admirable : la noblesse des saints, l'élégance
aristocratique de la Vierge, parente des Vierges de
Raphaël, la bonhomie toute française des
donateurs, la beauté des dais d'architecture
traités dans le style de la première Renaissance
et enfin ce profond ciel bleu où volent d'adorables
anges.» De même Jean Lafond, grand spécialiste
du vitrail, s'est montré très élogieux
à l'égard de l'uvre de cet artiste.
Sources : 1) Les vitraux du
Centre et des Pays de la Loire, Corpus Vitrearum,
CNRS, 1981 ; 2) La cathédrale de Bourges et
ses vitraux par Jean Verrier, éditions du
Chêne, Paris.
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Le
vitrail de la chapelle des Tullier est une
uvre admirable, appelée vitrail des
Tullier, sur laquelle les spécialistes ne
tarissent pas d'éloges. La chapelle en elle-même
a été fondée en 1531-1532 par Pierre
Tullier, doyen du chapitre.
Le vitrail est l'uvre de Jean Lescuyer
qui vécut à Bourges de 1480 à 1556
et voyagea en Italie. On y voit les membres de la famille
Tullier être présentés à
la Vierge et à l'Enfant. La Vierge, l'Enfant
et le petit Jean-Baptiste, dans une attitude très
raphaëlienne, occupent la première lancette.
Dans la deuxième, les parents du donateur sont
présentés par saint Pierre. Dans la troisième
lancette, leurs enfants Jehan, François et Pierre
(le donateur) sont présentés par saint
Jean l'évangéliste. Dans la dernière
lancette enfin, saint Jacques le Majeur présentent
quatre chanoines. Notons le paysage architectural d'arrière-plan.
Bien qu'étalé dans quatre lancettes disjointes,
il semble parfaitement continu.
Le tympan est magnifique : les anges dansent dans une
vrai sarabande, entraînés par des anges
musiciens, le tout sur un remarquable fond bleu. Au
sommet, Dieu le Père bénissant.
Pour le Corpus Vitrearum, le vitrail est assez
bien conservé. On note la présence de
quelques têtes modernes pour les chanoines de
droite (lancette de droite).
Ce qui frappe dans ce vitrail, c'est une composition
qui semble faire le lien entre le style du vitrail du
XVe siècle, avec quatre niches séparées
(comme l'Assomption
de la Vierge ou les Docteurs
de l'Église vus plus haut), et le nouveau
principe décoratif mis en application par les
peintres verriers du XVIe siècle, à savoir
l'assemblage d'une scène entière sur quatre
lancettes (voir l'Assomption
de la Vierge par Pinaigrier). Comme si l'évolution
des thèmes artistiques s'était faite par
étapes avec une étape instituant un mélange
des deux genres. On remarquera la dissymétrie
des dais Renaissance, ceux de l'extérieur sont
plus massifs que les deux de l'intérieur. --»»
Suite 2/2
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Saint Jacques le Majeur et quatre chanoines
Vitrail des Tullier, Jean Lescuyer, 1532.
Les têtes des chanoines sur la droite sont modernes. |
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Les quatre lancettes du vitrail des Tullier (Jean Lescuyer, 1532)
:
Présentation à la Vierge et à l'Enfant de la
famille Tullier par saint Pierre, saint Jean et saint Jacques le Majeur.
Dans les soubassements, les cartouches avec les inscriptions ont été
refaits. |
La Vierge et l'Enfant dans une attitude
qui rappelle les tableaux de Raphaël.
Vitrail des Tullier, 1532. |
La sarabande des anges dans le tympan du vitrail des Tullier |
Un dais Renaissance, vitrail des Tullier, 1532. |
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Saint Jean l'évangéliste devant un paysage d'architecture.
Vitrail des Tullier, 1532. |
Les anges musiciens au centre du tympan.
Vitrail des Tullier, 1532. |
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Saint Pierre présente les parents du donateur.
Vitrail des Tullier, 1532. |
Détail d'un dais Renaissance
Vitrail des Tullier, 1532. |
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BAIE 39 - LE VITRAIL DE L'ASSOMPTION (chapelle
des Fonts baptismaux), 1619 |
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Baie 39, vitrail de l'Assomption de la Vierge, 1619
Chapelle des Fonts baptismaux |
Baie 39, détail : François de la Grange,
maréchal de Montigny
Vitrail de l'Assomption de la Vierge, 1619. |
Baie 39, détail : beau damassé à
thème floral sur les vêtements
de saint Pierre et de saint Paul.
(Ce sont les vêtements les plus travaillés du vitrail.
On peut donc penser qu'ils
sont portés par les deux principaux apôtres.) |
|
Le
vitrail de l'Assomption est situé
dans la chapelle des Fonts baptismaux. Cette
chapelle a été reconstruite par François
de la Grange, maréchal de Montigny (1617)
dont la ressemblance avec Henri IV est frappante. Le
vitrail de l'Assomption, offert par sa veuve, est le
plus récent de la cathédrale (hormis bien
sûr ceux du XIXe siècle). Il date de 1619
(millésime inscrit sur le tombeau, une époque
où les peintres verriers utilisaient les émaux
et avaient à cur de créer de grandes
scènes à cheval sur plusieurs lancettes.
La scène des apôtres interloqués
par le tombeau vide est inspirée du peintre maniériste
italien du XVIe siècle, Taddeo Zuccaro.
Le tympan représente la Vierge honorée
par les anges. La tête de la Vierge et de l'ange
à droite ont été refaites au XIXe
ou au XXe siècle. Le vitrail a été
réalisé par le peintre verrier Louis
Pinaigrier.
Voir un vitrail-tableau assez semblable de l'atelier
Claudius Lavergne (XIXe siècle) à l'église
Notre-Dame
de Combourg.
Sources : 1) Les vitraux
du Centre et des Pays de la Loire, Corpus Vitrearum,
CNRS, 1981 ; 2) Un chef d'uvre gothique, la
cathédrale de Bourges de Jean-Yves Ribault,
éditions Anthèse, 1995.
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Baie 39, Les apôtres interloqués par le
tombeau de la Vierge où ils ne trouvent plus que des
fleurs.
Scène inspirée du peintre italien du XVIe siècle
Taddeo Zuccaro.
Vitrail de l'Assomption de la Vierge, 1619. |
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Baie 39, détail : Chérubin honorant la
Vierge, 1619.
Tympan du vitrail de l'Assomption de la Vierge.
«««---
Baie 39, détail :
un ange honorant la Vierge, 1619
Tympan du vitrail de l'Assomption de la Vierge. |
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Baie 39, détail : saint Jean et deux autres apôtres
devant le tombeau de la Vierge, 1619.
Vitrail de l'Assomption de la Vierge. |
Vitrail
de l'Assomption de la Vierge, 1619. Les beaux
damassés ocre et bleu des vêtements des
deux apôtres, sur la gauche, ont été
obtenus par le travail à l'émail. En effet,
vers la fin du XVIe siècle, le progrès
dans la technique des vitraux marqua une étape
importante : l'emploi des émaux permit de reproduire,
sur un même morceau de verre, l'ornementation
d'étoffes brochées de plusieurs couleurs.
Voir l'encadré sur l'émaillerie
sur le verre et l'atelier troyen de Linard Gontier
à l'église Saint-Martin-es-Vignes à
Troyes.
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LE CHUR, LE DÉAMBULATOIRE ET LES
GRANDES VERRIÈRES DU XIIIe SIÈCLE |
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Vue d'ensemble du chur de la cathédrale Saint-Étienne.
Les grandes arcades de 19 mètres de haut (qui prolongent la
nef sans discontinuité) donnent l'impression que le chur
est happé vers le ciel. |
«Jésus mis en croix»
Copie ancienne d'un tableau de Jean-Baptiste de Champaigne. |
La cathèdre de l'évêque
dans le chur. |
Verrière du Jugement dernier, détail : les élus sont séparés
des damnés. |
Un peu perdu au milieu des piliers, le chur de la cathédrale
étale sa sobriété. |
L'entrée du double déambulatoire vu du côté
sud.
Le double déambulatoire prolonge les collatéraux
de la nef (voir plan
plus haut). |
Les
grandes verrières du déambulatoire.
Elles font la réputation de la cathédrale
Saint-Étienne. Datées des années
1210-1215 et sans aucun doute issues de trois ateliers
de peintres verriers, il faut les scinder en deux parties
: les vitraux des murs plats et ceux des chapelles rayonnantes.
Ceux des murs plats rapportent l'histoire de l'Ancien
et du Nouveau Testament ; ceux des chapelles illustrent
la vie de saints et de saintes. Leur style se rapproche
fortement de celui des vitraux de Chartres,
dont ils sont contemporains. Pour les historiens, l'iconographie
porte la marque de Guillaume de Donjon, archevêque
de Bourges,
successeur d'Henri de Sully, et mort en 1209. Ce moine
cistercien, fidèle de saint Bernard, était
un grand défenseur de l'instruction du peuple.
À Guillaume de Donjon, il faut joindre un juif
converti et zélé, Guillaume de Bourges,
qui n'eut de cesse de prouver à ses anciens coreligionnaires
que Jésus était le Messie qu'ils attendaient.
C'est dans le déambulatoire que Guillaume de
Donjon fit déposer des reliques de saint Étienne,
entraînant par-là une vague de pèlerinages.
Le déambulatoire propose 25 verrières
de 6 mètres de haut chacune : 10 sur les murs
plats, 15 dans les chapelles rayonnantes. Notons que
les trois vitraux de la chapelle
axiale, dite «Notre-Dame-la-Blanche»
sont du XVIe siècle. Ils illustrent des épisodes
de la vie de Marie et remplacent les vitraux initiaux
du XIIIe qui traitaient vraisemblablement des mêmes
thèmes.
Sources : 1) Les Grands
vitraux de Bourges d'Hervé Benoît,
© Centre Saint-Jean de la Croix, 2001 ; 2) Les
vitraux du Centre et des Pays de la Loire, Corpus
Vitrearum, CNRS, 1981.
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Le réveil des morts au son de la trompette des anges.
Verrière du Jugement dernier, détail. |
Le Léviathan (l'entrée de l'enfer) avale
les damnés.
Verrière du Jugement dernier, détail (vers 1210-12015). |
Le
vitrail du Jugement dernier est daté
des années 1210-1215. C'est une uvre
de 6 mètres de haut constituée de
quadrilobes sur fond de mosaïques. On en
donne ici quelques extraits parmi les thèmes
traditionnels (Résurrection des morts,
Pèsement des âmes, Séparation
des élus et des damnés, Léviathan).
Le vitrail a été restauré
par Coffetier après 1853. Il a été
à nouveau déposé pour restauration
en 1976.
Source : Corpus
Vitrearum.
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L'archange saint Michel pèse les âmes.
Verrière du Jugement dernier, détail (vers 1210-12015).
Un diablotin vert essaie de faire pencher la balance du côté
du diable. |
Verrière de Lazare et du mauvais riche
Vers 1210-1215. |
Verrière de l'Invention des reliques de saint Étienne
Vers 1210-1215. |
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Le déambulatoire du côté nord
On voit ici les deux niveaux de l'élévation.
Un triforium bas, quasi identique à celui de la nef (il
manque seulement
les trèfles sous l'arcade), surmonte le déambulatoire. |
Un ange emmène les élus vers Abraham, un démon
emmène les damnés vers le Léviathan.
Verrière du Jugement dernier, détail (vers 1210-12015). |
Une chapelle rayonnante dans le déambulatoire.
Les chapelles rayonnantes de la cathédrale Saint-Étienne
sont remarquables
par leurs vitraux, en aucun cas, par leur mobilier (!) |
Verrière du Bon Samaritain, vers 1210-1215.
Au centre : un prêtre et un lévite passent sans
secourir
l'homme qui vient d'être attaqué par des brigands.
Dans les quarts de cercle, histoire de Moïse. |
Verrière de l'Invention des reliques de Saint-Étienne,
vers 1210-1215.
Les reliques sont découvertes en présence
de l'évêque Jean de Jérusalem et du peuple. |
Verrière de la Passion, vers 1210-1215
L'Entrée du Christ à Jérusalem.
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Verrière de la Légende de saint Thomas, XIIIe siècle.
Le roi de l'Inde, Gondoforus, et son peuple sont assemblés
pour un banquet de noces. |
Étienne
Thevenot ou l'histoire d'un jugement faussé (2/3).
--»» comme les bourreaux ou
empereurs étaient représentés de
telle manière au XIIIe siècle» [Boulanger].
Il fit figurer saint Sixte (pape du début de
notre ère) avec une tiare, coiffe créée
au XIIe siècle.
L'administration demanda un rapport à Adolphe
Didron, qui n'appréciait pas Thevenot. Et pourtant
le rapport fut très positif. La seule critique
notable concernait les nuances de couleurs dans les
verres utilisés pour remplacer les bouche-trous.
Leur ton était jugé criard. Thevenot n'avait
pas utilisé de patine. Au sein d'un panneau XIIIe
siècle, le verre agissait donc souvent comme
une source de lumière crue. Est-ce là
l'origine des «critiques mal fondées»
que rappelle le rapport de l'abbé Crosnier cité
plus haut ?
Thevenot aurait aimé être désigné
pour la suite de la restauration. Malheureusement pour
lui, ses devis étaient très élevés,
d'autant plus qu'il exigeait que les verrières
les plus abîmées soient transportées
jusqu'à son atelier de Clermont-Ferrand. Pour
Karine Boulanger, c'est clairement le prix qui poussa
l'Administration à faire un autre choix pour
assurer la suite de restaurations jugées urgentes.
Le peintre cartonnier Louis Steinheil fut désigné.
Il s'associa avec le verrier Nicolas Coffetier. Nos
deux compères ne vont pas y aller de main morte
: ils vont faire quasiment l'inverse du travail de Thevenot.
Sur la re-création des panneaux manquants, ils
seront plus affûtés, quoiqu'ils reprirent
eux aussi leurs propres compositions contemporaines.
En revanche, ils n'eurent aucun respect pour les panneaux
anciens. Quand Thevenot remplaçait le minimum,
eux simplifièrent tous les réseaux de
plombs de casse - pour accroître la lisibilité
du vitrail - en remplaçant à qui mieux
mieux les scènes anciennes jugées illisibles
ou trop obscurcies. Les couleurs reçurent néanmoins
une patine pour ne pas jurer avec le reste. Aujourd'hui,
ce procédé serait totalement condamné,
mais il l'était déjà à l'époque
! Karine Boulanger rappelle que «ces principes
de restauration, c'est-à-dire le remplacement
de très nombreuses pièces anciennes simplement
affligées d'un plomb de casse, étaient
discutables et même inadmissibles en principe
---»» Suite 3/3 ci-dessous
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Étienne
Thevenot ou l'histoire d'un jugement faussé (3/3).
---»» dans les années 1850, car les
directives concernant la restauration de verrières
anciennes insistaient sur la nécessité
de préserver les fragments anciens.» Thevenot
a en fait respecté les directives officielles.
Steinheil, comme d'ailleurs Lobin à Tours,
suivait plutôt l'air du temps (souvent avec la
bénédiction des chanoines) : restituer
une lisibilité maximale aux vitraux et qu'importe
l'uvre du passé ! Sur ce point, l'Administration
se montrait très tolérante. Ce qui comptait
à ses yeux, c'était la qualité
des panneaux manquants recréés de toutes
pièces. Depuis notre XXIe siècle, il faut
donc convenir que Thevenot a réalisé une
uvre de précurseur.
Vint l'heure de la calomnie. Le contrat de Louis Steinheil
à Bourges
revint à son fils Adolphe dans les années
1880. En 1888-1889 fut publié un second rapport
Didron (1867), sur l'initiative de l'architecte
Roger, retiré des affaires. Ce rapport, prétendument
oublié dans un tiroir de l'administration, reprenait
les grandes lignes du premier rapport Didron, mais cette
fois-ci changeait l'éloge en critiques violentes.
Pour Karine Boulanger, ce document est un faux, construit
pour défendre le travail des nouveaux restaurateurs
de la cathédrale au sein desquels on trouvait
le fils Steinheil (son père était un ancien
protégé de Didron). Elle écrit
: «Le rapport plutôt élogieux est
devenu un violent réquisitoire, dénigrant
le travail de Thévenot pour mieux encenser ensuite
celui des nouveaux restaurateurs Louis puis Adolphe
Steinheil, Nicolas Coffetier et Charles Leprévost,
en laissant entendre que Thévenot ne fut pas
réengagé en raison de son travail médiocre.»
Pis ! le second rapport se paie le luxe de critiquer
Étienne Thevenot pour son travail sur les nouveaux
panneaux des verrières... où il n'est
jamais intervenu ! En l'occurrence, ceux de la chapelle
Saint-Étienne et ceux des verrières hautes
du chur. Comme souvent, la calomnie porta. Ce
«second» rapport éclipsa le premier
et devint la référence de bien des historiens
de l'art au XXe siècle (y compris ceux du Corpus
Vitrearum). La calomnie ne s'arrêta pas là
puisque Karine Boulanger précise que Thevenot
a été longtemps accusé d'être
«un médiocre restaurateur auquel on croyait
pouvoir attribuer un remplacement abusif de verres anciens
[alors qu'il a fait tout le contraire !], mais aussi
des essais chimiques sur des vitraux aussi prestigieux
que ceux de Bourges
[nous n'en avons aucune preuve]». Ce qui revient
à reprocher au prédécesseur de
Steinheil les erreurs commises par Steinheil lui-même
parce qu'on veut soutenir le fils...
Pour redonner place à la vérité,
citons pour finir un extrait du rapport de l'abbé
Crosnier lors du Congrés archéologique
tenu à Bourges
en 1849. Le 3 octobre, les délégués
font une visite rapide des monuments de la ville et
rentrent dans la cathédrale pour y «juger
des restaurations récentes qui y ont été
exécutées par M. Thévenot, de Clermont.
L'artiste était témoin de cet examen,
il attendait avec confiance le jugement que devait porter
ce jury impartial ; bientôt des félicitations
unanimes le dédommagèrent amplement de
certaines critiques mal fondées, et qui, heureusement,
n'avaient pas ébranlé son courage dans
l'important travail qu'il avait entrepris.»
Sources : 1) Thévenot,
Coffetier, Steinheil, restaurateurs des vitraux de la
cathédrale de Bourges (1845-1858) de Karine
Boulanger in Bulletin Monumental, Tome 161, n°4,
année 2003, pp 325-352 ; 2) Congrès
archéologique de Bourges, 1849, article Promenade
monumentale à Bourges par l'abbé Crosnier.
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Verrière de la Légende de Marie l'Égyptienne, XIIIe siècle,
détail. |
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Le déambulatoire de la cathédrale Saint-Étienne
de Bourges est l'un des endroits les plus féeriques
que l'on puisse trouver dans un monument religieux. |
Le déambulatoire
et les chapelles rayonnantes. Les cinq chapelles
rayonnantes de la cathédrale Saint-Étienne ont
posé des problèmes aux historiens. Sont-elles
indispensables à la structure générale
de l'abside ou ont-elles été prévues
dès l'origine pour disposer d'autels supplémentaires?
Dans son savant ouvrage sur la cathédrale, Jean-Yves
Ribault nous donne une réponse après avoir rappelé
les éléments de l'énigme.
Extérieurement, ces chapelles surprennent, d'autant
plus que, au-dessous du chur, se trouve l'église
basse (appelée improprement «crypte»).
Elles ne sont donc pas construites sur le sol ou la terre,
mais reposent sur les contreforts rectangulaires de l'église
basse et sont apparemment hors uvre. L'il
les perçoit comme des «échauguettes»
[Ribault] sur les tours d'un château fort. Si l'on y
ajoute leur mode de couverture, on ne peut s'empêcher
de penser qu'on est là en face d'un dispositif, bien
sûr difficile à mettre en uvre, mais très
ingénieux. Sur le plan intérieur, force est
de constater que ces chapelles s'insèrent à
la perfection dans le déambulatoire, le dessin de leurs
voûtains rejoignant subtilement les voûtains du
déambulatoire.
Jean-Yves Ribault en conclut que l'existence des chapelles
découle d'une nécessité pratique. «Il
fallait nécessairement des chapelles annexes pour les
messes privées de la cathédrale», écrit-il
en faisant remarquer que le nombre des prébendes canoniales
avait augmenté au XIIe siècle et que les messes
de fondation s'étaient multipliées. Rappelons
que, à cette époque, il n'y a aucune chapelle
latérale dans la cathédrale, tant au nord qu'au
sud, et que, de toutes façons, quand elles seront construites,
celles-ci seront à usage privé. Bref, un édifice
de la taille de Saint-Étienne de Bourges, ayant à
sa tête un archevêque, avec un doyen pour gérer
l'important service liturgique, ne pouvait pas se contenter
d'un unique maître-autel au milieu du sanctuaire. Il
fallait obligatoirement des autels secondaires. Les installer
sur le mur périphérique aurait brisé
l'usage processionnel (et l'aspect très solennel) du
double déambulatoire. Seule la construction de petites
chapelles rayonnantes répondait aux besoins cultuels.
Cette construction était donc incluse dans le programme
initial du Maître de Bourges.
Au niveau de l'esthétique, ces chapelles, assez exiguës,
avec chacune trois grandes verrières de 6 mètres
de haut, s'insèrent parfaitement dans le déambulatoire
et ne brisent en rien son homogénéité
artistique. L'atmosphère de féerie que dégagent
les grandes verrières des murs plats (elles aussi de
6 mètres de haut) en est même renforcée.
C'est un endroit magique à déguster avec délectation.
Ainsi, on peut dire que la cathédrale de Bourges possède
quatre atouts qui la font se classer parmi les plus importantes
de France : ses portails, ses vitraux, son élévation
intérieure «à cinq niveaux» et la
féerie de son déambulatoire.
Source : Un chef d'uvre
gothique, la cathédrale de Bourges
de Jean-Yves Ribault, éditions Anthèse, 1995.
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Verrière de l'Apocalypse, vers 1210-1215.
Le Christ de la Transfiguration :
Au centre, le Christ tient le livre aux sept sceaux et les sept étoiles.
Il est debout devant les sept chandeliers.
En bas, à droite : six apôtres et la Vierge. En face,
saint Paul baptisant.
En haut, les sept anges des Églises adorent le Christ. |
Verrière du Bon Samaritain
Vers 1210-1215. |
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Verrière de la Légende de Marie l'Égyptienne,
vers 1210-1215.
Marie embarque pour Jérusalem. |
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«««---
À GAUCHE
Verrière de la Vie du patriarche Joseph, vers 1210-1215.
Au centre, le songe de Joseph.
Au-dessous, les charpentiers, charrons
et tonneliers qui ont offert le vitrail. |
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Verrière de l'Invention des reliques de Saint-Étienne,
vers 1210-1215.
La sépulture secrète d'Étienne est découverte.
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BAIES 0, 1 et 2 - LES VERRIÈRES RENAISSANCE
DE LA CHAPELLE AXIALE, dernier quart du XVIe siècle |
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Verrière des Épisodes de la vie de la Vierge,
dernier quart du XVIe siècle.
Chapelle axiale dite «Notre-Dame-la-Blanche». |
L'Annonce à Anne et l'annonce à Joachim
(Anne et Joachim sont prévenus chacun par un ange d'aller
à la Porte dorée.)
Verrière des Épisodes de la vie de la Vierge,
dernier quart du XVIe siècle. |
L'Assomption
Verrière des Épisodes de la vie de la Vierge,
dernier quart du XVIe siècle. |
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La Fuite en Égypte
Verrière des Épisodes de la vie de la Vierge,
dernier quart du XVIe siècle. |
La
verrière de la chapelle d'axe est
constituée de trois panneaux datés du
dernier quart du XVIe siècle, qui sont venus
remplacer les vitraux initiaux du XIIIe. Ils illustrent
des scènes de la vie de la Vierge (dont la Rencontre
à la Porte dorée d'Anne et Joachim).
Pour le Corpus Vitrearum, les vitraux initiaux
illustraient vraisemblablement les mêmes thèmes.
Ces trois verrières ont subi de nombreuses restaurations.
Source : Les vitraux
du Centre et des Pays de la Loire, Corpus Vitrearum,
CNRS, 1981.
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La Fuite en Égypte avec, sur la droite, une petite scène
du Massacre des Innocents.
Verrière des Épisodes de la vie de la Vierge,
dernier quart du XVIe siècle. |
La Rencontre à la Porte dorée (panneau très
restauré).
Verrière des Épisodes de la vie de la Vierge,
dernier quart du XVIe siècle. |
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Documentation : «Un chef d'uvre
gothique, la cathédrale de Bourges» de Jean-Yves Ribault,
éditions Anthèse, 1995
+ «La cathédrale de Bourges et ses vitraux»
par Jean Verrier, éditions du Chêne, Paris.
+ «La cathédrale Saint-Étienne de Bourges»,
éditions Ouest-France, texte de Jean-Yves Ribault.
+ «Les Grands vitraux de Bourges» d'Hervé Benoît,
© Centre Saint-Jean de la Croix, 2001
+ «Les plus belles cathédrales de France» par J.J.
Bourassé, Tours, 1880
+ «Les vitraux du Centre et des Pays de la Loire», Corpus
Vitrearum, CNRS, 1981
+ Sessions du Congrès archéologique de France tenues
à Bourges en 1849 et 1898
+ «Dictionnaire des églises de France», ©
éditions Robert Laffont, 1967
+ «La vie de tous les Saints de France», collection dirigée
par M. Ch. Barthélemy, Bureau des annales hagiologiques de
la France, 1860
+ «Vie des saints» par le père Giry, corrigée
& complétée par Paul Guérin, éditions
de 1862. |
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