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On sait peu de choses sur les édifices
qui ont précédé la cathédrale Saint-Étienne.
Le légendaire saint
Ursin aurait établi un sanctuaire, au début de
notre ère, à l'emplacement du monument actuel. Un
autre aurait été construit par saint Pallais. Néanmoins,
une chose est sûre : au VIIe siècle, il existait bien
à Bourges
une cathédrale voisine des remparts. Et l'on a retrouvé
des vestiges d'une cathédrale du XIe siècle. Toujours
est-il que, vers la fin du XIIe, le chapitre veut lancer la construction
d'un nouvel édifice plus vaste que la cathédrale romane
dont il dispose. Celui-ci débordera l'ancien à l'est
et à l'ouest. À l'est, la déclivité
du terrain conduit à bâtir une église
basse (vers 1194-1195) sur laquelle reposera le futur chur.
L'archevêque, Henri de Sully, va donner 500 livres
tournois pour la construction. Après le chur, la nef
suivra, puis la façade occidentale (vers 1250). L'architecte
du chantier est inconnu, mais sa compétence, voire son génie,
sont certains. Il restera dans l'Histoire sous le nom de maître
de Bourges.
L'édifice, sans transept ni cloisonnement, privilégie
l'unité d'ensemble et le volume. Le maître de Bourges
révolutionne l'art de l'élévation : il supprime
les tribunes, implante un circuit d'arcades démesurées
(19 mètres de haut) de l'avant-nef jusqu'à l'abside
et assure l'équilibre de l'ensemble par des arcs-boutants
idoines. On en tire l'impression que l'élévation de
la nef possède cinq niveaux. Cette prouesse technique et
artistique ne sera reprise nulle part ailleurs. La cathédrale
est enfin consacrée le 13 mai 1324. Elle possède déjà
une magnifique galerie de vitraux dans son déambulatoire.
Dans un monument de cette taille (117 mètres de long), les
périls sont permanents : un énorme «pilier butant»
est bâti au XIVe siècle pour contrebuter la tour sud
qui menace de s'écrouler. La tour nord s'écroulera
en 1506 (dégradant les deux portails nord de la façade
ouest). Tout sera reconstruit au début du XVIe siècle
et les maçons laisseront à la postérité
la tour de beurre.
Aux XVe et XVIe siècles, à la suite de donations (dont
celle de Jacques Cur), les chapelles latérales viennent
évider les murs droits au nord et au sud. De beaux vitraux,
dont l'Annonciation
(XVe siècle) et la présentation
des Tullier (XVIe) les illuminent. En 1562 , les huguenots saccagent
les portails. Au XVIIIe siècle, ce sont les chanoines eux-mêmes
qui se chargent des dégradations : démolition du jubé
du XIIIe ; suppression du maître-autel (qui datait de 1526) ;
suppression de dix-huit lancettes des verrières du XIIIe
siècle représentant des saints évêques
de Bourges.
Stalles et tapisseries disparaissent aussi. Le mobilier et l'aspect
intérieur du chur sont mis à la mode. À
son tour, la Révolution va tout saccager. Le mobilier disparaît,
vendu ou volé. La cathédrale devient temple de la
Raison.
Le XIXe siècle fut celui des restaurations. Parfois pas très
heureuses quand elles portent sur des verrières du XIIIe
siècle ou des petites sculptures des portails, elles deviennent
rigoureuses quand elles sont menées par l'architecte Bswillwald
de 1882 à 1890, selon un principe impérieux : refaire
et restaurer le gros uvre tel qu'on le trouve.
La cathédrale Saint-Étienne de Bourges
est un monument incontournable parmi les grands édifices
français. Ceci pour deux merveilles : les portails et les
vitraux (qui offrent un historique de l'art du vitrail du XIIIe
au XVIIe siècle). Incontournable aussi pour la nef et son
élévation, unique au monde. On peut rajouter un quatrième
point qui enchante bien des visiteurs : l'atmosphère de féerie
qui règne dans le déambulatoire grâce aux 25
grandes verrières du XIIIe siècle. Pour les passionnés
d'art sacré, déambuler dans le déambulatoire
de la cathédrale de Bourges
est un incontournable.
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Un édifice de 117 mètres de long et une nef haute de
36 mètres sous clé attend le visiteur
à son entrée dans la cathédrale. Les piliers
de 19 mètres de haut accentuent encore l'élévation. |
La façade occidentale date du début du XIIIe siècle. |
Le «pilier butant» est indispensable pour que la tour
sud
ne s'écroule pas. Sa construction date
de la fin du XIVe siècle ou du début du XVe.
Depuis la tour nord (ou tour de beurre)
jusqu'au pilier butant inclus, la distance est de 73 mètres.
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Les jardins de la cathédrale donne
une très jolie vue sur le chevet.
Les arcs-boutants du chevet ont été
restaurés dans les années 1820. |
Le côté sud de la cathédrale et le portail
sud. |
Dessin du XIXe siècle de la cathédrale de Bourges.
Sur la gauche, la «tour de beurre». À droite,
le «pilier butant». |
La
tour de beurre, bâtie au début
du XVIe siècle (sur la gauche du dessin ci-contre)
doit son nom au financement de sa construction. Celui-ci
a été assuré par les «taxes»
versées par les fidèles pour pouvoir manger
du beurre pendant le carême. Le visiteur peut
monter à son sommet.
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Les cinq portails de la façade occidentale constituent l'une
des merveilles de la cathédrale (avec les vitraux et l'élévation
de la nef).
Les portails du Jugement dernier, de Saint-Étienne et de Saint-Ursin
sont du début du XIIIe siècle (avec restauration de
nombreuses statues au XIXe).
Les portails de la Vierge et de Saint-Guillaume ont été
rebâtis au XVIe siècle après l'écroulement
de la tour nord en 1506. |
LE PORTAIL OCCIDENTAL DU JUGEMENT DERNIER |
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Le tympan du Jugement dernier est une merveille. Il est daté
des années 1240-1250.
On reconnaît, en bas, la Résurrection des morts ; au-dessus,
le Jugement des âmes qui sont séparées en élus
et damnés.
Tout en haut, le Christ-Juge, sur son trône, est entouré
d'anges portant les instruments de la Passion.
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La statue du Sacré Cur
au centre du portail du Jugement dernier
(Sculpteur Caudron, années 1840) |
Le
portail du Jugement dernier (1/2)
(1240-1250) présente un large tympan
à trois niveaux entouré de voussures accueillant
la cour céleste. Cette cour se répartit
dans six rangs de figurines où se succèdent
chérubins et séraphins, anges et archanges,
saints de l'Ancien Testament, et enfin les autres saints
et saintes.
Le tympan propose l'iconographie traditionnelle du Jugement
dernier : la Résurrection des morts, le Pèsement
des âmes et le Christ-roi entouré d'anges.
Les deux premières scènes sont très
vivantes, notamment le Pèsement des âmes
où l'on retrouve l'opposition entre élus
et damnés. Les élus, qui affichent des
mines réjouies, avancent vers Abraham sous la
conduite des anges. Quant aux damnés, ils sont
priés de presser le pas en direction du chaudron
infernal où les diables vont les précipiter.
Il faut regarder ces démons de plus près
(voir photo en gros plan plus bas).
L'abbé Crosnier, secrétaire général
du Congrès archéologique, écrit
dans son rapport de la visite des congressistes à
la cathédrale de Bourges en octobre 1849 : «ne
serait-ce donc pas assez pour nous inspirer l'horreur
du démon de le représenter avec son corps
velu, sa figure contournée et grimaçante,
ses cornes sur la tête et des griffes aux mains
et aux pieds? Non, il faut, dans l'esprit de l'artiste,
que sa malice soit représentée d'une manière
plus frappante encore, et c'est pourquoi il a couvert
d'un épouvantable masque toutes les parties saillantes
de son corps, masque sur les seins, sur le ventre, sur
les genoux ; une longue queue se termine par une tête
de serpent qui presse de ses cruelles morsures ceux
qui, dans le trajet qui sépare le plateau de
la balance de la marmite enflammée, voudraient
ralentir le pas.» --»» Suite 2/2
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La Résurrection des morts dans le linteau du tympan du
Jugement dernier (1ère moitié du XIIIe siècle). |
Après le jugement de l'archange saint Michel, les élus,
qui sont pris en charge par les anges, affichent des mines réjouies.
Tympan du Jugement dernier (1ère moitié du XIIIe
siècle).
On notera la présence d'un franciscain en bas à
gauche : preuve de l'influence de la doctrine de François
d'Assise dès cette époque. |
Scène du pèsement des âmes : les damnés
sont poussés vers l'entrée des enfers par les
diables.
Tympan du Jugement dernier (1ère moitié du XIIIe
siècle).
Le prince des démons attend le verdict de la balance
avec un sourire malicieux. Un crapaud s'accroche
à l'âme d'un élu pour essayer de faire pencher
la balance du côté du mal.
On notera que les parties saillantes des démons sont
couvertes de masques. |
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Les damnés sont mis à bouillir par les démons
dans un chaudron
chauffé par le souffle enflammé du Léviatan.
Dans l'iconographie, la gueule du Léviatan symbolise
l'entrée des enfers. |
Le portail du Jugement dernier
(2/2).
---»» Le portail central, comme d'ailleurs
les autres portails de la façade occidentale,
n'a plus de grandes statues. Le rapport du Congrès
archéologique tenu à Bourges en 1898 nous
apprend que «les grandes statues décapitées
par les protestants en 1562, et jetées dans les
remparts dont elles bouchèrent les brèches,
ont presque toutes disparu.» Les six statues mutilées
qui se tiennent dans les ébrasements du portail
central ne présentent guère d'intérêt.
Bien sûr ce portail ne nous est pas arrivé
intact du Moyen Âge. Deux des voussures furent
restaurées en 1833. Le sculpteur Romagnesi recréa
trente-huit statues de prophètes et de diacres.
Un travail si médiocre que le sculpteur Caudron
fut chargé de tout refaire dans la décennie
suivante. Ce dernier utilisa une technique ingénieuse,
celle du ciment de Vassy. Jean-Yves Ribault, conservateur
en chef du patrimoine, précise dans son ouvrage
cité en source que le ciment de Vassy, dit ciment
romain, est une «matière hybride et plastique,
à base de poudre de pierre et d'huile, qui durcissait
progressivement après moulage et façonnage.
Il suffisait alors de fixer les pièces ainsi
obtenues aux bas-reliefs à l'aide de goujons
de fer et de cuivre.» C'est ainsi que fut restauré
le bas-relief de la Résurrection des morts. Trente
des trente-trois personnages n'avaient pas de tête,
de bras ou de jambes.
Malheureusement, cette espèce de mastic s'écaillait
quelques années après la pose. En 1848,
l'archéologue Didron rédigea un rapport
accablant.
Sources : 1) Un chef
d'uvre gothique, la cathédrale de Bourges
de Jean-Yves Ribault, éditions Anthèse,
1995 ; 2) Sessions du Congrès archéologique
tenues à Bourges en 1849 et 1898.
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Saints et saintes dans les voussures du portail du Jugement
dernier.
Dans les années 1830, une quarantaine de statues
ornant les voussures de ce portail ont été refaites. |
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LE PORTAIL OCCIDENTAL SAINT-ÉTIENNE |
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Vue d'ensemble du portail Saint-Étienne
La statue du saint sur le trumeau date des années 1840
(Sculpteur Caudron). |
La Lapidation de saint Étienne, détail (vers 1230-1235)
Tympan du portail Saint-Étienne. |
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LE PORTAIL OCCIDENTAL SAINT-URSIN |
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Vue d'ensemble du portail Saint-Ursin
(vers 1230-1235, restauré au XIXe) siècle. |
Saint Ursin prêchant devant la population de Bourges.
Détail du tympan du portail Saint-Ursin. |
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Le tympan du portail Saint-Ursin est consacré à
la vie légendaire d'Ursinus (ou Ursin)
(vers 1230-1235). |
Le
portail Saint-Ursin est daté des années
1230-1235. Il illustre quelques épisodes de la
vie d'Ursinus, légendaire apôtre et premier
évêque de la ville de Bourges. Dans le
compartiment du bas à droite, Ursin reçoit
sa mission. Saint Just l'accompagne pour partager ses
travaux. Ursin part, emportant avec lui le sang de saint
Étienne dans un petit coffre. Just meurt avant
d'arriver à Bourges et Ursin se charge de l'ensevelir.
À gauche, il commence sa prédication en
Berry. Dans le compartiment au-dessus, Ursin convertit
Léocade, qui est le souverain du pays, et consacre
à saint Étienne l'église qu'il
a fait élever. Enfin dans le haut du tympan,
il baptise Léocade et son fils Lusor. Source
: Congrès archéologique,
session tenue à Bourges en 1849.
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Au centre, saint Ursin se penche sur le corps de son ami Just
qu'il doit ensevelir.
À droite, Ursin et Just sont en route vers Bourges. Le
coffre que porte Ursin contient le sang de saint Étienne.
Tympan du portail Saint-Ursin (vers 1230-1235). |
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La
vie de saint Ursin (1/3). L'hagiographie
est assez lâche sur le cas saint Ursin.
Selon les sources, son existence est donnée
au 1er, au IIe, voire, dans certaines monographies
de la cathédrale, au IIIe siècle
de notre ère. On rapproche Ursin d'un juif
dénommé Nathanaël, devenu Ursin
par le baptême et disciple du Christ. Dans
l'image de droite tirée du tympan du portail
de Saint-Ursin, on voit Ursin agenouillé
devant un pape portant une clé. Ce n'est
pas saint Pierre, mais saint Clément. Nous
sommes à la fin du premier siècle.
Comme cette version de la vie d'Ursin semble avoir
inspiré les sculpteurs médiévaux,
nous donnons ici un résumé de la
vie de ce prélat légendaire tirée
des annales hagiologiques de la France. Les sources
précisent que cette vie a été
écrite au cinquième siècle
par un auteur anonyme (voir infra).
Ursin était l'un des soixante-douze disciples
de Jésus. Lui et d'autres compagnons furent
envoyés par les apôtres dans les
Gaules pour y répandre l'Évangile.
Secondé par Justus, il prit la direction
de Bourges,
emportant le sang du proto-martyr, Étienne.
Valère partit pour Trèves, Saturnin
pour Toulouse, Trophime pour Arles, Austremoine
pour l'Auvergne, etc. Peu avant d'arriver à
Bourges,
Justus mourut et fut enseveli par Ursin. Le disciple
commença alors sa prédication auprès
des pauvres et des vieillards, puis auprès
des «gens d'une médiocre naissance
et fortune», et enfin auprès des
hommes et des femmes d'un plus haut rang. Quelques
ennemis s'opposèrent à lui, envoyèrent
leurs chiens à sa poursuite, mais Ursin
«semait parmi le peuple une plus abondante
prédication, jusqu'à ce que (...)
une innombrable affluence des peuples accourût
à ses saints enseignements, et, telle que
le cerf altéré à une source
d'eau vive, réclamât de lui le breuvage
de la parole d'en haut et un prompt baptême
dans les fonts sacrés», écrit
notre hagiologue du XIXe siècle, Ch. Barthélemy.
À cette époque, un dénommé
Léocadius commandait en Bourgogne et en
Aquitaine au nom de l'empereur de Rome. Ce gouverneur
était un homme pieux, quoique païen,
et au courant de la nouvelle foi qui se répandait.
Le siège principal de son pouvoir se situait
à Lyon, le second à Bourges.
Là, il avait fait construire une écurie
qu'Ursin put bientôt récupérer,
purifier et transformer en église. Le prédicateur
y plaça le sang du bienheureux Étienne.
Et des miracles se produisirent. Bientôt
Ursin se mit à penser que, pour mieux honorer
cette relique, il fallait une demeure plus digne.
Les nobles qui venaient l'écouter prêcher
lui montrèrent alors le palais de Léocadius.
Demeure idéale en effet, mais comment l'obtenir?
Il faut offrir des présents au prince et
à ses serviteurs, répondirent-ils.
Malheureusement, Ursin, appliquant les principes
de pauvreté, ne possédait rien.
Aussi les nobles et le peuple réunirent-ils
trois cents pièces d'or dans un vase d'argent
qu'ils lui donnèrent en l'engageant à
se rendre à Lyon, où se trouvait
Léocadius. --»
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Le baptême de Léocadius et de Lusor par Ursin
(tympan du portail Saint-Ursin) |
|
Ursin est envoyé en mission dans les Gaules par
saint Clément pape,
qui tient la clé de saint Pierre. Il est accompagné
de Just, derrière lui.
Détail du tympan du portail Saint-Ursin (début
du XIIIe siècle). |
--»»
La vie de saint Ursin (2/3).
Parvenu à Lyon, le prédicateur se
présenta et exposa l'objet de sa démarche.
Trouvant un gouverneur très ouvert à
ces idées nouvelles et offrant son palais
de bonne grâce, Ursin en profita pour prêcher
et l'exhorter à devenir fidèle de
l'Église. Léocadius, plein de bonne
volonté, prit trois pièces d'or
dans le vase, comme «arrhes de bénédiction»
et renvoya Ursin à Bourges
avec son présent.
Revenu dans sa ville, Ursin se mit à la
tâche : le palais du gouverneur fut nettoyé,
puis consacré à saint Étienne.
Les reliques y furent déposés solennellement.
L'ancienne église, qui était issue
des écuries, devint baptistère.
Peu de temps après, le gouverneur vint
à Bourges,
s'entretint avec Ursin et demanda à être
baptisé, ainsi que son fils Lusor. Par
la suite, Léocadius abandonna tous les
biens qu'il possédait à Bourges
et dans ses environs au profit d'Ursin et de l'Église.
Selon notre hagiographe, Dieu avertit Ursin du
jour de sa mort. Ayant laissé à
Sénécien, qui fut donc le deuxième
évêque de Bourges, le charge de continuer
son uvre, il s'éteignit dans la vingt-septième
année de sa prédication. --»»
3/3
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La vie
de saint Ursin (3/3) ---»» C'est une
belle histoire, mais, pour Jean-Yves Ribault, auteur, en 1995,
d'un très docte ouvrage sur la cathédrale Saint-Étienne,
sans doute une invention. Il rapporte que, d'après
Grégoire de Tours,
c'est à la suite d'un songe «que l'on découvrit
dans une nécropole suburbaine le sarcophage miraculeusement
désigné» et qu'on dut y lire la mention
épigraphe d'un défunt nommé Ursinus.
Ensuite l'histoire s'enchaîne. On transforma Ursinus
en saint Ursin. Et Grégoire de Tours,
toujours selon Jean-Yves Ribault, élabora «un
récit fondateur, à l'aide sans doute de souvenirs
de famille». Le gouverneur Léocade, rencontré
plus haut, était en effet l'un de ses ancêtres.
Quant à l'hypothèse (difficilement soutenable,
reconnaissons-le) des disciples envoyés en Gaule dès
la fin du premier siècle, Jean-Yves Ribault rappelle
que, au VIe siècle, l'église de Bourges,
tout comme ses voisines (Toulouse, Arles, Issoire,
etc.), avait besoin de se doter d'une origine antique. Se
savoir rattacher à Rome, c'était consolider
la communauté chrétienne, renforcer sa foi et
légitimer le pouvoir de l'évêque.
En matière d'hagiographie, les choses sont toujours
compliquées. Revenons à la vie de tous les
saints de France éditée en 1860. Dans les
pages sur la vie de saint Ursin, Ch. Barthélemy (qui
rapporte l'histoire énoncée ci-dessus d'après
un auteur anonyme) prend soin d'écrire que Grégoire
de Tours a suivi des Actes, perdus pendant longtemps,
mais heureusement retrouvés en 1848 par un savant,
M. Faillon. Celui-ci les a tirés d'un manuscrit de
l'abbaye de Saint-Germain-en-Laye, conservé à
l'époque (1860) à la bibliothèque royale
de Paris. Faillon prouve d'abord (on ne sait comment) que
l'auteur des Actes de saint Ursin est antérieur
à Grégoire de Tours. Puis il émet l'idée
que cet auteur a vécu à la fin du Ve ou au commencement
du VIe siècle, Grégoire de Tours ayant vécu,
quant à lui, dans la seconde moitié du VIe siècle.
Ch. Barthélemy rapporte cette conclusion de M. Faillon
: «Nous pensons que ces Actes sont un monument
fidèle de l'origine de l'Église de Bourges,
et qu'étant plus anciens que saint Grégoire
de Tours, on doit les préférer à la narration
de cet écrivain, dans les points où il a cru
devoir s'en écarter, comme aussi aux nouvelles légendes
de saint Ursin insérées dans la liturgie de
Bourges.» Ainsi se trouve légitimé le
récit rapporté dans les annales hagiologiques
par Ch. Barthélemy... Il est bon de rappeler ici que,
au XIXe siècle, la réaction catholique et dévote
après les épreuves de la Révolution,
a consisté, pour ce qui est des récits hagiographiques,
à compulser des histoires servant avant tout à
l'édification des fidèles. Cet argument donnait
bonne conscience et, dans les faits, il ouvrit la voie à
pas mal d'affabulations, justifiées comme on pouvait.
Sources : 1) La vie de tous
les Saints de France, collection dirigée par M.
Ch. Barthélemy, Bureau des annales hagiologiques de
la France, 1860 ; 2) Un chef d'uvre gothique : la
cathédrale de Bourges par Jean-Yves Ribault, éditions
Anthèse, 1995.
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Extrait de la cour céleste dans les voussures du portail de
St-Ursin |
LA FRISE D'ARCATURE DANS LES RETOMBÉES
D'OGIVES |
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Illustrations de la Genèse dans les retombées d'ogives du portail
central.
Dans le haut de l'image, on aperçoit la partie basse de cinq
des six statues qui subsistent dans les niches des ébrasements
de la façade occidentale. |
L'Arche de Noé
dans l'histoire de la Genèse (frise de l'arcature
de la façade occidentale, XIIIe siècle, restauré
au XIXe). |
La frise
d'arcature dans les retombées d'ogives. Même
si les huguenots ont copieusement saccagé la façade
en 1562 et fait disparaître la quasi-totalité
des grandes statues, il nous est encore possible d'admirer
la superbe frise d'arcature qui longe les cinq portails de
la façade occidentale, sous les niches contenues dans
les ébrasements. Elle aussi savamment vandalisée
en 1562, cette frise a fait l'objet d'une restauration dans
les années 1840, notamment les scènes de la
Genèse sur le portail central et les deux portails
sud (Saint-Étienne et Saint-Ursin). Sur les deux portails
nord (Vierge et Saint-Guillaume) figurent des scènes
de l'Enfance du Christ et de la vie de Marie, sculptées
lors de la reconstruction de ces deux portails à la
suite de l'écroulement de la tour nord en 1506.
Pour ce qui est de la Genèse (Création du monde,
Adam et Ève, histoire de Noé), les historiens
de l'art restent interloqués par l'absence totale d'ordre
chronologique dans la succession des scènes. On y observe
«des scènes énigmatiques, des lacunes,
des juxtapositions inattendues, et du point de vue matériel
des ruptures de maçonnerie, des raccords hétéroclites,
sans compter les incertitudes dues aux restaurations modernes»,
écrit Jean-Yves Ribault dans son ouvrage consacré
à la cathédrale. Aidé par une étude
de l'historienne Laurence Brugger, celui-ci évoque
la piste d'une source hébraïque dans l'élaboration
des scènes. Argument que Laurence Brugger étaye
par la présence à Bourges
de chrétiens hébraïsants, réunis
autour de Guillaume de Bourges, juif converti par saint Guillaume.
Source : Un chef d'uvre
gothique, la cathédrale de Bourges
par Jean-Yves Ribault, éd. Anthèse, 1995.
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L'Annonciation dans la frise de l'arcature
(Frise de l'arcature de la façade occidentale, début
du XVIe siècle) |
Jésus devant Caïphe
(Frise de l'arcature de la façade occidentale, début
du XVIe siècle) |
Scènes de la vie de Jésus (Jésus au jardin des
Oliviers et autre scène non identifiée)
(Frise de l'arcature de la façade occidentale, début
du XVIe siècle) |
Scènes de la vie de Jésus (Jésus et la samaritaine,
Entrée de Jésus à Jérusalem)
(Frise de l'arcature de la façade occidentale, début
du XVIe siècle) |
LE PORTAIL OCCIDENTAL DE LA VIERGE |
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Vue d'ensemble du portail de la Vierge.
Il a été reconstruit dans les années 1510-1515
après la chute de la tour nord en 1506. |
Les voussures du portail de la Vierge, détail. |
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LE PORTAIL OCCIDENTAL SAINT-GUILLAUME |
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Vue d'ensemble du portail Saint-Guillaume.
Comme le portail de la Vierge, il a été reconstruit
dans les années 1510-1515 après la chute de la
tour nord en 1506. |
Guillaume, chez les Cisterciens de Pontigny,
est aux prises avec les tentations du démon (?) |
La Fuite en Égypte
Bas-relief de la vie de Marie dans les arcatures des portails
nord
Début XVIe siècle. |
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Le tympan du portail Saint-Guillaume illustre des épisodes
de la vie de saint Guillaume, archevêque de Bourges.
Il est l'uvre des sculpteurs du début de la Renaissance,
vers 1510-1515. |
Comme le portail de la Vierge,
le portail de Saint-Guillaume,
très endommagé lors de la chute de la
tour nord en 1506, a été reconstruit dans
les années 1510-1515. L'archivolte est orné
d'anges en prière ou jouant de la musique. Le
tympan illustre la vie de saint Guillaume, archevêque
de Bourges. Il n'est pas évident d'associer les
différentes scènes du tympan à
des épisodes précis de la vie de ce saint.
Si l'on en croit le père Giry, hagiographe bien
connu du XIXe siècle, on peut dire que l'existence
de Guillaume se caractérise par une douceur d'âme,
une tempérance, une recherche du calme et de
la solitude, mêlées à une mortification
permanente. Il fut d'abord moine au monastère
de Grandmont, près de Limoges. En butte à
l'exaspération que suscitait le trop-plein de
ses vertus, il se réfugia ches les Cisterciens
de Pontigny. Peu après, il fut nommé abbé
de Fontaine-Jean (diocèse de Sens),
puis abbé de Châlis (diocèse de
Senlis). Enfin, et à son grand dam, il fut nommé
archevêque de Bourges
en 1200.
Prières, pauvreté, mortifications, refus
de toute violence marquent son épiscopat. Le
Père Giry rapporte aussi quelques miracles (dont
la guérison d'un bras paralysé). Guillaume
refusa aussi l'usage de la violence contre les Albigeois.
Des gens du roi Philippe Auguste prirent cette attitude
pour de la faiblesse et voulurent attenter aux droits
de l'Église. Mais Guillaume leur tint tête
et en acquit l'affection du roi. Guillaume s'éteignit
en janvier 1209. Sur sa tombe se produisirent quelques
miracles.
Source : Vie des saints
par le père Giry, corrigée & complétée
par Paul Guérin, éditions de 1862.
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Détail des voussures du portail Saint-Guillaume. |
Frise d'arcatures dans les ébrasements du portail Saint-Guillaume.
Dans les deux portails de gauche de la façade occidentale
(Vierge et Saint-Guillaume),
la frise illustre des scènes de l'Enfance du Christ et
de la vie de Marie
Début du XVIe siècle. |
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Aspect général du portail méridional. |
Le
portail méridional (1/2). Tout comme
le portail septentrional (non donné ici et très
délabré), il n'est pas contemporain de
ceux de la façade occidentale. En effet, les
sculptures des ébrasements (largement illustrées
ci-contre et ci-dessous) affichent un caractère
roman, qui cependant tend déjà vers le
gothique. L'explication nous en est donnée par
les historiens.
Au tout début du XIIIe siècle, les autorités
décidèrent de remplacer la cathédrale
romane par une cathédrale gothique plus vaste.
Lorsqu'on démolit le chur et les ailes
de l'édifice, les portails romans, qui avaient
été sculptés vers 1160, furent
démontés et non détruits. L'objectif
était déjà de s'en resservir pour
l'ornementation des futurs portails nord et sud de la
nouvelle cathédrale. On en imagine aisément
les raisons : la qualité des uvres, le
coût moindre, le temps gagné. De plus,
les thèmes iconographiques de ces portails (Christ
en majesté au sud et Vierge en majesté
au nord) s'inséraient parfaitement dans la vision
doctrinale voulue par l'évêque et le chapitre.
Suite --»»
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Détail des ornements romans
dans les voussures et les ébrasement du portail sud. |
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Portes, trumeau et tympan du portail méridional. |
Trois personnages couronnés.
Piliers gauches du portail méridional.
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Le linteau du tympan accueille les douze apôtres (vers 1160). |
Le
portail méridional (2/2).
---»» Les deux portails sont
enrichis chacun d'un porche. Le plus élégant
est le portail méridional. Au centre du tympan,
dans une mandorle, le Christ nimbé (c'est-à-dire
avec une auréole) tient le Livre d'une main et
bénit de l'autre. Est-il juge ou docteur? L'abbé
Crosnier, secrétaire général du
Congrès archéologique et auteur du rapport
de la visite des congressistes à Bourges en 1849
pose la question. Il rappelle aussi que cette dernière
représente un grand sujet de débat au
XIIIe siècle. Autour de la mandorle figurent
les quatre symboles du tétramorphe.
Au-dessous, le linteau réunit les douze apôtres.
L'abbé Crosnier signale que c'est là leur
place naturelle. En effet, si le Christ est regardé
comme juge, ils doivent juger avec lui. S'Il est regardé
comme docteur, ils sont en charge de la propagation
de sa divine doctrine. Les sujets sculptés dans
les chapiteaux qui surmontent les colonnes du portail
se rattachent à l'un et à l'autre. Ils
indiquent les efforts du mal contre le bien, la lutte
du vice contre la vertu. On y voit la chute d'Adam,
un griffon et un dragon qui se disputent une petite
âme (au centre de la photo ci-dessous). À
côté, Samson déchire la mâchoire
d'un lion, et un dragon attaque un homme à terre.
L'abbé Crosnier ajoute : «Il est impossible
de ne pas reconnaître ici ce duel terrible entre
le vice et la vertu, qui a commencé avec le monde,
le génie du mal dont J.-C., par sa doctrine,
est venu affaiblir l'empire en attendant qu'à
la fin des siècles il l'enchaîne pour l'éternité.»
À part les scènes historiées, la
décoration montre une abondance de motifs romans
traditionnels : l'aspect géométrique avec
les carrés, les cercles, les triangles combinés
en damiers, etc. ; l'aspect végétal avec
les fleurs et les feuilles stylisés.
Sources : 1) Congrès
archéologique de France, session tenue à
Bourges en 1849 ; 2) Un chef d'uvre gothique
: la cathédrale de Bourges par Jean-Yves
Ribault, éditions Anthèse, 1995.
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Ces magnifiques sculptures romanes dans les chapiteaux des piliers
droits du portail sud représentent le combat du vice contre
la vertu.
Les sculptures sont datées aux alentours des années
1160. |
Qui a
payé la construction de la cathédrale Saint-Étienne
de Bourges ?
L'origine du financement est souvent un thème oublié
des historiens de l'architecture. Il est vrai que les sources
n'abondent pas. Nous sommes à peu près convenablement
renseignés pour la cathédrale de Bourges et
Jean-Yves Ribault développe ce sujet dans son ouvrage.
Tout part d'une donation de 500 livres en monnaie de Gien,
payable en sept ans, faite par l'archevêque Henri
de Sully en 1195 . À cause de sa mauvaise santé,
il sent sa mort approcher et veut uvrer pour son église.
Selon Jean-Yves Ribault, l'interprétation des termes
latins utilisés par notre prélat montre que
celui-ci souhaite la construction d'un nouvel édifice
et non pas de simples réfections sur le bâtiment
roman qui existe alors, d'ailleurs qualifié de «peu
solide» après les fouilles du XIXe siècle.
À ces 500 livres, l'archevêque joint «toutes
les taxes qui nous reviendront désormais, jusqu'à
la fin de notre vie, sur les justiciables qui comparaîtront
devant notre tribunal» [cf texte de sa donation]. Il
s'agit donc de donner à la fabrique, pour le nouvel
édifice, les profits exceptionnels de gestion tirés
des amendes, mais en aucun cas ce qu'on appellerait aujourd'hui
le fond de roulement. Bizarrement, Jean-Yves Ribault écrit
que le prélat donne à la fabrique «les
profits qu'un archevêque tire de ses droits de juridiction,
de chancellerie ou de simples secrétariat, ensemble
de taxes, amendes et redevances diverses dont le montant,
variable d'un exercice à l'autre, est certainement
fort important.» Déduction un peu surprenante
qui revient à destiner à la construction une
partie du fond de roulement de la fabrique. Il y aurait eu
de la protestation dans l'air.
Quoi qu'il en soit, 500 livres et le reste, cela fait déjà
une forte somme. Il faut y ajouter les dons et legs traditionnels
des particuliers, ainsi que les revenus provenant des tournées
de prédication organisées par Henri de Sully
dans sa province ecclésiastique. Il faut aussi ajouter
le rôle des reliques. Après la mort d'Henri de
Sully, Guillaume du Donjon, abbé cistercien,
lui succède en 1199. Il est désigné par
Eudes de Sully, évêque de Paris et frère
d'Henri. Tout dévoué à la construction
de sa cathédrale, Guillaume reçoit d'Eudes de
Sully un morceau de la mâchoire de saint Etienne. Du
chantre de Chartres, il reçoit aussi d'autres reliques.
Les offrandes suscitées par ces reliques furent affectées
au chantier. Guillaume mourut en 1209. Il prit froid alors
qu'il prêchait dans la cathédrale (le chur
en construction était mal raccordé à
la nef romane qui subsistait en attendant la nouvelle). Son
corps fut inhumé dans l'église
basse. Il attira aussitôt une foule de pèlerins
qui laissèrent vraisemblablement de nombreuses aumônes.
Tous ces dons et legs ne suffisaient pas et la fabrique dut
recourir à l'emprunt. En 1237, on présenta la
piteuse situation du budget diocésain au pape Grégoire
IX, criblé de dettes. Le résultat fut que seules
les dettes vraiment utiles à l'Église devaient
être prises en compte. En 1241, ce même pape sollicitait
officiellement l'aide des habitants du diocèse. Autre
financement possible : l'abbé J.J. Bourassé
écrit, dans son ouvrage de 1880, que, aux dires de
certains auteurs, Philippe le Bel avait, dans une grande mesure,
contribué à l'achèvement complet des
voûtes en 1315. Il ne cite malheureusement pas le nom
de ces auteurs. Jean-Yves Ribault cite à son tour cette
information et parle d'un don du roi de quarante livres tournois
en 1313 pour consolider l'édifice que les infiltrations
d'eau fragilisaient dangereusement. Les têtes couronnées
intervenaient assez souvent en cas de péril immédiat
sur les grands édifices, lorsqu'il fallait entreprendre
des travaux --»»
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Sculptures et chapiteaux romans des piliers gauches (vers 1160).
Portail sud de la cathédrale. |
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---»» rapidement et qu'on ne pouvait pas attendre
que les dons et les quêtes viennent financer l'urgence.
Arriva le temps des chapelles latérales. Le duc Jean
de Berry, grand donateur de la cathédrale, fit
commencer la construction de la chapelle
du Sacré-Cur,
la plus grande des chapelles latérales. L'élan
était donné. Au XVe siècle, nobles, membres
du haut-clergé, riches marchands, dont Jacques Cur,
suivent son exemple. La technique est toujours la même
: une chapelle latérale vient s'insérer entre
deux arcs-boutants consécutifs. Le mur extérieur
de la cathédrale est d'abord évidé, puis
l'espace est fermé par un mur d'appui quelques mètres
plus loin. Ce mur vertical possède toujours une grande
baie pour abriter un vitrail. Au-dessus, la chapelle est fermée
par une voûte sur croisée d'ogives. Évidemment,
posséder une chapelle dans une cathédrale était
très valorisant pour son propriétaire : son
statut social s'en trouvait confirmé et l'espérance
de son salut après sa mort, renforcée. D'autant
plus qu'il devait pourvoir aussi à l'ornementation
de sa chapelle : mobilier, statues, vitraux, vêtements
sacerdotaux, etc.
On se reportera avec intérêt au financement de
la cathédrale
Notre-Dame d'Amiens
et à celui de la grande église Notre-Dame
à Dole,
dans le Jura. À Dole, au XVIe siècle, avant
de démarrer les travaux, le financement s'est appuyé
sur un intéressant processus de ventes d'espaces sur
plan.
Sources : 1) Un chef d'uvre
gothique : la cathédrale de Bourges par Jean-Yves
Ribault, éditions Anthèse, 1995 ; 2) Les
plus belles cathédrales de France par J.J. Bourassé,
Tours, 1880 ; 3) La cathédrale Saint-Étienne
de Bourges, éditions Ouest-France, texte de Jean-Yves
Ribault.
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À GAUCHE
Les trois grandes statues des piliers droits (vers 1160) : à
gauche, le prophète Jonas ; à droite, Moïse
Portail sud de la cathédrale, style roman. |
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Portail méridional : le Christ est entouré du Tétramorphe.
Dans le ruban du-dessous : les douze apôtres.
Vers 1160. |
L'ARCHITECTURE INTERNE, LA NEF ET LES GRANDES
VERRIÈRES |
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Plan de la cathédrale Saint-Étienne de Bourges.
(d'après Desmarest, 1943).
Saint-Étienne est une cathédrale sans transept.
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«Halte pendant la fuite en Égypte»
de Jean-Hilaire Belloc (1787-1866). |
Les
vitraux des fenêtres hautes du chur
sont datés du début du XIIIe siècle,
tout comme ceux du déambulatoire. «(...)
ce sont de majestueuses figures isolées
sous architecture, tantôt présentées
de face tantôt en léger mouvement,
toutes identifiées par de grandes inscriptions
parfaitement lisibles du sol» (Corpus
Vitrearum, Les vitraux du Centre et des Pays
de la Loire).
Ces vitraux se présentent sous la forme
d'un double cortège qui se déploie
de part et d'autre du double vitrail axial : saint
Étienne offre sa cathédrale
à la Vierge qui porte l'Enfant Jésus.
Vers le sud, on voit saint Pierre (ci-contre)
qui conduit les évangélistes et
les apôtres auxquels ont été
rajoutés trois saints confesseurs ou martyrs.
Au nord, ce sont les prophètes de l'Ancien
Testament conduits par le Précurseur et
dernier des prophètes, saint Jean-Baptiste.
On pourra se reporter aux grands personnages du
chur de la cathédrale
Saint-Pierre de Beauvais
qui rappellent ceux de Bourges.
Source : Les vitraux
du Centre et des Pays de la Loire, Corpus Vitrearum,
éditions du CNRS, 1981.
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Saint Paul
dans les grandes verrières
(baie 202, vers 1220-1225). |
Saint Pierre
dans les grandes verrières
(baie 202, vers 1220-1225). |
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Toute la beauté de l'architecture interne de la cathédrale
Saint-Étienne
ressurgit dans cette vue de l'élévation sud. |
Architecture
interne. Le mode d'élévation
dans la nef de la cathédrale de Bourges est unique
dans le monde gothique. Les historiens désignent
par le titre de Maître de Bourges l'architecte
médiéval inconnu qui a réalisé
cette splendide prouesse. Cette élévation
est en effet l'une des trois merveilles de la cathédrale
Saint-Étienne. La photo ci-dessus en donne
une bonne illustration. On voit une série de
grandes arcades, hautes de 19 mètres, qui ouvre
le champ de vision vers la deuxième élévation,
celle qui borde le premier bas-côté. Il
n'y a donc pas de tribune. Les poussées latérales
sont équilibrées par des arcs-boutants
ad hoc. On constate aussi la similarité
du dessin tripartite de l'élévation de
la nef principale et celui de l'élévation
du premier bas-côté : arcades, triforium
identique et fenêtres. Évidemment, la part
des arcades dans la hauteur diffère, mais cela
ne retire rien à l'impression globale, tout à
fait extraordinaire, qui fait croire, par la fusion
des volumes, que l'élévation de la cathédrale
possède cinq (!) niveaux. La multiplicité
des fenêtres favorise l'éclairage de l'ensemble,
qui est tout à fait satisfaisant.
Cette remarquable imagination d'un maître dans
l'art de construire n'a pas plu à tous les visiteurs.
Ainsi, Prosper Mérimée écrit
dans ses Notes d'un voyage en Auvergne, publiées
en 1838 : «(...) l'il le moins exercé
est d'abord choqué du contraste entre la hauteur
inusitée des arcades et le peu d'élévation
des galeries supérieures et des fenêtres
qui les surmontent ; ces galeries sont basses et comme
écrasées.» En somme, Mérimée
regrette que le Maître de Bourges n'ait
pas respecté la proportion traditionnelle attribuée
aux arcades dans l'élévation totale. Certes,
il fallait dégager le champ de vision sur l'élévation
du bas-côté, mais le «véritable
système gothique» [Mérimée]
n'en a pas moins été violé, tout
comme le goût artistique. Pour notre inspecteur
des Monuments historiques, on n'a rarement vu la hauteur
des grandes arcades dépasser la moitié
de la hauteur totale. Il termine sa critique par un
argument original : «Le raccourcissement des fenêtres
produit encore un effet plus fâcheux, c'est de
diminuer l'impression de surprise que cause dans la
fabrique gothique une voûte séparée
des piliers qui la soutiennent par un vide immense.»
La voûte
de la cathédrale Saint-Étienne est sexpartite
: chaque voûte couvre deux travées et conduit
à une alternance de piliers forts et de piliers
faibles. La caractéristique de la nef de la cathédrale
est qu'on ne perçoit pas cette différence
dans l'apparence des piliers (une dissimulation à
l'évidence voulue par le Maître de Bourges).
Les piliers forts ont un diamètre à la
base de 2,58 mètres, les piliers faibles de 2,20
mètres. Leur parement est identique : huit colonnettes.
L'autre différence entre les forts et les faibles
vient du nombre de colonnettes au-delà du chapiteau
et à hauteur du triforium jusqu'à la voûte
: cinq contre trois (voir photo
ci-dessus). On pourra se reporter à la basilique
Saint-Jean-Baptiste
de Chaumont
pour une alternance «pile forte-pile faible»
bien visible.
Sources : 1) Un chef
d'uvre gothique : la cathédrale de Bourges
par Jean-Yves Ribault, éditions Anthèse,
1995 ; 2) La cathédrale Saint-Étienne
de Bourges, éditions Ouest-France, texte
de Jean-Yves Ribault ; 3) Notes d'un voyage en Auvergne
de Prosper Mérimée, éditions Adam
Biro, 1989.
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«««---
À GAUCHE
Deux visages de prophètes dans les fenêtres
hautes du chur.
Le premier est Daniel, le deuxième n'est pas identifié
(vers 1220-1225). |
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Les grandes fenêtres du chur (vers 1220-1225)
À gauche, le vitrail axial : la Vierge et saint Étienne.
Les autres vitraux sont occupés par les apôtres.
Les verrières du chur de la cathédrale de
Bourges sont loin d'égaler en splendeur celles du chur
de la cathédrale de Tours. |
Vue du double bas-côté.
Les collatéraux extérieurs (dans la partie droite
de la photo) ont 9 mètres de haut et 5 mètres
de large.
Ce sont eux qui donnent accès aux chapelles latérales. |
Vitrail (vers 1220-1225) de Saint Sulpice le Bon,
ancien archevêque de Bourges. |
La voûte sexpartite culmine à 36 mètres
sous clé.
Quand le Maître de Bourges a choisi la voûte sixpartite,
la voûte quadripartite
avait déjà commencé à s'imposer
dans les grandes cathédrales de France. |
Statue de la Vierge à l'Enfant. |
Prophètes Sophonias, Amos et Naum
Vitrail des grandes fenêtres du chur
(Vers 1220-1225). |
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LA NEF ET SON MOBILIER - LES GRANDES ORGUES |
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Le grand orgue et le «grand housteau». |
La Vierge à l'Enfant
Statue en argent. |
L'orgue
et le «grand housteau». La tribune
à encorbellement du grand orgue date de 1599.
Elle est flanquée de deux très beaux balcons
circulaires joliment sculptés et repose sur une
grande poutre du XVe siècle, elle-même
sculptée d'anges musiciens. Malheureusement,
le bas de la tribune est la plupart du temps plongé
dans la pénombre. Quant au buffet d'orgue, il
est en chêne sculpté et date de 1663. L'orgue
date de 1985 (facteur Kern) et rassemble des éléments
des XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles.
Derrière l'orgue se trouve l'une des plus belles
verrières de la cathédrale, que l'on appelle
le «grand housteau». À la
fin du XIVe siècle, la façade occidentale
a été embellie par Guy de Dammartin, architecte
du duc Jean de Berry. Remplage et verrière avec
rose terminèrent enfin la façade. La rose
(vers 1395), donnée ci-contre, est assez sobre.
Elle ne reçoit que des motifs de mosaïque
avec, toutefois, la colombe du Saint-Esprit en son centre.
Les personnages des six lancettes (milieu du XVe siècle)
situées au-dessous sont malheureusement partiellement
cachés par le grand orgue. On trouve de gauche
à droite : les saints Guillaume et Jacques, l'Annonciation,
puis saint Étienne et saint Ursin (?). La baie
a été restaurée en 1546 par le
maître verrier Jean Lescuyer. Vers 1920, l'atelier
Chigot a refait toutes les têtes des personnages,
sauf une. Elles ont été remplacées
au milieu du XXe siècle.
Source : Les vitraux
du Centre et des Pays de la Loire, Corpus Vitrearum,
CNRS, 1981.
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Chapelle Jacques-Cur : trois statues de la famille de
l'Aubespine
dues au ciseau du sculpteur flamand Philippe de Buyster (3e
quart du XVIIe siècle).
De gauche à droite : Guillaume de l'Aubespine, conseiller
d'État (1629,)
sa femme Marie de la Châtre, leur fils Charles de l'Aubespine
qui fut garde des Sceaux (1653). |
L'un des deux balcons circulaires de la tribune du grand
orgue
de la cathédrale. La tribune est datée de
1599. |
Le prophète Malachie
Grandes fenêtres du chur
Vers 1220-1225. |
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La chaire à prêcher (XIXe siècle ?)
ne contient rien de remarquable.
Le Père
céleste dans une clé de voûte
---»»» |
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Priant du maréchal de Montigny (1617).
Sa grande ressemblance avec Henri IV
a été soulignée par Prosper Mérimée.
uvre du sculpteur Michel Bourdin. |
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Écu aux armes du Berry tenu par quatre anges dans le
«grand housteau». |
L'Annonciation dans
le «grand housteau» (milieu du XVe siècle)
---»»»
(L'intervalle entre les deux lancettes a été
réduit.) |
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Les grandes orgues de la cathédrale.
Derrière, une verrière de la fin du XIVe siècle
appelée le «grand housteau». |
La rose du «grand housteau» sur la façade
occidentale (vers 1395).
Au centre, la colombe du Saint-Esprit.
Les rayons de la rose accueillent des motifs de mosaïque
assez simples. |
Porte gothique embellie de personnages sculptés. |
L'horloge astronomique de 1424
a été restaurée dans les années
1990. |
«L'Adoration des bergers»
Tableau de Jean Boucher (1568-1633).
1ère moitié du XVIIe siècle.
Le peintre avait l'habitude de se représenter dans ses
toiles : c'est l'homme
qui regarde vers la droite, d'un air pensif, dans la partie
gauche de la toile. |
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Documentation : «Un chef d'uvre
gothique, la cathédrale de Bourges» de Jean-Yves Ribault,
éditions Anthèse, 1995
+ «La cathédrale de Bourges et ses vitraux»
par Jean Verrier, éditions du Chêne, Paris.
+ «La cathédrale Saint-Étienne de Bourges»,
éditions Ouest-France, texte de Jean-Yves Ribault.
+ «Les Grands vitraux de Bourges» d'Hervé Benoît,
© Centre Saint-Jean de la Croix, 2001
+ «Les plus belles cathédrales de France» par J.J.
Bourassé, Tours, 1880
+ «Les vitraux du Centre et des Pays de la Loire», Corpus
Vitrearum, CNRS, 1981
+Sessions du Congrès archéologique de France tenues
à Bourges en 1849 et 1898
+ «Dictionnaire des églises de France», ©
éditions Robert Laffont, 1967
+ «La vie de tous les Saints de France», collection dirigée
par M. Ch. Barthélemy, Bureau des annales hagiologiques de
la France, 1860
+ «Vie des saints» par le père Giry, corrigée
& complétée par Paul Guérin, éditions
de 1862.
+ «Notes d'un voyage en Auvergne» de Prosper Mérimée,
éditions Adam Biro, 1989 |
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