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Saint Paul, grande verrière du XIIIe siècle

On sait peu de choses sur les édifices qui ont précédé la cathédrale Saint-Étienne. Le légendaire saint Ursin aurait établi un sanctuaire, au début de notre ère, à l'emplacement du monument actuel. Un autre aurait été construit par saint Pallais. Néanmoins, une chose est sûre : au VIIe siècle, il existait bien à Bourges une cathédrale voisine des remparts. Et l'on a retrouvé des vestiges d'une cathédrale du XIe siècle. Toujours est-il que, vers la fin du XIIe, le chapitre veut lancer la construction d'un nouvel édifice plus vaste que la cathédrale romane dont il dispose. Celui-ci débordera l'ancien à l'est et à l'ouest. À l'est, la déclivité du terrain conduit à bâtir une église basse (vers 1194-1195) sur laquelle reposera le futur chœur. L'archevêque, Henri de Sully, va donner 500 livres tournois pour la construction. Après le chœur, la nef suivra, puis la façade occidentale (vers 1250). L'architecte du chantier est inconnu, mais sa compétence, voire son génie, sont certains. Il restera dans l'Histoire sous le nom de maître de Bourges.
L'édifice, sans transept ni cloisonnement, privilégie l'unité d'ensemble et le volume. Le maître de Bourges révolutionne l'art de l'élévation : il supprime les tribunes, implante un circuit d'arcades démesurées (19 mètres de haut) de l'avant-nef jusqu'à l'abside et assure l'équilibre de l'ensemble par des arcs-boutants idoines. On en tire l'impression que l'élévation de la nef possède cinq niveaux. Cette prouesse technique et artistique ne sera reprise nulle part ailleurs. La cathédrale est enfin consacrée le 13 mai 1324. Elle possède déjà une magnifique galerie de vitraux dans son déambulatoire.
Dans un monument de cette taille (117 mètres de long), les périls sont permanents : un énorme «pilier butant» est bâti au XIVe siècle pour contrebuter la tour sud qui menace de s'écrouler. La tour nord s'écroulera en 1506 (dégradant les deux portails nord de la façade ouest). Tout sera reconstruit au début du XVIe siècle et les maçons laisseront à la postérité la tour de beurre. Aux XVe et XVIe siècles, à la suite de donations (dont celle de Jacques Cœur), les chapelles latérales viennent évider les murs droits au nord et au sud. De beaux vitraux, dont l'Annonciation (XVe siècle) et la présentation des Tullier (XVIe) les illuminent. En 1562 , les huguenots saccagent les portails. Au XVIIIe siècle, ce sont les chanoines eux-mêmes qui se chargent des dégradations : démolition du jubé du XIIIe ; suppression du maître-autel (qui datait de 1526) ; suppression de dix-huit lancettes des verrières du XIIIe siècle représentant des saints évêques de Bourges. Stalles et tapisseries disparaissent aussi. Le mobilier et l'aspect intérieur du chœur sont mis à la mode. À son tour, la Révolution va tout saccager. Le mobilier disparaît, vendu ou volé. La cathédrale devient temple de la Raison.
Le XIXe siècle fut celui des restaurations. Parfois pas très heureuses quand elles portent sur des verrières du XIIIe siècle ou des petites sculptures des portails, elles deviennent rigoureuses quand elles sont menées par l'architecte Bœswillwald de 1882 à 1890, selon un principe impérieux : refaire et restaurer le gros œuvre tel qu'on le trouve.
La cathédrale Saint-Étienne de Bourges est un monument incontournable parmi les grands édifices français. Ceci pour deux merveilles : les portails et les vitraux (qui offrent un historique de l'art du vitrail du XIIIe au XVIIe siècle). Incontournable aussi pour la nef et son élévation, unique au monde. On peut rajouter un quatrième point qui enchante bien des visiteurs : l'atmosphère de féerie qui règne dans le déambulatoire grâce aux 25 grandes verrières du XIIIe siècle. Pour les passionnés d'art sacré, déambuler dans le déambulatoire de la cathédrale de Bourges est un incontournable.

Après le Jugement, les élus gagnent le sein d'Abraham, portail central

Un édifice de 117 mètres de long et une nef haute de 36 mètres sous clé attend le visiteur
à son entrée dans la cathédrale. Les piliers de 19 mètres de haut accentuent encore l'élévation.

La façade occidentale date du début du XIIIe siècle.

Le «pilier butant» est indispensable pour que la tour sud
ne s'écroule pas. Sa construction date
de la fin du XIVe siècle ou du début du XVe.

Depuis la tour nord (ou tour de beurre)
jusqu'au pilier butant inclus, la distance est de 73 mètres.

Les jardins de la cathédrale donnent
une très jolie vue sur le chevet.
Les arcs-boutants du chevet ont été
restaurés dans les années 1820.

Le côté sud de la cathédrale et le portail sud.

Dessin du XIXe siècle de la cathédrale de Bourges.
Sur la gauche, la «tour de beurre». À droite, le «pilier butant».

La tour de beurre, bâtie au début du XVIe siècle (sur la gauche du dessin ci-contre) doit son nom au financement de sa construction. Celui-ci a été assuré par les «taxes» versées par les fidèles pour pouvoir manger du beurre pendant le carême. Le visiteur peut monter à son sommet.


Les cinq portails de la façade occidentale constituent l'une des merveilles de la cathédrale (avec les vitraux et l'élévation de la nef).
Les portails du Jugement dernier, de Saint-Étienne et de Saint-Ursin sont du début du XIIIe siècle (avec restauration de nombreuses statues au XIXe).
Les portails de la Vierge et de Saint-Guillaume ont été rebâtis au XVIe siècle après l'écroulement de la tour nord en 1506.
LE PORTAIL OCCIDENTAL DU JUGEMENT DERNIER

Le tympan du Jugement dernier est une merveille. Il est daté des années 1240-1250.
On reconnaît, en bas, la Résurrection des morts ; au-dessus, le Jugement des âmes qui sont séparées en élus et damnés.
Tout en haut, le Christ-Juge, sur son trône, est entouré d'anges portant les instruments de la Passion.

La statue du Sacré-Cœur
au centre du portail du Jugement dernier
(Sculpteur Caudron, années 1840).

Le portail du Jugement dernier (1240-1250) (1/2)
Le portail présente un large tympan à trois niveaux entouré de voussures accueillant la Cour céleste. Cette Cour se répartit en six rangs de figurines où se succèdent chérubins et séraphins, anges et archanges, saints de l'Ancien Testament, puis autres saints et saintes.
Le tympan propose l'iconographie traditionnelle du Jugement dernier : la Résurrection des morts, le Pèsement des âmes et le Christ-roi entouré d'anges. Les deux premières scènes sont très vivantes, notamment le Pèsement des âmes où l'on retrouve l'opposition entre élus et damnés. Les élus, qui affichent des mines réjouies, avancent vers Abraham sous la conduite des anges. Quant aux damnés, ils sont priés de presser le pas en direction du chaudron infernal où les diables vont les précipiter. Il faut regarder ces démons de plus près (voir photo en gros plan plus bas).
L'abbé Crosnier, secrétaire général du Congrès archéologique, écrit dans son rapport de la visite des congressistes à la cathédrale de Bourges en octobre 1849 : «ne serait-ce donc pas assez pour nous inspirer l'horreur du démon de le représenter avec son corps velu, sa figure contournée et grimaçante, ses cornes sur la tête et des griffes aux mains et aux pieds ? Non, il faut, dans l'esprit de l'artiste, que sa malice soit représentée d'une manière plus frappante encore, et c'est pourquoi il a couvert d'un épouvantable masque toutes les parties saillantes de son corps, masque sur les seins, sur le ventre, sur les genoux ; une longue queue se termine par une tête de serpent qui presse de ses cruelles morsures ceux qui, dans le trajet qui sépare le plateau de la balance de la marmite enflammée, voudraient ralentir le pas.»
--»» Suite 2/2 à droite.


La Résurrection des morts dans le linteau du tympan du Jugement dernier (1ère moitié du XIIIe siècle).

Après le jugement de l'archange saint Michel, les élus, qui sont pris en charge par les anges, affichent des mines réjouies.
Tympan du Jugement dernier (1ère moitié du XIIIe siècle).
Un franciscain se tient en bas à gauche : preuve de l'influence de la doctrine de François d'Assise dès cette époque.

Scène du pèsement des âmes : les damnés sont poussés vers l'entrée des enfers par les diables.
Tympan du Jugement dernier (1ère moitié du XIIIe siècle).

Le prince des démons attend le verdict de la balance avec un sourire malicieux. Un crapaud s'accroche
à l'âme d'un élu pour essayer de faire pencher la balance du côté du mal.
On notera que les parties saillantes des démons sont couvertes de masques.

Les damnés sont mis à bouillir par les démons dans un chaudron
chauffé par le souffle enflammé du Léviatan.
Dans l'iconographie, la gueule du Léviatan symbolise l'entrée des enfers.

Le portail du Jugement dernier (1240-1250) (2/2).
---»» Le portail central, comme d'ailleurs les autres portails de la façade occidentale, n'a plus de grandes statues. Le rapport du Congrès archéologique tenu à Bourges en 1898 révèle que «les grandes statues décapitées par les protestants en 1562, et jetées dans les remparts dont elles bouchèrent les brèches, ont presque toutes disparu.» Les six statues mutilées qui se tiennent dans les ébrasements du portail central ne présentent guère d'intérêt.
Bien sûr, ce portail ne nous est pas arrivé intact du Moyen Âge. Deux des voussures furent restaurées en 1833. Le sculpteur Romagnesi recréa trente-huit statues de prophètes et de diacres. Un travail si médiocre que le sculpteur Caudron fut chargé de tout refaire dans la décennie suivante. Ce dernier utilisa une technique ingénieuse, celle du ciment de Vassy. Jean-Yves Ribault, conservateur en chef du patrimoine, précise dans son ouvrage cité en source que le ciment de Vassy, dit ciment romain, est une «matière hybride et plastique, à base de poudre de pierre et d'huile, qui durcissait progressivement après moulage et façonnage. Il suffisait alors de fixer les pièces ainsi obtenues aux bas-reliefs à l'aide de goujons de fer et de cuivre». C'est ainsi que fut restauré le bas-relief de la Résurrection des morts. Trente des trente-trois personnages n'avaient pas de tête, de bras ou de jambes.
Malheureusement, cette espèce de mastic s'écaillait quelques années après la pose. En 1848, l'archéologue Didron à ce sujet rédigea un rapport accablant.
Sources : 1) Un chef d'œuvre gothique, la cathédrale de Bourges de Jean-Yves Ribault, éditions Anthèse, 1995 ; 2) Sessions du Congrès archéologique tenues à Bourges en 1849 et 1898.


Saints et saintes dans les voussures du portail du Jugement dernier.

Dans les années 1830, une quarantaine de statues
ornant les voussures de ce portail ont été refaites.
LE PORTAIL OCCIDENTAL SAINT-ÉTIENNE

Vue d'ensemble du portail Saint-Étienne.
La statue du saint sur le trumeau date des années 1840.
(Sculpteur Caudron).

La Lapidation de saint Étienne, détail.
(vers 1230-1235)
Tympan du portail Saint-Étienne.

Le tympan du portail Saint-Étienne illustre les épisodes de la vie du proto-martyr (vers 1230-1235, restaurée au XIXe siècle).
La Cour céleste orne l'archivolte.

Le portail Saint-Étienne.
Daté des années 1230-1235, c'est celui du saint patron de la cathédrale. Le programme iconographique est évidemment la vie du jeune proto-martyr.
Dans la rangée du bas à gauche, Étienne est ordonné diacre. Les six lévites qui l'accompagnent le sont après lui.
À droite, Étienne est entraîné hors de la synagogue.
La rangée centrale illustre la scène bien connue de la lapidation. À l'extrême gauche de cette rangée, le jeune Saül (et futur apôtre Paul) est assis sur les habits des bourreaux qu'il garde pendant l'exécution.
Dans la rangée du haut, le Christ-Sauveur attend le premier martyr de la nouvelle foi.


Le Christ Sauveur dans le tympan du portail Saint-Étienne.
«««--- Les anges dans les voussures du portail Saint-Étienne.
LE PORTAIL OCCIDENTAL SAINT-URSIN

Vue d'ensemble du portail Saint-Ursin
(vers 1230-1235, restauré au XIXe) siècle.

Saint Ursin prêchant devant la population de Bourges.
Détail du tympan du portail Saint-Ursin.

Le tympan du portail Saint-Ursin est consacré à la vie légendaire d'Ursinus (ou Ursin). Vers 1230-1235.

Le portail Saint-Ursin.
Daté des années 1230-1235, il illustre quelques épisodes de la vie d'Ursinus, légendaire apôtre et premier évêque de la ville de Bourges.
Dans le compartiment du bas à droite, Ursin reçoit sa mission. Saint Just l'accompagne pour partager ses travaux. Ursin part, emportant avec lui le sang de saint Étienne dans un petit coffre. Saint Just meurt avant d'arriver à Bourges et Ursin se charge de l'ensevelir. À gauche, il commence sa prédication en Berry.
Dans le compartiment au-dessus, Ursin convertit Léocade, qui est le souverain du pays, et consacre à saint Étienne l'église qu'il a fait élever. Enfin dans le haut du tympan, il baptise Léocade et son fils Lusor.
Source : Congrès archéologique, session tenue à Bourges en 1849.


Au centre, saint Ursin se penche sur le corps de son ami Just qu'il doit ensevelir.
À droite, Ursin et Just sont en route vers Bourges. Le coffre que porte Ursin contient le sang de saint Étienne.
Tympan du portail Saint-Ursin (vers 1230-1235).

La vie de saint Ursin (1/3).
L'hagiographie est assez lâche sur le cas saint Ursin. Selon les sources, son existence est donnée au 1er, au IIe, voire, dans certaines monographies de la cathédrale, au IIIe siècle de notre ère. On rapproche Ursin d'un juif dénommé Nathanaël, devenu Ursin par le baptême et disciple du Christ. Dans l'image de droite tirée du tympan du portail de Saint-Ursin, on voit Ursin agenouillé devant un pape portant une clé. Ce n'est pas saint Pierre, mais saint Clément. Nous sommes à la fin du premier siècle. Comme cette version de la vie d'Ursin semble avoir inspiré les sculpteurs médiévaux, nous donnons ici un résumé de la vie de ce prélat légendaire tirée des annales hagiologiques de la France. Les sources précisent que cette vie a été écrite au cinquième siècle par un auteur anonyme (voir infra).
Ursin était l'un des soixante-douze disciples de Jésus. Lui et d'autres compagnons furent envoyés par les apôtres dans les Gaules pour y répandre l'Évangile. Secondé par Justus, il prit la direction de Bourges, emportant le sang du proto-martyr, Étienne. Valère partit pour Trèves, Saturnin pour Toulouse, Trophime pour Arles, Austremoine pour l'Auvergne, etc. Peu avant d'arriver à Bourges, Justus mourut et fut enseveli par Ursin. Le disciple commença alors sa prédication auprès des pauvres et des vieillards, puis auprès des «gens d'une médiocre naissance et fortune», et enfin auprès des hommes et des femmes d'un plus haut rang. Quelques ennemis s'opposèrent à lui, envoyèrent leurs chiens à sa poursuite, mais Ursin «semait parmi le peuple une plus abondante prédication, jusqu'à ce que (...) une innombrable affluence des peuples accourût à ses saints enseignements, et, telle que le cerf altéré à une source d'eau vive, réclamât de lui le breuvage de la parole d'en haut et un prompt baptême dans les fonts sacrés», écrit notre hagiologue du XIXe siècle, Ch. Barthélemy.
À cette époque, un dénommé Léocadius commandait en Bourgogne et en Aquitaine au nom de l'empereur de Rome. Ce gouverneur était un homme pieux, quoique païen, et au courant de la nouvelle foi qui se répandait. Le siège principal de son pouvoir se situait à Lyon ; le second, à Bourges. Là, il avait fait construire une écurie qu'Ursin put bientôt récupérer, purifier et transformer en église. Le prédicateur y plaça le sang du bienheureux Étienne. Et des miracles se produisirent.
Bientôt Ursin se mit à penser que, pour mieux honorer cette relique, il fallait une demeure plus digne. Les nobles qui venaient l'écouter prêcher lui montrèrent alors le palais de Léocadius. Demeure idéale en effet, mais comment l'obtenir ? «Il faut offrir des présents au prince et à ses serviteurs», répondirent-ils. Malheureusement, Ursin, appliquant les principes de pauvreté, ne possédait rien. Aussi les nobles et le peuple réunirent-ils trois cents pièces d'or dans un vase d'argent qu'ils lui donnèrent en l'engageant à se rendre à Lyon, où se trouvait Léocadius. --» Suite 2/3 à droite.


Le baptême de Léocadius et de Lusor par Ursin (tympan du portail Saint-Ursin)

Ursin est envoyé en mission dans les Gaules par saint Clément pape,
qui tient la clé de saint Pierre. Il est accompagné de Just, derrière lui.
Détail du tympan du portail Saint-Ursin (début du XIIIe siècle).

--»» La vie de saint Ursin (2/3).
---»» Parvenu à Lyon, le prédicateur se présenta et exposa l'objet de sa démarche. Trouvant un gouverneur très ouvert à ces idées nouvelles et offrant son palais de bonne grâce, Ursin en profita pour prêcher et pour l'exhorter à devenir fidèle de l'Église. Léocadius, plein de bonne volonté, prit trois pièces d'or dans le vase, comme «arrhes de bénédiction» et renvoya Ursin à Bourges avec son présent.
Revenu dans sa ville, Ursin se mit à la tâche : le palais du gouverneur fut nettoyé, puis consacré à saint Étienne. Les reliques y furent déposés solennellement. L'ancienne église, qui était issue des écuries, devint baptistère.
Peu de temps après, le gouverneur vint à Bourges, s'entretint avec Ursin et demanda à être baptisé, ainsi que son fils Lusor. Par la suite, Léocadius abandonna tous les biens qu'il possédait à Bourges et dans ses environs au profit d'Ursin et de l'Église.
Selon notre hagiographe, Dieu avertit Ursin du jour de sa mort. Ayant laissé à Sénécien, qui fut donc le deuxième évêque de Bourges, la charge de continuer son œuvre, il s'éteignit dans la vingt-septième année de sa prédication. --»» Suite 3/3 à gauche.

La vie de saint Ursin (3/3)
---»» C'est une belle histoire. Pour Jean-Yves Ribault, auteur, en 1995, d'un très docte ouvrage sur la cathédrale Saint-Étienne, c'est sans doute une invention. Il rapporte que, d'après Grégoire de Tours, c'est à la suite d'un songe «que l'on découvrit dans une nécropole suburbaine le sarcophage miraculeusement désigné» et qu'on dut y lire la mention épigraphe d'un défunt nommé Ursinus. Ensuite l'histoire s'enchaîna. On transforma Ursinus en saint Ursin. Et Grégoire de Tours, toujours selon Jean-Yves Ribault, élabora «un récit fondateur, à l'aide sans doute de souvenirs de famille». Le gouverneur Léocade, rencontré plus haut, était en effet l'un de ses ancêtres.
Quant à l'hypothèse, difficilement soutenable, des disciples envoyés en Gaule dès la fin du premier siècle, Jean-Yves Ribault rappelle que, au VIe siècle, l'église de Bourges, tout comme ses voisines (Toulouse, Arles, Issoire, etc.), avait besoin de se doter d'une origine antique. Se savoir rattachés à Rome, c'était consolider la communauté chrétienne, renforcer sa foi et légitimer le pouvoir de l'évêque.
En matière d'hagiographie, les choses sont souvent compliquées, parfois aussi un peu ubuesques. Dans la Vie de tous les saints de France éditée en 1860, Charles Barthélemy conte l'histoire de saint Ursin telle qu'énoncée ci-dessus (et connue d'après un auteur anonyme). Bathélemy prend soin d'écrire que Grégoire de Tours, dans les quelques détails qu'il nous a laissés sur saint Ursin, a suivi des Actes, perdus pendant longtemps, mais heureusement retrouvés en 1848 par un savant, M. Faillon. Celui-ci les a tirés d'un manuscrit de l'abbaye de Saint-Germain-en-Laye, conservé à l'époque (1860) à la bibliothèque royale de Paris. Faillon prouve d'abord (on ne sait comment) que l'auteur des Actes de saint Ursin est antérieur à Grégoire de Tours. Puis il émet l'idée que cet auteur a vécu à la fin du Ve ou au commencement du VIe siècle, Grégoire de Tours ayant vécu, quant à lui, dans la seconde moitié du VIe siècle.
Charles Barthélemy rapporte cette conclusion de M. Faillon : «Nous pensons que ces Actes sont un monument fidèle de l'origine de l'Église de Bourges, et qu'étant plus anciens que saint Grégoire de Tours, on doit les préférer à la narration de cet écrivain, dans les points où il a cru devoir s'en écarter, comme aussi aux nouvelles légendes de saint Ursin insérées dans la liturgie de Bourges.» Ainsi se trouve légitimé le récit de la vie de saint Ursin rapporté par Charles Barthélemy dans ses annales hagiologiques...
Rappelons qu'au XIXe siècle, après les épreuves de la Révolution, la réaction catholique a consisté, dans le traitement des récits hagiographiques, à compulser des histoires pour servir à l'édification des fidèles. Cet argument donnait bonne conscience, mais ouvrait la voie à pas mal d'affabulations, justifiées comme on pouvait.
Sources : 1) La vie de tous les Saints de France, collection dirigée par Charles Barthélemy, Bureau des annales hagiologiques de la France, 1860 ; 2) Un chef d'œuvre gothique : la cathédrale de Bourges par Jean-Yves Ribault, éditions Anthèse, 1995.


Extrait de la Cour céleste dans les voussures
du portail de Saint-Ursin.
LA FRISE D'ARCATURE DANS LES RETOMBÉES D'OGIVES

Illustrations de la Genèse dans les retombées d'ogives du portail central.
Dans le haut de l'image, on aperçoit la partie basse de cinq des six statues qui subsistent dans les niches des ébrasements de la façade occidentale.

L'Arche de Noé dans l'histoire de la Genèse
Frise de l'arcature de la façade occidentale,
XIIIe siècle, restauré au XIXe.

La frise d'arcature dans les retombées d'ogives. Même si les huguenots ont copieusement saccagé la façade en 1562 et fait disparaître la quasi-totalité des grandes statues, il nous est encore possible d'admirer la superbe frise d'arcature qui longe les cinq portails de la façade occidentale, sous les niches contenues dans les ébrasements. Elle aussi savamment vandalisée en 1562, cette frise a fait l'objet d'une restauration dans les années 1840, notamment les scènes de la Genèse sur le portail central et les deux portails sud (Saint-Étienne et Saint-Ursin).
Sur les deux portails nord (Vierge et Saint-Guillaume) figurent des scènes de l'Enfance du Christ et de la vie de Marie, sculptées lors de la reconstruction de ces deux portails à la suite de l'écroulement de la tour nord en 1506.
Pour ce qui est de la Genèse (Création du monde, Adam et Ève, histoire de Noé), les historiens de l'art restent interloqués par l'absence totale d'ordre chronologique dans la succession des scènes. Jean-Yves Ribault dans son ouvrage consacré à la cathédrale écrit qu'on y observe «des scènes énigmatiques, des lacunes, des juxtapositions inattendues, et du point de vue matériel des ruptures de maçonnerie, des raccords hétéroclites, sans compter les incertitudes dues aux restaurations modernes».
Aidé par une étude de l'historienne Laurence Brugger, celui-ci évoque la piste d'une source hébraïque dans l'élaboration des scènes. Argument que Laurence Brugger étaye par la présence à Bourges de chrétiens hébraïsants, réunis autour de Guillaume de Bourges, juif converti par saint Guillaume.
Source : Un chef d'œuvre gothique, la cathédrale de Bourges par Jean-Yves Ribault, éd. Anthèse, 1995.


L'Annonciation dans la frise de l'arcature.
Début du XVIe siècle.

Jésus devant Caïphe dans la frise de l'arcature.
Début du XVIe siècle.

Scènes de la vie de Jésus (Jésus au jardin des Oliviers et autre scène non identifiée)
Frise de l'arcature de la façade occidentale, début du XVIe siècle.

Scènes de la vie de Jésus (Jésus et la Samaritaine, Entrée de Jésus à Jérusalem)
Frise de l'arcature de la façade occidentale, début du XVIe siècle.
LE PORTAIL OCCIDENTAL DE LA VIERGE

Vue d'ensemble du portail de la Vierge.
Il a été reconstruit dans les années 1510-1515
après la chute de la tour nord en 1506.

Les voussures du portail de la Vierge, détail.

Le tympan du portail de la Vierge

Le portail de la Vierge, très endommagé lors de la chute de la tour nord en 1506, a été reconstruit dans les années 1510-1515. Les voussures représentent la Cour céleste ; le tympan illustre l'Assomption de Marie selon la Légende dorée. En bas, le linteau reçoit une Dormition avec les apôtres saint Pierre et saint Jean. Malheureusement, les iconoclastes huguenots ont dûment massacré la scène en 1562.
Au-dessus, la Vierge s'élève, entourée par des anges (ci-dessous). Enfin, dans le compartiment supérieur, elle est couronnée par le Christ, tous les deux assis sur leur trône.


Un ange musicien dans les voussures
du portail de la Vierge.

«««--- L'Assomption de la Vierge
dans le tympan du portail de la Vierge.
LE PORTAIL OCCIDENTAL SAINT-GUILLAUME

Vue d'ensemble du portail Saint-Guillaume.
Comme le portail de la Vierge, il a été reconstruit
dans les années 1510-1515 après la chute de la tour nord en 1506.

Guillaume, chez les Cisterciens de Pontigny,
est aux prises avec les tentations du démon (?)

La Fuite en Égypte.
Bas-relief de la vie de Marie dans les arcatures des portails nord
Début XVIe siècle.

Le tympan du portail Saint-Guillaume illustre des épisodes de la vie de saint Guillaume, archevêque de Bourges.
Il est l'œuvre des sculpteurs du début de la Renaissance, vers 1510-1515.

Le portail Saint-Guillaume.
T
rès endommagé lors de la chute de la tour nord en 1506, il a été rebâti dans les années 1510-1515 (comme le portail de la Vierge).
L'archivolte est orné d'anges en prière ou jouant de la musique. Le tympan illustre la vie de saint Guillaume, archevêque de Bourges. Il est difficile d'associer les scènes du tympan à des épisodes précis de la vie de ce saint.
Selon le père Giry, hagiographe bien connu au XIXe siècle, l'existence de Guillaume se caractérise par une douceur d'âme, une tempérance, une recherche du calme et de la solitude, mêlées à une mortification permanente.
Il fut d'abord moine au monastère de Grandmont, près de Limoges. En butte à l'exaspération que suscitait le trop-plein de ses vertus, il se réfugia chez les Cisterciens de Pontigny. Peu après, il fut nommé abbé de Fontaine-Jean (diocèse de Sens), puis abbé de Châlis (diocèse de Senlis). Enfin, et à son grand dam, il fut nommé archevêque de Bourges en 1200.
Prières, pauvreté, mortifications, refus de toute violence marquent son épiscopat. Le Père Giry rapporte aussi quelques miracles (dont la guérison d'un bras paralysé). Guillaume refusa aussi l'usage de la violence contre les Albigeois. Des gens du roi Philippe Auguste prirent cette attitude pour de la faiblesse et voulurent attenter aux droits de l'Église. Mais Guillaume leur tint tête et en acquit l'affection du roi. Guillaume s'éteignit en janvier 1209. Sur sa tombe se produisirent quelques miracles. Source : Vie des saints par le père Giry, corrigée & complétée par Paul Guérin, éditions de 1862.


Détail des voussures du portail Saint-Guillaume.

Frise d'arcatures dans les ébrasements du portail Saint-Guillaume.
Dans les deux portails de gauche de la façade occidentale (Vierge et Saint-Guillaume),
la frise illustre des scènes de l'Enfance du Christ et de la vie de Marie.
Début du XVIe siècle.
LE PORTAIL MÉRIDIONAL

Aspect général du portail méridional.

Le portail méridional (1/2).
Tout comme le portail septentrional (non donné dans cette page et très délabré), il n'est pas contemporain des portails de la façade occidentale. En effet, les sculptures des ébrasements (largement illustrées ci-contre et ci-dessous) affichent un caractère roman, qui cependant tend déjà vers le gothique. L'explication nous en est donnée par les historiens.
Au tout début du XIIIe siècle, les autorités décidèrent de remplacer la cathédrale romane par une cathédrale gothique plus vaste. Lorsqu'on démolit le chœur et les ailes de l'édifice, les portails romans, qui avaient été sculptés vers 1160, furent démontés et non détruits. L'objectif était déjà de s'en resservir pour l'ornementation des futurs portails nord et sud de la nouvelle cathédrale. On en imagine aisément les raisons : la qualité des œuvres, le coût moindre, le temps gagné. De plus, les thèmes iconographiques de ces portails (Christ en majesté au sud et Vierge en majesté au nord) s'inséraient parfaitement dans la vision doctrinale voulue par l'évêque et le chapitre. ---»» Suite 2/2 à droite.


Détail des ornements romans
dans les voussures et les ébrasements du portail sud.

Portes, trumeau et tympan du portail méridional.

Trois personnages couronnés.
Piliers gauches du portail méridional.

Le linteau du tympan accueille les douze apôtres (vers 1160).

Le portail méridional (2/2).
---»» Les deux portails sont enrichis chacun d'un porche. Le plus élégant est le portail méridional. Au centre du tympan, dans une mandorle, le Christ nimbé (i.e. avec une auréole) tient le Livre d'une main et bénit de l'autre. Est-il juge ou docteur ? L'abbé Crosnier, secrétaire général du Congrès archéologique et auteur du rapport de la visite des congressistes à Bourges en 1849, pose la question. Il rappelle aussi que c'était là un grand sujet de débat au XIIIe siècle.
Autour de la mandorle figurent les quatre symboles du tétramorphe.
Au-dessous, le linteau réunit les douze apôtres. L'abbé Crosnier signale qu'ils sont à leur place naturelle. En effet, si le Christ est regardé comme juge, ils doivent juger avec lui. S'Il est regardé comme docteur, ils sont en charge de la propagation de sa divine doctrine.
Les sujets sculptés dans les chapiteaux qui surmontent les colonnes du portail se rattachent à l'un et à l'autre thème. Ils indiquent les efforts du Mal contre le Bien, la lutte du vice contre la vertu. On y voit la chute d'Adam ainsi qu'un griffon et un dragon qui se disputent une petite âme (au centre de la photo ci-dessous). À côté, Samson déchire la mâchoire d'un lion, et un dragon attaque un homme à terre. L'abbé Crosnier ajoute : «Il est impossible de ne pas reconnaître ici ce duel terrible entre le vice et la vertu, qui a commencé avec le monde, le génie du mal dont J.-C., par sa doctrine, est venu affaiblir l'empire en attendant qu'à la fin des siècles il l'enchaîne pour l'éternité.»
À part les scènes historiées, la décoration montre une abondance de motifs romans traditionnels : l'aspect géométrique avec les carrés, les cercles, les triangles combinés en damiers, etc., tout comme l'aspect végétal avec les fleurs et les feuilles stylisés.
Sources : 1) Congrès archéologique de France, session tenue à Bourges en 1849 ; 2) Un chef d'œuvre gothique : la cathédrale de Bourges par Jean-Yves Ribault, éditions Anthèse, 1995.


Ces magnifiques sculptures romanes dans les chapiteaux des piliers droits du portail sud représentent le combat du vice contre la vertu.
Les sculptures sont datées aux alentours des années 1160.

Qui a payé la construction de la cathédrale Saint-Étienne (1/2) ?
L'origine du financement est souvent un thème oublié des historiens de l'architecture. Il est vrai que les sources n'abondent pas. Nous sommes à peu près convenablement renseignés pour la cathédrale de Bourges et Jean-Yves Ribault développe ce sujet dans son ouvrage.
Tout part d'une donation de 500 livres en monnaie de Gien, payable en sept ans, faite par l'archevêque Henri de Sully en 1195. À cause de sa mauvaise santé, il sent sa mort approcher et veut œuvrer pour son église. Selon Jean-Yves Ribault, l'interprétation des termes latins utilisés par notre prélat montre que celui-ci souhaitait la construction d'un nouvel édifice et non pas de simples réfections sur le bâtiment roman qui existe alors, un bâtiment d'ailleurs qualifié de «peu solide» après les fouilles du XIXe siècle.
À ces 500 livres, l'archevêque, dans sa donation, joint «toutes les taxes qui nous reviendront désormais, jusqu'à la fin de notre vie, sur les justiciables qui comparaîtront devant notre tribunal». Il s'agit donc de donner à la fabrique les profits exceptionnels de gestion tirés des amendes, mais en aucun cas ce qu'on appellerait aujourd'hui le fond de roulement. Bizarrement, Jean-Yves Ribault écrit que le prélat donne à la fabrique «les profits qu'un archevêque tire de ses droits de juridiction, de chancellerie ou de simples secrétariat, ensemble de taxes, amendes et redevances diverses dont le montant, variable d'un exercice à l'autre, est certainement fort important.» Déduction un peu surprenante car les «redevances diverses» font bien partie du fond de roulement. À moins qu'il ne faille comparaître devant le tribunal ecclésiastique pour les verser...
Quoi qu'il en soit, 500 livres et le reste, cela fait déjà une forte somme. Il faut y ajouter les dons et legs traditionnels des particuliers, ainsi que les revenus provenant des tournées de prédication organisées par Henri de Sully dans sa province. Il faut aussi ajouter le rôle des reliques.
Après la mort d'Henri de Sully, l'abbé cistercien Guillaume du Donjon lui succède en 1199. Il est désigné par Eudes de Sully, évêque de Paris et frère d'Henri. Tout dévoué à la construction de sa cathédrale, Guillaume reçoit d'Eudes de Sully une relique insigne : un morceau de la mâchoire de saint Étienne. Et d'autres reliques de la part du chantre de Chartres. Les offrandes suscitées par toutes ces reliques furent affectées au chantier. Guillaume mourut en 1209. Il prit froid alors qu'il prêchait dans la cathédrale (le chœur en construction était mal raccordé à la nef romane qui subsistait en attendant la nouvelle). Son corps fut inhumé dans l'église basse. Il attira aussitôt une foule de pèlerins qui laissèrent vraisemblablement de nombreuses aumônes.
Tous ces dons et legs ne suffisaient pas et la fabrique dut recourir à l'emprunt. En 1237, on s'en alla présenter au pape Grégoire IX la piteuse situation du budget diocésain, criblé de dettes. Le résultat fut que seules les dettes vraiment utiles à l'Église devaient «être prises en compte». Aurait-on décidé de ne pas honorer les «petites» dettes ?...
En 1241, ce même pape sollicita officiellement l'aide des habitants du diocèse.
Autre financement possible : l'abbé J.J. Bourassé écrit, dans son ouvrage de 1880, que, selon certains auteurs, Philippe le Bel avait dans une grande mesure contribué à l'achèvement complet des voûtes en 1315. Il ne cite malheureusement pas le nom de ces auteurs. Jean-Yves Ribault cite à son tour cette information et parle d'un don du roi de quarante livres tournois en 1313 pour consolider l'édifice que les infiltrations d'eau fragilisaient dangereusement. --»» Suite 2/2 à droite.


Sculptures et chapiteaux romans des piliers gauches (vers 1160).
Portail sud de la cathédrale.

Qui a payé la construction de la cathédrale Saint-Étienne (2/2) ?
---»» C'est un don qui doit être souligné car les têtes couronnées intervenaient rarement, seulement en cas de péril immédiat, lorsqu'il fallait entreprendre des travaux rapidement et qu'on ne pouvait pas attendre que dons et quêtes viennent financer l'urgence. La cathédrale Notre-Dame à Évreux est presque une exception : Louis XI lui attribua des fonds importants par dévotion pour la Vierge.
Arriva le temps des chapelles latérales. Le duc Jean de Berry, grand donateur de la cathédrale, fit commencer la construction de la chapelle du Sacré-Cœur, la plus grande des chapelles latérales. L'élan était donné. Au XVe siècle, nobles, membres du haut-clergé, riches marchands, dont Jacques Cœur, vont suivre son exemple.
La technique était bien rodée : une chapelle latérale venait s'insérer entre deux arcs-boutants consécutifs. Le mur gouttereau extérieur était d'abord évidé. Puis, quelques mètres plus loin, l'espace était fermé par un mur d'appui. Ce mur possédait en général une grande baie pour abriter un futur vitrail. Au-dessus, la chapelle était fermée par une voûte sur croisée d'ogives.
Posséder une chapelle dans une cathédrale était très valorisant pour son propriétaire : son statut social s'en trouvait confirmé et l'espérance de son salut, renforcée. D'autant plus qu'il devait pourvoir aussi à l'ornementation de sa chapelle : mobilier, statues, vitraux, vêtements sacerdotaux, etc.
On se reportera avec intérêt au financement de la cathédrale Notre-Dame d'Amiens et à celui de la grande église Notre-Dame à Dole, dans le Jura. À Dole, au XVIe siècle, avant de démarrer les travaux, le financement s'est appuyé sur un intéressant processus de ventes d'espaces sur plan.
Sources : 1) Un chef d'œuvre gothique : la cathédrale de Bourges par Jean-Yves Ribault, éditions Anthèse, 1995 ; 2) Les plus belles cathédrales de France par J.J. Bourassé, Tours, 1880 ; 3) La cathédrale Saint-Étienne de Bourges, éditions Ouest-France, texte de Jean-Yves Ribault.

«««--- Les trois grandes statues des piliers droits (vers 1160) : à gauche, le prophète Jonas ; à droite, Moïse.
Portail sud de la cathédrale, art roman.

Portail méridional : le Christ est entouré du Tétramorphe.
Dans le ruban du-dessous : les douze apôtres.
Art roman, vers 1160.
L'ARCHITECTURE INTÉRIEURE, LA NEF ET LES GRANDES VERRIÈRES

Plan de la cathédrale Saint-Étienne de Bourges.
(d'après Desmarest, 1943).
Saint-Étienne est une cathédrale sans transept.

«Halte pendant la fuite en Égypte»
de Jean-Hilaire Belloc (1787-1866).

Les vitraux des fenêtres hautes du chœur.
Ils sont datés du début du XIIIe siècle, tout comme ceux du déambulatoire. «(...) Ce sont de majestueuses figures isolées sous architecture, tantôt présentées de face tantôt en léger mouvement, toutes identifiées par de grandes inscriptions parfaitement lisibles du sol» [Corpus Vitrearum].
Ces vitraux se présentent sous la forme d'un double cortège qui se déploie de part et d'autre du double vitrail axial : saint Étienne offre sa cathédrale à la Vierge qui porte l'Enfant Jésus. Vers le sud, on voit saint Pierre (ci-contre) qui conduit les évangélistes et les apôtres auxquels ont été rajoutés trois saints confesseurs ou martyrs.
Au nord, ce sont les prophètes de l'Ancien Testament conduits par le Précurseur et dernier des prophètes, saint Jean-Baptiste. On pourra se reporter aux grands personnages du chœur de la cathédrale Saint-Pierre de Beauvais qui rappellent ceux de Bourges.
Source : Les vitraux du Centre et des Pays de la Loire, Corpus Vitrearum, éditions du CNRS, 1981.


Saint Paul
dans les grandes verrières
(baie 202, vers 1220-1225).

Saint Pierre
dans les grandes verrières
(baie 202, vers 1220-1225).

Toute la beauté de l'architecture intérieure de la cathédrale Saint-Étienne
ressurgit dans cette vue de l'élévation sud.

Architecture intérieure.
Le mode d'élévation dans la nef de la cathédrale de Bourges est unique dans le monde gothique. Les historiens désignent par le titre de Maître de Bourges l'architecte médiéval inconnu qui a réalisé cette splendide prouesse. Cette élévation est en effet l'une des trois merveilles de la cathédrale Saint-Étienne. La photo ci-dessus en donne une bonne illustration.
On voit une série de grandes arcades, hautes de 19 mètres, qui ouvre le champ de vision vers la deuxième élévation, celle qui borde le premier bas-côté. Il n'y a donc pas de tribune. Les poussées latérales sont équilibrées par des arcs-boutants ad hoc. On constate aussi la similarité du dessin tripartite de l'élévation de la nef principale et celui de l'élévation du premier bas-côté : arcades, triforium identique et fenêtres. Évidemment, la part des arcades dans la hauteur diffère. Pourtant, cela ne retire rien à l'impression globale, tout à fait extraordinaire, qui fait croire, par la fusion des volumes, que l'élévation de la cathédrale possède cinq (!) niveaux. La multiplicité des fenêtres favorise l'éclairage de l'ensemble, qui est tout à fait satisfaisant.
Cette remarquable imagination d'un maître dans l'art de construire n'a pas plu à tous les visiteurs. Ainsi, Prosper Mérimée écrit dans ses Notes d'un voyage en Auvergne, publiées en 1838 : «(...) l'œil le moins exercé est d'abord choqué du contraste entre la hauteur inusitée des arcades et le peu d'élévation des galeries supérieures et des fenêtres qui les surmontent ; ces galeries sont basses et comme écrasées.»
En somme, Mérimée regrette que le Maître de Bourges n'ait pas respecté la proportion traditionnelle attribuée aux arcades dans l'élévation totale. Certes, il fallait dégager le champ de vision sur l'élévation du bas-côté, mais le «véritable système gothique» [Mérimée] n'en a pas moins été violé, tout comme le goût artistique. Pour notre inspecteur des Monuments historiques, on a rarement vu la hauteur des grandes arcades dépasser la moitié de la hauteur totale. Il termine sa critique par un argument original : «Le raccourcissement des fenêtres produit encore un effet plus fâcheux, c'est de diminuer l'impression de surprise que cause dans la fabrique gothique une voûte séparée des piliers qui la soutiennent par un vide immense.»
La voûte de la cathédrale Saint-Étienne est sexpartite : chaque voûte couvre deux travées et conduit à une alternance de piliers forts et de piliers faibles. Ici, la caractéristique est qu'on ne perçoit pas cette différence dans l'apparence des piliers (une dissimulation à l'évidence voulue par le Maître de Bourges). Les piliers forts ont un diamètre à la base de 2,58 mètres ; les piliers faibles, de 2,20 mètres. Leur parement est identique : huit colonnettes. L'autre (petite) différence entre les forts et les faibles vient du nombre de colonnettes au-delà du chapiteau, c'est-à-dire à hauteur du triforium jusqu'à la voûte : cinq contre trois (voir photo ci-dessus).
On se reportera à la basilique Saint-Jean-Baptiste de Chaumont pour une alternance «pile forte-pile faible» bien visible.
Sources : 1) Un chef d'œuvre gothique : la cathédrale de Bourges par Jean-Yves Ribault, éditions Anthèse, 1995 ; 2) La cathédrale Saint-Étienne de Bourges, éditions Ouest-France, texte de Jean-Yves Ribault ; 3) Notes d'un voyage en Auvergne de Prosper Mérimée, éditions Adam Biro, 1989.

«««--- Deux visages de prophètes dans les fenêtres hautes du chœur.
Le premier est Daniel, le deuxième n'est pas identifié (vers 1220-1225).

Les grandes fenêtres du chœur (vers 1220-1225).
À gauche, le vitrail axial : la Vierge et saint Étienne. Les autres vitraux sont occupés par les apôtres.

Les verrières du chœur de la cathédrale de Bourges sont loin
d'égaler en splendeur celles du chœur de la cathédrale de Tours.

Le double bas-côté sud.
Le bas-côté extérieur (partie droite de la photo) a 9 mètres de haut et 5 mètres de large.
Ce bas-côté donne accès aux chapelles latérales.

Vitrail (vers 1220-1225) de Saint Sulpice le Bon,
ancien archevêque de Bourges.

La voûte sexpartite culmine à 36 mètres sous clé.
Quand le Maître de Bourges a choisi la voûte sixpartite, la voûte quadripartite
avait déjà commencé à s'imposer dans les grandes cathédrales de France.

Statue de la Vierge à l'Enfant.

Prophètes Sophonias, Amos et Naum.
Vitrail des grandes fenêtres du chœur
(Vers 1220-1225).

Premier bas-côté au nord.
La voûte culmine à 21 mètres.

Les bas-côtés.
Le choix du Maître de Bourges d'élever de très hauts piliers encadrant le vaisseau central se traduit par la création d'un double bas-côté. Chacune des galeries de ce double bas-côté est à la fois étroite et élevée.
Les voûtes de ces bas-côtés plafonnent ainsi à 21 mètres (voir photo ci-dessus). Elles occupent en fait la place des voûtes des tribunes (qui n'existent pas).
Ces bas-côtés, qui sont de vrais couloirs, ont été décriés. Ils sont pourtant indispensables pour dégager le champ de vision sur l'élévation tripartite du bas-côté extérieur (arcades, triforium et fenêtres).


Vitrail axial des grandes fenêtres
Saint Étienne offre la cathédrale à Marie et à l'Enfant Jésus.
Vers 1220-1225.

L'Adoration des bergers.
Copie du XVIIe siècle d'un tableau de Pabrlo di Giovane.

Élévation au niveau du chœur.
LA NEF ET SON MOBILIER - LE GRAND ORGUE

Le grand orgue et le «grand housteau».

La Vierge à l'Enfant
Statue en argent.

L'orgue et le «grand housteau».
La tribune à encorbellement du grand orgue date de 1599. Flanquée de deux très beaux balcons circulaires joliment sculptés, elle repose sur une grande poutre du XVe siècle, elle-même sculptée d'anges musiciens. Malheureusement, le bas de la tribune est la plupart du temps plongé dans la pénombre.
Le buffet d'orgue est en chêne sculpté et date de 1663. L'orgue date de 1985 (facteur Kern) et rassemble des éléments des XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles.
Derrière l'orgue se trouve l'une des plus belles verrières de la cathédrale, que l'on appelle le «grand housteau». Celui-ci comprend six lancettes à personnages et une rose.
Mise en place par Guy de Dammartin, architecte du duc Jean de Berry à la fin du XIVe siècle, la rose, donnée ci-contre, est assez sobre : elle ne reçoit que des motifs de mosaïque avec la colombe du Saint-Esprit en son centre.
Les personnages des six lancettes (milieu du XVe siècle) situées au-dessous de la rose sont malheureusement partiellement cachés par le grand orgue. On trouve de gauche à droite : les saints Guillaume et Jacques, l'Annonciation, puis saint Étienne et saint Ursin (?).
La baie a été restaurée en 1546 par le maître verrier Jean Lescuyer. Vers 1920, l'atelier Chigot a refait toutes les têtes des personnages, sauf une. Elles ont été remplacées au milieu du XXe siècle.
Source : Les vitraux du Centre et des Pays de la Loire, Corpus Vitrearum, CNRS, 1981.


Chapelle Jacques-Cœur : trois statues de la famille de l'Aubespine
dues au ciseau du sculpteur flamand Philippe de Buyster (3e quart du XVIIe siècle).
De gauche à droite : Guillaume de l'Aubespine, conseiller d'État (†1629,)
sa femme Marie de la Châtre, leur fils Charles de l'Aubespine qui fut garde des Sceaux (†1653).

L'un des deux balcons circulaires de la tribune du grand orgue
de la cathédrale. La tribune est datée de 1599.

Le prophète Malachie
Grandes fenêtres du chœur.
Vers 1220-1225.

La chaire à prêcher (XIXe siècle ?)
ne contient rien de remarquable.

Le Père céleste dans une clé de voûte ---»»»

Priant du maréchal de Montigny (†1617).
Sa grande ressemblance avec Henri IV
a été soulignée par Prosper Mérimée.
Œuvre du sculpteur Michel Bourdin.

Écu aux armes du Berry tenu par quatre anges dans le «grand housteau».
L'Annonciation dans le «grand housteau» (milieu du XVe siècle) ---»»»
(L'intervalle entre les deux lancettes a été réduit.)

Le grand orgue de la cathédrale Saint-Étienne.
Derrière, la verrière de la fin du XIVe siècle est appelée le «grand housteau».

La rose du «grand housteau» sur la façade occidentale (vers 1395).
Au centre, la colombe du Saint-Esprit.
Les rayons de la rose accueillent des motifs de mosaïque assez simples.

Porte gothique embellie de personnages sculptés.

L'horloge astronomique de 1424
a été restaurée dans les années 1990.

«L'Adoration des bergers»
Tableau de Jean Boucher (1568-1633).
1ère moitié du XVIIe siècle.
Le peintre avait l'habitude de se représenter dans ses toiles : c'est l'homme
qui regarde vers la droite, d'un air pensif, dans la partie gauche de la toile.
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Documentation : «Un chef d'œuvre gothique, la cathédrale de Bourges» de Jean-Yves Ribault, éditions Anthèse, 1995
+ «La cathédrale de Bourges et ses vitraux» par Jean Verrier, éditions du Chêne, Paris.
+ «La cathédrale Saint-Étienne de Bourges», éditions Ouest-France, texte de Jean-Yves Ribault.
+ «Les Grands vitraux de Bourges» d'Hervé Benoît, © Centre Saint-Jean de la Croix, 2001
+ «Les plus belles cathédrales de France» par J.J. Bourassé, Tours, 1880
+ «Les vitraux du Centre et des Pays de la Loire», Corpus Vitrearum, CNRS, 1981
+Sessions du Congrès archéologique de France tenues à Bourges en 1849 et 1898
+ «Dictionnaire des églises de France», © éditions Robert Laffont, 1967
+ «La vie de tous les Saints de France», collection dirigée par M. Ch. Barthélemy, Bureau des annales hagiologiques de la France, 1860
+ «Vie des saints» par le père Giry, corrigée & complétée par Paul Guérin, éditions de 1862.
+ «Notes d'un voyage en Auvergne» de Prosper Mérimée, éditions Adam Biro, 1989
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