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L'existence d'une communauté chrétienne
à Amiens n'est pas attestée avant le IVe siècle.
Lors des incursions barbares sur la Picardie en 407, on sait qu'un
premier temple a été détruit. L'évangélisation
de la Gaule allant grand train dès le Ve siècle, les
sources historiques indiquent qu'un deuxième monument - bâti
à l'emplacement de l'actuelle cathédrale - remplaça
le premier. À la suite d'un incendie dévastateur,
une cathédrale romane est érigée entre 1137
et 1152. C'est dans ses murs que Philippe Auguste épouse
la princesse danoise Ingeburge en 1193. En 1206, le chef de saint
Jean-Baptiste, pris à Constantinople, prend place dans la
cathédrale et accroît notablement son prestige. Il
s'en suit l'institution de l'un des plus importants pélerinages
du nord de la France au Moyen Âge et une source de revenus
pour le chapitre.
L'édifice étant détruit par le feu en 1218,
les plans d'une gigantesque cathédrale gothique sont dressés
aussitôt. Le chantier démarre dès 1220. Il sera
terminé cinquante ans plus tard. On commença par le
transept, puis la nef (1240), et enfin le chevet (vers 1269). Un
bâtiment de cette taille ne pouvait s'en tirer sans dommages
: incendies, tempêtes, explosion d'un moulin à poudre
en 1675, ou simplement remaniements en modifièrent certaines
parties au cours des âges. Après le Concile de Trente,
le sanctuaire est aménagé, le jubé est remplacé
par une grille.
La Révolution amène son lot de vandalismes, notamment
sur la statuaire de la façade. En 1810, l'architecte Godde
est chargé de la restauration, remplacé par Cheussey
en 1821. La restauration de la statuaire mutilée crée
la polémique au sein des érudits amienois, ce qui
entraîne la démission de Cheussey en 1848. Il est remplacé
par Eugène Viollet-le-Duc (1814-1879) qui va s'emparer du
projet à bras-le-corps. Il restaurera la cathédrale
d'Amiens, qui incarne pour lui l'église gothique par excellence,
selon ses vues personnelles. La façade occidentale porte
son empreinte. Au XXe siècle, les guerres épargneront
à peu près le monument, inscrit au Patrimoine mondial
de l'humanité par l'UNESCO en 1981.
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La nef et le chur de la cathédrale d'Amiens.
Photographie prise depuis le milieu de la nef. |
Architecture.
La construction démarre en 1220 sur les plans de Robert
de Luzarches qui en fixe les grandes lignes, notamment l'élévation
à trois niveaux et le détail de la façade
occidentale. Ensuite vient Thomas de Cormont qui poursuit
l'uvre (travées droites du chur, déambulatoire,
chapelles rayonnantes, voûtes de la nef). Enfin son
fils Renaud se charge de la partie restante (superstructures
du chur et de l'abside, voûtes de la croisée
et des parties orientales). En 1269, le gros uvre est
pratiquement achevé.
La cathédrale d'Amiens donne dans le gigantisme. Pour
la hauteur de la croisée du transept, elle n'est devancée
que par celle de Beauvais
(42,30 mètres contre 48 mètres). Pour le reste,
elle surpasse de loin les autres cathédrales de France.
D'un volume intérieur de deux cent mille mètres
cubes, elle contiendrait en entier la cathédrale de
Paris.
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Cette dernière fait 127,50
mètres de longueur totale, alors que la cathédrale
d'Amiens fait 133,50 mètres de longueur intérieure
(dite «dans uvre») et 145 mètres
de longueur hors uvre.
La longueur de son transept est de 70 mètres contre
45 mètres pour celle de Paris. La comparaison des superficies
est édifiante : 7700 m² contre 4800 m² à
Paris. La question que l'on se pose immédiatement est
de savoir où les Amiénois ont trouvé
les fonds pour construire un pareil monument - et en moins
d'un demi-siècle. Un début de réponse
est fourni plus bas.
Source : La cathédrale Notre-Dame
d'Amiens, Éditions
du Patrimoine.
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LA FAÇADE
OCCIDENTALE (1ère moitié du XIIIe siècle) |
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LE PORTAIL CENTRAL
DE LA FAÇADE OCCIDENTALE, DIT «DU BEAU DIEU» |
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La façade occidentale de la cathédrale d'Amiens. |
La façade
de la cathédrale affiche une
très belle harmonie. Sa construction a
commencé en 1220, mais le dernier étage
de la tour nord n'a été achevé
qu'en 1402. Les statues de la galerie des Rois
(au-dessous de la rose) ont presque toutes été
restaurées par Viollet-le-Duc au XIXe siècle.
Le «réseau» de la rose date
du XVIe siècle. Enfin, la galerie des Sonneurs
(ou des Musiciens), située au-dessus de
la rose, a été reconstruite par
Viollet-le-Duc.
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Bas-reliefs dans le soubassement droit.
Comme ceux du soubassement gauche, ils représentent
des paires de vices et de vertus. |
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Le «Beau Dieu» d'Amiens
Trumeau du portail central. |
Le bas de l'Arbre de Jessé
Voussure gauche du «porche», c'est-à-dire
de la partie la plus extérieure du portail central. |
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Statues dans l'ébrasement et le piédroit gauches
du portail central.
De droite à gauche, on voit d'abord les apôtres
: Paul (reconnaissable à son glaive), Jacques le Mineur,
Thomas, Matthieu, Philippe, Simon (ou Jude), puis les deux prophètes
Ézéchiel et Daniel.
À DROITE ---»»»
Les démons au bas des voussures droites du portail central
représentent l'Enfer. |
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LE TYMPAN DU PORTAIL
CENTRAL (LE JUGEMENT DERNIER) |
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L'ensemble du tympan du portail central (XIIIe siècle). |
Portail central : La Résurrection des corps dans le linteau
(XIIIe siècle). |
Qu'a-t-on
restauré sur la façade occidentale au
XIXe siècle? Amiens a eu de la chance.
La statuaire du XIIIe siècle des portails a peu
souffert du vandalisme révolutionnaire, comme
elle avait peu souffert, deux siècles plus tôt,
de l'iconoclasme protestant. Dans les ébrasements,
les tympans, les soubassements et les voussures, pratiquement
rien n'a été saccagé. Une première
restauration a été menée de 1843
à 1847 sous la direction de l'architecte Cheussey.
Esprit très professionnel et nullement convaincu
de posséder la science infuse, il sut écouter
les archéologues érudits. Mais la façade
demandait peu. Elle demeurait d'ailleurs dans le septième
et dernier chapitre des restaurations à effectuer
par Cheussey, classées par ordre d'urgence décroissante.
Parmi les interventions les plus importantes, Cheussey
a remplacé dix voussoirs et refait à neuf
la tête de l'une des statues des ébrasements
du portail central. Le Beau Dieu a vu sa main gauche
et son livre refaits. Au portail sud, la tête
de l'Enfant porté par la Vierge a été
recréée. De même quelques attributs
manquants de certaines statues ont été
refaits. L'aspect plutôt satisfaisant de la façade
avant le travail de Cheussey est-il dû à
des interventions sur la pierre au XVIIIe siècle?
Les spécialistes le pensent, mais aucun document
ne permet de le confirmer. Suite à droite
---»»»
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LA GALERIE
DES ROIS SUR LA FAÇADE OCCIDENTALE |
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La galerie des Rois «restaurée» par Viollet-le-Duc
entre 1849 et 1861
Viollet-le-Duc a ajouté des motifs végétaux
sur les arcs entre les rois. Sur une photographie de 1852
présente dans l'ouvrage «La Nuée bleue,
la Grâce d'une cathédrale», les arcs sont
nus. |
LE PORTAIL
SUD DE LA FAÇADE OCCIDENTALE, DIT «DE LA
MÈRE DIEU» |
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Anges et rois de Juda de l'Arbre de Jessé.
Archivolte droite du portail de la Vierge. |
La Vierge sur le trumeau
du portail de la Mère Dieu.
Elle foule un serpent à tête féminine. |
Le
portail de la Vierge dit «de la Mère Dieu»
présente une programme iconographique à
la gloire de Marie. Traditionnellement, le Moyen Âge
a représenté Marie de deux manières
: soit en tant que Mère de Dieu, soit en tant
que symbole de l'Église, épouse du Christ.
Dans le premier cas, on fait cohabiter les scènes
de l'Annonciation, de la Visitation, de la Nativité
et de l'Adoration des mages. Dans l'autre cas, c'est
le Couronnement de Marie, précédé
de la Dormition et de l'Assomption, auxquels on adjoint
les prophètes et l'Arbre de Jessé. Ces
deux thèmes distincts étaient jusque-là
bien séparés. On ne mélangeait
pas les deux. Mais à Amiens, dans le portail
sud de la façade, ils sont réunis pour
la première fois. Le thème de l'Incarnation
et de la Mère de Dieu est traité dans
les statues-colonnes de la partie basse du portail,
(voir photo du bas avec Annonciation, Visitation et
Présentation au Temple). Le thème de la
Vierge-Église apparaît dans le tympan et
les voussures de l'archivolte. La photo ci-dessus montre
trois voussures intéressantes : celle de gauche
est peuplée d'anges portant des cierges ou des
encensoirs ; les deux autres font référence
aux ancêtres de la Vierge dans l'Arbre de Jessé.
Celle du milieu est sculptée de rois de Juda,
celle de droite d'ancêtres non couronnés.
Source : Amiens, la grâce
d'une cathédrale, la Nuée bleue, article
«La sculpture des portails» de Iliana Kasarska.
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Les statues-colonnes de l'ébrasement droit dans le portail
de la Vierge sont groupées deux par deux.
On y voit de gauche à droite les symboles liés
au thème de Marie Mère de Dieu : l'Annonciation,
la Visitation et la Présentation de Jésus au Temple. |
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Tympan du portail central : le Souverain Juge à son tribunal.
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Le
tympan du portail central (XIIIe siècle)
illustre le Jugement dernier. De haut en bas,
il montre la résurrection des morts, «réveillés»
par l'ange souffleur, et la pesée des âmes
par l'archange Gabriel. Au-dessus, les anges séparent
les justes et les damnés. Ceux-ci sont dirigés
par les démons vers le léviathan. Enfin,
au sommet trône le Christ entouré de la
Vierge et de saint Jean, tous deux intercédant
pour le salut des hommes. Encore au-dessus, les érudits
soulignent une création iconographique de
l'époque : le Christ avec deux glaives sortant
de sa bouche. Cette image est l'illustration d'un verset
de l'Apocalypse de Jean («de ore eius
gladius utraque parte acutus exibat») qui
peut s'interpréter de deux façons : un
glaive à double tranchant tenu dans la bouche
du Christ (représenté dans une clé
de voûte de la cathédrale de Paris du XIIe
siècle) ou bien deux glaives sortant de la bouche
du Christ (ce qui a été fait à
Amiens). Détail intéressant dans la séparation
des âmes : l'influence des ordres mendiants
dans la société médiévale.
En effet, on y voit saint François d'Assise (1181-1226)
à gauche, désigné par saint Pierre,
entrer le premier au Paradis (photo ci-dessous). Il
est en habit de franciscain et pieds nus. L'évêque
Arnoul de la Pierre (1236-1247) avait favorisé
l'implantation des ordres mendiants à Amiens.
C'est l'une des représentations les plus anciennes
de ce saint en France, canonisé deux ans après
sa mort, en 1228.
Sources : 1) Amiens, la grâce
d'une cathédrale, la Nuée bleue, article
«La sculpture des portails» de Iliana Kasarska
; 2) La cathédrale Notre-Dame d'Amiens,
édition du Patrimoine.
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Tympan : saint François d'Assise,
désigné par saint Pierre, rentre
le premier au Paradis. |
Tympan : La séparation des élus et des damnés.
Les méchants sont dirigés vers la gueule du léviathan.
qui symbolise l'entrée de l'Enfer. |
---»»»
Cependant Cheussey n'avait pas toutes les qualités.
Il avait engagé trois sculpteurs pour restaurer
la partie de la statuaire endommagée lors de
la Révolution. Mais leur travail, peu respecteux
de l'iconographie, suscita la polémique. Les
érudits amiénois reprochèrent à
l'architecte d'avoir commis des erreurs impardonnables.
Lassé de ces querelles, Cheussey démissionna
en 1848. Pour être remplacé, dès
1849, par Eugène Viollet-le-Duc.
Le nouvel arrivant, âgé de 35 ans, à
la fois architecte et archéologue, ne s'embarrassa
pas d'érudits à ses côtés.
Il repensa toute la façade, choisit son atelier
d'ouvriers et se lança dans les «restaurations»...
en mettant les divers services administratifs dont il
dépendait devant le fait accompli. La partie
où l'intervention était la plus urgente
était le sommet des deux tours. Viollet-le-Duc
les remodela à son idée... Il s'attaqua
ensuite à la galerie des Rois, sous la rose,
en refaisant sculpter les statues et en rajoutant des
motifs végétaux sur les arcs qui les surplombent
(voir photo à gauche). Initialement, les arcs
étaient nus. La galerie des Sonneurs, qui joint
le sommet des deux tours (et qui accueillit des statues
jusqu'au XVIIe siècle), a carrément été
recréée par ses soins. Enfin, plus bas,
l'architecte redessina complètement les quatre
pinacles qui séparent les gâbles des trois
portails en leur donnant une forme nettement plus élancée.
Eugène Viollet-le-Duc mena «sa» restauration
à bonne fin jusqu'en 1861. De la sorte, Iliana
Kasarska (voir source) écrit que la façade
de la cathédrale d'Amiens ne nous apparaît
pas sous son aspect originel, mais qu'elle se présente
plutôt comme «une composition médiévale
du XIXe siècle». C'est un peu sévère.
En comparant la façade actuelle et les dessins
et photographies faits avant 1852, on constate que l'aspect
général de la façade occidentale
est tout à fait respecté. On optera plutôt
pour une expression du genre «façade médiévale
réaménagée».
Source : Amiens, la grâce
d'une cathédrale,
la Nuée bleue, article «La sculpture des
portails» de Iliana Kasarska.
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La galerie des Rois sur la façade occidentale.
Le décor végétal sur les arcs et les têtes
de grotesques, la bouche ouverte,
au-dessus des tailloirs sont des inventions de Viollet-le-Duc.
Leur effet n'est pas toujours très heureux. |
Le portail sud, dit «de la Mère Dieu» (XIIIe
siècle).
Il réunit les deux thèmes mariaux traditionnels
: Marie en tant que Mère de Dieu dans les statues-colonnes
et Marie en tant que Vierge-Église dans le tympan et
l'archivolte. |
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Tympan du portail de la Vierge : Mise au tombeau de la Vierge (à
gauche) et Assomption (à droite). |
La partie
basse du tympan du portail de la Vierge a la particularité
de présenter deux scènes presque similaires
autour du corps de Marie : l'une avec les apôtres, l'autre
avec des anges. La partie gauche montre la Mise au tombeau
de la Vierge en présence des apôtres et du
Christ. La scène suit le récit de La Légende
dorée rapportée d'après un écrit
apocryphe de saint Jean l'Évangéliste, où
l'on lit que la Vierge fut enterrée dans la vallée
de Josaphat. Le Christ, qui est présent lors de la
cérémonie, est sculpté debout, tenant
un livre dans la main droite. Il est tourné vers la
Vierge, mais regarde un apôtre. Les deux apôtres
qui déposent le corps de la Vierge rappellent Joseph
d'Arimathie et Nicomède, figures traditionnelles de
la Mise au tombeau du Christ.
|
La partie droite est une allégorie
de l'Assomption. Le corps de la Vierge est soulevé
par deux anges, qui sont eux-mêmes assistés par
sept autres anges. Leur point commun à tous est de
sourire et de regarder vers le haut, voire vers le Ciel, tandis
que les apôtres de la Mise au tombeau penchent la tête
d'un air triste. On peut voir tout à fait distinctement
que la Vierge ouvre les yeux aux anges qui l'accueillent et
leur sourit alors qu'elle a les yeux fermés dans la
Mise au tombeau.
Source : Amiens, la grâce d'une
cathédrale, la Nuée
bleue, article «La sculpture des portails» de
Iliana Kasarska.
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LE PORTAIL
NORD DE LA FAÇADE OCCIDENTALE DIT «DE SAINT-FIRMIN-LE-MARTYR» |
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Le portail de Saint-Firmin est dédié à
l'histoire sainte locale.
Sur le trumeau, saint Firmin triomphe du païen Auxilius,
à l'origine de son martyre. |
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Statues de saints locaux dans l'ébrasement gauche du
portail de Saint-Firmin.
Depuis la porte : saint Honoré, un ange, saint Acheul,
saint Ache, un ange, sainte Ulphe. |
Le
portail nord de la façade, dit «de Saint-Firmin»
est consacré à l'iconographie locale.
Au Moyen Âge, l'hagiographie amiénoise,
a fait de l'évêque Firmin (dont on ne sait
rien), le fondateur de l'Église d'Amiens. Mort
martyr, il aurait été inhumé par
un autre évêque Firmin, son successeur
(appelé par les historiens «Firmin le Confesseur»).
Il s'agissait à l'époque de construire
pour Amiens un passé glorieux auréolé
du sang des martyrs.
Les scènes représentées dans le
portail, loin de tout aspect édifiant, relèvent
de la pratique liturgique, voire de la vie courante
avec les signes du Zodiaque des soubassements, et permettent
aux Amiénois de s'y identifier. Aux saints locaux
des ébrasements (saint Acheul, saint Domice,
sainte Ulphe, etc.) répondent, dans le tympan,
les scènes hagiographiques de la découverte
par saint Sauve du tombeau de saint Firmin et du transfert
de ses reliques dans la cathédrale. Dans la partie
inférieure du tympan, les habitants se pressent
autour du tombeau, attirés par un odeur suave
qui se dégage du corps de saint Firmin. Dans
la partie supérieure, lors du transfert des reliques
en plein hiver, un miracle a lieu : la végétation
renaît, les arbres refleurissent. Par l'illustration
de ce miracle, le clergé local hisse saint Firmin
au rang d'icône pour la cathédrale et affiche
la légitimité de cette dernière
en tant que dépositaire des reliques. Au Moyen
Âge, la châsse de saint Firmin était
exposée derrière le maître-autel.
Source : Amiens, la grâce
d'une cathédrale,
la Nuée bleue, article «La sculpture des
portails» de Iliana Kasarska.
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Partie inférieure du tympan : les Amiénois accourent,
attirés par l'odeur suave que dégage
le corps de saint Firmin et se réjouissent de la redécouverte
de son tombeau. |
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LE PORTAIL
SAINT-HONORÉ SUR LE BRAS SUD DU TRANSEPT |
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Le portail Saint-Honoré du transept sud est dédié
à Honoré,
saint évêque du VIe siècle dont la cathédrale
possède les reliques. |
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La Vierge à l'Enfant dans le portail Saint-Honoré. |
Le transept sud de la cathédrale d'Amiens. |
Le portail
Saint-Honoré du transept sud possède
un programme iconographique propre, dédié
à Honoré, un saint très vénéré
à Amiens. Les aléas de la construction
de la cathédrale firent que c'est la statue dite
de «la Vierge dorée» qui fut placée
sur le trumeau (actuellement c'est une copie, l'originale
est à l'intérieur de l'édifice).
La statue de saint Honoré fut dressée
sur le trumeau du portail nord du transept.
Sur le tympan du portail Saint-Honoré, les douze
apôtres ont pris place dans le linteau. Au-dessus
se trouvent des scènes de la vie de saint Honoré
: le saint en train de lire, la messe miraculeuse ;
et des miracles : une aveugle est guérie en touchant
la nappe de l'autel où se trouve la statue du
saint. Le registre supérieur est consacré
à la translation de la châsse. On y voit
des paralytiques qui essaient de toucher la châsse
pour être guéris. Au sommet se trouve une
Crucifixion qui s'appuie sur la châsse. Dans les
voussures prennent place des anges, des personnages
de l'Ancien Testament, des prophètes et des apôtres.
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«««---
À GAUCHE, troisième voussure de l'archivolte gauche
En bas : le prophète Joël annonce l'arrivée
du fils de Dieu avec sa trompette.
En haut : le prophète Amos devant une maison frappée
par une flamme
Dans cette dernière sculpture, on remarque que, pour
ce qui est de la loi de
la nature chez les animaux, le sculpteur n'a pas perdu le nord
! |
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L'archivolte gauche du portail Saint-Honoré.
Dans les voussures de droite à gauche : anges, personnages
de l'Ancien Testament, prophètes, apôtres. |
La Vierge dorée
remplace la statue de saint Honoré sur
le trumeau du portail sud du transept. |
Archivolte droite.
Deux personnages de l'Ancien Testament
1) La victoire de Judith sur Holopherne
2) Judas Maccabée qui reprit le Temple
de Jérusalem à Antiochus IV Épiphane
- qui n'est autre que l'Antiochus de
la pièce de Racine, «Bérénice». |
Qui
a financé la construction de la cathédrale
d'Amiens? Devant un tel gigantisme, c'est
une question qui tombe sous le sens. Des réponses
nous sont apportées par l'historien américain
Henry Kraus dans son ouvrage L'argent des
cathédrales aux éditions du Cerf.
Tout part du commerce dans un environnement
de paix et d'intérêt commun. Dès
le début du XIIe siècle, Amiens sut noyer
les divergences entre le roi, le clergé et les
bourgeois de la ville dans des traités de paix.
En effet, en 1113, la commune est instituée.
Ce qui signifie que les seigneurs, notamment le comte
d'Amiens, perdent leurs droits sur la ville. Leur opposition
sera brisée. La commune est une institution essentielle.
En répartissant de manière définitive
les pouvoirs entre le roi, le clergé et les bourgeois,
elle interdit toute ingérence des seigneurs ruraux
ou de la périphérie dans les affaires
de la cité. Kraus écrit qu'ainsi Amiens
devint l'un des principaux alliés et soutiens
du roi dans la région et que la ville alimentait
les finances de la couronne. La milice communale se
distingua à la bataille de Bouvines (1214). Le
comte de Flandre installa à Amiens une puissante
administration. Le contexte se prêtait aux affaires.
Entre bourgeois et clergé (qui avaient jadis
dû s'allier contre les seigneurs locaux), les
intérêts commerciaux et industriels étaient
communs. Le clergé prenait sa part du développement
commercial, souvent sous forme coopérative. Kraus
donne ainsi l'exemple, pour l'année 1117, de
l'évêque d'Amiens, saint Geoffroy, esprit
non-conformiste qui avait le souci de ses ouailles.
Cet homme très aimé plaçait la
commune au-dessus de tout. Cette bonne entente dura
plusieurs siècles.
De quoi faisait-on commerce à Amiens aux XIIe
et XIIIe siècles? Qu'y produisait-on et qu'y
vendait-on? D'abord un produit régional : le
vin ; un autre international : la guède
de Picardie, une plante tinctoriale, de récolte
bisannuelle, indispensable pour colorer les étoffes
en bleu. Cette guède était utilisée
principalement par les industries drapières de
France, d'Angleterre et des Flandres. Suite ci-contre
---»»»
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Tympan du portail Saint-Honoré.
La translation des reliques de saint Firmin à la cathédrale.
Trois paralytiques essaient de toucher la châsse avec
l'espoir d'être guéris. |
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Tympan du portail Saint-Honoré
La messe miraculeuse : la main de Dieu bénit l'eucharistie |
---»»»
Kraus nous apprend ainsi qu'elle «était
cultivée, traitée et empaquetée
dans un rayon d'environ vingt kilomètres autour
d'Amiens, le long des vallées de la Somme, de
l'Arve et de l'Encre. La préparation de la teinture
exigeait de nombreuses opérations de broyage
et de raffinage qui utilisaient la puissance fournie
par des moulins à eau et à vent.»
Les sources manquent pour attester que les bourgeois
amiénois ont aidé au financement de la
construction dès 1220, année de la pose
de la première pierre. Mais un érudit
du XVIIe siècle, Charles du Fresne, seigneur
du Cange (1610-1688), avocat au parlement de Paris et
grand spécialiste de l'époque classique,
eut la bonne idée de dresser l'inventaire des
inscriptions et symboles héraldiques situés
sur les vitraux de l'église. (Ces lancettes ont
été détruites en grande partie
avant la Révolution par les chanoines qui abhorraient
l'art gothique. Le reste, entreposé, a brûlé
dans un malheureux incendie au début du XXe siècle.
Il nous en reste une seule.) Les résultats de
Charles du Fresne sont que toutes ces inscriptions,
sauf une, étaient associées au commerce
de la guède. Ainsi, le plus grand magnat de la
guède, André Malherbe, finança
six des grandes fenêtres de la cathédrale.
Suite ci-dessous ---»»»
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Le chevet de la cathédrale a été construit trente
ans après la nef. |
---»»» Devant
l'absence de données pour le financement des parties
en pierre proprement dites, Kraus écrit que l'essentiel
de la construction a dû être assuré par
le chapitre, donc par les ressources de l'Église locale.
Ainsi Geoffroy d'Eu, évêque d'Amiens de 1222
à 1236, c'est-à-dire pendant les premières
années du chantier, fut un bâtisseur enthousiaste
et vendit même à la commune deux de ses propriétés
les plus rentables. Mais quid des pèlerinages? Sur
ce point, la littérature diverge. En 1206, la cathédrale
précédente avait accueilli le chef de saint
Jean-Baptiste, fondant par là, nous disent les historiens,
l'un des plus importants pélerinages du nord de la
France au Moyen Âge. De plus, l'édifice possédait
les reliques de saint Firmin, saint Martin, saint Honoré
et d'autres. Tout cela devait bien rapporter d'abondantes
aumônes et donations. Et assurer le financement de la
construction. Mais Kraus écarte l'importance de ce
phénomène d'un revers de main. Dans une note
de son ouvrage, il écrit que «le XIIIe siècle
est avant tout l'ère de Marie, dont la "tunique"
attirait comme un aimant les oboles des pèlerins à
Chartres.» En fait, Kraus fait reposer l'origine des
fonds avancés par le chapitre sur les charges imposées
à toutes les églises paroissiales de la ville.
La plupart des revenus tirés des propriétés
de ces paroisses devaient être versés au chapitre
de la cathédrale. Kraus fait une comparaison avec la
capitale : «Contrairement à Paris où l'on
put simultanément construire la cathédrale et
les églises secondaires, à Amiens il fut tout
simplement interdit d'affecter des fonds importants aux besoins
des édifices secondaires pendant la construction de
la cathédrale.» De la sorte, c'est l'ensemble
du clergé amiénois, associé aux bourgeois
de la ville, qui contribua au financement. Et Kraus souligne
qu'il n'y a nulle trace de don venant du roi ou de la noblesse
locale. Ajoutons que cette utilisation obligée des
fonds des églises secondaires fit, par exemple, que
trois églises, détruites lors de l'incendie
de 1218, ne furent rebâties qu'au XIVe siècle.
Il n'empêche. Une construction aussi gigantesque engloutissait
des sommes considérables. En 1236, seize ans après
son démarrage, l'évêque dut convoquer
une réunion d'urgence avec tous les représentants
de la cité. Le manque de fonds devenait criant. À
partir de 1238, les travaux sur le transept et l'abside abandonnèrent
le rythme soutenu des années 1220 lors de la construction
de la nef ; les détails architecturaux gagnèrent
en simplicité. Vers le milieu des années 1240,
une sombre affaire de rixe et d'honneur mêlant prélats
et fils de bourgeois se solda par une amende record de 2000
livres de la commune à payer à l'Église.
Six chapellenies (chapelles rayonnantes ou latérales)
furent ainsi fondées... avec retard puisque l'amende
ne fut honorée qu'en 1262. Cette affaire faillit mettre
à mal les bonnes relations entre le clergé et
la bourgeoisie amiénoise. Suite ci-dessous ---»»»
|
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Les douze apôtres en discussion sur le linteau du portail Saint-Honoré. |
---»»» Néanmoins
la participation des guédons (commerçants de
guède) baissa. En 1258, l'incendie de la voûte
en bois de l'édifice vint presque à propos remettre
les choses à plat. Un nouveau besoin impérieux
surgissait. Kraus conclut que, vers 1280, le ressentiment
des bourgeois envers le clergé n'était plus
que de l'histoire ancienne. Dans les années 1290 arriva
le temps du financement des chapelles latérales de
la nef (1292-1375). Rappelons ici que, lors de la construction
d'un édifice religieux un peu important, a fortiori
une cathédrale, les élévations de la
nef sont bâties droites, sans excavations, c'est-à-dire
sans chapelles latérales. Lorsque l'édifice
est terminé, les grandes familles de la ville financent
la construction de chapelles privées sur les côtés
de la nef - un endroit qui jouissait de sa prédilection.
On crée une chapelle à l'extérieur de
la nef, entre deux contreforts. Puis on casse le mur de pierres
entre les deux travées correspondantes. Les fondateurs
de la chapelle, pour assurer le bon service des messes périodiques
privées (pour lesquelles ils payeront à nouveau
le clergé), donnent alors le nécessaire pour
la décorer (uvres d'art, voire missels et habits
sacerdotaux). Mais dans les années
|
1290, une seule des douze chapelles
latérales de la nef fut financée par une famillle
amiénoise. Une autre le fut par des commerçants
de guède aux alentours d'Amiens. C'est que, entre-temps,
l'économie s'était retournée. Le marché
de la guède amiénoise était attaqué,
le déclin de la ville amorcé.
La raison en est simple : en 1295 éclate la guerre
des drapiers. Le roi anglais Édouard Ier confisque
toutes les marchandises des guédons entreposées
dans les ports anglais. La perte se chiffre à environ
4000 livres. De quoi construire et meubler, note Kraus, la
totalité des chapelles latérales de la nef !
Plus dommageable encore : à cause des guerres incessantes
de Philippe le Bel, le débouché flamand de la
guède se tarit. Puis la concurrence brise le monopole
d'Amiens. Toutefois, à cette époque, l'essentiel
de la cathédrale est achevé.
Voir le financement de la cathédrale Saint-Étienne
de Bourges.
Sources : 1) L'argent des cathédrales
de Henry Kraus, Éditions du Cerf, CNRS Éditions
; 2) Amiens, ville d'art et d'histoire, Éditions
du patrimoine.
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LE SPECTACLE NOCTURNE
SUR LA FAÇADE OCCIDENTALE |
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Archivolte droite du portail central
La représentation de l'Enfer. |
Le portail central dit «du Beau Dieu». |
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La façade illuminée telle qu'elle devait apparaître
de jour au Moyen Âge.
Après une longue restauration de la pierre au laser,
ce très beau spectacle est offert
aux Amiénois et aux touristes depuis les années
1990 (création Skertzò pour Amiens Métropole). |
Portail de la Mère Dieu
Statues-colonnes de la vie de Marie (Annonciation, Visitation
et Présentation au temple). |
«««---
À GAUCHE
Ébrasements droit du portail central :
Les apôtres Pierre, André, Jacques le Majeur, Jean,
Simon (ou Jude) et Barthélemy. |
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LA NEF ET LES
CHAPELLES LATÉRALES |
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Gisant de l'évêque Geoffroy d'Eu dans la nef. |
La nef et les chapelles latérales du bas-côté sud. |
Gisant de l'évêque Évrard de Fouilloy dans la nef.
Ces gisants sont deux rares exemples de productions médiévales
en bronze coulé d'une seule pièce. |
Vue de la nef : Gisant de l'évêque Geoffroy d'Eu devant
la chapelle Saint-Michel et la chapelle Saint-Jean-l'Évangéliste. |
«Le Retour de l'enfant prodigue» de J.-J. Forty, 1788
Chapelle Saint-Louis (érigée de 1297 à 1302). |
Chapelle Saint-Michel (érigée en 1389)
Le retable et le Christ en croix. |
Chapelle de l'Annonciation (érigée en 1383)
Le lutrin est du XIXe siècle. Le retable est donné ci-dessous.
La grille est datée des environs de 1770. |
Fragments de vitraux représentant l'histoire de saint
Michel, XIVe siècle.
Chapelle Saint-Michel. |
Suite de chapelles latérales dans le bas-côté nord avec leurs
impressionnantes grilles. |
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Le retable en marbre «L'Annonciation» de Nicolas Blasset, 1655
Chapelle de l'Annonciation. |
Il ne reste rien des chapelles
latérales du Moyen Âge. Tout
a disparu lors de l'aménagement du XVIIIe siècle.
À présent, leur style est identique :
un lambris monte jusqu'aux fenêtres, un retable
massif est adossé au mur de l'élévation,
enfin de hautes grilles en fer forgé les clôturent.
Ces dernières remontent la plupart du temps au
XVIIIe siècle. Dans les chapelles, on peut voir
souvent un reliquaire ou un lutrin, et surtout un ou
deux tableaux illustrant une étape du Chemin
de croix. Ces tableaux datent tous du XIXe siècle
: ce sont des créations ou des copies d'uvres
plus anciennes. Cette page donne quelques vues de ces
chapelles où l'on peut notamment admirer des
sculptures de Nicolas Blasset (XVIIe siècle).
À noter que toutes les chapelles portent deux
ou trois dédicaces.
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«Mort d'une religieuse carmélite», XVIIIe siècle.
Peinture sur toile d'origine italienne
Chapelle Sainte-Thérèse de l'Enfant-Jésus (érigée en
1291).
À DROITE ---»»»
Autel en marbre «L'Assomption» de Nicolas Blasset, vers
1637
Chapelle Saint-Nicolas (érigée en 1427
par les marchands de guède d'Amiens). |
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Fragments de vitraux de l'histoire de saint Michel,
(XIVe siècle), Chapelle Saint-Michel. |
Le bas-côté nord de la cathédrale vu depuis le croisillon nord
avec un tombeau et la chaire à prêcher. |
Fragments de vitraux de l'histoire de saint Michel (XIVe siècle),
Chapelle Saint-Michel.
«««--- À GAUCHE
Le tombeau est celui de Charles Hémard de Denonville (mort
en 15401), évêque d'Amiens.
uvre de Mathieu Laignel (1543).
Le prélat est entouré des trois vertus théologales
au-dessus et des quatre vertus cardinales au soubassement |
|
Élévations sud à trois niveau dans la nef.
La voûte de la nef est quadripartite.
Lors des journées du Patrimoine (jusqu'à 2008), il était
possible de parcourir le triforium presque en entier. |
La chaire à prêcher est en bois peint et doré.
Datée de 1773, elle a été commandée à
l'architecte Pierre-Joseph Christophle
(1715-1782) et au sculpteur Jean-Baptiste Michel Dupuis (1698-1780).
Cette magnifique chaire a très vite suscité l'admiration
des amoureux des Arts.
À son sommet se tient un ange qui montre le ciel
et tient la loi : Hoc fac et vives («Fais ceci et tu
vivras»). |
La chaire à prêcher accolée à son pilier.
Elle en épouse parfaitement l'élancement. |
La cuve de la chaire à prêcher est soutenue
par les trois vertus théologales (de gauche à droite)
: Charité, Foi et Espérance
uvre commune de l'architecte Christophle et du sculpteur Dupuis. |
La cathédrale
pendant les deux guerres mondiales. L'édifice
est occupé brièvement par les Allemands en 1914,
pendant la bataille de la Marne. Mais les raids destructeurs
se multiplient à partir d'avril 1915. On prend alors
d'importantes mesures de protection. En plus des dispositions
anti-incendie, les portails extérieurs, les stalles,
les grilles du chur et toutes les statues sont recouverts
d'un ensemble imposant de vingt-deux mille sacs de terre,
soutenus par des poutrelles scellées dans le sol. Mais,
lors de l'offensive allemande de 1918, les bombes frappent
quand même : le triforium près de l'orgue est
endommagé ; la toiture au-dessus du chur et la
façade latérale sud sont touchées. On
se dépêche alors de mettre à l'abri ce
qui peut l'être : tombeaux, sculptures, autel ; les
vitraux, puis l'orgue sont démontés. Les troupes
alliées ont interdiction de passer près de la
cathédrale de peur de donner aux Allemands un prétexte
pour la pilonner. On n'oublie pas que la cathédrale
de Reims a été sciemment visée par l'artillerie
ennemie. Le pape Benoît XV, mis au courant de la situation,
en informe son nonce à Munich. Celui-ci intervient
auprès du gouvernement allemand. Alliés et Amiénois
peuvent respirer : l'empereur Guillaume II a donné
l'ordre de respecter la cathédrale «sauf nécessité
militaire absolue». Mais l'offensive allemande s'épuise
et la contre-attaque alliée va se révéler
décisive. Dès 1919, il faut tout remettre en
place... après avoir restauré ce qui doit l'être.
L'Administration des Beaux-Arts avait prévu de tout
terminer pour 1920, année des 700 ans de la cathédrale.
Malheureusement, pour les vitraux du déambulatoire,
les spécialistes manquent... et un incendie détruit
l'entrepôt du peintre verrier parisien Socard où
ils
|
étaient conservés.
En mai 1940, la course à la mer prend la forme d'une
chevauchée blindée foudroyante. Le général
Guderian dirige ses chars vers Montcornet, Saint-Quentin,
puis Amiens et Abbeville. Le 20 mai, Amiens tombe vers 9h
du matin. Avant de lancer ses Panzer sur Abbeville,
le fougueux général prend le temps de visiter
la cathédrale. Les parties les plus fragiles - qui
sont aussi les plus intéressantes - étaient
protégées par des milliers de sacs de sable.
Qu'a-t-il pu voir des portails de la façade occidentale,
des stalles, de la clôture du chur? Assurément,
pas grand-chose. En juin, les combats se poursuivent au sud
de la ville ; un gigantesque incendie ravage la capitale picarde.
Des pompiers allemands seront même à l'uvre
pour combattre le fléau. Par chance, la cathédrale
n'est pas touchée. Dès juillet 40, les autorités
nazies se montreront soucieuses de l'état de l'édifice.
En août, les premiers sacs de sable sont retirés
et l'occupant fait installer de puissantes lampes rouges dans
la flèche pour que l'aviation anglaise ne le bombarde
pas.
Lors de l'Occupation, les Allemands réquisitionnent
l'édifice pour le culte de leurs troupes, catholiques
et protestantes. Les Amiénois devront se contenter
d'une simple chapelle. L'édifice passera le cap de
la Libération sans heurts.
Source : Amiens, la grâce d'une
cathédrale, la Nuée
bleue, article «De guerres en reconstruction»
de Xavier Boniface.
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LE TRANSEPT ET
SES MONUMENTS FUNÉRAIRES |
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Le transept et la nef vus du croisillon sud.
La rose que l'on voit est celle du croisillon nord du transept. |
Tombeau d'Antoine Niquet ( 1652)
uvre de Nicolas Blasset. |
Tombeau de Pierre Sabatier, évêque d'Amiens ( 1733)
par Jean-Baptiste Michel Dupuis (transept nord)
La cathédrale d'Amiens compte 18 monuments funéraires. |
Le transept et la nef
vus depuis le triforium.
Cliché réalisé lors des Journées du Patrimoine. |
Monument funéraire de Jean de Sachy, premier échevin d'Amiens
( 1644) et de Marie de Revelois ( 1662)
uvre de Nicolas Blasset. |
Les vitraux
de la cathédrale d'Amiens. On ne visite
pas la cathédrale d'Amiens pour ses vitraux. Nous ne
sommes ni à la cathédrale Notre-Dame
de Chartres à contempler les vitraux médiévaux
avec une paire de jumelles, et pas davantage à la cathédrale
Saint-Pierre-Saint-Paul
de Troyes à chercher les diables dans les magnifiques
vitraux Renaissance de la nef. Les vitraux d'Amiens, qui à
l'origine, si l'on en croit les historiens, devaient être
abondants et magnifiques, ont énormément souffert
de l'écoulement des siècles. Les vitraux médiévaux,
dont nous savons qu'ils ont été financés
par les grandes familles amiénoises (entre autres le
magnat de la guède André Malherbe) ont subi
les chocs traditionnels : saccage des huguenots en 1561, tempêtes
en 1627 et 1705, incendies, explosion d'un moulin à
poudre en 1675. Nul doute qu'il y eut des restaurations. Les
vitraux furent ensuite sacrifiés au goût du XVIIIe
siècle. Les chanoines voulaient de la clarté
: ils ont cassé sans état d'âme. On sait
que le souci de la conservation du patrimoine n'est vraiment
apparu en France qu'à la Monarchie de Juillet. Pour
couronner le tout, un incendie survenu en 1920 dans l'atelier
du peintre verrier Edmond Soccard, qui avait entreposé
là ce qu'il en restait après la guerre, acheva
la besogne du temps!
Il ne reste plus que quelques fragments de vitraux médiévaux
disséminés dans les
|
verrières des chapelles
de la nef, un très bel Arbre de Jessé (avec
quatorze rois) dans une chapelle rayonnante. Les grandes roses
du transept, largement réorganisées au XIX siècle,
remontent à la fin du XVe et au début du XVIe
siècle. Cette époque suit la fin de guerre de
Cent Ans et des guerres avec le duc de Bourgogne. Elle est
marquée par une reprise économique qui a permis
la multiplication des dons et donations.
En charge de la restauration de la cathédrale dès
1849, Eugène Viollet-le-Duc s'est attaché les
services de peintres verriers passés maîtres
dans l'art du pastiche : Alfred Gérente, Louis-Charles-Auguste
Steinheil et Nicolas Coffetier. En 1854, le peintre
verrier Gérente exécuta une verrière
pour la chapelle Sainte-Theudosie, à la manière
médiévale. Elle a le privilège de représenter
l'empereur Napoléon III (le donateur) et l'impératrice
Eugénie en prière. Des vitraux modernes et stylisés
de manière géométrique ont été
ajoutés en 1932-1934 par le peintre verrier parisien
Jean Gaudin.
Sources : 1) Amiens, la grâce
d'une cathédrale, la Nuée bleue, article
«Que la lumière soit !» de Nathalie Frachon-Gielarek
; 2) Amiens, ville d'art et d'histoire, Éditions
du patrimoine.
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LES DEUX HAUTS-RELIEFS
DU TRANSEPT |
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En dehors des hauts-reliefs
qui servent de clôture au chur, la cathédrale
d'Amiens abrite deux magnifiques
suites sculptées en haut-relief dans
chacun des bras du transept. Ce ne sont ni des clôtures,
ni des retables, mais des monuments funéraires.
Ils séparent le transept de la dernière
chapelle latérale de la nef.
Le premier haut-relief, «Le Temple de Jérusalem»,
est une suite de quatre niches illustrant une action
qui prend place dans une partie du temple. Dans les
deux premières, Jésus chasse les marchands
du temple. Dans la troisième, la table des pains
évoque l'eucharistie. Dans la dernière,
le grand prêtre encense le tabernacle.
Le deuxième haut-relief, qui relate la légende
de saint Jacques le Majeur et du magicien Hermogène,
est un don du chanoine Guillaume aux Cousteaux, mort
en 1511.
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|
Vie de saint Jacques le Majeur : La Prédication de saint Jacques.
|
Vie de saint Jacques le Majeur : La Prédication de saint Jacques,
détail. |
Vie de saint Jacques le Majeur : Hermogène est ligoté,
détail. |
«Le Temple de Jérusalem» : Jésus invective
les marchands du temple.
Haut relief dans le transept nord. |
|
Histoire de saint Jacques le Majeur et du magicien Hermogène
(daté après 1511).
Haut relief dans le transept sud. |
L'histoire
de l'apôtre saint Jacques et du magicien Hermogène,
telle qu'elle apparaît dans les quatre niches
du haut-relief, est tirée de La Légende
dorée de Jacques de Voragine. On y lit
que, après avoir échoué dans sa
prédication en Espagne, Jacques revient en Judée.
Un mage, nommé Hermogène, envoie son disciple
Philet pour confondre l'apôtre devant les Juifs.
Mais c'est lui qui est converti par le discours et les
miracles de Jacques. Il retourne vers son maître
et lui vante le pouvoir de l'apôtre. Furieux,
Hermogène utilise la magie pour immobiliser son
ancien disciple. Jacques, informé, envoie à
celui-ci un linge qu'il portait. Quand Philet le touche,
il est aussitôt délivré des chaînes
magiques et s'en retourne vers l'apôtre. Exaspéré,
Hermogène convoque les démons : qu'ils
lui amènent Jacques et Philet couverts de chaînes!
Arrivés près de Jacques, les démons
brûlent déjà dans les flammes, torturés
par l'ange de Dieu, et avouent tout. Jacques demande
alors à l'ange de les délivrer du feu
à condition que les diables lui amènent
Hermogène enchaîné, mais sans lui
faire aucun mal. Les démons s'exécutent.
Une fois Hermogène les mains liées devant
eux, Jacques dit à Philet : «Suivons l'exemple
du Christ qui nous a enseigné de rendre le bien
pour le mal! Hermogène t'a enchaîné
; toi, délivre-le!» Et comme le mage, libre,
se tient tout penaud devant eux, Jacques lui dit : «Va
librement où tu veux aller, car notre doctrine
n'admet pas que personne se convertisse malgré
lui!» Mais Hermogène, craignant la vengeance
des démons, demande à Jacques de lui donner
un objet personnel pour se protéger d'eux. L'apôtre
lui donne son bâton. Le mage s'en va alors chercher
ses livres que Jacques fait jeter à la mer. Alors
Hermogène se jette à ses pieds et dit
: «Libérateur des âmes, reçois
en pénitent celui que tu as daigné secourir
tandis qu'il t'enviait et cherchait à te nuire!»
Et Jacques de Voragine termine l'histoire du saint et
du mage ainsi : «Et, depuis lors, il se montrait
parfait dans la crainte de Dieu.»
Source : La Légende
dorée de Jacques
de Voragine, Éd. Diane de Selliers.
Nota : dans le texte ci-dessus, les parties entre
guillemets sont des citations tirées du livre.
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«Le Temple de Jérusalem», don du chanoine
Jean Witz ( 1522 ou 1523).
Haut relief dans le transept nord. |
«Le Temple de Jérusalem»
Jésus apparaît aux marchands sur une place, détail. |
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L'avant-chur, avec son estrade en bois, l'autel, l'ambon, fauteuil
et chaises, date du XXIe siècle.
La fermeture du chur sur le transept a été aménagée
au XVIIIe siècle.
Elle est ornée des statues de saint Vincent de Paul et de saint
Charles Borromée, uvres du sculpteur Jean-Baptiste Dupuis. |
Angelots dans des médaillons
Façade de l'avant-chur (vers 1760). |
La statue de saint Charles Borromée
dans l'avant-chur (Jean-Baptiste Dupuis). |
La Rose du transept sud : la partie basse vue en gros plan montre
une suite d'anges
(fin XVe - début XVIe siècle). |
L'AUTEL
DU PILIER VERT DANS LE TRANSEPT NORD |
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L'autel du Pilier Vert. |
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Le transept sud et sa rose de la fin du XVe siècle. |
La
verrière du transept sud, de style
flamboyant, date de la fin du XVe siècle (voire
le début du XVIe), époque de prospérité
économique retrouvée à la fin de
la guerre de Cent Ans. La verrière est attribuée
à Pierre Tarissel. Le dessin est essentiellement
constitué de figures d'anges (voir à gauche)
où les couleurs dominantes (vert, jaune, bleu
et rouge) se succèdent. On peut y observer un
très beau graphisme et des couleurs chatoyantes.
«On y retrouve les caractéristiques de
la peinture picarde sur panneaux, témoignant
de l'importance de ce foyer artistique soumis à
des influences flamandes» écrit Nathalie
Frachon-Gielarek, à propos de cette verrière,
dans l'ouvrage sur la cathédrale d'Amiens édité
par La Nuée Bleue. Comme sur la rose nord,
les parties basses (galerie et triforium) resplendissent
de rois et de saints.
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La rose du transept sud (fin XVe-début XVIe siècle)
et le triforium
L'ensemble a été réorganisé au XIXe
siècle. |
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La statue de saint Sébastien due à Nicolas Blasset (1635)
dans la chapelle du Pilier Vert. |
L'autel ou la chapelle dite «du
Pilier vert» est consacré au martyre
de saint Sébastien. La statue du saint est entourée
de celle de saint Roch (en bas) et des allégories de
la Justice et de la Paix.
Toutes ces statues sont dues à Nicolas Blasset (1635).
Celle de saint Louis a été sculptée par
Louis Duthoit en 1832 (voir ci-dessus). Le grand tableau du
Calvaire est du XVIIIe siècle.
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La rangée de saints et de saintes dans le triforium du transept sud
(fin du XVe siècle, début du XVIe). |
LA CHAPELLE DU
PILIER ROUGE DANS LE TRANSEPT SUD |
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L'avant-chur et la chapelle du Pilier rouge (sur la droite). |
La galerie au bas de la rose du transept sud est marquée par
les lourds réaménagements du XIXe siècle. |
La chapelle Notre-Dame du Pilier Rouge dans le transept sud
(1627). |
LA CHAPELLE
SAINT-JOSEPH DANS L'ABSIDIOLE SUD |
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La chapelle Saint-Joseph vue depuis le triforium. |
Chapelle Saint-Joseph
Elle existe depuis 1761. En 1755, le retable
(avec la statue de saint Charles Borromée)
clôturait le jubé dans l'avant-chur. |
«L'Assomption» par
François Francken le Jeune, 1628 dans la chapelle Notre-Dame
du Pilier Rouge ---»»» |
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L'autel ou la chapelle dite
«Notre-Dame du Pilier
Rouge» a été réalisé
par Nicolas Blasset en 1627. Les statues de Notre-Dame-du-Puy,
David, Salomon et Judith sont de Blasset Celle de sainte
Geneviève est due à Cressent et vient
d'un couvent amiénois. Le grand tableau de l'Assomption
est du peintre François Francken le Jeune.
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Statue de Notre-Dame du Puy (Nicolas Blasset, 1627)
dans la chapelle Notre-Dame du Pilier Rouge
La Vierge à l'Enfant tire d'un puits un enfant nu. |
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L'entrée du déambulatoire dans le bas-côté nord. |
Le retable de la chapelle Saint-Joseph
uvre de l'architecte Christophle (1755)
Autel et colonnes torses sont en marbre.
En 1755, ce retable, dédié à saint Charles Borromée,
servait de clôture ouest au chur. Il a été
placé
dans le bas-côté sud en 1761. La statue de saint Joseph
a remplacé celle de saint Charles Borromée en 1832. |
La statue de saint Joseph
des frères Duthoit (1832). |
LA CHAPELLE NOTRE-DAME-DE-PITIÉ
DANS L'ABSIDIOLE NORD |
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Chapelle Notre-Dame-de-Pitié.
uvre de l'architecte Christophle (1755),
Autel et colonnes torses sont en marbre. |
Les
deux autels des bas-côtés du chur
(Notre-Dame de Pitié et de saint Charles de Borromée)
ont été réalisés par l'architecte
Christophle et le sculpteur Dupuis en 1755. À
leur création, ils ont été installés
dans l'avant-chur pour fermer le jubé (donc
à la place des élévations à
angelots en pastiche Renaissance que l'on voit aujourd'hui).
Ils ne furent déplacés dans les bas-côtés
qu'en 1761. La statue de saint Joseph prit la place
de celle de saint Charles de Borromée au-dessus
de l'autel dans le bas-côté sud, de sorte
que l'autel devint celui de saint Joseph, pendant de
celui de Notre-Dame de Pitié.
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Notre-Dame-de-Pitié
Statue de Jean-Baptiste Michel Dupuis (vers 1755). |
Pierre tombale de Jean-Baptiste-Marie-Simon Jacquenet,
évêque d'Amiens.
Chapelle Notre-Dame-de-Pitié. |
Bas-relief en plomb doré «Le Sacrifice de Melchisédech»
par Jean-Baptiste Dupuis (1755)
Chapelle Notre-Dame-de-Pitié. |
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Documentation :«Amiens, la grâce
d'une cathédrale», la Nuée bleue,
+ «La cathédrale d'Amiens», Éditions du
Patrimoine, ISBN
+ «Amiens, ville d'Art et d'Histoire», Éditions
du Patrimoine, |
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