|
|
|
Avant la Révolution, la ville
d'Évreux
comptait huit églises paroissiales, dix chapelles et six
monastères. Les XIXe et XXe siècles auront été
fatals aux édifices religieux, notamment la seconde guerre
mondiale : il ne reste actuellement plus que la cathédrale
Notre-Dame et l'église Saint-Taurin.
Au cours des âges, la cathédrale a connu les vicissitudes
issues de la rivalité entre les rois de France et les ducs
de Normandie, devenus rois d'Angleterre. L'édifice est mentionné
pour la première fois en 912 dans la Chronique de
Guillaume de Jumièges. Vraisemblablement reconstruit au XIe
siècle, il est incendié en 1119 par Henri Ier Beauclerc,
roi d'Angleterre. L'église est reconstruite en style roman
entre 1125 et 1140 (il nous en reste les grandes arcades de la nef).
En 1195, le roi Jean sans Terre, voulant montrer qu'il savait être
impitoyable avec les Français, se couvre de félonie
en faisant assassiner trois cents ébroïciens qu'il avait
invités à un banquet dans la ville. Philippe Auguste
réplique et fait incendier Évreux.
Richard Cur de Lion, revenu de captivité, reprend la
ville, mais le roi de France s'en empare en 1198 et la fait à
nouveau incendier.
Dans les années 1230-1240, la nef
de la cathédrale est reconstruite en gothique rayonnant par
Gauthier de Varinfroy. Puis, dédaignant le transept,
c'est le chur qui est à son tour rebâti selon
une large structure qui englobe l'ancienne. Les travaux s'achèvent
au début du XIVe siècle. Le nouveau chur
est maintenant ceinturé par un déambulatoire
enrichi de chapelles. Dans les décennies 1310-1320, on élève
une série de chapelles entre les arcs-boutants de la nef.
C'est toujours le style du gothique rayonnant qui domine.
Lors de la guerre de Cent Ans, la cathédrale est brûlée
en 1356. Elle ne sera restaurée que sous Louis XI, plus d'un
siècle après, avec l'ajout d'une vaste chapelle axiale,
dite de
la mère de Dieu. Au début du XVIe siècle,
l'architecte Jean Cossart termine la splendide façade
du croisillon nord et son portail, tandis qu'une nouvelle flèche
se dresse au-dessus de la tour-lanterne. Cette flèche est
une merveille de charpenterie recouverte de plomb et peinte de bandes
bleues et blanches. Elle va rester dans l'Histoire sous le nom de
clocher
d'argent. Puis la tour
sud de la façade occidentale est restaurée. Enfin,
au XVIIe, c'est la tour
nord de cette même façade qui est achevée.
À la Révolution, la cathédrale subit quelques
dommages : martèlement du tympan de la façade nord
; destruction des statues ; une partie du mobilier est vendue aux
enchères ; plusieurs pièces du trésor sont
fondues. L'édifice, laissé sans entretien, se dégrade.
Durant les années 1870, l'architecte Darcy entreprend une
vaste restauration aux résultats largement décriés
(voir l'encadré
sur l'architecture extérieure).
En 1940, l'aviation allemande se charge de sa part de destructions
: le 11 juin, la cathédrale est la proie des flammes. L'incendie
détruit - entre autres - le splendide buffet d'orgue du XVIIIe
siècle et le clocher d'argent. Enfin, en août 1983,
un ouragan endommage une partie de la verrière du chur.
La taille imposante de la cathédrale d'Évreux
(108 mètres de long) suffit pour que les périls qu'elle
a traversés ajoutés aux transformations de style (roman
--» gothique rayonnant --» gothique flamboyant) créent
des zones d'ombre dans son histoire. Ce qui provoque des désaccords
entre historiens. On pourra ainsi voir plus
bas le problème posé par la nature incertaine
de la voûte de la nef romane. Le passage de rayonnant à
flamboyant du fenestrage des chapelles de la nef (voir plus
bas) a également suscité des commentaires.
Au Moyen Âge, Évreux
n'était pas une ville riche. Un chantier aussi important
que celui de la cathédrale se heurta à un manque chronique
de fonds. À de multiples reprises, l'évêque
d'Évreux
dut en appeler à la promulgation d'indulgences papales pour
provoquer les dons et faire avancer les travaux (voir le financement
de l'édifice en page
2).
Le règne de Louis XI marque une différence heureuse
: Notre-Dame put bénéficier des libéralités
du souverain qui lui attribua une partie de la gabelle perçue
en Normandie.
La cathédrale Notre-Dame d'Évreux
est riche de très nombreux vitraux : elle a conservé
toute sa vitrerie du XIVe siècle et, à ce titre, possède
la plus belle collection en France. On peut même y suivre
l'historique du vitrail du XIIIe au XVe siècle. Les cinq
pages qui sont consacrées à l'édifice dans
ce site s'étendent très largement sur cette richesse
artistique avec de très nombreuses photographies.
|
|
Page 1 : l'extérieur, la
nef et ses chapelles latérales
Page
2 : le transept et ses vitraux
Page
3 : le chur et les vitraux de ses fenêtres
hautes
|
Page
4 : le déambulatoire et ses chapelles
Page
5 : la chapelle de la Mère de Dieu
|
|
Vue générale de la cathédrale d'Évreux.
La nef, assez étroite, date de l'époque romane. La hauteur
sous voûte est de 21,75 mètres.
Les incendies vengeresses ordonnées par Philippe Auguste (décennie
1190) n'ont pas dégradé le premier niveau d'élévation.
Les deux autres niveaux de la nef ont été reconstruits
dans la première moitié du XIIIe siècle. |
L'EXTÉRIEUR
DE LA CATHÉDRALE NOTRE-DAME |
|
La façade occidentale de la cathédrale vue
depuis la rivière Iton.
La tour sud (la moins haute) a été remaniée
au XVIe siècle dans le style Henri II.
La tour nord a été achevée au XVIIe
siècle. |
La beauté extérieure
de la cathédrale est en fait
concentrée dans la façade
du bras nord du transept. |
Rose de la façade occidentale. |
Portail de la façade occidentale.
Avant la Révolution, loin d'être décharné,
ce portail était orné de sept statues. |
Architecture
extérieure (2/2).
---»» Le projet de Denis
Darcy prévoyait de s'attaquer aussi aux
voûtes et aux pinacles du chur et
du transept. Étroitement surveillé
cette fois, il dut se contenter d'une simple restauration...
Si vous êtes devant la cathédrale
d'Évreux, ne manquez pas d'aller observer
cette étrangeté médiévale
conçue par un ignorant du XIXe siècle
: des gargouilles nichées dans des dais
! Photo plus
bas.
Heureusement, le temps n'a pas ôté
les petites sculptures gothiques qui ornent l'arc
des baies de la nef au nord et au sud. On y trouve
des animaux fantastiques (photos
plus bas). Différence notable entre le
nord et le sud : les baies nord sont prolongées
par un imposant gâble triangulaire (voir
photo)
que l'on ne retrouve pas dans les baies sud.
Chevet. Bien que restauré régulièrement
au cours des âges, le chevet a dans l'ensemble
gardé son aspect du XIIIe siècle.
Avec ses garde-corps, ses arcs-boutants, ses clochetons,
ses pinacles flamboyants, le chevet ressemble
à «une sorte de forêt de pierre»
pour reprendre l'expression d'Annick Gosse-Kischinewski.
À l'origine, les arcs-boutants du chevet
étaient à double volée. Il
y avait donc deux arcs dans le prolongement l'un
de l'autre et ils se rejoignaient dans une culée
intermédiaire (ce qui devait rendre la
«forêt de pierre» encore plus
touffue). Sous Louis XI, l'arc extérieur
a été fondu avec les deux culées
auxquelles il s'accrochait, ce qui augmente la
part de la maçonnerie et diminue l'élégance
de l'ensemble. Voir la photo plus
bas.
Sources : 1) La
cathédrale d'Évreux d'Annick
Gosse-Kischinewski et Françoise Gatouillat,
Les Colporteurs, 1997 ; 2) Haute-Normandie
gothique d'Yves Bottineau-Fuchs, Éditions
Picard, 2001 ; 3) Les plus belles cathédrales
de France de l'abbé J.-J. Bourassé,
Alfred Mame et Fils Éditeurs, 1880.
|
|
Le sommet de la tour sud de la façade ouest et
son garde-corps. |
Les
garde-corps.
Il est parfois utile de regarder avec
une paire de jumelles les multiples garde-corps
d'une cathédrale : ceux qui enserrent le
sommet des tours ou la base de ses voûtes
; ou encore ceux qui couronnent les chapelles
extérieures. On s'aperçoit parfois
que les architectes ont créé des
dessins différents dans les grandes parties
du monument, comme pour mieux séparer ces
parties visuellement.
Une grande église médiévale
étant rarement élevée par
un seul architecte, chaque intervenant aura voulu
mettre sa griffe. À la cathédrale
d'Évreux,
chaque partie de l'édifice a un dessin
propre pour son garde-corps.
Ci-dessus, celui de la tour sud (qui possède
deux dessins différents) a été
complété après la destruction
due à l'incendie du 11 juin 1940.
|
|
|
Vue d'ensemble de la cathédrale Notre-Dame.
Sur la droite, le palais épiscopal. |
Architecture
extérieure (1/2).
Quand on regarde la cathédrale
depuis le nord ou le sud, ce qui l'étonne,
c'est la grande différence de hauteur entre
la nef et le chur. Ces éléments
correspondent en fait à des époques
de construction différentes.
Façade ouest. On a l'habitude
de juger la beauté d'une cathédrale
par sa façade occidentale. Mais, pour celle
d'Évreux,
le critère n'est pas correct. Érigée
entre la fin du XVIe siècle et le milieu
du XVIIe par différents architectes, elle
manque cruellement d'homogénéité
: trois étages à la tour nord ;
cinq à la tour sud ; larges pilastres ;
colonnettes simples ou doubles et un réseau
de niches vides. La façade est présentée
comme un mélange de styles Renaissance
et classique... qu'il n'est pas évident
de reconnaître. Quel serait l'effet produit
avec des statues ? Il faudrait un dessin conçu
par ordinateur pour le savoir. Ce que l'on voit
donne l'impression d'être l'esquisse d'une
façade en devenir. Seul le beau dessin
de la rose
ouest (ci-dessous à gauche) essaie
de racheter l'ensemble.
Façade nord. Elle termine le bras
du transept et c'est aussi l'élément
le plus intéressant de la partie extérieure
(voir photo).
L'élévation est en gothique flamboyant.
Érigée par Jean Cossart au tout
début du XVIe siècle, elle présente,
à la base, un grand portail (dont la Révolution
a martelé le tympan), puis une succession
de balcons et de gâbles ainsi qu'une grande
rose. Les deux tourelles à six pans qui
l'encadrent, gorgées de niches, de dais
et de consoles gothiques, abritent les escaliers.
Elles sont surmontées de lanternons
dressés sur encorbellement. Ces parties
hautes ont été très décorées
par les sculpteurs sur pierre (voir un exemple
plus
bas). Il est dommage que, depuis le sol, on
ne voie rien ! Les vantaux
des portes sont du XVIe siècle.
La superposition des arcatures rend cette façade
très élégante. Les pignons
qui prolongent le portail et la rose invitent
l'observateur à lever les yeux vers le
ciel pour admirer, tout en haut, le clocher
d'argent, nom que l'Histoire a donné
à la flèche qui domine la tour-lanterne.
Jean Cossard a créé une façade
avec un puissant effet de verticalité et
qui est considérée, à juste
titre, comme l'une des plus belles de France.
Une des caractéristiques de cette façade
est que le sommet du gâble qui surmonte
le portail empiète sur la base de la rose.
On retrouve un dessin similaire dans deux édifices
rouennais : la façade ouest de Saint-Ouen
et les bras nord et sud de la cathédrale
Notre-Dame.
Ces éléments architecturaux n'ont
toutefois pas suffi à donner à la
cathédrale d'Évreux
une place bien à elle au sein des monuments
remarquables de France. En 1880, dans son ouvrage
Les plus belles cathédrales de France,
l'abbé Bourassé, en faisant référence
à l'équipe de dessinateurs du baron
Taylor, s'en désole : «Les auteurs
des Vues pittoresques et romantiques de l'ancienne
France, écrit-il, n'y ont rien vu qui
la distingue des constructions du même genre
et de la même époque, et ont négligé
de nous en donner une description étendue.
C'est un oubli injuste que nous ne pouvons expliquer.»
Pour sa part, le prélat attribue à
la cathédrale un «rang honorable».
Nefs nord et sud. Les élévations
du premier niveau avec leurs contreforts ont été
refaites au XIXe siècle. Pour les historiens,
c'est l'exemple de restaurations à ne pas
faire (!) Déjà, à l'époque,
conscients de voir une véritable hérésie
architecturale souiller l'édifice, les
contemporains ont tenté de s'y opposer,
mais rien n'y a fait.
Examinons les faits.
Sous le Consulat, la cathédrale se trouve
dans un état de délabrement pitoyable.
Des restaurations sont entreprises grâce
aux fonds gouvernementaux : parties basses des
tours ; clocher ; portail nord ; garde-corps et
pinacles au-dessus des chapelles ; reprises des
voûtes ; reprise des terrasses autour du
chur.
En 1871, un petit bloc de mortier et de pierre,
posé en 1806, se détache et tombe
dans la nef. Ce petit incident va être à
l'origine de «travaux catastrophiques»,
selon l'expression d'Yves Bottineau-Fuchs dans
son livre Haute-Normandie gothique. La
cathédrale a beau avoir été
classée parmi les Monuments historiques
en 1862, l'architecte diocésain (un certain
Denis Darcy) soumet en 1872 un projet de restauration
des voûtes, des arcs-boutants et de la couverture
des bas-côtés qui correspond plutôt
à une reconstruction complète !
Darcy veut supprimer les arcs-boutants médiévaux
à double volée pour les remplacer
par un arc à simple volée terminé
par une culée massive (voir la photo plus
bas). Pour cela, il faut démolir les
voûtes médiévales des bas-côtés
!
Des voix s'élèvent pour s'opposer
à ce projet destructeur, ce qui pousse
le ministre à demander un nouvel examen.
Malheureusement, Darcy, soutenu par Viollet-le-Duc,
obtient gain de cause. En août 1874, les
démolisseurs entrent en action. Et l'incompétence
de Darcy éclate au grand jour. «Les
nouveaux arcs sont non seulement grêles,
mais réalisés dans un calcaire jaunâtre
qui jure considérablement avec la blanche
pierre de Vernon», écrit Annick Gosse-Kischinewski
dans l'ouvrage La cathédrale d'Évreux.
Le pire est à venir : Darcy ne connaît
pas grand-chose aux symboles de l'architecture
médiévale. Son système de
«double pinacle» exhibe des gargouilles
placées sous des dais. Ce qui est vu
comme un scandale ! Une gargouille sous un dais
! Annick Gosse-Kischinewski cite un extrait de
la Note sur la cathédrale d'Évreux
rédigée à l'époque
par l'abbé Pierre-François Lebeurier.
Celui-ci écrit : «Au-dessus de chacune
des gargouilles, cet architecte a eu l'idée
monstrueuse de placer un dais comme on en met
sur les têtes des saints... Tout le monde
sait que dans le symbolisme religieux du Moyen
Âge, les gargouilles représentent
le démon et ses instruments... Mais qu'importe
le symbolisme à un architecte diocésain
? Il se croit assez puissant pour canoniser la
bête immonde, et les saintes gargouilles
d'Évreux sont en train de devenir légendaires.»
---»» Suite 2/2
ci-dessous à gauche.
|
|
Tour nord de la façade occidentale : les doubles
colonnes alternent avec des niches vides.
Début du XVIIe siècle.
|
Côté nord de la cathédrale d'Évreux
: bras du transept, nef, tour occidentale.
Datée de 1504, la façade en gothique flamboyant
est l'uvre de l'architecte Jean Cossart.
Elle est considérée comme l'une des plus
belles de France.
Lithographie du XIXe siècle.
On remarquera le clocher octogonal sur la tour sud de
la façade occidentale.
Ce clocher a été détruit en 1940.
Jugé disgracieux, il n'a pas été reconstruit. |
|
|
Le beffroi qui surmonte le «Gros Pierre» a un petit
air florentin. |
Le
beffroi du «Gros Pierre».
La tour nord, appelée le Gros
Pierre, est l'uvre de l'architecte parisien,
François Galopin. Achevée vers 1631,
elle présente trois étages séparés
par de larges entablements (voir photo de la façade
ouest, plus
haut). La verticalité de la tour est
très fortement prononcée par les
pilastres et les colonnes qui relient les entablements.
Le beffroi (ci-contre) qui surmonte le dernier
étage n'est pas banal : avec son dôme,
il distille une petite atmosphère florentine
! Le premier niveau, de plan carré, percé
de larges baies, abrite les cloches de la cathédrale.
Le second, de forme polygonale, est ouvert de
quatre lancettes. Le dôme qui le surmonte
se termine par un lanternon.
Le beffroi que l'on observe n'a plus une pierre
qui vienne de la Renaissance. L'incendie de juin
1940 a fait subir de gros dégâts
à la tour nord. Ses parties supérieures
se sont effondrées. Le beffroi a été
reconstruit selon les plans disponibles et les
photographies. Ce n'est qu'en 1969 que la restauration
du Gros Pierre a été achevée.
|
|
Détail d'une étonnante suite de modillons
sur la tour sud
de la façade occidentale, achevée vers 1573. |
|
Le CLOCHER D'ARGENT
Il culmine à 78 mètres.
Comme le beffroi qui surmonte le Gros Pierre, la flèche
de la tour-lanterne est moderne. Détruite lors de l'incendie
de juin 1940,
elle a été entièrement reconstruite après
la guerre.
La flèche est surmontée d'un beau coq
doré qui sert de girouette. |
|
La façade nord de la cathédrale d'Évreux.
Photo prise avant la restauration des années 2010-2020. |
Tourelle de la façade nord de la cathédrale :
lanternon sommital et encorbellement
La façade nord a été érigée
au tout début du XVIe siècle.
Ici, le garde-corps de l'encorbellement est tréflé.
|
|
Tourelle de la façade nord de la cathédrale : détails
des sculptures en gothique flamboyant au niveau de l'encorbellement.
Depuis le sol, il faut une paire de jumelles pour admirer cette ornementation. |
|
Le portail nord de la cathédrale d'Évreux
Toile d'Henri Shäfer (1833-1916)
Musée
d'Histoire, d'Art et d'Archéologie d'Évreux. |
Un des deux vantaux des portes de la façade nord.
Moitié supérieure, XVIe siècle.
Les panneaux ont perdu leurs bas-reliefs à la Révolution. |
Élévations nord de la nef.
Les baies du premier niveau sont prolongées chacune d'un
imposant gâble
que l'on ne retrouve pas sur les baies du côté
sud. |
On ne le voit qu'avec une paire de jumelles : la girouette
au sommet de la tour-lanterne est un beau coq doré
stylisé. |
Rose sur le bras sud du transept. |
|
|
Partie sud de la cathédrale : tour occidentale, nef et bras
sud du transept.
Les baies du premier niveau de la nef ne sont pas prolongées
par un gâble triangulaire comme celles du côté
nord.
Il faut consacrer un peu de son temps de visite à regarder
les animaux fantastiques qui ornent l'arc des baies au premier niveau. |
Six exemples de sculptures gothiques
sur les baies du premier niveau de la nef
|
|
|
|
|
|
«««---
Côté sud de la nef, détail.
Conçues par l'architecte Darcy, les modifications
des voûtes
des bas-côtés et des contreforts firent
scandale en 1874. |
|
|
Des gargouilles sous des dais !
Avec la destruction des voûtes médiévales
des bas-côtés, cette interprétation
de l'architecte Darcy
du symbolisme médiéval fit scandale en 1874
:
les dais sont réservés aux saints ; les
gargouilles, représentant le Mal, n'y ont pas droit. |
Les
architectes n'ont pas à imposer leur système.
Pour son projet, l'architecte Darcy
était soutenu par Viollet-le-Duc, créateur
d'un système de restauration totalement
remis en cause au XXe siècle. À
l'époque de cette «restauration»,
de nombreuses voix s'étaient déjà
élevées - en opposition totale à
la pensée de Viollet-le-Duc - contre ce
qui était regardé comme un saccage
de la cathédrale d'Évreux.
En 1874, l'archéologue Léon Palustre
rappela dans une chronique (citée par Annick
Gosse Kischinewsky dans La cathédrale
d'Évreux, 1997) qu'un architecte doit
respecter l'édifice qu'il est chargé
de conserver et, en aucun cas, ne chercher à
imprimer sa marque par des modifications personnelles.
C'était clairement prendre position contre
Viollet-le-Duc. En 1875, Léon Palustre
prit la suite d'Arcisse de Caumont à la
direction de la Société française
d'Archéologie.
|
|
|
|
|
Le chevet et son système d'arcs-boutants refait sous Louis
XI (1461-1483). |
Une volée d'arc-boutant du chevet rajoutée sous
Louis XI.
Étonnante façon de fixer un arc-boutant
pour consolider une élévation !
La
seconde volée ajoutée sous Louis XI.
Sous Louis XI, les architectes supprimèrent
les doubles volées des arcs-boutants du chevet
au profit d'une paire de volées simples. Après
avoir créé une forte culée en amalgamant
les deux culées qui recevaient l'arc extérieur,
il a fallu rajouter une volée au niveau du triforium
pour consolider l'élévation (ce que montre
la photo au-dessus).
On ne peut qu'être étonné par la
façon brutale dont cette volée vient reposer
sur la galerie de pierre !
Dans son ouvrage La Cathédrale d'Évreux
(1997), Annick Gosse-Kischinewski écrit à
ce sujet : «De cette forte culée, les architectes
du XVe siècle ont fait jaillir un arc-boutant
supplémentaire destiné à épauler
l'étage du triforium, créant ainsi une
double batterie. Ce nouvel arc, dont la tête s'ajoute
d'un motif flamboyant, s'appuie sur le mur gouttereau
par l'intermédiaire d'un léger encorbellement
décoré de feuillages et de courtes arcatures
trilobées aux moulures aiguës.»
Elle ne dit rien de la volée qui vient écraser
la frise trilobée qui serpente au bas des hautes
fenêtres...
|
Vue de la cathédrale
d'Évreux ---»»»
Georges Anquetin
Huile sur toile, début du XXe siècle. |
|
Les
lys de la chapelle de la Mère de Dieu ---»»»
Les révolutionnaires de 1793
se sont appliqués à effacer ou marteler
les symboles royaux et toutes les armoiries de
la noblesse partout où ils les trouvaient.
La cathédrale Notre-Dame semble faire exception
à la règle. Dans l'ouvrage La
cathédrale d'Évreux (1997),
l'historienne du vitrail Françoise Gatouillat
écrit à propos des verrières
de l'édifice que «les nombreuses
armoiries qui y sont conservées prouvent
que nul n'a essayé d'y effacer les marques
de "l'ancienne tyrannie".» Comme
à Chartres,
peut-être n'y eut-il pas au sein de la population
ébroïcienne le moindre excité
susceptible d'entraîner derrière
lui d'autres casseurs.
Toujours est-il que le tympan des cinq baies du
chur de la chapelle
de la Mère de Dieu affiche un grand
lys royal en son centre. Le tympan des quatre
grandes autres baies en affiche trois. Rien ne
les a détruits à la Révolution.
Faut-il mettre cette sauvegarde au crédit
d'une population paisible ou bien considérer
que ces lys, bien visibles, étaient architecturalement
indestructibles ?
|
|
|
|
Le remplage des baies du chur de la chapelle
de la Mère de Dieu arborent un lys royal.
Et trois lys sur les quatre baies
plus larges des côtés nor det sud.
La
chapelle de la Mère de Dieu.
Avant le règne de Louis XI, la chapelle
d'axe devait avoir la même forme que ses voisines,
c'est-à-dire peu profonde et à cinq pans
dont trois vitrés.
Louis XI, qui avait pris la cathédrale d'Évreux
sous son aile, ouvrit sa cassette pour les derniers
travaux. Il fit construire une nouvelle chapelle d'axe
conçue comme une longue proéminence à
neuf baies. L'épisode étant historiquement
bien renseigné, on sait que la construction eut
lieu entre 1465 et 1469.
Cette chapelle a conservé de très beaux
vitraux du XVe siècle qui sont abondamment détaillés
en page
5.
|
|
|
LA NEF ET SES
BAS-CÔTÉS NORD ET SUD |
|
Les arcades de la nef sont romanes, tout comme les chapiteaux.
Au XIIe siècle, la construction de cette nef s'est faite d'est
en ouest.
À droite (travées les plus anciennes), la mouluration
de l'arc est simple ; elle s'enrichit dans les travées de gauche. |
Architecture
de la nef (1/2).
La nef de la cathédrale d'Évreux
est à la fois romane et gothique. En 1880,
dans Les plus belles cathédrales de
France, l'abbé Bourassé écrivait
que les piliers et les arcades appartenaient à
l'époque romano-byzantine, mais ce qualificatif
n'a pas été repris depuis par les
historiens qui se contentent simplement de «roman».
L'édifice est incendié en 1119 par
le roi d'Angleterre et duc de Normandie Henri
Ier Beauclerc (1068-1135), puis reconstruit en
style roman entre 1125 et 1140. Philippe Auguste
l'incendie à son tour en 1194, ruinant
les parties hautes qui sont entièrement
rebâties au siècle suivant.
Les grandes arcades de la nef sont donc les seuls
éléments romans de la cathédrale.
On retrouve l'arc en plein cintre et les chapiteaux,
créés d'ailleurs selon l'esprit
normand : pas de scène à personnages
illustrant la vie de saints, mais des bonnes grosses
feuilles plates, des godrons ou des motifs géométriques.
Dans la partie ouest de la nef, certains chapiteaux
sont enrichis de masques grimaçants.
Par quoi était couverte cette nef romane
au XIIe siècle ? Une charpente en berceau
? Une voûte d'ogives, innovation des précurseurs
de l'art gothique naissant ? Voir l'encadré
ci-dessous.
---»» Suite 2/2
ci-dessous.
|
|
La chaire à prêcher est du XVIIe siècle.
L'abat-son est moderne. |
|
CHAPITEAUX
ROMANS DANS LA NEF |
|
|
|
|
|
Le plan de la cathédrale Notre-Dame d'Évreux. |
Architecture
de la nef 2/2).
---»» Pour restaurer la
nef, il fallait réunir des fonds importants.
Les travaux ne commencèrent pas avant les
années 1230-1240. C'est le maître
maçon Gautier de Varinfroy, déjà
en charge du chantier de la cathédrale
de Meaux, qui en reçut la responsabilité.
Celui-ci utilisa la structure romane en place
et la prolongea de deux niveaux : un triforium
aveugle et un étage de grandes fenêtres
se hissant jusqu'à la voûte quadripartite.
Le style usité est le gothique rayonnant,
bien visible dans le remplage du tympan des verrières.
Notons que Gautier de Varinfroy a mis en pratique
deux principes originaux (voir photo ci-dessous)
: 1) l'absence de tailloir sur tous les
chapiteaux des deuxième et troisième
niveaux, ce qui donne un aspect un peu fragile
à sa construction ; 2) l'aplatissement
de la colonne sur dosseret qui monte depuis la
pile romane pour la transformer en un pilastre
aux angles coupés. Le passage de l'un à
l'autre est adroitement caché par une épaisse
bague
au niveau du triforium.
Anne Gosse-Kischinewski fait remarquer que cette
forme en pilastre aux angles coupés ne
se voit, dans l'art gothique, que dans le chur
de l'église Saint-Pierre
à Chartres (où elle est pratiquée
du haut en bas de l'élévation).
De plus, au niveau artistique, l'historienne ajoute
que «cet artifice permet de ne pas avoir
de forts reliefs sur une trop étroite nef
romane».
Sources : La cathédrale
d'Évreux d'Annick Gosse-Kischinewski
et Françoise Gatouillat, Les Colporteurs,
1997 ; 2) Haute-Normandie gothique d'Yves
Bottineau-Fuchs, Éditions Picard, 2001.
|
|
|
|
|
Chemin de croix
Station XII : Jésus meurt sur la croix. |
La cuve de la chaire à prêcher :
Le Christ envoie les apôtres en mission, détail.
uvre de Guillaume de la Tremblay, 1675. |
La cuve de la chaire à prêcher :
La prédication de saint Étienne, détail.
uvre de Guillaume de la Tremblay, 1675. |
|
La voûte quadripartite de la nef vue de la croisée
du transept.
Les cordons moulurés qui enserrent le triforium et les
colonnettes agissent
comme deux fines cordelettes qui parcourent la nef à
deux hauteurs différentes. |
Élévations sud de la nef.
Au-dessus des grandes arcades romanes, triforium aveugle et
grandes fenêtres sont en gothique rayonnant. |
|
Un
dilemme architectural : comment était couverte
la nef romane : par la pierre ou le bois ?
Quand les historiens exposent l'histoire
de la cathédrale d'Évreux, ils avancent
la plupart du temps que la nef romane était
voûtée d'ogives, donc en pierre.
L'argument général en est donné
par Yves Bottineau-Fuchs dans l'ouvrage Haute-Normandie
gothique (Picard, 2001) : «Du côté
de la nef, écrit-il, une colonne engagée,
flanquée de colonnettes placées
en biais, monte recevoir les retombées
de la voûte. Une telle disposition conduit
à penser que l'édifice du XIIe siècle
était déjà voûté
d'ogives.» De son côté, en
1997, Annick Gosse-Kischinewski écrit à
propos de la nouvelle cathédrale romane
: «Les chants qui fêtèrent
la résurrection de ce bel édifice
vers 1160 ne devaient pas longtemps résonner
sous les voûtes de pierre.» En effet,
les luttes franco-anglaises de la fin du siècle
vont le détruire.
Auparavant, en 1980, pour le Congrès
archéologique de France tenu en Haute-Normandie,
l'historien Francis Salet avait mis en doute cette
thèse en pointant du doigt la fragilité
de l'argument. De ces colonnettes qui montent
jusqu'à la base du triforium on ne peut
en toute rigueur déduire aucune continuité
jusqu'à une éventuelle voûte.
Revoyons les événements. La construction
de l'édifice roman fait suite à
la condamnation par le pape, en 1120, d'Henri
Ier Beauclerc, roi d'Angleterre et duc de Normandie,
et de l'évêque Audin qui avaient
fait incendier la cathédrale d'Évreux.
À la fin du même siècle, Jean
sans Terre se rend coupable de félonie
en faisant massacrer trois cents Français
lors d'un banquet donné à Évreux.
Philippe Auguste réagit avec rigueur :
il démantèle les murailles d'Évreux
et met le feu à la ville. Revenu de captivité,
Richard Cur de Lion reprend son trône
et la ville. Philippe revient en 1198 et la brûle
à nouveau. Richard meurt l'année
suivante. Jean sans Terre lui succède.
Finalement, le traité du Goulet scelle
l'arrêt des combats entre Jean et le roi
de France. Mais les églises ont beaucoup
souffert. La cathédrale doit être
rebâtie. On sait que les grandes arcades
romanes de la nef ont résisté. La
reconstruction, dirigée par Gauthier de
Varinfroy, repartira donc du triforium, aux alentours
de l'année 1230.
Constat : le premier niveau roman de l'élévation,
toujours en place, a été épargné
par le feu. Qu'y avait-il au-dessus ?
Plusieurs possibilités se présentent
: 1) un triforium et un troisième niveau
d'élévation soutenant une voûte
ogivale (en pierre) ; 2) la même chose sans
triforium ; 3) un triforium sur lequel s'appuie
une voûte en berceau charpentée ;
4) la même chose sans triforium. Question
supplémentaire : s'il y avait une voûte
charpentée, était-elle définitive
ou provisoire (en attendant les fonds pour achever
le couvrement de la nef) ?
Les archives de l'évêché ayant
été détruites lors de l'incendie
de la ville en avril 1356, on ne sait rien de
l'existence d'un triforium et de la nature de
la voûte. Il faut donc se contenter de ce
que l'on voit.
Constat : lorsqu'on prévoit de couvrir
une nef par une voûte d'ogives, on termine
les colonnettes montantes par une coupure oblique
sur laquelle viendra s'appuyer l'ogive, elle-même
coupée obliquement. L'église Saint-Valentin
à Jumièges, dont le couvrement en
pierre n'a jamais été réalisé,
montre ce qu'est une coupure oblique.
On sait que le chur de la cathédrale
romane d'Évreux était voûté
en pierre. Est-ce suffisant pour penser que celui
de la nef l'était aussi ? Car, dans la
nef, les colonnettes montantes n'aboutissent pas
à des coupes obliques au niveau du triforium.
Une question immédiate se pose : pourquoi
aurait-on pris la peine de sculpter des colonnettes
dans les blocs de pierre, au côté
de la colonne principale de chaque pilier, si
l'on avait décidé de couvrir la
nef par une charpente ? L'historien Francis Salet,
qui défend l'absence de voûte d'ogives,
s'arrête sur l'épaisseur des colonnettes
: étant plus minces que leurs voisines,
elles ne peuvent correspondre à des éléments
récepteurs de la poussée des ogives.
Argument étrange puisque c'est précisément
ce que Gautier de Varinfroy va faire !
Francis Salet met aussi en avant un autre schéma
: à l'image de la cathédrale anglaise
de Durham, Notre-Dame d'Évreux aurait eu
un chur voûté (en pierre) et
une nef charpentée. Ainsi seul le bois
de la charpente aurait brûlé lors
des raids punitifs de Philippe Auguste. Autre
idée retenue par l'historien : «il
se peut, écrit-il, qu'une charpente ait
clos à titre provisoire le volume du grand
vaisseau au-dessus des grandes arcades, ou plus
haut, sans qu'aient été mis en place
tous les éléments de structure définitifs.»
Quant à supposer que le feu ait tant dégradé
les pierres d'un éventuel triforium qu'il
aurait ensuite fallu raser pour la reconstruction,
rien ne le prouve.
En 1997, dans l'ouvrage La cathédrale
d'Évreux, Anne Gosse-Kischinewski défend
le point de vue de la voûte ogivale en avançant
des arguments plus construits. «L'examen
des piles révèle un point intéressant
d'architecture, écrit-elle, car les piliers
romans sont toujours conçus de manière
fonctionnelle : une colonne ou colonnette correspond
toujours à une retombée d'arc.»
Ainsi, l'arc doubleau de la voûte vient
reposer sur la «colonne engagée sur
dosseret» qu'on peut aussi appelée
«pilastre aux angles coupés»
(voir photo ci-contre). Anne Gosse-Kischinewski
poursuit à propos de cette colonne engagée
sur dosseret : «Elle est flanquée
de colonnettes, placées en biais, qui ne
peuvent être destinés qu'à
la retombée des branches d'ogives. La présence
de ces colonnettes prouve que, dès sa conception,
la cathédrale romane avait été
dotée d'un voûtement sur croisées
d'ogives.» Cette dernière phrase
paraît illogique. Si l'on parle de conception,
on parle de ce qui est prévu et non pas
réalisé. Il aurait fallu écrire
: «...lors de sa conception, la cathédrale
romane avait été prévue avec
un voûtement sur croisée d'ogives.»
Ce qui semble d'ailleurs exact.
L'historienne ajoute : «Les réfections
après les incendies de la fin du XIIe siècle
ont fait disparaître le système primitif,
mais en suivant la ligne de cette colonnette on
constate qu'elle correspond parfaitement au voûtement
gothique actuel.» En fait, rien ne prouve
que le système primitif ait disparu dans
l'incendie. Peut-être n'avait-il tout simplement
pas encore été élevé,
ce qui rejoint une des hypothèses de Francis
Salet
On regardera avec intérêt la photo
ci-contre. Les libellés indiquent comment
les ogives retombent sur l'élévation
: 1) l'arc-doubleau retombe sur le pilastre à
pans coupés ; 2) le rouleau mineur adjacent
à l'arc-doubleau retombe sur le dosseret
où s'appuie la colonne montante principale
; 3) l'ogive retombe sur la colonnette externe.
Conclusion : on peut se convaincre que la nef
de la cathédrale romane était bien
prévue avec une voûte d'ogives. Au
moment des deux incendies de la fin du XIIe siècle,
cette voûte était-elle construite
? On ne sait pas. Y avait-il un triforium (évidemment
en pierre) ? On ne sait pas. Comme le feu a épargné
les grandes arcades du premier niveau et qu'il
n'y a aucune trace de coupe oblique à la
naissance du triforium, on pourrait avancer l'hypothèse
suivante : le premier niveau, qui n'avait pas
encore reçu son triforium, était
couvert provisoirement d'une voûte charpentée
(peut-être en berceau). Le feu aurait consumé
le bois et épargné la pierre.
Sources : 1)
Congrès archéologique de France,
138e session, 1980, Évrecin, Lieuvin, Pays
d'Ouche, article de Francis Salet ; 2) La
cathédrale d'Évreux d'Annick
Gosse-Kischinewski et Françoise Gatouillat.
|
|
Les retombées de la voûte ogivale.
La photo de l'élévation
sud de la nef, donnée juste au-dessus,
apporte un complément utile à cette photo
de la voûte. |
|
Le triforium conçu par Gauthier de Varinfroy.
Les quatre arcades d'une travée sont réunies
par groupe de deux.
Tout au long de la nef, le triforium est encadré,
en haut et en bas,
par une moulure saillante assez simple. |
|
|
|
|
Cette porte Renaissance se dresse dans le bas-côté
nord.
Malheureusement, elle n'est pas d'époque.
Détruite par les bombardements de 1940, elle a été
entièrement rebâtie après la guerre. |
CLÉS
PENDANTES GOTHIQUE FLAMBOYANT |
|
|
|
|
|
Le bas-côté nord est fermé à l'ouest
par une porte Renaissance,
détruite en 1940, et entièrement reconstruite
après la guerre.
L'aspect roman initial a disparu à la suite de la construction
des chapelles latérales et du voûtement en croisée
d'ogives. |
|
LES CHAPELLES
LATÉRALES DE LA NEF ET LEURS VITRAUX |
|
Chapelle Saint-Nicolas.
Clôture en bois de l'époque Renaissance (1510-1520).
La verrière (baie 41) est du XIXe siècle.
C'est un pastiche du XIIIe siècle. |
Panneau de la baie 34 : Les Noces de Cana ou Le
Repas à Emmaüs.
Troisième quart du XIIIe siècle.
Chapelle de la Bonne-Mort. |
Panneau de la
baie 38 : La Nativité, détail. ---»»»
Troisième quart du XIIIe siècle.
Chapelle de l'Annonciation. |
|
|
«««---
Chapelle latérale nord Saint-Nicolas.
Ainsi se présentent les chapelles
latérales nord et sud de la nef : une boiserie
ancienne ferme l'espace qui contient autel, statue(s),
tableau(x) ou dessin(s). L'ensemble est éclairé
par une large baie qui laisse passer beaucoup
de lumière. Sur le côté sud,
on trouve des vitraux du XIIIe siècle,
les plus anciens de la cathédrale.
Parmi les dix chapelles de la nef, trois seulement
ont une clôture intéressante : Saint-Nicolas
(donnée ci-contre), Saint-André
et la chapelle des Fonts (non donnée dans
cette page).
Le style des sculptures de Saint-Nicolas fait
dater sa clôture des premières années
de la Renaissance, plus précisément
du règne de François Ier (1515-1547).
La clôture de la chapelle Saint-André
présente un très beau tympan où
trône une Vierge
à l'Enfant sur un croissant de lune.
Anne Gosse-Kischinewski précise que cette
image (que l'on retrouve dans plusieurs tympans
des baies de la nef) «était gravée
au XVIe siècle sur les méreaux,
jetons de présence des chanoines au chapitre».
On sait que les chapelles latérales des
églises étaient très souvent
construites plusieurs décennies après
l'élévation de la nef et de ses
bas-côtés, et sur financement privé.
Une inscription au revers de la clôture
(invisible pour le visiteur) indique que le chanoine
Charles «Drouin demande un de Profondis
à tous les prêtres qui disent la
messe dans cette chapelle». Ce chanoine
est vraisemblablement le donateur de la clôture
et peut-être le financier de la chapelle
tout entière.
Source : La cathédrale
d'Évreux d'Annick Gosse-Kischinewski
et Françoise Gatouillat.
|
|
Retable anonyme représentant le Christ et les apôtres.
XVIIe siècle
Chapelle Saint-André. |
|
|
|
La clôture de la chapelle Saint-André. |
Les
vitraux des chapelles latérales de la nef.
Hormis quelques recréations du XIXe
siècle, les vitraux des chapelles de la nef remontent
à la seconde moitié au XIIIe et
sont encore disposés selon les normes artistiques
de cette époque. Pour le Corpus Vitrearum
(Les Vitraux de Haute-Normandie, CNRS, 2000),
«les vingt-cinq scènes conservées,
traitées à petite échelle, devaient
être, comme aujourd'hui, disposées en litre
dans des grisailles à bordures colorées.»
Nota : la litre est le nom donné à
la bande horizontale qui abrite la suite des petits
panneaux historiés.
Le Corpus Vitrearum précise à propos
des vitraux de la nef de la cathédrale : «Les
sujets, isolés dans de petites niches aux tracés
variés, composaient à l'origine des suites
iconographiques, parmi lesquelles, l'Enfance du Christ,
sa Passion, des séries d'apôtres et quelques
verrières hagiographiques.»
Évidemment, depuis le XIIIe siècle, de
nombreuses restaurations et modifications ont eu lieu.
L'agencement de ces panneaux a très largement
changé. Aujourd'hui, il est en plein désordre
et associe des échelles et des encadrements différents.
Pour l'historienne Françoise Gatouillat, ces
vitraux proviennent essentiellement des bas-côtés
de la nef à l'époque où les chapelles
n'existaient pas. Il y aurait donc eu un transfert :
quand une chapelle était créée,
on récupérait les vitraux qui ornaient
le pan de mur le long du bas-côté, puis
on abattait ce pan de mur et on réinstallait
les vitraux dans le nouveau pan de mur bâti un
peu plus loin, entre les contreforts. L'espace créé
recevait ensuite un couvrement voûté. La
chapelle, une fois meublée, pouvait être
bénie.
C'est à la même époque qu'on construisait
un vaste chur en gothique rayonnant pour remplacer
le chur roman jugé trop petit. Il est probable
que des verrières de ce chur roman ont
été transférées vers des
baies des nouvelles chapelles.
Plusieurs extraits de ces panneaux du XIIIe siècle
sont donnés dans cette page.
Sources : 1) Corpus
Vitrearum, les vitraux de Haute-Normandie, CNRS
Éditions, 2000 ; 2) La cathédrale d'Évreux
d'Annick Gosse-Kischinewski et Françoise Gatouillat.
|
|
|
Baie 34 : Les panneaux de la litre.
Troisième quart du XIIIe siècle.
De gauche à droite : Saint Philippe, Calvaire, Noces de Cana
(ou Repas à Emmaüs), apôtre, Vierge à l'Enfant. |
Chapelle Saint-André.
Vierge à l'Enfant sur un croissant de lune.
1ère moitié du XVIe siècle. |
«La Vierge remettant un scapulaire à saint Simon
Stock»
Chapelle Notre-Dame du Mont-Carmel. |
Marie-Madeleine
XVIIe siècle ?
Chapelle Saint-Nicolas. |
|
Chapelle sud Sainte-Anne : le retable
avec le tableau d'après Jean Jouvenet. |
L'Éducation de la Vierge
(d'après Jean Jouvenet, XVIIIe siècle). |
Panneau de la baie 38 : la Fuite en Égypte.
Troisième quart du XIIIe siècle.
Chapelle sud de l'Annonciation. |
Panneau de la baie 36 :
Hérode ordonne le massacre des Innocents, détail. |
Sainte Clotilde, reine de France, détail.
Chapelle nord Saint-Aquilin. |
|
Panneau de la baie 38 : la Fuite en Égypte, détail.
Troisième quart du XIIIe siècle.
Chapelle sud de l'Annonciation. |
Chanoine (donateur?) en prière devant son prie-Dieu
(XVe siècle?).
Ce vitrail isolé (baie 45) se trouve dans
la petite salle (fermée) au rez-de-chaussée
de la tour nord.
Il n'est pas référencé dans le Corpus
Vitrearum. Sa pose doit être récente. |
|
Panneau de la baie 36 : Hérode ordonne le massacre
des Innocents.
Troisième quart du XIIIe siècle.
Chapelle sud Sainte-Anne. |
«Les Pèlerins d'Emmaüs»
Tableau anonyme dans la chapelle nord Saint-Aquilin. |
Chapelle nord saint-Sébastien et son retable. |
Panneau de la baie 40 : saint Laurent sur son gril.
Troisième quart du XIIIe siècle.
Chapelle sud des Saints-Anges. |
Panneau de la baie 38 : l'Annonciation, détail.
Troisième quart du XIIIe siècle. |
|
|
Le
refenestrage des baies des chapelles de la nef.
Au XIVe siècle, des chapelles
sont venues s'insérer entre les arcs-boutants,
au nord et au sud de la nef.
Ces ajouts architecturaux sont d'ordinaire financés
par des confréries, des chanoines du chapitre
ou par de riches familles de la ville souhaitant
disposer d'un lieu de culte privé. Pour
un marchand ou un échevin, posséder
sa chapelle dans la cathédrale est
une marque de prestige social indéniable.
Ces chapelles ont été bâties
selon le style de l'époque : le gothique
rayonnant. On y voit de «fines ogives soulignées
d'un filet, retombant par l'intermédiaire
de chapiteaux à deux rangs de feuillages
sur de minces colonnettes à bases sans
scotie placées dans les angles»,
écrit l'historien Francis Salet pour le
Congrès archéologique de France
de 1980. Quant au remplage des baies, il devait
être à base de cercles et de petites
roses comme on le voit dans les fenêtres
hautes du chur. Il faut écrire
devait être car ce remplage, au siècle
suivant, est passé en style flamboyant,
un style où les soufflets et les mouchettes
imitent le mouvement de la flamme d'une bougie.
À propos du remplage, «on a dit qu'il
avait seul été refait pour sacrifier
aux modes du XVe siècle», écrit
encore Francis Salet qui remet totalement en cause
cette idée. En fait, une observation attentive
montre que c'est tout le mur gouttereau qui ferme
la chapelle qui a été rebâti.
Les indices s'accumulent : le soubassement a été
remonté depuis le sol et, surtout, l'empilement
des pierres de ce mur (photo ci-contre) marque
un décrochement manifeste avec celui des
colonnettes soutenant les ogives et celui du mur
séparant les chapelles, bref que les assises
respectives de ces élévations ne
correspondent pas. Les murs gouttereaux ont dont
été intégralement refaits.
De plus, à l'extérieur, les culées
des arcs-boutants ont été modifiées
(forme en éperon, assise calée sur
celle du nouveau mur, gâble flamboyant).
Exécuté sur dix chapelles, ce travail
a été nécessairement long
et coûteux. Avant de casser le mur, il fallait
évidemment mettre la voûte sur cintre
- ce qui n'était pas une petite affaire
-, puis reconstruire.
Quant aux chapelles du déambulatoire, créées
au XIIIe siècle en même temps que
le chur, le remplage de leurs baies est
aussi passé du rayonnant au flamboyant,
mais au prix d'un travail allégé
: le mur de soubassement a été respecté
tout comme les culées-contreforts à
l'extérieur.
Pourquoi tous ces travaux au XVe siècle
? Francis Salet écarte la nécessité
de restaurer des dégradations après
une guerre. Si cela avait été le
cas, pourquoi refaire uniquement les fenêtres
basses ? Et pourquoi refaire le soubassement dans
la nef et pas dans le chur ?
Sa conclusion est que ces travaux compliqués
et dispendieux émanent de la volonté
de l'évêque et du chapitre d'adapter,
quoi qu'il en coûte, le style des chapelles
au goût du siècle : le gothique flamboyant.
De plus, on a cherché à unifier
le style du premier niveau de l'élévation
avec celui du portail
du bras nord du transept (qu'il était
prévu de construire en gothique flamboyant)
et avec celui de la chapelle
de la Mère de Dieu. Ce qui répond,
étrangement et par anticipation, au souci
moderne de l'unité du style. «Il
n'en reste pas moins, écrit l'historien,
que l'entreprise n'était pas raisonnable
parce qu'onéreuse et sans doute inutile.»
Remarquons que, à cette époque,
le chapitre des chanoines n'était pas désargenté.
Le Congrès archéologique de France
tenu en 1889 à Évreux
souligne cette unité de style. Le court
article sur la cathédrale écrit
à cette occasion par Émile Travers,
membre du comité permanent de la Société
Française d'Archéologie, cite
une remarque de l'abbé Porée, inspecteur
de la Société pour l'Eure
: l'intérieur de l'édifice présente
«un caractère d'ensemble qui fait
grand honneur aux architectes chargés,
à de longs intervalles, d'en poursuivre
l'achèvement.» Émile Travers
fait remarquer, quant à lui, que «tous
les modes de construction ont été
employés dans cet édifice ; mais
les raccords ont été faits avec
soin, et rien ne choque désagréablement
l'il dans cet assemblage de styles divers,
comme cela a lieu si souvent ailleurs.»
Sources : 1) Congrès
archéologique de France, 138e session,
1980, Évrecin, Lieuvin, Pays d'Ouche,
article de Francis Salet sur la cathédrale
Notre-Dame d'Évreux ; 2) Congrès
archéologique de France, 56e session, 1889,
tenue à, Évreux
|
|
LE DÉCROCHEMENT
DU MUR GOUTTEREAU DES CHAPELLES DE LA NEF |
|
Chapelle nord Saint-Sébastien. |
Chapelle sud des Saints-Anges. |
|
|
Chapelle sud des Saints-Anges, le retable.
Baie 35 dans
la chapelle nord Saint-Aquilin ---»»»
C'est la seule verrière du XVIe siècle
de la cathédrale.
Elle est datée vers 1520 sauf les deux lancettes
latérales qui sont du XIXe.
Tympan : le Père céleste et douze anges
tenant les instruments de la Passion.
Une verrière illustrant la charité de saint
Martin et
datée aux alentours de 1500 se trouve en
baie 22
dans la chapelle Sainte-Catherine du déambulatoire
sud. |
|
CHAPELLE SAINT-AQUILIN
- BAIE 35 (1520 et XIXe siècle) |
|
|
|
«Notre-Dame des Anges», auteur inconnu.
Chapelle sud des Saints-Anges.
|
Tympan de la baie 35, détail : un ange.
Vers 1520.
Chapelle nord Saint-Aquilin. |
Baie 35, détail : saint Léonard loué
par un prisonnier qu'il vient de libérer.
Vers 1520.
Chapelle nord Saint-Aquilin. |
|
Baie 35, détail ( (vers 1520 et XIXe siècle).
Chapelle nord Saint-Aquilin.
Lancettes du bas de gauche à droite : 1) Hérode commande
la massacre des Innocents (en grande partie du milieu du XIXe siècle)
;
2) un saint (Rémi? René ?) coiffé d'une barette
avec une donatrice agenouillée (et restaurée) à
ses pieds ;
3) saint Léonard loué par un prisonnier qu'il vient
de libérer ;
4) saint Aquilin et un chanoine (donateur?), panneau restauré
;
5) saint Georges combattant le dragon (XIXe siècle). |
|
LES VERRIÈRES
HAUTES DE LA NEF |
|
Les
verrières hautes de la nef (1/3).
Ces verrières s'intègrent
dans un épisode des plus intéressant
de l'histoire du vitrail. À l'époque
romane, les vitraux, très colorés,
laissaient peu passer la lumière. Notons
que les historiens n'ont aucune donnée
sur d'éventuels problèmes oculaires
causés par cette pénombre, surtout
quand il faut lire un parchemin à la lumière
des bougies...
Toujours est-il que, après le milieu
du XIIIe siècle, les goûts, s'adaptant
aux changements de style architectural, privilégient
la lumière. Les verres blancs ornés
de formes géométriques ou de motifs
végétaux stylisés se multiplient.
Ce n'était pas une grande nouveauté
ornementale car les abbayes cisterciennes privilégiaient
déjà une vitrerie incolore.
Pour l'historienne du vitrail Françoise
Gatouillat, il n'est pas impossible que l'ensemble
des fenêtres hautes de la nef de la cathédrale,
au XIIIe siècle, corresponde à ce
schéma (voir deux exemples en baies 133
et 127 ci-contre), apportant ainsi de la clarté
dans le vaisseau central. Elle y apporte néanmoins
un bémol : ces grisailles accueillent parfois
un ou deux petits panneaux historiés. C'est
le cas des baies 125
et 133
: on y voit des prêtres en train de célébrer
la messe ou bien des donateurs agenouillés
devant la Vierge à l'Enfant.
La baie 127,
offerte par Pierre Beaublé, archidiacre
d'Ouche, datée d'avant l'année 1400,
présente une physionomie semblable, quoique
les deux panneaux soient plus grands. On y trouve
une Annonciation
et le
donateur présenté par saint Pierre.
Ces verrières dites «mixtes»
- et qui permettent aux donateurs du vitrail de
s'y afficher - vont se répandre dans le
royaume.
Au cours du temps, les verrières ont bien
sûr été partiellement restaurées.
La verrière de la baie 127
affiche le visage
de la Vierge de l'Annonciation non retouché
et celui
de l'apôtre Pierre refait en totalité
au XIXe siècle. Les différences
de graphisme sautent aux yeux.
Lors des siècles suivants, d'importantes
modifications vont bouleverser les verrières
hautes de l'édifice, leur composition et
leur ordonnancement. On sait que trois de ces
verrières, au sud, correspondaient initialement
aux «verrières royales». On
appelle ainsi les verrières offertes par
Charles VI, le comte de Navarre et sa sur,
la reine Blanche de Navarre. Ces verrières
ont été recomposées, au XXe
siècle, dans les vitraux du chur
(baies 209
et 210).
---»» Suite 2/3
plus bas.
|
|
Baie 133, détail : deux prêtres célèbrent
la messe.
Milieu du XIIIe siècle.
Vitraux peu restaurés. |
Baie 127, détail : Annonciation.
Avant 1400.
(Bonne conservation du panneau.)
On remarquera la présence de deux apôtres
sur le dais. |
|
Baie 133 : détail de l'ornementation. Avant
1400. |
Baie 125, détail : la Vierge à l'Enfant.
Vers 1320.
Vitrail restauré, utilisation du jaune d'argent. |
Vitrail de la baie 133. Avant 1400. |
Baie 127, détail : le donateur Pierre Beaublé
présenté par saint Pierre.
Avant 1400 (scène très restaurée). |
|
|
Baie 127 : détail de l'ornementation. Avant 1400.
Ce genre de vitrail, généralisé dans
les hautes fenêtres,
permettait à la lumière du jour d'éclairer la nef.
|
Vitrail de la baie 125.
Vers 1320.
Le tympan est daté vers 1400. |
Baie 125, détail : donateurs devant la Vierge.
Vers 1320.
La tête du priant de gauche a été restaurée. |
Baie 127, le tympan.
Il affiche les armes du donateur, Pierre Beaublé. |
Pierre
Beaublé fut archidiacre d'Ouche,
professeur de droit à l'Université de Paris, conseiller
du roi Charles V, puis de Charles VI, puis du
prince Louis d'Orléans.
En 1400, Pierre Beaublé était nommé évêque
d'Uzès. Il sera nommé évêque de Sées en 1405.
|
|
Vitrail de la baie 127.
Avant 1400. |
Baie 127, détail : la Vierge de l'Annonciation.
Avant 1400. |
«««---
Baie 127 : saint Pierre présentant Pierre
Beaublé.
Tête refaite au XIXe siècle. |
|
|
|
Les
verrières hautes de la nef (2/3).
---»» À la suite
de donations, deux autres verrières ont
pris la place des vitraux blancs à motifs
géométriques posés à
l'origine. On les trouve dans les baies 129
(ci-contre) et 130.
La baie 129
est datée des années 1410. Les historiens
du vitrail Louis Grodecki et Jean Lafond l'attribuent
à un atelier parisien. Elle a été
offerte par l'évêque Guillaume de
Cantiers pour célébrer sa nomination
à l'évêché d'Évreux
en 1400. L'inscription EN L'HONNEUR
DE SON JOYEUX AVENEMENT figure d'ailleurs
à la base des lancettes. Le prélat
est présenté à Marie par
sainte Catherine, tandis qu'à côté
un laïc est présenté par l'archange
Gabriel à la Vierge de l'Annonciation.
Ce laïc est vraisemblablement Jean de la
Ferté-Fresnel, maréchal de Normandie,
dont les armoiries se trouvent dans l'écu
au-dessous. Jean de la Ferté aurait donc
été co-donateur de ce vitrail.
Il y a peut-être deux autres co-donateurs
: l'amiral de France Renault de Trie dont l'écu
de la quatrième lancette reprend les armoiries
et un personnage non reconnu dont l'écu
se trouve au bas de la seconde lancette.
Cette verrière est étrangement conçue
: le dessin donne l'impression d'être écrasé
par un grillage noir. Néanmoins, elle donne
un bon exemple du nouveau style qui envahit
tous les genres de peintures aux alentours
de l'an 1400. La couleur est de plus en plus
proscrite, «peut-être sous l'influence
du vitrail civil qui devait obligatoirement être
clair», écrit Jean Lafond en 1958
dans Le Vitrail Français. Il poursuit
pour décrire ce style nouveau : «(...)
des personnages vivent dans des "tabernacles"
de pierre blanche devant des courtines de damas
au-dessus desquelles les parois et les voûtes
sont correctement représentées.
Le pinceau du peintre s'est partout attaché
à serrer de près la vérité
aussi bien dans le rendu des étoffes que
dans le tracé des visages qui, manifestement,
cherche la ressemblance et la trouve.»
Dans la baie 129,
les personnages (vêtements et visages) suivent
la nouvelle règle : ils sont dessinés
au sein d'un subtil camaïeu de blanc légèrement
grisé, le tout rehaussé d'un peu
de jaune d'argent. Dans cette baie, on remarque
le rouge profond de la garnache de La Ferté-Fresnel
qui se détache violemment. Cette «tache»
sombre a son utilité : elle sert de point
d'accroche à un ensemble qui courrait le
risque de paraître fade.
Au-dessus des scènes, le fond bleu ou vert
des niches apporte l'indispensable équilibre
chromatique. «Les visages, où les
traits sont simplifiés à l'extrême,
écrit encore Jean Lafond, témoignent
d'une technique magistrale qui multiplie, d'autre
part, les coupes difficiles et les pièces
serties en "chef-d'uvre")».
Dans la baie 129,
les hauts dais (ou «tabernacles»)
sont très travaillés, reproduisant
des voûtes ogivales dans leur partie basse.
Pour illustrer ce nouveau style, Jean Lafond prend
un autre exemple à la cathédrale
Saint-Étienne de Bourges
: la verrière de la famille
Trousseau, réalisée vers 1400-1405
(baie 27). Le tracé des visages suit bien
la nouvelle mode, mais pas les vêtements
qui sont pour la plupart colorés. En revanche,
toujours à la cathédrale de Bourges,
la baie 30 qui abrite la verrière des Quatre
Saints (vers 1405-1415) colle beaucoup mieux
à la définition du nouveau style.
Les personnages y sont d'ailleurs laissés
dans une grisaille rehaussée d'or, sans
qu'un seul ait un vêtement coloré.
Et le vitrail paraît un peu fade.... ---»»
Suite 3/3
plus bas.
|
|
Baie 129 : La Vierge à l'Enfant, détail.
1413-1418. |
|
Vitrail de la baie 129.
Date de création donnée par le Corpus Vitrearum
: «1413-1418 ?»
L'évêque donateur est mort en 1418, ce qui peut faire de ce
millésime une année butoir.
Tympan ; armes de France dans l'oculus ; armes de Bourgogne
dans les deux trilobes.
Ce vitrail illustre la nouvelle mode : des personnages
sous de hauts dais,
le tout dessiné en traits fins. |
|
Baie 129 : les deux scènes historiées.
À gauche, l'évêque Guillaume de Cantiers présenté
à la Vierge par sainte Catherine ;
À droite, Jean de la Ferté-Fresnel, maréchal
de France, présenté à la Vierge de l'Annonciation
par l'archange Gabriel.
Vers 1413-1418 ? |
Baie 129 : L'archange Gabriel, détail.
Vers 1413-1418 ? |
Baie 129 : L'évêque Guillaume de Cantiers,
détail.
Ce visage - trop parfait - n'a-t-il pas été repris
au XIXe siècle ? |
Baie 129 : Sainte catherine, détail.
Vers 1413-1418 ? |
|
Baie 129 : L'évêque Guillaume de Cantiers
est présenté à la Vierge par sainte Catherine.
Nouveau procédé adopté après 1400
:
les personnages finement dessinés sont rehaussés
de jaune d'argent.
|
Le
nouveau style : le tracé des visages décrit
par Louis Grodecki.
L'historien de l'architecture et du
vitrail Louis Grodecki décrit comme suit
le profilé des visages du nouveau style
qui envahit l'art de peindre aux alentours
de l'année 1400. Parlant de la Vierge
à l'Enfant de la baie 207
de la cathédrale d'Évreux, il porte
un commentaire qui est tout à fait valable
pour les visages de la baie 129
:
«Le modelé de grisaille est pratiquement
absent, tant il est discret et léger ;
c'est par le trait seul, qui souligne les sourcils,
les yeux, les lignes du nez et de la bouche, que
le visage est caractérisé et rendu
expressif. Les adjonctions de jaune à l'argent
dans les chevelures ne valent point par leur tache
colorée et font penser à la technique
des miniaturistes, qui dessinent souvent les contours
des visages en traits colorés.»
Source : Le Moyen
Âge retrouvé de Louis Grodecki,
Flammarion, 1991, article : Les verrières
d'Évreux.
|
|
Baie 129 : détail du tabernacle de la quatrième
lancette. |
Le
jaune d'argent.
Dans l'art du vitrail, le jaune d'argent,
ou jaune d'application, est un mélange
de sels d'argent (chlorure, sulfure, iodure, oxyde
d'argent, etc.) et d'un cément (ocre ou
argile calcinée). Aux premiers âges
des vitraux européens, ce mélange
était inconnu, pourtant ce n'est pas une
trouvaille médiévale. Le procédé
était pratiqué par des céramistes
égyptiens et mozarabes dès les premiers
siècles du Moyen Âge. Il aura sûrement
été transmis à la faveur
des nombreuses relations commerciales entre les
pôles économiques méditerranéens.
Avant le jaune d'argent, les vitraux affichaient
des couleurs rouge, bleue et verte, comme les
célèbres verrières de la
cathédrale
de Chartres. Ce nouveau sel apparaît
en Occident au début du XIVe siècle
et enclenche une révolution dans l'art
du vitrail. Jusque-là le verre était
teint dans la masse, puis découpé.
Le verrier assemblait les morceaux au sein d'un
réseau de plombs. Le jaune d'argent modifie
la pratique : il s'applique facilement au revers
d'une pièce avant cuisson. On ne crée
pas un verre teinté de jaune d'argent dans
la masse, on applique sur le verre le mélange
de sels d'argent avec un pinceau.
Le procédé donne accès à
une palette supplémentaire de couleurs
: les teintes obtenues varient selon que l'on
utilise du chlorure d'argent et de l'ocre (jaune
clair) ou du sulfure d'argent et de l'ocre (jaune
orangé). Sur un verre bleu, il donne du
vert. La baie
19 dans la chapelle du Rosaire du déambulatoire
de la cathédrale offre l'exemple d'un beau
damas aux perroquets verts obtenu avec ce procédé.
En outre, à la même époque, la qualité
des verres s’améliore. Plus fins, plus
réguliers, plus limpides, ils vont permettre
aux verrières de s’éclaircir grâce
à l’utilisation de verres incolores et de grandir
en beauté.
Dans son Histoire du vitrail publiée
en 1896, le peintre-verrier Louis Ottin détaille
la procédure utilisée au Moyen Âge
: «On couvre les endroits qu'on désire
voir devenir jaunes d'une légère
couche d'ocre mélangée de chlorure
d'argent. Après la cuisson, on enlève
l'ocre qui est devenue rouge, et la teinte jaune
s'est développée ou pour mieux dire
incorporée dans le verre à sa place.»
Le jaune d'argent est idéal pour colorer
les chevelures, les bijoux, les couronnes, les
sceptres - tout ce qui est jaune ou blond dans
la réalité - ainsi que certains
éléments architecturaux (vitreries
ornementales et grisaille décorative).
Notons d'ailleurs que les cheveux des femmes,
et ceux de la Vierge en particulier, sont souvent
rehaussés de cette manière, alors
que, chez les hommes, une chevelure jaune est
synonyme de jeunesse. Il en est ainsi pour saint
Jean, les enfants et les angelots. En revanche,
les cheveux du Christ, notamment dans les vitraux
illustrant sa Vie publique, sont laissés
bruns. La baie
15 dans la chapelle du Rosaire en donne toutefois
un contre-exemple : la chevelure du Christ
crucifié et sa couronne d'épines
y sont légèrement rehaussées
de sels d'argent. Ce peut être aussi le
cas pour les représentations du Christ
de pitié ou du Christ en gloire.
Pour certains passionnés de vitraux, la
plus belle et la plus célèbre verrière
de la cathédrale d'Évreux
se trouve dans la chapelle
Saint-Louis, située dans le déambulatoire
nord. Au début du XIVe siècle, en
effet, un maître verrier de la ville, en
charge de la vitrerie de cette chapelle, fut le
premier à utiliser les sels d'argent. En
dépit de son coût élevé,
ce procédé ouvrait une telle gamme
de couleurs supplémentaires qu'il se diffusa
rapidement dans le royaume. Á Évreux,
le jaune d'argent mis au point par ce maître
verrier a donné une teinte qui est restée
dans l'Histoire sous l'appellation de jaune
d'Évreux.
|
|
|
|
Les
verrières hautes de la nef (3/3).
---»» Le vitrail de la
baie 130
répond également aux normes du style
des années 1400. Succédant à
Guillaume de Cantiers, le nouvel évêque
d'Évreux,
Paul
Capranica, offrit la verrière de cette
baie vers 1420. On le voit, agenouillé
et de petite taille dans le soubassement, où
il se tient en face d'un écu avec ses armoiries,
tandis que saint Laurent et saint Vincent
se dressent au-dessus. Les deux martyrs sont dessinés
au trait fin et rehaussés d'or. Leurs tuniques
sont colorées en bleu pour l'un, en vert
pour l'autre. Vincent porte trois épées
; Laurent, le gril de son supplice.
À noter, la présence d'anges
musiciens dans les hauts dais, dont le dessin
est lui aussi rehaussé de jaune d'argent.
Cette baie, démembrée au XIXe siècle,
a été recomposée depuis.
Sources : 1) La
cathédrale d'Évreux d'Annick
Gosse-Kischinewski et Françoise Gatouillat
; 2) Corpus Vitrearum, les vitraux de Haute-Normandie,
CNRS Éditions, 2000 ; 3) Le Vitrail
Français, éditions Mondes, 1958.
|
|
Baie 130 : saint Vincent tenant trois épées,
détail.
Vers 1425.
Baie 130
: dais avec un ange musicien ---»»»
dessiné au trait fin et rehaussé de
jaune d'argent. |
|
Baie 130 : saint Laurent tenant son gril, détail.
Vers 1425. |
|
|
Baie 130 offerte vers 1420-1425
par l'évêque Paul Capranica à la cathédrale
d'Évreux. |
La
fin tragique de Guillaume de Cantiers.
L'ouvrage La cathédrale d'Évreux
rapporte un fait historique relaté par
le moine bénédictin et érudit
Bernard de Montfaucon au XVIIIe siècle.
En 1418 à Paris, lors de la lutte entre
les Bourguignons et les Armagnacs, le seigneur
de L'Isle-Adam, partisan de Jean sans Peur, duc
de Bourgogne, souleva le peuple de la capitale.
Les émeutiers s'en allèrent arrêter
tous les membres du Conseil du Roi et les enfermèrent.
Par peur de les voir s'enfuir, on les massacra.
Parmi eux se trouvaient Guillaume de Cantiers,
évêque d'Évreux,
les évêques de Coutances, de Bayeux,
de Senlis, de Saintes,
l'archevêque de Sens,
le connétable d'Armagnac et d'autres gens
de marque.
Source : La cathédrale
d'Évreux d'Annick Gosse-Kischinewski
et Françoise Gatouillat.
On ne peut s'empêcher de rappeler un précédent.
1418, c'est trois ans après 1415 et la sinistre
défaite française d'Azincourt. Au cours de cette
bataille, environ deux cents chevaliers français
se rendirent aux Anglais du roi Henry V. Pour
être sûr que personne ne l'attaquerait sur ses
arrières, le roi anglais perpétra un crime de
guerre : le massacre systématique de ces
deux cents chevaliers.
|
|
|
|
Baie 130, détail du soubassement : les armoiries
de Paul Capranica.
Vers 1425. |
Comment
a-t-on découvert le jaune d'argent ?
Il existe à ce sujet une tradition,
voire une légende, que le peintre verrier clermontois
Émile Thibaud rapporte dans son traité
de peinture sur verre paru en 1842.
Il écrit : «L'ordre des dominicains de
Bologne possédait au XVe siècle un religieux
très connu, sinon par ses ouvrages, au moins
par son éminente piété, le bienheureux
Jacques l'Allemand, ainsi nommé parce
qu'il était né à Ulm en Allemagne.
L'obéissance à la règle fut sa
vertu principale. L'historien de sa vie remarque qu'un
jour ayant commencé sa cuisson, il fut obligé
de l'abandonner avant son achèvement, pour obéir
à son supérieur qui l'envoyait à
la quête ; mais il fut agréablement surpris
au défournement, de trouver ses pièces
de verre si bien recuites, que jamais il n'avait eu
pareil succès.
C'est à lui que la tradition attribue la découverte
du jaune par l'argent. Ce religieux étant occupé
à enfourner l'ouvrage qu'il avait peint, laissa
tomber par mégarde un bouton d'argent d'une de
ses manches parmi la chaux qui servait à stratifier
son verre, une partie de ce bouton étant entrée
en fusion, le métal teignit en jaune le verre
sur lequel il reposait.»
Et Émile Thibaud conclut : «Nous respecterons,
sans chercher à en détruire le merveilleux,
la tradition de ces faits, du reste fort probables.»
Source : Considérations
historiques et critiques sur les vitraux anciens et
modernes et sur la peinture sur verre par Émile
Thibaud de l'Académie de Clermont et de la Commission
départementale pour la Conservation des Monuments,
année 1842.
|
|
Baie 130, détail du soubassement : l'évêque
Paul Capranica,
donateur de la verrière. Vers 1425. |
|
LE GRAND ORGUE
DU XXIe SIÈCLE |
|
|
Le
grand orgue.
Il a été mis en place en 2004-2005.
Très moderne, il constitue un spectacle à
lui tout seul !
La cathédrale Notre-Dame d'Évreux
a possédé un grand orgue dès le
XVIe siècle. Au XVIIIe, le facteur Jean Baptiste
Nicolas Lefebvre l'a restauré et enrichi. En
1874, la tuyauterie fut démontée à
fin de restauration, mais celle-ci n'a jamais eu lieu.
Seul le buffet restait en place. Le bombardement du
11 juin 1940 le fit disparaître dans les flammes.
La cathédrale ne disposait plus alors que d'un
orgue de chur construit en 1841 par le facteur
John Abbey.
Après la dernière guerre, il était
prévu que l'État verse les fonds pour
la construction d'un nouveau grand orgue. Comme le projet
n'avançait pas, la paroisse acheta à Delft
(Pays-Bas) l'orgue d'une église vouée
à la démolition. L'instrument fut installé
en 1974 et resta en place jusqu'en 2000. Cette année-là,
racheté par une paroisse espagnole, il fut démonté.
Le grand orgue actuel est dû au facteur Pascal
Quoirin. Son design atypique privilégie les lignes
verticales en conformité avec l'élancement
de la nef.
Pour le facteur d'orgue, il n'était pas question
de bâtir un instrument dédié aux
musiques des XVIIIe et XIXe siècles. Au contraire,
la musique contemporaine pour orgue, très riche,
devait y avoir toute sa place.
L'orgue, de 53 jeux, fut inauguré en automne
2007.
Source : Panneau d'information
dans la cathédrale Notre-Dame.
|
Le nouvel orgue de
2006 avec ses panneaux
««--- fermés
ouverts --»» |
|
|
|
La nef de la cathédrale Notre-Dame d'Évreux vue depuis
le chœur. |
|
Documentation
: Livret et panneaux dans la cathédrale
+ «Congrès archéologique de France, Évrecin,
Lieuvin, Pays d'Ouche», Société française
d'archéologie, Paris 1984
+ «Congrès archéologique de France tenu à
Évreux en 1889», article Émile Travers
+ «La cathédrale d'Évreux» d'Annick Gosse-Kischinewski
et Françoise Gatouillat, Les Colporteurs, 1997
+ «Haute-Normandie gothique» d'Yves Bottineau-Fuchs, Éditions
Picard, 2001
+ «Les plus belles cathédrales de France» de l'abbé
J.-J. Bourassé, Alfred Mame et Fils Éditeurs, 1880
+ «L'architecture normande au Moyen Âge», Presses
Universitaires de Caen, éditions Charles Corlet, 1997
+ «Évreux, la légende des pierres» d'Annick
Gosse-Kischinewski, Froment Glatigny Éditeurs, 1988
+ «Corpus Vitrearum, les vitraux de Haute-Normandie»,
CNRS Éditions, 2000
+ «Le vitrail du Triomphe de la Vierge d'Évreux et Louis
XI» de Gary B. Blumenshine, Annales de Normandie, 40e année
n° 3-4
+ «Le Vitrail Français», éditions
Mondes, 1958
+ «Le Moyen Âge retrouvé» de Louis
Grodecki, Flammarion, 1991, article : Les verrières d'Évreux. |
|