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LE
TRANSEPT ET LA TOUR LANTERNE
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Cette page présente successivement :
1) le croisillon sud
et ses vitraux ;
2) le croisillon nord
et ses vitraux ;
3) la tour-lanterne
à la croisée du transept.
Voir la présentation générale des vitraux du transept.
Voir l'histoire du financement
de la (longue) construction de la cathédrale et des fréquents
recours aux indugences.
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LE CROISILLON SUD DU TRANSEPT
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La croisée et le croisillon sud du transept. |
Croisillon sud : vitraux des baies 120
et 220. |
Le
croisillon sud du transept.
Compte tenu des circonstances historiques de la construction,
les élévations sud, est et ouest du croisillon
sud présentent deux homogénéités
séparées. Ce qui répond d'ailleurs
à la simple logique.
À l'est, l'élévation qui joint
le chur et le bras sud possède un triforium
semblable à celui du chur. Elle est donc
datée de la seconde moitié du XIVe siècle,
époque où le chur est achevé.
À l'ouest, la comparaison des formes des soufflets
des arcatures de la galerie sud avec celles du triforium
occidental du bras sud conduit les historiens à
dater tout ce secteur, très homogène,
de la fin du règne de Louis XI (1483).
Toutefois, des considérations très techniques
portent à penser que la travée qui surmonte
l'entrée dans le bas-côté sud pourrait
être de la première moitié du XVe
siècle (baies 124 et 224).
L'élévation sud n'est pas aussi sophistiquée
que celle du nord.
Le dessin de la rose du Paradis (baie 220)
y est plus simple que celui de son vis-à-vis,
la rose du Jugement dernier (baie 219).
De même, les deux portes qui donnent accès
au cloître
et, de là, au palais épiscopal (devenu
le musée
d'Art, Histoire et Archéologie d'Évreux),
sont surmontées d'une modeste ornementation en
accolade entourée de pignons flamboyants (photo
à droite). Dans le bras sud, la paroisse a installé
une statue de Notre-Dame de Lourdes et un petit espace
de dévotion.
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Bras sud du transept : espace de dévotion
dédié à Notre-Dame de Lourdes. |
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Baie 120, détail : Jacques le Mineur.
Vers 1475-1480. |
Croisillon sud : les portes surmontées d'arcs
en accolade donnent accès au cloître. |
Baie
120. Le vitrail de cette baie (ci-dessous),
daté des années 1475-1480, présente
une suite de huit apôtres munis de leurs emblèmes,
debout dans des niches aux dais relevés de jaune
d'argent. Les quatre autres apôtres figurent
dans la baie opposée, n° 119.
De gauche à droite : Jacques le Majeur, Pierre,
André, Jean, Philippe, Barthélemy, Jacques
le Mineur et Thomas.
Cette verrière a été partiellement
détruite par la grêle en 1983. L'atelier
J.-P. Tisserand en a assuré la restauration en
1994. La verrière a été reposée
doublée d'une vitre extérieure.
Source : Corpus Vitrearum.
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Baie 120 (galerie de la rose sud) : Huit apôtres debout devant
des tentures damassées.
De gauche à droite : Jacques le Majeur, Pierre, André,
Jean, Philippe, Barthélemy, Jacques le Mineur et Thomas.
Les quatre apôtres manquants figurent dans la galerie de la
baie 119 qui fait
face à la baie 120 dans le bras nord.
Verrière exécutée vers 1475-1480. |
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Baie 120 : Jacques le Majeur, détail.
«««--- Barthélemy et son couteau.
Vers 1475-1480. |
Le
financement de la construction et le rôle des
indulgences (1/4).
Après l'incendie de la cathédrale
dans les années 1190, il fallut reconstruire
l'édifice. Cette tâche s'est étalée
sur trois siècles, principalement à cause
d'un manque criant de moyens financiers. Il ne se trouvait
pas à Évreux
de riches marchands (comme à Saint-Nicolas-de-Port)
capables, par leurs dons, de faire avancer un chantier
de cette importance. Le chapitre ne jouissait pas non
plus de droits sur des terres aussi étendues
que celles du chapitre de Notre-Dame
de Paris. Dans la capitale, en effet, les chanoines
trouvèrent normal, vers 1250, de taxer au maximum
les deux mille serfs de leurs domaines parisiens, forçant
Blanche de Castille à intervenir en faveur des
paysans. C'est pourquoi, dans l'histoire de Notre-Dame
d'Évreux, avant que la générosité
de Louis XI ne pourvoit à tout, on trouve assez
souvent la présence d'indulgences papales. ---»»
Suite 2/4
plus bas.
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Les
vitraux du transept.
Ils datent de l'élévation de la structure
architecturale, c'est-à-dire des années
1470-1480. Certains n'ont été mis
en place que dans les années 1510.
Les historiens sont peu renseignés sur les ateliers
de maîtres verriers qui les ont conçus,
souvent en étroite collaboration avec le chapitre
de la cathédrale. Toutefois la verrière
de la baie 120
(galerie de huit apôtres) au-dessous de la rose
du Paradis, cette même rose (baie 220)
et la rose du Jugement dernier (baie 219)
sont attribuées par le Corpus Vitrearum
à «l'atelier principal» de la chapelle
de la Mère de Dieu.
Une partie de ces verrières est constituée
de panneaux circulaires enfermant des monogrammes du
Christ, de la Vierge, mais aussi ceux du roi Louis XI,
de son épouse la reine Charlotte de Savoie et
du dauphin Charles. Souvent ces monogrammes sont accompagnés
d'une rangée de soleils. La baie 224
en est un exemple.
Les uvres les plus intéressantes sont sans
conteste les deux verrières historiées
de la rose du Paradis (baie 220)
au sud et la rose du Jugement dernier (baie 219)
au nord. Vu leur hauteur, une paire de jumelles (ou
un téléobjectif) est indispensable.
Les verrières 120
et 220,
dans le bras sud du transept, ont été
endommagées lors d'un orage de grêle en
1983, puis restaurées en 1994-1995.
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Baie 120 : André et sa croix, détail.
Vers 1475-1480. |
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L'élévation sud du transept et son ornementation flamboyante
(vers 1470). |
Identité
des profils (voir les
flèches jaunes).
L'identité des soufflets des arcades
des verrières basses dans l'élévation
sud et dans l'élévation ouest du bras
sud conduisent les historiens à réunir
les deux élévations dans une même
période de construction : la fin du règne
de Louis XI ( 1483).
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Croisillon sud, élévation ouest : la claire-voie
de la baie 122). |
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Baie 220 : la Rose du Paradis ou Rose du Couronnement
de la Vierge.
Vers 1470-1480. |
Le
financement de la construction et le rôle des
indulgences (2/4).
---»» Rappelons brièvement
le principe des indulgences. Pour un chrétien,
il y a deux sortes de péchés.
Le premier est aussi le plus simple : l'offense
à Dieu par la violation d'une règle établie
par l'Église sans qu'autrui y soit mêlé.
Exemple : manger de la viande ou du beurre pendant le
Carême.
Le second se partage en deux fautes distinctes : d'abord
une nuisance à autrui (vous insultez votre voisin,
vous le volez, vous le rouez de coups, etc.). Vous avez
nui à autrui, mais également à
Dieu en violant ses lois qui exigent - entre autres
- de respecter son prochain. Vous devez donc obtenir
deux pardons : d'abord celui de votre voisin (les modalités
du pardon étant alors d'ordre privé),
puis le pardon de Dieu, c'est-à-dire de l'Église.
C'est à ce second stade, et pas avant, qu'intervient
l'indulgence.
Le Dictionnaire critique de théologie (PUF,
2016) cite le pape Paul VI qui écrit en 1965
: «L'indulgence est la remise devant Dieu de la
peine temporelle due pour les péchés dont
la faute est déjà effacée (...)»
Effacée signifiant pardonnée
par la victime.
Les historiens font terminer le «beau XIIIe siècle»
(selon l'appellation traditionnelle) à la mort
de Louis IX, en 1270. Au cours de ce siècle,
l'économie du royaume de France se développe.
Bourgeois et marchands s'enrichissent, mais veulent
aussi faire leur salut, ce qui signifie appliquer les
règles de l'Église et «compenser
par des aumônes les péchés liés
à leur mode de vie», écrit Marie-Luce
Septsault dans son ouvrage Le beau XIIIe siècle
(Atlande, 2021). Les indulgences (dont la plupart viennent
racheter un péché simple) sont
décidées par le pape et obtiennent l'adhésion
de toutes les couches de la société. Payer
pour avoir le droit de manger du beurre pendant le Carême
est un principe tout à fait admis. ---»»
Suite 3/4
à droite.
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Baie
220. Cette grande verrière de 6,50
mètres de diamètre est appelée
Rose du Paradis ou encore Rose du Couronnement
de la Vierge. Offerte par Louis XI et le chapitre
de la cathédrale (vers 1470-1480), elle est due
à un atelier inconnu qui est également
à l'origine des vitraux de la chapelle
de la Mère de Dieu, d'où son nom d'«atelier
principal de la chapelle axiale».
La scène qui domine la rose (tout en haut) est
celle du couronnement de la Vierge. La rose affiche
des apôtres, des saints et des saintes, un saint
pape (Clément?), un évêque (Taurin?)
L'uvre, qui était jugée bien conservée
après une restauration entre 1883 et 1886, a
été cassée en partie par la grêle
en 1983. L'atelier J.-P. Tisserand en a assuré
la restauration en 1994-1995. La verrière a été
reposée en 1996, doublée d'une vitre extérieure.
Source : Corpus Vitrearum,
les vitraux de Haute-Normandie, CNRS, 2001.
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Baie 220 : la Rose du Paradis, détail.
Vers 1470-1480. |
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Baie 220 : la Rose du Paradis ou Rose du Couronnement
de la Vierge, détail.
Vers 1470-1480.
En haut, de gauche à droite : Couronnement de la Vierge,
Marie-Salomé et ses fils ;
En bas : saint Jean l'Évangéliste, saint Jean-Baptiste,
une sainte, et côte à côte saint Barthélemy
et saint Paul (?)
Tout en bas : un saint évêque (Taurin?) |
Le
financement de la construction et le rôle des
indulgences (3/4).
---»» Retour à Évreux.
Après l'affrontement entre Philippe Auguste et
l'Angleterre qui s'est soldé par le double incendie
de la cathédrale en 1195 et 1198, l'édifice
est en ruine. En 1201, Robert de Roye, conseiller du
roi, est nommé évêque du diocèse.
Voulant reconstruire sa cathédrale et conscient
de la pauvreté sur ses terres, il s'adresse au
pape Innocent III pour faire bénéficier
les ébroïciens d'indulgences. Ce
qui est accepté en février 1202. Les fonds
recueillis sont toutefois insuffisants. Ce n'est que
vingt ans plus tard, avec l'arrivée de Gautier
de Varinfroy, que les travaux pourront démarrer.
De 1244 à 1256, Louis IX étant roi de
France, l'évêque d'Évreux,
Jean de La Cour d'Aubergenville sollicite à nouveau
l'aide du pape Innocent IV. En 1246, une bulle attribue
des indulgences aux fidèles qui donnent
pour la reconstruction. À cette époque,
les travaux de la nef, qui a été voûtée
de pierre, sont terminés. On démarre la
construction d'un nouveau chur gothique qui va
englober le chur roman. Ce dernier, conservé
pour les offices, sera démoli après l'achèvement
du nouveau.
Philippe IV le Bel s'éteint en 1314. Son fils
aîné, Louis X le Hutin, monte sur le trône
et meurt en 1316. Son frère Philippe V le Long
lui succède. En avril 1317, le pape Jean XXII
renouvelle les indulgences.
Les aléas de la guerre de Cent Ans meurtrissent
la cathédrale (la ville est incendiée
en 1356). Malgré les bienfaits de Charles V,
en 1396 l'édifice est jugé délabré,
les étais défigurent l'ancien transept
roman et les piles de la croisée menacent de
s'effondrer. Les ressources, toujours insuffisantes
sans coup de pouce papal, ne permettent pas d'engager
des travaux. Pis, l'époque traverse une crise
avec la lutte entre Bourguignons et Armagnacs.
---»» Suite 4/4
plus bas.
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Élévation du bras sud du transept à l'est
avec les baies 116 et 118.
Au-dessus, les baies 216
(avec la Vierge et Louis XI) et 218.
La voûte du croisillon
sud du transept. ---»»» |
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Baie 216 : les six lancettes d'écus avec la Vierge à
l'Enfant et le roi Louis XI.
Vers 1470-1475. |
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Baie 216, détail : la Vierge et l'Enfant.
Vers 1470-1475. |
Baie 122, détail : le Christ dans un rondel.
Vers 1470-1475. |
Baie 122,
détail ---»»»
un aigle nourrissant ses petits dans un rondel.
Vers 1470-1475. |
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Baie
216. Cette verrière, datée
des années 1470-1475, a été
offerte en ex-voto par le roi Louis XI après
la naissance de son fils Charles en 1470.
On en donne ci-dessus les six lancettes ornées
d'écus couronnés aux armes de France,
aux armes de la reine Charlotte de Savoie et aux
armes du dauphin.
La partie centrale, bien conservée, est
la plus intéressante. Louis XI est agenouillé
devant un prie-Dieu, au pied de la Vierge qui
tient l'Enfant-Jésus dans son bras gauche.
Le sol où se tient la Vierge est dallé
; elle-même repose sur un croissant de lune.
L'artiste a choisi d'opposer le Ciel et la Terre
dans les teintes des damas à l'arrière-plan
: la Vierge est peinte sur un fond lumineux, le
roi, sur un fond vert.
La préciosité des bordures végétales
est remarquable.
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Baie 216, détail : Louis XI. Il a offert
la verrière en ex-voto
après la naissance de son fils Charles (futur roi
Charles VIII).
Vers 1470-1475. |
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Le
financement de la construction et le rôle des
indulgences (4/4).
---»» Des temps plus calmes arrivent
enfin avec l'occupation anglaise de 1418, Henry V étant
roi d'Angleterre. Celui-ci meurt en 1422. Son fils,
Henry VI, est âgé de deux ans. Le duc de
Bedford, frère du défunt roi, assure la
régence et gère les régions françaises
occupées. Il sera le grand adversaire de Jeanne
d'Arc.
À Évreux,
en septembre 1423, l'évêque Paul Capranica
adresse, comme ses prédécesseurs, une
supplique à Rome pour bénéficier
d'indulgences. La réponse n'arrive que
quatre ans plus tard, alors que l'évêque
doit quitter Évreux
pour un nouveau siège en Bénévent.
En 1431, le légat pontifical accorde cent jours
d'indulgences aux fidèles qui adresseront
des dons pour la cathédrale. Le résultat
des dons n'est pas connu. Étaient-ils suffisants
pour lancer la reconstruction du transept ?
Toujours est-il que les fonds continuent à manquer.
En 1447, nouvelle bulle d'indulgences accordée
par le pape Eugène V. Ce dernier, qui suit le
chantier de près grâce à des rapports
envoyés par les chanoines, est irrité
par l'incompétence des architectes, responsables
de travaux mal faits et qui n'avancent pas. Comme suite
à la bulle, le chapitre de la cathédrale
étend la zone des indulgences à tout l'archevêché.
Viennent ensuite les donations des rois. Pour Charles
VII, c'est probable, mais pas certain. En revanche,
son fils Louis XI, pris d'une vraie dévotion
pour Notre-Dame d'Évreux,
va ouvrir sa cassette et attribuer à la cathédrale,
en 1465, une part des fonds issus des gabelles : dix
deniers tournois sur chaque minot de sel vendu dans
toute la Normandie. Consentie pour six ans, cette allocation
sera renouvelée en 1469, 1475 et 1481.
Le 30 août 1483, jour de la mort du roi, la cathédrale
est pratiquement achevée. Il reste à terminer
la façade
du croisillon nord du transept et à reprendre
la façade
occidentale. Ce qui réclame encore des fonds
importants. Anne de Beaujeu, fille de Louis XI et régente,
gère le royaume avec son époux Pierre
de Beaujeu. Et le destin frappe encore. Dès le
22 septembre, «une ordonnance du Grand Conseil
annule toutes les libéralités et aliénations
faites sur les revenus dus à l'État»,
écrit Annick Gosse-Kischinewski dans La cathédrale
d'Évreux. C'en est fini des subventions du
Prince ! L'évêque Raoul du Fou, en place
de 1479 à 1511, n'a pas d'autre choix que de
quémander encore une fois des indulgences
à Rome. On sait que le pape Jules II y a répondu
favorablement, mais il est monté sur le trône
de saint Pierre en 1503. Que s'est-il passé entre
1483 et 1503 ? Y a-t-il eu des demandes adressées
au très décrié Alexandre VI Borgia,
pape de 1492 à 1503 ? Raoul du Fou s'y est-il
opposé pour une raison morale ?
L'intervention de Jules II semble être la dernière
venue de Rome. On note ensuite une aide de Louis XII,
roi de 1498-1515, d'un montant de deux cents livres
en 1508 pour continuer la façade
du croisillon nord. En 1604, Henri IV, de passage
à Évreux,
promet trois mille livres à prendre sur son épargne.
Le don ne se concrétisera qu'en 1609 par l'attribution,
pendant douze ans, d'une partie des fonds tirés
de la gabelle : cinq sols par minot de sel vendu au
grenier d'Évreux
et à la chambre de Conches.
La reconstruction de la façade
occidentale traîne en longueur. Son achèvement,
en 1631, est dû à un fond de plus de trente
mille livres légué en 1626 par François
Martin, chapelain et secrétaire de l'évêque.
Par la suite, selon les sources, il semble que les revenus
du chapitre ont pris le relais.
Sources : La cathédrale
d'Évreux d'Annick Gosse-Kischinewski et Françoise
Gatouillat, Les Colporteurs, 1997 ; Haute-Normandie
gothique d'Yves Bottineau-Fuchs, éditions
Picard, 2001.
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Baie 216, détail : la Vierge et l'Enfant.
Vers 1470-1475. |
Baie 216, détail : Louis XI devant la Vierge.
Vers 1470-1475. |
Baie 216, détail :
bordure végétale
du panneau de Louis XI.
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Baie 216, détail :
bordure végétale
du panneau de la Vierge. |
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Baie 224 : Verrière emblématique de Louis XI
(avec tympan partiel).
En bas : cerfs ailés (armoiries de Charles VI) ; au-dessus
; écus de France armoriés avec fleur de lys ou chiffre
royal ;
Au-dessus : monogrammes du Christ et de la Vierge, surmontés
d'une rangée de soleils.
Vers 1470-1475. |
Baie 224, détail : cerf ailé (armoiries
de Charles VI). |
Baie 224, détail : écu aux armes de France
couronnées. |
Baie 224, détail : cerf ailé. |
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LE CROISILLON NORD DU TRANSEPT
(Architecte JEAN COSSART)
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Le
croisillon nord du transept.
La première travée de ce croisillon (celle
qui jouxte la croisée) répond peu ou prou
aux mêmes exigences que la première travée
du croisillon sud. Elle est datée des dernières
décennies du XVe siècle.
La travée remarquable dans le croisillon nord
est celle qui intègre le pignon. C'est le talentueux
architecte Jean Cossart qui l'a réalisée
(et achevée avant 1517) ainsi que toute la façade
externe du pignon nord.
Jean Cossart a repris le style flamboyant du croisillon
sud, mais en l'embellissant. On s'en aperçoit
tout de suite par la série
d'arcatures fort peu banale qui supporte treize
consoles, au-dessus des deux portes de l'entrée
nord (photo ci-contre). Ces consoles vont en s'inclinant
vers la droite et la gauche. Le visiteur curieux remarquera
aussi la présence de treize
dais juste au-dessus, sous la galerie des arcades
tréflées. Il est pratiquement évident
que les statues du Christ, au centre, et des douze apôtres
avaient été prévues. Comme on ne
voit aucune marque sur le mur entre les consoles et
les dais, on en déduit qu'elles n'ont jamais
été posées. Qu'en auraient fait
les révolutionnaires ?
Pour le garde-corps de la rose, Jean Cossart a introduit
une belle originalité : il ne ressemble à
rien, mais paraît très moderne ! Voir la
photo
du pignon nord ci-dessous. Laissant libre cours
à son ingéniosité et son envie
du beau, l'architecte a enrichi le pourtour de la rose
d'une dentelle
de choux sculptés.
La baie de la rose nord est plus grande, plus complexe
et plus ajourée que celle au sud. «La rose
nord offre un parfait exemple de cet art de la fin du
Moyen Âge, comparable aux roses de Sens
ou de Beauvais»,
écrit Annick Gosse-Kischinewski dans La cathédrale
d'Évreux. On se reportera donc avec intérêt
aux roses de Martin Chambiges à la cathédrale
Saint-Étienne de Sens et à la cathédrale
Saint-Pierre
de Beauvais, deux roses complexes qui sont de la
même époque.
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Porte Renaissance dans le bras nord du transept. |
Bras nord : les choux frisés autour de la rose de Jean Cossart. |
Baie 219, détail : les démons s'emparent
des damnés.
Vers 1480-14900 et 1511-1515. |
Baie
219. La verrière de cette rose s'inscrit
dans une structure gothique recherchée, expression
du savoir de Jean Cossart. Le dessin est nettement plus
riche que celui de la baie
220 qui lui fait face. La rose 219 part de dix rayons
qui s'épanouissent à partir d'un trilobe
central. Suivent trois cercles de vingt ajours. Les
écoinçons du bas (la rose 220
n'en a pas) sont garnis de soufflets et de mouchettes.
Cette verrière, datée des années
1480-1490, a été réalisée
par l'«atelier principal de la chapelle axiale»
et posée vers 1511-1515. La moitié supérieure
abrite la cour céleste, le Christ-Juge trônant
au centre. On reconnaît des figures de l'Ancien
et du Nouveau Testament dont quelques apôtres,
Ève et David. Dans la partie centrale de la rose,
dix séraphins appellent au Jugement. La partie
inférieure présentent les âmes des
morts : à gauche, les élus ; à
droite, les damnés saisis par les démons.
La verrière a été restaurée
vers 1887 et à nouveau, en 1909, après
un orage de grêle.
Source : Corpus Vitrearum,
les vitraux de Haute-Normandie, CNRS, 2001.
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Baie 219 : la
rose du JUGEMENT DERNIER
Vers 1480-14900 et 1511-1515. |
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Baie 119 (galerie de la rose nord) : quatre apôtres alternent
avec quatre Docteurs de l'Église.
De gauche à droite : Augustin, Mathias, Ambroise, Jude, Jérôme,
Simon, Grégoire et Matthieu.
Vers 1490-1500 et 1511-1515. |
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Baie
119. Elle contient quatre apôtres (ceux
qui ne sont pas dans la baie 120
qui lui fait face) qui alternent avec quatre Docteurs
de l'Église. Exécutée «au
plus tard vers 1490» [Corpus Vitrearum],
elle a été posée entre 1511 et
1515.
Les personnages sont accompagnés de phylactères.
Ceux des apôtres portent un article du Credo ;
ceux des Docteurs, une inscription nominative.
La verrière est jugée bien conservée
par le Corpus Vitrearum. Elle a été
restaurée en 1887, puis en 1909.
Source : Corpus Vitrearum,
les vitraux de Haute-Normandie, CNRS, 2001.
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Baie 119 : saint Jude, détail.
Vers 1490 et 1511-1515. |
Baie
215.
Datée des années 1490-1500, la verrière
de cette baie, située au-dessus de l'entrée
dans le déambulatoire nord, représente
six prophètes et héros de l'Ancien Testament
sous de hauts dais relevés de jaune d'argent.
Au-dessus de leurs têtes, les phylactères
ont l'air de tourbillonner dans le vent (photo ci-dessous).
De gauche à droite : Jérémie, Sophonie,
Job, Moïse, David et «Octavien». Ce
dernier est en fait l'empereur Auguste. Selon la tradition,
Auguste, qui cherchait à savoir s'il devait être
divinisé, aurait été témoin
de l'apparition dans le ciel de la Vierge et de l'Enfant-Jésus.
La sibylle de Tibur, qui se trouvait à côté
de lui, lui annonça que l'Enfant qu'il voyait
serait plus grand que lui. ---»» Suite à
droite.
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Baie 215, détail : galerie des six prophètes
et héros de l'Ancien Testament.
À droite : l'empereur Auguste (représenté avec
les prophètes en raison de la révélation
qui lui est faite de l'avènement du Christ par la sibylle de
Tibur).
Verrière exécutée vers 1490-1500 et posée
vers 1511-1515. |
Baie 215 : le roi David.
Vers 1490-1500 et 1511-1515.
Baie 215 : le prophète
Jérémie ---»»»
Vers 1490-1500 et 1511-1515. |
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Bras nord du transept : l'entrée dans le déambulatoire.
La baie 215 se trouve juste au-dessus de la galerie
qui abrite la baie 115 (sur la photo : au-dessus de l'arcade). |
LA TOUR-LANTERNE À
LA CROISÉE DU TRANSEPT
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Le transept : les bras nord et sud, la croisée et les piliers centraux. |
La tour
lanterne à la croisée (1/2).
Bâtir une tour lanterne à la croisée
du transept est une tradition normande. La cathédrale
de Rouen en possède une très élégante,
éclairée par seize fenêtres. Tour lanterne
aussi à Lisieux, Jumièges, Coutances et Fécamp.
De plus, on sait que la cathédrale romane d'Évreux
en avait une. C'est une bonne façon d'éclairer
la croisée. Au XVe siècle, l'idée a été
reprise par les architectes.
Les quatre grandes piles qui soutiennent la tour lanterne
portent à commentaire. La photo, prise en grand angle,
et donnée ci-dessus montre bien les différences.
À l'ouest, du côté de la nef (le haut
de la photo), l'architecte a conservé les deux piles
romanes jusqu'au liseré haut de chapiteaux qu'il
a lui-même rajouté. Ce liseré lui permet
de cacher adroitement une discontinuité dans l'élévation
des colonnettes, partie rajoutée au XVe siècle.
Cette discontinuité est bien visible dans la seconde
photo à droite.
Au-dessous, le liseré bas de chapiteaux n'est
autre que la suite romane du liseré qui court sous
le triforium de la nef.
À l'est, du côté du chur (le bas
de la photo), on ne voit nul liseré de chapiteaux :
les piles nues montent jusqu'à la tour lanterne. «Le
noyau roman a été totalement rhabillé
au XVe siècle en une surface murale aux arêtes
vives qui file d'un seul jet jusqu'au voûtement»,
écrit Annick Gosse-Kischinewski dans La cathédrale
d'Évreux.
De la sorte, les piles orientales de la croisée se
fondent avec l'archivolte de la grande arcade. On se demande
d'ailleurs pour quelle raison l'architecte a pris ce parti
dépouillé. Pourquoi ne pas avoir inséré
au moins le liseré du haut ? On pourrait répondre
que, dans son esprit, ce devait être deux lisérés
ou rien du tout...
Notons que dans les élévations du chur,
les liserés entourent le triforium (comme dans la nef)
et il y en a aussi à la retombée des voûtes.
---»» Suite 2/2
à droite.
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Un réseau de nervures flamboyantes tracées en triangle
recouvre les quatre pans inclinés qui
aboutissent à l'octogone de la tour lanterne. |
Le liseré haut, inséré, à l'ouest,
par l'architecte, permet
de transformer sans heurt l'aspect des colonnettes montantes. |
Une frise basse de choux sculptés souligne
l'octogone au niveau des triangles de nervures. |
La tour lanterne de la croisée voit un plan carré passer
à un octogone.
Au niveau des fenêtres, on remarque qu'une sur deux est
aveugle. |
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Une frise haute de choux sculptés sépare
les deux niveaux de la tour lanterne.
Elle fait pendant à la frise de choux qui surmonte le
premier octogone. |
La
tour lanterne à la croisée (2/2).
---»» Le point le plus intéressant
de la tour lanterne est sans aucun doute le subtil passage
de la croisée du plan carré au plan octogonal
(photo ci-contre). L'architecte pouvait simplement utiliser
des pans inclinés entre les quatre arcades situées
aux points cardinaux, mais, comme l'écrit Annick
Gosse-Kischinewski, cet aspect n'aurait guère
été esthétique. L'astuce a été
de plaquer sur ces parois inclinées «un
réseau de nervures flamboyantes semblables à
celles que l'on trouve dans les fenêtres hautes
du transept», précise l'historienne.
Ces réseaux sont surmontés d'une frise
de feuilles de choux sculptées (dite ici frise
basse) bien mise en évidence par les
deux moulures saillantes qui l'encadrent.
Huit fenêtres de style flamboyant ornent le premier
niveau de la lanterne et ferment la galerie de circulation.
Le second niveau est séparé du premier
par une seconde frise de choux sculptés (frise
haute), plus large que la précédente.
Bien soulignée elle aussi par une double moulure,
elle est surmontée d'un garde-corps qui est une
suite d'arcades trilobées (photo ci-dessus).
Il faut noter un détail étonnant : ce
second niveau est ouvert de huit groupes de fenêtres,
des groupes qui sont alternativement ouverts ou fermés,
ce que montre bien la photo à gauche. S'agissait-il
de renforcer le voûtement ?
«Cette magnifique tour lanterne, construite avant
1475, écrit Annick Gosse-Kischinewski, est sans
conteste l'uvre majeure offerte par le roi Louis
XI.»
Source : La cathédrale
d'Évreux d'Annick Gosse-Kischinewski et Françoise
Gatouillat, Les Colporteurs, 1997.
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Documentation
: Livret et panneaux dans la cathédrale
+ «Congrès archéologique de France, Évrecin,
Lieuvin, Pays d'Ouche», Société française
d'archéologie, Paris 1984
+ «Congrès archéologique de France tenu à
Évreux en 1889», article Émile Travers
+ «La cathédrale d'Évreux» d'Annick Gosse-Kischinewski
et Françoise Gatouillat, Les Colporteurs, 1997
+ «Haute-Normandie gothique» d'Yves Bottineau-Fuchs, Éditions
Picard, 2001
+ «Les plus belles cathédrales de France» de l'abbé
J.-J. Bourassé, Alfred Mame et Fils Éditeurs, 1880
+ «L'architecture normande au Moyen Âge», Presses
Universitaires de Caen, éditions Charles Corlet, 1997
+ «Évreux, la légende des pierres» d'Annick
Gosse-Kischinewski, Froment Glatigny Éditeurs, 1988
+ «Corpus Vitrearum, les vitraux de Haute-Normandie»,
CNRS Éditions, 2000
+ «Le vitrail du Triomphe de la Vierge d'Évreux et Louis
XI» de Gary B. Blumenshine, Annales de Normandie, 40e année
n° 3-4
+ «Le Vitrail Français», éditions
Mondes, 1958.
+ «Le Moyen Âge retrouvé» de Louis
Grodecki, Flammarion, 1991, article : Les verrières d'Évreux. |
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