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Le cathédrale Saint-Étienne
de Sens
ne fait pas partie du circuit traditionnel des grandes cathédrales
de France (Amiens,
Paris,
Chartres,
Rouen,
Reims,
Bourges,
Saint-Denis
et Strasbourg). Et c'est bien regrettable parce que, en tant que
première cathédrale gothique de France, elle fait
la jonction architecturale entre le roman et le gothique primitif.
À ce titre, bien des éléments de ce grand édifice
sont dignes d'intérêt. Les trois pages qui lui sont
consacrées dans ce site développent abondamment ces
particularités de l'histoire de l'architecture. L'autre grande
curiosité de Saint-Étienne de Sens repose dans le
nombre impressionnant de verrières
du XIIIe siècle et de la Renaissance.
En général, les historiens datent le début
de la construction de la cathédrale des années 1125-1130,
c'est-à-dire avant la pose de la première pierre de
la basilique Saint-Denis
de l'abbé Suger. Si l'archevêque Henri Sanglier
fut le grand initiateur de Saint-Étienne, en revanche son
talentueux architecte reste inconnu (voir l'encadré).
La construction commença par le chevet; puis on développa
le monument vers l'ouest, sans transept. Vers 1163, le gros uvre
était terminé (chur,
nef,
voûtes et toitures). Cette année-là, le pape
Alexandre III, en exil en France, fixa sa résidence à
Sens.
Cette cathédrale immense, d'un style totalement inédit,
avait en effet de quoi l'attirer. Les tours nord et sud de la façade
furent érigées peu après, le pape ayant, dans
une bulle, sollicité les aumônes des fidèles.
En 1184, un terrible incendie dévasta la ville, vraisemblablement
sans conséquence pour Saint-Étienne. Néanmoins,
une première modification intervint : on rehaussa toute la
nef. Les fenêtres romanes du troisième niveau de l'élévation
firent place à de larges ouvertures gothiques afin d'éclairer
davantage le vaisseau central. À la même époque,
on lança la construction du palais synodal.
En avril 1268, la tour sud s'écroula (voir encadré),
faisant de nombreuses victimes. Les travées voisines et une
partie de la façade furent entraînées dans la
chute. La reconstruction fut lancée grâce à
la vente d'indulgences accordées par les papes Clément
IV et Nicolas IV. Dès la fin du XIIIe siècle, les
chapelles latérales s'élèvent au nord et au
sud de la nef, entre les contreforts. Comme toujours, elles sont
financées par des confréries, de riches chanoines
ou des grandes familles de la ville. Trois chapelles sont érigées
au flanc du déambulatoire.
À la fin du XVe siècle, on lance le grand chantier
du transept.
Le maître parisien Martin Chambiges est appelé
pour dresser les plans et surveiller les travaux. C'est dans ce
transept que de nombreux donateurs offriront de beaux vitraux
Renaissance, dont un Arbre
de Jessé original puisqu'il contient une Annonciation.
Au XVIIIe siècle, les chanoines de la cathédrale suivent
la mode : badigeon uniforme et intégral pour couvrir tous
les décors antérieurs ; nouveau dallage (et disparition
des pierres tombales). En 1742, Servandoni érige le
grand autel à baldaquin.
En 1793, l'armée révolutionnaire se déchaîne
: toutes les statues sont renversées ; les bas-reliefs, mutilés
; les tombeaux, détruits ; le trésor est saccagé.
De nouvelles uvres d'art viendront enrichir le monument au
XIXe siècle (la plupart sont aujourd'hui au musée
de Sens). En 1848, le beffroi de la tour nord est démoli
et des statues géantes d'archevêques sont fixées
à l'étage supérieur de la tour de pierre, au
sud. Enfin, à partir de 1863, l'architecte Adolphe Lance,
voulant appliquer la théorie de l'unité de style (le
roman) détruit les chapelles latérales de la nef (voir
encadré)
et déclenche un tollé.
En dehors de l'aspect architectural, les pages du site consacrées
à la cathédrale Saint-Étienne mettent l'accent
sur les vitraux du XIIIe et de la Renaissance. Vous pourrez trouver
notamment, créés XVIe siècle : l'Arbre
de Jessé, la Sibylle
de Tibur, l'Invention
et la Translation des reliques de saint Étienne, un très
beau vitrail sur la vie
de saint Eutrope, et, dans les roses du transept, le Jugement
dernier et le Concert
céleste ; du XIIIe siècle : le Bon
Samaritain, le Fils
prodigue, la vie
de Thomas Becket et la vie
de saint Eustache.
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La nef de la cathédrale Saint-Étienne de Sens.
La cathédrale Saint-Étienne est l'une des plus anciennes
cathédrales gothiques de France avec la basilique Saint-Denis. |
Vue d'ensemble de la façade occidentale de la cathédrale
de Sens.
La tour nord était jadis chapeautée par
un beffroi assez disgracieux, très dégradé.
Au XIXe siècle, on le
remplaça par une toiture provisoire qui ne fut
retirée qu'en 1990. Depuis, les projets sont en
attente. |
Architecture
externe. La façade occidentale
de la cathédrale de Sens ne possède
pas la beauté que l'on voit sur la façade
d'autres de nos cathédrales. En 1880, l'abbé
J.-J. Bourassé, chanoine de l'église
métropolitaine de Tours et président
de la société archéologique
de Touraine, décrit l'extérieur
de l'édifice dans son ouvrage sur les plus
belles cathédrales de France : «La
cathédrale de Sens n'offre point à
l'extérieur la magnificence d'un grand
nombre de cathédrales françaises.
Elle présente toute la rudesse du style,
toute la pénurie d'ornements et la timidité
de construction du siècle où la
masse principale fut élevée. Quoique
cette excessive sévérité
ne déplaise pas à l'archéologue,
heureux d'étudier sur des édifices
de grande dimension toutes les transformations
de l'architecture catholique, l'il cependant
ne repose qu'avec fatigue sur de larges surfaces
nues, sur des contreforts massifs, sur des murailles
lourdes. Les fenêtres sont étroites
et peu divisées ; les arcs-boutants, rares
et sans hardiesse. L'aspect général
du monument ne présente à l'imagination
que l'idée de la solidité, à
laquelle on ne savait point encore unir l'élégance
et la légèreté.» Source
: Les plus belles cathédrales
de France par l'abbé J.-J. Bourassé,
Alfred Mame et Fils éditeurs, 1880.
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Réseau d'arcs-boutants sur le côté
sud.
Les deux niveaux du bas correspondent à la restauration d'Adolphe Lance
à partir de 1858.
Initialement, les côtés n'avaient que deux
niveaux car les chapelles latérales étaient
plus élevées. |
Le Christ entre deux anges adorateurs sur la façade
occidentale.
Ces sculptures ont été posées sur
la façade en 1846 à la place d'un cadran
qui datait de 1731. |
Architecture
externe. La façade occidentale
a subi une restauration générale
à partir de 1837. Des sculptures nouvelles
ornent le haut de la partie principale (photo
ci-dessus). La statuaire a été partiellement
refaite. Cinq statues d'archevêques, dues
au sculpteur Hippolyte Maindron, sont posées
en 1844 (la partie sud de la tour de pierre avait
reçu les siennes quelques années
plus tôt). Enfin, des petits personnages
associés à des animaux viennent
scander les élévations de la tour
nord (voir ci-dessous). Ajoutons que le transept
s'enrichit de trois statues : Abraham
prêt à sacrifier son fils (au
nord), la Vierge à l'Enfant et Moïse
au sud.
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Suite de personnages en culot sur la tour nord, dite «tour de
plomb».
(Restauration du XIXe siècle). |
Ces cinq statues d'archevêques en haut de la tour de pierre
sur la façade occidentale
ont été installées en 1844. Elles sont dues au
ciseau d'Hippolyte Maindron.
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Détail de la Tour de pierre (sud) sur le côté
occidental
(Restauration du XIXe siècle). |
Bas-relief autour du sommet de la tour de plomb.
Restauration du XIXe siècle. |
LE PORTAIL SAINT-ÉTIENNE DE LA FAÇADE
OCCIDENTALE |
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Le portail Saint-Étienne (années 1200) est le
portail central de la cathédrale de Sens.
Le tympan a été réalisé dans les
années 1230-1240.
Les deux médaillons au-dessus de l'archivolte symbolisent
la Cité céleste, autrement dit Jérusalem. |
Dans cet extrait des voussures droites, on voit que le travail
sur les drapés est
absolument remarquable. Le sculpteur retenu par le chapitre
était de première force.
La voussure extérieure accueille seize femmes qui portent
chacune
un motif végétal, lui-même symbole d'une
vertu chrétienne. |
Les
soubassements nord et sud. On donne ci-dessous
des représentations partielles des soubassements,
du moins dans leur partie la plus intéressante
: les deuxième et troisième niveaux. Au
nord, le troisième niveau est consacré
aux Arts libéraux. Au sud, il représente
un calendrier avec sa succession des mois et leurs symboles
(la chasse pour mai, le battage du blé pour août,
la préparation du vin pour octobre, etc.).
Si le deuxième niveau nord et sud représente
de but en blanc des animaux et des combats, sa force
allégorique est plus profonde qu'il n'y paraît.
Claire Pernuit (Sens, Première cathédrale
gothique, aux éditions APropos) rappelle
qu'Émile Mâle y voyait l'illustration
d'un cycle cosmographique qui puiserait ses sources
dans les livres géographiques et les bestiaires
de l'Antiquité. On observe ainsi des figures
de pays lointains (Inde, Afrique), des océans
(dauphin et sirène). Citons ici le court paragraphe
qu'Émile Mâle consacre à la description
du --»»»
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Le
portail Saint-Étienne est le portail
central de la façade occidentale.
Rappelons que tous les portails de la cathédrale
ont été soigneusement martelés
en 1793. Il ne reste plus aucune tête dans les
sculptures. Si saint Étienne, sur le trumeau,
est encore entier, on le doit au fait qu'un «patriote»
lui flanqua un bonnet phrygien sur la tête, le
protégeant ainsi de toute souillure.
La structure générale du portail est novatrice
par rapport aux époques antérieures. Le
chanoine Eugène Chartraire écrit même
que ce portail et celui de la tour nord, «sont
d'un intérêt capital pour l'histoire de
la sculpture gothique dont ils offrent, croit-on, le
plus ancien spécimen.»
Constat surprenant : le tympan (donné ci-contre)
épouse le fenestrage d'un vitrail. Il illustre
des scènes de la vie d'Étienne, premier
diacre de l'Église. Un mystère entoure
ce tympan : est-il vraiment des années 1200?
À cette époque, on représentait
plutôt le Jugement dernier dans les portails centraux.
La présence des vierges sages et des vierges
folles dans les piédroits, de part et d'autre
de la porte, ainsi que celle de la Cité céleste
dans les deux médaillons des écoinçoins
au-dessus de l'archivolte portent à le croire.
D'un autre côté, ce tympan ne serait-il
pas celui qui aurait succédé au premier,
détruit lors de l'écroulement de la tour
sud en 1268, et conçu après 1270? Mais,
dans cette hypothèse, le style des vêtements
(plis larges et volume accentué) correspond à
celui des années 1230-1240. Les incohérences
font que le mystère demeure.
Les voussures abritent une statuaire assez classique
: anges, saints, guerriers, femmes brandissant les symboles
des vertus chrétiennes dans des disques. On ne
peut que regretter le vandalisme des révolutionnaires
qui a fait disparaître toutes les têtes
car les sculptures de ces voussures sont d'une très
grande qualité. Assurément, le chapitre
de l'époque ne s'est pas adressé à
des artistes de second plan (voir photo ci-dessous).
La statue de saint Étienne (datée
aux alentours de 1200) est la seule qui ait échappé
au fanatisme des vandales de 93. Le diacre (ci-dessous)
présente le livre de l'Évangile, ouvrage
dont les contours sont finement sculptés. Dans
le livre consacré à la cathédrale
de Sens aux éditions À Propos,
Claire Pernuit donne cette belle description : «L'attitude
du saint semble figée, mais l'étoffe fine
de ses vêtements aux plis multiples paraît
comme animée d'un souffle de vent léger
et confère à l'ensemble une certaine dynamique.»
De son côté, le chanoine Chartraire en
souligne les caractéristiques romanes : la finesse
des plis, l'agencement de la chevelure en boucles symétriques
et la disposition des pieds sur un plan incliné.
Le trumeau garde une très belle décoration
au nord et au sud : rinceaux de vigne, motifs floraux
sortant de la gueule d'un monstre.
Le soubassement est aussi très riche en
représentations allégoriques. Voir l'encadré
plus bas.
Sources : 1) Sens,
première cathédrale gothique,
éditions APROPOS ; 2) La cathédrale
de Sens, collection des Petites monographies
des grands édifices de la France, Henri Laurens,
Éditeur, 1928.
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Le diacre Étienne (vers 1200)
Trumeau du portail central.
Habillé de la dalmatique, il présente
le livre de l'Évangile. |
Motif de rinceaux et d'animaux
sur la face sud du trumeau du portail central. |
Rinceaux et fleurs sortant de la gueule d'un monstre
sur la face nord du trumeau du portail central. |
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Un prophète tient un phylactère
dans une voussure. |
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--»»»
deuxième niveau de ce soubassement (L'art religieux
du XIIIe siècle en France, livre 1er : le miroir
de la nature). L'historien vient de parler de la cathédrale
de Paris et des symboles de la Terre et de la Mer dans deux
bas-reliefs de cet édifice, et il poursuit, dans son
style toujours enlevé : «À Sens,
le sculpteur exprime autrement l'immensité des terres
et des mers. Il inscrit dans les médaillons de la façade
l'éléphant de l'Inde, chargé de sa tour,
le griffon, antique gardien des trésors de l'Asie,
l'autruche et le chameau montés par des cavaliers d'Afrique.
Une sirène symbolise le mystère de l'Océan.
Un homme nu, couché sur le dos, le légendaire
sciapode, lève son pied unique, comme une sorte de
parasol, pour s'abriter contre les rayons du soleil : à
lui seul il exprime tout l'inconnu de cet Orient où
nul voyageur n'avait pénétré depuis Alexandre.
On reconnaît là les différents chapitres
d'une géographie universelle, telle qu'on la concevait
alors. Honorius d'Autun dans son Imago mundi, Gervais
de Tilbury dans ses Otia imperiala, Vincent de Beauvais
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dans son Speculum naturale,
pour ne citer que des noms connus, ne manquent pas, à
mesure qu'ils décrivent les pays de l'Orient, d'en
signaler les monstres. Ils recueillent toutes les fables éparses
dans Pline, dans Solin, dans le De Monstris, dans la
Lettre apocryphe d'Alexandre à Aristote. On ne peut
douter que le portail de Sens
ne soit une espèce de géographie du monde, illustrée
à la manière d'un vieux portulan.»
Pour ce qui est de leur aspect actuel, précisons que
ces sculptures sont très dégradées. Au
vandalisme révolutionnaire s'est ajoutée l'usure
du temps. Claire Pernuit (Sens, première cathédrale
gothique), précise que la remontée de l'humidité
depuis le sol de la place entraîne la desquamation de
la surface et la chute des parties sculptées.
Sources : 1) Sens,
première cathédrale gothique, éditions
APROPOS ; 2) L'Art religieux du XIIIe siècle
en France d'Émile Mâle, éditions Armand
Colin.
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Soubassement NORD du portail Saint-Étienne, deuxième
et troisième niveaux.
Le deuxième niveau (en bas) est une suite de bas-reliefs montrant
des animaux issus du monde entier (selon l'imaginaire de l'époque)
et de combats.
Le troisième niveau est consacré aux Arts libéraux.
On y voit des femmes assises tenant les attributs des arts : Grammaire,
Dialectique, Rhétorique, Arithmétique, Géométrie,
Astronomie, et Philosophie.
Sur le piédroit, à droite du soubassement : des vierges
sages. |
Soubassement SUD du portail Saint-Étienne, deuxième
et troisième niveaux.
Les douze bas-reliefs du deuxième niveau (en bas) font suite
à ceux du soubassement nord.
Le troisième niveau représente le calendrier et ses
douze mois, chacun associé à son symbole agricole. On
voit ainsi, à droite, la préparation du vin en octobre. |
LE PORTAIL SAINT-JEAN-BAPTISTE (PORTAIL NORD DE LA FAÇADE OCCIDENTALE) |
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Portail Saint-Jean-Baptiste (vers 1190-1200).
C'est le plus ancien des trois portails de la façade occidentale.
Les figures à la base des statues-colonnes, ainsi que les bas-reliefs
des soubassements sont des copies.
Les pièces originales font partie des collections lapidaires
du musée du Palais
synodal. |
Le
portail Saint-Jean-Baptiste (tour nord de
la façade occidentale) remonte à la décennie
1190-1200. C'est le plus ancien des trois portails de
la façade. Il est le seul à conserver
presque entièrement sa sculpture originelle.
Les figures au bas des statues-colonnes, remplacées
(photo ci-contre) par de simples colonnettes, et les
bas-reliefs des soubassements sont des copies. Les originaux
sont conservés aux musées de Sens.
Les médaillons octogones des bas-reliefs (photo
ci-contre) illustrent l'opposition classique entre l'Avarice
(au nord) et la Largesse (au sud). L'Avarice
est assise sur un coffre dont elle défend l'accès.
La Largesse étend les bras sur deux coffres ouverts
qui débordent de richesses. Il saute aux yeux
que le style de la sculpture de ces médaillons
n'a rien à voir avec le reste des figures du
portail. D'après l'ouvrage Sens, Première
cathédrale gothique, il semblerait que cette
différence soit tout simplement due à
la griffe de deux artistes différents qui auraient
travaillé en même temps sur les portails
de la façade.
La vie de saint Jean-Baptiste s'étale dans le
tympan et les voussures. La plupart des sculptures des
voussures se termine par un élégant dais.
Le tympan illustre trois scènes de la vie du
Précurseur : le baptême du Christ ; le
festin d'Hérode, avec Salomé apportant
la tête du saint sur un plateau ; la décollation
de Jean-Baptiste. Notons que la tête du Christ
dans la scène du baptême et la tête
de Jean-Baptiste sur le plateau tenu par Salomé
(voir ci-dessous), toutes deux mutilées à
la Révolution, ont été restaurées
sous forme de moulage. Les deux voussures internes abritent
des scènes de la vie de Zacharie et de son épouse
Élisabeth jusqu'à la naissance de Jean-Baptiste.
La voussure externe représente l'histoire des
reliques du Précurseur. Cette histoire des reliques
de Jean-Baptiste n'est d'ailleurs pas bien maîtrisée
par les historiens d'art.
Les sculptures dans le tympan et les voussures sont
du même niveau artistique que celles des voussures
du portail
Saint-Étienne, c'est-à-dire remarquables.
C'est pourquoi on a fait figurer plus
bas la totalité du couronnement de cet important
portail.
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Le festin d'Hérode : Salomé, à droite,
apporte la tête de Jean-Baptiste.
Partie inférieure du tympan, portail Saint-Jean-Baptiste
(vers 1190-1200). |
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Le couronnement du portail de Saint-Jean-Baptiste est une magnifique
uvre d'art datée des années 1190-1200.
La mutilation des têtes par les révolutionnaires de 1793
parvient à peine à en diminuer la beauté artistique.
Voussure externe : histoire des reliques de saint Jean-Baptiste.
Voussures internes : histoire de la vie de Jean-Baptiste illustrée
par des scènes de la vie de ses parents, Zacharie et Élisabeth.
Tympan : trois scènes de la vie de Jean-Baptiste dominées
par le Christ entre deux anges. |
Trois scènes dans les voussures du portail
Saint-Jean-Baptiste |
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La Visitation
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La Naissance de Jean-Baptiste |
Zacharie écrit : «Son nom sera Jean». |
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LE PORTAIL DE LA VIERGE (PORTAIL SUD DE LA FAÇADE
OCCIDENTALE) |
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Le portail de la Vierge date des années 1270-1300.
C'est le portail sud de la façade occidentale.
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Tympan et archivolte du portail de la Vierge. |
Le
portail de la Vierge date de la reconstruction
qui a suivi l'écroulement
de la tour de pierre en 1268. Il remonte donc aux
dernières décennies du XIIIe siècle.
Les soubassements, en bas-relief peu saillant, représentent
des prophètes. Ces statues ont, comme les autres,
été décapitées à
la Révolution. Les voussures sont peuplées
d'anges. Le tympan (photo ci-dessus) illustre la Mort
de la Vierge : Dormition, Sépulture, Assomption
; et, dans la partie supérieure, le couronnement
par le Christ. La scène est entourée de
deux anges.
On voit en haut et à droite du portail (photo
ci-contre) le commencement d'une niche (une colonnette
est visible). Elle ne contient qu'un bout de pierre
complètement martelée. Claire Pernuit
(Sens, Première cathédrale gothique,
aux Éditions APropos) écrit que,
selon la tradition locale, ce bout de pierre serait
le reste d'une représentation équestre
de Philippe VI de Valois, mis à l'honneur «pour
avoir défendu les privilèges du clergé
contestés par le parlement de 1335».
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LE CROISILLON SUD DU TRANSEPT (uvre
de MARTIN CHAMBIGES) |
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Le transept sud, en gothique flamboyant, a été
créé par Martin Chambiges à la toute fin
du XVe siècle.
Le portail, dit de Moïse, a été très
dégradé à la Révolution. |
La rose sud de Martin Chambiges, fin du XVe siècle. |
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Le chevet de la cathédrale de Sens (XIIe siècle). |
Le
transept. La cathédrale Saint-Étienne
a été construite au début du XIIe
siècle sans transept. La chapelle
Notre-Dame fut élevée, au sud, à
un emplacement qui pourrait faire penser à l'existence
d'un transept. En fait, au tout début du XIVe
siècle, on entreprit bel et bien de construire,
toujours au sud, un vrai transept. Mais le chanoine
Eugène Chartraire nous révèle que
«ce travail, interrompu à quelques mètres
du sol, devait rester dans cet état jusqu'à
la fin du XVe siècle.» Pendant cette période,
en effet, ce fut le rehaussement du troisième
niveau de l'élévation de la nef et l'agrandissement
de ses fenêtres (pour gagner en luminosité)
qui furent privilégiés. Vers 1440, le
chapitre mit tout en uvre pour remplir ses coffres
(voir encadré)
et envisager enfin de terminer ce fameux croisillon
sud «qui déshonorait la nef de son "appenti
de bois qui obscurcissait l'église"»
[Chartraire]. On fit appel à Martin Chambiges,
architecte parisien renommé. Le croisillon sud
fut ainsi élevé dans la dernière
décennie du XVe siècle. En 1500, on creusa
les fondations du croisillon nord. Sa construction prit
plus temps par manque de ressources et parce que maître
Chambiges partageait son temps entre les chantiers de
Sens
et de Beauvais.
En 1512, la construction était achevée.
L'entrée par le transept sud était réservée
à l'archevêque ; celle du nord, aux chanoines
du chapitre.
Pour les vitraux,
au sud, le chapitre s'adressa à trois verriers
troyens : Liévin Varin, Jean Verrat et Baltazar
Godon. Au nord, les verrières sont dues à
Jean Hympe, père et fils. La rose nord est l'uvre,
vers 1517-1519, de Jean Hympe fils et de Tassin Gassot
[Corpus Vitrearum].
Ces deux magnifiques croisillons nord et sud de Martin
Chambiges sont en gothique flamboyant. Ils furent gravement
mutilés par les révolutionnaires de 1793,
en particulier les portails. Claire Pernuit (Sens,
Première cathédrale gothique, éditions
APropos) résume les caractéristiques
du style flamboyant sur les croisillons : «un
jeu de courbes et de contre-courbes, des pinacles dentelés,
des arcs festonnées et des feuilles repliées
sur elle-mêmes (nommés plus communément
"chou frisé"».
Le portail sud, donné ci-contre, est appelé
portail de Moïse. Le gable de la porte est
surmonté de la statue de Moïse portant
les tables de la Loi. Elle a été refaite
au XIXe siècle. Le portail nord est appelé
portail d'Abraham. Comme la précédente,
la statue d'Abraham s'apprêtant à sacrifier
son fils, qui domine le transept nord, a été
refaite au XIXe siècle. Le portail
nord est riche de sept voussures, dont deux abritent
des petits personnages décapités à
la Révolution. On y voit, dans l'une, les douze
tribus d'Israël et, dans l'autre, des prophètes
et des sibylles. Là encore, la qualité
de la sculpture est remarquable.
On n'oubliera pas d'admirer le dessin des roses nord
et sud, reproduits ci-dessous. Ces roses, dues au crayon
de Martin Chambiges, sont très similaires. À
titre de comparaison, on pourra se reporter aux roses
de la cathédrale
de Rouen, dans ses croisillons nord et sud.
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Moïse tenant les tables de la Loi.
Statue refaite au XIXe siècle.
Portail du croisillon sud du transept. |
Abraham s'apprêtant à sacrifier son fils.
Statue refaite au XIXe siècle.
Sommet du croisillon nord du transept. |
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Le croisillon nord du transept. |
Les douze tribus d'Israël.
Personnage dans les voussures
du portail nord (mutilé à la Révolution),
début du XVIe siècle.
Pour une statuette d'environ 25 cm de
hauteur, la sophistication de la sculpture,
notamment sur les bordures de la
tunique, est remarquable. |
Les voussures du portail nord
et leur magnifique collection de figurines ---»»»
(Douze tributs d'Israël, prophètes et sibylles,
uvres de Pierre Gramain.)
Début du XVIe siècle.
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Il est toujours impressionnant d'observer de près la
structure d'une rose.
La finesse des éléments de contour est surprenante
Ici, la rose nord dessinée par Martin Chambiges (début
du XVIe siècle). |
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«««--- La rose
nord de Martin Chambiges, début du XVIe siècle
|
Les douze tribus d'Israël ---»»»
Personnage dans les voussures du portail nord (mutilé
à la Révolution).
Début du XVIe siècle, uvre de Pierre
Gramain.
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LA NEF DE LA CATHÉDRALE SAINT-ÉTIENNE
DE SENS |
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La nef et l'élévation sud de la cathédrale Saint-Étienne
de Sens.
L'alternance piles fortes-piles faibles correspondant à la
voûte sexpartite est bien visible.
Au début du XIIe siècle, le «maître de Sens»
a choisi, pour les piles faibles, un système de double colonnes
particulièrement élégant. |
Plan de la cathédrale Saint-Étienne de Sens. |
La chaire à prêcher.
D'après son style, elle doit être du XIXe siècle. |
La pile faible reconstruite après l'écroulement
de la tour sud en 1268 a
reçu un profilé différent de celui des
autres (qui est en double-colonnes). |
L'écroulement
de la tour sud le 5 avril 1268 a donné
lieu à des travaux de restauration dès
la fin du XIIIe siècle. Sur le côté
sud, les trois premières travées et les
piles furent reconstruites depuis le sol. Le point le
plus intéressant, pour le visiteur de la cathédrale,
en est l'étonnante structure de la pile faible
reconstruite entre les deuxième et troisième
travées occidentales (photo ci-dessus). On
voit que sa structure cruciforme est à base de
colonnettes et qu'elle se rapproche, dans son élévation
jusqu'à la retombée des voûtes,
de celle des piles fortes. Au nord, la pile faible qui
lui fait face possède deux colonnes jumelles,
comme toutes les piles faibles de la cathédrale.
On remarque aussi, sur la photo, que l'arc brisé
des deuxième et troisième travées
est nettement plus aigu que dans les travées
du XIIe siècle. Le style des fausses tribunes
du triforium, quant à lui, a été
conservé. Certainement pour ne pas altérer
la belle unité architecturale de l'édifice.
La seule liberté que s'est donnée le restaurateur
a été d'orner d'un quadrilobe l'arcature
des doubles baies du triforium dans les travées
rebâties.
Source : Bulletin monumental,
La cathédrale de Sens, 1982.
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Abraham dans le trilobe de la baie 114, XIIIe s. (fenêtre
haute du chur). |
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Architecture
interne. En observant l'élévation
à trois niveaux de la cathédrale de Sens,
on est frappé, d'un côté, par l'aspect
très ordonné de l'architecture et, d'un
autre côté, par une réminiscence
certaine de l'art roman dans la suite des doubles baies
du triforium. Rappelons que la cathédrale de
Sens et la basilique
Saint-Denis sont les deux plus anciennes cathédrales
gothiques de France (sans que l'on sache exactement
laquelle a la primeur sur l'autre). Que certains aspects
romans s'en dégagent n'a rien de surprenant.
«Le souci de fusion de l'ensemble de la cathédrale
en un volume unique est évident», écrit
Jacque Henriet dans le Bulletin monumental consacré
à Saint-Étienne de Sens en 1982. Il ajoute
que les idées directrices du maître
de Sens furent la continuité, l'ampleur
et l'articulation de l'espace en vastes unités
par les piles fortes. Ceci est d'autant plus vrai que,
lors de la construction du début du XIIe siècle,
il n'y avait pas de transept, mais une alternance ininterrompue
de piles fortes et de piles faibles, de l'avant-nef
jusqu'à l'extrémité du sanctuaire
(disposition adaptée à la voûte
sexpartite). Une pile faible (à double colonne)
trônait, au nord et au sud, entre les deux piles
fortes qui délimitent aujourd'hui le transept.
Pour ce qui est de l'ampleur de l'édifice,
dont parle Jacques Henriet, notons que la largeur du
vaisseau central est de quinze mètres, une distance
élevée qui a sans doute créé
des problèmes pour le voûtement.
Jacque Henriet poursuit : «(...) à l'exception
de la travée entre les tours occidentales, le
haut vaisseau présente une unité structurelle
et formelle parfaite, qu'il s'agisse des sept travées
de la nef (neuf avant la construction du transept au
XVe siècle) ou des quatre travées droites
du chur. Piles fortes aux quatorze colonnettes
disposées autour d'un noyau asymétrique
et piles faibles composées de deux colonnes jumelles
alternent, et tandis que les premières s'élèvent
d'un seul jet jusqu'aux retombées des voûtes,
les secondes sont surmontées d'une fine colonnette
en délit qui reçoit le doubleau intermédiaire
des voûtes sexpartites.»
Le 23 juin 1184, un terrible incendie dévasta
Sens. Si l'on en croit Jacques Henriet, rien ne prouve
que la cathédrale fut touchée. Le chanoine
Eugène Chartraire, dans sa Petite monographie
de la cathédrale de Sens (1928), retient
pourtant cet événement pour dater le démarrage
des importants travaux de rehaussement des baies du
troisième niveau de la nef. Claire Pernuit (Sens,
Première cathédrale gothique) privilégie
plus sagement, pour le même démarrage,
l'année 1221 et l'arrivée à l'épiscopat
sénonais d'un archevêque bâtisseur,
Gauthier Cornut. Ce serait donc dans les années
1230-1240 qu'aurait été exhaussé
le troisième niveau, jusque-là percé
de petites baies jumelles (dans un style proche du roman).
De ces baies, il ne resterait que des traces dans l'hémicycle
du chur. Évidemment, de grandes baies gothiques
apportaient plus de lumière.
C'est aussi de cette période que dateraient la
construction du palais synodal, la mise en place d'un
jubé et la réfection de la chapelle
axiale.
La cathédrale du maître de Sens doit être
regardée à la fois comme un édifice
novateur et de transition. De transition parce que c'est
un maillon essentiel dans la longue marche du roman
vers le gothique. Novateur parce que c'en est le point
de départ. À Sens, en effet, on note déjà
l'utilisation conjointe de l'arc brisé, de la
voûte sur croisée d'ogives et de l'arc-boutant.
À cela s'ajoute l'abandon des chapiteaux romans
historiés, remplacés par toute une variété
de chapiteaux à feuillages. Voir photos ci-dessous.
Sources : 1) La cathédrale
de Sens par Eugène Chartraire, collection
Petites monographies des grands édifices de la
France, 1928 ; 2) Sens, première cathédrale
gothique, éditions APROPOS ; 3) Bulletin
monumental, 1982.
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Pile faible dans la nef, côté sud.
Derrière, une pile forte avec ses colonnettes. |
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Deux chapiteaux
à feuillages sur les piles faibles de la
nef.
Les chapiteaux historiés de l'âge roman
sont passés de mode. |
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Une
innovation technique : les piles faibles à
double colonnes. Une voûte sexpartite
répartit l'essentiel de son poids sur les
piles fortes. Les piles faibles peuvent donc être
de simples piles cylindriques de diamètre
plus ou moins grand, ou bien une pile à
colonnettes dont le nombre est réduit par
rapport à celui d'une pile forte. À
Sens, comme le souligne le Bulletin monumental
de 1982, pour la première fois dans la
longue histoire de l'alternance pile forte-pile faible,
le Maître a choisi deux colonnes disposées
sur un socle de plan rectangulaire et surmontées
d'un tailloir unique. Le Bulletin ajoute :
«Ainsi se trouvait résolu le problème
technique d'une assise suffisamment large sans
qu'il soit besoin de recourir aux lourdes piles
cylindriques fréquentes dans l'architecture
anglaise. Ce parti plus élégant
était, certes, d'une réalisation
plus complexe ; en effet, le souci de disposer
les deux colonnes très près l'une
de l'autre exigeait notamment que les corbeilles
des chapiteaux comportent une certaine asymétrie
et que le sculpteur adapte à celle-ci sa
composition.»
Source : Bulletin
monumental, La cathédrale de Sens, 1982.
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«Saint Paul »
Tableau dans la chapelle du Sacré-Cur.
Auteur inconnu. |
«««---
À GAUCHE
La voûte sexpartite du vaisseau central.
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La cuve de la chaire à prêcher, XIXe siècle.
Les évangélistes portent leur symbole sur un bras
et entourent l'Agneau. |
L'ange musicien sur l'abat-son
de la chaire à prêcher. |
«La résurrection du fils de la veuve de Naïm»
Huile sur toile par Joseph Chabord (1786-1848). |
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Élévations nord dans la nef avec les trois monuments sculptés
décrits plus bas.
La verrière de la nef n'est pas constituée de vitraux
historiés ou portant des personnages, mais de vitraux
à figures géométriques, parfois enrichis de petits
blasons. Ils datent du XXe siècle, y compris les trilobes qui
les surmontent.
Dans la partie gauche de la photo, on voit le tombeau de Jean de Salazar
et de Marguerite de la Trémoille, son épouse, composé
du baldaquin et de l'autel. |
Archétype des vitraux modernes
au troisième niveau de la nef.
Ici le trilobe du tympan
reçoit Saint-Savinien,
XXe siècle. |
Les
vitraux de la cathédrale de Sens.
À côté de l'architecture en gothique
primitif et de quelques uvres d'art des XVIe et
XVIIIe siècle, la cathédrale Saint-Étienne
offre une magnifique collection de verrières
des XIIIe et XVIe siècles. Auxquelles on ajoutera
une ou deux verrières des XIVe et XVe siècles.
À noter que la chapelle Sainte-Colombe,
dans le déambulatoire, renferme un Christ en
croix avec Marie-Madeleine, daté du XVIIIe
siècle, ce qui est rare. On voit ci-dessus
que la nef n'est éclairée que par des
vitraux décoratifs, chacun dominé par
un trilobe abritant un personnage : XIXe au niveau des
chapelles ; XXe sous la voûte. La seule exception
étant l'admirable vitrail de Saint-Eutrope,
du XVIe siècle (nef sud).
Les vitraux du XIIIe, tous rassemblés dans le
déambulatoire et dans l'élévation
du chur, comptent parmi les plus beaux que l'on
puisse voir en France avec ceux de Chartres
et de Bourges.
On citera notamment la Parabole
du Bon Samaritain, le Fils
prodigue et saint
Thomas Becket. On peut ajouter d'intéressants
trilobes dans les fenêtres hautes. Les vitraux
du XVIe siècle se trouvent essentiellement dans
le transept. On trouve parmi eux un Arbre
de Jesse sur fond rouge, assez original, incluant
une Annonciation et une licorne. Ceux qui apprécient
la diversité des styles dans les vitraux du XVIe
pourront opposer le vitrail de Saint-Eutrope
aux deux vitraux relatifs à l'Invention
et à la Translation des reliques de Saint-Étienne.
Une très belle Sibylle
de Tibur, du XVIe siècle, orne la chapelle
du Sacré-Cur dans le déambulatoire.
Les roses qui éclairent les croisillons, dessinées
par Martin Chambiges, abritent aussi des vitraux
renommés du XVIe siècle : au nord, le
Concert
céleste, qui domine les Apparitions de l'archange
Gabriel ; au sud; le Jugement
dernier, qui domine la vie de saint Étienne.
Pour tous les amateurs de vitraux, la cathédrale
Saint-Étienne de Sens est un site incontournable.
Les trois pages consacrées à la cathédrale
présentent la plupart de ses vitraux historiés.
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LES UVRES D'ART DANS LA NEF NORD |
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Le mausolée des frères Davy du Perron.
L'uvre a été mise en place dans la cathédrale
en 1637. |
Jean Davy du Perron, archevêque de Sens, mort en 1621,
vraisemblablement de la peste, à Montauban. |
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Saint Alpaïs dans le trilobe de la baie 132 (XXe siècle)
Haute fenêtre de la nef. |
Christ en croix dans la nef.
Ce Christ en croix est une sculpture en bois, datée du
XVe siècle. Sa présence dans la cathédrale
est inexpliquée car
son style évoque l'est de la France ainsi que l'Allemagne. |
Le
mausolée des frères Davy du Perron
aurait été conçu sur l'ordre de
Richelieu, déçu de voir qu'il n'y avait
aucun monument à leur gloire dans la cathédrale
de Sens. L'auteur en pourrait être Michel Bourdin,
sculpteur à Orléans. Source : Sens,
première cathédrale gothique, éditions
APropos.
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Qui est
le «maître de Sens»? On appelle
ainsi le maître maçon en charge de la construction
de la cathédrale au début du XIIe siècle.
À l'heure actuelle, le nom de ce talentueux bâtisseur
reste inconnu. Cependant, en 1907, à l'occasion du
Congrès archéologique tenu à Avallon,
l'historien Charles Porée en attribue la paternité
à Guillaume de Sens. Charles Porée fait
démarrer la construction de l'édifice aux environs
de 1125, sous l'épiscopat d'Henri le Sanglier.
Il ajoute ensuite dans son mémoire : «Un chroniqueur
anglais de la seconde moitié du XIIe siècle,
Gervais de Cantorbéry, nous rapporte que, le chur
de la cathédrale de cette ville ayant été
incendié en 1174, le Chapitre fit venir pour le reconstruire
un architecte du nom de Guillaume de Sens. On a conclu avec
vraisemblance que ce Guillaume, dont la réputation
avait passé la mer, était le maître de
l'uvre de la cathédrale de Sens. L'étranger
auquel fit appel le Chapitre de Cantorbéry devait en
effet avoir fait ses preuves et, pour ainsi dire, s'imposer.
Cette hypothèse séduit d'autant plus que le
célèbre Thomas Becket, pendant les années
de son exil en France (1164-1170), séjourna longtemps
à Sens et y put apprécier le talent de l'architecte
de la cathédrale, dont la construction touchait à
sa fin. N'est-il pas plausible de supposer que les chanoines
de Cantorbéry, obligés de recourir à
un homme de l'art, s'adressèrent précisément
à celui dont leur ancien archevêque leur avait
vanté la maîtrise?» Charles Porée
continue avec une comparaison des churs des deux édifices,
Sens et Cantorbéry, très proches l'un de l'autre,
afin de convaincre le lecteur par un argument relatif à
l'architecture.
Mais on se pose immédiatement la question de l'âge
de l'architecte. Si l'on est «homme de l'art»
en 1125, choisi par l'archevêque, donc avec une certaine
expérience, peut-on encore l'être en 1175? Évidemment
non, et il est curieux que Charles Porée n'ait pas
pensé à cet argument. En 1928, dans sa petite
monographie de la cathédrale de Sens, le très
érudit chanoine Eugène Chartraire fit un sort
à cette erreur bien primaire. On lit en effet sous
sa plume : «On sait qu'un architecte sénonais
fut choisi, en 1175, parmi de nombreux concurrents, pour relever
la cathédrale de Cantorbéry ruinée par
un incendie. Guillaume de Sens accomplit ce prodige de construire,
en cinq ans, à Cantorbéry une seconde cathédrale
de Sens, tout en conservant les parties de l'édifice
ancien que le feu avait respectées. On a cru pouvoir
attribuer également à Guillaume la cathédrale
de Sens ; mais cette hypothèse, qu'aucun texte ne justifie,
est invraisemblable. Certainement Guillaume travailla à
l'achèvement de Saint-Étienne de Sens. Mais,
à moins de lui prêter une longévité
extraordinaire, il ne saurait être l'architecte, déjà
assez expérimenté et assez hardi pour oser s'écarter
des méthodes traditionnelles, qui en 1130 jetait les
fondements de la cathédrale de Sens. S'il vivait encore
en 1179, cet homme devait être d'un âge bien avancé.
Or, à cette époque, Guillaume de Sens était
encore dans la force de l'âge : il dirigeait lui-même
le chantier de Cantorbéry puisqu'il tomba d'un échafaudage
et dut revenir en France où il mourut en 1180.»
Conclusion : on ne connaît pas le nom de l'esprit visionnaire
qui a conçu les plans de la cathédrale Saint-Étienne
de Sens au début du XIIe siècle.
Sources : 1) Congrès
archéologique tenu à Avallon en 1907 (74
session), article sur la cathédrale de Sens par Charles
Porée ; 2) La cathédrale de Sens par
Eugène Chartraire, collection Petites monographies
des grands édifices de la France, 1928.
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Baldaquin du monument des Salazar, érigé en 1515
par l'archevêque Tristan de Salazar. |
Retable de l'autel de Jean de Salazar et de
Marguerite de la Trémoille, son épouse.
Début du XVIe siècle. |
«L'Assassinat de l'archevêque de Canterbury par quatre
chevaliers normands»
Huile sur toile de Camille Bouchet (1799-1890). |
Un enfant pleureur
Mausolée des frères Davy du Perron,
début du XVIIe siècle. |
Vierge à l'Enfant par Guillaume Chaleveau
Retable de l'autel des Salazar (XVIe siècle). |
Statue de saint Étienne
par Guillaume Chaleveau
Retable de l'autel des Salazar
(XVIe siècle). |
Vierge à l'Enfant par Guillaume Chaleveau (XVIe siècle),
détail.
Tombeau de Jean de Salazar et de Marguerite de la Tremoille
C'est sans aucun doute l'une des plus belles uvres de
Guillaume Chaleveau.
On remarquera que la Vierge est coiffée d'un chaperon. |
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Le
monument des Salazar. Sur le côté
nord de la nef se dresse un monument assez curieux,
constitué de deux pièces en vis-à-vis
: un baldaquin surmonté d'une statue sans tête
et un magnifique retable d'autel. L'ensemble d'origine
a été érigé par l'archevêque
Tristan de Salazar (1474-1519) pour servir de
sépulture à ses parents (qui n'ont en
fait jamais reposé à cet endroit). Dans
le passé, le chapitre d'une église vendait
l'espace autour des colonnes de la nef pour que les
heureux acheteurs y créent une chapelle privée.
Il vendait d'ailleurs aussi l'espace entre les arcs-boutants
dans le même dessein (voir l'église Notre-Dame
à Dole). Cette chapelle des Salazar, adossée
à une pile forte, est la seule qui subsiste dans
la cathédrale. Les autres ont disparu au XVIIIe
siècle.
C'est en 1493 que Tristan Salazar donna les fonds nécessaires
afin de célébrer deux messes quotidiennes
pour le salut de l'âme de ses parents. On construisit
d'abord l'autel contre le pilier de la nef, puis une
table de marbre sur quatre piliers, avec les statues
de son père et de sa mère. En 1514, le
sculpteur Guillaume Chevaleau réalisa,
pour le retable du pilier, trois grandes figures (saint
Jean-Baptiste, saint Étienne et une Vierge à
l'Enfant), ainsi que huit plus petites. Deux des grandes
figures subsistent : la Vierge et saint Étienne.
Une statue de saint Savinien remplace celle de saint
Jean-Baptiste, volée en 1534. (Plus tard, c'est
la statue de remplacement qui a été aussi
dérobée). Ces statues sont dominées
par trois dais somptueusement sculptés dans la
pierre. L'auteur de ce chef-d'uvre est inconnu.
Terminons en précisant que la statue sans tête
sur le baldaquin représente Jean Salazar, le
père de l'archevêque. La statue de son
épouse a disparu.
Source : Sens, Première
cathédrale gothique, éd. APropos.
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Détail d'une colonne du baldaqin décorée
d'étoiles et de feuilles de nénuphar (blason des
Salazar) |
«Les anges nourrissant la Sainte Famille»
Huile sur toile de Louis Boulanger (1806-1867). |
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Vue partielle du retable de l'autel des Salazar.
La Vierge à l'Enfant (dont le chaperon dans les cheveux est
ici bien visible) et saint Étienne (à droite) sont dus
au sculpteur Guillaume Chaleveau (vers 1514).
La statue de saint Savinien (à gauche), d'un sculpteur inconnu,
est du XVIIe siècle.
Les statues sont surmontées de trois magnifiques dais qui sont
une véritable dentelle de pierre (dont l'auteur reste inconnu).
Dans le MÉDAILLON en haut à droite, on donne un extrait
du culot de la statue de saint Étienne : un «petit génie»
étrangle deux serpents.
Est-ce une allusion à Hercule nourrisson, terrassant les serpents
que la déesse Héra avait glissés dans son berceau?.
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UNE UVRE DANS UNE CHAPELLE DU DÉAMBULATOIRE
: LE RETABLE DE LA PASSION |
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Le retable de la Passion dans la chapelle Saint-Martial.
uvre de 1531 attribuée à Nicolas Gaudinet. |
Le retable
de la Passion. Ce retable, situé dans la
chapelle Saint-Martial du déambulatoire, est l'une
des plus belles uvres d'art de la cathédrale.
Malheureusement la chapelle Saint-Martial est fermée
par une haute grille : il est impossible d'approcher l'uvre
de près (et toutes les photos présentées
ici sont prises de biais !).
Le retable a été exécuté en 1531.
La date est sûre (elle est gravée sur un pilastre
de l'entablement), mais l'artiste est incertain : l'uvre
est seulement «attribuée» à Nicolas
Gaudinet qui dirigeait les tailleurs de pierre lors de
la reconstruction de la tour sud. Ce même Gaudinet est
d'ailleurs l'auteur du campanile qui coiffe la tour. Ce campanile
a été achevé en 1535. L'autel qui accompagne
le retable est de la fin du XIXe siècle.
Le retable est une pièce imposante : 2,50 mètres
de large pour 2 mètres de haut. Il présente
dix scènes de la Passion en bas-relief. Un détail
suscite l'intérêt : conformément
à sa formation «à l'antique» (style
fraîchement arrivé d'Italie), l'artiste a retenu
l'ornement antique traditionnel (architrave-frise-corniche)
pour le haut, le bas et la séparation des deux registres.
Les panneaux sont séparés horizontalement par
d' élégantes sculptures des apôtres sous
des dais, tandis que le Christ sur la croix est entouré
de la Vierge et de Jean.
Enfin, notons que, d'après les sources, les révolutionnaires,
jamais à cours de vandalisme, auraient utilisé
ce chef-d'uvre, retourné, pour en faire un marchepied
! Ce qui aurait détérioré maintes sculptures
fragiles. Le retable a bénéficié d'une
restauration importante au XIXe siècle. Certaines parties
détériorées ont été complétées
avec du plâtre recouvert d'un enduit rouge, celui-ci
recouvert à son tour d'une peinture de couleur pierre.
Source : Sens, Première
cathédrale gothique, éd. APropos,
article de Bernard Brousse.
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Marie-Madeleine au pied de la croix
Retable de la Passion, 1531. |
Le retable de la Passion (1531), attribué à Nicolas
Gaudinet, sculpture en pierre.
Registre supérieur : La Cène, l'Arrestation de Jésus
et la Flagellation. |
LES BAS-CÔTÉS DE LA CATHÉDRALE
SAINT-ÉTIENNE |
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Le bas-côté nord vu du transept et sa suite de
chapelles du XIXe siècle.
Cette suite de chapelles «néo-romanes» est
le résultat du saccage architectural orchestré
par Adolphe Lance à partir de 1858.
Les grandes verrières au-dessus de l'arcature datent
de la même époque. |
Les
bas-côtés et les chapelles latérales
de la cathédrale Saint-Étienne ont une
histoire. Dans la photo ci-dessus, on constate que les
chapelles des bas-côtés (ici, au nord)
ne sont pas conformes à tout ce que l'on voit
ailleurs. En général, les bas-côtés
d'une cathédrale médiévale française
sont bordés de hautes chapelles avec des voûtes
élevées, parfois barrées par des
grilles. Ici, on observe une suite d'ouvertures à
trois petites arcades en plein cintre qui donne une
impression étrange de cellules de reclus dans
un monastère. Cette suite d'ouvertures fait également
penser à un triforium qui serait construit au
niveau du sol (!)
Au Moyen Âge, dans toute église de bonne
taille, quelques décennies après la construction,
on organisait une vente d'espaces : celui autour des
piliers du vaisseau central et, à l'extérieur,
celui compris entre les arcs-boutants. Parfois, ces
espaces étaient vendus sur plan, avant même
la construction de l'édifice (ce qui permettait
de la financer en partie). On aboutissait de la sorte
à des chapelles de pilier dans la nef (voir le
tableau Intérieur d'église de Hendrick II van
Steenwick (vers 1580-1649) au musée
des Beaux-Arts de Cambrai) et des chapelles d'enceinte
sur les bords des bas-côtés. C'est bien
ce qui se produisit au XIVe siècle dans la cathédrale
de Sens. De multiples documents et dessins anciens sont
là pour l'attester. On sait ainsi que les chapelles
des bas-côtés avaient une voûte aussi
élevée que celle des collatéraux
et qu'elles possédaient une grande verrière
à remplage gothique, bref qu'elles étaient
à l'image des chapelles que l'on peut voir au
flanc du déambulatoire et qui datent de la même
époque (voir les chapelles Saint-Martial
et Sainte-Apolline).
L'histoire des chapelles actuelles commence avec Adolphe
Lance en 1858. Cet architecte, désigné
pour poursuivre les restaurations à la suite
du décès précoce de son prédécesseur,
alerta l'Administration sur l'état de dégradation
de ces chapelles (ce qui d'ailleurs avait déjà
été signalé au XVIIIe siècle).
Ensuite, la redoutable et consternante école
de «l'unité de style», initiée
par Viollet-le-Duc (et dont Lance était un adepte),
décida de frapper un grand coup. Constatant la
présence d'arcatures romanes de faible hauteur
dans le déambulatoire, notre architecte eut l'idée
(grotesque) d'implanter la même architecture dans
les bas-côtés. Une série de grandes
verrières dominerait cette arcature sur le mur
gouttereau (ce que l'on voit en effet dans la photo
ci-dessus). Pour ce faire, il détruisit les chapelles
médiévales, d'abord au nord, à
partir de 1858, puis - l'unité de style étant
un dogme - au sud, à partir de 1863. Le Bulletin
monumental signale que ces chapelles sud avaient
été restaurées quelques décennies
plus tôt...
Des protestations énergiques s'élevèrent
de toutes parts, mais Adolphe Lance n'en tint aucun
compte. Ni l'épiscopat, ni la Société
archéologique n'avaient été consultés.
Pour le besoin du culte, Lance éleva des chapelles
latérales entre les arcs-boutants et ajoura l'arcature
néo-romane. Mais ces chapelles, dépendantes
de la hauteur de l'arcature, ont une voûte si
basse qu'elles en deviennent ridicules. Conséquence
sur l'architecture externe : l'élévation
des côtés, qui était depuis l'origine
à deux niveaux, est devenue une élévation
à trois niveaux (voir photo plus
haut). Saint-Étienne de Sens est l'une des
rares cathédrales de France où ce que
l'on voit de l'extérieur ne correspond pas du
tout à ce qu'a construit le Moyen Âge.
Les grandes verrières au-dessus de l'arcature
néo-romane occupent un espace qui était
autrefois la partie haute de l'entrée des chapelles
médiévales, tel qu'on le voit dans les
chapelles Saint-Martial, Sainte-Apolline et Saint-Thomas-Becket
du déambulatoire. De la sorte, le visiteur
actuel de la cathédrale saura qu'il a sous les
yeux, dans les bas-côtés, l'image d'un
saccage opéré au XIXe siècle par
un restaurateur dogmatique, sans aucun accord des autorités
religieuses ni des archéologues officiels.
Ajoutons que la société Gérente
reçut la commande des vitraux du côté
nord et l'atelier d'Édouard Didron, de ceux du
côté sud. Ces verrières (voir ci-contre)
sont des pastiches des XIIe et XIIIe siècles.
Dans l'excellent ouvrage des éditions APropos
sur la cathédrale de Sens, l'historien Bernard
Brousse livre un épisode cocasse d'histoire fiction.
En janvier 1865, un membre de la société
archéologique de Sens, à l'humour aiguisé,
s'imagina un siècle dans le futur : il rédigea
un rapport, daté de janvier 1965, annonçant
une fin de travaux originale : à la satisfaction
de tous, les chapelles de Lance étaient - enfin
- entièrement détruites et remplacées
par les chapelles du XIVe siècle, reconstruites
à l'identique. Bernard Brousse fait remarquer
que ce n'était là qu'anticiper sur les
«dérestaurations» entreprises au
XXe siècle.
Sources : 1) Bulletin monumental,
La cathédrale de Sens, 1982 ; 2)
Sens, première cathédrale gothique.
|
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Chapelle latérale créée par l'architecte Adolphe
Lance dans un bas-côté (entre 1858 et 1863).
En général, ces petites chapelles contiennent
un autel et une statue, mais elles sont toutes fermées
par des grilles. |
UNE CURIOSITÉ DE LA CATHÉDRALE
: LES RETOMBÉES DES NERVURES D'OGIVES |
|
L'architecture
de la voûte des bas-côtés.
La cathédrale de Sens appartient au gothique
primitif, une époque où les maîtres
maçons ne suivaient pas encore des règles
architecturales clairement définies, règles
qui seront regardées plus tard comme la marque
du bon goût. En se promenant dans les bas-côtés
de la nef, le visiteur pourra remarquer un décalage
dans les retombées des voûtes d'ogives,
côté mur extérieur (photo B ci-contre)
: la nervure d'ogive ne retombe pas au niveau des tombées
de l'arc doubleau et du formeret. Cette nervure d'ogive
se termine d'ailleurs par un amusant grotesque (on en
donne une série plus
bas).
La photo A (ci-contre
en haut) présente le type traditionnel de
la retombée d'ogive, celui que tous les visiteurs
d'églises connaissent : un large tailloir reçoit
- au même niveau - toutes les retombées.
Dans les bas-côtés de la nef de Saint-Étienne,
les retombées sont de type «traditionnel»
sur le côté nef, et de type «décalé»
sur les murs extérieurs. La photo ci-dessous,
prise dans la bas-côté sud, donne un aperçu
global de ce «décalage». Pourquoi
cette différence? L'architecte s'est-il trompé
dans ces mesures lors de la construction et a-t-il été
obligé de réparer son erreur par ce repentir?
On aura déjà une idée de la réponse
si l'on note que, à la cathédrale de Sens,
ce décalage dans les retombées a d'abord
été introduit dans le déambulatoire
(construit avant la nef), puis reproduit plus tard dans
les collatéraux.
Le Bulletin monumental de 1982, sous la plume
de Jacques Henriet (et consacré entièrement
à la cathédrale Saint-Étienne),
nous apporte les réponses. Premier constat :
si la nervure d'ogive ne tombe pas sur le tailloir,
c'est qu'il n'y a pas de colonnette correspondante montant
du sol et s'arrêtant au tailloir, alors qu'il
y en a une pour l'arc doubleau et une autre pour le
formeret (voir photo B ci-contre). Jacques Henriet écrit
: «l'absence, dans les piles, de colonnettes montant
de fond et destinées à recevoir les nervures
d'ogives, n'implique nullement que l'utilisation de
celles-ci soit le résultat d'un repentir. En
effet, à l'heure où se mettent en place
les nouvelles techniques et où s'ébauche
une nouvelle conception de l'espace, la logique constructive
qui triomphera plus tard n'a pas encore toute sa rigueur.»
Cette association nervure d'ogive-colonnette
ne deviendra la règle que plus tard, une fois
l'art gothique parvenu à l'âge classique.
Dans le gothique primitif, ce «décalage»
s'observe dans des églises de Provins, de Saint-Germer-de-Fly,
de Montargis ou encore d'Étampes. Ainsi, à
Sens, le nouveau style n'est pas encore devenu un système
qui s'impose à tous - sous la marque du bon goût.
Le Bulletin ajoute que le Maître de
Sens, «s'il se révèle révolutionnaire
dans un certain nombre de domaines, n'en n'a [sic] pas
moins été formé dans ce monde roman
où la voûte d'arêtes d'un emploi
très courant est utilisée avec une extraordinaire
souplesse et comporte rarement des colonnettes de retombées.»
L'architecte du déambulatoire a donc utilisé
son savoir roman en installant des culots pour les retombées
de nervures d'ogives. Trente à quarante ans plus
tard (vers 1160), les maîtres d'uvre qui
prirent sa suite observèrent le même principe
dans les bas-cotés, alors que, nous apprend le
Bulletin monumental, dans les années 1160-1170,
ce procédé tendait à devenir archaïsant.
Pourquoi cette volonté de coller au passé?
Le chanoine Eugène Chartraire, dans sa Petite
monographie de la cathédrale de Sens, apporte
sa réponse personnelle : en se refusant à
mettre en place, côté mur extérieur,
un système de colonnettes apte à recevoir
toutes les retombées (ce qu'il a fait côté
nef), l'architecte souhaitait peut-être ne pas
rétrécir les nefs latérales par
des piles trop compliquées et trop saillantes.
Voyons les choses plus simplement : l'architecte des
bas-côtés de la nef aura voulu rester fidèle
à son prédécesseur et, en même
temps, assurer un minimum d'unité architecturale.
Le Bulletin monumental nous donne une réponse
bien ancrée dans le XIIe siècle : «Il
serait vain d'épiloguer sur les causes de cette
fidélité : simple conservatisme ou respect
de l'admirable équilibre des volumes défini
au début des travaux et de tous les éléments
structurels qui y contribuaient ; mais il faut souligner
son caractère exceptionnel dans cette période
de mutations rapides et d'invention foisonnantes.»
Voir le complément de cette analyse architecturale
à la page
3 dans la présentation du déambulatoire.
Sources : 1) Bulletin monumental,
La cathédrale de Sens, 1982 ; 2)
La cathédrale
de Sens, collection des Petites monographies
des grands édifices de la France par Eugène
Chartraire, Henri Laurens éditeur, 1928.
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Élévations nord vues du chur.
On voit deux des monuments de la Renaissance :
la chapelle
Salazar et le mausolée
des frères Davy du Perron. |
Saint Fiacre et quatre épisodes de la vie de saint Fiacre
dans la chapelle Saint-Fiacre, atelier Gérente, 1862. |
Vitrail de la chapelle latérale Saint-Sulpice
Atelier Alfred Gérente, 1862. |
UNE CURIOSITÉ DE LA CATHÉDRALE
:
LES RETOMBÉES DES NERVURES D'OGIVES |
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Photo A - Large tailloir traditionnel à la retombée
des voûtes,
vu ici dans le collatéral sud de la cathédrale,
côté nef.
Arc doubleau, formeret et nervure d'ogive tombent au même
niveau. |
Photo B - Tailloir et nervure dans le collatéral sud,
du côté du mur extérieur.
La nervure d'ogive ne tombe pas au même niveau
que l'arc doubleau et le formeret. |
Moïse et les Tables de la Loi dans le trilobe de la baie
111.
Haute fenêtre du chur, XIIIe siècle. |
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Le bas-côté sud et les retombées des voûtes.
On voit que les nervures d'ogives ne retombent pas sur les tailloirs
(une caractéristique du gothique primitif). |
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TÊTES DE GROTESQUES
SUR LES RETOMBÉES DES NERVURES D'OGIVES DANS LE BAS-CÔTÉ
SUD (XIIe siècle). |
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Documentation : «Sens, première
cathédrale gothique», éditions À PROPOS
2014
+ « Les vitraux de la cathédrale de Sens», éditions
À PROPOS 2013
+ «La cathédrale de Sens» d'Eugène Chartraire,
Petite monographie des grands édifices de la France, 1928
+ Congrès archéologique tenu à Avallon
en 1907 (74e session), article sur la cathédrale de Sens par
Charles Porée
+ Bulletin monumental, La cathédrale de Sens, 1982
+ Corpus Vitrearum, Les vitraux de Bourgogne, Franche-Comté
et Rhône-Alpes, Éditions du CNRS
+ Les origines du culte des martyrs, Hippolyte Delehaye, Bureaux de
la société des Bollandistes, Bruxelles, 1912. |
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