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Page créée en sept. 2017
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L'Archange Gabriel dans le tympan du vitrail de saint Eutrope

Cette page continue l'exploration de l'architecture de la cathédrale Saint-Étienne de Sens. On y donne un développement sur le transept de Martin Chambiges et l'épineux problème du financement de sa construction dans les années qui ont suivi la guerre de Cent Ans.
Les vitraux Renaissance qui illuminent ce transept sont exposés ici : les deux roses, l'Arbre de Jesse, l'Invention et la Translation des reliques de saint Étienne ; enfin la verrière de Jacob et de Joseph. Les autres vitraux du transept sont donnés en page 3. Dans cette même page 3, les détails sur l'architecture continuent avec le chœur, le déambulatoire et ses trois chapelles rayonnantes.

La Vierge dans les Apparitions de l'Archange Gabriel
LE VITRAIL DE SAINT EUTROPE (Baie 34) - Année 1530
Le sénateur Alexandre supervise la construction de l'église
Baie 34 : VERRIÈRE DE SAINT EUTROPE, 1530.
Elle est attribuée à Jean Cousin père, mais sans aucune preuve.
Le sénateur Alexandre supervise la construction de l'église
Le Baptême de saint Eutrope, détail de la baie 34.
Nous sommes à une époque où les détails anatomiques des personnages
commencent à prendre forme, quoique les muscles des avant-bras
d'Eutrope soient pour le moins impressionnants...

Le Vitrail de saint Eutrope. Par sa griffe désordonnée et très colorée, éloignée de toute stylisation, ce vitrail est peut-être l'un des plus beaux de la cathédrale. Il se trouvait auparavant dans la chapelle Saint-Eutrope, dans le bas-côté sud, chapelle qui a disparu sous les coups de butoir de l'architecte restaurateur Adolphe Lance, au XIXe siècle. Il est toujours dans le bas-côté sud, mais dans une ouverture réalisée spécialement pour lui. La verrière a été restaurée par l'atelier Gérente en 1866.
Offert à Saint-Étienne par le chanoine fabricien Nicolas Richer et son neveu, le vitrail est daté de 1530 (année inscrite par deux fois dans les panneaux). On a coutume d'écrire que Jean Cousin père (1490-1560) est l'auteur des cartons, mais on n'en a aucune preuve.
L'histoire de saint Eutrope, contemporain du Christ, est bien sûr légendaire. Fils du roi de Babylone, il visite Hérode et sa cour. Entendant parler de Jésus, il part à sa rencontre, le trouve au moment de la Multiplication des pains. Plus tard, il reviendra et le verra au moment de son entrée triomphale à Jérusalem. Il sera présenté au Christ par l'apôtre Jude. Ses parents et lui seront convertis à la foi chrétienne. Puis Eutrope se rend à Rome où Pierre le charge d'évangéliser la Gaule. À Saintes, il subit un échec. Il revient avec le titre d'évêque, envoyé par le successeur de Pierre, le pape Clément, et vit en ermite. Il prêche et convertit Estelle, fille d'un roi local. Celui-ci, furieux, fait assassiner Eutrope par les bouchers de la ville. Estelle veille à son ensevelissement. Le lieu en sera sa cabane d'ermite, là où l'on édifiera plus tard une basilique et où se produiront de nombreux miracles.
Notons que, sur le vitrail, des textes en vieux français accompagnent les panneaux.
Le quadrilobe du tympan abrite le Christ, la main posée sur un orbe. Les quatre évangélistes l'entourent. Au-dessous, une Annonciation. Le soubassement reçoit les armoiries du chanoine Guillaume du Plessis, fondateur de la chapelle Saint-Eutrope en 1317. Dans un panneau, le chanoine offre la maquette de la cathédrale à Eutrope. Or la maquette est enrichie d'un transept, qui n'a été achevé qu'au début du XVIe siècle. C'est donc une incohérence car Guillaume du Plessis n'a pas pu la connaître.
Sources : 1) Les vitraux de la cathédrale de Sens, éditions A˜PROPOS ; 2) Corpus Vitrearum (Vitraux de Bourgogne, de Franche-Comté et de Rhône-Alpes.)

Le sénateur Alexandre supervise la construction de l'église
Le pape Clément sacre Eutrope évêque de Saintes, détail de la baie 34.
Le sénateur Alexandre supervise la construction de l'église
Baie 34, Rose du tympan : Les quatre évangélistes entourent le Christ.
Le sénateur Alexandre supervise la construction de l'église
Baie 34, registre inférieur : 1) Le Baptême d'Eutrope ; 2) Le pape Clément sacre Eutrope évêque de Saintes ;
3) Eutrope prêche à Saintes et convertit Estelle, fille d'un roi local ; 4) Le Martyre de saint Eutrope, tué par les bouchers de la ville sur ordre du roi.
Le Martyre de saint Eutrope L'apôtre Jude montre à saint Eutrope, arrivé en  Palestine, le Christ et ses disciples.
L'apôtre Jude montre à saint Eutrope, arrivé en Palestine, le Christ et ses disciples.
L'arrière-plan reçoit une intéressante architecture Renaissance. Baie 34, Vie de saint Eutrope.
«««—— Le Martyre de saint Eutrope
Le père d'Estelle, furieux de voir sa fille convertie à la foi chrétienne, ordonne aux bouchers de tuer Eutrope.
Sur la droite, le chanoine du Plessis, offre au saint évêque la maquette de la cathédrale de Sens. Elle est représentée avec le transept de 1530 que le chanoine, qui vivait au XIVe siècle, n'a pu connaître.
LE TRANSEPT DE LA CATHÉDRALE SAINT-ÉTIENNE ET SES VITRAUX RENAISSANCE
Le croisillon nord du transept et la grille du chœur.
Le croisillon nord du transept et la grille du chœur.
ROSE NORD : CONCERT CÉLESTE ET ARCHANGE GABRIEL
La Vierge dans l'Annonce à Marie.
La Vierge dans l'Annonce à Marie.
Détail des Apparitions de l'Archange Gabriel dans la baie 119.
L'archange Gabriel annonce à Zacharie la future naissance de  Jean-Baptiste.
L'archange Gabriel annonce à Zacharie la future naissance de Jean-Baptiste.
Détail des Apparitions de l'Archange Gabriel dans la baie 119.
Les Justes attendent leur délivrance dans les limbes (vers 1517–1519)
Les Justes attendent leur délivrance dans les limbes (vers 1517-1519)
Les Apparitions de l'Archange Gabriel dans la baie 119.

L'architecture du transept. Comme le montre, le texte de Charles Porée paru lors du Congrès archéologique d'Avallon en 1907 (voir ci-dessous), le chapitre s'efforça pendant cinquante ans de remplir ses caisses avant de charger le talentueux et très renommé architecte Martin Chambiges de la construction du transept de la cathédrale. Pourquoi bâtir un transept? Aucun document d'époque ne donne la réponse. Était-ce pour gagner en luminosité? Était-ce pour honorer le statut de l'édifice, cathédrale d'un archevêché, et imiter les autres grandes cathédrales de France?
En 1491, la construction du transept commença par le croisillon sud (qui donne sur la cour de l'archevêché). Un premier chantier, qui avait le même objectif, y avait déja été ouvert au XIIIe siècle, mais il était resté inachevé. Le portail de Moïse, bâti selon les dessins de maître Chambiges, fut achevé avant 1496. Le sculpteur Pierre Gramain fut sollicité pour la décoration du portail. En juin 1500, tous les remplages des baies étaient en place. En novembre de la même année, on fit appel à trois maîtres verriers troyens, Liévin Varin, Jean Verrat et Blathazar Gondon pour les vitraux qui devaient être livrés deux ans plus tard. C'est parmi ces verrières que l'on trouve une version originale de l'Arbre de Jessé.
En octobre 1500, Hugues Cuvelier (en quelque sorte le bras droit de Martin Chambiges, lui-même retenu sur les chantiers de Troyes ou de Beauvais) jeta les fondations du croisillon nord (qui donne sur le cloître des moines). Pour rendre les deux croisillons symétriques, il fut nécessaire d'abattre la travée ouest de la chapelle Saint-Jean-Baptiste. Cette fois, le chantier prit plus de temps. On refit appel à Pierre Gramain pour les sculptures (dont certaines sont encore en place dans les voussures du portail Saint-Jean-Baptiste) et aux maîtres verriers Jean Hympe, père et fils pour les vitraux. Parmi ceux-ci, on note la splendide rose des anges musiciens, appelée aussi Le Concert céleste. Le tout fut achevé vers 1515-1517.
La structure architecturale dessinée par maître Chambiges est audacieuse : au nord et au sud, deux travées rectangulaires dont la hauteur est un peu supérieure à celle de la nef ; deux niveaux d'élévations ; pas de triforium, mais un système de fenêtrage plus complexe ; voûtes quadripartites ; enfin façades creusées de deux grandes roses.
Compte tenu de la renommée de Martin Chambiges et de la présence à ses côtés d'Hugues Cuvelier, l'historien Charles Porée, dans son article pour le Congrès archéologique d'Avallon en 1907, se pose la question du qui a fait quoi? Il suit donc à la trace l'architecte et son second, et écrit : «Ainsi, la construction du transept avait duré un quart de siècle. Chambiges avait dirigé effectivement les travaux pendant quatre ans. Après son départ, en mai 1494, Cuvelier prend le titre de "maître d'œuvre de la croisée". Mais c'est sur les plans de Chambiges qu'il travaillait et Chambiges, même alors qu'il travaillait au transept de la cathédrale de Beauvais ou à la façade de celle de Troyes, continuait à exercer sa surveillance et son contrôle sur les travaux de Sens. En 1497, au commencement de février, il passe une semaine à Sens, "pour visiter l'œuvre", alors fort avancée. Nouveau voyage vers le mois de mai de l'année suivante. À Paris, il négocie l'achat de pierres de liais destinées au remplage des baies et il continue l'année suivante ses bons offices. En reconnaissance, le Chapitre lui envoie, à titre de cadeau, une paire de chaussures. Dans un compte de 1498, il est qualifié de "maître de l'entreprise et conducteur de la croisée". Il avait donc bien la haute direction de l'œuvre et se reposait sur Cuvelier pour l'exécution et les détails.» En revanche, si Chambiges a bien dressé les plans du croisillon nord, c'est Cuvelier qui assurait la direction, même si le chapitre sollicitait les avis du maître. Charles Porée continue : «(...) au cours des treize années que dura la construction de cette partie, les visites de Chambiges, retenu à Beauvais, se firent plus rares et il ne vint à Sens qu'à l'occasion de quelques-uns de ses voyages à Troyes. Cuvelier doit donc partager avec lui l'honneur d'avoir édifié le transept et, si la conception ne lui en est pas due, c'est à lui du moins qu'en revient le mérite de l'exécution. Quand Chambiges se rendit pour la première fois à Troyes, en août 1502, il emmena avec lui Cuvelier. C'est qu'il appréciait la valeur de ses avis et des conseils suggérés par son expérience.»
Sources : 1) Sens, première cathédrale gothique, éditions A˜PROPOS ; 2) Congrès archéologique tenu à Avallon en 1907 (74e session), article sur la cathédrale de Sens par Charles Porée.

ROSE NORD : CONCERT CÉLESTE ET APPARITIONS DE L'ARCHANGE GABRIEL
(Baie 119) - 1502
Baie 119 : le Concert céleste dans la rose
Baie 119 : LE CONCERT CÉLESTE dans la rose
et les APPARITIONS DE L'ARCHANGE GABRIEL dans la partie basse (vers 1517-1519).

La rose nord : le concert céleste et les Apparitions de l'Archange Gabriel. Le Concert céleste est l'un des plus beaux spectacles qu'un vitrail puisse offrir en France. Soixante-deux anges musiciens, dont quinze sur fond rouge et quarante sur fond bleu, jouent de trente-deux instruments différents. Hormis les figures qui se trouvent sur la ligne centrale (dont le Christ), il y a une parfaite symétrie dans les vitraux, tout simplement parce que les patrons ont été retournés. Sur fond rouge se trouvent plutôt les instruments des grandes cérémonies ; sur fond bleu, les instruments de chambre. Ce sont évidemment les instruments de l'époque (viole, harpe, luth, cor, flûte, etc.). Le Christ se tient au centre de la rose.
L'ensemble de la verrière fait 13 mètres de haut sur 9 mètres de large. Datée par le Corpus Vitrearum des années 1517-1519, posée vers 1528, elle a rapidement réuni tous les suffrages, mais une paire de jumelles demeure indispensable pour en voir les détails. Son donateur est Gabriel Goufier, doyen du chapitre, ses auteurs sont les verriers sénonais, Jean Hympte fils et Tassin Gassot.
La partie basse illustre cinq apparitions de l'Archange Gabriel, regardé comme le messager de Dieu. De gauche à droite : apparition au prophète Daniel et prédiction de la résurrection des Justes de l'Ancienne Loi ; apparition à Zacharie, futur père de Jean-Baptiste ; apparition à Marie, mère de Jésus ; le triomphe de l'Église sur la Synagogue ; apparition à Daniel et explication de sa vision des derniers temps. Dans cette dernière lancette, l'Archange Michel frappe l'Antéchrist qui tombe dans les enfers, tête la première. La verrière a été restaurée par l'atelier Gaudin en 1899, mais à un faible degré.
Sources : 1) Corpus Vitrearum, les vitraux de Bourgogne, Franche-Comté et Rhône-Alpes, éditions du CNRS ; 2) Les vitraux de la cathédrale de Sens, éditions A˜ PROPOS.

Voir l'église parisienne Notre-Dame-de-la-Croix-de-Ménilmontant
et le magnifique tableau de Pierre-François Delorme (1783-1859),
«La Descente du Christ aux Limbes»

Un damné emmené par deux démons.
Un damné emmené par deux démons.
Une sirène démoniaque.
Une sirène démoniaque.
Une sirène portant deux attributs non déterminés.
Une sirène portant deux attributs non déterminés.
CULOTS DANS LES CROISILLONS DU TRANSEPT (XIIe siècle)
 

Qui a payé la construction du transept? Lorsqu'on passe à proximité d'un grand édifice médiéval, on se pose parfois la question : «Comment a-t-on pu construire cela sans les moyens techniques que nous connaissons aujourd'hui?» Nous connaissons les réponses. Mais on ne se pose que rarement l'autre question cruciale : «Qui a payé?». Il se trouve que pour la construction du transept de la cathédrale de Sens, à la toute fin du XVe siècle, l'historien Charles Porée a trouvé dans les archives de l'Yonne de quoi rassasier la curiosité du lecteur. Cet érudit s'étend sur le sujet dans son étude sur la cathédrale à l'occasion du Congrès archéologique tenu à Avallon en 1907 (74e session). Lisons le paragraphe issu de ses recherches :
«Les revenus de la fabrique, qui, dans la première moitié du XIVe siècle, avait [sic] atteint et parfois dépassé 1.000 livres, étaient tombés, cinquante ans plus tard, à moins de 100 livres par an. L'archevêque Louis de Melun dut ordonner, en 1440, pour assurer l'entretien de la cathédrale, une quête générale. On fit appel à la générosité des fidèles par tous les moyens : les reliques les plus précieuses de l'église furent confiées à des quêteurs qui se répandirent dans toute la province et portèrent leurs châsses jusqu'en Poitou ; quarante jours d'indulgences furent accordés à ceux qui donneraient à la fabrique la moitié de ce que leur coûtait leur nourriture d'une semaine ; les prédicateurs furent priés de recommander l'œuvre dans leurs sermons et les curés invités à exciter, aux confessions de Pâques, la charité de leurs ouailles. Chaque église du diocèse avait sa "boete", où les paroissiens déposaient, avec "l'obole de chrétienté", leurs offrandes à l'œuvre de la cathédrale. Dans la cathédrale elle-même, trois troncs, surmontés d'un tableau des indulgences, étaient placés devant la chapelle Notre-Dame, l'autel Saint-Louis et le Sépulcre.» Charles Porée rappelle ensuite la liste des revenus habituels de la fabrique : les cens et les fermages des terres en sa possession, les legs des testateurs, une partie des recettes collectées par les œuvres de bienfaisance (les Quinze-Vingts et l'hôpital de Saint-Jacques-du-Hautpas sollicitaient en effet les aumônes dans le diocèse), une partie du produit des offrandes imposées par le pénitencier. À toutes ces recettes il faut encore ajouter les amendes infligées par l'official, les droits de chape acquittés par les chanoines et les évêques suffragants lors de leur réception. Et Charles Porée termine : La fabrique «tirait enfin profit du résidu des cierges et des images de cire, offerts par les fidèles et non entièrement consumés, des vêtements des trépassés placés sur les cercueils et vendus à l'encan après les obsèques, des vieux matériaux de l'œuvre, pierres, tuiles, bois à brûler, et des objets de culte hors d'usage.»
Ceux qui ont lu la somme du père dominicain Henrich Denifle, La désolation des églises, monastères et hôpitaux en France pendant la guerre de Cent Ans, savent qu'il y a loin du dogme à la pratique. Les chevauchées anglaises, celles d'Édouard III et du Prince noir, au cours du XIVe siècle, aggravées par celles des Compagnies, puis le retour des vagues de pillage au XVe siècle avec le roi anglais Henri V et le duc de Bedford avaient tellement sapé l'économie française qu'elle s'approcha de la ruine.
C'est pourquoi Charles Porée écrit à propos des revenus de la fabrique de la cathédrale : «Toutes ces ressources, presque réduites à néant au cours de la guerre de Cent ans, augmentèrent quand, avec la paix, la prospérité fut revenue. Dans la seconde moitié du XVe siècle les recettes de la fabrique suivirent une marche ascendante et, dès 1465, le Chapitre pouvait porter chaque année, en réserve, plus de 150 livres dans son coffre du trésor, en vue de la construction projetée du transept. C'est avec les économies ainsi réalisées que la croisée fut entreprise en 1491. Sans doute eussent-elles été insuffisantes si le Roi n'avait accordé un secours annuel de 400 livres pendant six ans et l'octroi de 5 deniers par minot de sel vendu dans tous les greniers de la province.» On pourra lire avec intérêt d'autres développements sur le thème du Qui a payé? aux pages sur la cathédrale d'Amiens, sur l'église Notre-Dame à Dole dans le Jura.
La fin de la guerre de Cent Ans a été marquée par une renaissance économique qui a saisi, peu ou prou, l'ensemble de la France. À l'image du renouveau des moyens de financement pour la cathédrale de Sens, il arrive fréquemment, dans l'histoire des anciennes églises, de trouver que les sources médiévales - souvent rédigées par des chanoines - fassent état de restaurations entreprises dès la fin de la guerre (1453). Pourtant on peut lire dans l'introduction du gros ouvrage de Florian Meunier sur Martin et Pierre Chambiges (éditions Picard, 2015) l'opinion suivante : «(...) les études d'histoire économique ont depuis longtemps établi qu'après les derniers conflits de la guerre de Cent Ans, la reprise de la production agricole et des échanges n'avait porté ses premiers fruits que dans les vingt dernières années du XVe siècle sur la majeure partie du territoire français. Les églises commencées dans la première moitié ou au milieu du XVe siècle peuvent être désormais regardées comme des exceptions, elles-mêmes restreintes à l'Ouest de la France (Normandie, Val de Loire et Bretagne).» Et Florian Meunier ajoute un dernier commentaire touchant le contexte parisien : «À Paris même, qui reste un foyer architectural en avance sur le reste du royaume, il est maintenant assuré que la plupart des églises flamboyantes furent construites entre 1480 et 1520.»   Suite plus bas —»»

Ange jouant du tambour de basque dans le Concert céleste
Deux anges jouant du tambour de basque et de la double flûte
dans le Concert céleste (baie 119).
Ange jouant de la double flûte dans le Concert céleste
Détail du Concert céleste dans la baie 119.
Détail du Concert céleste dans la baie 119.
Sur fond bleu, les anges jouent des instruments de musique de chambre.
Sur fond rouge, ils jouent avec des instruments pour les grandes cérémonies.
Le Triomphe de l'Église sur la Synagogue

—»» Qui a payé la construction du transept? (suite et fin)
Contrairement à ce qu'on pourrait croire, les restaurations des églises et des monastères menées bien avant 1480 ne sont pas en contradiction avec ces analyses historiques rappelées par Florian Meunier, mais elles en sont le complément. Dans son ouvrage sur la désolation des églises en France, Henrich Denifle énumère les pillages, les dévastations, les ruines de bâtiments et les incendies qui consument les champs et toutes les maisons en bois. Mais il rappelle aussi que, une fois les fléaux passés, une fois le climat apaisé, les gens reprenaient espoir et se mettaient sans tarder à reconstruire. Cependant un constat s'impose : refaire la charpente d'une chapelle, rebâtir le mur d'une maison en bois, restaurer pierre à pierre l'élévation d'une église, ou plus simplement encore se remettre à cultiver un champ dévasté ne peuvent pas être regardés comme les éléments d'une reprise économique. Toutes ces actions - même si elles sont indispensables - s'insèrent dans un cadre local très restreint. On ne peut pas parler de reprise économique parce qu'il n'y a pas d'échanges, seuls facteurs de création de richesses à l'échelle d'une contrée, d'une région ou d'un pays.
Ce que décrit Charles Porée est même l'illustration de la règle générale de reprise économique à partir des années 1480 en France. À Sens, dès 1440, pour remplir ses coffres, le Chapitre de la cathédrale lance une sorte de politique de harcèlement des fidèles : il faut convaincre la population de donner une petite partie de ses revenus, encore faibles. De fait, cette ponction dure cinquante ans et nous conduit à l'année 1490 avec Martin Chambiges et le démarrage de la construction du transept. Nous sommes au cœur des deux dernières décennies du XVe siècle. Les affaires reprennent, les échanges commerciaux repartent. La reprise économique est là.
Sources : 1) Congrès archéologique tenu à Avallon en 1907, article sur la cathédrale de Sens par Charles Porée ; 2) Martin et Pierre Chambiges, architectes des cathédrales flamboyantes par Florian Meunier, Éditions Picard, 2015 ; 3) La désolation des églises, monastères et hôpitaux en France au temps de la guerre de Cent Ans, Henrich Denifle, 1899.

L'annonce à Daniel de la résurrection
L'annonce à Daniel de la résurrection
des Justes de l'Ancienne Loi.
En bas, les Justes attendent dans les limbes.
(Apparitions de l'Archange Gabriel dans la baie 119).
Voir l'église parisienne
   Notre-Dame-de-la-Croix-de-Ménilmontant
et le magnifique tableau de
Pierre-François Delorme (1783-1859),
«La Descente du Christ aux Limbes»
«««—— À GAUCHE
Le Triomphe de l'Église sur la Synagogue
dans les Apparitions de l'Archange Gabriel (baie 119).
La Synagogue est représentée les yeux bandés,
les tables de la Loi refermées et l'étendard brisé.
Elle tient un calice renversé à la main.

En face d'elle, l'Église est dardée des rayons lumineux qui viennent du Christ. Elle porte l'Évangile ouvert,
la croix et un calice avec l'Eucharistie.
Le donateur est agenouillé humblement
devant l'Archange.
Gabriel explique à Daniel la vision que celui–ci a eue sur les derniers temps.
Gabriel explique à Daniel la vision que celui-ci a eue sur les derniers temps.
Dans la partie supérieure, l'Archange Michel terrasse l'Antéchrist.
Détail de la baie 119 dans le croisillon nord du transept.
ROSE SUD : JUGEMENT DERNIER ET VIE DE SAINT ÉTIENNE (Baie 120)
La Cour Céleste avec saint Étienne en tête et  saint Jean-Baptiste
La Cour Céleste avec saint Étienne en tête et saint Jean-Baptiste
reconnaissable à sa tunique couverte de poils de chameau.
(Le Jugement dernier de la baie 120)
LA ROSE SUD : JUGEMENT DERNIER ET VIE DE SAINT ÉTIENNE (Baie 120) - 1502

La rose sud : le Jugement dernier et la Vie de saint Étienne. Cette grande verrière, haute de seize mètres, œuvre des maîtres troyens Varin, Verrat et Godon, date de 1502. La rose en elle-même contient des scènes typiques du Jugement. Au sommet, le Christ est entouré de séraphins. Au-dessous vient la Cour céleste avec, d'un côté, la Vierge, saint Jean et saint Pierre ; de l'autre, saint Étienne, saint Jean-Baptiste et trois autres saints (ces cinq personnages sont donnés plus bas). La partie basse de la rose est celle qui attire au premier chef le regard du visiteur : on y voit des morts qui sortent de leurs tombeaux et des démons rouges, bleus et verts qui entretiennent le chaudron bouillant où rôtissent les damnés.
Au-dessous de la rose, la claire-voie est constituée d'une série de lancettes consacrées à saint Étienne. Les armes du roi Charles VIII et de la reine Anne de Bretagne surmontent ses extrémités droite et gauche (Charles VIII a fourni des ressources pour les travaux sur le croisillon sud en 1496). Les scènes illustrent deux chapitres des actes des apôtres. Parmi les plus traditionnelles, on trouve : Étienne est choisi avec six autres diacres ; des Juifs reprochent à Étienne ses propos blasphématoires ; Étienne est lapidé, Saül étant spectateur (panneau ci-dessous) ; le corps d'Étienne reste un jour et une nuit abandonné par tous, mais préservé des bêtes sauvages (panneau ci-dessous) ; le corps du protomartyr est enterré.
La verrière a été restaurée en 1898-1900 par l'atelier Gaudin, puis par celui de David en 1930. Elle a malheureusement été endommagée par la grêle en 1971. Il semble que la belle tête du démon rouge qui surveille le chaudron soit une recréation.
Sources : 1) Corpus Vitrearum, les vitraux de Bourgogne, Franche-Comté et Rhône-Alpes, éditions du CNRS ; 2) Les vitraux de la cathédrale de Sens, éditions A˜ PROPOS.

Le Jugement dernier et la Vie de saint Étienne
LE JUGEMENT DERNIER ET LA VIE DE SAINT ÉTIENNE
dans la ROSE SUD de la baie 120 (année 1502).
Le Jugement dernier dans la baie 120 : les morts sortent de leurs tombeaux
Le Jugement dernier dans la baie 120 : les morts sortent de leurs tombeaux comme s'ils s'éveillaient d'un long sommeil (verrière de l'année 1502).
Un démon rouge surveille les damnés plongés dans le chaudron.
Un démon rouge surveille les damnés plongés dans le chaudron.
Le vitrail prend un tout autre aspect
quand le remplage qui l'abrite est affiché en relief.
Le Jugement dernier : un démon de l'enfer
Le Jugement dernier : un démon de l'enfer
Le chaudron de l'enfer et les morts qui sortent de leurs tombeaux
Le chaudron de l'enfer et les morts qui sortent de leurs tombeaux
dans le Jugement dernier de la baie 120 (1517-1519).
Baie 120 : La Lapidation du diacre Étienne,
Baie 120 : La Lapidation du diacre Étienne,
Saül (le futur saint Paul) est assis, en observateur, sur la gauche.
Baie 120 : le corps d'Étienne, abandonné,
Baie 120 : le corps d'Étienne, abandonné,
est préservé des bêtes sauvages.
VITRAIL DE L'ARBRE DE JESSÉ (baie 116) - 1503-1504
Élévation du croisillon sud du transept, côté est.
Élévation du croisillon sud du transept, côté est.
En bas, entrée dans le déambulatoire et entrée de la chapelle Notre-Dame.
En haut, verrières de l'Arbre de Jessé et de saint Nicolas.
Les Rois de Juda dans l'Arbre de Jessé de la baie 116.
Les Rois de Juda dans l'Arbre de Jessé de la baie 116.
Les Prophètes Ezéchiel, Daniel et le donateur
Un roi de Juda dans l'Arbre de Jessé.

L'Arbre de Jessé. Bien des églises construites à la Renaissance possèdent un Arbre de Jessé (voir commentaire) dans leurs vitraux, mais voir un Arbre sur fond rouge est plus rare. C'est la particularité de celui de Saint-Étienne de Sens. Cette grande verrière de 12 mètres sur 4 mètres 20, qui resplendit dans le croisillon sud du transept à côté de celle de saint Nicolas (photo ci-contre) date de 1503-1504. Offerte par l'archidiacre de Provins, elle est l'œuvre des maîtres verriers troyens Jean Verrat, Liévin Varin et Balthazar Godon. La verrière se découpe en trois parties : dans les deux lancettes centrale, l'Arbre de Jessé en lui-même ; dans les parties latérales basses, huit prophètes ; dans celles du haut, quatre scènes de l'Ancien Testament.
L'Arbre de Jessé est destiné à montrer l'origine royale du Christ via David, Salomon et les rois de Juda. Et le Christ en était jusqu'au XVe siècle le fleuron culminant. L'Arbre de Sens marque une évolution notable dans ce thème artistique car c'est désormais Marie qui va prendre ce rôle. On trouve la Vierge au bas de l'Arbre, juste au-dessus de Jessé, dans une Annonciation. Au-dessus, une scène qui, selon les sources, est exceptionnelle dans un vitrail : la Pucelle devant la licorne. Selon la croyance médiévale, quand la licorne voyait la pucelle, elle s'en allait se coucher dans son giron, ne lui faisait aucun mal et s'endormait. Cette image symbolise l'Incarnation.
Le roi David porte sous son bras une petite harpe. En face de lui, se tient vraisemblablement son fils, Salomon. Suivent au-dessus quelques rois de Juda qui, comme souvent, ne sont pas reconnaissables. Enfin, au sommet, Joseph, qui tient un sceptre à la main car il est race royale, fait face à Marie qui tient l'Enfant dans ses bras.
Dans les lancettes latérales, on trouve d'abord huit prophètes qui tiennent des phylactères où figurent leurs messages annonciateurs de la venue du Christ, puis au-dessus, quatre scènes de l'Ancien Testament qui, elles aussi, annoncent l'Incarnation : Moïse et le buisson ardent ; Mélchisédech officiant ; Gédéon appelant la rosée du ciel sur la toison de bélier ; Ézéchiel devant la porte fermée du temple de Jérusalem. L'ensemble a été restauré par Émile Hirsch en 1883. Selon le Corpus Vitrearum, le vitrail est assez bien conservé.
Sources : 1) Corpus Vitrearum, les vitraux de Bourgogne, Franche-Comté et Rhône-Alpes, éditions du CNRS ; 2) Les vitraux de la cathédrale de Sens, éditions A˜PROPOS.
On pourra voir également le très bel Arbre de Jessé d'Engrand le Prince à l'église Saint-Étienne de Beauvais et celui de Jehan II Macadré à l'église Sainte-Madeleine de Troyes.

L'Arbre de Jessé dans la baie 116
L'ARBRE DE JESSÉ dans la baie 116
1503-1504.

Le donateur du vitrail de l'Arbre de Jessé, photo à droite —»»
Le vitrail ci-contre montre le donateur, le chanoine Louis la Hure, agenouillé entre les prophètes Ézéchiel et Daniel. Le vitrail coûta 120 livres tournois. Le chanoine se proposa de le rembourser en douze paiements annuels de dix livres. L'histoire raconte qu'on attendit le dernier versement pour insérer dans la verrière les panneaux qui le représentaient. Et ceci à la place du verre blanc qu'on y avait mis jusque-là (sûrement sur instruction du chapitre).
Source : Les vitraux de la cathédrale de Sens, éditions A˜PROPOS.

Les prophètes Nahum et Zacharie
Les prophètes Nahum et Zacharie.
Melchisédec officiant
Melchisédec officiant.
Le donateur et les Prophètes Ezéchiel et Daniel
Jessé, l'Annonciation, la Licorne et des rois de Juda dans l'Arbre de Jessé.
Jessé, l'Annonciation, la Licorne et des rois de Juda dans l'Arbre de Jessé.
Les Rois de Juda dans l'Arbre de Jessé de la baie 116.
Les Rois de Juda dans l'Arbre de Jessé de la baie 116.
L'archange Gabriel dans l'Annonciation.
L'Archange Gabriel dans l'Annonciation.
La Vierge dans l'Annonciation.
La Vierge dans l'Annonciation.
VITRAUX DE L'INVENTION ET DE LA TRANSLATION DES RELIQUES DE SAINT ÉTIENNE (Baies 122 & 124) - 1502
  La Translation des reliques de Saint Étienne
LA TRANSLATION DES RELIQUES DE SAINT ÉTIENNE
Baie 124, année 1502.

L'Invention et la Translation des reliques de saint Étienne. Les deux verrières datent de 1502. Comme l'Arbre de Jessé, elles sont l'œuvre des maîtres verriers troyens Jean Verrat, Liévin Varin et Balthazar Godon. On ne sait rien du donateur de l'Invention. En revanche, la verrière de la Translation a été offerte par François d'Alègre, Grand-maître des Eaux et Forêts.
En langage religieux, invention veut dire découverte. La première verrière raconte donc l'histoire de la découverte des reliques du protomartyr, mort lapidé à Jérusalem quelque temps après la Crucifixion. Les scènes du vitrail sont construites selon ce que rapportent les Actes des Apôtres, récit repris par Jacques du Voragine dans la Légende dorée. Pour avoir les détails de l'Invention des reliques, on se reportera à la célèbre verrière du début du XIVe siècle sur le même thème que l'on voit à l'abbatiale Saint-Ouen à Rouen.
La Translation des reliques est l'histoire du transport par mer de la dépouille du saint de Jérusalem jusqu'à Constantinople. Le bateau essuie une tempête, apaisée par saint Étienne lui-même. Une fois qu'il est arrivé au port, l'empereur veut faire transférer la dépouille dans son palais. Au cours du trajet, les deux mules qui tirent le chariot s'arrêtent et rien ne peut les faire avancer. On comprend que c'est un signe divin. Une église est alors bâtie à cet endroit. Il est intéressant de noter que les cartons de l'époque mettent l'accent sur les maçons (voir photo plus bas). Un panneau illustre leur travail et les outils qu'ils emploient : la truelle et l'oiseau (matériel de portage qu'un ouvrier véhiculait sur son dos pour acheminer divers matériaux). La procession des escargots en haut du deuxième registre est-elle un trait d'humour de l'auteur du carton? Signifie-t-elle que la construction a été très longue? Dans l'Invention des reliques, il est aussi question de la construction d'une église à Jérusalem. Là encore, le panneau met en scène les ouvriers et leurs outils (voir plus bas).
Suite du récit : À Rome, l'empereur Théodose veut échanger la dépouille de saint Étienne contre celle de saint Laurent. En effet, sa fille Eudoxie est possédée par un démon et, pour sortir du corps de la jeune fille, le démon exige que le corps d'Étienne repose à Rome ! Une fois dans la Ville, les porteurs du corps d'Étienne ne peuvent aller plus loin que l'église où repose saint Laurent. Étienne est donc enterré à côté de Laurent. Quand les délégués de Constantinople veulent s'emparer du corps de Laurent (selon l'échange prévu),  —»»

—»»  ils sont précipités à terre par une force invisible. Les deux dépouilles resteront donc à Rome, côte à côte. Quant aux délégués qui ont ouvert le sarcophage de saint Laurent, frappés d'un mal mystérieux, ils mourront quelques jours après.
La verrière de l'Invention des reliques a été restaurée en 1850 et 1900. Un orage de grêle l'a endommagée en 1971 et 1981. La verrière de la Translation des reliques semble être en meilleur état. Le Corpus Vitrearum indique seulement qu'elle a été restaurée au milieu du XIXe siècle.
Sources : 1) Les vitraux de la cathédrale de Sens, éditions A˜PROPOS ; 2) Corpus Vitrearum (Vitraux de Bourgogne, F.-Comté, Rhône-Alpes.)

Un sénateur de Constantinople, séjournant à Jérusalem, a fait construire une église en l'honneur de saint Étienne
Un sénateur de Constantinople, séjournant à Jérusalem, a fait construire une église en l'honneur de saint Étienne. À sa mort, son épouse, Julienne, enterre son corps dans l'église.
Vitrail de l'Invention des reliques de saint Étienne, 1502.

La translation des reliques. Le panneau ci-contre, extrait de la Translation des reliques de saint Étienne, montre un «transport» qui est aussi une cérémonie somptueuse. L'évêque et les clercs ont revêtu leurs habits d'officiants. Crosse et croix sont brandies fièrement. Dans son ouvrage sur les origines du culte des martyrs, publié en 1912, le père bollandiste Hippolyte Delehaye nous donne quelques indications sur ces fameuses translations.
Le corps d'Étienne va d'abord de Jérusalem à Constantinople, puis de Constantinople à Rome. Or, à cette époque (IVe, Ve siècles et après), le cérémonial de la translation est différent entre le monde romain et le monde byzantin. À Rome, la loi des Pères de la République est toujours en vigueur. «Défense de troubler le repos d'un mort ne fût-ce qu'en déplaçant son sarcophage, défense surtout de porter sur ses restes une main sacrilège», écrit H. Delehaye. Un mort est enterré en dehors de la ville, souvent au bord d'une route. Sa tombe devient de facto un sanctuaire. Cette tradition romaine s'inséra parfaitement dans la mentalité chrétienne des premiers âges et dans le respect voué aux corps des martyrs : une fois le tombeau refermé, il n'y avait plus de danger de profanation. Ainsi, H. Delehaye écrit : «En Occident, à Rome du moins, l'usage antique fut longtemps gardé, et nulle part les reliques des saints ne furent mieux honorées ni mieux à l'abri de toute dévotion indiscrète.»
Ce souverain respect dura des siècles. Pour preuve, H. Delehaye rapporte l'épisode de Constantine, femme de l'empereur byzantin Maurice. Nous sommes au VIe siècle et celle-ci souhaite que le chef de l'apôtre Paul ou une autre partie de son corps repose dans la nouvelle église du palais, justement dédiée à saint Paul. Elle s'adresse donc au pape Grégoire. Qui refuse et s'en excuse. Il ne le peut pas et il ne l'ose pas. H. Delehaye nous donne les arguments du pape : «Des exemples récents montrent à quels dangers terribles s'exposent ceux qui troubleraient les restes sacrés des apôtres ou des saints martyrs. Il rappelle notamment que le tombeau de S. Laurent ayant été ouvert par mégarde [cf l'histoire rapportée juste au-dessus], tous ceux qui avaient jeté les yeux sur le saint corps, même sans avoir eu la témérité d'y porter la main, sont morts dans les dix jours.» Un pape romain refuse une grâce à une impératrice grecque pour des raisons de coutumes. Le fossé est net entre Byzance et l'Occident. Néanmoins, à Rome, on pratique la politique des brandea, c'est-à-dire des linges et des étoffes sanctifiés par le contact du tombeau, ou mieux encore, par le contact du corps du saint de son vivant. H. Delehaye rappelle que l'ancienne Rome était très riche en reliques - païennes évidemment. La nouvelle Rome, chrétienne, n'en possédait pas. Et la mentalité romaine, opposée aux transferts, ne pouvait pas envisager de dépouiller des villes en sa faveur. Aussi se contentait-on d'ériger des cénotaphes.
Dans le monde grec, à cette époque, on ne comprend pas le respect de l'Occident envers les morts. Les lois gérant les sépultures n'y sont pas aussi rigoureuses que dans le monde romain. Ce que d'ailleurs Rome respecte car, quand on demande au pape quoi faire (puisque c'est lui qui décide), il répond de suivre les usages locaux. C'est bien dans le monde byzantin que naît l'usage de la translation et de la division des reliques. La première translation connue est celle de saint Babylas sur l'ordre de Gallus, fait César (351-354) par l'empereur Constance. De fait, Constance, qui n'entend pas se contenter de cénotaphes, va être le grand initiateur du transfert des reliques. Au cours du Ve siècle, Constantinople va en faire venir à elle un grand nombre. Et elle le fera en grandes pompes, avec un cortège officiel et une foule toujours enthousiaste, parfois tumultueuse. Ainsi, pour la réception d'un saint martyr du Pont, l'empereur lui-même prend part à la cérémonie, et «un cortège naval, brillant de lumières» [saint Jean Chrysostome rapporté par H. Delehaye] conduit la précieuse dépouille au lieu qu'on lui destine.
Mais la piété grecque ne s'arrêta pas là. «On s'enhardit davantage, écrit le père bollandiste, et l'on n'hésita pas à porter la main sur ces restes sacrés, à en distraire des parties plus ou moins notables, parfois à les dissiper complètement.» La division des reliques s'imposa comme pratique courante. La relique en elle-même devint l'objet d'un culte distinct et entretint «de pieuses convoitises qui devaient souvent dégénérer en passion désordonnée» [Delehaye]. Ainsi l'exemple du document connu sous le nom de Testament des Quarante Martyrs. (Ce sont des soldats de la légion thébaine qui, refusant de renier leur foi, sont laissés nus, toute la nuit, sur un lac gelé.) Conscients des risques encourus par leur corps après leur mort, ils demandent à être ensevelis ensemble et à ce qu'aucun fidèle ne s'approprie la moindre parcelle de leurs restes (!) Alors qu'ils respiraient encore, disent les hagiographes, les martyrs sont livrés aux flammes par l'autorité romaine et leurs cendres jetées dans le fleuve. Par la suite, H. Delehaye rapporte que bien des gens du monde grec, dont les futurs saints Grégoire de Nysse et Basile, posséderont chez eux des reliques des Quarante Martyrs...
En guise de conclusion, terminons par ce passage de l'ouvrage d'Hippolyte Delehaye : «L'opposition entre la consuetudo graecorum [la coutume grecque] et la discipline romaine est nettement tranchée. Rome ni aucun des pays soumis directement à son influence ne connaissent ni ces grandes solennités qui mettent toute la population sur pied, ni cette liberté qu'on se donnait ailleurs d'ouvrir les cercueils et d'enlever les cendres des morts. Je sais bien qu'à Rome, du IIIe au Ve siècle, il y eut des translations de corps de martyrs. Mais elles se firent dans des conditions si spéciales et, semble-t-il, si parfaitement légales que rien ne permet de les assimiler aux transports de reliques accompagnés de cortèges imposants, tels que l'Orient les aimait.»
Source : Les origines du culte des martyrs, Hippolyte Delehaye, Bureaux de la société des Bollandistes, Bruxelles, 1912.

À DROITE ——»»»
Alexandre est sénateur à Constantinople. Il séjourne à Jérusalem et fait construire
une église en l'honneur de saint Étienne. Le carton le représente en train
de surveiller les ouvriers qui sont à l'œuvre avec leurs outils.
Vitrail de l'Invention des reliques de saint Étienne, baie 124, année 1502.
Le corps d'Étienne est transporté dans le palais de l'empereur de Constantinople
Le corps d'Étienne est transporté dans le palais de l'empereur de Constantinople,
Mais les mules s'arrêtent et refusent d'avancer, désignant ainsi le lieu où les restes du saint doivent reposer.
On remarquera l'étrange procession des escargots en haut des panneaux donnés ci-dessus et ci-dessous.
Vitrail de la Translation des reliques de saint Étienne, baie 124, année 1502.
Les mules ayant désigné l'endroit où saint Étienne  devait reposer, une église est construite.
Les mules ayant désigné l'endroit où saint Étienne devait reposer, une église est construite.
L'auteur du carton a mis l'accent sur le travail des maçons et sur leurs outils (truelle et oiseau).
Vitrail de la Translation des reliques de saint Étienne, baie 124, année 1502.
Le sénateur Alexandre supervise la construction de l'église
VERRIÈRE DES PATRIARCHES ABRAHAM, ISAAC ET JACOB (Baie 121) - 1516-1517
Loth et son oncle Abraham combattent les rois du pays de Canaan.
Loth et son oncle Abraham combattent les rois du pays de Canaan.
En haut, scène de combat entre Loth et les rois ; Loth est fait prisonnier.
En bas, Abraham attaque avec ses troupes et libère Loth.
Baie 121, atelier de Jean Hympe, vers 1516-1517.

Verrière des patriarches Abraham, Isaac et Jacob. Cette grande verrière de 12 mètres sur 4 illustre l'histoire d'Abraham et de Jacob. Elle a été réalisée par Jean Hympe et son fils, et date de 1516-1517.
Abraham conquiert le pays de Canaan. Puis son neveu Loth est fait prisonnier lors d'une guerre entre rois voisins dans le pays de Sodome. Abraham lève des troupes, attaque l'ennemi et délivre Loth (panneaux ci-contre). Ces batailles sont, pour l'auteur des cartons, l'occasion d'insister sur les combats, les armures et les chevaux. Ensuite Abraham rencontre Melchisédec. Trois anges lui annoncent qu'il va avoir un fils de sa femme Sara, nonagénaire. Il quitte Sodome avec ses deux filles. Puis, ci-contre, Dieu le met à l'épreuve en lui demandant de sacrifier son fils unique, Isaac. Abraham bénit l'union de son fils avec Rebecca. Celle-ci donne bientôt naissance à des jumeaux, Esaü et Jacob. Les deux derniers panneaux (en bas, à droite) montrent Esaü, rentrant bredouille de la chasse, qui vend son droit d'aînesse à Jacob contre un plat de lentilles. Enfin, par un subterfuge, Jacob se fait passer pour son frère et reçoit la bénédiction de son père Isaac qui est devenu aveugle. La verrière est décrite comme «assez restaurée en 1879» par le Corpus Vitrearum.
Sources : 1) Les vitraux de la cathédrale de Sens (A˜PROPOS) ; 2) Corpus Vitrearum, les vitraux de Bourgogne, F-Comté, Rhône-Alpes.

Scènes de la vie d'Abraham, d'Isaac et de Jacob.
Scènes de la vie d'Abraham, d'Isaac et de Jacob.
En haut : Abraham se prépare à sacrifier son fils, puis il consacre
son union avec Rebecca. En bas : Esaü vend son droit d'aînesse ;
Jacob reçoit la bénédiction de son père Isaac.
Baie 121, atelier de Jean Hympe, vers 1516-1517.
Abraham mène l'attaque pour délivrer son neveu, Loth.
Abraham mène l'attaque pour délivrer son neveu, Loth.
VERRIÈRE DE JACOB ET DE JOSEPH (Baie 117) - vers 1516-1517
Baie 117, JACOB ET JOSEPH, vers 1516.
Baie 117, JACOB ET JOSEPH, vers 1516.

Verrière de Jacob et de Joseph. Cette verrière est la suite de la verrière précédente. Datée de 1516, elle est due aussi à Jean Hympe et à son fils, maîtres verriers de Sens.
Nous ne reprendrons pas ici l'histoire très connue de Joseph, que les exégètes placent en parallèle avec celle de Jésus. Cependant, quelques détails en sont donnés dans deux registres ci-dessous. Comme s'en étonne l'ouvrage collectif sur les vitraux de la cathédrale de Sens, il est surprenant de constater qu'aucun panneau n'illustre la joie du vieux Jacob qui retrouve son fils Joseph, qu'il croyait mort.
Comme la précédente, la verrière est décrite comme «assez restaurée en 1879» par le Corpus Vitrearum.
Sources : 1) Les vitraux de la cathédrale de Sens, éditions A˜PROPOS ; 2) Corpus Vitrearum, les vitraux de Bourgogne, Franche-Comté, Rhône-Alpes, éditions du CNRS.

Troisième registre de la baie 117
Troisième registre de la baie 117 : 1) Joseph est jeté dans un puits par ses frères ; 2) Il est vendu à des marchands ;
3) Ses frères annoncent sa mort à Jacob ; 4) En Égypte, rentré au service de Putiphar, Joseph fuit l'assiduité de l'épouse de celui-ci.
Registre du bas de la baie 117
Registre du bas de la baie 117 : 2) & 3) Joseph offre un banquet à ses onze frères (qui ne l'ont toujours pas reconnu) ;
4) La coupe d'argent est retrouvée dans le sac de Benjamin ; 1 ) Les frères se prosternent devant Joseph.

Documentation : «Sens, première cathédrale gothique», éditions À PROPOS, 2014
+ « Les vitraux de la cathédrale de Sens», éditions À PROPOS, 2013
+ «La cathédrale de Sens» d'Eugène Chartraire, Petite monographie des grands édifices de la France, 1928
+ Congrès archéologique tenu à Avallon en 1907 (74e session), article sur la cathédrale de Sens par Charles Porée
+ Bulletin monumental, La cathédrale de Sens, 1982
+ Corpus Vitrearum, Les vitraux de Bourgogne, Franche-Comté et Rhône-Alpes, Éditions du CNRS
+ «Les origines du culte des martyrs» d'Hippolyte Delehaye, Bureaux de la société des Bollandistes, Bruxelles, 1912.
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