|
|
|
Les musées lapidaires et archéologiques
ne font pas partie des musées les plus courus de France.
Pourtant celui de Saintes vaut vraiment le détour. Une salle
moderne expose des objets de la vie courante à l'époque
gallo-romaine au pays des Saintons (métallurgie, verrerie,
ivoire, céramiques et objets en bois). À côté,
un ancien abattoir, reconverti en musée lapidaire, expose
des sculptures gallo-romaines de toute nature.
Le musée archéologique de Saintes est l'un des
plus riches de France, tant par ses blocs sculptés provenant
de monuments antiques (de nombreux exemples en sont donnés
dans cette page), que par ses inscriptions
lapidaires qui nous apportent des renseignements précieux
sur la vie en Saintonge à l'époque gallo-romaine.
Certaines pièces sont exceptionnelles et d'une grande beauté
comme la statue
impériale, joyau de la collection.
L'Arc de Germanicus
se dresse à côté du musée. Construit
vers 18-19 de notre ère, il a été offert à
la ville par un notable santon romanisé, Caïus Julius
Rufus. Cet arc était une porte monumentale de la ville. La
Charente élargissant son lit au fil des siècles, il
se retrouva au Moyen Âge sur un pont de pierre. Vers les années
1840, il était prévu de le détruire. Il ne
doit sa survie qu'à l'intervention énergique de Prosper
Mérimée et de la Commission des Monuments historiques.
Cette épopée est longuement rappelée dans un
texte plus bas.
|
|
Information
de l'Office de Tourisme de Saintes :
Le musée lapidaire
est fermé au public depuis 2016. En effet, à
cette date, des points de corrosion ont été
observés dans la structure du bâtiment. Les collections
ont donc été transférées dans un autre bâtiment
pour conservation en attendant qu'un nouveau lieu les accueille.
Les visiteurs peuvent donc visiter le musée archéologique
avec la salle de la vie quotidienne, mais pas le musée lapidaire.
|
|
Le musée lapidaire de Saintes dans l'ancien abattoir.
Au centre, la plus belle pièce du musée : la statue
impériale. |
Vue du musée lapidaire depuis un pont piétonnier
sur la Charente |
Les ornements de l'Arc de Germanicus : corniches, pilastres,
chapiteaux... |
L'Arc de Germanicus et la Charente. |
Le pont sur la Charente, l'Arc de Germanicus et la cathédrale
Saint-Pierre
sur la droite.
Dessin exposé au musée
Dupuy-Mestreau. Il date nécessairement d'avant 1840.
Au même musée, vous pouvez voir un autre dessin
du pont
vu de face avec l'arc. |
|
L'origine
des pierres du musée lapidaire. Au
IVe siècle; la ville de Saintes se protégea
par un rempart. Il fut édifié avec les
restes des monuments gallo-romains qu'on avait construits
dans la ville depuis l'occupation romaine (entre 27
avant J.C. et 275 de notre ère).
Le rempart fut détruit à partir du XVIIe
siècle. En étudiant les entablements,
les chapiteaux et les bases des colonnes, on retrouve
différents ordres architecturaux.
Source : Panneau affiché
dans le musée.
|
|
L'Arc de Germanicus près de la Charente. |
L'Arc
de Germanicus (1/3). Le lit de la Charente
s'est élargi au cours des siècles. Ainsi,
au Moyen Âge, on dut prolonger vers l'est le pont
qui reliait les deux rives du fleuve. L'arc, initialement
sur la berge, se retrouva sur le pont. Comme c'en était
la tradition aux temps médiévaux et classiques,
ce pont était fort encombré. On y trouvait
des moulins, des chapelles, des tours... et l'arc. En
1840, la municipalité de Saintes décida
de détruire le pont. Que faire de l'arc?
Prosper Mérimée,
inspecteur général des Monuments historiques
écrit à son ami et président de
la Commission, Ludovic Vitet, une lettre datée
du 28 juillet 1840 : «J'ai trouvé ici l'arc
romain horriblement déjeté. Il s'est affaissé
d'une façon notable depuis mon passage à
Saintes, et je crains fort qu'il ne tombe dans la Charente
lorsqu'on détruira le vieux pont qui sert d'arc
butant. Un architecte qu'on n'a pu me nommer a offert
au Conseil municipal de restaurer et de redresser l'arc
au moyen d'un procédé analogue à
celui dont on s'est servi au Conservatoire des arts
et métiers, c. à d. avec une armature
en fer appliquée au rouge et solidement fixée,
laquelle en se refroidissant doit serrer les pierres
disjointes.] Je verrai demain ce projet que je ne comprends
guère et que le sous-préfet ne m'a pas
trop clairement expliqué.»
Lorsqu''il repasse à Saintes en septembre 1844,
Mérimée y est attendu «comme un
proconsul dans une province romaine». Il écrit
une nouvelle lettre à Ludovic Vitet pour lui
exposer les tenants et les aboutissants de ce problème
d'arc et de pont qui tient la ville de Saintes en haleine
depuis plusieurs années. Même si la relation
de Mérimée est parfois un peu embrouillée,
on finit par comprendre le nud du problème,
qui est en fait de nature commerciale.
L'ancien pont dessert le faubourg de Saint-Palaye. La
route qui passe sur le pont (et donc sous l'arc - qui
lui-même se dresse sur le pont) se prolonge dans
le faubourg - en ligne droite. Au fil des siècles,
cette voie de passage a créé une véritable
artère commerciale où tous les corps de
métier ont installé leur échoppe
et où de belles bâtisses ont été
construites pour les bourgeois de la ville. Détruire
le pont jusqu'à la partie qui soutient l'arc
et en reconstruire un autre cent mètres plus
loin (distance donnée par Mérimée
lui-même), c'est mettre à bas tout cet
édifice commercial et social fondé sur...
la ligne droite ! C'est ruiner le commerce et la vie
des habitants du quartier ! C'est vouloir la mort du
bourg de Saint-Palaye ! Sur pression insistante de tous
les artisans de Saint-Palaye regroupés en véritable
lobby, la municipalité propose de construire
une passerelle devant l'arc pour remplacer l'ancien
pont. Fureur et refus indigné de Mérimée
pour qui cette passerelle avec ses hauts piliers et
ses éléments métalliques constituera
une véritable insulte au monument antique ! La
Commission campe donc sur sa position : l'ancien pont
sera détruit, sauf la partie près de la
berge qui soutient l'arc, et un autre pont sera construit
- faisant de ce fait dériver la route. Pas de
passerelle butant sur l'arc ! Rappelons que, pendant
ce temps-là, des travaux d'ingénierie
- aux frais de la Commission - sont en cours pour démonter
l'arc pierre par pierre et le remonter tout près,
sur la terre ferme. Dans une réunion animée
avec Mérimée, le maire de Saintes défend
l'intérêt de ses concitoyens. Il veut une
passerelle car il refuse toute dérivation de
la route. Les arguments de l'écrivain sur un
transfert possible du commerce d'une zone dans une autre
n'arrivent pas à le fléchir : «(...)
il me répondait : la ligne droite! la ligne
droite!». Excédé, le maire finit
par mettre sa démission dans la balance.
Enfin Mérimée rencontre l'ingénieur
de la ville, un certain Forestier, auteur du projet
de la passerelle. --»» Suite ci-dessous
2/3
|
|
|
L'Arc
de Germanicus (2/3). --»»
Celui-ci propose de changer l'arc de place ou simplement
d'opérer sa conversion, c'est-à-dire que l'arc
se trouverait sur l'axe de ladite passerelle. Mérimée
s'y oppose en évoquant des considérations archéologiques.
L'arc portant l'inscription latine : «AD CONFLUENTEM»,
on se devait de l'installer tout près du fleuve. De
même les générations futures jugeraient
du travail accompli, des choix pris ; on ne pouvait donc pas
faire n'importe quoi.
Mérimée poursuit : «Entre l'existence
de l'arc et celle de la passerelle, il y a pour moi une différence
d'intérêt immense. Périsse plutôt
la passerelle que l'arc ! Nous avons soutenu chacun notre
dire avec assez de vivacité, et, comme vous le pensez
bien, je suis resté inébranlable comme un roc.
Il m'a dépeint avec beaucoup de poésie, toute
une ville en alarmes, l'indignation qui retomberait sur moi,
les colères de la Presse, c'est le grand cheval
de bataille aujourd'hui ;(...).» On comprend dans la
suite du texte que le Ministère, sur proposition de
Mérimée, a désigné un endroit
précis pour reconstruire l'arc (en fait non loin de
son endroit d'origine) et qu'un ingénieur est chargé
de le faire démonter pierre par pierre.
Un peu plus loin, Mérimée écrit : «Si
nous nous soumettons à déloger pour le plus
grand plaisir des épiciers du faubourg de St Palaye,
nous proclamons que les monuments historiques doivent baisser
pavillon devant le moindre établissement d'utilité
publique ou soi disant telle. Tranchons le mot, nous confessons
la vanité de notre mission et nous ne méritons
plus que les chambres s'occupent de nous.
À ces causes, mon cher Président, je remets
entre vos mains celle de l'arc de
|
Saintes. Représentez à
Monsieur le Ministre qu'il vaut mieux qu'une douzaine de marchands
de sabots se déplacent qu'un beau monument romain ;
que dans un an d'ici personne ne pensera plus à la
passerelle ; et que le maire donnât-il sa démission,
la ville de Saintes n'en mourra pas.
J'oubliais de vous dire qu'on a fait quelques menaces contre
les pierres de l'arc romain. Un conseiller municipal a dit
que s'il était maire, il chargerait quatre gaillards
d'assurer à grands coups de pic la parfaite
impossibilité de réparer le monument, qui privera
la ville d'une passerelle. La menace est un mouvement de rhétorique,
mais je ne serais pas surpris qu'on essayât de l'exécuter.
Je ne le serais guère non plus d'attraper une bonne
raclée demain en traversant le faubourg pour retourner
à Niort.»
Le soir même, une députation d'une vingtaine
de commerçants du faubourg de Saint-Palaye vint trouver
Mérimée dans sa chambre d'hôtel pour réclamer
la passerelle. Manuvres d'intimidation à l'appui.
Tous se plaignent qu'ils ont déjà perdu gros
et prétendent que, sans la passerelle, le quartier
est ruiné. «J'ai perdu 30.000 francs! et 20 autres
voix répondaient : Et moi donc !» À cet
endroit du récit, on en déduit que les travaux
sur l'ancien pont ont fait fermer toute circulation et que
l'artère commerciale du faubourg a commencé
à pâtir de la disparition de la fameuse ligne
droite.
---»»» Suite ci-dessous 3/3.
|
|
Les collections lapidaires du musée archéologique de
Saintes. |
L'Arc
de Germanicus (3/3).
Mérimée rapporte : «Acculé dans
mon coin, j'ai commencé par leur dire que je n'avais
pas mission pour les écouter, et que je n'étais
à Saintes que pour une question d'art, sur laquelle
je serais enchanté d'avoir leur avis, mais que je faisais
profession de conserver les vieux monuments et non d'en faire
de neufs. Puis je leur ai fait une belle parabole pour leur
prouver que tous les quartiers de Saintes ne pouvaient prospérer
à la fois. Ils l'ont comprise, mais en déclarant
qu'ils voudraient que ce fût le quartier de St Palaye
qui prospérât. - J'ai perdu 30.000 fr. etc. Un
teinturier que j'ai reconnu à ses mains glauques, s'est
alors emporté contre l'arc, mais ses collègues
l'ont fait taire aussitôt, et ont protesté qu'ils
vénéraient les monuments historiques (...)»
La discussion dura une heure. Finalement la députation
s'en alla, sans heurts. Pendant ce temps, Eugène Viollet
le Duc et l'architecte chargé des travaux sur l'arc
«étaient dans une chambre à côté
à rire comme des fous».
|
Le bouquet surgit à la
fin de la lettre. Mérimée termine sur l'affaire
de Saintes à l'adresse de Ludovic Vitet : «Hier,
j'ai oublié de vous conter un mot sublime du maire.
Son projet était de placer l'arc sur une hauteur, à
l'extrémité du cours royal, à l'embranchement
de la route de Bordeaux et de celle de la Rochelle. - Mais,
lui dis-je, monsieur, l'inscription qu'en ferez-vous? Elle
mentionne que le monument a été construit au
bord de la Charente. - L'inscription? Monsieur, nous la changerons.»
Au XIXe siècle, ceux qui avaient déjà
senti toute la valeur du patrimoine français eurent
à batailler pendant des décennies pour arriver
à changer la mentalité de ce que nous appellerions
aujourd'hui la France profonde.
Source : La
naissance des Monuments historiques, la correspondance de
Prosper Mérimée avec Ludovic Vitet (1840-1848),
Éditions du Comité des travaux historiques et
scientifiques, Ministère de l'Éducation nationale.
|
|
Deux scènes de la vie quotidienne. |
Statue impériale (hauteur : 1,20 m).
Elle a été découverte en 1957 et date du début
du 1er siècle de
notre ère. En marbre de Carrare, c'est le portrait d'un prince
de la famille Julio-Claudienne (14-68 après J.-C.). |
Stèle de Materna.
Cette stèle provient du mur de l'hôpital (1816).
Vers 175-200 de notre ère, hauteur : 1,20 m. Le bras
droit tient un rameau de laurier, symbole d'immortalité. |
Trois dalles sculptées. |
Pierres avec tête de taureau. |
Sculpture : Un jeune homme tenant une bourse. |
Sculpture : Trois hommes âgés. |
|
|
À gauche et ci-dessus
Chapiteaux à décor végétal. |
Frises et chapiteaux. |
|
Vue partielle du musée lapidaire ou le charme des vieilles
pierres dans toute leur splendeur. |
Inscription sur une pierre : Épitaphe d'un vétéran de la VIIIe légion. |
Tête de monstre. |
Tête de cavalier. |
L'inscription de cette pierre date
du milieu du IIe siècle de notre ère. La pierre
elle-même a été réemployée
dans le mur du rempart lors de sa construction au Bas Empire.
|
|
Moulage d'une sculpture d'un char romain.
(L'original est à Vaison-la-Romaine.) |
Tête d'Auguste en marbre, vers 40 ap. J.-C.
(Vitrine du musée.) |
Les brochures sur la ville de Saintes
montrent souvent, en tant que pièce du musée
archéologique, un char votif
reconstitué. L'original a été trouvé
détruit dans une fosse - sans doute en offrande aux
dieux. Ce char correspond à la tradition gauloise du
Ier siècle de notre ère.
Les archéologues l'ont reconstitué patiemment
et une copie en était visible dans le musée.
Ce n'est plus le cas depuis 2008. Le nouveau conservateur
a préféré consacrer la salle d'exposition
aux objets de la vie courante. Le char gallo-romain reconstitué
est à présent dans les réserves.
|
|
Groupe de pierres et de sculptures du musée lapidaire. |
Vénus acéphale.
Terre cuite, époque romaine. |
Cavalier romain.
À DROITE ---»»»
Vue de la salle d'exposition et ses vitrines. |
|
Les collections lapidaires du musée archéologique de
Saintes. |
Documentation : «À la découverte
de Saintes», Éditions patrimoines médias, ISBN
: 2-910137-50-3 + Panneaux affichés dans le musée |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|