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Le temple Saint-Éloi n'est pas
l'édifice historique le plus visité de Rouen car,
hormis pour les offices religieux ou les journées du patrimoine,
il est toujours fermé. Et son aspect extérieur, qui
n'a pas été restauré, n'est pas des plus accrocheurs.
Pourtant son architecture revêt un intérêt certain
et deux verrières Renaissance y subsistent.
L'emplacement où se trouve le temple Saint-Éloi était
à l'origine une île au milieu de la rivière.
Une petite chapelle s'y dressait. Cette île fut rattachée
à la terre ferme à l'époque des premiers ducs
de Normandie (Xe siècle). Au XIIIe, une église remplaça
la chapelle. On ne sait pas à quoi elle ressemblait, ni dans
quel état elle se trouvait quand la décision fut prise,
au début du XVIe siècle, d'en construire une nouvelle.
On ignore d'ailleurs qui en a dessiné les plans. Cette construction
commença par l'est, c'est-à-dire par le chevet et
les deux travées adjacentes. En 1562, ce qui avait été
bâti fut mis à sac par les huguenots. Néanmoins,
en 1576, la construction reprit. La tour (qui n'est pas d'une grande
beauté) date de la fin du XVIe siècle, tout comme
la rose, assez sobre, au-dessus du portail principal. Le clocher
en charpente qui surmonte la tour date du XVIIe siècle.
Au XVIe siècle, l'église possédait un style
intérieur gothique. Il fut transformé en baroque au
début du XVIIIe par l'architecte Martinet. À la Révolution,
Saint-Éloi compta au nombre des treize paroisses conservées
à Rouen. En 1791, elle fut fermée, puis transformée
en magasin à fourrage et, en 1793, en fabrique de plombs
de chasse.
En 1803, Bonaparte, premier Consul, attribue l'édifice au
culte réformé. Une fois réparés les
dommages subis lors de la seconde guerre mondiale, le temple fut
rendu au culte en 1950. En 1964, on retrouva fortuitement un puits
devant l'autel. Il était comblé de morceaux de statues
cassées par les huguenots en 1562. Reconstitués, certains
spécimens se trouvent aujourd'hui au musée des Antiquités
de Rouen. À voir aussi l'intéressant buffet d'orgue
du XVIIIe siècle.
Pour ceux qui aiment les vitraux,
l'intérêt du temple Saint-Éloi réside
dans les deux belles verrières du chur, datées
du XVIe siècle. La baie centrale (murée au XVIIIe
pour accueillir une gloire) recevait une Crucifixion. Elle est aujourd'hui
installée à l'église Saint-Nicaise, à
Rouen. Cette page donne un très large aperçu des deux
verrières en place.
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Vue d'ensemble de la nef et du chur du temple Saint-Éloi. |
Vue d'ensemble du temple Saint-Éloi. Ici, le côté
sud.
Il est dommage que l'extérieur du temple n'ait pas fait
l'objet d'une restauration. |
Le chevet et le clocher occidental (qui date de la fin du XVIe
siècle). |
Plan du temple Saint-Éloi. |
À DROITE ---»»»
La rose du portail occidental date de la fin du XVIe siècle
(vers 1579-1580). Ses lignes sont assez sobres.
Voir les roses des transepts nord et sud de la cathédrale
Notre-Dame à Rouen. |
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Le portail occidental en style gothique flamboyant. |
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LA NEF ET L'ARCHITECTURE INTÉRIEURE DU
TEMPLE SAINT-ÉLOI |
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La nef et l'orgue de tribune vus du chur |
Élévations dans la nef.
Ici, le côté nord et ses hautes fenêtres.
Au premier plan, les piliers du bas-côté sud. |
Frise à thème floral qui habille la corniche séparant
les deux niveaux de l'élévation (XVIe siècle). |
Le bas-côté sud vu de l'avant-nef.
Les trois travées proches du chur furent voûtées
d'arêtes.
On y ajouta plus tard de belles clés pendantes. Leur
mauvais état les a fait presque toutes supprimer au XIXe
siècle. |
Les
vitraux du temple Saint-Éloi. À
l'heure actuelle, Saint-Éloi ne possède
que deux verrières Renaissance. Certaines
grandes fenêtres ont reçu des verrières
modernes en verre cathédrale, ornées d'une
bordure assez simple, à thème floral.
L'article du Corpus Vitrearum sur l'église
Saint-Éloi n'est guère prolixe sur l'existence
d'anciens vitraux Renaissance, au moins dans les bas-côtés.
Parce que les sources manquent. Le Corpus se
contente d'énumérer une liste de peintres
verriers ayant uvré pour l'église
au cours des XVIe et XVIIe siècles (pour la création?)
et du XVIIIe siècle (pour la restauration?).
Citons : Guillaume le Vieil, Jérôme et
Roger Bezoche, et Jean Pinchon (auteur de verrières
posées en 1618).
La baie 101 (vitrail de la Passion, voir ci-dessous)
comprenait, en partie inférieure, l'illustration
du miracle des Billettes (aussi appelée
la Légende du Juif et de l'Hostie). Un
autre vitrail, au-dessus de la sacristie, illustrait
le repas chez Simon. Ces deux uvres sont
exposées au musée des Antiquités
de Rouen depuis 1835. Enfin, plus important, la baie
centrale du chur recevait une Crucifixion,
peinte vers 1540. Après la Révolution,
on installa dans le chur de Saint-Éloi
la gloire de l'église Saint-Étienne des
Tonneliers. Il fallut murer la baie centrale. La Crucifixion
fut mise en caisse dans un entrepôt de la cathédrale
Notre-Dame. En 1835, sortie des caisses, elle fut
exposée, à son tour, au musée des
Antiquités. Enfin, en 1938, on la remonta dans
la baie axiale de l'église Saint-Nicaise à
Rouen, église qui était alors l'objet
d'une vaste restauration après l'incendie qui
la frappa en 1934.
Le Corpus nous apprend encore que, entre 1860
et 1869, une vaste restauration des vitraux est entreprise.
Combien restait-il de vitraux Renaissance à cette
époque? Mystère. En 1918, lors de l'offensive
allemande, les verrières sont déposées
par prudence. Elles le sont à nouveau en 1940,
et entreposées au donjon de Niort. Après
avoir été restaurées par l'atelier
Gruber, elles sont réinstallées dans le
chur de Saint-Éloi.
Source : Corpus Vitrearum,
Les vitraux de Haute-Normandie,
Éditions du Patrimoine, 2001.
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Angelots dans la nuée (stuc)
Décoration baroque du XVIIIe siècle sur l'absidiole
sud. |
VITRAIL DE LA PASSION (baie 101)
Première moitié du XVIe siècle. |
Clé pendante gothique ornant la baie axiale murée
(XVIe siècle). |
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Architecture.
Une chose frappe en rentrant dans l'église :
ce sont les piliers cannelés. On se croirait
presque dans un temple grec. Cet ornement n'est pas
du XVIe siècle, mais du XVIIIe, quand l'architecte
Martinet entreprit de transformer le style gothique
de l'église en style baroque.
La nef est scandée de ces piliers à cannelures,
reliés par des arcs brisés. L'ensemble
soutient la rangée des grandes fenêtres
du second niveau. Le concepteur du XVIe siècle
a choisi de séparer nettement les deux niveaux
de l'élévation en ajoutant, sur tout le
long de la paroi, une corniche ornée d'une frise
à thème floral. Cette corniche interrompt
les fines colonnettes engagées qui montent depuis
le chapiteau jusqu'à la retombée des voûtes.
Tout cela est gothique. Il faut bien le reconnaître
: en parcourant du regard la voûte, puis les colonnettes
entre les grandes fenêtres, enfin la corniche
et les arcs brisés, la présence de colonnes
cannelées choque. Pour les habitués de
l'art gothique et de l'art roman, cette association
n'est pas logique. On s'attendrait plutôt à
trouver des piles fasciculées.
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Chapiteau à thème floral sur les piliers. |
Au début du XVIIIe siècle, les absidioles furent
recouvertes
de plaques de marbre dans le goût baroque.
Ici, l'absidiole sud. |
La voûte du temple Saint-Éloi. |
Clé pendante gothique ornant les grandes fenêtres
(XVIe siècle).
La plupart de ces clés ont été supprimées
au XIXe siècle,
parce que jugées en trop mauvais état. |
Clé pendante gothique ornant les grandes fenêtres,
(ici la baie nord du chur), XVIe siècle. |
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Le chur et la gloire de Saint-Éloi
La gloire, installée après la Révolution, vient
de l'église Saint-Étienne des Tonneliers.
Le vitrail de la Crucifixion (baie centrale) est maintenant à
l'église Saint-Nicaise à Rouen. |
VITRAIL DE LA PASSION, rangée du bas
La Vierge est entourée de deux couples de donateurs,
d'un roi et d'un prêtre. |
Clé de voûte gothique au-dessus du chur. |
Clé de voûte gothique au-dessus du chur. |
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«Les Funérailles de saint Éloi»
Bas-relief en marbre du XVIIIe siècle, dans le soubassement
de l'autel.
Ce bas-relief fut dégagé de dessous l'autel en 1945.
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Les angelots dans la gloire du chur. |
Le calice (1er quart du XVIe siècle) dans le VITRAIL DE LA
PASSION.
On remarquera le Calvaire «incrusté» dans l'Eucharistie. |
Le vitrail
de la Passion (baie 101). C'est un vitrail composite,
sans thème général. On y trouve plusieurs
éléments de verrières, les personnages
ne sont d'ailleurs pas tous à la même échelle.
L'ensemble remonte toutefois aux années 1530-1550.
Une belle Vierge à l'Enfant (donnée plus bas
en gros plan) occupe le centre de la première rangée.
Derrière la Vierge se trouve, à droite et à
gauche, deux éléments d'architecture totalement
différents et quelque peu énigmatiques. Celui
de gauche ressemble presque à un palais moderne, celui
de droite à un château façon Walt Disney.
À la Vierge sont ajoutés des donateurs, un roi
et un prêtre. Élément à ne pas
manquer dans le calice au-dessus de la Vierge : l'Eucharistie
contient un surprenant Calvaire (donné ci-contre).
Dans la rangée
du milieu, saint Pierre (à la tête très
restaurée) trône entre un saint évêque
non identifié et saint Jean-Baptiste (dont les têtes
sont aussi restaurées). La robe du saint évêque
montre un magnifique travail au jaune d'argent (voir plus
bas). Enfin, la rangée supérieure illustre
une flagellation
: Jésus, au centre, est fouetté par deux bourreaux,
dont l'un tourne le dos, montrant sa tunique rouge. Jésus
est présenté dans un portique ouvert, enrichi,
au dernier plan, d'un paysage décoré de fabriques.
Au-dessus se tiennent deux petites figures : un magistrat
et un grand-prêtre, datées aux alentours de 1550.
Dans le tympan,
Jésus enfant se dresse sur un globe terrestre (1540-1550),
entouré d'un ange adorateur et d'un ange trompettiste
(vers 1530).
Source : Corpus Vitrearum, Les vitraux
de Haute-Normandie, Éditions
du Patrimoine, 2001.
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VITRAIL DE LA PASSION, la Vierge et l'Enfant
sur un fond architectural associant deux édifices bien différents
et assez énigmatiques. |
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VITRAIL DE LA PASSION
Les donateurs à droite de la Vierge,
(fin du XVe siècle, début du XVIe, restauré,
notamment les têtes). |
«««---
Un ange adorateur dans la gloire du chur. |
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VITRAIL DE LA PASSION
Rangée n°2 : un saint évêque, saint
Pierre et saint Jean-Baptiste, vers 1530 (têtes refaites).
On remarquera de belles arcades Renaissance à l'arrière-plan. |
À DROITE ---»»»
VITRAIL DE LA PASSION, décoration au jaune d'argent
sur la robe du saint évêque. (vers 1530) |
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VITRAIL DE LA PASSION
Rangée du haut : le magistrat (vers 1550)
À DROITE ---»»»
Un ange adorateur dans la gloire du chur. |
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VITRAIL DE LA PASSION
Le prêtre à droite de la Vierge (vers 1550).
Il est représenté sur un fond de damas blanc. |
VITRAIL DE LA PASSION
Les donateurs à gauche de la Vierge
(fin du XVe siècle, début du XVIe, restauré,
notamment les têtes). |
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VITRAIL DE LA PASSION
La Flagellation, détail (1540-1550)
À l'arrière-plan, un paysage décoré de
fabriques. |
«««---
VITRAIL DE LA PASSION, La Flagellation (1540-1550) |
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VITRAIL DE LA PASSION
Le tympan : Jésus enfant, debout sur le globe du monde
(1540-1550) entouré de deux anges. |
Le
vitrail de l'Arbre de sainte Anne (baie 102).
Ce vitrail répond à une cohérence
générale (l'arbre de la descendance de
sainte Anne), mais il est grêlé de nombreux
bouche-trous qui le rendent par endroits illisible.
L'ensemble de la verrière est daté du
2e tiers du XVIe siècle.
Dans la rangée du bas, sainte Anne est assise
sur un trône Renaissance, surmonté d'un
baldaquin. À ses pieds se tient une petite Marie
enfant (sur la gauche), pratiquement méconnaissable.
Elle est entourée des deux demi-surs de
la Vierge : Marie Salomé et Marie Cléophas
(voir plus
bas). Cette dernière est étrangement
coiffée de la tête de saint Jacques le
Majeur. Ce qu'on peut lire aussi comme un saint Jacques
le Majeur habillé en femme (!) Au-dessus d'Anne,
comme pour les Arbres de Jessé, des branches
se déploient pour soutenir la descendance de
la sainte. À gauche, les deux fils de Marie Salomé,
Jacques le Majeur (sans tête), au-dessus saint
Jean l'Évangéliste (avec une tête
interpolée). À droite, on trouve les quatre
fils de Marie Cléophas : saint
Simon et saint Joseph le Juste, en bas (têtes
manquantes) ; saint Jacques le Mineur et saint Jude
(fragments manquants remplacés des bouche-trous),
au-dessus. Au centre du vitrail, un élément
très hétéroclite : une Vierge à
l'Enfant dont on ne voit que la robe. Au-dessus, un
Christ à la tête restaurée et qui
paraît moustachu (voir ci-dessous). Enfin le tympan
comprend deux anges adorateurs devant ce qui devrait
être le Père céleste. Mais le visage
du Père ne correspond guère à l'image
habituelle. Il s'agit nécessairement d'un élément
extérieur. Le Corpus Vitrearum parle simplement
d'un «buste de personnage».
Source : Corpus Vitrearum,
Les vitraux de Haute-Normandie,
Éditions du Patrimoine, 2001.
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Buste de personnage (2e tiers du XVIe siècle)
en lieu et place d'un Père céleste
dans le tympan du vitrail de L'ARBRE DE SAINTE ANNE.
Bizarrement, les dents que l'on voit entre les lèvres
légèrement ouvertes, donne à ce personnage
un air
assez redoutable. À moins qu'il ne s'agisse d'une
restauration un peu rapide.
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VITRAIL DE l'ARBRE DE SAINTE ANNE
Le Christ tenant la croix (3e rangée), tête restaurée). |
La voûte du chur et ses clés gothiques du
XVIe siècle. |
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VITRAIL DE l'ARBRE DE SAINTE ANNE
Ci-dessus, Marie Cléophas coiffée d'une tête
de
saint Jacques le Majeur datée du 1er quart du 16e
siècle.
«««--- Marie Salomé (tête restaurée)
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VITRAIL DE l'ARBRE DE SAINTE ANNE (baie 102)
2e tiers du XVIe siècle. |
VITRAIL DE l'ARBRE DE SAINTE ANNE
Saint Simon et saint Joseph le Juste (têtes manquantes). |
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Le roi David devant la rose de la façade occidentale |
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L'orgue de tribune balayé par le soleil. |
Le positif de l'orgue et ses sculptures (vers 1730-1740). |
L'ange musicien sur la tourelle de gauche. |
À DROITE ---»»»
La nef et l'orgue de tribune vus depuis le chur. |
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Documentation : «Rouen aux 100 clochers»
de François Lemoine et Jacques Tanguy, Éditions PTC
+ «Corpus Vitrearum, Les vitraux de Haute-Normandie»,
Éditions du Patrimoine, 2001
+ «L'église Saint-Éloi», brochure disponible
dans le temple (1980). |
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