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Page créée en mars 2023
Rennes
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Saint-Sauveur
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Saint-Sauveur
Notre-Dame des Miracles et des Vertus, détail

De par sa chapelle Notre-Dame des Miracles et des Vertus dans le bas-côté nord, la basilique Saint-Sauveur est un haut lieu de la piété rennaise. Des gens y sont souvent en méditation ou en prière.
Le culte marial existe à Rennes dès le début du XVe siècle. Il est renforcé, aux XVIIe et XVIIIe, par la rivalité entre deux pèlerinages : celui géré par les Jésuites à Saint-Sauveur et celui du Vœu de Bonne-Nouvelle géré par les Dominicains. Dans le Dictionnaire du patrimoine rennais, l'historien Georges Provost rappelle que cette rivalité va créer la légende du Miracle de Notre-Dame des Vertus survenu à Saint-Sauveur en 1357, lors de la guerre de Succession de Bretagne.
Le lointain passé de la basilique reste opaque. Selon Émile Bonnelière et Charles Grosset dans 600 ans de Dévotion Mariale, le nom de Saint-Sauveur apparaît dans les documents écrits dès le XIIe siècle. La plupart des textes actuels, cependant, rapportent que c'est en 1310 qu'une chapelle de quartier, rattachée à l'église Toussaints, a été construite à l'emplacement de la basilique. La population s'accroissant, cette chapelle fut agrandie, puis érigée en paroisse en 1667.
La partie occidentale de l'édifice s'écroule en 1682. La restauration est rapide et le culte reprend. En 1701, une reconstruction complète est décidée. Elle démarre en 1703 par le chœur et le transept sous la direction de l'architecte François Huguet. Une loterie en assure le financement. Le chœur, achevé en 1719, est à présent dirigé vers l'ouest : la nouvelle église sera ainsi insérée dans la ville, au cœur de Rennes, avec une façade ouvrant à l'est, sur une place commerçante.
En décembre 1720 éclate le grand incendie qui détruit une partie des quartiers nord de Rennes. Selon Émile Bonnelière et Charles Grosset, les travaux de Saint-Sauveur ne paraissent pas en avoir été retardés car seule la partie ancienne a vraiment souffert. Chœur et transept sont néanmoins restaurés. François Huguet, mort en 1730, est remplacé par l'architecte Le Forestier à qui l'on doit, vers 1755, la façade de type italien. Auparavant, la tour du clocher avait été érigée dès 1741.
Quand la Révolution éclate, les travaux de la cathédrale, qui est en reconstruction, sont interrompus. Saint-Sauveur acquiert le statut de cathédrale de Rennes pour l'évêque constitutionnel Le Coz. En 1793, l'église devient temple de la Raison, puis temple de l'Être suprême en 1794. Après le Concordat, la cathédrale Saint-Pierre reprend son statut et Saint-Sauveur redevient église paroissiale.
La dévotion à Notre-Dame des Miracles s'accroît et l'église est érigée en basilique en août 1916 par le pape Benoît XV.
En 1939, la paroisse Saint-Sauveur est rattachée à la cathédrale, l'église devient Basilique de dévotion réservée au culte de Notre-Dame des Miracles. En 2002, elle redevient paroissiale. Entre-temps, la guerre a détruit tous les vitraux.
Saint-Sauveur est une église plongée dans la pénombre. Si des lumières artificielles n'étaient pas allumées en permanence, les visiteurs seraient dans le noir. Il s'y produit en fait le même phénomène qu'à l'église Saint-Vincent de Paul à Paris : les baies n'ont pas une surface importante et les verrières de l'atelier Barillet sont assez opaques.
Le chœur de la basilique est à l'ouest. Dans cette page, les directions indiquées sont prises au sens liturgique, c'est-à-dire avec un chœur considéré comme faisant face à l'est. Dans le cas contraire, l'indication «géographique» est ajoutée.

Vitrail de Jean Barillet : Notre-Dame de la Cité, détail
Vue d'ensemble de la nef et du chœur depuis l'entrée de la basilique
Vue d'ensemble de la nef et du chœur depuis l'entrée de la basilique.
Les gens assis sur la droite font face à la chapelle Notre-Dame des Miracles. Leur présence rappelle que l'église est un haut lieu de la piété rennaise.
La façade, vue depuis la rue Du Guesclin, est dirigée vers l'Orient
La façade à l'italienne, vue depuis la rue Du Guesclin, est dirigée vers l'Orient.
Elle est l'œuvre de l'architecte Le Forestier
qui reprit la construction après la mort de Huguet en 1730.
Vue de l'église depuis la rue Montfort
Vue de la basilique depuis la rue Montfort.
L'étroite rue Saint-Sauveur longe l'église sur son côté sud géographique (celui qui est visible sur la photo).
Inscription au «Christ Sauveur» dans le tympan du portail central
Inscription au «Christ Sauveur» dans le tympan du portail central.
Fronton du portail
Plaque avec les armes de la basilique sur le fronton du portail.
La présence du tintinnabulle et de l'ombrellino indique que cette plaque a été gravée après 1916, année d'érection de l'église en basilique.

Architecture extérieure.
Contrairement à la règle liturgique habituelle, le chœur de l'église est orienté vers l'ouest géographique ; sa façade, vers l'est. Cette disposition permet à l'édifice de s'intégrer pleinement dans la ville en s'ouvrant sur l'actuelle place commerçante Saint-Sauveur. La basilique n'est visible que sur deux côtés : la façade et le côté sud (géographique) le long de la rue Saint-Sauveur.
Hormis l'original lanternon à la croisée du transept (ci-contre à droite), l'intérêt extérieur de la basilique se réduit à sa façade de style italien que l'on peut dater des années 1730-1750. Celle-ci ressemble énormément à la façade de Notre-Dame des Victoires à Paris (2e arr.) commencée en 1629, soit près d'un siècle plus tôt.
La façade de Saint-Sauveur, avec ses deux niveaux séparés par une corniche saillante, est très sobre. Le second niveau, qui ferme le vaisseau central, ne comprend ni inscription ni sculpture. Le fronton triangulaire qui le coiffe est nu.
Inscriptions et symboles se trouvent dans la partie inférieure. Le nom de la basilique Christo Salvatori est gravé dans le tympan qui surmonte le portail d'entrée. Quant à la plaque du fronton (donnée ci-dessus), elle porte, au-dessus du blason central, la devise de l'église Ad Jesum per Mariam (À Jésus par Marie). On voit dans le blason une cloche qui rappelle le miracle de 1357. De part et d'autre de ce blason figurent les deux emblèmes distinctifs d'une basilique : le tintinnabule (qui est une petite cloche suspendue dans un support portatif) et l'ombrellino

Tour sur la croisée de la basilique
Lanternon à deux étages sur la croisée de la basilique.
Partie haute de la façade de la basilique
Le second niveau de la façade de la basilique est flanqué, au nord et au sud, de deux ailerons.
Ce niveau ne comporte ni inscription, ni sculpture : le fronton et le petit relief au-dessus de l'arcade centrale sont nus.
Rue Saint-Sauveur
La rue Saint-Sauveur longe le côté sud géographique de l'église.
À l'intérieur de l'édifice, il correspond au côté nord liturgique.
Le côté sud géographique de la basilique dans la rue Saint-Sauveur
Le côté sud géographique de la basilique dans la rue Saint-Sauveur.
Comme le portail principal, la petite porte ci-dessus a été enfoncée
sur ordre le 16 février 1906 lors des inventaires.
Maison à pans de bois et restaurant dans la rue Saint-Sauveur
Ancienne maison à pans de bois avec
un restaurant dans la rue Saint-Sauveur.
LA NEF DE LA BASILIQUE SAINT-SAUVEUR
Élévation sud de la nef
Élévation sud (liturgique) de la nef.
Dans l'entablement, la frise de triglyphes et de métopes ne présente que des reliefs plats et nus.
La zone lumineuse correspond à la chapelle Notre-Dame des Miracles (ci-contre), toujours très éclairée.

Architecture intérieure. Elle se présente comme celle de l'église Toussaints. Les deux niveaux de l'élévation sont séparés par un large entablement constitué lui-même de deux éléments : une frise de triglyphes et de métopes nus surmontée d'une corniche saillante (photo ci-dessus). Comme à Toussaints, cet entablement fait le tour complet de l'église. Mais, à Saint-Sauveur, il n'y a aucun bas-relief décoratif. Comme à Toussaints, de massives piles carrées séparent les travées et, dans le transept, soutiennent la coupole.
La basilique Saint-Sauveur est un édifice plongé dans la pénombre. Les vitraux aux teintes opaques de l'atelier Barillet y contribuent fortement. Et l'absence de fenêtres hautes dans le transept, au nord et au sud, n'améliore pas la luminosité. Le chœur doit être éclairé pour être visible.

Chapelle Notre-Dame des Miracles et des Vertus
Chapelle Notre-Dame des Miracles et des Vertus dans le bas-côté sud.
Il est rare de ne pas voir de fidèles en prière devant cette chapelle.
Plan de la basilique Saint–SauveurCliquez ici pour voir l'autel Saint-Joseph dans le transeptCliquez ici pour voir l'autel de la Vierge dans le transeptCliquez ici pour voir la chapelle du Sacré-CœurCliquez ici pour voir la chapelle Notre-Dame des MiraclesCliquez ici pour voir la porte de la rue Saint-SauveurCliquez ici pour voir le baptistèreCliquez ici pour voir le transept de la basiliqueCliquez ici pour le chœur de la basilique
Plan de la Basilique.
Statue de Notre-Dame des Miracles et des Vertus
Statue de Notre-Dame des Miracles et des Vertus, détail.
Statue réalisée par Goupil en 1876. La précédente a disparu lors de la Révolution.
Statue de Jean Eudes et mur d'ex-voto à côté de la chapelle Notre-Dame des Miracles
Statue de Jean Eudes et mur d'ex-voto
à côté de la chapelle Notre-Dame des Miracles.
Grille du baptistère de Jean Guibert Grille du baptistère de Jean Guibert, détail
Grille du baptistère de Jean Guibert, détail.

«««--- Grille du baptistère de Jean Guibert (XVIIIe siècle).
Jean Guibert est également le réalisateur de la chaire à prêcher
sur un dessin d'Alberic Graapensberger.
Voûte de la nef et de la croisée
Voûte de la nef et de la croisée.

Le Miracle du 8 février 1357.
Le seul pèlerinage actuel de la ville de Rennes, celui à Notre-Dame de la basilique Saint-Sauveur, repose sur ce «miracle». Rappelons les faits.
Lors de la guerre de Succession de Bretagne (1341-1364), les Anglais et le parti de Montfort mettent le siège à la ville de Rennes qui a pris le parti de Charles de Blois.
La légende raconte que les Anglais, aux prises avec la résistance opiniâtre des habitants, décident de creuser un souterrain pour s'introduire dans la ville. Mais les cloches de la chapelle Saint-Sauveur se mettent à sonner toutes seules. Dans l'édifice, deux cierges s'allument sur l'autel de la Vierge, tandis que la statue de la Vierge pointe du doigt l'endroit précis par où doivent déboucher les assaillants (ce que fait la Vierge dans le vitrail de Jean Barillet ci-contre, alors que les Anglais s'entassent dans la partie inférieure qui représente le souterrain).
Dans le Dictionnaire du patrimoine rennais, Georges Provost écrit que le culte marial existe à Rennes dès le début du XVe siècle et que la légende du souterrain n'apparaît, dans les documents écrits, qu'au XVIe. Sa date est d'ailleurs incertaine : 1342, 1343, 1345 ou 1357.
La création et le renforcement de cette légende reposent en fait dans la rivalité, aux XVIIe et XVIIIe siècles, entre deux pèlerinages : celui orchestré par les Jésuites à Saint-Sauveur et celui du Vœu de Bonne-Nouvelle honoré par les moines dominicains.
Pourquoi le siège de Rennes a-t-il été levé? Dans l'Histoire des Villes de France, l'historien Aristide Guilbert raconte le rôle majeur de Du Guesclin et de sa troupe, harcelant les Anglais à l'extérieur de la ville, alors que les assauts directs des assiégeants pour prendre Rennes échouent les uns après les autres. Aristide Guilbert écrit : «L'intrépide aventurier apprend (...) qu'une partie des troupes anglaises s'est éloignée sur un faux avis pour aller à la rencontre d'un renfort supposé ; il fond aussitôt sur le camp des ennemis, renverse et incendie leurs tentes, s'empare de leurs provisions, et, chargé de ce précieux butin, s'ouvre un passage et entre dans Rennes.» Par la suite, grâce à ses faits d'armes pour défendre la cité, Du Guesclin aura l'occasion de faire savoir aux Anglais qu'il est rentré dans la ville. Rappelant que «les assiégeants ne souffraient pas moins que les assiégés d'une lutte si obstinée», l'historien conclut cette histoire de siège par ces mots : «Le duc de Lancaster comprit enfin qu'il était impossible de réduire une ville défendue par de tels hommes. Moyennant la vaine parade d'un simulacre de capitulation, que les Rennais concédèrent volontiers à son amour-propre, il consentit à se retirer avec son armée. Le siège, commencé le 3 octobre 1356, fut levé le 3 juillet 1357.»
Sources : 1) Dictionnaire du patrimoine rennais sous la direction de Jean-Yves Veillard et Alain Croix, Éditions Apogée, 2004 ; 2) Histoire des Villes de France sous la direction d'Aristide Guilbert, 1844.

Vitrail «Marie, tour de David» dans la chapelle Notre-Dame des Miracles
Vitrail : Marie, tour de David.
Chapelle Notre-Dame des Miracles.
«L'Éducation de la Vierge»
Tableau : L'Éducation de la Vierge.
Autel Saint-Louis et Sainte-Anne.
Absidiole sud.
Vitrail «Incendie de 1720»
Vitrail : L'Incendie de 1720.
Atelier Jean Barillet, 1953.

Notre-Dame des Miracles et des Vertus suscita une dévotion
intense pendant l'incendie. Certains attribuent à son
intervention la forte pluie qui mit fin au sinistre.

«««--- La voûte. Dans le Dictionnaire des églises de France (Robert Laffont, 1966), l'historienne Denise Robert-Maynial fait remarquer une disposition rarement soulignée : la voûte d'arêtes présente des clés en forme de croix (flèches jaunes).

Notre-Dame des Vertus et des Miracles, vitrail de Louis Barillet, années 1950
Vitrail : Le Miracle du 8 février 1357.
Atelier Jean Barillet, 1953.

Notre-Dame de Pontmain par Jean Barillet, détail.
Le vitrail entier est donné plus bas.

Les vitraux de Jean Barillet à Saint-Sauveur.
Son père Louis Barillet (1880-1948) créa son atelier de vitraux en 1919. Avec Jacques Le Chevallier et Théodore Hanssen, il sera un élément majeur du renouveau du vitrail en France et prendra sa part dans les reconstructions d'églises de la région Nord-Est après les destructions de la première guerre mondiale.
Louis Barillet décède en 1948. Son fils Jean reprend les rênes de l'atelier, secondé par son épouse Karin, d'origine suédoise.
Créant son propre style, il participe à la seconde reconstruction d'églises, notamment en Normandie après les pertes de 1939-45. Son atelier va suivre la tendance nouvelle du vitrail en dalle de verre et s'élargir à l'international.
Les vitraux créés par Jean Barillet à Saint-Sauveur sont datés de l'année 1953.
Ceux du premier niveau sont de grand format et relatent des événements rennais en liaison avec Notre-Dame des Miracles : L'Incendie de 1720 ; le Miracle du 8 février 1357 ; le Congrès marial national de 1950, etc.). Les vitraux du second niveau sont plus petits et illustrent des épisodes de la vie de la Vierge.
Les vitraux de Jean Barillet sont contemporains de ceux réalisés par Max Ingrand dans deux autres églises rennaises : Saint-Germain et Toussaints. La différence de style saute aux yeux. Les personnages de Max Ingrand, aux visages toujours enfantins, sont logés dans un environnement graphique très propre, un peu naïf. À l'opposé, ceux de Jean Barillet possèdent un graphisme nerveux, dynamique, de coloris assez sombres, au sein d'une composition parfois agressive à l'œil. Ce choix stylistique empêche la lumière du jour de pénétrer suffisamment, plongeant l'église Saint-Sauveur dans la pénombre.
Pour le dessin de ses personnages, Jean Barillet use d'un style qui s'éloigne de celui de son père. Dans l'ouvrage Atelier Louis Barillet maître verrier (Éd. 15, square des Vergennes), Cécile Nebout et Jean-François Archieri écrivent : «Si les fonds géométriques sont hérités des leçons de son père, les personnages s'éloignent de plus en plus du réalisme. Les mains notamment ont une taille disproportionnée, les yeux se cernent de noir et les drapés des vêtements sont suggérés par des aplats de grisailles. Le rôle des plombs est également modifié puisque leur placement devient aléatoire et ne sert plus nécessairement à définir les contours et les couleurs.»
Les vitraux de Saint-Sauveur illustrent bien ce graphisme sombre. Le visage de Notre-Dame de Pontmain, donné ci-contre, pourrait être pris pour celui de Belphégor ! Quant à la taille démesurée des mains et des doigts, les verrières de cette page en donnent d'abondants exemples.
Dans le Dictionnaire du patrimoine rennais, Georges Provost déplore «l'ambiance très particulière» de l'église Saint-Sauveur. C'est pourtant, rappelle-t-il, le point de départ d'un pèlerinage qui a gagné en importance depuis la nouvelle statue de Notre-Dame des Miracles en 1876, suivie de son couronnement en 1908 et de l'érection de l'église en basilique en 1916. Il écrit : «(...) la pénombre, accentuée par les vitraux de 1953, ne met guère en valeur la qualité de l'architecture - conçue pour une toute autre lumière - ni celle du mobilier (baldaquin et chaire en ferronnerie du 18e siècle).»
Sources : 1) Atelier Louis Barillet maître verrier, Éditions 15, square des Vergennes, 2005 ; 2) Dictionnaire du patrimoine rennais sous la direction de Jean-Yves Veillard et Alain Croix, Éditions Apogée, 2004.

Notre-Dame des Vertus et des Miracles, vitrail de Louis Barillet, années 1950, détail
Vitrail : Le Miracle du 8 février 1357, détail.
Chapelle Saint-Sauveur, 1357 : les Anglais s'apprêtent à sortir du souterrain qu'ils ont creusé pour rentrer dans Rennes.
Atelier Jean Barillet, 1953.
Chaire à prêcher de Jean Guibert (1779-1781)
La chaire à prêcher a été créée de 1779 à 1781 par Jean Guibert
sur un dessin d'Alberic Graapensberger, artiste allemand établi à Rennes.
Cette chaire est présentée comme un chef d'œuvre de ferronnerie.
La cuve de la chaire à prêcher
La cuve de la chaire à prêcher (dessin d'Alberic Graapensberger).
Vitrail «La Sainte Famille»
Vitrail : La Sainte Famille.
Atelier Jean Barillet, 1953.
Vitrail «Entrée de Marie au temple»
Vitrail : L'Entrée de Marie au temple.
Atelier Jean Barillet, 1953.

L'incendie de Rennes de décembre 1720.
Au grand siècle, Rennes présente un fort contraste entre le nord et le sud. Le nord concentre les belles demeures. Là vivent les nobles, les parlementaires, les vieilles familles de négociants. On trouve aussi les groupes sociaux économiquement rattachés à la classe sociale précédente : une partie des artisans, des libraires ; la plupart des orfèvres. En revanche, au sud, dans des locaux souvent frustres, souvent insalubres, logent les artisans pauvres, les petits marchands ; bref, l'ensemble des métiers qui ne portent aucun prestige.
Le 23 décembre 1720, un artisan de la zone nord, peut-être ivre, met le feu à son logement. Comme la majeure partie des maisons sont bâties en bois et en torchis, le feu s'étend rapidement, profitant des rues étroites et des maisons en encorbellement. De plus, le bois pour le chauffage d'hiver s'entasse dans les maisons... Dans son Histoire de Rennes, Xavier Ferrieu attribue la responsabilité du désastre en grande partie aux autorités municipales : dans les quartiers nord, en raison du pedigree des habitants, elles n'ont jamais voulu faire abattre de maisons pour créer des coupe-feux préventifs. À présent que l'incendie ravage tout, c'est la seule solution pour le circonscrire... Près de la cathédrale et du palais du Parlement, des bâtiments sont démolis à la hâte. Même chose le long de la Vilaine que le feu ne pourra pas franchir, épargnant ainsi la zone sud. Le 29 décembre, grâce aux sauveteurs et à une forte pluie providentielle (miraculeuse diront certains), l'incendie s'éteint.
On dénombre moins de dix morts, mais les pertes matérielles sont énormes : 945 bâtiments de la zone nord sont sinistrés ; on compte huit mille sans-abris. La cathédrale n'est pas touchée, mais l'église Saint-Sauveur est endommagée. L'autel, les confessionnaux, les registres paroissiaux sont partis en fumée, peut-être aussi la totalité de la toiture. L'étendue des dégâts demeure incertaine. La statue de Notre-Dame des Miracles s'en sort indemne.
Aussitôt, les paroisses organisent l'entraide. Le Conseil royal ainsi que des grands du royaume, sitôt informés, versent de quoi assurer les premiers secours. L'intendant décide d'autoriser, sur tous les terrains libres, la construction de baraques provisoires où vont s'installer les artisans et les petites gens.
La reconstruction va changer la face de Rennes. Aux yeux des visiteurs contemporains, une partie de la ville est moderne avec de belles avenues, de grandes places et d'élégants bâtiments du XVIIIe siècle. Le tout est quasiment encerclé par un réseau de petites rues sinueuses où se dressent parfois des maisons à pans de bois. Ce sont les quartiers qui n'ont pas été touchés par l'incendie. Si l'on excepte les conséquences des bombardements des deux guerres mondiales, aucune autre ville de France ne présente un pareil contraste.
Sources : 1) Histoire de Rennes de Xavier Ferrieu, Éditions Gisserot, 2001 ; 2) Histoire de Rennes sous la direction de Jean Meyer, Privat Éditeur, 1972.

La nef, le bas-côté sud et le chœur
La nef, le bas-côté sud et le chœur de la basilique Saint-Sauveur.
Sur la droite, le vitrail du XIXe siècle est l'un des rares qui n'aient pas été créés par l'atelier Jean Barillet.
Le pélican orne l'abat-son de la chaire à prêcher
Le pélican surmonte l'abat-son de la chaire à prêcher.
Vitrail «Incendie de 1720», détail
Vitrail : L'Incendie de 1720, détail.
Vitrail XIXe siècle dans le bas-côté sud
Vitrail du XIXe siècle aux armes de la basilique
dans le bas-côté sud.

Blason de la ville de Rennes dans le vitrail de
Notre-Dame de la Cité.
Vitrail «Notre-Dame de la Cité»
Vitrail : Notre-Dame de la Cité.
Atelier Jean Barillet, 1953.
Saint Maximin, évêque de Rennes au Ier siècle (?),
introduit le culte de la Vierge dans sa ville.

À propos du style de Jean Barillet, comment la lumière extérieure
peut-elle passer à travers un vitrail aussi opaque ?...
Voir l'encadré sur les vitraux plus haut.
Tableau «Notre-Dame de Bonne-Nouvelle»
Tableau votif : En 1720, Notre-Dame de Bonne-Nouvelle arrête l'incendie.
Copie de l'aquarelle de Jean-François Huguet qui se trouve à l'église Saint-Aubin.
Vitrail «Incendie de 1720», détail : les maisons cernées par le feu
Chaire à prêcher et bras nord du transept
Chaire à prêcher et bras nord du transept.

«««--- Vitrail : L'Incendie de 1720, détail.
Les maisons sont cernées par le feu.
LE TRANSEPT DE LA BASILIQUE SAINT-SAUVEUR
La croisée et le bras nord du transept
La croisée et le bras nord du transept de la basilique Saint-Sauveur.
Dans le fond à droite : la chapelle du Sacré-Cœur.
Autel de la Vierge dans le bras nord
Autel de Notre-Dame des Victoires dans le bras nord.
La statue est inspirée de celle de Notre-Dame des Victoires à Paris.

L'église Saint-Sauveur et la loi de 1905 (1/5).
La Séparation de l'Église de l'État, votée le 9 décembre 1905 par l'Assemblée, a souvent créé des remous dans les paroisses de l'Hexagone. L'État prenait possession de tous les éléments cultuels de France, mais surtout obligeait le clergé à soumettre chacune de ses églises à un inventaire du mobilier et de tous les objets utilisés pour la liturgie. Prélats et fidèles en furent scandalisés. Du jamais vu depuis deux mille ans ! Du jamais vu depuis que l'Église était l'Église ! Soucieux de leurs prérogatives, de l'honneur de la religion qui a fait la France, les ecclésiastiques prirent ces incursions et ces comptages pour une profanation inadmissible, une insulte à Dieu. Et les paroissiens leur emboîtèrent le pas : personne ne devait souiller le sol des églises pour se livrer à cette mascarade impie.
À Rennes, le préfet d'Ille-et-Vilaine, M. Rault, prévoyait des barrages devant les portes des édifices religieux. Il pensa d'abord mener les inventaires à une date précise pour chacun d'entre eux, puis se ravisa. C'était trop facile pour les paroissiens : si tous les Rennais opposés à la loi se regroupaient à chaque fois devant les portes de l'édifice concerné, son labeur allait se multiplier. Il décida donc de réaliser tous les inventaires en même temps : le vendredi 16 février 1906.
---»» Suite 2/5 à droite.

Vitrail «Notre-Dame de Lourdes»
Vitrail : Notre-Dame de Lourdes.
Atelier Jean Barillet, 1953.
Vitrail «Notre-Dame de Pontmain»
Vitrail : Notre-Dame de Pontmain.
Atelier Jean Barillet, 1953.
«««--- Les grands retables du transept sont datés du début du XVIIIe siècle.
Ils ne peuvent pas se rattacher à l'école lavalloise : à cette époque, elle avait quasiment disparu.
Voir des exemples de retables lavallois à l'église Toussaints de Rennes.
Vitrail «Notre-Dame de la Salette»
Vitrail : Notre-Dame de la Salette.
Atelier Jean Barillet
Années 1953.
Autel de Saint-Joseph dans le bras sud du transept
Autel de Saint-Joseph dans le bras sud du transept
La voûte de la croisée et du chœur
La voûte de la croisée et du chœur.

L'église Saint-Sauveur et la loi de 1905 (2/5).
---»» La situation du Préfet était compliquée. En effet, devant la politique anticléricale du gouvernement, les villes avaient tendance à élire des maires catholiques et souvent pratiquants. C'était le cas à Rennes où Eugène Pinault, un riche tanneur, par ailleurs conseiller municipal et ancien député d'Ille-et-Vilaine, avait été élu à la mairie en 1900. Une responsabilité qu'il honorera jusqu'en 1908. L'historien Xavier Ferrieu l'écrit dans son Histoire de Rennes (Gisserot, 2001) : Pinault avait clairement annoncé qu'il refusait d'assurer le maintien de l'ordre lors des inventaires...
Même si le cardinal Labouré, archevêque de Rennes avait recommandé aux curés de laisser les églises ouvertes, le Préfet savait très bien que les Rennais allaient s'opposer à la «profanation» des églises par la fonction publique. Anticipant des échauffourées et en l'absence de la police, il lui fallait disposer d'une force armée suffisante.
Le témoin des événements décrit ainsi la journée du jeudi 15 février : «De tous les côtés, par tous les trains, arrivent les gendarmes. Tous ceux du département, ceux même des départements voisins, jusque de Lannion, ont été appelés pour la grande journée. Habitués à protéger l'ordre, et à poursuivre les coquins et les voleurs, ils se sentent bien un peu déconcertés de la triste besogne qu'on leur impose. Pauvres gens ! Ils n'avaient pas rêvé de devenir gendarmes pour assister au sac des églises, ou à la violation des propriétés.»
---»» Suite 3/5 plus bas.

Groupe sculpté de saint Joseph avec l'Enfant dans le bras sud du transept
Groupe sculpté de saint Joseph avec l'Enfant.
Autel Saint-Joseph dans le bras sud du transept.
Statue de sainte Germaine dans la chapelle du Sacré-Cœur
Statue de sainte Germaine.
Chapelle du Sacré-Cœur.
Vitrail «Mariage de la Vierge»
Vitrail : Le Mariage de la Vierge.
Atelier Jean Barillet, 1953.
Chapelle absidiale nord du Sacré-Cœur
Chapelle absidiale nord du Sacré-Cœur.
La croisée et le bras nord du transept
La croisée et l'autel de messe, le bras nord du transept et le chœur avec le maître-autel et son baldaquin.
LE CHŒUR DE LA BASILIQUE SAINT-SAUVEUR
Le chœur et le baldaquin de la basilique Saint-Sauveur
Le chœur et le baldaquin de la basilique Saint-Sauveur.
Le maître-autel a été achevé en 1768.
De part et d'autre se dressent les statues de saint Pierre (cachée) et saint Paul.

Le chœur de la basilique. Entre les statues de saint Pierre et de saint Paul se trouve un maître-autel surmonté d'un baldaquin. Ces deux éléments sont datés de 1764-1768. Le baldaquin est porté par quatre colonnes de marbre rouge issu de la carrière de Saint-Berthevin. Une photo plus bas montre que ces colonnes soutiennent une corniche à modillons, reprenant ainsi le schéma de l'entablement qui court tout au long de l'église. Au centre de la Gloire, on peut lire le Tétragramme du Dieu trinitaire en lettres hébraïques.
Le dépliant de présentation de l'église écrit que «c'est le mieux conservé des rares baldaquins d'ancien régime en Ille-et-Vilaine».
L'autel de messe et l'ambon datent de 2011. Leur conception est due à Hervé Chouinard, à l'époque architecte en chef honoraire des Monuments historiques. Les symboles insérés au-devant de l'autel indiquent qu'il est consacré au Christ Sauveur.
À l'arrière-plan, un tableau, daté de 1824, du peintre Jean-Bruno Gassies (1786-1832) et illustrant la Transfiguration est malheureusement masqué en partie par les colonnes de marbre. Le chœur de l'église Saint-Germain de Rennes souffre du même problème. Le tableau de La Résurrection de Lazare d'Éloi Firmin Féron, dans son arrière-plan, est lui aussi masqué par les colonnes de marbre du baldaquin.

Vitrail «Le grand Retour»
Vitrail : Le Grand Retour.
Atelier Jean Barillet, 1953.
Le vitrail illustre la rencontre de Notre-Dame des Miracles et de Notre-Dame de Boulogne
à l'occasion de la Fête-Dieu de 1946.

Dessin extrait du récit À l'assaut de nos églises, publié en 1906.
Les ouvriers de la 8e compagnie se fraient un chemin à travers une foule hostile.
Une grille basse ferme le périmètre de l'église devant le grand portail.
Aujourd'hui, cette grille n'existe plus.

Détail du baldaquin du chœur
Partie haute du baldaquin dans le chœur.
La Gloire est surmontée d'un beau dais imitant les drapés.
Au sommet, deux angelots soutiennent la croix.

Saint Paul à Athènes (1/2).
Il n'est pas très courant de voir l'apôtre Paul sculpté en habit de philosophe grec, dans l'attitude de Socrate instruisant ses disciples. Jean-Baptiste Barré, qui a réalisé cette statue, a-t-il voulu rappeler le passage de saint Paul à Athènes au milieu des érudits de cette cité ?
Le discours que les Actes des Apôtres prêtent à Paul à l'Aréopage d'Athènes a provoqué les railleries de ses auditeurs, pourtant curieux de l'entendre. Ses propos sur Jésus, envoyé par le Ciel pour juger les hommes, ne passaient pas. Même chose pour la Résurrection, concept inaudible pour un Hellène. «On a pris Jésus et Résurrection pour un couple d'abstractions divinisés comme il y en avait tant dans les religions de salut, écrit Marie-Françoise Baslez dans son ouvrage Saint Paul (Pluriel, 2015). Les Athéniens virent en Paul un "picoreur", un contestataire, un "étrange étranger" qui professaient des idées bizarres.»
Il faut rappeler que, en face de saint Paul, prêts à la critique, ne siégeaient pas des sots. Certes, ces hommes, plus ou moins philosophes, partageaient l'esprit de leur temps, mais ils pratiquaient la réflexion et le raisonnement toute la journée. Les théologiens ont supposé que l'auditoire de l'Aréopage avait pris le mot anastasis (résurrection) pour le nom d'une déesse associée à Jésus... Le monothéisme d'un Christ-Juge n'avait guère de chance d'être accepté. Encore moins la résurrection. ---»» Suite 2/2 ci-dessous.

Statue de saint Paul
Statue de saint Paul dans le chœur
Œuvre de Jean-Baptiste Barré.

Saint Paul à Athènes (2/2).
---»» Cette opposition de systèmes de valeurs, ce choc de mentalités doivent conduire tout individu qui partage la foi chrétienne à se poser les questions historiquement fondamentales sur la venue du Christ : pourquoi à cet endroit-là du monde ? Pourquoi à cette époque-là ? Plus précisément : pourquoi l'Empire romain ? Pourquoi parmi le peuple juif ? Pourquoi pas avant ou après ? Pourquoi pas ailleurs ?
Dans sa Somme théologique, Thomas d'Aquin a répondu à ces questions en se plaçant toutefois sur un plan exclusivement théologique, donc assez abscons.
Une réflexion au sens historique paraît plus enrichissante. L'échec de saint Paul à Athènes ouvre d'ailleurs des pistes. Jésus est né au milieu d'un peuple monothéiste dont une partie (les pharisiens) croyait à la résurrection. Jésus pouvait-il naître dans une société polythéiste ? Dans une société croyant à la réincarnation ? Dans une société étrangère à toute idée de vie après la mort ? Et pourquoi est-il né dans l'Empire romain à l'époque d'Auguste ? Pourquoi pas chez les Indiens ou chez les Chinois ? Le peuple juif était-il donc, dans notre monde, le plus proche de la vérité, celui dont les coutumes et la philosophie de la vie s'adapteraient au schéma céleste avec le moins de difficultés ?
Au-delà de la foi pure, la mission du Christ n'était ni plus ni moins qu'un changement total de mentalité. Et elle a réussi. Il faut néanmoins se demander s'il n'y a pas eu auparavant des tentatives christiques qui ont échoué, forçant l'Au-delà à recommencer.
Malgré toute la connaissance que les historiens ont acquise sur les civilisations passées (et que Thomas d'Aquin ne pouvait pas avoir), il ne semble pas qu'un clerc érudit se soit jamais penché sur ces questions.

L'orgue de tribune
L'orgue de tribune.
Le buffet, exécuté aux alentours de 1650, vient de l'abbaye bénédictine Saint-Georges.

L'église Saint-Sauveur et la loi de 1905 (4/5).
---»» Détruire la porte principale ne suffit pas. Les ouvriers s'attaquent aussi à la petite entrée de la rue Saint-Sauveur (voir photo plus haut) qui est d'ailleurs rapidement forcée. Mais, sans que l'on sache bien pourquoi, l'inspecteur ne profite pas de cette ouverture. Qu'y avait-il donc derrière ?
En revanche, la grande porte est beaucoup plus robuste. Les haches rebondissent sur le chêne ! Il faut appliquer leur tranchant sur le bois et taper à coups de masse sur le dos des haches ! La porte finit quand même par céder, tout comme les gonds. Mais un autre obstacle surgit : une barricade de chaises et de bancs entassés, liés par du gros fil de fer, obstrue l'entrée ! Le labeur des ouvriers continue : il faut maintenant retirer le fil de fer ou le rompre, puis dégager un passage pour les officiels. En tout, casser la porte et faire place nette leur prennent deux heures.
La course d'obstacles n'est pourtant pas finie. Ce sont à présent d'épaisses vapeurs de soufre qui sortent de l'édifice, rendant l'entrée impraticable ! Une fumée jaunâtre fait même croire à un incendie. Il n'en est rien : les défenseurs de l'église ont seulement allumé des brasiers où ils ont jeté du soufre imbibé de térébenthine ! La plupart se sont enfuis. Ceux qui sont restés alimentent le feu... Pour les agents de l'État, il n'y a rien à faire contre les fumées, sinon attendre. Quelques téméraires essaient de braver les émanations toxiques : ils ressortent précipitamment, à moitié asphyxiés ! On les remet sur pied en leur faisant respirer de l'éther.
Vers 12 heures 30, l'entrée devient possible... avec un mouchoir sur la bouche. La sacristie est ouverte ; les portes des placards le sont aussi. L'inventaire a lieu au pas de charge, sans la présence du curé et des fabriciens évidemment.
---»» Suite 5/5 plus bas.

Le bas-côté nord et la chaire à prêcher
Le bas-côté nord et la chaire à prêcher.
Tableau «La Transfiguration» dans le chœur
Tableau dans le chœur : La Transfiguration (1824).
Jean-Bruno Gassies (1786-1832).

L'église Saint-Sauveur et la loi de 1905 (3/5).
--» À 18 heures ce même jour, le calme règne dans Rennes. Les agents de l'État sont entrés dans les églises pour repérer les points faibles, nous dit ce témoin qui ajoute non sans malice : «Ils savent par où ils pourront tenter l'effraction.»
À 23 heures, les portes des églises sont gardées par des escouades. À minuit, la ville est en état de siège. Pour rentrer chez eux, les habitants dont les maisons sont proches des édifices cultuels doivent établir leur identité et se faire accompagner par un agent de police.
Le témoin poursuit : «Toute la garnison de Rennes a été mobilisée : les 14 compagnies du 41e de ligne, en tenue de campagne, avec deux paquets de cartouche dans chaque giberne, les artilleurs des 7e et 10e d'artillerie, - les gendarmes, 500, dit-on -, arrivés de partout. Tout cela pour enfoncer les portes de six églises, et inspirer une salutaire terreur à quiconque voudrait bouger.»
La dévotion à Notre-Dame des Miracles et des Vertus fait de Saint-Sauveur (qui n'est pas encore basilique) l'église la plus vénérée et la plus visitée de la ville. Le soir du 15 février, des centaines de personnes veulent rester dans l'édifice pour le défendre, mais le curé réussit à les en dissuader. Toutefois, une vingtaine de jeunes gens décident de rester. La notoriété de l'église pousse les paroissiens à résister à l'inventaire par la force. Le préfet et les prélats le savent. L'armée a donc mis les moyens : 240 hommes du 10e d'artillerie ; 120 hommes du 41e d'infanterie ; 15 gendarmes à pied, renforcés de gendarmes à cheval. Précaution supplémentaire : les fonctionnaires chargés de l'inventaire sont étrangers à la ville. Le commissaire de police vient de Saint-Malo ; l'agent des domaines, M. Couallier, de Laval. Deux cantonniers sont choisis comme témoins.
Le soir du 15, le bruit court que l'église est pleine de monde, que les chaises, liées par du fil de fer, sont entassées derrière les portes. L'Administration s'attend à de la bagarre. Inquiet pour sa vie, l'inspecteur Couallier s'est confié au curé... qui s'est engagé à le défendre (!)
Arrive le matin du vendredi 16 février 1906. La foule se porte vers l'église, mais l'armée barre le passage. À 7 heures, l'inspecteur arrive, aussitôt salué par un tollé menaçant. On crie : «Vive la liberté !» ; «À bas les voleurs !». Des cantiques résonnent. Couallier se présente devant la grille de l'église, mais le curé Hévin et les membres du Conseil de fabrique font obstruction.
Le curé lit une protestation officielle : Saint-Sauveur abrite Notre-Dame des Miracles qui a sauvé la ville de Rennes d'un grand danger [l'incursion des Anglais lors du siège de 1357] ; c'est un fait que l'État a oublié ; lui-même et les fabriciens sont responsables devant Dieu des biens que renferme l'édifice ; ces biens sont sacrés et seul le pape peut les dégager de leurs responsabilités.
Comme à l'église Saint-Aubin, le curé ajoute à ces lieux communs une considération juridique : les associations cultuelles qui doivent prendre possession des biens de l'Église ne sont pas encore créées ; on ne sait d'ailleurs pas si elles le seront un jour «puisque le règlement public qui doit régler leur administration n'est pas encore édicté.»
En conséquence, garant de l'église devant Dieu, le curé ne peut en ouvrir les portes. Seule la force publique peut le faire. Au mépris du droit.
M. Marcille, président du Conseil de fabrique, renchérit : les fabriciens ont reçu mandat pour administrer les biens de cette église en bons pères de famille et ils s'y tiennent ; à la spoliation ils n'opposeront qu'une résistance passive, mais résolue, et demandent que leur protestation soit incluse dans le procès-verbal.
L'inspecteur Couallier prend note de cette opposition. Comme pour les autres églises de Rennes, la suite logique est d'aller en référé. Il doit donc contacter le préfet pour obtenir de sa part un mandat légal permettant d'utiliser la force.
Pendant ce répit, la foule grossit, sa colère augmente, tandis que les cloches sonnent le glas ! Les gens ont les yeux rivés sur le portail de Saint-Sauveur. Derrière, dit-on, se tiennent de nombreux gaillards prêts à en découdre...
Lorsque le chargé d'inventaire et le commissaire réapparaissent avec le fameux mandat, accompagnés des cantonniers et des gendarmes, le tumulte redouble : «Liberté ! A bas les voleurs !», mais aussi «Vive l'armée !». Les gens plaignent les soldats de devoir se livrer à cette basse besogne... Quelques fonctionnaires, quelques «arrivistes» manifestent contre les curés. Peu nombreux, leurs cris sont étouffés par les protestations. Aux fenêtres, les habitants du quartier ne sont pas en reste.
Il est aux alentours de 10 heures. Les ouvriers de la 8e compagnie arrivent avec les échelles, les marteaux et les haches pour forcer les portes. Cependant, rue Duguesclin, devant l'église, ils doivent se frayer un chemin à travers une foule hostile. (Voir dessin de l'époque à gauche.) Aussitôt, on entoure les ouvriers ; des cris fusent : «Enlevez les outils !» Des manifestants passent à l'acte, bousculent les ouvriers, arrachent marteaux et haches et les jettent, dit la rumeur, dans un égout. On échange des coups. L'un des manifestants, un certain de Montcuit, se défend à coups de poings contre ceux qui l'attaquent. Dans la rixe, il frappe l'un des ouvriers. Empoigné par un gendarme, de Montcuit est conduit aussitôt au Parquet sous bonne escorte.
Les premiers coups de marteau frappent la grande porte de l'église. Des cantiques retentissent dans la foule. Le Journal de Rennes, qui décrit la scène et que le témoin, auteur de l'ouvrage À l'assaut de nos églises, cite abondamment, déplore que les ouvriers exécutent leur besogne de bon cœur, contrairement aux officiels et à tous les soldats qui forment barrage.
---»» Suite 4/5 plus bas.

Vitrail «Le culte de Notre-Dame des miracles»
Vitrail : Le Culte de Notre-Dame des Miracles.
Atelier Jean Barillet, 1953.
Dans la basilique, c'est le seul vitrail qui porte une signature (visible en bas à droite).

Le Culte de Notre-Dame des Miracles.
Dans le vitrail ci-dessus, l'atelier Jean Barillet a représenté saint Jean Eudes et saint Louis-Marie Grignion de Montfort. Tous deux sont venus prier dans l'église Saint-Sauveur. On y lit aussi les noms, en petits caractères, de Marie Richelot et de Madeleine Morice. Après leurs prières à Notre-Dame des Miracles, ces deux personnes ont été «miraculeusement» guéries.
Dans la partie basse, Mgr Dubourg couronne la statue. En face de lui se trouve le cardinal Roques qui a présidé les travaux de restauration de la basilique après le second conflit mondial.
Source : 600 ans de Dévotion Mariale, brochure éditée par la paroisse.
Au niveau du style de l'atelier Barillet, on remarquera la taille un peu forcée des mains des personnages, notamment celles du cardinal Roques au premier plan.


La signature de Jean Barillet au bas du vitrail du Culte de Notre-Dame des Miracles.
Des angelots élèvent la croix au sommet du baldaquin
Deux angelots soutiennent la croix au sommet du baldaquin.
Vitrail «Le Congrès marial national de 1950»
Vitrail : Le Congrès marial national de 1950.
Atelir Jean Barillet, 1953.
À l'occasion du congrès, l'Église a organisé un défilé des Madones à travers la ville.
Il s'est clos par la statue de Notre-Dame des Miracles de la basilique Saint-Sauveur.
Vitrail «La Médaille miraculeuse»
Vitrail : La Médaille miraculeuse.
Atelier Jean Barillet, 1953.
Vitrail «La Nativité»
Vitrail : La Nativité.
Atelier Jean Barillet, 1953.
LA VIERGE DES ANNONCIATIONS DE JEAN BARILLET

Première Annonciation.

Seconde Annonciation.
Vitrail «L'Annonciation»
Vitrail : L'Annonciation.
Atelier Jean Barillet, 1953.

L'église Saint-Sauveur et la loi de 1905 (5/5).
---»» Pendant ce temps, dans la rue, au milieu des cris et des sifflets, une autre rixe oppose les paroissiens... aux anticléricaux qui les conspuent. Des bagarres éclatent. «Les gendarmes à cheval chargent à plusieurs reprises ; plusieurs personnes sont bousculées, et plus ou moins contusionnées», lit-on dans le récit du témoin. Un contre-manifestant brandit un chiffon rouge ; il est aussitôt malmené par la foule. Les gens maltraités huent les gendarmes. Le sous-préfet de Redon, présent on ne sait pourquoi, reste narquois devant toute cette scène. Il est conspué. Sont également pris à partie deux députés d'Ille-et-Vilaine. De son côté, un lieutenant commandant la gendarmerie est pris dans une bousculade. Il en sort fortement contusionné.
À son retour du référé, le commissaire spécial a pris un parapluie sur la tête ! L'objet du scandale a-t-il été lâché depuis la terrasse de l'hôtel Blossac, tout proche ? On parle d'attentat ! Ulcéré, le commissaire menace des manifestantes de leur faire tirer dessus ! Peu auparavant, à deux hommes retranchés derrière la grille qui sépare la façade de la rue, il avait déjà prévenu, très en colère, que chaque coup de poing donné vaudrait deux ans de prison ! «Il est impossible de perdre la tête à ce point !», commente l'auteur du récit, qui a pris depuis longtemps la défense des manifestants.
L'après-midi, les curieux se pressent dans l'église pour «voir les ravages opérés par les visiteurs du matin, écrit encore le narrateur, et prier aux pieds de la Vierge du Miracle.» Ne voudrait-elle sauver les paroissiens de Saint-Sauveur une fois de plus ?
Le dimanche suivant, au prône, le curé détaille les réparations à effectuer d'urgence, notamment celle de la grande porte. Chaque paroissien est invité à verser un sou.
La veille, le samedi 17 février, M. de Montcuit a été condamné par le tribunal correctionnel à cent francs d'amende et à huit jours de prison avec sursis. Il a fait appel. Malgré une belle plaidoirie de son avocat, la condamnation sera confirmée par la troisième chambre de la Cour d'appel dès le lundi suivant.
Source : À l'assaut de nos églises, récit anonyme d'un témoin, publié en 1906.

Vitrail «La Seconde Annonciation»
Vitrail : La Seconde Annonciation.
Atelier Jean Barillet, 1953.
Seconde Annonciation : un ange vient
annoncer à Marie sa mort prochaine.

Documentation : «Patrimoine religieux de Bretagne», éditions Le Télégramme, 2006
+ «Bretagne, dictionnaire guide du patrimoine, éditions du patrimoine, 2002
+ «Dictionnaire du patrimoine rennais» sous la direction de Jean-Yves Veillard et Alain Croix, Éditions Apogée, 2004
+ base Mérimée, articles sur la basilique Saint-Sauveur
+ «Dictionnaire d'histoire de Bretagne», éditions Skol Vreizh, 2008
+ «À l'assaut de nos églises», récit anonyme d'un témoin, édité en 1906
+ «600 ans de dévotion mariale» d'Émile Bonnelière et Charles Grosset, livret édité par la paroisse Saint-Sauveur.
+ dépliant sur la basilique Saint-Sauveur disponible dans l'avant-nef.
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