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L'histoire connue de l'église
Saint-Germain commence au XIIIe siècle lorsqu'une chapelle
a été agrandie en église. De cette dernière,
il reste deux
piliers à l'entrée de la sacristie
actuelle. Situé dans le faubourg est de Rennes,
cet édifice était à l'extérieur de l'enceinte
fortifiée qui enserrait la ville.
Dans la première moitié du XVe siècle, les
combats de la guerre de Cent Ans continuent en France, entraînant
destructions et misères. Mais, en Bretagne, la paix règne.
La dynastie des ducs de Montfort (1399-1514) a mis fin aux luttes
de pouvoir en Armorique. Sous le long règne de Jean V (1399-1442),
le duché connaît un véritable âge d'or.
Peut-être des artistes et des architectes ont-ils alors fui
la France et gagné la Bretagne pour trouver du travail, écrivent
Philippe Bonnet et Jean-Jacques Rioult dans Bretagne gothique
(Picard, 2010). Au sein du duché, la paix amène la
prospérité ; le mécénat se développe,
créant bâtiments et uvres d'art, notamment des
vitraux. Rennes
est aux premières loges ; de nouvelles églises s'élèvent.
Saint-Hélier
est déjà sorti de terre, Toussaints s'agrandit. Dans
la paroisse Saint-Germain, où vivent des officiers de l'entourage
ducal, la population s'accroît. Il faut agrandir l'église.
En 1434, Jean V autorise douze notables à lever une taille
sur les habitants pour la reconstruire. Une reconstruction qui va
prendre deux siècles.
C'est le style gothique flamboyant qui est retenu, en version bretonne.
La nef et le bas-côté
nord (photo ci-dessous) en donnent un aperçu : piliers assez
fins, arcades en plein cintre, murs nus, absence de chapiteaux.
De 1450 à 1510, nef,
chur et bas-côté
nord vont s'élever lentement. Entre-temps, à la suite
du double mariage de la duchesse Anne avec Charles VIII en 1491,
puis avec Louis XII en 1499, la Bretagne s'est unie à la
France à titre personnel. En 1532, l'Édit d'Union
scellera l'intégration officielle - avec maintien des privilèges
du duché. En 1531, le Parlement est transféré
à Rennes.
Le Palais qui va l'abriter sera construit dans la paroisse Saint-Germain
de 1618 à 1655.
Dans l'église, confréries et fondations se multiplient.
L'Édit de Nantes, signé en 1598, a apaisé les
tensions. Bientôt l'esprit de la Contre-Réforme va
favoriser le développement de la ville. À côté
des artisans et du petit peuple, la paroisse abrite toujours des
Rennais au statut social élevé. Ils sont membres actifs
de la vie politique, administrative et judiciaire de la cité.
Des monastères s'y implantent (Ursulines, Jésuites,
Cordeliers). La tour et le pignon occidental sont édifiés
de 1519 à 1546. Germain Gaultier est chargé de la
façade méridionale qu'il élève de 1606
à 1623. Les créations de confréries et de fondations
continuent, garantes du dynamisme de la paroisse.
En 1720, un terrible incendie détruit une grande partie des
quartiers est de Rennes,
mais la paroisse Saint-Germain est peu touchée. La reconstruction,
qui va créer de beaux immeubles qui existent toujours, accentuera
l'opposition entre quartiers aisés (au nord) et quartiers
pauvres (au sud).
En janvier 1789, la Révolution française commence
à Rennes
avec un peu d'avance. Le tumulte se répand dans la ville
: les habitants défendent les «libertés»
bretonnes contre le pouvoir royal. La paroisse Saint-Germain est
en première ligne
En 1791, elle est supprimée et rattachée à
celle de Saint-Melaine.
Puis l'église est fermée et pillée. En 1792,
l'édifice échappe à la destruction en devenant
magasin à fourrage pour l'Artillerie.
En 1805, les paroissiens rachètent leur église à
l'armée, mais l'étendue de la paroisse s'est fortement
réduite. Le culte reprend dans un édifice qui doit
être entièrement remeublé. Le XIXe siècle
y pourvoira grâce à de nombreux dons : maître-autel,
baldaquin, orgue, chaire à prêcher, cloches. En 1914,
Saint-Germain est classée Monument historique.
Juin 1940, août 1944 : l'église souffre des bombardements
sur Rennes.
Tous les vitraux
du XIXe siècle sont détruits ; la baie n°10,
du XVIe siècle, est endommagée. Dès 1948, une
importante restauration est entreprise. L'atelier Max
Ingrand est sollicité pour vitrer les fenêtres.
Dans le bas-côté sud, le visiteur pourra s'arrêter
devant l'urne blanche qui contient le cur de l'abbé
Carron (1760-1821). Regardé par certains comme un bienfaiteur
de l'humanité, ce prélat était vicaire de l'église
au déclenchement de la Révolution. Fidèle à
la Monarchie, il passa dix-neuf ans en exil à Londres. L'abbé
Carron est à l'origine du renouveau du catholicisme en Angleterre
au XIXe siècle.
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Vue d'ensemble de l'église Saint-Germain depuis l'entrée
occidentale.
La grande verrière du chur est constituée de fragments
de vitraux Renaissance.
À gauche, les piles qui séparent les chapelles paraissent
d'une «déraisonnable minceur» (voir texte
plus bas). |
La façade OUEST et son immense verrière dominent la
rue du Vau-Saint-Germain.
Cette très ancienne rue, tracée de biais par rapport
au plan de l'église, a entraîné la troncature
du bas-côté sud.
La double-porte de la façade date de 1858. Elle est venue remplacer
une porte unique. |
La façade EST et la verrière (bouchée en partie)
qui illumine le chur.
À côté, le vitrail
du Christ-Prêtre (Max Ingrand, années 1950)
éclaire l'absidiole sud. |
La grande verrière occidentale est inscrite
dans un impressionnant réseau de voussures.
À l'intérieur de l'édifice, elle est malheureusement
masquée
pour moitié par le buffet de l'orgue
de tribune. |
Architecture
extérieure (2/2).
---»» L'ensemble de la façade
sud (ci-contre), donne sur la place Saint-Germain
actuelle. Cette façade a été érigée
de 1606 à 1623 par Germain Gaultier. C'est la
partie la plus récente de l'édifice.
Depuis le tout début du XVIIe siècle,
la ville savait que le Parlement de Bretagne devait
être transféré à Rennes.
La construction du Palais où allaient siéger
les gens de robe va démarrer en 1618 pour s'achever
en 1655. Et son maître d'uvre sera ce même
Germain Gaultier. Sans doute le lieu du Palais était-il
déjà choisi. Et l'architecte aura pu proposer
pour l'église un style de façade sud en
adéquation avec l'appareil prévu pour
son futur prestigieux voisin.
Georges Provost écrit en effet, dans Le dictionnaire
du patrimoine rennais (Éditions Apogée,
2004), que le grand porche sud «signale le lien
très fort de la paroisse avec la magistrature.»
Car Saint-Germain est devenue la paroisse du Palais.
L'historien ajoute : «elle y gagne une solide
réputation aristocratique et bourgeoise que symbolisent
les hôtels particuliers de la rue de Corbin ou
les appartements cossus de la place du Parlement.»
Les robins s'assiéront d'ailleurs aux premiers
bancs de la nef de l'église et disposeront de
nombreuses chapelles funéraires. On donne plus
bas deux dalles funéraires dans la nef et devant
le chur.
Le détail de l'architecture de la façade
sud est donnée ci-dessous. Autour de la baie
centrale, élancée et cintrée, on
remarque une ordonnance de style Renaissance avec ses
colonnes ioniques et corinthiennes encadrant des niches
superposées, malheureusement vides, dont le sommet
est embelli d'un bas-relief floral.
Dans le Dictionnaire des églises de France
(Laffont, 1966), l'historienne Denis Robet-Maynial,
qui a rédigé l'article sur l'église,
indique que la porte de cette façade sud fut
longtemps appelée «porte de la pompe»
en référence à un puits ou à
une pompe que l'on trouvait autrefois sur la place Saint-Germain.qui
lui fait face.
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Le côté NORD de l'église avec ses baies
gothiques aux remplages flamboyants.
Avec le chur,
c'est la partie la plus ancienne de l'église (entre 1450
et 1510).
En février 1906, c'est la porte ci-dessus qui a été
brisée par l'armée pour entrer
dans l'édifice afin de dresser l'inventaire du mobilier
(voir Saint-Germain
et la loi de 1905 plus bas). |
Architecture
extérieure (1/2).
Élevée dans un bel appareil
de granit, l'église Saint-Germain se distingue
par ses deux grandes baies en tiers-point, à
réseau flamboyant : l'une à l'ouest (ci-contre)
; l'autre au chevet (baie
0), visible dans la photo donnée plus
haut. Le remplage flamboyant du tympan de cette
baie est donné plus
bas.
Le côté nord (ci-dessus) possède
l'aspect le plus fortement gothique. Avec le chur,
c'est la partie la plus ancienne, construite entre 1450
et 1510. Les fenêtres sont de style flamboyant
; on y distingue aussi des pinacles et des gargouilles.
On notera la diversité des remplages dans les
grandes baies du premier niveau. C'est derrière
ce bas-côté nord que se trouve la suite
d'arcades abritant des petites chapelles. Dans l'une
d'entre elles est exposée l'urne contenant le
cur de l'abbé
Carron (1760-1821).
Au nord-ouest, la tour (ci-contre) est restée
inachevée. Bâtie de 1519 à 1550,
elle était prévue pour abriter le corps
de garde et les réserves d'artillerie de la ville.
En 1651, elle est devenue le clocher de l'église.
Un étrange beffroi en charpente recouvert d'ardoise
la surmonte et une tourelle à poivrière
l'accompagne. ---»» Suite 2/2
à gauche.
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La façade SUD et sa verrière Renaissance (baie
n°10) dans le croisillon du transept donnent sur la
place Saint-Germain.
Cette façade a été érigée
de 1606 à 1662, fermant ainsi l'église qui était
restée «ouverte» pendant un siècle. |
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Le remplage gothique flamboyant de la grande baie orientale (baie
n°0).
Architecture Renaissance
du bras sud du transept. ---»»»
La façade sud a été érigée
de 1606 à 1623
par l'architecte Germain Gaultier. |
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LA NEF DE L'ÉGLISE
SAINT-GERMAIN |
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Élévation du côté nord vers le chur.
Le couvrement était prévu en voûte d'ogives. Les
amorces des ogives ont été insérées par
les constructeurs
en haut des colonnettes engagées (flèches blanches et
photo incorporée à droite). |
Plan de l'église Saint-Germain. |
Second niveau de l'élévation sud près de
l'orgue de tribune.
La flèche jaune indique une amorce d'ogives bien plus
robuste que les «triplets»
(flèche blanche) qui terminent les autres colonnettes
sur les élévations nord et sud. |
«Présentation de la Vierge au temple», 1702
par Louis Elle, dit Ferdinand (1648-1717). |
Architecture
intérieure (2/2).
---»» De son côté, l'historienne
Denise Robet-Maynial, en 1966 dans le Dictionnaire
des églises de France, écrit laconiquement
: «La nef, couverte en charpente, devait être
primitivement voûtée d'ogives.» Ce
qui sous-entend à l'évidence : ogives
en pierre.
De manière assez étonnante, Philippe Bonnet
et Jean-Jacques Rioult écrivent en 2010 dans
Bretagne gothique : «À Saint-Germain
de Rennes,
on renonce en cours de chantier à un parti initial
à nef voûtée, alors que les bas-côtés
sont déjà couverts de croisée d'ogives
en pierre, au profit d'une charpente lambrissée
qui permet l'ouverture dans le pignon est d'une haute
maîtresse-vitre.» Renoncer à une
nef voûtée ? Mais toutes les nefs
ont une voûte ! Nos deux historiens pensent-ils
que la fabrique allait se contenter d'une simple charpente
pour y poser les ardoises ? Ils ont certainement voulu
écrire : renoncer à un parti initial à
nef voûtée d'ogives (sous-entendu
en pierre).
En conclusion, on observe ainsi une conception mixte
propre à la Bretagne : le bois pour la voûte
du vaisseau central ; la pierre pour les (étroits)
collatéraux.
Détail intéressant, mais difficilement
visible : la sablière
qui constitue la base de la voûte est ornée de
sculptures de grotesques. On en donne quelques exemples
plus bas.
En 1873, les deux chapelles orientales dans le bas-côté
sud furent réunies pour constituer la nouvelle
sacristie.
Celle-ci est couverte d'une terrasse avec, d'un côté,
une balustrade, de l'autre, un garde-corps néogothique.
Sources : 1) Bretagne
gothique de Philippe Bonnet et Jean-Jacques Rioult,
éditions Picard, 2010 ; 2) Dictionnaire du
patrimoine rennais, Éditions Apogée,
2004 ; 3) Dictionnaire des églises de France,
Éditions Robert Laffont, 1966 ; 4) Livret sur
l'église disponible dans la nef ; 5) L'Ille-et-Vilaine
des origines à nos jours, éditions
Bordessoules, 1984 ; 6) Patrimoine religieux de Bretagne,
Éditions Le Télégramme, 2006.
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Chapelle Saint-Nicolas dans le bas-côté nord. |
Retable de la chapelle Saint-Nicolas ou Saint-Joseph ( XIXe
siècle).
Statue de saint Joseph sur le retable. |
La Vierge dans le
Couronnement de Max Ingrand . |
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Architecture
intérieure (1/2).
Bâtie sur deux siècles, l'église
Saint-Germain présente un aspect intérieur
hétérogène. Le visiteur s'en rend
compte dès qu'il entre par la porte occidentale
: au nord, des piliers assez fins séparent la
nef du bas-côté, le tout surmonté
de fenêtres hautes bien alignées ; au sud,
des piliers massifs et une architecture discontinue.
Le style est gothique flamboyant, version bretonne,
c'est-à-dire simplifiée : piles étroites
(au nord) ; murs nus ; absence de chapiteaux ; arcades
en plein cintre surbaissé.
La nef,
le chur
et le bas-côté nord datent de la première
période de construction : 1450-1510. À
l'est et à l'ouest, la lumière arrive
par deux immenses baies. Celle de l'est (baie
n°0) est masquée, dans sa partie basse,
par le haut du retable
du maître-autel ; celle de l'ouest disparaît,
malheureusement presque en son entier, derrière
l'orgue
de tribune installé au XVIIIe siècle.
Sur le bas-côté nord (photo ci-dessus),
les grandes fenêtres, aux remplages gothiques,
se succèdent au-dessus d'une suite de petites
arcades qui abritaient jadis des autels. Construit entre
1624 et 1662, le bas-côté
sud reprend le même schéma. On note
toutefois une différence : au nord, les voûtes
du collatéral sont ogivales ; au sud,
une partie d'entre elles est en arêtes. À
l'ouest, comme le montre le plan, le bas-côté
sud est en biais à cause de la rue du Vau-Saint-Germain
qui est en oblique par rapport au plan de l'église.
Au second niveau (qui n'existe que du côté
nord), par le jeu des coloris de la pierre, les fenêtres
donnent l'impression d'être coiffées chacune
d'un chapeau en tiers-point. Ces différences
dans les coloris créent la beauté de l'élancement.
La voûte de l'église est en berceau lambrissé.
À ce sujet, dans Bretagne gothique (Picard,
2010), Philippe Bonnet et Jean-Jacques Rioult rappellent
les caractéristiques de la Bretagne : la région
dispose d'une pierre granitique très lourde (plus
de 2,5 tonnes au mètre cube, presque deux fois
plus que le tuffeau de Touraine) et une abondance de
forêts. Conséquence : le couvrement des
églises bretonnes est bien plus souvent en bois
qu'en pierre.
À Saint-Germain, l'étroitesse des piles
au nord semble indiquer que le choix initial du matériau
pour la voûte était le bois. La structure
choisie devait alors être une succession d'ogives
: la présence des amorces au sommet des colonnettes
le long du mur gouttereau nord semble le confirmer (flèches
blanches dans la photo ci-dessus). Pour une raison inconnue,
la fabrique a finalement opté pour une voûte
en berceau brisé, évidemment plus économique.
Le livret sur l'église, disponible à l'entrée,
indique que la voûte était «initialement
prévue d'ogive en bois» et que celle-ci
a été modifiée en cours de construction
en un berceau brisé continu, «réduisant
les départs d'ogive en pierre à un rôle
décoratif.»
N'y a-t-il pas là une erreur ? Il faut remettre
en question cette histoire d'ogives en bois. Pourquoi
construire en bois une forme de voûtement spécialement
conçue pour ce matériau lourd qu'est la
pierre ? Le principe est connu : via les ogives, l'énorme
poids de la pierre est réparti sur les piliers
qui reçoivent les retombées de ces ogives.
Avec le bois, le problème ne se pose pas. Les
voûtes en bois des anciennes églises sont
soit horizontales (souvent à caissons), soit
en berceau. Plus rarement en forme de V. Construire
une voûte ogivale en bois est évidemment
possible, mais, à part l'originalité et
le coût excessif, cela n'aurait eu aucune utilité
pratique. Une voûte d'ogives est forcément
en pierre.
Les auteurs de l'ouvrage Patrimoine religieux en
Bretagne, rédigé sous la direction
de Maurice Dilasser (Éditions Le Télégramme,
2006) ne s'y sont pas trompés. Ils écrivent
clairement : «À l'intérieur, d'élégants
piliers portent la nef principale. La naissance d'arcs
montre que l'on avait prévu des voûtes
en pierre au lieu d'une charpente lambrissée.»
Il reste quand même à régler le
problème que posent ces «naissances d'arcs»
qui scandent le second niveau des élévations
au nord et au sud. La photo ci-contre illustre le côté
sud près de l'orgue de tribune. On constate que
la pile (flèche jaune) qui termine la première
travée est plus massive que les autres (idem
au nord). Que voulait donc faire l'auteur des plans
au-dessus de cette travée ? On l'ignore.
Compte tenu de la masse volumique du granit, l'architecte
et la fabrique comptaient-ils faire venir une pierre
moins lourde pour bâtir cette fameuse voûte
d'ogives ? En Bretagne, pour certains édifices
luxueux, il arrivait qu'on aille chercher ce genre de
pierre en Normandie ou en Touraine, mais il fallait
alors ajouter le prix du transport dans le coût
global de l'édifice. Et le résultat n'était
pas toujours garanti. Ainsi, André Chédeville
écrit dans L'Ille-et-Vilaine des origines
à nos jours (Éditions Bordessoules,
1984) que, pour les voûtes de la cathédrale
de Saint-Malo vers 1160, «la substitution
du granit lourd et épais au léger et mince
tuffeau angevin ne donna qu'un médiocre résultat.»
Finalement, à Saint-Germain, la fabrique s'est-elle
rabattue sur le bois par manque d'argent ? Ou bien s'est-elle
résignée à ce matériau moins
noble à cause des contraintes techniques ?
C'est ce dernier avis que défend Georges Provost
dans le Dictionnaire du patrimoine rennais (Éditions
Apogée, 2004). L'historien et professeur d'Histoire
moderne à l'Université de Rennes
rappelle le projet initial : «un grand vaisseau
gothique voûté d'ogives, éclairé
de fenêtres hautes, reposant sur des colonnes
d'une déraisonnable minceur» (voir photo
du haut). D'un autre côté, souligne
l'historien, le quartier de l'église Saint-Germain
était assez huppé. On y trouvait «une
élite d'officiers et des marchands bien introduits
auprès du duc Jean.» De quoi justifier
la présence d'une voûte en pierre, plus
noble que le bois, que des dons privés pouvaient
financer.
Pourtant, trois siècles plus tard, il faut faire
les comptes : les contraintes ont imposé des
renoncements. Georges Provost écrit : «(...)
quant au voûtement en pierre de la nef, il est
abandonné dès le début du 16e siècle
pour un berceau lambrissé beaucoup plus classique.
Les départs d'ogives visibles sous la sablière
sculptée en témoignent à regret,
mais la nef y a gagné une élévation
exceptionnelle, mise à profit par d'immenses
verrières.» La «déraisonnable
minceur» des piles nord a finalement rendu caduque
l'utilisation de la pierre pour le couvrement.
Quant aux arcs-boutants, que l'on devine engloutis dans
la structure des chapelles latérales nord, ils
n'auraient pas retardé longtemps l'écroulement
attendu de l'édifice... On ignore si l'architecte
responsable de l'incohérence du projet initial
a été sanctionné par la fabrique.
---»» Suite 2/2
à gauche.
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Baie 7 :Saint Laurent.
Max Ingrand. |
La chapelle des Brequigny dans le bas-côté
nord.
L'autel est dédié à la Vierge. |
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Les
vitraux de Max Ingrand.
L'église a subi de graves dommages
lors des bombardements du 17 juin 1940 et du 4 août
1944. Une importante restauration commença en
1948. Pour orner les baies, elle fit appel à
l'atelier, alors très à la mode, du maître
verrier parisien Max Ingrand (1908-1969). Mises à
part les baies 0
et 10,
tous les vitraux du premier niveau de l'église
Saint-Germain sortent de cet atelier.
Pour les initiés, les vitraux de Max Ingrand
se reconnaissent au premier coup d'il, notamment
par les traits des visages. Le saint Christophe portant
l'Enfant-Jésus de la baie
9 et le saint Germain profane de la baie
16, donnés en gros plan dans cette page,
en donnent un bon aperçu. Max Ingrand dessinait
lui-même tous les cartons de ses vitraux. Ses
contempteurs leur reprochent un aspect un peu scolaire.
Dès son vivant, son uvre a été
dénigrée. Dans les verrières réalisées
pour l'église parisienne romane de Saint-Pierre-de-Montmartre,
les critiques ont jugé que Max Ingrand ne savait
pas faire la différence entre le style roman
et le style gothique, bref qu'il n'avait qu'un seul
style. Le maître-ouvrage Vitrail, Ve-XXIe siècle
(éditions du Patrimoine, 2014) ne donne aucun
exemple d'un vitrail de Max Ingrand. On n'y trouve qu'une
petite photo noir et blanc de son atelier.
L'église Toussaints
de Rennes
possède aussi quelques vitraux de Max Ingrand.
On a l'impression que cet artiste a fait main basse
sur le marché des verrières des églises
de la ville dans les années 1950... Dans l'ouvrage
Architecture et Arts sacrés de 1945 à
nos jours (Archibooks + Sautereau Éditeur,
2015), Christine Blanchet et Pierre Verrot apportent
une explication. En mai 1940, officier de l'armée
française, Max Ingrand est fait prisonnier. Il
restera cinq ans dans l'Oflag 4D (camp de Hoyerswerda)
aux confins de la Saxe et de la Silésie. Mais
il en profite pour nouer des relations qui lui seront
très utiles plus tard.
Ainsi nos deux auteurs écrivent à propos
de sa réussite professionnelle : «Ceux
qui appréciaient peu l'art sacré de Max
Ingrand ont persiflé son talent commercial jusqu'à
l'exportation, Québec, États-Unis, Allemagne,
Brésil. Les jaloux insinuaient qu'une partie
de son carnet de commandes venait de ses relations nouées
dans les camps de prisonniers de guerre.» En note,
ils ajoutent : «La méchanceté colportée
notamment dans les milieux de l'Art Sacré
[revue catholique consacrée à l'art] semble
fondée. Croyant, Ingrand à l'Oflag dessina
beaucoup et notamment les vitraux de la chapelle du
camp. Il y connut des personnalités comme Jean
Guitton et de futurs responsables des Monuments historiques.
On ne peut leur en vouloir d'avoir tissé des
liens pendant toutes ces années gâchées.
Le père Paty, futur évêque de Luçon,
lorsqu'il était professeur puis supérieur
au grand séminaire de Rennes
y fit intervenir Ingrand qu'il avait connu à
l'Oflag.»
L'ouvrage Max Ingrand Du verre à la lumière
(Norma Éditions, 2009) de Pierre-Emmanuel Martin-Vivier
rend justice aux multiples talents de cet artiste qui
brilla aussi bien dans les vitraux que dans la décoration,
notamment dans les luminaires.
Les amateurs intéressés pourront lire
un exposé de la controverse des années
1960 à la page de l'église Saint-Pierre-de-Montmartre.
Quant à ses créations, l'église
Saint-Pierre
d'Yvetot possède de cet artiste une grande verrière
circulaire considérée comme le plus grand
vitrail d'Europe.
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Baie 5 : Le Couronnement de la Vierge (Max Ingrand
), dessin central.
Chapelle Saint-Nicolas. |
Clé de voûte
dans le bas-côté nord. ---»»»
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CI-DESSOUS :
Bas-relief d'une Vierge à l'Enfant entourée
d'anges
dans le retable de la chapelle Saint-Nicolas.
XIXe siècle. |
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Voûtes ogivales des chapelles du bas-côté
nord.
Seconde moitié du XVe siècle. |
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Baie 13 : «Donation de terrains par Jehan V en
1434» (Max Ingrand).
Le duc a donné des terrains afin d'agrandir l'église
Saint-Germain. |
Guy-Toussaint-Julien
Carron (1760-1821) (2/4).
---»» Le gouvernement anglais voyait juste.
Le 4 septembre 1797 (18 fructidor An V), un coup d'État
chassa les royalistes du Conseil des Cinq-Cents et du
Conseil des Anciens. Deux des cinq directeurs furent
arrêtés, ainsi que les principaux opposants
à une politique républicaine stricte.
Les intransigeants prirent le pouvoir, instituant la
Terreur fructidorienne : c'est le second Directoire.
À l'égard de la religion, celui-ci fut
proche du Comité de Salut public : l'amnistie
envers les prêtres déportés fut
immédiatement révoquée. De nombreux
ecclésiastiques seront à leur tour déportés.
Dans son ouvrage La Révolution française,
une histoire à repenser (Flammarion, 2018)
l'historienne Annie Jourdan prend le contre-pied de
cette prétendue Terreur, notamment à propos
de la déportation des prêtres réfractaires.
Elle écrit : «En réalité,
ces prêtres sont simplement expulsés de
France ou confinés dans des prisons. La plupart
d'entre eux s'échappent, comme il en va en Belgique,
où la majorité des condamnés s'avère
introuvable.»
Il faut reconnaître que la «déportation»
de l'abbé Carron à Jersey va dans son
sens. Le prélat est en fait expulsé vers
cette île anglaise où il se retrouve tout
à fait libre de ses mouvements. Utiliser le terme
«déportation», que l'on applique
habituellement au sort du capitaine Dreyfus envoyé
en 1895 à l'île du diable où il
est incarcéré, est un abus de langage
regrettable.
Annie Jourdan fait remarquer que les prêtres «déportés»
n'allaient pas loin car la Royal Navy possédait
la maîtrise des mers. Esquiver ses navires de
surveillance n'était pas chose aisée.
Pour tenter l'aventure, il fallait en plus des vaisseaux
et des hommes, ce qui n'avait rien d'immédiat.
De fait, la plupart des prélats seront internés
à l'île d'Yeu, à l'île d'Oléron
ou encore à l'île Pelée.
---»» Suite 3/4
à droite.
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Le bas-côté nord et ses niches en arcade avec l'urne
du cur de l'abbé Caron ( 1821). |
Guy-Toussaint-Julien
Carron (1760-1821) (1/4).
Le cur de cet ancien vicaire de l'église
Saint-Germain repose dans une urne sous une arcade du
bas-côté nord (photo ci-dessus). Dévoué
au sort des pauvres, ce prélat eut une vie extrêmement
active, marquée par de multiples créations
philanthropiques.
À 29 ans, il fonde un atelier de charité en achetant
une manufacture de toiles à la Piletière,
près de Rennes.
Plus de deux mille pauvres y sont employés. Puis il
crée un asile pour les filles publiques qu'il
arrache à la rue. Au début de 1791, il
est vicaire-sacriste de Saint-Germain et refuse de prêter
serment à la Constitution civile du clergé. Pour autant,
il ne quitte pas son église, persuadé
que les services qu'il a rendus le rendent intouchable.
Néanmoins, la pression contre les prêtres
réfractaires s'accroît et il se réfugie
à la campagne.
En août 1792, il est finalement arrêté
et emprisonné à l'abbaye de Saint-Melaine
de Rennes.
Le mois suivant, il est exilé avec deux cent
cinquante ecclésiastiques dans l'île de
Jersey. De là, il se rend très vite à
Londres pour rendre visite à l'ancien curé
de Saint-Germain (qui avait quitté la France
quelques mois plus tôt), mais aussi pour visiter
les principales manufactures anglaises «afin de
faire servir plus tard ses observations au perfectionnement
de son uvre à la Piletière»,
écrit le père bénédictin,
auteur de la Vie de l'abbé Carron.
Il revient ensuite à Jersey où tentent
de survivre trois mille ecclésiastiques exilés.
Avant que le courrier ne soit interrompu par l'état
de guerre entre la France et l'Angleterre, l'abbé
Carron gère à distance sa manufacture.
Il se dévoue pour les émigrés et
leurs enfants en fondant une pharmacie et une bibliothèque.
En juin 1793, il ouvre deux écoles : l'une pour les
jeunes gens ; l'autre pour les enfants. Dans la première,
il s'établit comme maître.
À la fin de l'année 1795, la France est
gérée par le premier Directoire. L'état
de guerre existe avec l'Angleterre. L'Amirauté
britannique anticipe une descente sur Jersey de l'armée
révolutionnaire, massée sur les côtes
de Bretagne sous les ordres du général
Hoche. Voulant fortifier l'île et craignant le
pire pour les ecclésiastiques exilés,
ordre fut donné de faire partir tous les Français
de l'île pour Londres. L'abbé Carron, qui
jouissait déjà parmi eux d'un certain
prestige, reçut mandat d'organiser le transport.
C'est à cette époque que le comte d'Artois,
futur Charles X, lui rend hommage dans une lettre qui
a été conservée. Il y témoigne
en particulier sa gratitude pour le soin qu'il se donne
à l'éducation de la jeunesse, en particulier
des enfants de nobles.
L'abbé Carron quitte Jersey en août 1796
pour Londres. La renommée de son zèle
finit par se répandre et les dons affluent pour
secourir les Français. À ces dons, il
faut d'ailleurs ajouter les subsides du gouvernement
britannique. En moins de trois ans, l'abbé peut
fonder un séminaire et deux hospices. En 1799,
les écoles gratuites qu'il a créées
pour rendre service aux émigrés deviennent pensionnats
(où seront d'ailleurs accueillis aussi des enfants
de familles catholiques anglaises).
En France, le premier Directoire, à tendance
royaliste, se montre plein de sollicitude pour les prêtres
exilés. En 1797, il annule même les lois
de proscription prises contre eux. Beaucoup d'ecclésiastiques
rentrent au pays, notamment les Bretons. En septembre
de la même année, l'abbé Carron
songe à les imiter. Mais le gouvernement britannique,
mieux informé que lui sur la situation en France,
rejette sa demande de passeport. L'abbé met à
profit son exil forcé pour créer un séminaire
et un asile pour prêtres infirmes.
---»» Suite 2/4
à gauche.
|
|
«La Vierge et la colombe de l'Esprit-Saint»
Tableau de Durand Henriot, XXe siècle.
Chapelle Saint-Nicolas. |
Baie 11 : «Apparition du Christ
à Marie-Marguerite Alacoque», dessin central.
Atelier Max Ingrand, 1955-1960. |
|
«Totila, roi des Ostrogoths, rencontre saint Benoît de
Nurcie au Mont Cassin»
École française du XVIIe siècle.
Toile parfois attribuée à Jean-Bernard Chalette,
né à Toulouse en 1631 et actif à Rennes
de 1668 à 1678.
Ce tableau a été saisi en 1794 dans une communauté
religieuse. |
Baie 13 : «Donation de terrains par Jehan V en
1434», détail (Max Ingrand). |
|
Guy-Toussaint-Julien
Carron (1760-1821) (3/4).
---»» À Londres, l'abbé Carron poursuivait
sa tâche. En 1798, il ouvrit un hospice pour les femmes
émigrées sans secours, infirmes ou malades.
Les créations d'hospices et d'écoles, où
bien des professeurs sont anglais, se multiplient car les
dons, malgré quelques périodes de vaches maigres,
continuent. Selon les témoignages des proches de l'abbé,
les donateurs anglais tiennent souvent à rester anonymes.
Le rédacteur de la Vie de l'abbé Carron
rend d'ailleurs hommage aux Anglais. Il écrit :
«(...) malgré la rivalité nationale et
les divisions religieuses, qui, depuis des siècles,
l'opposent à la France, elle [l'Angleterre] se montra
véritablement grande envers les Français proscrits
et malheureux.»
Précédemment, en mai 1797, l'abbé avait
reçu une lettre du prétendant au trône
de France, le comte de Provence, en exil à Blankenburg
dans le duché de Brunswick. Le futur Louis XVIII le
félicitait pour son action. En avril 1798, le comte
d'Artois, déjà auteur d'une première
lettre de félicitations, le remercia à nouveau
dans une seconde lettre. En 1800, de passage à Londres,
ce dernier ira même visiter une école de l'abbé
Carron ainsi que l'hospice pour les prêtres infirmes
et l'hospice pour les femmes malades.
En France, le 18 Brumaire chassa le second Directoire et mit
en place le Consulat. Le Concordat, signé en juillet
1801, fut promulgué en avril 1802. Louis XVIII, depuis
son exil, reçut le traité comme une gifle :
la restauration de l'Église de France ne pouvait à
ses yeux venir que des Bourbons. Mais Bonaparte avait pris
les devants et le pape Pie VII avait approuvé. Le Saint-Siège
plaçait l'intérêt de l'Église avant
celui du prétendant... De nombreux prélats en
exil fulminèrent : le pape avait osé s'accorder
avec un gouvernement issu de la Révolution ! C'était
une trahison ! Un reniement des valeurs chrétiennes
! Dès lors, ceux-ci, affichant haut et fort leur fidélité
au roi et aux Bourbons, entrèrent en résistance.
Le Concordat signifiait la réorganisation de l'Église
de France. Quand le pape demanda à tous les évêques,
y compris les exilés, de démissionner, trente-six
d'entre eux, la plupart réfugiés en Angleterre,
refusèrent de se soumettre. Pie VII passa outre et
nomma canoniquement les nouveaux évêques, déclenchant
la rébellion ouverte des insoumis : le pape n'avait
plus le droit à l'obéissance des catholiques
; eux seuls représentaient la véritable Église
de Jésus-Christ. Rejoints par des prêtres et
des fidèles, surtout dans l'Ouest, les opposants restèrent
peu nombreux. On les surnomma la Petite-Église.
Qu'a fait l'abbé Carron ? En 1802, conscient de la
valeur de ce prélat, le premier Consul lui-même
l'invita à rentrer en France en l'assurant de tous
les honneurs. L'évêché de Rennes
était un poste possible. Mais l'abbé refusa.
Il restait fidèle à son roi et se devait aux
malheureux dont il s'occupait depuis dix ans à Jersey
ou à Londres. De plus, il rejetait les Lois organiques,
partie intégrante du Concordat, qui humiliaient l'Église
de France. L'abbé ne condamna pas non plus fermement
les opposants au pape, mais ne se rallia jamais à eux.
Il refusa aussi de prêter serment d'adhésion
et de fidélité au gouvernement consulaire, se
privant par-là de ses droits de citoyen français.
En fait, un peu comme Érasme pris entre le Saint-Siège
et la Réforme, il refusa de prendre parti. En revanche,
pour honorer son pays d'accueil, il fit serment d'allégeance
au roi d'Angleterre selon le bill sanctionné
par Georges III le 10 juin 1791 et approuvé par tous
les prélats anglais.
S'attirant l'animosité des deux côtés,
il subit des brimades, des calomnies, reçut des lettres
d'injures ; des pamphlets furent imprimés contre lui.
Conséquence : de sa vie, il ne fut jamais nommé
évêque. L'abbé mit à profit son
temps d'exil supplémentaire pour rédiger des
ouvrages pieux (Pensées ecclésiastiques,
Réflexions chrétiennes, etc.) ou consacrés
à l'éducation. Par son action charitable, il
contribua au renouveau de l'Église catholique en Angleterre,
modifiant l'opinion des anglicans sur les «papistes»,
ce qui aboutit même à des conversions. Il créa
la première église catholique publique en Angleterre
depuis le schisme d'Henri VIII.
---»» Suite 4/4
ci-dessous.
|
|
Baie 7 : Saint Joseph
Atelier Max Ingrand. |
Saint Pierre, partiel (Max Ingrand) |
|
Guy-Toussaint-Julien
Carron (1760-1821) (4/4).
---»» Le 16 juillet 1814, après vingt-deux
ans d'exil, l'abbé Carron débarqua à
Calais. Sur le chemin qui le ramène à
Paris, il ne peut que constater les dégâts
causés par la Révolution : «La route
de Calais, écrit-il dans une lettre à
sa famille le 20 juillet, jusqu'ici ne m'a présenté
que des tableaux de douleur : la cathédrale de
Boulogne démolie, les statues des saints demeurées
décapitées à la porte des églises,
des temples rustiques en ruines, des presbytères
changés en auberges, des cimetières catholiques
convertis en champs qu'on moissonne, la cloche d'une
église paroissiale laissé appendue dans
une pièce de terre depuis dix-huit ans ! Est-il
possible de ne pas gémir à la vue de si
grands désastres ?...»
À Paris, l'abbé Carron put continuer son
uvre de charité grâce à une
subvention royale. Les élèves français
de ses écoles londoniennes revinrent peu à
peu. En novembre 1814, il créa l'Institut des
Nobles Orphelines et continua à recevoir des
dons, mais en bien moindre part qu'à Londres.
Le rédacteur anonyme de sa Vie écrit
ainsi, assez dépité : «Les victimes
de la Révolution trouvèrent, en rentrant
en France, tout autre chose que des sympathies dans
la société nouvelle ; et la stérilité
de Paris, au point de vue des aumônes, comparée
aux largesses de Londres, fit voir, une fois de plus,
que les haines les plus tenaces sont celles qui naissent
des guerres civiles. Nous avons regret à le dire
; mais encore faut-il rendre justice à chacun.»
En mars 1815, quand Napoléon revint de l'île
d'Elbe, l'abbé Carron dut, sans tarder, s'en
retourner en exil. Le septième des neuf décrets
signés par l'Empereur à son retour était
une menace à ne pas prendre à la légère.
Aux émigrés non rayés des listes
et rentrés en France depuis le 1er avril 1814
il donnait quinze jours pour quitter le territoire de
l'Empire... sous peine d'être châtiés
selon les lois édictées par les assemblées
révolutionnaires, c'est-à-dire d'être
condamnés à mort ! Et l'abbé Carron
n'avait jamais été rayé de la liste
des émigrés...
Il ne revint en France qu'en novembre 1815 et s'établit
définitivement à Paris dans la maison
de charité des Feuillantines qu'il avait
fondée dans la paroisse Saint-Jacques (5e arr.).
Cette maison veillait à l'éducation des
filles de familles nobles ruinées par la Révolution.
Jusqu'à sa mort, l'abbé ne manqua jamais
du soutien de Louis XVIII qui l'appelait son cher
abbé.
Dans les années suivantes, il continua son uvre
littéraire et philanthropique. Il fut aussi nommé
à la direction de plusieurs communautés
religieuses parisiennes. En 1816, il devint administrateur
du bureau de charité du 12e arrondissement, puis
membre de l'administration du Refuge, une communauté
qui uvrait en faveur des jeunes détenus
à l'expiration de leur temps de peine. En 1816
aussi, les Carmélites de la rue Cassini le choisirent
pour être leur supérieur. En 1818, il fut
nommé supérieur de la communauté
de Saint-Michel, puis de celle des Visitandines de la
rue de l'Arbalète.
Il voulut aussi récupérer son domaine
de la Piletière ou du moins être indemnisé.
L'abbé, propriétaire, avait émigré,
donc la Révolution avait confisqué la
manufacture, puis l'avait vendue. En 1789, c'est en
empruntant que l'abbé Carron l'avait acquise
; à présent qu'il était de retour
et que la Monarchie était rétablie, ses
créanciers réclamaient leur dû.
Avec l'indemnité qu'il attendait de l'État,
il pourrait effacer ses dettes. Sa lutte fut longue.
Il n'obtint gain de cause et ne paya ses créanciers...
qu'après sa mort. La Piletière resta propriété
particulière jusqu'en 1852, puis fut achetée
par les Petites Surs des Pauvres, comme suite
à un accord entre cet institut et la municipalité
de Rennes
pour l'extinction de la mendicité.
Miné par la maladie, l'abbé Carron s'éteignit
le 15 mars 1821. Ses obsèques furent célébrées,
devant une nombreuse foule, en l'église Saint-Jacques-du-Haut-Pas
(5e arr.). Sa dépouille fut enterrée au
cimetière de Vaugirard ; son cur, transporté
à l'église Saint-Germain de Rennes
et placé dans une urne.
Il y est toujours.
Source : Vie de l'abbé
Carron par un bénédictin
de la Congrégation de France (1866).
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Chemin de croix, station IV :
Jésus rencontre sa Mère. |
Chemin de croix, station VI :
Véronique essuie la face de Jésus. |
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La tour a été bâtie de 1519 à 1550.
Elle était prévue pour abriter le corps de garde
et les réserves d'artillerie de la ville.
Au XXe siècle, le rez-de-chaussée a été
aménagé en baptistère.
Le vitrail Le Baptême
du Christ est de Max Ingrand.
«««--- Le baptistère. |
La grille qui ferme le baptistère est du XVIIIe siècle. |
La nef de d'église Saint-Germain, le bas-côté nord et la chaire
à prêcher de 1805.
Entre les fenêtres hautes, les amorces prévues pour les
retombées d'ogives sont très visibles.
Chur et bas-côté nord remontent aux années
1450-1510.
Hormis les deux piliers
du XIIIe siècle à l'entrée de la sacristie,
le chur et le
bas-côté nord
sont les parties les plus anciennes de l'église Saint-Germain. |
Saint Jean et l'aigle.
Bas-relief sur la cuve de la chaire à prêcher (1805). |
Saint Luc et le buf.
Bas-relief sur la cuve de la chaire à prêcher (1805).
Les bas-reliefs sont signés de Le Genvre. |
Les
six panneaux de la cuve : le Portement de croix est entouré
des quatre évangélistes et de Moïse tenant
les tables de la Loi. |
|
Chaire à prêcher : l'ange souffleur sur l'abat-son.
Sculpture de Dominique Molknecht datée de 1825. |
LA SABLIÈRE
SCULPTÉE DE L'ÉGLISE SAINT-GERMAIN |
|
Détail des sculptures ornant la sablière de la voûte
en bois, XVIe siècle.
On y trouve des grotesques et quelques animaux, parfois des hybrides
d'homme et d'animal comme la sculpture ci-dessous, au centre. |
Un grotesque levant les deux mains. |
Animal hybride avec une tête de cheval et un arrière-train
humain. |
Un grotesque grimaçant. |
Détail des sculptures ornant la sablière de la voûte
en bois, XVIe siècle. |
Un grotesque levant les mains. |
Un grotesque armé d'une épée. |
Un grotesque à moitié nu dans une position obscène. |
Baie 9 : «Saint Christophe porte le Christ enfant»
Max Ingrand. |
Baie 9 : «Saint Christophe porte le Christ enfant»,
détail.
Max Ingrand. |
«Martyre des saints Processe
et Martinien» par Valentin de Boulogne (copie)
---»»»
La toile originale, réalisée vers 1629-1630,
est exposée aux musées du Vatican.
|
|
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Processe
et Martinien. L'histoire raconte que ces deux soldats
romains furent les geôliers de saint Pierre dans la
prison Mamertine. Ils se convertirent au christianisme, puis
aidèrent les chefs de l'Église à s'enfuir.
Ils furent condamnés à mort à leur tour.
|
Dans la toile de Valentin de Boulogne,
Processe est au premier plan, Martinien est allongé
à côté, au second plan. Un bourreau s'apprête
à rompre leurs os avec une barre de fer. Dans la partie
haute du tableau, bien à la manière du Caravage,
un ange descend du Ciel pour leur offrir la palme du martyre.
|
|
LE BAS-CÔTÉ
SUD ET SES VITRAUX DE MAX INGRAND |
|
Le bas-côté sud et les anciennes chapelles éclairées
par les vitraux de Max Ingrand (1955-1960).
Cette architecture date de la seconde moitié du XVIIe siècle |
|
«L'Éducation de la Vierge»
Groupe sculpté de Julien-Jean Gourdel (1804-1846)
Pierre, 1843. |
«L'Éducation
de la Vierge».
On trouve une copie en plâtre patiné de
ce groupe sculpté à l'église Saint-Sulpice
de Paris.
|
|
«««--- Baie
17 : «Le Baptême du Christ» (Max
Ingrand).
|
|
|
Baie 12 : «L'Éducation de la Vierge»
Max Ingrand (1955-1960). |
BAIE 16 : LA VIE
PROFANE DE SAINT GERMAIN PAR MAX INGRAND |
|
Baie 16 : «Saint Germain, sa vie profane» (Max
Ingrand). |
Baie
16 : La vie profane de saint Germain illustrée
par Max Ingrand.
Dans cette verrière du bas-côté
sud, l'artiste a résumé les grandes étapes
de la vie du saint avant qu'il soit consacré
évêque ( de gauche à droite, puis
de haut en bas) :
- Germain naît à Auxerre,
vers 380, dans une famille de grands propriétaires.
Il étude les arts libéraux ;
- Il se rend à Rome, étudie le droit et
devient avocat ;
- Il se marie ;
- Il devient un haut fonctionnaire de l'Empire et acquiert
une excellente réputation ; il est chargé
d'un immense territoire en Gaule et s'établit
à Auxerre ;
- Sa passion est la chasse ;
- Il suspend ses prises de chasses autour d'un arbre
;
- Saint Amâtre, évêque d'Auxerre,
voyant des fidèles s'assembler autour de cet
arbre, craint le retour d'un culte païen ; il fait
abattre l'arbre ;
- Saint Amâtre, dit-on contre l'avis de Germain,
le choisit en 418 pour lui succéder sur le siège
épiscopal d'Auxerre.
Source : livret disponible
dans l'église.
|
|
Baie 16 : Germain apprend le droit à Rome et devient
avocat.
Baie 16 : Saint Amâtre choisit Germain pour lui
succéder. ---»»» |
|
Baie 16 : «Saint Germain, sa vie profane»,
détail (Max Ingrand). |
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|
BAIE 14 : LA VIE
D'ÉVÊQUE DE SAINT GERMAIN PAR MAX INGRAND |
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Baie 14 : «Saint Germain, sa vie d'évêque»
(Max Ingrand). |
Baie
14 : La vie d'évêque de saint Germain
illustrée par Max Ingrand.
Après la vie profane, Max Ingrand
consacre un vitrail à la vie d'évêque
du saint tutélaire de l'église (de
gauche à droite, puis de haut en bas) :
- Germain fait construire des églises,
introduit le cénobitisme en Gaule et, en
429, suscite la vocation de sainte Geneviève
;
- Il part en Grande-Bretagne avec saint Loup lutter
contre l'hérésie pélagienne
(429-430) ;
- Les Bretons de Grande-Bretagne s'apprêtent
à livrer bataille contre les Saxons ; Germain
leur fait lancer un vibrant Alléluia ;
- Saxons et Pictes, apeurés, sont défaits
; victoire des Bretons (en 430) ;
- Germain réalise de nombreux miracles
et prend la défense des habitants contre
les impôts excessifs ;
- Il rencontre le chef des Alains près
d'Orléans ; celui-ci était chargé
par Aétius, généralissime
de l'Empire romain, de punir l'Armorique pour
s'être rebellée ; Germain parviendra
à établir un traité ;
- Pour établir ce traité, il part
à la cour impériale de Ravenne,
en juin 448, plaider la cause de l'Armorique ;
- Germain meurt à Ravenne le 31 juillet
448 ;
- (en bas au centre), sa dépouille est
ramenée en grandes pompes à Auxerre.
Source : livret disponible
dans l'église.
|
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|
Baie 14 : «Saint Germain, sa vie d'évêque»
(Max Ingrand).
En haut : Saxons et Pictes sont défaits. ---»»»
En bas : saint Germain rencontre le chef des Alains. ---»»» |
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Le bras sud du transept abrite une verrière Renaissance dans
la baie n°10. |
Baie 14 : «Saint Germain sa vie d'évêque»,
détail.
Max Ingrand. |
La
chapelle du Saint-Esprit.
Elle abrite la sacristie
depuis 1873. C'est par cette toute première construction
dans la partie sud-est de l'ancien cimetière
de la ville qu'a commencé l'édification
laborieuse (sur deux siècles) de l'église
Saint-Germain.
Deux piliers du XIIIe siècle subsistent. Ils
entourent l'entrée dans la sacristie (flèches
dans la photo ci-contre à gauche).
|
|
|
«Saint Roch montrant son bubon»
par Dominique Molknecht (1793-1876). |
La nef et le bas-côté sud érigé au XVIIe
siècle.
Sur le côté du chur, les deux chapelles, qui sont
fermées d'un mur, abritent la sacristie depuis 1873. |
Baie 4 : un ange dans un vitrail de la tribune de la sacristie
(Max Ingrand). |
La sacristie et sa porte gothique font face au chur.
On remarquera que la terrasse est fermée, à gauche,
par une balustrade,
et, à droite, par un garde-corps néogothique.
|
La porte de la sacristie est ornée de drapeaux bretons. |
Le bas-côté sud entre le chur (caché
à gauche) et la sacristie à droite.
Les deux flèches jaunes indiquent les piliers du XIIIe
siècle (qui sont les plus anciens vestiges de l'église). |
Dalle funéraire des Picquet, mari et femme,
paroissiens de Saint-Germain,
décédés en 1651 et 1653.
Les défunts ont certainement bénéficié
d'un privilège
car la dalle se trouve juste devant l'entrée du chur. |
Chapelle absidiale sud à côté du chur.
Elle reçoit le grand vitrail du Christ-Prêtre de
l'atelier Max Ingrand (années 1950).
La plaque commémorative à droite est consacrée
au prélat rennais
Claude-François Poullart des Places (1679-1709),
fondateur de la Congrégation du Saint-Esprit. |
|
««---
Les piliers du XIIIe siècle.
Les deux piliers du XIIIe siècle (indiqués
par une flèche jaune) sont les plus anciens vestiges
de l'église Saint-Germain. Ils encadrent l'une
des portes d'accès à la sacristie (anciennement
chapelle du Saint-Sacrement).
|
|
Les
dalles funéraires.
Au XVIIe siècle, la construction du Parlement
de Bretagne dans le périmètre de la paroisse
fit de l'église Saint-Germain celle des robins
de Rennes.
À ce titre, beaucoup disposèrent d'une
chapelle funéraire dans les bas-côtés.
D'autres furent enterrés dans son sous-sol.
On remarque ainsi la présence de dalles funéraires
dans la nef
et devant le chur.
|
|
Dalle funéraire de paroissiens de Saint-Germain.
L'année du décès est illisible. |
|
Baie 2 : Vitrail du Christ-prêtre.
«Le Christ porte le pain et le vin» (Max Ingrand). |
Baie 2 : «Le Christ porte le pain et le vin»,
détail (Max Ingrand). |
|
Baie 2 : «Le Christ porte le pain et le vin»,
détail du vitrail du «Christ-prêtre».
Max Ingrand (1955-1960). |
Les
vitraux anciens de l'église Saint-Germain.
Selon le Corpus Vitrearum, la grande
verrière de la façade occidentale (maintenant
cachée en grande partie par l'orgue
de tribune) accueillait jadis une Apocalypse. La
commande avait été passée en 1545.
La confrérie des Merciers et Épiciers
versa une contribution de 110 livres pour deux lancettes
à réaliser par le peintre verrier rennais
Orson Lesec. Cette Apocalypse a disparu.
À l'opposé, la grande
verrière du chur,
appelée maîtresse-vitre, retraçait
la Vie du Christ. Elle a pu être exécutée
vers 1520, une date arrêtée d'après
les fragments qui nous en reste dans la grande baie
du bras sud du transept (baie n°10 donnée
ci-dessous).
Au cours des XIXe et XXe siècles, des panneaux
ont changé de baie, rendant très difficiles
les expertises des historiens du vitrail. Dans la «macédoine»
que présente maintenant la maîtresse-vitre,
on distingue «quelques visages exprimant l'effroi»
[Corpus]. Ce pourrait être des fragments de la
verrière de l'Apocalypse.
Au sud, la baie 10
(ci-dessous), même si c'est un agrégat
composite, possède une certaine cohérence.
Les panneaux ont une échelle à peu près
homogène et datent en grande majorité
du premier quart du XVIe siècle.
Les scènes illustrant des épisodes de
la Vie du Christ et de sa Passion viennent de la maîtresse-vitre.
Celles relatives à la Vie de la Vierge et à
la vie de saint Jean sont manifestement les vestiges
d'autres baies de l'église.
Avant la seconde guerre mondiale et ses bombardements
destructeurs, les chapelles présentaient toutes
des vitraux du XIXe siècle, réalisés
après 1861. On en connaît à peu
près l'iconographie grâce à un rapport
d'architecte. On y trouvait ainsi la Pentecôte,
sainte Anne, sainte Geneviève, la Sainte Famille
et le Sacré-Cur. Après les bombardements,
les panneaux restés intacts n'ont pas été
réutilisés. C'est le maître verrier
Max Ingrand, très à la mode à cette
époque, qui a été sollicité
pour refaire la vitrerie des baies dépouillées
de leur ornement passé. Son atelier exécuta
la commande entre 1955 et 1960 (voir plus
haut).
Source : Les vitraux
de Bretagne de Françoise Gatouillat et Michel
Hérold, Corpus Vitrearum, P.U.R., 2005.
|
|
|
LA VERRIÈRE
RENAISSANCE DE LA BAIE 10 |
|
Baie 10 : vitrail Renaissance à 4 lancettes et
6 registres.
Seconde moitié du XVe et premier quart du XVIe
avec quelques ajouts modernes. |
Baie 10, 1er registre : Jésus comparaît
devant Pilate, détail.
Premier quart du XVIe siècle. |
|
La
Baie 10 (1/2).
Cette baie, située dans le bras
sud du transept, abrite la seule verrière
Renaissance de la ville de Rennes.
C'est aussi la plus intéressante de l'église.
Sa hauteur est de 10 mètres, sa largeur de 3,50
mètres.
Constitué de plusieurs panneaux issus de diverses
provenances, ce vitrail est le résultat d'un
regroupement réalisé, selon le Corpus
Vitrearum, au XVIIe siècle ou en 1821.
Pour harmoniser le tout, les scènes ont été
remontées en 1860 dans des cadres architecturaux
uniformes surmontés de dais néogothiques
et néoRenaissance. Cette dernière restauration
a probablement été confiée au verrier
nantais René Échappé.
Le Corpus ajoute que le restaurateur a procédé
à un tri parmi les nombreux vestiges de la maîtresse-vitre
afin de ne garder que les quatre scènes les plus
complètes. Détail navrant : à la
suite de cette restauration, son collaborateur céda
à un collectionneur normand «plusieurs
panneaux et fragments qui semblent bien avoir appartenu
à la Vie du Christ de Saint-Germain» [Corpus].
La baie a été endommagée par les
bombardements de juin 1940 ; ellea a ensuite été
déposée. En 1956, Max Ingrand fut chargé
de la restaurer. Il remplaça de nombreuses parties
qui avaient été introduites au XIXe siècle.
Nouvelle restauration en 1993-1997 par Jean-Pierre Le
Bihan. Celui-ci modifia l'agencement des panneaux pour
une meilleure lecture.
---»» Suite 2/2
plus bas.
|
|
Baie 10, 1er registre : Comparution du Christ devant
Anne ou Caïphe ;
Comparution devant Pilate.
Premier quart du XVIe siècle. |
Baie 10, 1er registre : Le Baiser de Judas, détail.
Premier quart du XVIe siècle. |
Baie 10, 2e registre : Saint Jean prêche
; il fait creuser sa tombe.
Premier quart du XVIe siècle. |
Baie 10, 2e registre : Saint Jean provoque la chute
d'une
idole. Premier quart du XVIe siècle. |
|
|
Baie 10, 1er registre : Jésus discute avec des pharisiens,
détail.
Parlent-ils du tribut à César ? On note un remploi dans
le costume du personnage de droite.
Premier quart du XVIe siècle. |
Baie 10, 3e registre : La mort de la Vierge avec des saintes
femmes et des apôtres ; la Vierge en son Assomption.
Premier quart du XVIe siècle. |
Baie 10, 3e registre : Saintes femmes auprès de la Vierge,
détail.
Premier quart du XVIe siècle. |
Baie 10, 3e registre : La Vierge en son Assomption, détail.
Premier quart du XVIe siècle. |
Baie 10, 3e registre : La Vierge de la Dormition.
Premier quart du XVIe siècle. |
Baie 10, 3e registre : Les apôtres de la Dormition, détail.
Premier quart du XVIe siècle. |
Baie 10, 4e registre : Naissance de la Vierge ; Seconde Annonciation.
Premier quart du XVIe siècle.
À gauche, la tête de sainte Anne, alitée, a été
restaurée au XIXe siècle
et remplacée en 1955 [Corpus Vitrearum].
À DROITE ---»»»
Baie 10, 4e registre : La Vierge remet à saint Jean
la palme du jardin de Paradis.
Vers 1510-1520.
Le fond de mosaïque rouge est moderne. |
|
Baie 10, 4e registre : Seconde Annonciation, détail.
Un ange informe Marie de sa mort prochaine.
Le fond de mosaïque rouge est moderne.
La palme initiale a été transformée en lys en
1950 [Corpus Vitrearum]. |
|
La
Baie 10 (2/2).
---»» 1er registre (le bas) : quatre
épisodes de la Vie du Christ et de sa Passion
dont la comparution devant le grand prêtre (Anne
ou Caïphe) et la comparution devant Pilate (données
ci-contre à droite) ;
2e registre : quatre scènes de la vie de
saint Jean l'Évangéliste, dont : le saint
provoque la chute d'une idole ; il prêche et il
fait creuser sa tombe ;
3e registre : légende de la Dormition
et de l'Assomption, dont : un groupe d'apôtres
réunis autour du lit de la Vierge ; la Vierge
en son Assomption ;
4e registre : trois scènes de la Vie de
la Vierge dont la Naissance de la Vierge et la Seconde
Annonciation (un ange informe Marie de sa mort prochaine)
; le quatrième panneau est un saint guerrier
avec étendard et bouclier (est-ce saint Georges
?) ;
5e registre : début du cycle de la Vierge
avec l'offrande de Joachim refusée par le grand
prêtre (parce que Joachim n'a pas d'enfant) -
panneau moderne ; l'Annonce à Joachim et la Rencontre
à la Porte dorée ;
6e registre : quatre figures indépendantes
(sainte Anne éduquant la Vierge, saint Jean l'Évangéliste,
Vierge à l'Enfant, Vierge à l'Enfant en
gloire) ;
Tympan : colombe du Saint-Esprit dans l'oculus
central (XVIe ou XVIIe siècle) ; motifs décoratifs
modernes dans les ajours lobés.
Source : Les vitraux
de Bretagne, Corpus Vitrearum, P.U.R., 2005.
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Baie 10, 5e registre
: Annonce à Joachim ;
Rencontre d'Anne et Joachim à la Porte dorée
---»»»
Panneaux peu restaurés. Premier quart du XVIe siècle.
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Baie 10, 6e registre : Éducation de la Vierge.
Premier quart du XVIe siècle ou 3e quart du XVe siècle. |
Baie 10, 5e registre
: Le grand prêtre refuse l'offrande de Joachim.
---»»»
Panneau moderne sauf la tête à gauche [Corpus
Vitrearum].
La qualité du pastiche du XVIe siècle est
remarquable. |
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LE CHUR
DE L'ÉGLISE SAINT-GERMAIN |
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Le chur de l'église Saint-Germain.
Le retable et le maître-autel sont du début du XIXe siècle.
Derrière les colonnes de marbre, le tableau de La Résurrection
de Lazare est difficilement observable à cause des reflets. |
Le chur
et son mobilier.
À l'origine, le maître-autel et ses
colonnes de marbre, taillés à Marseille, étaient
destinés à la cathédrale
de Saint-Malo. En 1805, après le pillage de la
Révolution, la fabrique de Saint-Germain décide
de reconstituer le mobilier de l'église. C'est à
cette occasion qu'elle a acheté ces éléments
à la cathédrale malouine.
En 1811, un baldaquin en bois doré est venu coiffer
les colonnes. Au centre, une gloire et ses chérubins
abritent le Dieu Trinitaire (représenté par
le tétragramme en lettres hébraïques).
De chaque côté, au-dessus du chapiteau corinthien,
un gros serpent gris se love autour des volutes. Ces deux
serpents représentent la Création et la Terre.
L'autel de messe est en marbre rouge de Saint-Berthevin. Il
date de 1970.
Les deux anges en prière qui encadrent le maître-autel
sont dus au ciseau de Jean-Jacques Barre (1811-1896). Ils
sont datés de 1855.
Enfin, derrière les colonnes en marbre se lotit une
très belle toile de Eloi Firmin Féron (1802-1876) :
La Résurrection de Lazare. Malheureusement,
vu de face, le tableau est inondé de reflets et, de
profil, il est en partie masqué par le mobilier (!)
La photo proposée ci-dessous a été prise
de biais. Une fois redressée, elle donne néanmoins
90% de la toile.
En 1966, l'historienne Denise Robet-Maynial, dans le Dictionnaire
des églises de France, indique que le tableau en
place est une Descente de croix de Charles le Brun
et qu'il provient du cabinet du Roi. Cette toile a été
remplacée par une uvre du peintre anversois Gaspard
de Crayer (1584-1669) illustrant une Résurrection
de Lazare, uvre récupérée depuis
par le Musée
des Beaux-Arts de Rennes. et remplacée par une
composition sur le même sujet. Denise Robet-Maynial
écrit néanmoins que la toile en place en 1966
«mériterait d'être mieux mise en valeur».
On ne saurait dire mieux au sujet du tableau actuel.
Le chur de la basilique
Saint-Sauveur de Rennes
possède un tableau présenté dans des
conditions similaires : La Transfiguration de Jean-Bruno Gassies (1786-1832) est elle aussi masquée par les
colonnes du baldaquin. On pourrait lui appliquer la même
nécessité de mise en valeur.
Sources : 1) livret disponible
dans l'église ; 2) Dictionnaire des églises
de France, éditions Robert Laffont, 1966.
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Le serpent se love autour des volutes en bois doré
qui dominent le chapiteau corinthien. |
La Gloire en bois doré date de 1811.
Le Tétragramme du Dieu trinitaire en lettres hébraïques
est entouré de têtes d'angelots ailés.
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Ange en prière de Jean-Jacques Barre, 1855.
«««---
«La Résurrection de Lazare», partiel.
Tableau d'Éloi Firmin Féron (1802-1876). |
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LE CHUR
DE SAINT-GERMAIN DE RENNES OU LA BEAUTÉ D'UNE ÉGLISE |
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La beauté d'une église : le chur de l'église
Saint-Germain de Rennes et ses deux autels. |
La beauté
d'une église.
La photo ci-dessus montre un chur d'église. Peut-on
dire qu'il est beau ? La réponse est évidemment
oui. L'harmonie des formes et des couleurs qui se marient
dans un encadrement de vieilles pierres rend ce genre de lieu
idéal pour la prière, la méditation ou
simplement pour penser. Devant ce décor, on se sent
bien et on a envie de rester.
La beauté fait partie intégrante du catholicisme.
L'intérieur d'une église doit être beau,
et tout spécialement son chur. N'en déplaise
à Martin Luther, la beauté visuelle, loin de
tromper et d'abuser, guide les hommes sur le chemin du mieux-être
- à tous les points de vue. Par ce biais, le croyant
est conduit indiscutablement à une foi plus ferme.
Les moines chargés de convertir les âmes ont
souvent utilisé la beauté comme une arme pacifique.
Les processions religieuses nocturnes avec flambeaux, étendards
et chants étaient mises à profit pour ébranler
les curs. Ce fut le cas de la prière des Quarante-Heures
organisée par les pères capucins au XVIIe siècle.
La beauté qui s'en dégageait impressionnait
les protestants et pouvait les pousser à se convertir.
D'autant plus que certains d'entre eux devaient professer
la religion réformée de par leur naissance et
non par conviction. Pour empêcher ces conversions, les
pasteurs durent bien souvent interdire à leurs ouailles
de s'approcher des processions catholiques...
Le gothique flamboyant de l'église
Saint-Pierre de Dreux
offre un autre style de beauté. Là, c'est le
déambulatoire et ses chapelles rayonnantes avec leurs
vieilles pierres qui dégagent toute une atmosphère
médiévale enchanteresse. Là s'accumulent
autels, statues, peintures, vitraux anciens, le tout baigné
dans la patine de la pierre et les nervures des arcades. À
Bourges,
le double déambulatoire de la cathédrale
Saint-Étienne, avec sa suite de hautes baies vitrées,
offre, de son côté, une beauté qui devient
féérie.
Comment définir la beauté ? Le grand
dessinateur allemand Albrecht Dürer a cherché
toute sa vie à répondre à cette question.
En vain. Plus près de nous, Umberto Ecco a écrit
une Histoire de la beauté (Flammarion, 2010).
Un ouvrage qui déçoit. L'écrivain passe
en revue les créations des artistes depuis l'origine
comme s'il décrétait qu'elles incarnent toutes
la beauté. Ce qui paraît un peu court. Cette
méthode fâcheuse l'amène à ajouter
à sa liste des uvres contemporaines abstraites,
tel ce tableau fait de deux carrés colorés sur
un fond jaune... À quel titre est-ce beau ? Selon quels
principes ? Aucune réponse n'est donnée. À
trop rester collé aux galeries d'«art»,
Umberto Ecco s'est fourvoyé.
Il est impossible de définir la beauté selon
des critères objectifs, valables pour toutes les époques
et tous les individus. Ce concept, totalement subjectif, interdit
une description directe. Il faut donc procéder de manière
indirecte, aller au-delà des goûts individuels
et s'intéresser plutôt à ce que l'on ressent.
On définira ainsi la beauté comme la caractéristique
d'une uvre qui, pour un instant, crée le vide
dans la tête de l'observateur ou de l'auditeur, faisant
disparaître tous ses soucis. Projeté hors du
monde, saisi par le plaisir de la contemplation, l'observateur
atteint la sérénité parfaite. Inversement,
l'observation prolongée de choses que l'on trouve laides
provoque souvent une sensation de malaise.
Chacun a ses critères de beauté. Si l'on en
croit Rose-Marie et Rainer Hagen dans leur volumineux ouvrage
Les dessous des chefs-d'uvre (Taschen, 2014),
Goethe trouvait que l'arc ogival, si fréquent dans
l'architecture religieuse, manquait de beauté. Le peintre
Karl Friedrich Schinkel (1781-1841), qui a côtoyé
le poète à Weimar, préférait parler
de «calme» plutôt que de «beauté».
Pour Schinkel - rejoignant la définition donnée
-, c'est bien l'impression de sérénité
qui est l'objectif architectural suprême. La décoration
est inutile ; la clarté et l'harmonie doivent suffire
pour l'atteindre.
Dans la course à la beauté, Schinkel rejette
l'arc brisé parce qu'il rend trop visible l'opposition
entre les deux forces qui assurent la stabilité de
la pierre. Ce n'est pas le «calme» que l'on ressent,
mais un «conflit». Pour cet artiste, le «calme»
en architecture est obtenu simplement par l'union de la colonne
et de l'architrave. Autrement dit, Schinkel privilégie
le style gréco-romain : un entablement horizontal posé
sur des colonnes verticales.
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Le chur de Saint-Germain de Rennes
: la beauté d'une église est aussi celle des vieilles
pierres ornées d'uvres d'art. |
BAIE 0 : UNE
VERRIÈRE EN MORCEAUX |
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Le chur de l'église Saint-Germain et la baie 0. |
L'église
Saint-Germain et la loi de 1905 (1/3).
La Séparation de l'Église de l'État,
votée le 9 décembre 1905 par l'Assemblée,
a souvent créé des remous dans les paroisses
de l'Hexagone. L'État prenait possession de tous
les éléments cultuels de France, mais
surtout obligeait le clergé à soumettre
chacune de ses églises à un inventaire
du mobilier et de tous les objets utilisés pour
la liturgie. Prélats et fidèles en furent
scandalisés. Du jamais vu depuis deux mille ans
! Du jamais vu depuis que l'Église était
l'Église ! Soucieux de leurs prérogatives,
de l'honneur de la religion qui a fait la France, les
ecclésiastiques prirent ces incursions et ces
comptages pour une profanation inadmissible, une insulte
à Dieu. Et les paroissiens leur emboîtèrent
le pas : personne ne devait souiller le sol des églises
pour se livrer à cette mascarade impie.
À Rennes,
le préfet d'Ille-et-Vilaine, M. Rault, prévoyait
des barrages devant les portes des édifices religieux.
Il pensa d'abord mener les inventaires à une
date précise pour chacun d'entre eux, puis se
ravisa. C'était trop facile pour les paroissiens
: si tous les Rennais opposés à la loi
se regroupaient à chaque fois devant les portes
de l'édifice concerné, son labeur allait
se multiplier. Il décida donc de réaliser
tous les inventaires en même temps : le vendredi
16 février 1906. ---»» Suite 2/3
plus bas.
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La
baie 0. C'est un agrégat de morceaux
épars de vitraux du XVIe siècle détruits
à la Révolution. Ils ont été
retrouvés dans des tonneaux au XIXe et sertis
sans aucun ordre. La petitesse des fragments et la diversité
des origines rendent impossible toute remise en ordre.
On pourra voir à Niort,
dans la grande baie axiale de l'église Notre-Dame,
un cas similaire de fragments brisés réassemblés.
Ils représentent un Arbre de Jessé reconstitué,
partiellement et avec beaucoup de difficultés,
vers 1990 par Jeannette Weiss-Grüber, artiste verrier.
Sur la baie 0, le Corpus Vitrearum (Les vitraux
de Bretagne, P.U.R. 2005) donne quelques indications
supplémentaires. La verrière contient
8 lancettes et un tympan de 33 ajours. Sa hauteur totale
initiale était d'environ 16 mètres. La
partie basse étant maintenant murée, sa
hauteur est de 12 m, sa largeur de 5,60 m.
Cette verrière dite en «macédoine»
a été restaurée et complétée
par Rault en1932-36 et vers 1947. Des têtes, des
mains et un arbre sont incrustés dans le tympan.
Les lancettes abritent des fragments de rois d'un Arbre
de Jessé, dont David jouant de la harpe. Deux
extraits donnés ci-dessous montrent des têtes
d'hommes.
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Baie 0 : fragments avec
une tête d'homme. |
Baie 0 : agrégats de vitraux du XVIe siècle
brisés à la Révolution.
L'église Notre-Dame
à Niort
présente
un vitrail axial en partie similaire. |
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L'orgue de tribune. |
L'orgue
de tribune. Il date du XVIIIe siècle
et provient de l'abbaye Notre-Dame de Prières
dans le diocèse de Vannes. La paroisse l'a acheté
en 1825, puis l'instrument a été agrandi.
Les statues sont de Dominique Molknecht (1793-1876).
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«««--- L'orgue
de tribune : les statues sur les tourelles du positif
et
sur les grandes tourelles sont de Dominique Molknecht
(1793-1876).
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L'église
Saint-Germain et la loi de 1905 (2/3).
---»» La situation du Préfet
était compliquée. En effet, devant la
politique anticléricale du gouvernement, les
villes avaient tendance à élire des maires
catholiques et souvent pratiquants. C'était le
cas à Rennes
où Eugène Pinault, un riche tanneur, par
ailleurs conseiller municipal et ancien député
d'Ille-et-Vilaine, avait été élu
à la mairie en 1900. Une responsabilité
qu'il honorera jusqu'en 1908. L'historien Xavier Ferrieu
l'écrit dans son Histoire de Rennes (Gisserot,
2001) : Pinault avait clairement annoncé
qu'il refusait d'assurer le maintien de l'ordre lors
des inventaires...
Même si le cardinal Labouré, archevêque
de Rennes
avait recommandé aux curés de laisser
les églises ouvertes, le Préfet savait
très bien que les Rennais allaient s'opposer
à la «profanation» des églises
par la fonction publique. Anticipant des échauffourées
et en l'absence de la police, il lui fallait disposer
d'une force armée suffisante.
Le témoin des événements décrit
ainsi la journée du jeudi 15 février :
«De tous les côtés, par tous les
trains, arrivent les gendarmes. Tous ceux du département,
ceux même des départements voisins, jusque
de Lannion, ont été appelés pour
la grande journée. Habitués à protéger
l'ordre, et à poursuivre les coquins et les voleurs,
ils se sentent bien un peu déconcertés
de la triste besogne qu'on leur impose. Pauvres gens
! Ils n'avaient pas rêvé de devenir gendarmes
pour assister au sac des églises, ou à
la violation des propriétés.»
À 18 heures ce même jour, le calme règne
dans Rennes.
Les agents de l'État sont entrés dans
les églises pour repérer les points faibles,
nous dit ce témoin qui ajoute non sans malice
: «Ils savent par où ils pourront tenter
l'effraction.» ---»» Suite 3/3
à droite.
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«La Rencontre d'Abraham et de Melchisédech»
École française du XVIIe siècle.
Toile parfois attribuée à Jean-Bernard Chalette,
né à Toulouse en 1631 et actif à Rennes
de 1668 à 1678. |
Baie 2 : «Le Christ porte le pain et le vin»,
détail. |
|
Les anges souffleurs du vitrail de Max Ingrand
dans la grande verrière occidentale. |
L'orgue de tribune : un atlante.
(Dominique Molknecht) |
L'église
Saint-Germain et la loi de 1905 (3/3).
---»» À 23 heures, les portes
des églises sont gardées par des escouades.
À minuit, la ville est en état de siège.
Pour rentrer chez eux, les habitants dont les maisons sont
proches des édifices cultuels doivent établir
leur identité et se faire accompagner par un agent
de police.
Le témoin poursuit : «Toute la garnison de Rennes
a été mobilisée : les 14 compagnies du
41e de ligne, en tenue de campagne, avec deux paquets de cartouche
dans chaque giberne, les artilleurs des 7e et 10e d'artillerie,
- les gendarmes, 500, dit-on -, arrivés de partout.
Tout cela pour enfoncer les portes de six églises,
et inspirer une salutaire terreur à quiconque voudrait
bouger.»
Arrive le matin du vendredi 16 février 1906.
Devant Saint-Germain, M. Gagneux, inspecteur de police
en faction, voit arriver la troupe... qui prend «les
dispositions de combat». Le pas des soldats s'accélère
; les chevaux galopent ; on entend le cliquetis des armes.
Le narrateur continue : «En cinq minutes, les barrages
s'effectuent d'après un plan arrêté d'avance
: rue du Vau-Saint-Germain se postent deux escouades d'artilleurs
; sur la place débouchant sur le quai un escadron,
renforcé de gendarmes à cheval, et dans les
rues Derval et de Corbin, une compagnie du 41e d'infanterie.
Les hommes, au commandement, forment les faisceaux et on attend.»
Le barrage est total : personne ne passe plus, à l'exception
des bidons de lait. Au petit jour, la foule grossit. À
7 heures 30 précises, un receveur du fisc, M. Forêt,
se présente à la porte sud de l'église.
Elle est close, mais les fabriciens sont là, entourant
le curé de la paroisse.
Le chanoine Duver, curé de Saint-Germain, lit une protestation
solennelle dont on devine la teneur : l'Église catholique
a la garde de tout ce qui lui a été donné
et confié au cours des âges ; ces biens, nous
devons les transmettre à nos successeurs ; par son
action le Pouvoir civil la spolie ; «s'il est la force,
il n'est pas le droit, et si nous subissons l'une, nous protestons
au nom de l'autre.» En conséquence, les fabriciens
se refusent de participer «à l'acte qui va être
accompli».
À son tour, M. Regnault, président du Conseil
de fabrique, donne lecture d'une seconde protestation : les
agents de l'État sont les gardiens de l'État,
les fabriciens sont les gardiens de leur église à
laquelle on ne doit pas porter atteinte ; la loi nous
dépouille ; «tant que Notre Saint-Père
le Pape n'aura pas parlé, nous estimerons que nous
sommes ici chez nous, et que nul autre n'a le droit d'y faire
inventaire». En conséquence, les fabriciens ne
céderont qu'à la violence.
Après ces deux incantations, le receveur du fisc choisit
de se retirer. Quelques cris hostiles l'accompagnent, tandis
que, devant la porte sud, la foule ovationne le curé.
À 9 heures 45, le receveur revient, cette fois pour
le dernier acte. Aussitôt la troupe se met en garde.
Mais les fabriciens, qui circulent autour de l'église,
refusent d'ouvrir les portes au fonctionnaire. Quand celui-ci
se présente officiellement, accompagné du commissaire
de police, «les sommations d'usage sont faites en vain».
Alors huit hommes de la «compagnie d'ouvriers»,
huit volontaires, constate avec regret le narrateur, se présentent
armés de piques et de haches. On choisit d'enfoncer
la porte de la rue Derval, celle qui est au nord, visiblement
moins robuste que les autres. Les huit soldats se mettent
au travail. Au bout de dix minutes, les battants de la porte
sont disjoints. Dans leur chute, ils entraînent une
colonne de chaises amoncelées à l'intérieur.
Le narrateur poursuit : «Entré dans l'église,
M. Forêt a rapidement compté les autels, les
statues, les confessionnaux. Pendant ce temps, les ouvriers
de la 8e enfonçaient les portes de la sacristie. Après
eux, M. l'inspecteur put y pénétrer, prit note
- rapidement - du mobilier et se retira».
Et le témoin anonyme de cette journée, clairement
opposé aux inventaires, conclut son récit du
16 février à Saint-Germain par une ironie un
peu étonnante : «Là aussi, victoire était
restée à la Loi !»
Dans tout cela, on constate - non sans surprise - que les
vitraux de l'église, quelle que soit leur époque,
sont regardés comme sans valeur...
Sources : 1) À l'assaut
de nos églises par un témoin, brochure parue
en 1906 relatant les événements du vendredi
16 février 1906 ; 2) Histoire de Rennes de Xavier
Ferrieu, éditions Gisserot, 2001.
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La nef et l'orgue de tribune vus depuis le chœur. |
Documentation : panneaux affichés dans
l'église + livret
+ «Les vitraux de Bretagne», Corpus Vitrearum, Presses
Universitaires de Rennes, 2005
+ «Dictionnaire des églises de France», Éditions
Robert Laffont, 1966
+ «Bretagne gothique» de Philippe Bonnet et Jean-Jacques
Rioult, Éditions Picard, 2010
+ «Note d'un voyage dans l'Ouest de la France», Prosper
Mérimée, 1835
+ «Dictionnaire du patrimone rennais», Éditions
Apogée, 2004
+ «Bretagne, dictionnaire, guide du patrimoine», Éditions
du patrimoine, 2002
+ «À l'assaut de nos églises», récit
anonyme d'un témoin, livret édité en 1906
+ «Vie de l'abbé Carron» par un bénédictin
de la Congrégation de France écrite en 1866
+ «Histoire de Rennes» de Xavier Ferrieu, éditions
Gisserot, 2001
+ «L'Ille-et-Vilaine des origines à nos jours»,
Éditions Bordessoules, 1984. |
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