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Page créée en janv. 2023
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Le Couronnement de la Vierge, détail (Max Ingrand)

L'histoire connue de l'église Saint-Germain commence au XIIIe siècle lorsqu'une chapelle a été agrandie en église. De cette dernière, il reste deux piliers à l'entrée de la sacristie actuelle. Situé dans le faubourg est de Rennes, cet édifice était à l'extérieur de l'enceinte fortifiée qui enserrait la ville.
Dans la première moitié du XVe siècle, les combats de la guerre de Cent Ans continuent en France, entraînant destructions et misères. Mais, en Bretagne, la paix règne. La dynastie des ducs de Montfort (1399-1514) a mis fin aux luttes de pouvoir en Armorique. Sous le long règne de Jean V (1399-1442), le duché connaît un véritable âge d'or. Peut-être des artistes et des architectes ont-ils alors fui la France et gagné la Bretagne pour trouver du travail, écrivent Philippe Bonnet et Jean-Jacques Rioult dans Bretagne gothique (Picard, 2010). Au sein du duché, la paix amène la prospérité ; le mécénat se développe, créant bâtiments et œuvres d'art, notamment des vitraux. Rennes est aux premières loges ; de nouvelles églises s'élèvent. Saint-Hélier est déjà sorti de terre, Toussaints s'agrandit. Dans la paroisse Saint-Germain, où vivent des officiers de l'entourage ducal, la population s'accroît. Il faut agrandir l'église. En 1434, Jean V autorise douze notables à lever une taille sur les habitants pour la reconstruire. Une reconstruction qui va prendre deux siècles.
C'est le style gothique flamboyant qui est retenu, en version bretonne. La nef et le bas-côté nord (photo ci-dessous) en donnent un aperçu : piliers assez fins, arcades en plein cintre, murs nus, absence de chapiteaux. De 1450 à 1510, nef, chœur et bas-côté nord vont s'élever lentement. Entre-temps, à la suite du double mariage de la duchesse Anne avec Charles VIII en 1491, puis avec Louis XII en 1499, la Bretagne s'est unie à la France à titre personnel. En 1532, l'Édit d'Union scellera l'intégration officielle - avec maintien des privilèges du duché. En 1531, le Parlement est transféré à Rennes. Le Palais qui va l'abriter sera construit dans la paroisse Saint-Germain de 1618 à 1655.
Dans l'église, confréries et fondations se multiplient. L'Édit de Nantes, signé en 1598, a apaisé les tensions. Bientôt l'esprit de la Contre-Réforme va favoriser le développement de la ville. À côté des artisans et du petit peuple, la paroisse abrite toujours des Rennais au statut social élevé. Ils sont membres actifs de la vie politique, administrative et judiciaire de la cité. Des monastères s'y implantent (Ursulines, Jésuites, Cordeliers). La tour et le pignon occidental sont édifiés de 1519 à 1546. Germain Gaultier est chargé de la façade méridionale qu'il élève de 1606 à 1623. Les créations de confréries et de fondations continuent, garantes du dynamisme de la paroisse.
En 1720, un terrible incendie détruit une grande partie des quartiers est de Rennes, mais la paroisse Saint-Germain est peu touchée. La reconstruction, qui va créer de beaux immeubles qui existent toujours, accentuera l'opposition entre quartiers aisés (au nord) et quartiers pauvres (au sud).
En janvier 1789, la Révolution française commence à Rennes avec un peu d'avance. Le tumulte se répand dans la ville : les habitants défendent les «libertés» bretonnes contre le pouvoir royal. La paroisse Saint-Germain est en première ligne
En 1791, elle est supprimée et rattachée à celle de Saint-Melaine. Puis l'église est fermée et pillée. En 1792, l'édifice échappe à la destruction en devenant magasin à fourrage pour l'Artillerie.
En 1805, les paroissiens rachètent leur église à l'armée, mais l'étendue de la paroisse s'est fortement réduite. Le culte reprend dans un édifice qui doit être entièrement remeublé. Le XIXe siècle y pourvoira grâce à de nombreux dons : maître-autel, baldaquin, orgue, chaire à prêcher, cloches. En 1914, Saint-Germain est classée Monument historique.
Juin 1940, août 1944 : l'église souffre des bombardements sur Rennes. Tous les vitraux du XIXe siècle sont détruits ; la baie n°10, du XVIe siècle, est endommagée. Dès 1948, une importante restauration est entreprise. L'atelier Max Ingrand est sollicité pour vitrer les fenêtres.
Dans le bas-côté sud, le visiteur pourra s'arrêter devant l'urne blanche qui contient le cœur de l'abbé Carron (1760-1821). Regardé par certains comme un bienfaiteur de l'humanité, ce prélat était vicaire de l'église au déclenchement de la Révolution. Fidèle à la Monarchie, il passa dix-neuf ans en exil à Londres. L'abbé Carron est à l'origine du renouveau du catholicisme en Angleterre au XIXe siècle.

Saint Roch montrant son bubon par Dominique Molknecht , détail
Vue d'ensemble de l'église Saint-Germain depuis l'entrée occidentale
Vue d'ensemble de l'église Saint-Germain depuis l'entrée occidentale.
La grande verrière du chœur est constituée de fragments de vitraux Renaissance.
À gauche, les piles qui séparent les chapelles paraissent d'une «déraisonnable minceur» (voir texte plus bas).

La façade OUEST et son immense verrière dominent la rue du Vau-Saint-Germain.
Cette très ancienne rue, tracée de biais par rapport au plan de l'église, a entraîné la troncature du bas-côté sud.
La double-porte de la façade date de 1858. Elle est venue remplacer une porte unique.

La façade EST et la verrière (bouchée en partie) qui illumine le chœur.
À côté, le vitrail du Christ-Prêtre (Max Ingrand, années 1950)
éclaire l'absidiole sud.
La façade occidentale et sa grande verrière
La grande verrière occidentale est inscrite
dans un impressionnant réseau de voussures.
À l'intérieur de l'édifice, elle est malheureusement masquée
pour moitié par le buffet de l'orgue de tribune.

Architecture extérieure (2/2).
---»» L'ensemble de la façade sud (ci-contre), donne sur la place Saint-Germain actuelle. Cette façade a été érigée de 1606 à 1623 par Germain Gaultier. C'est la partie la plus récente de l'édifice.
Depuis le tout début du XVIIe siècle, la ville savait que le Parlement de Bretagne devait être transféré à Rennes.
La construction du Palais où allaient siéger les gens de robe va démarrer en 1618 pour s'achever en 1655. Et son maître d'œuvre sera ce même Germain Gaultier. Sans doute le lieu du Palais était-il déjà choisi. Et l'architecte aura pu proposer pour l'église un style de façade sud en adéquation avec l'appareil prévu pour son futur prestigieux voisin.
Georges Provost écrit en effet, dans Le dictionnaire du patrimoine rennais (Éditions Apogée, 2004), que le grand porche sud «signale le lien très fort de la paroisse avec la magistrature.» Car Saint-Germain est devenue la paroisse du Palais. L'historien ajoute : «elle y gagne une solide réputation aristocratique et bourgeoise que symbolisent les hôtels particuliers de la rue de Corbin ou les appartements cossus de la place du Parlement.» Les robins s'assiéront d'ailleurs aux premiers bancs de la nef de l'église et disposeront de nombreuses chapelles funéraires. On donne plus bas deux dalles funéraires dans la nef et devant le chœur.
Le détail de l'architecture de la façade sud est donnée ci-dessous. Autour de la baie centrale, élancée et cintrée, on remarque une ordonnance de style Renaissance avec ses colonnes ioniques et corinthiennes encadrant des niches superposées, malheureusement vides, dont le sommet est embelli d'un bas-relief floral.
Dans le Dictionnaire des églises de France (Laffont, 1966), l'historienne Denis Robet-Maynial, qui a rédigé l'article sur l'église, indique que la porte de cette façade sud fut longtemps appelée «porte de la pompe» en référence à un puits ou à une pompe que l'on trouvait autrefois sur la place Saint-Germain.qui lui fait face.

Le côté nord de l'église avec ses baies gothiques ornées de remplage flamboyant
Le côté NORD de l'église avec ses baies gothiques aux remplages flamboyants.
Avec le chœur, c'est la partie la plus ancienne de l'église (entre 1450 et 1510).
En février 1906, c'est la porte ci-dessus qui a été brisée par l'armée pour entrer
dans l'édifice afin de dresser l'inventaire du mobilier (voir Saint-Germain et la loi de 1905 plus bas).

Architecture extérieure (1/2).
Élevée dans un bel appareil de granit, l'église Saint-Germain se distingue par ses deux grandes baies en tiers-point, à réseau flamboyant : l'une à l'ouest (ci-contre) ; l'autre au chevet (baie 0), visible dans la photo donnée plus haut. Le remplage flamboyant du tympan de cette baie est donné plus bas.
Le côté nord (ci-dessus) possède l'aspect le plus fortement gothique. Avec le chœur, c'est la partie la plus ancienne, construite entre 1450 et 1510. Les fenêtres sont de style flamboyant ; on y distingue aussi des pinacles et des gargouilles. On notera la diversité des remplages dans les grandes baies du premier niveau. C'est derrière ce bas-côté nord que se trouve la suite d'arcades abritant des petites chapelles. Dans l'une d'entre elles est exposée l'urne contenant le cœur de l'abbé Carron (1760-1821).
Au nord-ouest, la tour (ci-contre) est restée inachevée. Bâtie de 1519 à 1550, elle était prévue pour abriter le corps de garde et les réserves d'artillerie de la ville. En 1651, elle est devenue le clocher de l'église. Un étrange beffroi en charpente recouvert d'ardoise la surmonte et une tourelle à poivrière l'accompagne. ---»» Suite 2/2 à gauche.

La façade sud et sa verrière Renaissance (baie n°10) dans le croisillon du transept
La façade SUD et sa verrière Renaissance (baie n°10) dans le croisillon du transept donnent sur la place Saint-Germain.
Cette façade a été érigée de 1606 à 1662, fermant ainsi l'église qui était restée «ouverte» pendant un siècle.

Le remplage gothique flamboyant de la grande baie orientale (baie n°0).

Architecture Renaissance du bras sud du transept. ---»»»
La façade sud a été érigée de 1606 à 1623
par l'architecte Germain Gaultier.
LA NEF DE L'ÉGLISE SAINT-GERMAIN
Élévation du côté nord vers le chœur
Élévation du côté nord vers le chœur.
Le couvrement était prévu en voûte d'ogives. Les amorces des ogives ont été insérées par les constructeurs
en haut des colonnettes engagées (flèches blanches et photo incorporée à droite).
Plan de l'église Saint-Germain
Plan de l'église Saint-Germain.

Second niveau de l'élévation sud près de l'orgue de tribune.
La flèche jaune indique une amorce d'ogives bien plus robuste que les «triplets»
(flèche blanche) qui terminent les autres colonnettes sur les élévations nord et sud.
«Présentation de la Vierge au temple» de Louis Elle, 1702
«Présentation de la Vierge au temple», 1702
par Louis Elle, dit Ferdinand (1648-1717).

Architecture intérieure (2/2).
---»» De son côté, l'historienne Denise Robet-Maynial, en 1966 dans le Dictionnaire des églises de France, écrit laconiquement : «La nef, couverte en charpente, devait être primitivement voûtée d'ogives.» Ce qui sous-entend à l'évidence : ogives en pierre.
De manière assez étonnante, Philippe Bonnet et Jean-Jacques Rioult écrivent en 2010 dans Bretagne gothique : «À Saint-Germain de Rennes, on renonce en cours de chantier à un parti initial à nef voûtée, alors que les bas-côtés sont déjà couverts de croisée d'ogives en pierre, au profit d'une charpente lambrissée qui permet l'ouverture dans le pignon est d'une haute maîtresse-vitre.» Renoncer à une nef voûtée ? Mais toutes les nefs ont une voûte ! Nos deux historiens pensent-ils que la fabrique allait se contenter d'une simple charpente pour y poser les ardoises ? Ils ont certainement voulu écrire : renoncer à un parti initial à nef voûtée d'ogives (sous-entendu en pierre).
En conclusion, on observe ainsi une conception mixte propre à la Bretagne : le bois pour la voûte du vaisseau central ; la pierre pour les (étroits) collatéraux.
Détail intéressant, mais difficilement visible : la sablière qui constitue la base de la voûte est ornée de sculptures de grotesques. On en donne quelques exemples plus bas.
En 1873, les deux chapelles orientales dans le bas-côté sud furent réunies pour constituer la nouvelle sacristie. Celle-ci est couverte d'une terrasse avec, d'un côté, une balustrade, de l'autre, un garde-corps néogothique.
Sources : 1) Bretagne gothique de Philippe Bonnet et Jean-Jacques Rioult, éditions Picard, 2010 ; 2) Dictionnaire du patrimoine rennais, Éditions Apogée, 2004 ; 3) Dictionnaire des églises de France, Éditions Robert Laffont, 1966 ; 4) Livret sur l'église disponible dans la nef ; 5) L'Ille-et-Vilaine des origines à nos jours, éditions Bordessoules, 1984 ; 6) Patrimoine religieux de Bretagne, Éditions Le Télégramme, 2006.

Chapelle Saint-Armel dans le bas-côté nord
Chapelle Saint-Nicolas dans le bas-côté nord.
Retable de la chapelle Saint-Armel
Retable de la chapelle Saint-Nicolas ou Saint-Joseph ( XIXe siècle).
Statue de saint Joseph sur le retable.

La Vierge dans le Couronnement de Max Ingrand .

Architecture intérieure (1/2).
Bâtie sur deux siècles, l'église Saint-Germain présente un aspect intérieur hétérogène. Le visiteur s'en rend compte dès qu'il entre par la porte occidentale : au nord, des piliers assez fins séparent la nef du bas-côté, le tout surmonté de fenêtres hautes bien alignées ; au sud, des piliers massifs et une architecture discontinue. Le style est gothique flamboyant, version bretonne, c'est-à-dire simplifiée : piles étroites (au nord) ; murs nus ; absence de chapiteaux ; arcades en plein cintre surbaissé.
La nef, le chœur et le bas-côté nord datent de la première période de construction : 1450-1510. À l'est et à l'ouest, la lumière arrive par deux immenses baies. Celle de l'est (baie n°0) est masquée, dans sa partie basse, par le haut du retable du maître-autel ; celle de l'ouest disparaît, malheureusement presque en son entier, derrière l'orgue de tribune installé au XVIIIe siècle.
Sur le bas-côté nord (photo ci-dessus), les grandes fenêtres, aux remplages gothiques, se succèdent au-dessus d'une suite de petites arcades qui abritaient jadis des autels. Construit entre 1624 et 1662, le bas-côté sud reprend le même schéma. On note toutefois une différence : au nord, les voûtes du collatéral sont ogivales ; au sud, une partie d'entre elles est en arêtes. À l'ouest, comme le montre le plan, le bas-côté sud est en biais à cause de la rue du Vau-Saint-Germain qui est en oblique par rapport au plan de l'église.
Au second niveau (qui n'existe que du côté nord), par le jeu des coloris de la pierre, les fenêtres donnent l'impression d'être coiffées chacune d'un chapeau en tiers-point. Ces différences dans les coloris créent la beauté de l'élancement.
La voûte de l'église est en berceau lambrissé. À ce sujet, dans Bretagne gothique (Picard, 2010), Philippe Bonnet et Jean-Jacques Rioult rappellent les caractéristiques de la Bretagne : la région dispose d'une pierre granitique très lourde (plus de 2,5 tonnes au mètre cube, presque deux fois plus que le tuffeau de Touraine) et une abondance de forêts. Conséquence : le couvrement des églises bretonnes est bien plus souvent en bois qu'en pierre.
À Saint-Germain, l'étroitesse des piles au nord semble indiquer que le choix initial du matériau pour la voûte était le bois. La structure choisie devait alors être une succession d'ogives : la présence des amorces au sommet des colonnettes le long du mur gouttereau nord semble le confirmer (flèches blanches dans la photo ci-dessus). Pour une raison inconnue, la fabrique a finalement opté pour une voûte en berceau brisé, évidemment plus économique. Le livret sur l'église, disponible à l'entrée, indique que la voûte était «initialement prévue d'ogive en bois» et que celle-ci a été modifiée en cours de construction en un berceau brisé continu, «réduisant les départs d'ogive en pierre à un rôle décoratif.»
N'y a-t-il pas là une erreur ? Il faut remettre en question cette histoire d'ogives en bois. Pourquoi construire en bois une forme de voûtement spécialement conçue pour ce matériau lourd qu'est la pierre ? Le principe est connu : via les ogives, l'énorme poids de la pierre est réparti sur les piliers qui reçoivent les retombées de ces ogives. Avec le bois, le problème ne se pose pas. Les voûtes en bois des anciennes églises sont soit horizontales (souvent à caissons), soit en berceau. Plus rarement en forme de V. Construire une voûte ogivale en bois est évidemment possible, mais, à part l'originalité et le coût excessif, cela n'aurait eu aucune utilité pratique. Une voûte d'ogives est forcément en pierre.
Les auteurs de l'ouvrage Patrimoine religieux en Bretagne, rédigé sous la direction de Maurice Dilasser (Éditions Le Télégramme, 2006) ne s'y sont pas trompés. Ils écrivent clairement : «À l'intérieur, d'élégants piliers portent la nef principale. La naissance d'arcs montre que l'on avait prévu des voûtes en pierre au lieu d'une charpente lambrissée.»
Il reste quand même à régler le problème que posent ces «naissances d'arcs» qui scandent le second niveau des élévations au nord et au sud. La photo ci-contre illustre le côté sud près de l'orgue de tribune. On constate que la pile (flèche jaune) qui termine la première travée est plus massive que les autres (idem au nord). Que voulait donc faire l'auteur des plans au-dessus de cette travée ? On l'ignore.
Compte tenu de la masse volumique du granit, l'architecte et la fabrique comptaient-ils faire venir une pierre moins lourde pour bâtir cette fameuse voûte d'ogives ? En Bretagne, pour certains édifices luxueux, il arrivait qu'on aille chercher ce genre de pierre en Normandie ou en Touraine, mais il fallait alors ajouter le prix du transport dans le coût global de l'édifice. Et le résultat n'était pas toujours garanti. Ainsi, André Chédeville écrit dans L'Ille-et-Vilaine des origines à nos jours (Éditions Bordessoules, 1984) que, pour les voûtes de la cathédrale de Saint-Malo vers 1160, «la substitution du granit lourd et épais au léger et mince tuffeau angevin ne donna qu'un médiocre résultat.» Finalement, à Saint-Germain, la fabrique s'est-elle rabattue sur le bois par manque d'argent ? Ou bien s'est-elle résignée à ce matériau moins noble à cause des contraintes techniques ?
C'est ce dernier avis que défend Georges Provost dans le Dictionnaire du patrimoine rennais (Éditions Apogée, 2004). L'historien et professeur d'Histoire moderne à l'Université de Rennes rappelle le projet initial : «un grand vaisseau gothique voûté d'ogives, éclairé de fenêtres hautes, reposant sur des colonnes d'une déraisonnable minceur» (voir photo du haut). D'un autre côté, souligne l'historien, le quartier de l'église Saint-Germain était assez huppé. On y trouvait «une élite d'officiers et des marchands bien introduits auprès du duc Jean.» De quoi justifier la présence d'une voûte en pierre, plus noble que le bois, que des dons privés pouvaient financer.
Pourtant, trois siècles plus tard, il faut faire les comptes : les contraintes ont imposé des renoncements. Georges Provost écrit : «(...) quant au voûtement en pierre de la nef, il est abandonné dès le début du 16e siècle pour un berceau lambrissé beaucoup plus classique. Les départs d'ogives visibles sous la sablière sculptée en témoignent à regret, mais la nef y a gagné une élévation exceptionnelle, mise à profit par d'immenses verrières.» La «déraisonnable minceur» des piles nord a finalement rendu caduque l'utilisation de la pierre pour le couvrement.
Quant aux arcs-boutants, que l'on devine engloutis dans la structure des chapelles latérales nord, ils n'auraient pas retardé longtemps l'écroulement attendu de l'édifice... On ignore si l'architecte responsable de l'incohérence du projet initial a été sanctionné par la fabrique.
---»» Suite 2/2 à gauche.

Saint Laurent (Max Ingrand)
Baie 7 :Saint Laurent.
Max Ingrand.
La chapelle des Brequigny dans le bas-côté nord
La chapelle des Brequigny dans le bas-côté nord.
L'autel est dédié à la Vierge.

Les vitraux de Max Ingrand.
L'église a subi de graves dommages lors des bombardements du 17 juin 1940 et du 4 août 1944. Une importante restauration commença en 1948. Pour orner les baies, elle fit appel à l'atelier, alors très à la mode, du maître verrier parisien Max Ingrand (1908-1969). Mises à part les baies 0 et 10, tous les vitraux du premier niveau de l'église Saint-Germain sortent de cet atelier.
Pour les initiés, les vitraux de Max Ingrand se reconnaissent au premier coup d'œil, notamment par les traits des visages. Le saint Christophe portant l'Enfant-Jésus de la baie 9 et le saint Germain profane de la baie 16, donnés en gros plan dans cette page, en donnent un bon aperçu. Max Ingrand dessinait lui-même tous les cartons de ses vitraux. Ses contempteurs leur reprochent un aspect un peu scolaire.
Dès son vivant, son œuvre a été dénigrée. Dans les verrières réalisées pour l'église parisienne romane de Saint-Pierre-de-Montmartre, les critiques ont jugé que Max Ingrand ne savait pas faire la différence entre le style roman et le style gothique, bref qu'il n'avait qu'un seul style. Le maître-ouvrage Vitrail, Ve-XXIe siècle (éditions du Patrimoine, 2014) ne donne aucun exemple d'un vitrail de Max Ingrand. On n'y trouve qu'une petite photo noir et blanc de son atelier.
L'église Toussaints de Rennes possède aussi quelques vitraux de Max Ingrand. On a l'impression que cet artiste a fait main basse sur le marché des verrières des églises de la ville dans les années 1950... Dans l'ouvrage Architecture et Arts sacrés de 1945 à nos jours (Archibooks + Sautereau Éditeur, 2015), Christine Blanchet et Pierre Verrot apportent une explication. En mai 1940, officier de l'armée française, Max Ingrand est fait prisonnier. Il restera cinq ans dans l'Oflag 4D (camp de Hoyerswerda) aux confins de la Saxe et de la Silésie. Mais il en profite pour nouer des relations qui lui seront très utiles plus tard.
Ainsi nos deux auteurs écrivent à propos de sa réussite professionnelle : «Ceux qui appréciaient peu l'art sacré de Max Ingrand ont persiflé son talent commercial jusqu'à l'exportation, Québec, États-Unis, Allemagne, Brésil. Les jaloux insinuaient qu'une partie de son carnet de commandes venait de ses relations nouées dans les camps de prisonniers de guerre.» En note, ils ajoutent : «La méchanceté colportée notamment dans les milieux de l'Art Sacré [revue catholique consacrée à l'art] semble fondée. Croyant, Ingrand à l'Oflag dessina beaucoup et notamment les vitraux de la chapelle du camp. Il y connut des personnalités comme Jean Guitton et de futurs responsables des Monuments historiques. On ne peut leur en vouloir d'avoir tissé des liens pendant toutes ces années gâchées. Le père Paty, futur évêque de Luçon, lorsqu'il était professeur puis supérieur au grand séminaire de Rennes y fit intervenir Ingrand qu'il avait connu à l'Oflag.»
L'ouvrage Max Ingrand Du verre à la lumière (Norma Éditions, 2009) de Pierre-Emmanuel Martin-Vivier rend justice aux multiples talents de cet artiste qui brilla aussi bien dans les vitraux que dans la décoration, notamment dans les luminaires.
Les amateurs intéressés pourront lire un exposé de la controverse des années 1960 à la page de l'église Saint-Pierre-de-Montmartre. Quant à ses créations, l'église Saint-Pierre d'Yvetot possède de cet artiste une grande verrière circulaire considérée comme le plus grand vitrail d'Europe.

Le Couronnement de la Vierge (Max Ingrand)
Baie 5 : Le Couronnement de la Vierge (Max Ingrand ), dessin central.
Chapelle Saint-Nicolas.

Clé de voûte dans le bas-côté nord. ---»»»

CI-DESSOUS :
Bas-relief d'une Vierge à l'Enfant entourée d'anges
dans le retable de la chapelle Saint-Nicolas.
XIXe siècle.
Les voûtes ogivales du bas-côté nord
Voûtes ogivales des chapelles du bas-côté nord.
Seconde moitié du XVe siècle.
Clé de voûte dans le bas-côté nord
Bas-relief d'une Vierge à l'Enfant dans la chapelle Saint-Armel (XIXe siècle)
«Donation de terrains par Jehan V en 1434» (Max Ingrand)
Baie 13 : «Donation de terrains par Jehan V en 1434» (Max Ingrand).
Le duc a donné des terrains afin d'agrandir l'église Saint-Germain.

Guy-Toussaint-Julien Carron (1760-1821) (2/4).
---»» Le gouvernement anglais voyait juste. Le 4 septembre 1797 (18 fructidor An V), un coup d'État chassa les royalistes du Conseil des Cinq-Cents et du Conseil des Anciens. Deux des cinq directeurs furent arrêtés, ainsi que les principaux opposants à une politique républicaine stricte.
Les intransigeants prirent le pouvoir, instituant la Terreur fructidorienne : c'est le second Directoire. À l'égard de la religion, celui-ci fut proche du Comité de Salut public : l'amnistie envers les prêtres déportés fut immédiatement révoquée. De nombreux ecclésiastiques seront à leur tour déportés.
Dans son ouvrage La Révolution française, une histoire à repenser (Flammarion, 2018) l'historienne Annie Jourdan prend le contre-pied de cette prétendue Terreur, notamment à propos de la déportation des prêtres réfractaires. Elle écrit : «En réalité, ces prêtres sont simplement expulsés de France ou confinés dans des prisons. La plupart d'entre eux s'échappent, comme il en va en Belgique, où la majorité des condamnés s'avère introuvable.»
Il faut reconnaître que la «déportation» de l'abbé Carron à Jersey va dans son sens. Le prélat est en fait expulsé vers cette île anglaise où il se retrouve tout à fait libre de ses mouvements. Utiliser le terme «déportation», que l'on applique habituellement au sort du capitaine Dreyfus envoyé en 1895 à l'île du diable où il est incarcéré, est un abus de langage regrettable.
Annie Jourdan fait remarquer que les prêtres «déportés» n'allaient pas loin car la Royal Navy possédait la maîtrise des mers. Esquiver ses navires de surveillance n'était pas chose aisée. Pour tenter l'aventure, il fallait en plus des vaisseaux et des hommes, ce qui n'avait rien d'immédiat. De fait, la plupart des prélats seront internés à l'île d'Yeu, à l'île d'Oléron ou encore à l'île Pelée.
---»» Suite 3/4 à droite.

Le bas-côté nord et ses niches en arcades avec l'urne du chœur de l'abbé Caron)
Le bas-côté nord et ses niches en arcade avec l'urne du cœur de l'abbé Caron († 1821).

Guy-Toussaint-Julien Carron (1760-1821) (1/4).
Le cœur de cet ancien vicaire de l'église Saint-Germain repose dans une urne sous une arcade du bas-côté nord (photo ci-dessus). Dévoué au sort des pauvres, ce prélat eut une vie extrêmement active, marquée par de multiples créations philanthropiques.
À 29 ans, il fonde un atelier de charité en achetant une manufacture de toiles à la Piletière, près de Rennes. Plus de deux mille pauvres y sont employés. Puis il crée un asile pour les filles publiques qu'il arrache à la rue. Au début de 1791, il est vicaire-sacriste de Saint-Germain et refuse de prêter serment à la Constitution civile du clergé. Pour autant, il ne quitte pas son église, persuadé que les services qu'il a rendus le rendent intouchable. Néanmoins, la pression contre les prêtres réfractaires s'accroît et il se réfugie à la campagne.
En août 1792, il est finalement arrêté et emprisonné à l'abbaye de Saint-Melaine de Rennes. Le mois suivant, il est exilé avec deux cent cinquante ecclésiastiques dans l'île de Jersey. De là, il se rend très vite à Londres pour rendre visite à l'ancien curé de Saint-Germain (qui avait quitté la France quelques mois plus tôt), mais aussi pour visiter les principales manufactures anglaises «afin de faire servir plus tard ses observations au perfectionnement de son œuvre à la Piletière», écrit le père bénédictin, auteur de la Vie de l'abbé Carron.
Il revient ensuite à Jersey où tentent de survivre trois mille ecclésiastiques exilés. Avant que le courrier ne soit interrompu par l'état de guerre entre la France et l'Angleterre, l'abbé Carron gère à distance sa manufacture. Il se dévoue pour les émigrés et leurs enfants en fondant une pharmacie et une bibliothèque. En juin 1793, il ouvre deux écoles : l'une pour les jeunes gens ; l'autre pour les enfants. Dans la première, il s'établit comme maître.
À la fin de l'année 1795, la France est gérée par le premier Directoire. L'état de guerre existe avec l'Angleterre. L'Amirauté britannique anticipe une descente sur Jersey de l'armée révolutionnaire, massée sur les côtes de Bretagne sous les ordres du général Hoche. Voulant fortifier l'île et craignant le pire pour les ecclésiastiques exilés, ordre fut donné de faire partir tous les Français de l'île pour Londres. L'abbé Carron, qui jouissait déjà parmi eux d'un certain prestige, reçut mandat d'organiser le transport. C'est à cette époque que le comte d'Artois, futur Charles X, lui rend hommage dans une lettre qui a été conservée. Il y témoigne en particulier sa gratitude pour le soin qu'il se donne à l'éducation de la jeunesse, en particulier des enfants de nobles.
L'abbé Carron quitte Jersey en août 1796 pour Londres. La renommée de son zèle finit par se répandre et les dons affluent pour secourir les Français. À ces dons, il faut d'ailleurs ajouter les subsides du gouvernement britannique. En moins de trois ans, l'abbé peut fonder un séminaire et deux hospices. En 1799, les écoles gratuites qu'il a créées pour rendre service aux émigrés deviennent pensionnats (où seront d'ailleurs accueillis aussi des enfants de familles catholiques anglaises).
En France, le premier Directoire, à tendance royaliste, se montre plein de sollicitude pour les prêtres exilés. En 1797, il annule même les lois de proscription prises contre eux. Beaucoup d'ecclésiastiques rentrent au pays, notamment les Bretons. En septembre de la même année, l'abbé Carron songe à les imiter. Mais le gouvernement britannique, mieux informé que lui sur la situation en France, rejette sa demande de passeport. L'abbé met à profit son exil forcé pour créer un séminaire et un asile pour prêtres infirmes.
---»» Suite 2/4 à gauche.

«La Vierge et la colombe de l'Esprit-Saint», auteur anonyme
«La Vierge et la colombe de l'Esprit-Saint»
Tableau de Durand Henriot, XXe siècle.
Chapelle Saint-Nicolas.
«Apparition du Christ à Marie-Marguerite Alacoque» (Max Ingrand)
Baie 11 : «Apparition du Christ
à Marie-Marguerite Alacoque», dessin central.
Atelier Max Ingrand, 1955-1960.
Tableau à thème non précisé, auteur anonyme
«Totila, roi des Ostrogoths, rencontre saint Benoît de Nurcie au Mont Cassin»
École française du XVIIe siècle.
Toile parfois attribuée à Jean-Bernard Chalette,
né à Toulouse en 1631 et actif à Rennes de 1668 à 1678.
Ce tableau a été saisi en 1794 dans une communauté religieuse.

Baie 13 : «Donation de terrains par Jehan V en 1434», détail (Max Ingrand).

Guy-Toussaint-Julien Carron (1760-1821) (3/4).
---»» À Londres, l'abbé Carron poursuivait sa tâche. En 1798, il ouvrit un hospice pour les femmes émigrées sans secours, infirmes ou malades. Les créations d'hospices et d'écoles, où bien des professeurs sont anglais, se multiplient car les dons, malgré quelques périodes de vaches maigres, continuent. Selon les témoignages des proches de l'abbé, les donateurs anglais tiennent souvent à rester anonymes. Le rédacteur de la Vie de l'abbé Carron rend d'ailleurs hommage aux Anglais. Il écrit : «(...) malgré la rivalité nationale et les divisions religieuses, qui, depuis des siècles, l'opposent à la France, elle [l'Angleterre] se montra véritablement grande envers les Français proscrits et malheureux.»
Précédemment, en mai 1797, l'abbé avait reçu une lettre du prétendant au trône de France, le comte de Provence, en exil à Blankenburg dans le duché de Brunswick. Le futur Louis XVIII le félicitait pour son action. En avril 1798, le comte d'Artois, déjà auteur d'une première lettre de félicitations, le remercia à nouveau dans une seconde lettre. En 1800, de passage à Londres, ce dernier ira même visiter une école de l'abbé Carron ainsi que l'hospice pour les prêtres infirmes et l'hospice pour les femmes malades.
En France, le 18 Brumaire chassa le second Directoire et mit en place le Consulat. Le Concordat, signé en juillet 1801, fut promulgué en avril 1802. Louis XVIII, depuis son exil, reçut le traité comme une gifle : la restauration de l'Église de France ne pouvait à ses yeux venir que des Bourbons. Mais Bonaparte avait pris les devants et le pape Pie VII avait approuvé. Le Saint-Siège plaçait l'intérêt de l'Église avant celui du prétendant... De nombreux prélats en exil fulminèrent : le pape avait osé s'accorder avec un gouvernement issu de la Révolution ! C'était une trahison ! Un reniement des valeurs chrétiennes ! Dès lors, ceux-ci, affichant haut et fort leur fidélité au roi et aux Bourbons, entrèrent en résistance.
Le Concordat signifiait la réorganisation de l'Église de France. Quand le pape demanda à tous les évêques, y compris les exilés, de démissionner, trente-six d'entre eux, la plupart réfugiés en Angleterre, refusèrent de se soumettre. Pie VII passa outre et nomma canoniquement les nouveaux évêques, déclenchant la rébellion ouverte des insoumis : le pape n'avait plus le droit à l'obéissance des catholiques ; eux seuls représentaient la véritable Église de Jésus-Christ. Rejoints par des prêtres et des fidèles, surtout dans l'Ouest, les opposants restèrent peu nombreux. On les surnomma la Petite-Église.
Qu'a fait l'abbé Carron ? En 1802, conscient de la valeur de ce prélat, le premier Consul lui-même l'invita à rentrer en France en l'assurant de tous les honneurs. L'évêché de Rennes était un poste possible. Mais l'abbé refusa. Il restait fidèle à son roi et se devait aux malheureux dont il s'occupait depuis dix ans à Jersey ou à Londres. De plus, il rejetait les Lois organiques, partie intégrante du Concordat, qui humiliaient l'Église de France. L'abbé ne condamna pas non plus fermement les opposants au pape, mais ne se rallia jamais à eux. Il refusa aussi de prêter serment d'adhésion et de fidélité au gouvernement consulaire, se privant par-là de ses droits de citoyen français. En fait, un peu comme Érasme pris entre le Saint-Siège et la Réforme, il refusa de prendre parti. En revanche, pour honorer son pays d'accueil, il fit serment d'allégeance au roi d'Angleterre selon le bill sanctionné par Georges III le 10 juin 1791 et approuvé par tous les prélats anglais.
S'attirant l'animosité des deux côtés, il subit des brimades, des calomnies, reçut des lettres d'injures ; des pamphlets furent imprimés contre lui. Conséquence : de sa vie, il ne fut jamais nommé évêque. L'abbé mit à profit son temps d'exil supplémentaire pour rédiger des ouvrages pieux (Pensées ecclésiastiques, Réflexions chrétiennes, etc.) ou consacrés à l'éducation. Par son action charitable, il contribua au renouveau de l'Église catholique en Angleterre, modifiant l'opinion des anglicans sur les «papistes», ce qui aboutit même à des conversions. Il créa la première église catholique publique en Angleterre depuis le schisme d'Henri VIII.
---»» Suite 4/4 ci-dessous.

Saint Joseph (Max Ingrand)
Baie 7 : Saint Joseph
Atelier Max Ingrand.
Saint Joseph (Max Ingrand)
Saint Pierre, partiel (Max Ingrand)

Guy-Toussaint-Julien Carron (1760-1821) (4/4).
---»» Le 16 juillet 1814, après vingt-deux ans d'exil, l'abbé Carron débarqua à Calais. Sur le chemin qui le ramène à Paris, il ne peut que constater les dégâts causés par la Révolution : «La route de Calais, écrit-il dans une lettre à sa famille le 20 juillet, jusqu'ici ne m'a présenté que des tableaux de douleur : la cathédrale de Boulogne démolie, les statues des saints demeurées décapitées à la porte des églises, des temples rustiques en ruines, des presbytères changés en auberges, des cimetières catholiques convertis en champs qu'on moissonne, la cloche d'une église paroissiale laissé appendue dans une pièce de terre depuis dix-huit ans ! Est-il possible de ne pas gémir à la vue de si grands désastres ?...»
À Paris, l'abbé Carron put continuer son œuvre de charité grâce à une subvention royale. Les élèves français de ses écoles londoniennes revinrent peu à peu. En novembre 1814, il créa l'Institut des Nobles Orphelines et continua à recevoir des dons, mais en bien moindre part qu'à Londres. Le rédacteur anonyme de sa Vie écrit ainsi, assez dépité : «Les victimes de la Révolution trouvèrent, en rentrant en France, tout autre chose que des sympathies dans la société nouvelle ; et la stérilité de Paris, au point de vue des aumônes, comparée aux largesses de Londres, fit voir, une fois de plus, que les haines les plus tenaces sont celles qui naissent des guerres civiles. Nous avons regret à le dire ; mais encore faut-il rendre justice à chacun.»
En mars 1815, quand Napoléon revint de l'île d'Elbe, l'abbé Carron dut, sans tarder, s'en retourner en exil. Le septième des neuf décrets signés par l'Empereur à son retour était une menace à ne pas prendre à la légère. Aux émigrés non rayés des listes et rentrés en France depuis le 1er avril 1814 il donnait quinze jours pour quitter le territoire de l'Empire... sous peine d'être châtiés selon les lois édictées par les assemblées révolutionnaires, c'est-à-dire d'être condamnés à mort ! Et l'abbé Carron n'avait jamais été rayé de la liste des émigrés...
Il ne revint en France qu'en novembre 1815 et s'établit définitivement à Paris dans la maison de charité des Feuillantines qu'il avait fondée dans la paroisse Saint-Jacques (5e arr.). Cette maison veillait à l'éducation des filles de familles nobles ruinées par la Révolution. Jusqu'à sa mort, l'abbé ne manqua jamais du soutien de Louis XVIII qui l'appelait son cher abbé.
Dans les années suivantes, il continua son œuvre littéraire et philanthropique. Il fut aussi nommé à la direction de plusieurs communautés religieuses parisiennes. En 1816, il devint administrateur du bureau de charité du 12e arrondissement, puis membre de l'administration du Refuge, une communauté qui œuvrait en faveur des jeunes détenus à l'expiration de leur temps de peine. En 1816 aussi, les Carmélites de la rue Cassini le choisirent pour être leur supérieur. En 1818, il fut nommé supérieur de la communauté de Saint-Michel, puis de celle des Visitandines de la rue de l'Arbalète.
Il voulut aussi récupérer son domaine de la Piletière ou du moins être indemnisé. L'abbé, propriétaire, avait émigré, donc la Révolution avait confisqué la manufacture, puis l'avait vendue. En 1789, c'est en empruntant que l'abbé Carron l'avait acquise ; à présent qu'il était de retour et que la Monarchie était rétablie, ses créanciers réclamaient leur dû. Avec l'indemnité qu'il attendait de l'État, il pourrait effacer ses dettes. Sa lutte fut longue. Il n'obtint gain de cause et ne paya ses créanciers... qu'après sa mort. La Piletière resta propriété particulière jusqu'en 1852, puis fut achetée par les Petites Sœurs des Pauvres, comme suite à un accord entre cet institut et la municipalité de Rennes pour l'extinction de la mendicité.
Miné par la maladie, l'abbé Carron s'éteignit le 15 mars 1821. Ses obsèques furent célébrées, devant une nombreuse foule, en l'église Saint-Jacques-du-Haut-Pas (5e arr.). Sa dépouille fut enterrée au cimetière de Vaugirard ; son cœur, transporté à l'église Saint-Germain de Rennes et placé dans une urne. Il y est toujours.
Source : Vie de l'abbé Carron par un bénédictin de la Congrégation de France (1866).

Chemin de croix, station IV
Chemin de croix, station IV :
Jésus rencontre sa Mère.
Chemin de croix, station VI
Chemin de croix, station VI :
Véronique essuie la face de Jésus.
LE BAPTISTÈRE

La tour a été bâtie de 1519 à 1550.
Elle était prévue pour abriter le corps de garde
et les réserves d'artillerie de la ville.
Au XXe siècle, le rez-de-chaussée a été aménagé en baptistère.
Le vitrail Le Baptême du Christ est de Max Ingrand.

«««--- Le baptistère.

La grille qui ferme le baptistère est du XVIIIe siècle.
La nef de Saint-Germain et le bas-côté nord
La nef de d'église Saint-Germain, le bas-côté nord et la chaire à prêcher de 1805.
Entre les fenêtres hautes, les amorces prévues pour les retombées d'ogives sont très visibles.
Chœur et bas-côté nord remontent aux années 1450-1510.
Hormis les deux piliers du XIIIe siècle à l'entrée de la sacristie, le chœur et le bas-côté nord
sont les parties les plus anciennes de l'église Saint-Germain.

Saint Jean et l'aigle.
Bas-relief sur la cuve de la chaire à prêcher (1805).

Saint Luc et le bœuf.
Bas-relief sur la cuve de la chaire à prêcher (1805).
Les bas-reliefs sont signés de Le Genvre.
Les six panneaux de la cuve : le Portement de croix est entouré des quatre évangélistes et de Moïse tenant les tables de la Loi.
Chaire à prêcher : l'abat-son et l'ange souffleur
Chaire à prêcher : l'ange souffleur sur l'abat-son.
Sculpture de Dominique Molknecht datée de 1825.
LA SABLIÈRE SCULPTÉE DE L'ÉGLISE SAINT-GERMAIN
Chaire à prêcher : l'abat-son et l'ange souffleur
Détail des sculptures ornant la sablière de la voûte en bois, XVIe siècle.
On y trouve des grotesques et quelques animaux, parfois des hybrides d'homme et d'animal comme la sculpture ci-dessous, au centre.

Un grotesque levant les deux mains.

Animal hybride avec une tête de cheval et un arrière-train humain.

Un grotesque grimaçant.
Chaire à prêcher : l'abat-son et l'ange souffleur
Détail des sculptures ornant la sablière de la voûte en bois, XVIe siècle.

Un grotesque levant les mains.

Un grotesque armé d'une épée.

Un grotesque à moitié nu dans une position obscène.
«Saint Christophe porte le Christ enfant» (Max Ingrand)
Baie 9 : «Saint Christophe porte le Christ enfant»
Max Ingrand.
«Saint Christophe porte le Christ enfant» (Max Ingrand), détail
Baie 9 : «Saint Christophe porte le Christ enfant», détail.
Max Ingrand.

«Martyre des saints Processe et Martinien» par Valentin de Boulogne (copie) ---»»»
La toile originale, réalisée vers 1629-1630, est exposée aux musées du Vatican.

«Le Martyre de saint Barthélemy», auteur anonyme

Processe et Martinien. L'histoire raconte que ces deux soldats romains furent les geôliers de saint Pierre dans la prison Mamertine. Ils se convertirent au christianisme, puis aidèrent les chefs de l'Église à s'enfuir. Ils furent condamnés à mort à leur tour.

Dans la toile de Valentin de Boulogne, Processe est au premier plan, Martinien est allongé à côté, au second plan. Un bourreau s'apprête à rompre leurs os avec une barre de fer. Dans la partie haute du tableau, bien à la manière du Caravage, un ange descend du Ciel pour leur offrir la palme du martyre.

LE BAS-CÔTÉ SUD ET SES VITRAUX DE MAX INGRAND
Le bas-côté sud et les anciennes chapelles
Le bas-côté sud et les anciennes chapelles éclairées par les vitraux de Max Ingrand (1955-1960).
Cette architecture date de la seconde moitié du XVIIe siècle
«Le Baptême du Christ» (Max Ingrand)
«L'Éducation de la Vierge» par Julien-Jean Gourdel
«L'Éducation de la Vierge»
Groupe sculpté de Julien-Jean Gourdel (1804-1846)
Pierre, 1843.

«L'Éducation de la Vierge».
On trouve une copie en plâtre patiné de ce groupe sculpté à l'église Saint-Sulpice de Paris.

«««--- Baie 17 : «Le Baptême du Christ» (Max Ingrand).

«L'Éducation de la Vierge» (Max Ingrand)
Baie 12 : «L'Éducation de la Vierge»
Max Ingrand (1955-1960).
BAIE 16 : LA VIE PROFANE DE SAINT GERMAIN PAR MAX INGRAND
«Saint Germain sa vie profane» (Max Ingrand)
Baie 16 : «Saint Germain, sa vie profane» (Max Ingrand).

Baie 16 : La vie profane de saint Germain illustrée par Max Ingrand.
Dans cette verrière du bas-côté sud, l'artiste a résumé les grandes étapes de la vie du saint avant qu'il soit consacré évêque ( de gauche à droite, puis de haut en bas) :
- Germain naît à Auxerre, vers 380, dans une famille de grands propriétaires. Il étude les arts libéraux ;
- Il se rend à Rome, étudie le droit et devient avocat ;
- Il se marie ;
- Il devient un haut fonctionnaire de l'Empire et acquiert une excellente réputation ; il est chargé d'un immense territoire en Gaule et s'établit à Auxerre ;
- Sa passion est la chasse ;
- Il suspend ses prises de chasses autour d'un arbre ;
- Saint Amâtre, évêque d'Auxerre, voyant des fidèles s'assembler autour de cet arbre, craint le retour d'un culte païen ; il fait abattre l'arbre ;
- Saint Amâtre, dit-on contre l'avis de Germain, le choisit en 418 pour lui succéder sur le siège épiscopal d'Auxerre.
Source : livret disponible dans l'église.

«Saint Germain sa vie profane» (Max Ingrand), détail
Baie 16 : Germain apprend le droit à Rome et devient avocat.

Baie 16 : Saint Amâtre choisit Germain pour lui succéder. ---»»»
«Saint Germain sa vie profane» (Max Ingrand)
Baie 16 : «Saint Germain, sa vie profane», détail (Max Ingrand).
«Saint Germain sa vie profane» (Max Ingrand)
BAIE 14 : LA VIE D'ÉVÊQUE DE SAINT GERMAIN PAR MAX INGRAND
«Saint Germain sa vie d'évêque» (Max Ingrand)
Baie 14 : «Saint Germain, sa vie d'évêque» (Max Ingrand).

Baie 14 : La vie d'évêque de saint Germain illustrée par Max Ingrand.
Après la vie profane, Max Ingrand consacre un vitrail à la vie d'évêque du saint tutélaire de l'église (de gauche à droite, puis de haut en bas) :
- Germain fait construire des églises, introduit le cénobitisme en Gaule et, en 429, suscite la vocation de sainte Geneviève ;
- Il part en Grande-Bretagne avec saint Loup lutter contre l'hérésie pélagienne (429-430) ;
- Les Bretons de Grande-Bretagne s'apprêtent à livrer bataille contre les Saxons ; Germain leur fait lancer un vibrant Alléluia ;
- Saxons et Pictes, apeurés, sont défaits ; victoire des Bretons (en 430) ;
- Germain réalise de nombreux miracles et prend la défense des habitants contre les impôts excessifs ;
- Il rencontre le chef des Alains près d'Orléans ; celui-ci était chargé par Aétius, généralissime de l'Empire romain, de punir l'Armorique pour s'être rebellée ; Germain parviendra à établir un traité ;
- Pour établir ce traité, il part à la cour impériale de Ravenne, en juin 448, plaider la cause de l'Armorique ;
- Germain meurt à Ravenne le 31 juillet 448 ;
- (en bas au centre), sa dépouille est ramenée en grandes pompes à Auxerre.
Source : livret disponible dans l'église.

«Saint Germain sa vie d'évêque» (Max Ingrand)
Baie 14 : «Saint Germain, sa vie d'évêque» (Max Ingrand).

En haut : Saxons et Pictes sont défaits. ---»»»
En bas : saint Germain rencontre le chef des Alains. ---»»»
«Saint Germain sa vie d'évêque» (Max Ingrand), détail
Le croisillon sud abrite la verrière Renaissance dans la baie n°10
Le bras sud du transept abrite une verrière Renaissance dans la baie n°10.
«Saint Germain sa vie d'évêque» (Max Ingrand), détail
Baie 14 : «Saint Germain sa vie d'évêque», détail.
Max Ingrand.

La chapelle du Saint-Esprit.
Elle abrite la sacristie depuis 1873. C'est par cette toute première construction dans la partie sud-est de l'ancien cimetière de la ville qu'a commencé l'édification laborieuse (sur deux siècles) de l'église Saint-Germain.
Deux piliers du XIIIe siècle subsistent. Ils entourent l'entrée dans la sacristie (flèches dans la photo ci-contre à gauche).

«Saint Roch montrant son bubon» de Dominique Molknecht
«Saint Roch montrant son bubon»
par Dominique Molknecht (1793-1876).
La nef et le bas-côté sud
La nef et le bas-côté sud érigé au XVIIe siècle.
Sur le côté du chœur, les deux chapelles, qui sont fermées d'un mur, abritent la sacristie depuis 1873.
Un ange dans un vitrail de la tribune de la sacristie (Max Ingrand)
Baie 4 : un ange dans un vitrail de la tribune de la sacristie (Max Ingrand).
La sacristie et sa porte gothique font face au chœur
La sacristie et sa porte gothique font face au chœur.
On remarquera que la terrasse est fermée, à gauche, par une balustrade,
et, à droite, par un garde-corps néogothique.
La porte de la sacristie est ornée de drapeaux bretons
La porte de la sacristie est ornée de drapeaux bretons.

Le bas-côté sud entre le chœur (caché à gauche) et la sacristie à droite.
Les deux flèches jaunes indiquent les piliers du XIIIe siècle (qui sont les plus anciens vestiges de l'église).

Dalle funéraire des Picquet, mari et femme,
paroissiens de Saint-Germain,
décédés en 1651 et 1653.

Les défunts ont certainement bénéficié d'un privilège
car la dalle se trouve juste devant l'entrée du chœur.

Chapelle absidiale sud à côté du chœur.
Elle reçoit le grand vitrail du Christ-Prêtre de l'atelier Max Ingrand (années 1950).
La plaque commémorative à droite est consacrée au prélat rennais
Claude-François Poullart des Places (1679-1709),
fondateur de la Congrégation du Saint-Esprit.

««--- Les piliers du XIIIe siècle.
Les deux piliers du XIIIe siècle (indiqués par une flèche jaune) sont les plus anciens vestiges de l'église Saint-Germain. Ils encadrent l'une des portes d'accès à la sacristie (anciennement chapelle du Saint-Sacrement).

Les dalles funéraires.
Au XVIIe siècle, la construction du Parlement de Bretagne dans le périmètre de la paroisse fit de l'église Saint-Germain celle des robins de Rennes.
À ce titre, beaucoup disposèrent d'une chapelle funéraire dans les bas-côtés. D'autres furent enterrés dans son sous-sol.
On remarque ainsi la présence de dalles funéraires dans la nef et devant le chœur.


Dalle funéraire de paroissiens de Saint-Germain.
L'année du décès est illisible.
«Le Christ porte le pain et le vin» (Max Ingrand)
Baie 2 : Vitrail du Christ-prêtre.
«Le Christ porte le pain et le vin» (Max Ingrand).
«Le Christ porte le pain et le vin» (Max Ingrand)
Baie 2 : «Le Christ porte le pain et le vin», détail (Max Ingrand).
«Le Christ porte le pain et le vin» (Max Ingrand), détail
Baie 2 : «Le Christ porte le pain et le vin», détail du vitrail du «Christ-prêtre».
Max Ingrand (1955-1960).

Les vitraux anciens de l'église Saint-Germain.
Selon le Corpus Vitrearum, la grande verrière de la façade occidentale (maintenant cachée en grande partie par l'orgue de tribune) accueillait jadis une Apocalypse. La commande avait été passée en 1545. La confrérie des Merciers et Épiciers versa une contribution de 110 livres pour deux lancettes à réaliser par le peintre verrier rennais Orson Lesec. Cette Apocalypse a disparu.
À l'opposé, la grande verrière du chœur, appelée maîtresse-vitre, retraçait la Vie du Christ. Elle a pu être exécutée vers 1520, une date arrêtée d'après les fragments qui nous en reste dans la grande baie du bras sud du transept (baie n°10 donnée ci-dessous).
Au cours des XIXe et XXe siècles, des panneaux ont changé de baie, rendant très difficiles les expertises des historiens du vitrail. Dans la «macédoine» que présente maintenant la maîtresse-vitre, on distingue «quelques visages exprimant l'effroi» [Corpus]. Ce pourrait être des fragments de la verrière de l'Apocalypse.
Au sud, la baie 10 (ci-dessous), même si c'est un agrégat composite, possède une certaine cohérence. Les panneaux ont une échelle à peu près homogène et datent en grande majorité du premier quart du XVIe siècle.
Les scènes illustrant des épisodes de la Vie du Christ et de sa Passion viennent de la maîtresse-vitre. Celles relatives à la Vie de la Vierge et à la vie de saint Jean sont manifestement les vestiges d'autres baies de l'église.
Avant la seconde guerre mondiale et ses bombardements destructeurs, les chapelles présentaient toutes des vitraux du XIXe siècle, réalisés après 1861. On en connaît à peu près l'iconographie grâce à un rapport d'architecte. On y trouvait ainsi la Pentecôte, sainte Anne, sainte Geneviève, la Sainte Famille et le Sacré-Cœur. Après les bombardements, les panneaux restés intacts n'ont pas été réutilisés. C'est le maître verrier Max Ingrand, très à la mode à cette époque, qui a été sollicité pour refaire la vitrerie des baies dépouillées de leur ornement passé. Son atelier exécuta la commande entre 1955 et 1960 (voir plus haut).
Source : Les vitraux de Bretagne de Françoise Gatouillat et Michel Hérold, Corpus Vitrearum, P.U.R., 2005.

LA VERRIÈRE RENAISSANCE DE LA BAIE 10
La verrière Renaissance de la baie 10
Baie 10 : vitrail Renaissance à 4 lancettes et 6 registres.
Seconde moitié du XVe et premier quart du XVIe
avec quelques ajouts modernes.

Baie 10, 1er registre : Jésus comparaît
devant Pilate, détail.
Premier quart du XVIe siècle.

La Baie 10 (1/2).
Cette baie, située dans le bras sud du transept, abrite la seule verrière Renaissance de la ville de Rennes. C'est aussi la plus intéressante de l'église. Sa hauteur est de 10 mètres, sa largeur de 3,50 mètres.
Constitué de plusieurs panneaux issus de diverses provenances, ce vitrail est le résultat d'un regroupement réalisé, selon le Corpus Vitrearum, au XVIIe siècle ou en 1821.
Pour harmoniser le tout, les scènes ont été remontées en 1860 dans des cadres architecturaux uniformes surmontés de dais néogothiques et néoRenaissance. Cette dernière restauration a probablement été confiée au verrier nantais René Échappé.
Le Corpus ajoute que le restaurateur a procédé à un tri parmi les nombreux vestiges de la maîtresse-vitre afin de ne garder que les quatre scènes les plus complètes. Détail navrant : à la suite de cette restauration, son collaborateur céda à un collectionneur normand «plusieurs panneaux et fragments qui semblent bien avoir appartenu à la Vie du Christ de Saint-Germain» [Corpus].
La baie a été endommagée par les bombardements de juin 1940 ; ellea a ensuite été déposée. En 1956, Max Ingrand fut chargé de la restaurer. Il remplaça de nombreuses parties qui avaient été introduites au XIXe siècle. Nouvelle restauration en 1993-1997 par Jean-Pierre Le Bihan. Celui-ci modifia l'agencement des panneaux pour une meilleure lecture.
---»» Suite 2/2 plus bas.

Baie 10 : Comparution du Christ devant Anne ou Caïphe ; Comparution devant Pilate
Baie 10, 1er registre : Comparution du Christ devant Anne ou Caïphe ;
Comparution devant Pilate.
Premier quart du XVIe siècle.
Baie 10 : Le Baiser de Judas
Baie 10, 1er registre : Le Baiser de Judas, détail.
Premier quart du XVIe siècle.
Baie 10 : Saint Jean prêche ; il fait creuser sa tombe
Baie 10, 2e registre : Saint Jean prêche ; il fait creuser sa tombe.
Premier quart du XVIe siècle.
Baie 10: Saint Jean provoque la chute d'une idole
Baie 10, 2e registre : Saint Jean provoque la chute d'une
idole. Premier quart du XVIe siècle.

Baie 10, 1er registre : Jésus discute avec des pharisiens, détail.
Parlent-ils du tribut à César ? On note un remploi dans le costume du personnage de droite.
Premier quart du XVIe siècle.

Baie 10, 3e registre : La mort de la Vierge avec des saintes femmes et des apôtres ; la Vierge en son Assomption.
Premier quart du XVIe siècle.

Baie 10, 3e registre : Saintes femmes auprès de la Vierge, détail.
Premier quart du XVIe siècle.

Baie 10, 3e registre : La Vierge en son Assomption, détail.
Premier quart du XVIe siècle.

Baie 10, 3e registre : La Vierge de la Dormition.
Premier quart du XVIe siècle.

Baie 10, 3e registre : Les apôtres de la Dormition, détail.
Premier quart du XVIe siècle.
Baie 10 : Naissance de la Vierge ; Seconde Annonciation
Baie 10, 4e registre : Naissance de la Vierge ; Seconde Annonciation.
Premier quart du XVIe siècle.
À gauche, la tête de sainte Anne, alitée, a été restaurée au XIXe siècle
et remplacée en 1955 [Corpus Vitrearum].

À DROITE ---»»»
Baie 10, 4e registre
: La Vierge remet à saint Jean la palme du jardin de Paradis.
Vers 1510-1520.
Le fond de mosaïque rouge est moderne.

Baie 10, 4e registre : Seconde Annonciation, détail.
Un ange informe Marie de sa mort prochaine.
Le fond de mosaïque rouge est moderne.
La palme initiale a été transformée en lys en 1950 [Corpus Vitrearum].

La Baie 10 (2/2).
---»» 1er registre (le bas) : quatre épisodes de la Vie du Christ et de sa Passion dont la comparution devant le grand prêtre (Anne ou Caïphe) et la comparution devant Pilate (données ci-contre à droite) ;
2e registre
: quatre scènes de la vie de saint Jean l'Évangéliste, dont : le saint provoque la chute d'une idole ; il prêche et il fait creuser sa tombe ;
3e registre : légende de la Dormition et de l'Assomption, dont : un groupe d'apôtres réunis autour du lit de la Vierge ; la Vierge en son Assomption ;
4e registre : trois scènes de la Vie de la Vierge dont la Naissance de la Vierge et la Seconde Annonciation (un ange informe Marie de sa mort prochaine) ; le quatrième panneau est un saint guerrier avec étendard et bouclier (est-ce saint Georges ?) ;
5e registre : début du cycle de la Vierge avec l'offrande de Joachim refusée par le grand prêtre (parce que Joachim n'a pas d'enfant) - panneau moderne ; l'Annonce à Joachim et la Rencontre à la Porte dorée ;
6e registre : quatre figures indépendantes (sainte Anne éduquant la Vierge, saint Jean l'Évangéliste, Vierge à l'Enfant, Vierge à l'Enfant en gloire) ;
Tympan : colombe du Saint-Esprit dans l'oculus central (XVIe ou XVIIe siècle) ; motifs décoratifs modernes dans les ajours lobés.
Source : Les vitraux de Bretagne, Corpus Vitrearum, P.U.R., 2005.

Baie 10, 5e registre : Annonce à Joachim ;
Rencontre d'Anne et Joachim à la Porte dorée ---»»»
Panneaux peu restaurés. Premier quart du XVIe siècle.
Baie 10 : le grand prêtre refuse l'offrande de Joachim
Baie 10, 6e registre : Éducation de la Vierge.
Premier quart du XVIe siècle ou 3e quart du XVe siècle.
Baie 10, 5e registre : Le grand prêtre refuse l'offrande de Joachim. ---»»»
Panneau moderne sauf la tête à gauche [Corpus Vitrearum].
La qualité du pastiche du XVIe siècle est remarquable.
Baie 10 : Annonce à Joachim ; Rencontre d'Anne et Joachim à la Porte dorée
LE CHŒUR DE L'ÉGLISE SAINT-GERMAIN
Le chœur de l'église Saint-Germain
Le chœur de l'église Saint-Germain.
Le retable et le maître-autel sont du début du XIXe siècle.
Derrière les colonnes de marbre, le tableau de La Résurrection de Lazare est difficilement observable à cause des reflets.

Le chœur et son mobilier.
À l'origine, le maître-autel et ses colonnes de marbre, taillés à Marseille, étaient destinés à la cathédrale de Saint-Malo. En 1805, après le pillage de la Révolution, la fabrique de Saint-Germain décide de reconstituer le mobilier de l'église. C'est à cette occasion qu'elle a acheté ces éléments à la cathédrale malouine.
En 1811, un baldaquin en bois doré est venu coiffer les colonnes. Au centre, une gloire et ses chérubins abritent le Dieu Trinitaire (représenté par le tétragramme en lettres hébraïques). De chaque côté, au-dessus du chapiteau corinthien, un gros serpent gris se love autour des volutes. Ces deux serpents représentent la Création et la Terre.
L'autel de messe est en marbre rouge de Saint-Berthevin. Il date de 1970.
Les deux anges en prière qui encadrent le maître-autel sont dus au ciseau de Jean-Jacques Barre (1811-1896). Ils sont datés de 1855.
Enfin, derrière les colonnes en marbre se lotit une très belle toile de Eloi Firmin Féron (1802-1876) : La Résurrection de Lazare. Malheureusement, vu de face, le tableau est inondé de reflets et, de profil, il est en partie masqué par le mobilier (!) La photo proposée ci-dessous a été prise de biais. Une fois redressée, elle donne néanmoins 90% de la toile.
En 1966, l'historienne Denise Robet-Maynial, dans le Dictionnaire des églises de France, indique que le tableau en place est une Descente de croix de Charles le Brun et qu'il provient du cabinet du Roi. Cette toile a été remplacée par une œuvre du peintre anversois Gaspard de Crayer (1584-1669) illustrant une Résurrection de Lazare, œuvre récupérée depuis par le Musée des Beaux-Arts de Rennes. et remplacée par une composition sur le même sujet. Denise Robet-Maynial écrit néanmoins que la toile en place en 1966 «mériterait d'être mieux mise en valeur». On ne saurait dire mieux au sujet du tableau actuel.
Le chœur de la basilique Saint-Sauveur de Rennes possède un tableau présenté dans des conditions similaires : La Transfiguration de Jean-Bruno Gassies (1786-1832) est elle aussi masquée par les colonnes du baldaquin. On pourrait lui appliquer la même nécessité de mise en valeur.
Sources : 1) livret disponible dans l'église ; 2) Dictionnaire des églises de France, éditions Robert Laffont, 1966.


Le serpent se love autour des volutes en bois doré
qui dominent le chapiteau corinthien.

La Gloire en bois doré date de 1811.
Le Tétragramme du Dieu trinitaire en lettres hébraïques
est entouré de têtes d'angelots ailés.
La Résurrection de Lazare, toile d'Éloi Firmin Féron
Ange en prière de Jean-Jacques Barre, 1855.

«««--- «La Résurrection de Lazare», partiel.
Tableau d'Éloi Firmin Féron (1802-1876).
LE CHŒUR DE SAINT-GERMAIN DE RENNES OU LA BEAUTÉ D'UNE ÉGLISE
Le chœur de Saint-Germain et ses deux autels
La beauté d'une église : le chœur de l'église Saint-Germain de Rennes et ses deux autels.

La beauté d'une église.
La photo ci-dessus montre un chœur d'église. Peut-on dire qu'il est beau ? La réponse est évidemment oui. L'harmonie des formes et des couleurs qui se marient dans un encadrement de vieilles pierres rend ce genre de lieu idéal pour la prière, la méditation ou simplement pour penser. Devant ce décor, on se sent bien et on a envie de rester.
La beauté fait partie intégrante du catholicisme. L'intérieur d'une église doit être beau, et tout spécialement son chœur. N'en déplaise à Martin Luther, la beauté visuelle, loin de tromper et d'abuser, guide les hommes sur le chemin du mieux-être - à tous les points de vue. Par ce biais, le croyant est conduit indiscutablement à une foi plus ferme.
Les moines chargés de convertir les âmes ont souvent utilisé la beauté comme une arme pacifique. Les processions religieuses nocturnes avec flambeaux, étendards et chants étaient mises à profit pour ébranler les cœurs. Ce fut le cas de la prière des Quarante-Heures organisée par les pères capucins au XVIIe siècle. La beauté qui s'en dégageait impressionnait les protestants et pouvait les pousser à se convertir. D'autant plus que certains d'entre eux devaient professer la religion réformée de par leur naissance et non par conviction. Pour empêcher ces conversions, les pasteurs durent bien souvent interdire à leurs ouailles de s'approcher des processions catholiques...
Le gothique flamboyant de l'église Saint-Pierre de Dreux offre un autre style de beauté. Là, c'est le déambulatoire et ses chapelles rayonnantes avec leurs vieilles pierres qui dégagent toute une atmosphère médiévale enchanteresse. Là s'accumulent autels, statues, peintures, vitraux anciens, le tout baigné dans la patine de la pierre et les nervures des arcades. À Bourges, le double déambulatoire de la cathédrale Saint-Étienne, avec sa suite de hautes baies vitrées, offre, de son côté, une beauté qui devient féérie.
Comment définir la beauté ? Le grand dessinateur allemand Albrecht Dürer a cherché toute sa vie à répondre à cette question. En vain. Plus près de nous, Umberto Ecco a écrit une Histoire de la beauté (Flammarion, 2010). Un ouvrage qui déçoit. L'écrivain passe en revue les créations des artistes depuis l'origine comme s'il décrétait qu'elles incarnent toutes la beauté. Ce qui paraît un peu court. Cette méthode fâcheuse l'amène à ajouter à sa liste des œuvres contemporaines abstraites, tel ce tableau fait de deux carrés colorés sur un fond jaune... À quel titre est-ce beau ? Selon quels principes ? Aucune réponse n'est donnée. À trop rester collé aux galeries d'«art», Umberto Ecco s'est fourvoyé.
Il est impossible de définir la beauté selon des critères objectifs, valables pour toutes les époques et tous les individus. Ce concept, totalement subjectif, interdit une description directe. Il faut donc procéder de manière indirecte, aller au-delà des goûts individuels et s'intéresser plutôt à ce que l'on ressent. On définira ainsi la beauté comme la caractéristique d'une œuvre qui, pour un instant, crée le vide dans la tête de l'observateur ou de l'auditeur, faisant disparaître tous ses soucis. Projeté hors du monde, saisi par le plaisir de la contemplation, l'observateur atteint la sérénité parfaite. Inversement, l'observation prolongée de choses que l'on trouve laides provoque souvent une sensation de malaise.
Chacun a ses critères de beauté. Si l'on en croit Rose-Marie et Rainer Hagen dans leur volumineux ouvrage Les dessous des chefs-d'œuvre (Taschen, 2014), Goethe trouvait que l'arc ogival, si fréquent dans l'architecture religieuse, manquait de beauté. Le peintre Karl Friedrich Schinkel (1781-1841), qui a côtoyé le poète à Weimar, préférait parler de «calme» plutôt que de «beauté». Pour Schinkel - rejoignant la définition donnée -, c'est bien l'impression de sérénité qui est l'objectif architectural suprême. La décoration est inutile ; la clarté et l'harmonie doivent suffire pour l'atteindre.
Dans la course à la beauté, Schinkel rejette l'arc brisé parce qu'il rend trop visible l'opposition entre les deux forces qui assurent la stabilité de la pierre. Ce n'est pas le «calme» que l'on ressent, mais un «conflit». Pour cet artiste, le «calme» en architecture est obtenu simplement par l'union de la colonne et de l'architrave. Autrement dit, Schinkel privilégie le style gréco-romain : un entablement horizontal posé sur des colonnes verticales.


Chœur de l'église Notre-Dame de Lorette à Paris.

Chœur de l'église Saint-François-Xavier à Paris.
Un ange porteur des éléments liturgiques (Max Ingrand)
Le chœur de Saint-Germain de Rennes : la beauté d'une église est aussi celle des vieilles pierres ornées d'œuvres d'art.
BAIE 0 : UNE VERRIÈRE EN MORCEAUX
Le chœur de l'église Saint-Germain et la baie 0
Le chœur de l'église Saint-Germain et la baie 0.

L'église Saint-Germain et la loi de 1905 (1/3).
La Séparation de l'Église de l'État, votée le 9 décembre 1905 par l'Assemblée, a souvent créé des remous dans les paroisses de l'Hexagone. L'État prenait possession de tous les éléments cultuels de France, mais surtout obligeait le clergé à soumettre chacune de ses églises à un inventaire du mobilier et de tous les objets utilisés pour la liturgie. Prélats et fidèles en furent scandalisés. Du jamais vu depuis deux mille ans ! Du jamais vu depuis que l'Église était l'Église ! Soucieux de leurs prérogatives, de l'honneur de la religion qui a fait la France, les ecclésiastiques prirent ces incursions et ces comptages pour une profanation inadmissible, une insulte à Dieu. Et les paroissiens leur emboîtèrent le pas : personne ne devait souiller le sol des églises pour se livrer à cette mascarade impie.
À Rennes, le préfet d'Ille-et-Vilaine, M. Rault, prévoyait des barrages devant les portes des édifices religieux. Il pensa d'abord mener les inventaires à une date précise pour chacun d'entre eux, puis se ravisa. C'était trop facile pour les paroissiens : si tous les Rennais opposés à la loi se regroupaient à chaque fois devant les portes de l'édifice concerné, son labeur allait se multiplier. Il décida donc de réaliser tous les inventaires en même temps : le vendredi 16 février 1906. ---»» Suite 2/3 plus bas.

La baie 0. C'est un agrégat de morceaux épars de vitraux du XVIe siècle détruits à la Révolution. Ils ont été retrouvés dans des tonneaux au XIXe et sertis sans aucun ordre. La petitesse des fragments et la diversité des origines rendent impossible toute remise en ordre.
On pourra voir à Niort, dans la grande baie axiale de l'église Notre-Dame, un cas similaire de fragments brisés réassemblés. Ils représentent un Arbre de Jessé reconstitué, partiellement et avec beaucoup de difficultés, vers 1990 par Jeannette Weiss-Grüber, artiste verrier.
Sur la baie 0, le Corpus Vitrearum (Les vitraux de Bretagne, P.U.R. 2005) donne quelques indications supplémentaires. La verrière contient 8 lancettes et un tympan de 33 ajours. Sa hauteur totale initiale était d'environ 16 mètres. La partie basse étant maintenant murée, sa hauteur est de 12 m, sa largeur de 5,60 m.
Cette verrière dite en «macédoine» a été restaurée et complétée par Rault en1932-36 et vers 1947. Des têtes, des mains et un arbre sont incrustés dans le tympan. Les lancettes abritent des fragments de rois d'un Arbre de Jessé, dont David jouant de la harpe. Deux extraits donnés ci-dessous montrent des têtes d'hommes.

Baie 0 : un extrait avec une tête humaine
Baie 0 : fragments avec
une tête d'homme.
Baie 0
Baie 0 : agrégats de vitraux du XVIe siècle brisés à la Révolution.

L'église Notre-Dame à Niort présente
un vitrail axial en partie similaire.
Fragments de la baie 0.
L'orgue de tribune : les statues sur les tourelles du positif
L'orgue de tribune
L'orgue de tribune.

L'orgue de tribune. Il date du XVIIIe siècle et provient de l'abbaye Notre-Dame de Prières dans le diocèse de Vannes. La paroisse l'a acheté en 1825, puis l'instrument a été agrandi. Les statues sont de Dominique Molknecht (1793-1876).

«««--- L'orgue de tribune : les statues sur les tourelles du positif et
sur les grandes tourelles sont de Dominique Molknecht (1793-1876).

L'église Saint-Germain et la loi de 1905 (2/3).
---»» La situation du Préfet était compliquée. En effet, devant la politique anticléricale du gouvernement, les villes avaient tendance à élire des maires catholiques et souvent pratiquants. C'était le cas à Rennes où Eugène Pinault, un riche tanneur, par ailleurs conseiller municipal et ancien député d'Ille-et-Vilaine, avait été élu à la mairie en 1900. Une responsabilité qu'il honorera jusqu'en 1908. L'historien Xavier Ferrieu l'écrit dans son Histoire de Rennes (Gisserot, 2001) : Pinault avait clairement annoncé qu'il refusait d'assurer le maintien de l'ordre lors des inventaires...
Même si le cardinal Labouré, archevêque de Rennes avait recommandé aux curés de laisser les églises ouvertes, le Préfet savait très bien que les Rennais allaient s'opposer à la «profanation» des églises par la fonction publique. Anticipant des échauffourées et en l'absence de la police, il lui fallait disposer d'une force armée suffisante.
Le témoin des événements décrit ainsi la journée du jeudi 15 février : «De tous les côtés, par tous les trains, arrivent les gendarmes. Tous ceux du département, ceux même des départements voisins, jusque de Lannion, ont été appelés pour la grande journée. Habitués à protéger l'ordre, et à poursuivre les coquins et les voleurs, ils se sentent bien un peu déconcertés de la triste besogne qu'on leur impose. Pauvres gens ! Ils n'avaient pas rêvé de devenir gendarmes pour assister au sac des églises, ou à la violation des propriétés.»
À 18 heures ce même jour, le calme règne dans Rennes. Les agents de l'État sont entrés dans les églises pour repérer les points faibles, nous dit ce témoin qui ajoute non sans malice : «Ils savent par où ils pourront tenter l'effraction.» ---»» Suite 3/3 à droite.

Tableau à thème non précisé, auteur anonyme
«La Rencontre d'Abraham et de Melchisédech»
École française du XVIIe siècle.
Toile parfois attribuée à Jean-Bernard Chalette,
né à Toulouse en 1631 et actif à Rennes de 1668 à 1678.
Tableau à thème non précisé, auteur anonyme
Baie 2 : «Le Christ porte le pain et le vin», détail.
L'orgue de tribune : les statues sur les tourelles du positif
Les anges souffleurs du vitrail de Max Ingrand
dans la grande verrière occidentale.
L'orgue de tribune : un atlante
L'orgue de tribune : un atlante.
(Dominique Molknecht)

L'église Saint-Germain et la loi de 1905 (3/3).
---»» À 23 heures, les portes des églises sont gardées par des escouades. À minuit, la ville est en état de siège. Pour rentrer chez eux, les habitants dont les maisons sont proches des édifices cultuels doivent établir leur identité et se faire accompagner par un agent de police.
Le témoin poursuit : «Toute la garnison de Rennes a été mobilisée : les 14 compagnies du 41e de ligne, en tenue de campagne, avec deux paquets de cartouche dans chaque giberne, les artilleurs des 7e et 10e d'artillerie, - les gendarmes, 500, dit-on -, arrivés de partout. Tout cela pour enfoncer les portes de six églises, et inspirer une salutaire terreur à quiconque voudrait bouger.»
Arrive le matin du vendredi 16 février 1906.
Devant Saint-Germain, M. Gagneux, inspecteur de police en faction, voit arriver la troupe... qui prend «les dispositions de combat». Le pas des soldats s'accélère ; les chevaux galopent ; on entend le cliquetis des armes. Le narrateur continue : «En cinq minutes, les barrages s'effectuent d'après un plan arrêté d'avance : rue du Vau-Saint-Germain se postent deux escouades d'artilleurs ; sur la place débouchant sur le quai un escadron, renforcé de gendarmes à cheval, et dans les rues Derval et de Corbin, une compagnie du 41e d'infanterie. Les hommes, au commandement, forment les faisceaux et on attend.» Le barrage est total : personne ne passe plus, à l'exception des bidons de lait. Au petit jour, la foule grossit. À 7 heures 30 précises, un receveur du fisc, M. Forêt, se présente à la porte sud de l'église. Elle est close, mais les fabriciens sont là, entourant le curé de la paroisse.
Le chanoine Duver, curé de Saint-Germain, lit une protestation solennelle dont on devine la teneur : l'Église catholique a la garde de tout ce qui lui a été donné et confié au cours des âges ; ces biens, nous devons les transmettre à nos successeurs ; par son action le Pouvoir civil la spolie ; «s'il est la force, il n'est pas le droit, et si nous subissons l'une, nous protestons au nom de l'autre.» En conséquence, les fabriciens se refusent de participer «à l'acte qui va être accompli».
À son tour, M. Regnault, président du Conseil de fabrique, donne lecture d'une seconde protestation : les agents de l'État sont les gardiens de l'État, les fabriciens sont les gardiens de leur église à laquelle on ne doit pas porter atteinte ; la loi nous dépouille ; «tant que Notre Saint-Père le Pape n'aura pas parlé, nous estimerons que nous sommes ici chez nous, et que nul autre n'a le droit d'y faire inventaire». En conséquence, les fabriciens ne céderont qu'à la violence.
Après ces deux incantations, le receveur du fisc choisit de se retirer. Quelques cris hostiles l'accompagnent, tandis que, devant la porte sud, la foule ovationne le curé.
À 9 heures 45, le receveur revient, cette fois pour le dernier acte. Aussitôt la troupe se met en garde. Mais les fabriciens, qui circulent autour de l'église, refusent d'ouvrir les portes au fonctionnaire. Quand celui-ci se présente officiellement, accompagné du commissaire de police, «les sommations d'usage sont faites en vain». Alors huit hommes de la «compagnie d'ouvriers», huit volontaires, constate avec regret le narrateur, se présentent armés de piques et de haches. On choisit d'enfoncer la porte de la rue Derval, celle qui est au nord, visiblement moins robuste que les autres. Les huit soldats se mettent au travail. Au bout de dix minutes, les battants de la porte sont disjoints. Dans leur chute, ils entraînent une colonne de chaises amoncelées à l'intérieur.
Le narrateur poursuit : «Entré dans l'église, M. Forêt a rapidement compté les autels, les statues, les confessionnaux. Pendant ce temps, les ouvriers de la 8e enfonçaient les portes de la sacristie. Après eux, M. l'inspecteur put y pénétrer, prit note - rapidement - du mobilier et se retira».
Et le témoin anonyme de cette journée, clairement opposé aux inventaires, conclut son récit du 16 février à Saint-Germain par une ironie un peu étonnante : «Là aussi, victoire était restée à la Loi !»
Dans tout cela, on constate - non sans surprise - que les vitraux de l'église, quelle que soit leur époque, sont regardés comme sans valeur...
Sources : 1) À l'assaut de nos églises par un témoin, brochure parue en 1906 relatant les événements du vendredi 16 février 1906 ; 2) Histoire de Rennes de Xavier Ferrieu, éditions Gisserot, 2001.


La nef et l'orgue de tribune vus depuis le chœur.

Documentation : panneaux affichés dans l'église + livret
+ «Les vitraux de Bretagne», Corpus Vitrearum, Presses Universitaires de Rennes, 2005
+ «Dictionnaire des églises de France», Éditions Robert Laffont, 1966
+ «Bretagne gothique» de Philippe Bonnet et Jean-Jacques Rioult, Éditions Picard, 2010
+ «Note d'un voyage dans l'Ouest de la France», Prosper Mérimée, 1835
+ «Dictionnaire du patrimone rennais», Éditions Apogée, 2004
+ «Bretagne, dictionnaire, guide du patrimoine», Éditions du patrimoine, 2002
+ «À l'assaut de nos églises», récit anonyme d'un témoin, livret édité en 1906
+ «Vie de l'abbé Carron» par un bénédictin de la Congrégation de France écrite en 1866
+ «Histoire de Rennes» de Xavier Ferrieu, éditions Gisserot, 2001
+ «L'Ille-et-Vilaine des origines à nos jours», Éditions Bordessoules, 1984.
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