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L'Ordre des chanoines réguliers
de Prémontré a été fondé, dans
l'Aisne, au début du XIIe siècle par saint Norbert.
Une dizaine d'années plus tard, l'abbaye prémontrée
de Sainte-Marie-aux-Bois est créée à 10 km
de Pont-à-Mousson, sur la commune actuelle de Vilcey-sur-Trey.
Avec d'autres, l'Ordre tombera en décadence au XVIe siècle.
Un premier abbé, Daniel Picard, tentera de remettre
de la foi et de la rigueur dans sa communauté. Il le paiera
de sa vie : il meurt en 1600 des suites d'un empoisonnement. Un
second abbé, Servais de Lairuelz, s'attelle à
la tâche. Fortement inspiré par le Concile de Trente
(1545-1563) et par les Jésuites de Pont-à-Mousson,
il entreprend la refonte complète de son ordre. Les principes
de base de la vie monacale sont réintroduits : jeûne,
abstinence, mise en commun des biens, etc. En 1608, il transfère
sa communauté dans la cité mussipontaine et décide
de faire bâtir, selon ses propres plans, une abbaye qui sera
dédiée à Sainte-Marie-Majeure. L'Ordre devient
l'Ordre des Prémontrés de l'Antique Rigueur.
Une quarantaine d'établissements mineurs seront rattachés
à l'abbaye mère mussipontaine dont le rayonnement
s'étend dans toute la Lorraine. Novices et scolastiques affluent.
Il faut penser à reconstruire une abbaye plus large, plus
somptueuse à la place de l'ancienne (dont on ne possède
que peu de traces architecturales).
La guerre de la Ligue d'Augsburg s'est achevée en 1697 par
le traité de Ryswick. La Lorraine est redevenue indépendante
et son duc, Léopold Ier, entend redonner vie à sa
province dévastée par la soldatesque. La construction
de la nouvelle abbaye, dont la première pierre est posée
en 1705, s'inscrit dans cet environnement très favorable.
Le frère Thomas Mordillac (dont on ne sait pas grand-chose)
est vraisemblablement l'auteur des plans. À sa mort, il est
remplacé par le frère Nicolas Pierson (1692-1765)
qui termine les travaux en 1735. Sur le plan architectural, la Lorraine
est alors marquée par un renouveau de la période classique.
Et ce sera évidemment le style retenu.
Le financement des travaux n'a pas été simple. Dans
les premières années, ce sont les religieux qui ont
apporté les fonds : trente-trois fermes avec vignes et moulins
assuraient la rente. Mais la rigueur extrême de l'hiver 1709,
en réduisant drastiquement les récoltes, remit tout
en question. Il fallut recourir à l'emprunt.
En 1771, un incendie endommagea fortement l'Abbaye, qui fut restaurée.
À la Révolution, les inventaires mirent en exergue
la richesse des religieux. En 1792, ceux-ci furent expulsés
et les bâtiments mis en vente. Ils resteront à l'abandon.
En 1817, un Petit Séminaire s'y installa. Bien sûr,
le mobilier avait disparu, les terrains étaient divisés,
quelques parties construites avaient été vendues.
En 1905, c'est la Loi de Séparation entre l'Église
et l'État. Les religieux du Petit Séminaire sont expulsés
et la ville de Pont-à-Mousson
acquiert la propriété qui devient un hôpital
civil et militaire. La première guerre mondiale va gravement
endommager les bâtiments ; la seconde va les laisser en ruine.
La restauration de l'abbaye prendra vingt ans. L'inauguration en
tant que centre culturel aura lieu en octobre 1976. Aujourd'hui
l'abbaye des Prémontrés accueille, tout au long de
l'année, des manifestations culturelles, des expositions,
des colloques scientifiques nationaux et internationaux.
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La nef de l'église abbatiale Sainte-Marie. |
L'église Sainte-Marie-Majeure et la Moselle.
En disposant l'abside vers l'ouest (et donc vers la rivière),
les chanoines ont pu créer
un espace de verdure propre à l'abbaye et loin de la
rue : les Jardins de la Moselle. |
Les bâtiments conventuels et les Jardins de la Moselle. |
La façade de l'église et les bâtiments conventuels.
Les ailes nord et sud de la façade sont concaves, ce
qui est très peu visible (voir le plan). |
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La façade de l'église Sainte-Marie (début
du XVIIIe siècle).
Elle comprend trois ordres architecturaux : ionique, corinthien
et composite. |
L'abside de l'église Saint-Marie-Majeure est tournée
vers l'ouest. |
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Le fronton du deuxième étage de la façade de
l'église Sainte-Marie-Majeure (début du XVIIIe siècle). |
Détail du fronton avec la Vierge de saint Luc (début
du XVIIIe siècle). |
Extérieur.
L'abbaye comprend tout ce qu'on a l'habitude de trouver dans
un établissement de ce genre : une église, un
logis abbatial, une sacristie,
un réfectoire
des chanoines, un chauffoir,
une bibliothèque,
des escaliers
typés, un cloître
ceint de vastes galeries, etc. Mais l'abbaye des Prémontrés,
au XVIIIe siècle, a innové en matière
d'ordonnancement. Par exemple, le cloître privilégie
le côté pratique : les galeries qui l'entourent
offrent un accès immédiat aux salles et à
l'église. Et, bien sûr, la restauration des années
1960-70 a respecté toutes ces dispositions.
L'élément architectural le plus important, vu
de l'extérieur, est évidemment l'église
abbatiale Sainte-Marie-Majeure. Sa très belle façade,
conçue sur le modèle des églises jésuites
de Paris (Saint-Paul-Saint-Louis
et Saint-Gervais)
possède trois ordres superposés : ionique, corinthien
et composite. Un de ses éléments remarquables
est la forme concave de ses ailes (voir plan
plus bas). Le fronton triangulaire du premier étage
(voir la façade plus
haut) était enrichi des armes de l'abbaye. Il a
été bûché à la Révolution.
Celui du deuxième étage est donné en
entier ci-dessus. La partie centrale est donnée en
gros plan ci-contre. Elle représente la Vierge de saint
Luc entourée de deux anges. L'Enfant tient un livre
sous la main gauche. Ici, la Vierge est accompagnée
d'une inscription : Memor esto congregationis (Rappelle-toi
ton peuple), tirée du catéchisme de l'abbé
Servais de Lairuelz, initiateur de la réforme complète
de l'abbaye au XVIIe siècle.
Contrairement à l'habitude, la façade est à
l'est et le chur, à l'ouest. Le livret sur l'abbaye
en donne l'explication : il fallait que l'église marquât
de son empreinte un quartier populaire aux nombreuses petites
maisons et s'imposât aux yeux des habitants. Ceux-ci
étaient la plupart du temps embauchés pour le
travail des vignes et des fermes de l'abbaye.
Source : Brochure de l'abbaye des Prémontrés
(Association des Amis des Prémontrés).
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LA NEF DE L'ÉGLISE
ABBATIALE SAINTE-MARIE-MAJEURE |
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La nef de l'église vue du chur. |
Bas-relief au-dessus d'une porte. |
La voûte et les chapiteaux corinthiens. |
Le bas-côté nord et ses grands fenêtres. |
Saint Jean et son aigle |
Saint Luc et son taureau. |
Saint Marc et son taureau. |
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TROIS MÉDAILLONS
DES ÉVANGÉLISTES DANS LA NEF |
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Médaillon de saint Augustin à l'entrée
du chur. |
Médaillon dec saint Norbert à l'entrée
du chur. |
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Plan de l'église Sainte-Marie-Majeure.
On remarquera les ailes concaves de la façade. |
Architecture
interne de l'église 1/2. Les
photos présentées ici datent de 2013.
En entrant dans Saint-Marie-Majeure, on a un peu l'impression
que l'endroit est délabré. Selon le colloque
en cours, l'église a pu être préparée
pour des repas avec lumières spéciales
(des fils électriques pendent), les médaillons
en stuc sont dégradés ; quant au chur,
il est dans le même état qu'en 1944, après
le dernier bombardement ! Les toiles qui sont censées
l'embellir végètent dans un état
assez lamentable. En 2020, le chur présente
un état restauré (à l'exception
des grandes toiles).
Saint-Marie-Majeure est la première église
halle de style classique de la Lorraine. Pour une
église abbatiale, ses dimensions sont impressionnantes
: 66 m de long, 23 m de large et 18 m de haut. Nef et
bas-côté sont séparés par
une suite de six colonnes coiffées de chapiteaux
corinthiens. Sur les murs gouttereaux, des pilastres,
eux aussi à chapiteaux corinthiens, séparent
les grandes fenêtres en plein cintre. Ces fenêtres
accueillent de simples vitraux en verre blanc. Conformément
aux principes du Concile de Trente, il faut faire entrer
le maximum de lumière dans la nef. Des deux autels
latéraux il reste les sculptures enchâssées
dans le mur et créées par Nicolas Pierson.
L'un est dédié à saint Laurent,
l'autre à saint Firmin.
L'église halle était une architecture
répandue en Lorraine aux XVe et XVIe siècles.
À Pont-à-Mousson,
l'église Saint-Martin,
qui date de 1530, est une église halle. Mais
ce style s'inscrivait dans un cadre architectural gothique.
À Saint-Marie-Majeure, l'architecte Thomas
Mordillac a relié, avec cohérence,
une structure gothique à un style classique,
style qui correspondait au goût de l'époque.
On sait que ce style se caractérise par des chapiteaux
corinthiens, des arcs en plein cintre et des voûtes
d'arêtes. L'église abbatiale va donc traduire
la structure halle médiévale en style
classique... et servir de modèle à sept
autres grandes églises de Lorraine. La première
en date (1720) sera Saint-Sébastien
à Nancy.
Plus tard, en 1747, suivra l'église Saint-Jacques
à Lunéville.
Dans son étude de l'église parue lors
du Congrès archéologique de France
en 1991, Pierre Sesmat rappelle l'influence des Jésuites
dans la réforme de l'abbaye conduite par Servais
de Lairuelz au XVIIe siècle. Cette influence
a bien sûr touché l'architecture - et les
Jésuites occupaient l'église Saint-Martin
tout à côté. Pierre Sesmat écrit
à propos des chanoines prémontrés
: «Il s'agit pour eux, dans la suite du Concile
de Trente dont ils entendent appliquer les principes,
de ---»»
2/2
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Porte d'entrée dans l'église avec la Vierge de
saint Luc au fronton. |
Ronde-bosse de l'autel latéral sud dédiée
à saint Firmin.
uvre de Nicolas Pierson. |
«««--- À
GAUCHE
Ronde-bosse dans le bras nord du transept :
Saint Laurent est traîné à son supplice.
uvre de Nicolas Pierson.
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LE CHUR
DE L'ÉGLISE ABBATIALE SAINTE-MARIE |
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Le chur avec ses tableaux jamais restaurés (photo de
2013).
Il est resté en l'état depuis les bombardements de 1944.
En 2020, le chur présente un aspect restauré (sauf
les tableaux). |
«Dieu donne les tables de la Loi à Moïse»
Tableau (non restauré) dans le chur. |
«Moïse donne les tables de la Loi au peuple Juif»
Tableau (non restauré) dans le chur. |
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Cariatide sous la voûte du chur.
On voit clairement que les quatre cariatides
du chur ne soutiennent rien du tout. Elles ne
sont là que pour l'aspect décoratif. |
Cariatide sous la voûte du chur. |
Aspect de la verrière du chur. |
Les vitraux
sont des constructions géométriques simples.
Ceux de la nef sont plus simples encore. Les chanoines
ont appliqué les directives du Concile de Trente
: de la lumière avant tout.
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Tableau dans le chur ---»»»
Scène de l'Ancien Testament.
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Architecture
interne de l'église 2/2. --»»
transcrire matériellement une nouvelle perception
de Dieu. La foi catholique doit être une évidence
indiscutable, lumineuse et sensible à la fois
au cur et à la raison.» D'où
l'importance donnée à la lumière
- comme chez les Jésuites. Pierre Sesmat rappelle
aussi que les Jésuites n'ont jamais choisi d'imposer
leur style architectural propre, mais qu'ils ont toujours
préféré l'enraciner au sein des
traditions locales. Les églises halles étaient
communes au Moyen Âge dans les Flandres et en
Allemagne. Alors elles seront aussi communes dans les
églises jésuites de ces régions.
Sources : 1) L'abbaye des
Prémontrés (brochure de l'Association
des Amis des Prémontrés) ; 2) Congrès
archéologique de France 1991, article sur
l'église Sainte-Marie-Majeure par Pierre Sesmat.
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Le chur et la voûte. |
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LES BÂTIMENTS
CONVENTUELS DE L'ABBAYE DES PRÉMONTRÉS |
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La Cour d'Honneur.
C'est dans cette aile que se trouvent l'amphithéâtre
et le Comité Régional du Tourisme de Lorraine. |
L'escalier carré.
Des trois escaliers, c'est le plus proche de l'église
abbatiale.
C'est donc lui que les religieux empruntent
pour se rendre à l'office des matines. |
L'escalier ovale et son atlante. |
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Le petit escalier rond.
C'est le seul des trois escaliers qui n'a pas été
détruit par les bombardements de 1944. |
L'atlante de l'escalier ovale. |
L'escalier
ovale fait face à l'allée centrale
de la Cour
d'Honneur. Avec son atlante, ses marches larges
et basses et sa belle ferronnerie, c'était l'escalier
de cérémonie de l'abbaye.
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Le petit escalier rond.
Il s'apprécie réellement en se plaçant
en son centre
pour admirer le puits sans fin dégagé par sa courbe.
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L'escalier ovale et ses fenêtres donnant sur la Cour
d'Honneur. |
La ferronnerie de l'escalier ovale. |
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RÉFECTOIRE
DES CHANOINES, SACRISTIE, BIBLIOTHÈQUE ET CHAUFFOIR |
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Les armoiries de l'abbaye au-dessus de la porte du réfectoire
des chanoines (début du XVIIIe siècle). |
La voûte du réfectoire des chanoines. |
La grande sacristie. |
La nouvelle bibliothèque «André Grandpierre». |
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La galerie du bord de l'eau dans la Cour d'Honneur. |
Une aile du jardin. |
Le cloître et les bâtiments conventuels. |
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La galerie Saint-Laurent en bordure du cloître. |
Le cloître et le côté nord de l'église. |
Le cloître vu du premier étage. |
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Documentation : Brochure de l'abbaye des Prémontrés
(Association des Amis des Prémontrés)
+ Congrès archéologique de France 1991, «Les trois
évêchés et l'ancien duché de Bar»,
article sur l'église Sainte-Marie-Majeure par Pierre Sesmat
+ Dictionnaire des églises de France, Robert Laffont, 1971. |
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