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Les brochures de tourisme vantent
souvent l'église Saint-Gengoult de Toul pour son magnifique
cloître
Renaissance. C'est aller bien vite sur un édifice médiéval
qui peut mettre en avant ses belles verrières
du XIIIe siècle.
L'église Saint-Gengoult de Toul est une ancienne collégiale.
Tout part des reliques de ce saint
légendaire déposées, dans la seconde
moitié du VIIIe siècle, à l'église
Saint-Pierre de Varennes, un village non loin de Langres.
Les pèlerins affluent et, pour gérer cette affluence,
l'église devient abbaye. Bien que située sur
les terres de l'évêché de Langres,
l'abbaye dépend de l'évêque de Toul.
Au Xe siècle, elle est vendue à l'épiscopat
de Langres
par l'évêque Gauzelin. Arrive alors à
Toul
un nouvel évêque, le futur saint Gérard,
qui restera en fonction de 963 à 994... et qui veut
récupérer son abbaye perdue. N'y arrivant pas,
il fonde à Toul
une église dédiée à saint Gengoult.
L'édifice est bientôt le centre cultuel d'une
nouvelle abbaye où s'installent des moniales. Celles-ci
se relâchant dans l'observance de la règle bénédictine,
Gérard les remplace par des chanoines qui vont vivre
selon la règle de Chrodegang.
En 1065, le nouvel évêque, Udon, restaure
le chapitre collégial. En effet, durant la guerre qui
l'a opposé à l'empereur Conrad II, églises
et abbayes touloises ont été partiellement détruites
et incendiées. L'année 1065 voit donc la restauration
de l'église Saint-Gengoult et l'octroi de ses caractères
principaux. Ceux-ci resteront en vigueur jusqu'à la
Révolution et à l'année 1790 qui voit
la dissolution de l'abbaye. Les chanoines du chapitre vivent
désormais sous la règle d'Amalaire. Par la libéralité
d'Udon, la mense capitulaire est enrichie de biens en grand
nombre (terres agricoles, maisons) et des privilèges
associés (dîmes, péages, taxes). C'est
vers cette même année aussi que l'évêque
de Toul
crée des offices religieux communs entre les chanoines
de Saint-Gengoult et ceux de la cathédrale
Saint-Étienne. Il veut rapprocher les deux communautés
qui ont tendance à s'opposer. En effet, la tradition
montre que les membres du clergé épiscopal étaient
plutôt issus de la noblesse alors que les chanoines
de Saint-Gengoult étaient fils de bourgeois et de riches
marchands de la ville. Cette rivalité, parfois violente,
s'étendra tout au long des XIIIe et XIVe siècles.
Disposant de vastes ressources financières, le chapitre,
dans les années 1210, décide de rebâtir
l'église en plus vaste et en plus somptueux. Les historiens
distinguent trois étapes dans la construction. La première,
vers 1240-1260, voit l'édification du chur
et de la partie orientale du transept.
Voir le plan.
L'ancien chur, jusque-là entièrement coiffé
par le nouveau, est alors détruit. La deuxième
phase démarre rapidement et poursuit la construction
de l'édifice vers l'ouest. Elle s'arrête vers
1310-1315 après l'édification du transept
et de deux travées de la nef.
Enfin, la troisième phase ajoute à la nef
ses deux dernières travées, elle ajoute aussi
la façade
(d'un gothique flamboyant assez modeste) et le cloître
Renaissance (fin du XVe et début du XVIe siècle).
Le bombardement prussien de 1870 détruira partiellement
la grande baie occidentale qui sera restaurée en 1874.
L'église, de type gothique basilical, possède
une élévation bipartite. La plupart des vitraux
étant en verre blanc, nef
et transept
frappent le visiteur par leur clarté. L'architecture
de Saint-Gengoult s'inspire fortement de celle de la cathédrale
Saint-Étienne, premier édifice de style
gothique construit en Lorraine. Cependant des différences
subsistent (noyaux des piliers, formes des moulurations, orientation
des chapelles absidiales), exacerbées par le conflit
entre les deux chapitres.
La richesse de l'église, c'est avant tout sa vitrerie
du XIIIe siècle. Les panneaux historiés
du chur
et des chapelles,
associés à une savante grisaille
de la même époque, suivent un programme iconographique
formel. Remontant eux-mêmes aux années 1260-1270,
ils sont accompagnés des grandes verrières
du transept des années 1400. Déjà
typiques du XVe siècle, celles-ci reçoivent
des personnages nichés sous d'impressionnants baldaquins.
Si vous passez à Toul,
n'oubliez pas que l'église Saint-Gengoult possède
le plus beau programme de vitraux du XIIIe siècle
de toute la Lorraine. L'église a été
classée Monument historique en 1862.
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La nef et le chur de Saint-Gengoult. |
La façade occidentale.
La photo a été prise alors que la verrière
occidentale était déposée. |
Les statues décapitées sur la tourelle d'escalier
dans le croisillon sud. |
Ce pinacle avec sa niche est surmonté d'un oiseau. |
Le portail occidental. |
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Le chevet et le bras sud du transept avec les bâtiments
accolés. |
La tour sud n'a pas été achevée. |
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La corniche de feuilles à cinq pétales (première
période de la construction). |
Architecture
externe. Un élément peu
banal frappe avant tout le visiteur : la persistance,
contre le transept et le chevet de l'église,
de bâtiments habités et de boutiques
(comme on peut le voir sur la photo au-dessus).
En général, le XIXe siècle
ou le début du XXe ont mis bon ordre à
cet état de choses, mais pas à Toul.
L'architecture extérieure de Saint-Gengoult
s'apprécie plus au chevet qu'à la
façade. Le chevet, très régulier,
s'impose avec ses fenêtres qui remplissent
tout l'espace entre les contreforts. Ceux-ci sont
surmontés de pinacles abritant des niches
où les statues des personnages ont été
soigneusement décapitées. La photo
de gauche montre le résultat de ce vandalisme
sur le sommet de la tourelle d'escalier dans la
face est du croisillon sud. Les pinacles se terminent
par une pointe surmontée d'un oiseau. Une
belle corniche de feuilles à cinq pétales
borde la toiture (photo ci-dessus).
La façade comprend une partie centrale
avec un portail, entourée de deux tours
sans ouverture à l'ouest. Le portail en
arc brisé n'a rien pour retenir l'attention.
Le tympan n'est pas vitré, les voussures
sont nues et le gable est orné de quelques
malheureux choux frisés. Seule la tour
nord a été achevée et compte
six niveaux. Les deux derniers sont octogonaux
(photo à droite). Un garde-corps de style
flamboyant la surmonte.
L'immense baie vitrée au-dessus du portail
était en restauration quand les photos
ont été prises.
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Réseau «excentrique» d'une fenêtre
du chevet.
C'est la première période de contruction. |
Réseau
utilisé lors de la 2e période de construction
---»»» |
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La tour nord se termine par deux niveaux octogonaux
et un garde-corps de style flamboyant. |
Réseau d'une fenêtre du transept.
On remarquera l'interpénétration des moulures. |
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Les
réseaux des tympans. La construction
de l'église Saint-Gengoult a connu une rupture
qui est bien visible sur les parties extérieures.
L'église a été bâtie d'est
en ouest. La première période (1240-1260)
a vu s'élever le chevet et la partie orientale
de la première travée du transept (voir
plan).
Puis, dans une deuxième période, ont suivi
le reste du transept et les travées orientales
de la nef. Enfin, la construction s'est achevée
par les deux travées occidentales de la nef et
la façade. La rupture entre la 1ère et
la 2e période se voit dans la modification de
l'appareillage, mais surtout dans le changement du remplage
des fenêtres.
Les deux photos ci-dessus illustrent ce phénomène.
La photo de gauche montre le remplage mis en place lors
de la première période. Le dessin comprend
une rose octolobée inscrite dans un carré
posé sur la pointe, la partie qui surmonte ce
carré étant remplie d'oculi. Dans son
étude sur Saint-Gengoult (Congrès archéologique
de France, 2006), l'historien Marc Carel Schurr
écrit : «Ce schéma assez excentrique
anticipe le goût pour l'ornement autour de 1300,
avec des réseaux de plus en plus compliqués
et très riches en variations géométriques.»
On peut voir, bien sûr, l'effet de cette structure
originale au niveau du vitrail, une fois qu'on se trouve
à l'intérieur de l'église. Cet
effet est particulièrement net dans le tympan
de la baie
0.
Ce style de réseau fut abandonné lors
de la deuxième période de construction.
On lui préféra le dessin plus conventionnel
d'une rose remplie de quadrilobes, donné dans
la photo de droite.
Si le visiteur est muni de jumelles, il doit aussi s'attarder
sur un détail remarquable : l'interpénétration
des moulures dans le dessin des tympans des fenêtres
du transept et de la nef. Enfin, dernier trait remarquable
sur les fenêtres : leurs arcs sont «décorés
d'un rinceau de feuillage qui retombe sur des petites
consoles ou des volutes» [Marc Carel Schurr].
C'est un motif très rare dans l'architecture
gothique en France.
Source : Congrès archéologique
de France, Nancy & Lorraine méridionale,
2006. Article de Marc Carel Schurr sur la collégiale
Saint-Gengoult.
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LA NEF DE L'ÉGLISE
SAINT-GENGOULT |
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Élévations nord vues depuis le bras sud du transept.
Au premier niveau, les fenêtres sont obstruées
à l'extérieur par l'élévation du
cloître.
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Plan de l'église Saint-Gengoult et de son cloître. |
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Clé de voûte dans le chur. |
Clé de voûte à thème floral. |
Clé de voûte avec feuilles de lierre. |
Clé de voûte. |
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La voûte quadripartite de la nef. |
Architecture
interne 1/2.
En pénétrant dans l'ancienne
collégiale, le visiteur découvre
un monument très lumineux. En effet, toute
la vitrerie de la nef est en verre blanc. Tout
comme celle d'une bonne partie du transept.
La nef possède quatre travées, bordées
de bas-côtés sans chapelles latérales,
ce qui ne suffit pas à compenser le poids
architectural énorme d'un large transept
très saillant (voir plan à gauche).
L'élévation de la nef est à
deux étages. Avec ses hautes arcades en
tiers point au premier niveau (photo à
gauche), l'impression d'élancement est
assurée. Le second niveau reçoit
les grandes fenêtres qui sont séparées
des arcades par une mince corniche. Elle s'interrompt
pour laisser passer la colonne engagée
qui court sur les piles depuis la base jusqu'à
la retombée des voûtes. Ainsi, cette
étroite corniche ne vient pas couper l'impression
d'élancement. On remarque que la retombée
des voûtes descend jusqu'au bas des hautes
fenêtres. L'architecte a créé
une sorte d'équilibre visuel entre la hauteur
des arcades et la coiffe que constitue la voûte.
La nef ne possède ni tribunes, ni triforium.
Le visiteur pourra passer un peu de temps à
admirer la diversité des chapiteaux
à feuillage dans la nef et le transept
(quelques-uns sont donnés dans cette page).
De même, Saint-Gengoult possède quelques
très belles clés
de voûte, toujours sur un thème
floral (voir ci-contre). Enfin, on notera la présence
de pierres
tombales parmi les dalles. Les plus belles
ont été relevées contre le
mur nord de la nef.
L'abside de Saint-Gengoult s'inspire de ---»»
2/2.
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Architecture
interne 2/2. ---»» celle de la
cathédrale
de Toul. Les cinq pans qui s'élèvent
sur toute la hauteur suivent une architecture assez
courante en Lorraine. Le chur possède deux
chapelles absidiales (Saint-Nicolas
et Sainte-Anne)
dont la particularité est d'avoir un réseau
de voûte dirigé vers le centre de la croisée
et non pas vers l'est (voir plan ci-contre). Enfin un
élément à ne pas oublier est la
fameuse coursière champenoise que l'on
aperçoit très bien dans les chapelles
absidiales, notamment dans la chapelle
Sainte-Anne. Cette coursière, enrichie d'un
garde-corps flamboyant bien après sa construction,
passe sous les grandes fenêtres du chur,
mais elle est cachée par le décor classique
mis en place après l'époque médiévale.
La chapelle Notre-Dame (photo ci-dessous) est la plus
récente des chapelles. Il y avait jadis, sur
le côté sud, un porche d'entrée.
Après la construction de la façade et
du portail occidental, il est devenu inutile. En 1513,
on l'a détruit et remplacé par une chapelle
surélevée à laquelle on accède,
depuis le bas-côté, par quelques marches.
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Bas-côté sud. |
Chapiteaux avec feuilles de lierre. |
Chapiteaux avec feuilles de rue et personnage. |
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Chapelle Notre-Dame.
Elle a été bâtie en 1513 dans le bas-côté
sud après suppression
du porche rendu inutile par la construction du portail occidental. |
Chapiteaux avec feuilles d'armoise. |
Chapiteaux avec feuilles de persil. |
Chapiteau avec renoncules. |
La nef et le bras nord du transept. |
Clé de voûte avec tête d'ange. |
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Possessions
et revenus de la collégiale Saint-Gengoult.
Le financement de la construction des églises est un
sujet peu traité par les historiens. Qui passe devant
une cathédrale médiévale ou une église
baroque du grand siècle en se demandant : «Qui
a payé ?». C'est-à-dire : qui a payé
les matériaux ? qui a payé les ouvriers ? qui
a payé les architectes ? À peu près personne.
Le regard actuel se tourne davantage vers la prouesse technique
que constitue l'édification de monuments souvent gigantesques.
La question : «Comment ont-ils pu construire ça
?» éclipse toutes les autres.
Pourtant le financement de la construction est primordial
car viennent s'y greffer les concepts économiques centraux
de création de richesses et d'échanges. On sait,
par exemple, que la construction de la cathédrale
de Paris a été en grande partie financée
par les revenus des chanoines du chapitre qui étaient
de grands propriétaires terriens et immobiliers. Pour
remplir leur cagnotte, ils n'hésitaient pas à
oppresser démesurément les serfs de leurs domaines.
La taille était imposée par les clercs aussi
souvent qu'il le fallait, et avec l'assiette jugée
nécessaire.
Pour l'église Saint-Gengoult, les médiévistes
paraissent avoir peu de traces de dons importants ou de legs
attribués au chapitre par des bourgeois de la ville.
En 2014, dans un article des Études touloises
consacré à Saint-Gengoult, l'historien Sébastien
Georges se contente d'écrire que les bourgeois
de Toul «ont financé une partie de la construction
de l'édifice.» Sans donner aucun détail.
Certes, mais, dans les faits, il n'est pas faux d'avancer
que l'importance des revenus des chanoines assurait, comme
à Paris, la plus grande partie du financement et permettait
de payer les architectes, les ouvriers, les matériaux
et leur transport.
À cette fin, Sébastien Georges traite longuement
des revenus du chapitre. En 1065, l'évêque Udon
a restauré le chapitre collégial et l'a abondamment
pourvu de biens parfois géographiquement éloignés.
Ce sont d'abord des possessions foncières :
terres (arables ou non), prés, bois et vignes. Ces
biens, donnés à bail à des exploitants
qui verseront une rente, se situent bien sûr autour
de Toul, mais aussi dans toute la Lorraine. Il y en a dans
les Vosges, à Bouzemont ou Bazegney. Comme les monastères
servaient également d'établissements de crédit,
on en déduit immanquablement que ces propriétés
n'ont pu que s'accroître par le biais de ce qu'on appelait
au Moyen Âge le mort gage, une sorte de prêt à
intérêt déguisé. La Révolution
française, en fermant tous les monastères, a
sonné le glas de cette richesse domaniale.
Aux dons de possessions foncières s'ajoute un élément
de prestige : le don de seigneuries. La seigneurie,
c'est le pouvoir temporel sur un domaine englobant un ou plusieurs
villages. Ce pouvoir prend par exemple la forme de redevances
sur l'utilisation des biens d'équipement (fours, moulins,
pressoirs). Par ce moyen, la collégiale s'élève
au même rang que les plus prestigieux des établissements
religieux locaux. Citons, par exemple, les villages de Bouzemont,
Bazegney, Bagneux, Minorville et Crézilles dont elle
est le seigneur et où elle a droit de haute justice.
Il faut ajouter ensuite l'autorité spirituelle
sur de nombreuses cures. Pratiquement, c'est un droit de patronage.
Et plus clairement encore, c'est un droit de ponction sur
les dîmes et les offrandes des fidèles dans les
paroisses qui dépendent de la collégiale. À
charge pour cette dernière d'assurer un revenu décent
au desservant de la cure en lui laissant la portion congrue.
Rappelons que congrue vient du latin congruus qui signifie
«comme il faut» ou «convenable». En
pratique, loin de lui verser une rente, la collégiale
abandonnait au vicaire une part des dîmes ou des offrandes.
Au fil des siècles, la collégiale s'est enrichie
de biens plus importants encore. Sébastien Georges
parle de halles, de granges, de lacs et de rivières.
Elle possédait même une place à sel dans
le Saulnois, à Moyenvic. Vu l'importance du sel à
cette époque, elle devait en tirer de copieux revenus.
De par sa double puissance temporelle et spirituelle, le chapitre
de Saint-Gengoult se posait comme un acteur incontournable
dans le monde laïc et ecclésiastique lorrain.
Ce rôle s'accrut encore par deux contrats de pariage
avec les deux seigneurs les plus puissants de la contrée.
En 1261, le chapitre et le comte de Bar s'associent à
la tête de la seigneurie de Minorville. En 1310, il
s'associe avec le grand rival du comte, le duc de Lorraine,
à la tête de la seigneurie de Bouzemont, dans
les Vosges. Quelle est la raison de ces pariages (qui - comme
le nom l'indique - entraînent le partage à 50/50
de tous les revenus) ? Sébastien Georges avance
deux hypothèses. La première est que le chapitre,
en tant que corps religieux, ne peut dresser l'épée
pour défendre ses domaines ; il a donc besoin d'un
bras armé : argument assez étonnant puisque
cette alliance aurait alors dû se produire partout en
France, en Lorraine et ailleurs, ce qui n'est pas le cas.
Mais, en réalité, cette explication s'inverse
si l'on part du principe que la collégiale voyait dans
le comte de Bar et le duc de Lorraine des envahisseurs potentiels,
ou, pis, des agresseurs certains. Y a-t-il eu des pressions
exercées sur le chapitre qui aurait alors préféré
céder 50% que tout perdre ? N'est-ce pas une forme
d'extorsion de fonds contre une «protection» imposée
? Bref, du racket. Minorville et Bouzemont sont assez loin
de Toul... Seconde hypothèse avancée par Sébastien
Georges : les deux rivaux qu'étaient le comte de Bar
et le duc de Lorraine devaient s'assurer des bases solides
pour étendre leur pouvoir en Lorraine. Ces pariages
représentaient pour eux des fiefs rendus plus forts
par le présence spirituelle de la collégiale.
Évidemment partager ses revenus, c'est réduire
son pouvoir. Par ces pariages, le chapitre de Saint-Gengoult
perdait une partie de son autonomie, donc de sa souveraineté.
«Dès lors, écrit Sébastien Georges,
on peut considérer que le chapitre voit, en ce début
du XIVe siècle, la fin de son apogée.»
Mettons le doigt sur la concomitance des événements
: le début du XIVe siècle, c'est aussi la fin
de la deuxième phase de construction de l'église,
que les historiens situent aux alentours des années
1310-1315. Saint-Gengoult devra attendre la fin du XVe siècle
pour mettre en chantier la troisième et dernière
phase de la construction et voir s'élever les deux
dernières travées, la façade occidentale
et le cloître.
Source : Histoire de la collégiale
Saint-Gengoult de Toul, Études touloises, avril 2014,
par Sébastien Georges.
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Pierre tombale d'un prélat (vue partielle). |
Pierre tombale dressée contre le mur nord de la nef (partiel) |
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Pierres tombales dressées contre le mur nord de
la nef.
Ces pierres étaient autrefois intégrées
dans le pavé de l'église. |
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Chapiteau avec feuilles de chou. |
Chapiteaux avec feuilles de millepertuis. |
«««---
Pierre tombale d'un prélat sur la dallage
de la nef
(vue partielle) |
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Chapiteaux à thème floral. |
Chapiteau avec feuilles de bryone. |
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LE TRANSEPT DE
L'ÉGLISE SAINT-GENGOULT |
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Le chur avec le bras nord du transept et les chapelles absidiales.
La présence de verre blanc dans une grande partie de la vitrerie
apporte une forte luminosité au transept. |
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Un angelot dans le bas-relief du Christ mort.
uvre de Rémy-François Chassel. |
«««--- La Vierge
écrasant le serpent
Tableau anonyme de l'autel de la Vierge. |
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Bas-relief en marbre du Christ mort par Rémy-François
Chassel.
Autel des Agonisants dans le bras nord du transept. |
Autel des Agonisants dans le bras nord du transept.
La toile doit être une copie de celle qui se trouve
à l'église
Saint-Jacques
de Lunéville. Voir à cette page le texte
qui est joint. |
Vierge à l'Enfant.
Statue polychrome du XVe siècle.
Autel des Agonisants. |
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Autel en gothique flamboyant dans le bras nord du transept. |
Dais du XVe siècle avec tourelle et poivrières
(BAIE 14) |
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La Vierge honorée par les saints et les saintes.
Tableau anonyme dans le bras sud du transept. |
Saint Mansuy ressuscitant
les fils du gouverneur de Toul.
Tableau anonyme, XVIIIe siècle. |
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Anges
musiciens du XVe siècle (BAIE 14) |
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Les vitraux
du transept. Les baies 13 et 14 du transept sont
dites «verrières mixtes» : la moitié
supérieure est en verre blanc (voir la photo
du transept donnée plus haut).
Constituées de personnages nichés sous de hauts
baldaquins, leur valeur historique n'est pas la même.
Le bas de la verrière sud (baie
14) a été partiellement recréé
au XIXe siècle. Il en va ainsi des saints évêques
de Toul (Mansuy, Epvre, Gauzelin et Aimon) et des petites
scènes qu'ils surmontent. Les délicates saynètes
des piédroits sont médiévales, tout comme
les dais et les bordures décoratives.
En revanche, la partie figurative de la baie 13 au nord (donnée
ci-contre) est entièrement médiévale.
Elle se présente comme la baie sud, mais les historiens
ont plus de mal à identifier les personnages, tous
couronnés par un chapeau de triomphe. Le doute persiste
sur le saint évêque de la lancette gauche. La
deuxième lancette semble abriter saint Vincent, reconnaissable
à son tonnelet et à l'oiseau qui y est perché.
Les règles iconographiques de base conduisent à
identifier saint Jean-Baptiste dans la troisième lancette.
Quant au saint guerrier de la lancette de droite, il reste
totalement mystérieux.
Les historiens du vitrail butent toujours sur la datation
de ces deux verrières. Ils les rapprochent de verrières
similaires en Lorraine et en Allemagne (Munster, Cologne),
prennent en compte la grisaille et le jaune d'argent des saynètes.
En 1991, Michel Hérold a donné une conclusion
de cette analyse : elles pourraient avoir été
faites à la fin du XIVe siècle, soit une cinquantaine
d'années après l'achèvement du transept.
D'où une question qui reste sans réponse : y
a-t-il eu une première vitrerie au cours de ces cinquante
ans dans le transept?
Source : Congrès archéologique
de France, Les trois évêchés et l'ancien
duché de Bar, 1991 ; article sur les vitraux de
la collégiale par Michel Hérold.
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Partie figurative du vitrail de la BAIE 13 dans le bras nord du transept
(vers 1400).
En partant de la gauche, le deuxième personnage serait saint
Vincent, le troisième est saint Jean-Baptiste. |
Saint évêque dans le vitrail de la BAIE 13 (vers 1400)
Saynètes en grisaille et jaune d'argent dans le dais. |
Saint Vincent (?) dans la BAIE 14 (Vers 1400). |
Saint Jean-Baptiste dans la BAIE 13 (vers 1400). |
Saynète au-dessus du saint évêque de la BAIE 14
(vers 1400). |
LE CHUR
ET SES CHAPELLES ABSIDIALES |
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Le chur et ses deux chapelles absidiales Saint-Nicolas
et Sainte-Anne.
Tout comme le cloître,
les vitraux du XIIIe siècle de l'abside ont fait la célébrité
de l'ancienne collégiale Saint-Gengoult. |
Vitrail de la baie axiale (BAIE 0).
Vers 1260-1270. |
La Nativité, BAIE 0
Vers 1260-1270.
Panneau du peintre A.
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Vierge à l'Enfant dans le chur. |
Le maître-autel.
Le décor classique qui entoure le chur cache
la coursière qui se trouve au bas des grandes fenêtres. |
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Un ange dans le chur. |
L'évangéliste Jean dans le chur. |
Le
vitrail de la baie axiale 1/2. Dans
le chur, seules les baies centrales 0, 1
et 2 sont vitrées de couleur. La baie axiale
est la plus riche. Sur les côtés,
les baies 1 et 2 ont reçu, dans une lancette
chacune, un pastiche
du XIIIe siècle réalisé
en 1896 par le maître verrier parisien,
Albert Bonnot. À cette occasion, on déplaça
des grisailles décoratives médiévales
vers les lancettes extérieures des baies
1 et 2. Mais, en réalité, la vitrerie
d'avant 1896 faisait une place importante au verre
blanc.
Les baies principales de l'église sont
pourvues de scènes narratives issues d'un
programme iconographique cohérent.
On estime que les baies du chur ont été
mises en place peu après la fin de la première
période de construction (aux alentours
de 1260). Ce qui donne des verrières remontant
aux années 1260-1270. La baie la
plus importante est évidemment la baie
axiale. Elle est riche de quatorze panneaux illustrant
la vie légendaire de saint Gengoult
à gauche et la Vie de Jésus
à droite. Les autres baies importantes,
baie
7 et baie
8 dans les chapelles absidiales, illustrent
la vie de trois saints (Agathe, Agapit & Nicolas)
ainsi que l'Enfance et la Passion du Christ.
Les lancettes de la baie axiale se distinguent
par une large bordure
polychrome à feuillages. On donne à
droite trois scènes de la Vie de Jésus,
réinstallées après une restauration
récente : le Massacre des Saints Innocents,
la Fuite en Égypte et la Flagellation.
Au-dessous, la Légende
de saint Gengoult est illustrée par
des panneaux montrant l'infidélité
de sa femme, Ganéa, ou encore montrant
le saint avec Pépin
le Bref.
À l'occasion du Congrès archéologique
de France en 2006, l'historien du vitrail
Michel Hérold s'est livré à
une analyse pointue du style des dessins dans
les vitraux du XIIIe siècle. Elle fait
suite à l'analyse d'une consur parue
en 1988. Michel Hérold met en évidence
l'intervention de trois peintres verriers. Le
peintre A, auteur notamment du Massacre
des Innocents à droite, et de la Nativité
à gauche, présente un style archaïsant.
Ses personnages sont raides, ses vêtements
sans plis, avec souvent des têtes disproportionnés.
La Fuite en Égypte (à droite, ci-dessus)
présente aussi ces caractéristiques,
mais partiellement car un peintre, nommé
B par l'historien, est intervenu. Ceci est
flagrant dans le personnage de saint Joseph et
notamment de la tête. Le peintre B dessine
des personnages sveltes, avec une tenue élégante,
des vêtements plissés et une petite
tête. Michel Hérold lui attribue
la paternité des deux
panneaux donnés plus bas sur la vie
de saint Gengoult ainsi que de la plupart des
scènes de la Vie de Jésus. Le troisième
peintre, dit peintre C, se distingue des
deux premiers par la présence d'un décor
architectural ou végétal. La gestuelle
y est également bien affirmée :
les panneaux du peintre C dépeignent les
scènes de manière vivante. Ce style
est bien rendu dans la conduite adultère
de Ganéa.
Michel Hérold attribue à ce peintre
tous les panneaux de la vie de saint Gengoult,
à l'exception ---»»»
2/2
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La Flagellation (BAIE 0)
Vers 1260-1270.
Panneau du peintre B. |
La Fuite en Égypte (BAIE 0)
Vers 1260-1270.
Panneau du peintre A, saint Joseph est dû au peintre
B. |
Le Massacre des Saints Innocents (BAIE 0)
Vers 1260-1270.
Panneau du peintre A. |
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Tympan de la BAIE 0, vers 1260-1270.
Le Christ du Jugement est entouré du symbole des évangélistes,
de la Vierge et de saint Jean.
On reconnaît le dessin original retenu pour le réseau
des tympans lors de la première période de construction
(1240-1260).
Quatre scènes de la
vie de Jésus dans la baie 0 (vers 1260-1270). Peintre
B ---»»» |
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Le vitrail
de la baie axiale 2/2. --»»»
des trois du haut.
La cohérence du travail des peintres doit être
soulignée. «Vers 1260-1270, écrit Michel
Hérold, soit dès l'achèvement du chur,
une équipe de peintres verriers, qui se plient à
un cahier "des charges" précis, assure à
l'ensemble des vitraux, exécutés avec rapidité
l'unité générale (...).» En effet,
l'iconographie suit un thème précis, la structure
du dessin est uniforme et la palette des couleurs est la même.
Source : Congrès archéologique
de France, Les trois évêchés et l'ancien
duché de Bar, 1991 ; article sur les vitraux de
la collégiale par Michel Hérold.
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Le chur et le sanctuaire.
À l'arrière-plan, le maître-autel et le
placage de marbre datent du XVIIIe siècle. |
Assassinat de saint
Gengoult & Châtiment du clerc, amant de la femme
du saint (BAIE 0). Peintre B. ---»»» |
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BAIE 0 -
VIE DE SAINT GENGOULT |
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Qui
était saint Gengoult? Comme bien des
saints du Christianisme, Gengoult (ou Gendulfe ou encore
Gandouffe) est une invention des clercs médiévaux.
Au IVe siècle déjà, Eusèbe
de Césarée avait couché sur parchemin
les martyres «merveilleux» qu'on lui rapportait,
noircissant à plaisir la cruauté du monde
romain, qui se suffisait bien à elle-même.
Donc Gengoult, de bonne naissance, vit au VIIIe siècle,
dans la région de Langres. Il épouse Ganéa,
une noble de petite vertu. Laissée seule car
son époux est parti guerroyer avec Pépin
le Bref, Ganéa prend un amant. À son retour,
soupçonneux, Gengoult veut lui faire avouer son
adultère, mais Ganéa s'y refuse. Gengoult
lui impose alors l'épreuve de l'eau. Elle doit
s'emparer d'une pierre au fond d'une fontaine. Si elle
est Innocente, il ne se passera rien. Mais elle est
coupable et son bras se couvre de cloques. Gengoult
abandonne alors sa femme à un possible repentir
et se retire de son côté pour se livrer
à sa vie de piété. Mais Ganéa
se venge en le faisant assassiner par son amant. Peu
après, les reliques du saint sont déposées
à Langres.
Son hagiographie indique bien sûr que Gengoult
réalisa de son vivant quelques miracles et que
sa mémoire fut vénérée sans
tarder.
Sur ce sujet scabreux des saints légendaires,
on pourra se reporter à la vie de saint Austremoine
dans la page sur l'abbatiale Saint-Austremoine
à Issoire.
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Trois scènes de la Vie légendaire de saint Gengoult
(BAIE 0), vers 1260-1270 :
En bas : Saint Gengoult quitte le roi Pépin le Bref et
revient chez lui (?)
Au centre : Miracle de la source (?)
En haut : Infidélité de la femme de saint Gengoult
avec un clerc. |
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Deux scènes de la Vie de saint Gengoult (BAIE 0)
Vers 1260-1270.
En bas : saint Gengoult quitte son épouse pour rejoindre
Pépin ;
En haut : le roi Pépin le Bref remet une bannière
à saint Gengoult.
On remarquera la richesse des ornements latéraux. |
Conduite adultère de Ganéa, femme de saint Gengoult
(BAIE 0), Peintre C. |
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Les grisailles
décoratives des bais 1 & 2 (1/2). Les
visiteurs de Saint-Gengoult armés d'une paire de jumelles
tireront parti d'une observation attentive de ces remarquables
grisailles du XIIIe siècle. Si elles sont vues de loin,
le risque est grand de passer son chemin devant ce qui paraît
n'être qu'une cacophonie de formes hirsutes et de couleurs
peu engageantes, dégradées par les siècles.
Et pourtant ! Le gros plan donné ci-dessous montre
le travail de précision auquel s'est attelé
le peintre verrier médiéval.
Commençons par les bordures. Quand elles sont bien
conservées, elles sont magnifiques. Sur un fond noir,
les bouquets de lierre et de vigne légèrement
stylisés se succèdent de bas en haut, mêlant
le blanc, le jaune d'or, le rouge et le bleu. C'est cependant
dans les lancettes entre les bordures que l'excellence du
travail artistique saute aux yeux. Le fond de verre blanc
s'est jauni avec le temps, mais la beauté d'ensemble
n'y perd pas. Le dessin s'appuie sur de grands quadrilobes
enlacés dont le contour dicte la mise en plomb. Contrastant
avec le côté jaunâtre des quadrilobes,
les étoiles florales aux pétales rouges et bleus
(appelées fermaillets), nichées en leur centre,
donnent du corps à l'ensemble. À l'intérieur
des quadrilobes et entre eux, on distingue une multitude de
feuilles et de tiges arrondies, part essentielle de la beauté
de la grisaille, et qui justifie une observation rapprochée.
Dans son article pour le Congrès archéologique
de France, Michel Hérold écrit à
ce propos : «La richesse de la verrière vient
aussi du lacis de motifs végétaux, crossettes,
feuilles de vigne ou de lierre, feuilles dentelées
ou polylobées peu naturalistes, peints sur fond de
cage à mouches, qui traverse la résille des
plombs.» --»»
2/2
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Détail du vitrail de la BAIE 1 :
Grisaille du XIIIe siècle à gauche et pastiche du XIIIe
siècle à droite.
Le pastiche représente, en quelques médaillons, la vie
légendaire de saint Gengoult. |
Les grisailles décoratives de la BAIE 1 vues en gros plan. |
Détail du vitrail de la BAIE 2 :
À gauche : Pastiche du XIIIe siècle (atelier Albert
Bonnot 1896-1902)
représentant la Visitation et la Fuite en Égypte
À droite : Saint martyr disposé «en litre»
au milieu d'une grisaille (vers 1260-1270). |
Grisailles décoratives dans la BAIE 2 (vers 1260-1270).
La corrosion n'a pas eu le temps de donner à cette grisaille
l'aspect jaunâtre que l'on voit dans la baie 1. |
Le saint portant la palme du martyre dans le vitrail de la BAIE
2.
L'identité de ce personnage n'est pas reconnue. |
Les
grisailles décoratives des baies 1 & 2 (2/2).
Les deux grisailles du chur contiennent chacune
une figure disposée en litre. Évelyne
Thomas, docteur en Histoire de l'Art, indique dans son
Vocabulaire illustré de l'Ornement (éditions
Eyrolles) qu'«une verrière en litre est
une verrière où les rangs du décor
se superposent en larges bandes». Dans la baie
1, on voit ainsi un personnage annoncé par les
historiens comme étant sainte Catherine d'Alexandrie
(voir ci-contre à droite). Ses symboles sont
ici la couronne et l'épée de la décollation,
mais la roue dentelée de son supplice est absente.
Cependant une vue en très gros plan du visage
laisse planer le doute. Ne serait-ce pas un saint homme ?
Avec une couronne, l'iconographie indique que ce ne
pourrait être que Louis IX, roi de France, mort
en 1270 et canonisé en 1297. Hypothèse
irrecevable. Quoi qu'il en soit, la présence
d'un menton proéminent choque. Ou est-ce à
la dégradation des vitraux qu'il faut attribuer
ce qui pourrait être regardé comme une
espèce de barbe ?
Le deuxième personnage (baie 2) n'est pas reconnu.
Il porte la palme du martyre. Est-ce Saint-Gengoult
?
Source : Congrès archéologique
de France, Les trois évêchés
et l'ancien duché de Bar, 1991.
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Tympan moderne de la BAIE 2 : le Couronnement de la Vierge.
Atelier Albert Bonnot, 1896. |
Sainte Catherine d'Alexandrie, disposée «en litre»
dans le vitrail de la BAIE 1. |
Le visage en gros plan de sainte Catherine d'Alexandrie (?)
Le menton paraît bien proéminent pour être
celui d'une femme. |
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LA CHAPELLE ABSIDIALE
SAINT-NICOLAS (nord-est) ET LA BAIE 7 |
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Chapelle absidiale nord Saint-Nicolas.
Comme dans le sanctuaire, le placage de marbre date du XVIIIe
siècle.
Il a caché les registres inférieurs des baies
5 et 7 qui sont derrière. |
Le
vitrail de la baie 7. Il a fallu attendre
l'année 1988 et un article de l'historienne Meredith
Lillich paru dans la brochure américaine Art
bulletin pour comprendre l'iconographie assez complexe
de la baie n°7. Créée dans les années
1260-1270, celle-ci unit les légendes de trois
saints : sainte Agathe de Catane, saint Agapit de
Praeneste et saint Nicolas de Bari. C'est à
saint Nicolas que fut dédiée la chapelle
au XIVe siècle. Sa présence dans le vitrail
est donc tout à fait naturelle. Les panneaux
relatifs à saint Agapit s'expliquent par la présence
d'une relique de ce saint au moins depuis le XIe siècle.
Udon, évêque de Toul dans la seconde moitié
de ce siècle, institue en 1065 un office en son
hommage dans l'église qui a précédé
l'ancienne collégiale actuelle.
Mais que vient faire sainte Agathe de Catane ?
Meredith Lillich en donne l'explication : l'iconographie
de la baie 7 serait consacrée à la lutte
contre le feu et aux symboles destructeurs de cet élément
naturel. Le point de départ est la présence
de deux laïcs au côté de saint Nicolas
dans l'il du tympan (photo ci-contre). Ceux-ci
auraient offert la verrière en ex-voto pour avoir
été sauvés d'un incendie. Dans
ce contexte, tout devient logique : Agathe de Catane
est traditionnellement invoquée pour se protéger
du feu ; Nicolas de Bari est sollicité en
cas de grand péril et Agapit, dont la relique
suffit à justifier la présence, est néanmoins
relié au feu dans un panneau qui le représente
suspendu au-dessus d'un brasier (à droite).
À part les deux panneaux inférieurs des
lancettes qui sont des créations, vers 1874,
de l'atelier Charles Leprévost, l'ensemble de
la verrière est daté des années
1260-1270. La lancette gauche illustre des scènes
de la vie légendaire de saint Agapit ; celle
de droite, de la vie de sainte Agathe de Catane. Cette
sainte demeure dans l'iconographie comme la vierge et
martyre qui, au cours de son supplice, a eu les seins
arrachés par des tenailles. On pourra se reporter
aux vitraux Renaissance du martyre de sainte Agathe
à l'église Saint-Jean
au Marché de Troyes
et aussi au vitrail sur le même thème à
la cathédrale
Notre-Dame de Rouen.
Le tympan est consacré à saint Nicolas
de Bari. Les lobes illustrent les épisodes bien
connus de sa légende. On citera seulement la
dot qu'il attribue à trois jeunes filles menacées
d'être livrées à la prostitution,
et les trois petits enfants tués dans un saloir
et ressuscités par son intercession.
Comme pour les vitraux de la baie
0, on ne peut pas passer sous silence le très
beau travail des peintres dans les bordures (voir ci-dessous
les deux panneaux de la vie de sainte Agathe). C'est
un magnifique entrelacs régulier de feuilles
vues de profil sur un fond rouge chatoyant. Feuilles
et tiges sont disposées en losange et associent
le blanc, l'or, le bleu et le vert.
Sources : 1) Congrès
archéologique de France, Les trois évêchés
et l'ancien duché de Bar, 1991 ; article
sur les vitraux de la collégiale par Michel Hérold
; 2) Corpus Vitrearum, Les vitraux de Lorraine
et d'Alsace, CNRS Éditions, 1994.
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La chapelle absidiale nord Saint-Nicolas et sa coursière
enrichie d'un garde-corps flamboyant.
Derrière les fenêtres obstruées se trouvaient
jadis la sacristie au premier niveau et le chartrier au second. |
Statue de saint Nicolas
dans la chapelle du même nom. |
Les deux laïcs donateurs de la BAIE 7
dans une maison en flamme. |
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La chapelle Saint-Nicolas vue du bras sud du transept.
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Saint Agapit suspendu au-dessus d'un brasier (BAIE 7) |
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Le vitrail de la BAIE 7
dans la chapelle Saint-Nicolas. |
Sainte Agathe étendue sur un brasier (en bas)
L'âme de sainte Agathe monte au ciel (en haut)
(BAIE 7). |
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LA CHAPELLE ABSIDIALE
SAINTE-ANNE (sud-est) |
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Chapelle absidiale sud Sainte-Anne et sa coursière. |
Trois scènes du vitrail de la BAIE 8 :
Entrée à Jérusalem, Comparution devant Pilate,
Portement de croix. |
La Nativité, auteur anonyme, XVIIe siècle. |
L'Adoration des mages (BAIE 8). |
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Le
vitrail de la baie 8. Placé au dessus
d'une chapelle au dessin architectural très séduisant,
le vitrail de cette baie possède une iconographie
fort commune : l'Enfance et la Passion du Christ. Le
tympan, donné ci-dessous, accueille un Jugement
dernier. Au centre, le Christ Juge est assis sur un
trône d'or. Du sang coule de chacune de ses mains.
Il est entouré, dans les lobes, d'anges musiciens
qui sonnent la résurrection des morts. Dans le
lobe supérieur, l'ange effectue la pesée
des âmes. Le Corpus Vitrearum indique que
les panneaux des lancettes ont été réalisés
vers 1260-1270. En revanche, le tympan a été
en partie renouvelé vers 1310-1320.
Si le programme iconographique de l'église n'en
conserve pas moins toute sa logique, on est étonné
par la répétition des thèmes :
l'Enfance et la Passion du Christ figurent déjà
dans la baie axiale. Sans guère de doute, il
faut y voir la volonté des donateurs d'opter
pour ce sujet quoi qu'il en coûte (avec bien sûr
l'accord du chapitre et selon ses directives).
La disposition du vitrail est étudiée
pour s'accorder avec les autres baies historiées.
Les bordures, là aussi très travaillées,
sont une variante de celles de la baie axiale. Constituées
de rinceaux à feuillages, elles encadrent les
scènes figuratives qui sont logées dans
des médaillons octogonaux reposant sur «champ
de mosaïques à résilles obliques»
[Corpus Vitrearum].
Sources : 1) Congrès
archéologique de France, Les trois évêchés
et l'ancien duché de Bar, 1991 ; article
sur les vitraux de la collégiale par Michel Hérold
; 2) Corpus Vitrearum, Les vitraux de Lorraine
et d'Alsace, CNRS Éditions, 1994.
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Le tympan de la BAIE 8 et sa rose représentent un Jugement
dernier.
Dans les lobes, les anges musiciens sonnent la résurrection
des morts. |
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Chapelle absidiale Sainte-Anne et chapelle dans le bras sud du transept.
Deux scènes du vitrail de la BAIE 8 : Nativité et Présentation
au temple ---»»»
(vers 1260-1270) |
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L'orgue de tribune de 1870 et son buffet néogothique.
Cet orgue de 32 jeux a été réalisé par
le facteur lorrain Jacquot de Rambervillers. |
L'intrados de la tribune d'orgue est à caissons tréflés. |
La nef et l'orgue vus de la croisée.
Le vitrail Renaissance de la baie 24, au-dessus de l'orgue, était
déposé pour restauration quand la photo a été
prise. |
Documentation :Toul en Lorraine, Association
Le Pélican, éditions Schell & Steiner
+ Lorraine gothique de Marie-Claire Burnand, éditions Picard
+ Lorraine gothique de Suzanne Braun, éditions Faton
+ Histoire de la collégiale Saint-Gengoult de Toul, Études
touloises, avril 2014, par Sébastien Georges
+ Congrès archéologique de France de 1933, Nancy &
Verdun, article de Jean Vallery-Radot sur la collégiale
+ Congrès archéologique de France de 1991, Les trois
évêchés et l'ancien duché de Bar, article
sur les vitraux de la collégiale par Michel Hérold
+ Congrès archéologique de France de 2006, Nancy &
Lorraine méridionale, article de Marc Carel Schurr sur la collégiale
+ Le vitrail en Lorraine du XIIe au XXe siècle, Éditions
serpenoises, Centre culturel des Prémontrés
+ Corpus Vitrearum, Les vitraux de Lorraine et d'Alsace, CNRS Éditions,
1994
+ Vitraux de France, Alsace, Lorraine, Franche-Comté, éditions
Saep, 1970. |
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