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On ne connaît que les grandes lignes
de l'histoire de l'église Saint-Michel. Son clocher, daté
du XIIe siècle, indique toutefois que l'édifice a
des racines anciennes. Le faubourg de Vaucelles, que l'Orne sépare
du centre-ville de Caen,
était jadis une localité indépendante. C'était
aussi le siège d'un doyenné dont l'existence est attestée
dès le XIe siècle et qui comprenait trente-quatre
paroisses. Dans sa Statistique monumentale du Calvados, Arcisse
de Caumont écrivait en 1842 que le curé de Saint-Michel
était nommé par l'abbaye de Saint-Étienne
de Caen
qui percevait les deux tiers des dîmes. Le dernier tiers revenait
à l'abbaye de Sainte-Trinité.
L'histoire a donc commencé par une église romane,
reconstruite dans la seconde moitié du XVe siècle
et agrandie pour répondre à l'augmentation de la population
de la paroisse.
Le chur de
Saint-Michel est daté du XVe siècle, tandis que les
voûtes et la nef sont du siècle suivant. L'église
offre ainsi le profil instructif d'un édifice en partie rebâti
après la guerre de Cent Ans. Cependant, c'est le clocher
roman du XIIe siècle qui retient en général
l'attention des passionnés d'architecture ancienne (voir
description plus
bas).
La façade
occidentale, de style classique, et son clocher octogone à
lanternon datent de 1780. Même si l'ensemble nous paraît
aujourd'hui un peu terne, il répondait au goût de l'époque.
Située dans la partie sud de Caen,
l'église fut peu touchée par les bombardements de
1944. Toutefois, les vitraux actuels datent de 1946. Ils ont été
créés par l'atelier Sagot et Jondot de Bayeux.
Il faut croire que quelques obus sont tombés à proximité
de l'édifice et que l'effet de souffle a détruit la
vitrerie en place.
Le visiteur pourra également s'attarder dans le chur
pour voir les peintures
du XVIe siècle sur la voûte. Elles ont été
redécouvertes en 1882 lors d'une opération de nettoyage
des clés de voûte des deux travées orientales.
Enfin, en déambulant dans les bas-côtés, il
ne faut pas oublier de lever la tête car on y voit de belles
clés de
voûte sculptées datées des XVe et XVIe siècles.
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Vue d'ensemble de la nef et du chur de l'église Saint-Michel.
Le profil des piles de la nef, différent au nord et au sud,
frappe dès l'entrée. |
La façade occidentale et son clocher à lanternon sont
de style classique.
Ils ont été construits en 1780 sur la cassette du curé
de l'époque. |
Vue d'ensemble du côté sud de l'église avec
sa tour romane du XIIe siècle. |
Architecture
extérieure. En passant devant l'église,
la façade de style classique et le clocher octogone
que l'on découvre peuvent faire croire à
un édifice du XVIIIe siècle. Il n'en est
rien car la nef
et le chur
sont plus anciens. Cette façade, qui présente
une harmonie certaine, date de 1780 et a été
édifiée sur la cassette personnelle du
curé de l'époque, un certain Robert Fauvel.
Le chevet plat, en photo ci-dessous, présente
trois grandes fenêtres de style gothique rayonnant
dont les réseaux diffèrent. À l'heure
actuelle, ils reçoivent une vitrerie
très stylisée, réalisée
en 1946 par un atelier bayeusain. L'usage fait dater
ce chevet du XVe siècle, tout comme l'ensemble
des élévations du chur.
Cependant, Philippe Lenglart dans son ouvrage Caen,
Architecture et Histoire (2008) le fait remonter
au XIIIe siècle, ce qu'aucun document ne permet
d'infirmer. Voir le clocher roman plus
bas.
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La façade de style classique avec ses pilastres ioniques et
son fronton dédié au Sacré-Cur. |
Le chevet plat et ses trois fenêtres au remplage de style gothique
rayonnant. |
Dessin de l'église Saint-Michel de Vaucelles à Caen
en 1890.
La tourelle d'angle abrite un escalier à vis. ---»»»
|
Le clocher roman remonte au XIIe siècle. |
Le clocher octogone de la façade date de 1780. |
Troisième et dernier étage du clocher roman.
La flèche est datée du XIVe ou du XV siècle.
La tourelle d'angle abrite un escalier à vis. ---»»» |
Arcature de la tourelle d'angle du clocher roman. |
Détail de l'arcature romane du troisième étage
du clocher.
XIIe siècle. |
Le clocher
roman du XIIe siècle (1/2).
C'est l'élément architectural le plus intéressant
de l'édifice. Il s'agit en fait de toute une tour romane.
À ce titre, elle est souvent citée par l'historien
Eugène Lefèvre-Pontalis dans sa longue étude
sur les clochers du Calvados rédigée
pour le Congrès archéologique de France
tenu à Caen
en 1908.
La tour romane comprend trois étages (voir photo plus
haut). Celui du bas ne présente, sur l'extérieur,
qu'une petite ouverture en plein cintre dans un mur nu. (Une
photographie de la partie intérieure, visible plus
bas, donne une idée de l'impressionnante épaisseur
du mur.) L'ornementation romane de la tour n'intervient qu'à
partir du deuxième étage, faisant contraste
avec la simplicité de sa base. Lefèvre-Pontalis
souligne que ce contraste était voulu par les architectes
normands et qu'on le trouve dans bien des clochers du Calvados.
C'est donc au deuxième étage que commence le
réseau d'arcatures. Sur le côté sud, on
y voit cinq baies très allongées et sans ornement.
Celle du centre est ouverte. Ce deuxième étage
est séparé du premier par un simple chanfrein
droit.
L'arcature du troisième étage est plus élaborée.
Lefèvre-Pontalis rappelle que «l'école
romane normande se plaisait à tapisser d'arcatures
tous les murs nus». (La façade de l'église
de la Trinité
à Caen
donne un bon exemple de cette pratique régionale.)
Séparé du précédent par un nouveau
chanfrein, le dernier étage de la tour présente
trois riches arcades en plein cintre baignant dans une architecture
complexe (photo ci-contre). Ce système à colonnes
doubles (avec la seconde en retrait sur la première)
surmontées de tailloirs est coiffé d'une archivolte
très travaillée : boudin dans une gorge,
puis deux rangs de bâtons brisés et, au-dessus,
un cordon à billettes. ---»» Suite 2/2
ci-dessous.
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Le clocher
roman du XIIe siècle (2/2).
---»» Dans l'ange sud-ouest, une tourelle abrite
un escalier à vis. Son arcature en plein cintre surhaussé
prolonge celle de la tour. Il en va de même pour la
corniche à modillons qui surmonte l'ensemble.
La tour est surmontée d'une flèche de pierre
à quatre pans. L'absence de sources fait que les historiens
ignorent l'époque exacte de sa création. Dans
son article sur l'église Saint-Michel rédigé
pour le Congrès archéologique de France
tenu à Caen
en 1908, Louis Serbat se contente de citer son collègue
Victor Ruprich-Robert. Ce dernier fait remonter la flèche
au XIVe ou au XVe siècle. Louis Serbat note encore
que la lucarne ouest est moderne ; celle du sud, plus petite,
en plein cintre sur pilastres, est ancienne. Eugène
Lefèvre-Pontalis, dans son étude sur les clochers
du Calvados en 1908, rappelle que «les architectes des
clochers romans du Calvados firent un emploi précoce
des lucarnes, qui prirent une grande importance au XIIIe siècle.
Les plus anciennes se composent d'une baie en plein cintre
encadrée par des jambages nus et surmontée d'un
petit fronton aigu (...)». C'est le cas de la lucarne
sud de la flèche de Saint-Michel. Notons que les exemples
authentiques de ce genre d'ouverture sur les flèches
sont rares. Lefèvre-Pontalis suppose que les architectes
qui ont rebâti ces lucarnes ont reproduit les modèles
primitifs.
Sources : 1) Congrès
archéologique de France tenu à Caen en 1908,
article de Louis Serbat sur l'église et article sur
les clochers du Calvados par Eugène Lefèvre-Pontalis
; 2) Caen, Architecture & Histoire par Philippe
Lenglart, éditions Charles Corlet, 2008.
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LA NEF DE L'ÉGLISE
SAINT-MICHEL |
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La nef et le bas-côté nord vus de l'entrée de
l'église. |
Chemin de croix moderne
Station XII : Jésus meurt sur la croix. |
Plan de l'église Saint-Michel de Vaucelles. |
Notre-Dame de Sainte-Paix. |
Notre-Dame
de Sainte-Paix.
Cette statue était autrefois au fronton
d'une chapelle située dans la rue d'Auge à
Caen. En 1943, un bombardement eut raison de la chapelle.
La statue, qui en sortit intacte, fut transférée
au couvent des Pères franciscains. Après
la fermeture du monastère, elle gagna l'église
Saint-Michel.
Source : note affichée
dans l'église.
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La
nef. Ce n'est pas la voûte du XVIe
siècle, assez basse, et ses clés pendantes
qui étonnent l'observateur curieux, mais le profil
bien différent des piles au nord et au sud. Cette
caractéristique, assez rare, s'explique en général
par une construction étalée sur plusieurs
périodes ou, peut-être ici, par la volonté
de l'architecte de contrer la poussée du clocher
par des piles voisines renforcées. Ce qui dénoterait
un homme prudent ne voulant prendre aucun risque. Peut-être
d'ailleurs les piles romanes contemporaines du clocher
étaient-elles déjà plus massives
qu'au nord.
Au nord, bordant le bas-côté, la photo
ci-dessus montre des piles ondulées, toutes identiques,
qui reçoivent la retombée des voûtes
sur des chapiteaux. Ceux-ci ne sont que de larges bandeaux
ornés de motifs floraux.
Au sud, la photo ci-dessous montre des piles plus massives.
Il ne faut pas s'y tromper : celle du premier plan remonte
à la reconstruction de la façade en 1780
(voir plan ci-contre). Les deux suivantes sont du XVe
siècle. «Ce sont des fûts cylindriques,
écrit l'historien Louis Serbat en 1908, flanqués,
sur trois côtés, de trois colonnettes isolées
et sur le quatrième, d'un groupe de trois autres,
pour les retombées des collatéraux.»
En 1780, on a construit une pile (premier plan dans
la photo ci-dessous) différente des autres. Le
système de retombée des voûtes a
visiblement contraint l'architecte à opter pour
un large tailloir, tandis que les autres piles peuvent
se contenter d'un petit tailloir au-dessus d'un chapiteau
floral surmontant une colonnette semi-engagée.
Même chose pour les moulures des intrados. Au
premier plan, elles retombent sur un chapiteau à
simple bandeau ; au second, elles pénètrent
directement dans la pile (à l'exception de la
moulure centrale qui retombe sur un petit chapiteau
floral). Ces différences ne contribuent pas à
l'élégance de la nef.
Source : Congrès
archéologique de France tenu à Caen
en 1908, article de Louis Serbat.
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La nef et le bas-côté sud vus de l'entrée
de l'église.
Le piliers du côté sud sont bien différents
de ceux du côté nord. |
Chaire à prêcher
XVIIIe siècle. |
L'Assomption sur la cuve de la chaire à prêcher
XVIIIe siècle. |
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CLÉS DE
VOÛTE ET CLÉS PENDANTES DE LA NEF ET DES BAS-CÔTÉS |
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La Passion : Jésus devant Caïphe. |
La Passion : Jésus porte sa croix. |
Les
clés de voûte de la nef et des bas-côtés.
Elles sont nombreuses dans l'église et leurs
thèmes sont très variés. Si la
nef reçoit des clés pendantes, assez banales,
en forme de fleur (ci-contre), les bas-côtés
sont ornés de clés très travaillées
illustrant la Passion (ci-dessus), l'Archange Michel,
des anges, l'Évangéliste
Matthieu, une Piéta
(assez stylisée), l'Agneau pascal ci-dessous),
ou encore des emblèmes royaux ou liturgiques.
Il faut prendre son temps pour les repérer et
les admirer car, dans les bas-côtés, les
clés de voûte sont toujours plongées
dans la pénombre.
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L'Archange Michel, avec une cuirasse médiévale,
terrasse le démon. |
Écusson portant l'Agneau pascal. |
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Clé de voûte : un ange avec ses ailes. |
Clé de voûte avec l'Évangéliste Matthieu
et l'ange. |
Clé de voûte aux lys de France. |
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L'Archange Michel terrassant le démon
XVIIIe siècle. |
Chapelle latérale sud du Sacré-Cur. |
Le Père céleste présentant son fils
(XVIIIe siècle?) |
L'Archange Michel terrassant le démon, détail. |
Le Sacré-Cur, détail du vitrail : Jésus
sur la croix
avec des ailes d'oiseau. |
Signature des peintres verriers Sagot et Jondot
dans le vitrail de la Crucifixion. |
La chapelle des Morts dans le bas-côté nord. |
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Le Sacré-Cur,
Vitrail de G. Sagot et L. Jondot, Bayeux 1946
Chapelle du Sacré-Cur. |
La Crucifixion ou vitrail du Souvenir
uvre de G. Sagot et L. Jondot, Bayeux 1946
Chapelle des Morts dans le bas-côté nord. |
Vitrail
de la Crucifixion ou du Souvenir. Ce très
riche vitrail, réalisé par l'atelier bayeusain
Sagot et Jondot en 1946, multiplie les thèmes
relatifs au second conflit mondial : d'un côté
les combattants (armée de terre, aviateurs, marins,
partisans) ; de l'autre, les victimes de la guerre (prisonniers,
blessés, travailleurs forcés, déportés,
torturés, fusillés) ; mais aussi les bombardements,
la famine et la misère.
Si le drapeau de la France libre domine toute la composition,
on n'en remarque pas moins, en grand format, le drapeau
du Brésil, pays entré en guerre contre
l'Allemagne nazie à la suite d'attaques de navires
par les sous-marins de l'Axe.
Le personnage de la Mort,
sur la partie gauche du vitrail, est habillé
de l'aigle germanique et de la croix gammée.
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Vitrail de la Crucifixion ou du Souvenir, détail. |
«««--- La Crucifixion,
détail du vitrail.
La Mort porte l'aigle germanique et la croix gammée.
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LES CHAPELLES
ABSIDIALES ET LEURS VITRAUX DE 1946 |
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La chapelle absidiale nord Saint-Joseph avec vue sur le chur. |
Vitrail de saint Joseph (1946). |
Chapelle absidiale sud dédiée à la Vierge. |
Entrée de Marie au Temple
dant le tympan du vitrail des Trois scènes de la Vie
de la Vierge (1946).
Les deux autres scènes sont la Visitation et le Couronnement
de la Vierge. |
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La Nativité
Tympan du vitrail de saint Joseph (1946). |
La Mort de Joseph
Tympan du vitrail de saint Joseph (1946). |
Vitrail des Trois scènes de la Vie de la Vierge (1946),
partie haute avec le tympan |
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LA BASE DU CLOCHER
ET L'ARC ROMAN |
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L'autel de messe et la base nord du clocher avec son arcature romane
à trois colonnettes. |
La base
du clocher.
À l'intérieur de l'église, c'est de loin
la partie la plus ancienne, datée du XIIe siècle.
Elle se trouve dans le bas-côté sud au niveau
de la première travée du chur.
Au sud, le clocher repose sur un mur
gouttereau très épais ; au nord, ouvrant
vers le chur,
sur deux piliers massifs ; dans le bas-côté,
sur deux pans de mur partiellement ouverts par un arc brisé
permettant de circuler.
Vers le chur, la base s'ouvre par un très bel
arc roman à trois colonnettes, surmonté d'une
frette crénelée. De toute évidence, l'ensemble
a été refait.
Plus ancien apparaît l'environnement de la petite fenêtre
romane. Son intrados est orné d'une belle construction
florale, tandis que le chambranle n'est souligné
que par une double rangée verticale de motifs divers.
Au-dessous, une belle frise
horizontale de trèfles rouges et or enrichit la fenêtre.
À l'est et à l'ouest, sur le mur gouttereau,
les deux retombées de la voûte du bas-côté
reposent sur un chapiteau surmonté d'un tailloir. Celui-ci
se prolonge vers le bas par une colonnette terminée,
elle-même, par une console. Sur cette console, on peut
voir, d'un côté, un bas-relief sculpté
en forme d'atlante soutenant la pierre. Cet atlante,
bien dans le style roman, est donné ci-dessous. De
l'autre côté, le bas-relief montre un visage
avec de longues tresses, peut-être féminin.
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Pour soutenir le clocher, le bas-côté sud est interrompu
par un imposant pan de mur. |
Console sculptée en forme d'atlante
à la retombée de la voûte
qui se trouve à la base du clocher. |
Arc roman (restauré) sous le côté nord du clocher. |
Cette fenêtre romane dans le côté sud du clocher
donne une idée de l'épaisseur du mur. |
Culot sculpté à la retombée de la voûte
qui se trouve à la base du clocher. |
Détail des peintures de la fenêtre romane sous
le clocher. |
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LE CHUR
DE L'ÉGLISE SAINT-MICHEL |
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Vue d'ensemble du chur de l'église Saint-Michel de Vaucelles
(XVe et XVIe siècles). |
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Le
chur. Comme la photo ci-contre le montre,
sa voûte s'élève bien plus haut
que celle de la nef.
S'étalant, comme la nef,
sur quatre travées, le chur est à
deux niveaux. Au premier, les piles présentent,
au nord et au sud, les mêmes différences
que celles de la nef
: au sud, les piles massives poursuivent jusqu'au sol
la mouluration de l'arc (à l'exception de l'arc
roman) ; au nord, ce sont les mêmes piliers
ondulés que dans la nef.
Ce premier niveau se poursuit par un haut mur nu. Le
second niveau, scandé de petites fenêtres
sous les ogives, reçoit la retombée des
voûtes. La séparation est marquée
par un élégant bandeau
de feuillage typique du gothique flamboyant. Ce
bandeau s'interrompt entre chaque fenêtre par
une console sculptée de même style où
se rejoignent les retombées des ogives.
C'est dans le chur qu'est disposé l'orgue
de l'église. Devant lui, on peut voir deux anciennes
stalles
riches de beaux accoudoirs sculptés. Enfin, ce
chur est illuminé, à l'est, par
un grand
vitrail réalisé en 1946 par l'atelier
bayeusain Sagot et Jondot. Les deux lancettes centrales,
d'une tonalité jaune, représentent l'Archange
Michel terrassant le démon. Les autres panneaux
illustrent des thèmes bibliques faisant intervenir
des anges.
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Le chur vu de la chapelle absidiale nord Saint-Joseph. |
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Bonhomme sculpté sur l'accoudoir
d'une ancienne stalle (XVIIIe siècle ?). |
Jeanne d'Arc et l'Archange Michel.
Détail du tympan du vitrail de l'Archange Michel.
Les deux autres voix perçues par
Jeanne d'Arc étaient celles de
sainte Catherine et de sainte Marguerite. |
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Partie basse du vitrail de l'Archange Saint Michel.
Atelier G. Sagot et L. Jondot, Bayeux, 1946.
Le thème iconographique est celui des interventions des anges
dans la Bible. On reconnaît :
Lancette 1 : le sacrifice d'Abraham ; lancette 2: Adam et Ève
chassés du paradis terrestre, Abraham et les trois anges ;
lancette 3 : Annonciation et Songe de Joseph ; lancette 4 : Jésus
au jardin des Oliviers. |
L'archange Michel chassant le démon, détail.
Atelier Sagot et Jondot, Bayeux, 1946. |
Frise et console de style gothique flamboyant sous les fenêtres
hautes du chur. |
La voûte du chur et ses peintures du XVIe siècle
redécouvertes en 1882. |
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Le chur et son élévation nord vue depuis
l'arc roman du clocher. |
Les
peintures du XVIe siècle redécouvertes
(1/4).
Deux magnifiques peintures ont été
découvertes sur les deux dernières travées
de la voûte du chur
en 1882, juste un an avant la tenue de la cinquantième
session du Congrès archéologique de
France prévue à Caen.
Autant dire que l'épisode est parfaitement renseigné
et que les noms de tous les intervenants sont connus.
En janvier 1882, il fallait placer de nouveaux vitraux
dans les fenêtres hautes, donc monter un échafaudage.
Profitant de l'occasion, l'abbé Rohée
demanda à l'entreprise Jacquier, désignée
pour cette tâche, de raviver les couleurs entièrement
effacées des deux clés de voûte
du chur,
à savoir l'Archange Michel et la Trinité
(données ci-contre). C'est à un certain
M. Chifflé, décorateur habile et consciencieux,
que fut confiée cette restauration. Eugène
de Beaurepaire, historien et secrétaire général
du Congrès, écrit dans son rapport
détaillé que «(...) M. Chifflé,
au moment où il attaquait la première
clé de voûte, n'eut pas de peine à
constater, sous les éraillures de l'enduit, la
présence d'enroulements et d'arabesques qui se
prolongeaient au-delà.» Il en informa aussitôt
les dirigeants de la société.
Une fois le badigeon enlevé, on aperçut
«des décorations accessoires, d'un beau
caractère, destinées à relier huit
médaillons, de forme circulaire, à la
clef de voûte, formant tout à la fois le
centre de la travée et de la composition picturale.»
Même chose autour de la clé voisine. Il
était clair que les deux dessins appartenaient
à la même époque et relevaient d'un
même style. Un nettoyage sommaire suffit pour
visualiser la nature des dessins. Dans la travée
de la clé de la Trinité figuraient les
quatre Évangélises et leurs attributs
: l'ange, l'aigle, le lion et le buf. Dans la
travée de l'Archange Michel, on distinguait quatorze
saints et saintes nommément désignés
par un phylactère. Autour de la Trinité,
les médaillons étaient cerclés
de noir ; autour de l'Archange, de jaune. La peinture
a été exécutée à
la détrempe.
À quelle date remontent ces dessins ?
Eugène de Beaurepaire répond facilement
à la question : «Le caractère des
figures, l'agencement des draperies, écrit-il,
et surtout le dessin général des enroulements
indiquent nettement le XVIe siècle.» D'ailleurs,
l'abside de l'église Saint-Pierre
à Caen
présente un même genre de dessin daté
de la même époque. L'écusson qui
orne la clé de la Trinité permet d'être
plus précis encore. Eugène de Beaurepaire
le présente ainsi : «d'azur à la
croix d'or, cantonnée de quatre clefs d'argent.»
Ces armoiries sont celles de la famille La Longny. On
compta en son sein un certain Pierre La Longny, professeur
ès-droits, recteur de l'Université de
Caen,
curé de Quilly et de Vaucelles en 1525. Vraisemblablement
décédé en 1554, il eut pour successeur
l'un de ses parents, Gilles La Longny, lui aussi professeur
ès-droits en l'Université et curé
de Vaucelles en 1554. L'historien conclut que l'écusson
indique, par le fait même de son apposition, que
ces deux peintures ont été réalisées
sous l'administration de Pierre ou de Gilles. Par conséquent,
vers le milieu du XVIe siècle.
Qui a réalisé ces peintures ?
Grâce à une nomenclature - fort heureuse
- des citoyens illustres de la ville de Caen
réalisée à cette époque
par Jacques de Cahaignes, Beaurepaire peut mettre le
doigt sur un certain Simon Le Pelletier, qu'il
décrit comme un «ornemaniste habile et
d'une rare fécondité». L'historien
précise : «Il délayait ses couleurs
dans de l'eau gommée et peignait sur bois, ainsi
qu'on pouvait le voir aux panneaux de l'orgue de Saint-Pierre
et aux tableaux de la chapelle des Reliques de la même
église ; il enluminait merveilleusement les manuscrits,
il réussissait passablement le portrait et, particularité
notable, il couvrait les murs des édifices de
peintures à fresque ou à la détrempe.»
Jacques de Cahaignes note encore dans sa nomenclature
que, après le décès de Le Pelletier,
plus personne ne peignit de la sorte à Caen.
Eugène de Beaurepaire en conclut assez logiquement,
mais sans certitude absolue, que Simon Le Pelletier
est l'auteur des dessins de la voûte de l'église
Saint-Michel. ---»» Suite 2/4 à
droite.
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Peinture des saints dans la voûte du chur.
Vers le milieu du XVIe siècle. |
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L'Archange Michel terrassant le démon
Clé de voûte du chur
Vers le milieu du XVIe siècle. |
La Trinité et l'écusson de la famille La Longny
Clé de voûte du chur
Vers le milieu du XVIe siècle. |
Peinture des saints : saint Pierre saint Paul
Vers le milieu du XVIe siècle. |
Les
peintures du XVIe siècle (2/4).
---»» Qui a financé les peintures ?
Dans son article, le secrétaire général
du Congrès se livre à une étude
de fond sur la confrérie Saint-Michel.
En 1446, plusieurs «charités» de
la paroisse furent rassemblées au sein d'une
même confrérie.
Par-delà les activités traditionnelles
de mécénat, de prière et d'entraide,
ces membres s'occupaient de l'ensevelissement et de
l'inhumation des morts. Ce qu'ils firent à la
satisfaction générale lors de l'épidémie
de 1584 qui aurait fait des milliers de victimes à
Caen.
C'est d'ailleurs à ce seul titre, note Beaurepaire,
qu'elle put survivre pendant une partie de la Révolution.
En février 1792, ajoute l'historien, le curé
de la paroisse qui était aussi l'évêque
constitutionnel du Calvados, «essaya de la soutenir
en la réorganisant sur de nouvelles bases.»
La confrérie Saint-Michel avait son siège
dans la chapelle Saint-Raphaël, située dans
le bas-côté nord de l'église, et
paraissait toute-puissante : de par ses statuts, «la
confrérie faisait célébrer ses
messes hautes et basses et ses services au grand autel.»
De la sorte, elle contribua aux frais de la décoration
de l'autel, mais aussi du chur tout entier sur
lequel, en imposant ses thèmes, elle exerça
une véritable mainmise. Les quatorze saints et
saintes qui entourent la clé de l'Archange Michel
ne sont autres que les patrons reconnus de la confrérie
dans ses statuts de 1446. La même liste de saints
se répète dans ses statuts de 1625. ---»»
Suite 3/4
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Peinture des saints dans la voûte du chur.
Dessin relevé en 1883.
Source : Congrès archéologique de France tenu à
Caen en 1883. |
Les peintures
du XVIe siècle redécouvertes (3/4).
---»» Beaurepaire précise que la première
idée avait été de rattacher la peinture
des Évangélistes autour de la Trinité
à la confrérie de la Sainte Trinité
pour la Rédemption des captifs, mais qu'elle était
erronée. Aucun fait ne permet de l'attester. En outre,
les patriarches de cette confrérie ne sont pas présents
sur la voûte.
Alors pourquoi la Trinité et pourquoi une peinture
de l'Assomption (qui semble avoir disparu depuis) dans la
travée orientale du chur ?
Tout simplement, répond Beaurepaire, parce que «la
sainte Trinité et la Vierge Marie sont les patrons
d'honneur, s'il est permis de parler ainsi, de toutes les
confréries sans exception.» Il cite ainsi un
extrait des statuts de 1515 : «En honneur et révérence
de Dieu, notre créateur, de la glorieuse Vierge Marie,
de Monsieur saint Michel et des autres glorieux saints et
saintes, en l'honneur desquels icelle charité a été
érigée et constituée.» Conclusion
de notre historien : le peintre s'est conformé
aux instructions de la confrérie, des instructions
qui restaient fidèles à la tradition.
Sur le financement, Eugène de Beaurepaire est catégorique.
Il écrit ainsi : «Bien qu'aucune pièce
comptable ne l'établisse, il est pour nous hors de
doute que les peintures
du chur ont été exécutées
aux frais de la confrérie. Ces largesses étaient
au surplus dans ses habitudes et, à différentes
reprises, les chapelains, maigrement rémunérés,
élevèrent la voix et se plaignirent amèrement
de ce qu'ils considéraient comme des dépenses
abusives.»
La fin de l'étude sur ces peintures redécouvertes
recèle deux piques intéressantes, bien ancrées
dans leur époque. On sait que la Société
Française d'Archéologie, fondée en
1834 par Arcisse de Caumont, ancrée sur les savoirs
régionaux, se voulait fédératrice des
travaux des sociétés savantes de province.
À ce titre, elle se trouvait en opposition larvée
avec le Pouvoir central et la Commission des Monuments historiques,
créée en 1830, pour laquelle Prosper Mérimée
avait d'ailleurs longtemps uvré en tant qu'inspecteur
général. ---»» Suite 4/4 à
gauche.
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Les
peintures du XVIe siècle redécouvertes
(4/4).
---»» C'est pourquoi Beaurepaire, défenseur
corps et âme de la Société
et du rôle des régions, termine son article
par une pointe à l'encontre de l'Administration.
Après s'être loué de l'excellent
travail de l'entreprise Jacquier (dessins relevés
au moyen de calques, puis consciencieusement restaurés),
il écrit : «La Société française
d'Archéologie et la Société des
Antiquaires de Normandie ont été heureuses
d''apporter leur obole à cette restitution, de
tout point satisfaisante. Quelques personnes avaient
cru pouvoir compter sur l'assistance de l'administration.
Leurs illusions n'ont pas été de longue
durée.»
Très en verve, Eugène de Beaurepaire y
va également de sa pique envers l'active politique
scolaire de Jules Ferry qui accapare tous les fonds.
(En cette année 1883, le même auteur déverse
d'ailleurs aussi son fiel à propos du couvrement
de la rivière Odon qui baignait jusque-là
le chevet de l'église Saint-Pierre
- voir le musée
des Beaux Arts de Caen). L'historien écrit
à la toute fin de son article sur les peintures
de Saint-Michel : «Il y a lieu ni de s'étonner
ni de se plaindre. À l'heure actuelle, ce n'est
pas seulement en Normandie que les corps élus,
follement prodigues des deniers publics lorsqu'il est
question de bâtiments scolaires, se montrent d'une
parcimonie aussi mesquine que mal entendue quand il
s'agit d'édifices religieux.»
Source : Congrès
archéologique de France tenu à Caen
en 1883, article Peintures du XVIe siècle
dans l'église Saint-Michel de Vaucelles par
Eugène de Beaurepaire.
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Peinture des Évangélistes : l'ange de saint Matthieu. |
Peinture des saints : sainte Catherine. |
Peinture des Évangélistes : saint Marc en gros
plan. |
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Peinture des Évangélistes dans la voûte
du chur.
Vers le milieu du XVIe siècle. |
Peinture des Évangélistes dans la voûte
du chur.
Dessin relevé en 1883.
Source : Congrès archéologique de France tenu
à Caen
en 1883. |
Peinture des Évangélistes : saint Marc et son
lion. |
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La nef de l'église Saint-Michel de Vaucelles vue depuis le
chœur. |
Documentation : Congrès archéologique
de France tenu à Caen en 1908, article de Louis Serbat sur
l'église Saint-Michel
+ Congrès archéologique de France tenu à Caen
en 1908, article sur les clochers du Calvados par Eugène Lefèvre-Pontalis
+ Congrès archéologique de France tenu à Caen
en 1883, article sur les peintures du chur par Eugène
de Beaurepaire
+ «Caen, Architecture & Histoire» de Philippe Lenglart,
éditions Charles Corlet, 2008
+ «Statistique monumentale du Calvados, tome 1» d'Arcisse
de Caumont, réédition de 2018
+ «Dictionnaire des églises de France», éditions
Robert Laffont, 1968. |
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