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Deux monuments ont précédé
l'église Saint-Pierre actuelle. Des fouilles entreprises
dans les années 1860 ont mis à jour leurs vestiges.
Le premier, préroman, reste inconnu ; le second, roman, possède
encore quelques éléments dans la nef. C'est au XIIIe
siècle que commença, en pierre
de Caen, la construction de l'église gothique que nous
connaissons.
Dans son article pour le Congrès archéologique
de 1974, Gabrielle Thibout rappelle les traits topographiques et
historiques liés à l'édifice : il était
proche du château, donc cible indirecte des machines de guerre
; il se trouvait dans une plaine d'alluvions irriguée par
les bras de l'Orne, d'où des mouvements de sol possibles
; enfin, érigé dans les faubourgs et inclus peu à
peu dans l'agglomération urbaine, la population de sa paroisse
s'accroissait, nécessitant des extensions marquées
par une compétition dans le faste avec les églises
voisines.
Ces traits expliquent la complexité
de sa construction, du XIIIe au XVIe siècle, tout comme
la présence de trois styles : le gothique rayonnant dans
sa façade occidentale, le gothique flamboyant dans la nef
et le chur, le
style de la première Renaissance dans le chevet,
où les dais italianisants des statues
contrastent avec le flamboyant des consoles.
La construction commença par un vaste chur terminé
par un chevet plat, puis par le soubassement du clocher. Suivirent
au XIVe siècle : une nef à cinq travées, le
premier étage de la tour et sa flèche
dont la belle architecture fut copiée.
Lors de la guerre de Cent Ans, la ville de Caen
fut assiégée par l'armée anglaise du roi Henry
V, mise à sac, puis occupée jusqu'en 1450, mais la
construction l'église n'en subit pas de retards. À
la charnière des XVe et XVIe siècles, on éleva
l'abside, le déambulatoire
et les chapelles rayonnantes. Aux XVIIe et XVIIIe siècles,
de nombreuses restaurations modifièrent quelque peu l'aspect
gothique de l'intérieur.
À la Révolution, les sculptures du portail sont détruites
; en 1793, l'église Saint-Pierre est transformée en
Temple de la Raison, puis rendue au culte après la signature
du Concordat. Vers 1850, la municipalité caennaise engagea
des travaux pour couvrir le cours de l'Odon, un petit bras de l'Orne
où se reflétait le chevet Renaissance de l'église.
Cet acte de salubrité publique déclencha la consternation
des romantiques. Voir le développement proposé à
la page du musée des Beaux
Arts de Caen. De nombreuses restaurations seront encore entreprises
vers la fin du XIXe siècle.
En juin et juillet 1944, située dans un quartier durement
touché par les bombardements alliés, l'église
voit la flèche de son clocher et son toit détruits.
Au début des années 1950, Saint-Pierre fera l'objet
d'un programme
de restauration, jugé prioritaire sur celui des autres
églises de Caen.
La flèche, disparue sous l'impact d'un obus de marine en
juin 1944, sera restituée à l'identique.
Le visiteur qui déambule sur la butte du château
de Caen, bénéficie d'une vue globale sur l'église.
Il ne doit pas manquer de l'admirer de près et d'y entrer.
Sa célèbre flèche,
chef d'uvre du XIVe siècle, a servi à définir
les modalités du clocher normand. Le décor sculpté
de style Renaissance de son chevet
est également digne d'intérêt. Enfin, à
l'intérieur, le visiteur aura plaisir à noter la voûte
aux multiples nervures du chur et, dans le déambulatoire
et les chapelles rayonnantes, la succession très marquée,
et remarquable, des styles flamboyant et Renaissance.
Les vitraux
de l'église Saint-Pierre ont tous été détruits
lors de la dernière guerre. Des créations modernes
été été posées aux alentours
de 1960 lors du programme
global de restauration. Toutes viennent de l'atelier du peintre
verrier parisien Max
Ingrand, à l'exception d'une seule, qui provoqua d'ailleurs
une petite polémique : l'Apocalypse
de Paul Louzier.
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Vue d'ensemble de la nef de Saint-Pierre depuis la façade occidentale.
Le visiteur remarque immédiatement les deux voûtes bien
distinctes, signe de deux périodes de construction. |
La façade occidentale de Saint-Pierre et sa tour qui s'élève
sur le côté sud. |
Le chevet, restauré dans les années 2000, vu depuis
le nord-est. |
Architecture
extérieure de Saint-Pierre (1/4).
Trois éléments extérieurs sont
dignes d'intérêt.
D'abord la façade érigée
au XIVe siècle et qui est de style rayonnant.
Une magnifique rose réunit sept cercles contenant
eux-mêmes trois cercles incluant chacun un quadrilobe.
Elle est surmontée d'un gâble à
crochets qui reçoit lui aussi un cercle multilobé.
Dans la partie basse, l'archivolte du portail est nue
et les statues des ébrasements ont disparu. Un
gâble surmonte ce portail dont l'angle d'ouverture
est le même que le gâble qui surmonte la
rose.
Au nord, l'étroitesse de la tourelle octogone
s'oppose à la massive robustesse qui se dégage,
au sud, de la fine et haute arcature plaquée
sur le premier étage du clocher.
Le tympan
du portail n'a pas fait couler beaucoup d'encre.
Il n'en reste plus grand-chose et les historiens se
contentent de remarquer que les bas-reliefs qui devaient
l'orner portent sur la Vie de saint Pierre, mais qu'ils
ont été martelés. Il n'y a plus
que trois scènes contiguës encadrées
de feuillages sculptés. En 2008, dans son ouvrage
Caen, Architecture & Histoire, Philippe Lenglart
souligne avec regret que «cette quasi-absence
de décors historiés explique vraisemblablement
le manque d'intérêt des touristes, des
amateurs... et des responsables pour une façade
d'une très grande richesse architecturale.»
---»» Suite 2/4
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La façade occidentale et son style gothique rayonnant. |
Le tympan du portail est dédié à la Vie de saint
Pierre et au Saint-Siège.
Le bas-relief des armoiries du Vatican
est-il vraiment du XIVe siècle ?
|
Architecture
extérieure de Saint-Pierre (2/4).
Un point mérite néanmoins réflexion :
sur le premier registre du tympan, on découvre les
armoiries du Saint-Siège. Ce qui conduit aux questions
: ne serait-ce pas là un réaménagement
du XIXe siècle, époque où l'ultramontanisme,
en France, a triomphé du gallicanisme ? Le bas-relief
des épisodes de la Vie de saint Pierre n'est-il pas
lui aussi du XIXe ? Comme on ne voit nulle trace de martèlement
sur la pierre, le tympan n'aurait-il pas été
entièrement reconstruit après la Révolution ?
Si la scène centrale du bas-relief supérieur
semble être la Confession de Césarée,
qui est ce couple sur la gauche qui paraît réconforter
un homme à terre (voir le gros
plan plus bas) ? Enfin, sur la droite, qui est le personnage
avec une épée au côté ? Saint
Paul ? Dans sa description du tympan pour le Congrès
archéologique de 1908, l'historien Louis Serbat
se contente d'une description rapide : «il y demeure
seulement deux petites scènes de la vie de saint Pierre
sans doute.»
Le deuxième point d'intérêt de l'architecture
extérieure est la magnifique tour-clocher. Avec
sa flèche, elle a fait école. La base est du
XIIIe siècle, le premier étage, du début
du XIVe ; le clocher et la flèche ont été
bâtis un peu plus tard dans ce même siècle,
sur les plans de Jean Langlois.
Le somptueux soubassement de la flèche est donné
plus
bas : d'un quadrilatère scandé de pinacles
et de statues sous dais surgit une série de clochetons
sous-tendant un tambour octogonal qui porte une haute flèche
à huit pans. En 1997, dans l'Architecture normande
au Moyen Âge, l'historien François Saint-James
ajoute un complément : «L'étirement en
hauteur des baies donne à cet étage une dynamique
verticale exceptionnelle, qui se trouve encore accentuée
par le jeu des ombres sur les multiples colonnettes des profondes
voussures.»
Pour le Congrès archéologique de 1974,
Gabrielle Thibout le souligne : le clocher de Saint-Pierre
marque un apogée dans l'évolution de ce type
de clocher en Basse-Normandie ; il inspirera bien des concepteurs
de clochers aux XIVe et XVe siècles. Celui de Saint-Jean
à Caen
en est une illustration. Au XVIIe siècle, il sera reproduit
sur les tours de l'église Notre-Dame de Saint-Lô.
Dans sa Statistique monumentale du Calvados, Arcisse
de Caumont, très admiratif de cette flèche écrit
en 1842 : «[La pyramide terminale] est d'une telle solidité
que les intempéries des saisons n'y ont point produit
d'altération sensible.» Il ajoute que, en 1562,
la partie supérieure du clocher et les tourelles ont
beaucoup pâti du siège du château par l'amiral
de Coligny. Des assiégeants se trouvaient dans la tour
et subirent le feu des assiégés depuis le château.
Les brèches provoquées n'ont été
réparées qu'en 1688. C'est une appréciation
que Louis Musset tempère en 1966 dans son article pour
le Dictionnaire des églises de France en parlant
d'un «clocher très vulnérable [qui] a
été plusieurs fois repris, notamment en 1604,
en 1688 et en 1859-1860.» ---»»
Suite 3/4
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Les étapes de la construction de l'église. |
Architecture
extérieure de Saint-Pierre (3/4).
Au milieu du XIXe siècle, l'éditeur normand
et profond catholique François Trébutien
(1800-1870) ne put s'empêcher de faire un commentaire
très personnel, emprunt de religiosité.
Il écrit dans son guide touristique : «Belle
entre les plus belles flèches, elle a toute la
pureté et la grandeur de l'inspiration catholique,
dont elle exprime l'idéal sévère,
saisissant et sublime. C'est la réalisation la
plus complète de l'idée chrétienne
par l'architecture» (cité par Eugène
Beaurepaire, secrétaire général
de la Société française d'Archéologie,
pour le Congrès archéologique tenu
à Caen en 1883).
La flèche que l'on admire aujourd'hui n'est pas
celle d'origine. En juin 1944, un obus du Rodney,
l'un des plus puissants cuirassés de la Royal
Navy, censé détruire un pont de l'Orne,
vint fracasser la flèche de Saint-Pierre. En
tombant, les débris détruisirent une partie
de la voûte de la nef. Considérée
- à titre exceptionnel - comme prioritaire car
la flèche était un symbole de la ville,
sa reconstruction intégrale commença dès
juillet 1951, interrompue peu après à
cause de l'inflation qui diminuait la valeur réelle
des fonds disponibles. Le travail reprit à la
mi-1953 et le coq fut posé à son sommet
le 21 décembre de la même année
après avoir été porté en
procession dans la ville.
Enfin, le troisième point extérieur intéressant
est le chevet de style gothique et Renaissance.
La restauration au début des années 2000
lui a rendu toute sa magnificence.
Comme à l'intérieur (déambulatoire
et chapelles latérales), le chevet possède
une assise gothique et une ornementation Renaissance.
En 1966, l'historien Louis Musset écrit pour
le Dictionnaire des églises de France
: «Le chevet
de Saint-Pierre est un exemple achevé de l'application
à un édifice de conception et de structure
encore gothiques d'un décor sculpté italianisant,
sans doute inspiré par un recueil de gravures
plus que par une vision directe des modèles émiliens
ou lombards.» Cette opinion paraît sévère
pour le concepteur qui n'aurait donc pas eu l'occasion
d'apprécier dans leur réalité les
modèles dont il s'inspire, mais l'aspect un peu
fourre-tout et sans fil directeur de l'ornementation
la justifie.
Des photos données plus
bas donnent une idée précise de l'exubérance
débridée du décor. L'élément
gothique se caractérise, dans la partie basse,
par des pilastres flanqués, surmontés
de candélabres
Renaissance. Les bas-reliefs des écoinçons
s'associent aux angelots, aux dauphins, aux dragons
ailés et aux grotesques des garde-corps. La grande
variété de ces sculptures, ajoutée
à la forêt de candélabres, offre
plus une idée de l'imagination de l'architecte
qu'elle ne montre un réel souci d'ordonnancement.
En 1974, pour le Congrès archéologique,
Gabrielle Thibout relève à son tour l'inspiration
de «gravures italiennes» dans les
figures mi-personnages mi-rinceaux.
À noter que la chapelle axiale est à deux
niveaux.
---»» Suite 4/4
ci-contre.
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Détail de la tour.
Partie entièrement reconstruite de 1951 à 1953. |
Le chevet de style Renaissance
et
ses cinq chapelles rayonnantes ---»»»
La chapelle axiale est à deux niveaux.
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Histoire
de la construction de l'église Saint-Pierre.
Un il exercé qui rentre dans
l'église Saint-Pierre remarque vite l'étrange
et large bandeau
qui s'élève, tel un pilastre, sur les
murs nord et sud, au milieu de l'édifice, et
qui parcourt la voûte sans aucune interruption.
Il en déduira que l'église a connu au
moins deux périodes de construction. S'il est
très exercé, il remarquera aussi le surprenant
larmier
qui colle à l'élévation sud au-dessus
de l'entrée. Il en déduira encore que
cette élévation était, à
l'origine, à l'extérieur de l'édifice,
qu'elle correspondait au clocher et que celui-ci était
donc indépendant du reste du bâti. Il aura
en tous points raison : l'église Saint-Pierre
actuelle est le résultat d'une suite de constructions
assez complexe. On peut la découper en sept points
:
1) Au XIIe siècle, il y avait une église
romane (en orange sur le plan ci-contre) avec une abside
que l'historienne Gabrielle Thibout, à l'occasion
du Congrès archéologique de 1974,
suppose semi-circulaire. Sa façade était
vraisemblablement située à l'emplacement
de la façade actuelle.
2) Au XIIIe siècle, le chapitre de Saint-Pierre
décide d'agrandir l'église (traits ocrés
sur le plan). On démarre, à l'est, la
construction d'un vaste vaisseau à cinq travées
et collatéraux terminé par un chevet plat.
Cet espace sera le chur de l'église à
venir. Des chapelles prennent place entre les culées
des arcs-boutants. Simultanément, au sud de la
nef romane, on pose les puissantes bases d'un clocher
à flèche.
3) À la fin du XIIIe siècle, on
raccorde le grand vaisseau à la base du futur
clocher (partie en bleu).
4) Premier quart du XIVe siècle : élévation
du premier étage de la tour. Celui-ci est vraisemblablement
à l'extérieur de l'église romane,
plus basse, d'où la présence d'un larmier
à l'intérieur de l'édifice actuel.
5) Au cours du XIVe siècle : construction
des cinq travées de ce qui sera désormais
la nef.
On y joint des collatéraux et, entre les culées
des arcs-boutants, des chapelles peu profondes. À
ce stade, il ne reste rien de l'édifice roman.
On élève le second étage du clocher
et on construit la flèche.
6) Au XVe siècle, les deux piles nord-ouest
de la nef sont entièrement remontées (on
en ignore la raison). Puis suit un grand nombre de réaménagements
(collatéraux, voûtes, chapelles) qui donne
à Saint-Pierre le style flamboyant à la
mode. L'occupation anglaise de 1417 à 1450 n'interrompt
rien.
7) 1490- vers 1510-1545 : construction de l'abside
et de son décor flamboyant, du déambulatoire
et des chapelles rayonnantes. Dans le déambulatoire
et les chapelles, on remarque un étonnant changement
de style : flamboyant en bas, Renaissance en haut. La
différence est bien visible entre les culots
et les dais des statues. Conséquence : il y a
peut-être eu une interruption des travaux, mais,
à coup sûr, un changement de maître
d'uvre.
Raccord entre le chur et le bloc abside-déambulatoire-chapelles
: sur ce point, le mystère demeure. Trouver la
bonne réponse est rendu difficile par un témoignage
de l'historien Bourgueville qui vivait au XVIe siècle
: en l'an 1520, un ouragan jeta dans l'Orne la fenêtre
qui occupait toute la largeur de l'église. L'imprécision
du propos n'empêche pas de déduire que
le chevet était plat. Or on sait qu'en 1518 les
ouvriers travaillaient au déambulatoire.
Dans son article pour le Congrès archéologique
de 1974, Gabrielle Thibout émet l'hypothèse
que ce chevet plat était très en amont
du chur à cinq travées. Mieux encore,
qu'il englobait les trois piles de l'abside qui auraient
donc été érigées à
l'intérieur de ce qui aurait été
l'ancien chur. Ce qui veut dire qu'au XVe siècle,
lors des vastes transformations, on aurait reculé
le chevet oriental de deux travées (partie verte
sur le plan). L'hypothèse est critiquable. Pourquoi
se lancer dans des travaux de ce genre alors que la
construction du bloc oriental (abside, déambulatoire,
chapelles) était vraisemblablement déjà
prévue et qu'elle allait même intervenir
quelques courtes décennies plus tard ? D'autre
part, argument à ne pas oublier : le clergé
n'aimait pas que le culte soit interrompu. À
cette époque-là, la messe dominicale rassemblait
toute la paroisse, soit des centaines ou des milliers
de gens. On ne transférait pas le culte dans
une autre église sur un claquement de doigts.
La solution la plus simple consiste à penser
que le bloc oriental (n°7 sur le plan) a été
bâti sans aucune jonction avec le chur et
donc sans troubler ni interrompre le culte. Et l'architecte
aurait anticipé tous les raccords futurs au niveau
des élévations et des voûtes. Le
bloc, une fois terminé, aurait été
«raccroché» au chur (n°2
+ n°7 sur le plan) avec destruction du chevet plat.
C'est le seul schéma qui permet une interruption
courte du culte. La verrière du chevet plat aurait
été mise à bas par l'ouragan de
1520 parce qu'elle n'était pas protégée
par les élévations du futur chur...
qui n'existaient pas encore.
Pour terminer, ajoutons deux détails sur la partie
orientale de l'édifice :
1) Un chemin passait le long du chevet plat élevé
au XIIIe siècle et longeait l'Odon.
2) Les chapelles rayonnantes furent bâties au
début du XVIe siècle en débordant
sur le bras de l'Orne (l'Odon). Gabrielle Thibout cite
ainsi l'historien Bourgueville qui relatait au XVIe
siècle que les murs des chapelles avaient leurs
«fondements» assis «sur pilotis dedans
la rivière d'Ourne.» Ce qui entraîna
d'ailleurs, note Bourgueville, beaucoup de travail à
cause du flux et du reflux des eaux.
Source : Congrès
archéologique de France tenu en Bessin et
pays d'Auge en 1974, article sur l'église Saint-Pierre
par Gabrielle Thibout.
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La tour en gros plan à la naissance de la flèche
(XIVe siècle).
Détruit par un obus du cuirassé Rodney en 1944,
la flèche a été reconstruite à l'identique
de 1951 à 1953. |
Architecture
extérieure de Saint-Pierre (4/4).
Qui a créé le chevet à la fois
intérieur et extérieur ? Lors des
cessions du Congrès archéologique,
que ce soit en 1883 sous la plume du secrétaire
général de la Société
française d'Archéologie ou en 1908
sous la plume de l'historien Louis Serbat, il ne fait
aucun doute que l'auteur en est Hector Sohier,
talentueux maître-maçon de la Renaissance
normande.
Lors de la cession du Congrès en 1974,
Gabrielle Thibout fait part de ses doutes. L'historienne
cite trois maîtres-maçons : Hector Sohier,
Blaise Le Prestre et son fils Abel. Les documents d'époque
citent aussi Jean Masselin et Hugues Le Fournier, ce
dernier n'étant pour l'historienne qu'un simple
entrepreneur. De tous ces personnages, le plus important
semble bien avoir été Hector Sohier que
l'on trouve cité, dans plusieurs comptes de la
ville entre 1551 et 1555, avec la qualité de
maître-maçon de la ville de Caen
(on dirait aujourd'hui architecte en chef). Quoi
qu'il en soit, il n'est pas possible de connaître
avec certitude l'auteur du chevet. La question reste
ouverte.
Sources : 1) Congrès
archéologique de France tenu en Bessin et
pays d'Auge en 1974, article sur l'église Saint-Pierre
par Gabrielle Thibout ; 2) Congrès archéologique
de France tenu à Caen en 1908, article sur
l'église Saint-Pierre par Louis Serbat ; 3) Congrès
archéologique de France tenu à Caen
en 1883, article «Promenade à Caen»
d'Eugène Beaurepaire.
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La
pierre de Caen (1/4).
En Basse-Normandie, la région de Caen
peut s'enorgueillir de posséder des gisements
de pierre calcaire blonde, presque blanche, idéale
pour la construction et connue dans le monde entier.
Les plus beaux bâtiments ont été
réalisés avec ce matériau, dont
la célèbre Tour de Londres.
Il y a 150 millions d'années, au Jurassique,
un large banc calcaire s'est constitué entre
Falaise et Bayeux.
À cette époque, la Normandie était
recouverte par des eaux peu profondes où se déposèrent
les sédiments côtiers. Ces sédiments
forment aujourd'hui le calcaire de Caen. C'est pourquoi
on y trouve une multitude de vestiges fossiles (animaux
et végétaux, notamment des crocodiles).
Le banc se compose de trois strates. Le premier (et
le plus profond) est le «banc bleu». Épais
de sept à huit mètres et contenant beaucoup
de marne, il est impropre à la construction.
Au-dessus, sur vingt à vingt-cinq mètres
de hauteur, se trouve la célèbre pierre
de Caen,
qualifiée de roche «biopelmicrite».
Grâce aux propriétés de ses cristaux,
la micrite, que l'on trouve abondamment dans le calcaire,
permet de lisser parfaitement la pierre. Évidemment,
la couche de calcaire de Caen
n'est pas uniforme. Plus ou moins dure, elle est destinée
à la construction, au pavage ou, au contraire,
à la sculpture.
Déjà utilisée par les Romains,
la pierre de Caen a connu un regain d'exploitation au
VIIe siècle, notamment pour la construction de
sarcophages (qui seront remplacés au XIVe siècle
par des cercueils en bois).
C'est au duc Guillaume le Bâtard, dans la seconde
moitié du XIe siècle, que l'on doit le
développement intense de cette pierre. Délaissant
la ville de Fécamp
et son château
aujourd'hui en ruine, il choisit Caen
comme capitale de son duché. L'endroit n'est
qu'une bourgade. Il faut construire le château,
aménager le port et bâtir les deux abbayes
que le duc s'est engagé, auprès du pape,
à ériger en expiation de la faute née
du lien de consanguinité entre lui et son épouse
Mathilde. Cette tâche grandiose commence vers
1060. Caen
devient un vaste chantier. ---»» Suite
2/4
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Construction de la Tour de Londres avec de la pierre de Caen.
Maquette du musée de la Tapisserie de Bayeux. |
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Depuis sa restauration dans les années 2000, le chevet
de Saint-Pierre brille de mille feux. |
La
pierre de Caen (2/4).
---»» La ville
de Caen bénéficie d'un promontoire rocheux,
idéal pour la sécurité d'un château
féodal. Il faut néanmoins en redresser
la paroi et, au nord, creuser un profond fossé
pour assurer la défense de la forteresse. Or
le site baigne littéralement dans la pierre de
Caen.
Les carrières seront donc à ciel ouvert
et permettront d'alimenter facilement la construction
en matériaux. Les pierres des abbayes promises
au pape viendront des autres carrières de la
ville, minorant ainsi le coût du transport.
Après sa victoire à Hastings, Guillaume
le Bâtard devient Guillaume le Conquérant.
Lanfranc de Pavie, nommé évêque
de Canterbury, fait reconstruire en pierre de Caen
la cathédrale de la ville, détruite par
un incendie trois ans plus tôt. De très
nombreux monuments anglais vont suivre, bâtis
avec le même matériau (soit en totalité,
soit pour des parties sculptées) : Tour de Londres,
châteaux de Winchester, Rochester et Durham, cathédrales
de Norwich, Chichester et d'Exeter, etc.
Pour qui connaît le sud de l'Angleterre, il est
certain que la blancheur de cette pierre l'oppose à
ses surs anglaises. Ainsi, quand on se faufile
entre les élévations extérieures
du palais de Hampton Court, le brun foncé de
la pierre fait parfois penser à une prison...
Qu'on l'achemine par mer ou par route, le coût
du transport de la pierre de Caen
est énorme. Comme toute pierre, elle pèse
lourd. Aussi va-t-on chercher très tôt
à ne transporter que l'indispensable. Grâce
à des gabarits fournis par les maîtres-constructeurs,
la sculpture est faite dans les carrières elles-mêmes
afin de n'expédier qu'une pierre déjà
moulurée. Une fois arrivé à destination,
le matériau sera directement utilisable. Au XIIe
siècle, cette technique se généralise.
Ce qui explique pourquoi les carrières caennaises
sont jonchées de déchets issus de la taille.
---»» Suite 3/4
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La
pierre de Caen (3/4).
---»» Le progrès ne s'arrête
pas là. Les tailleurs de pierre se spécialisent
et les mêmes carrières en viennent à
fournir les mêmes objets.
L'usage de la pierre de Caen
décline au début du XVIIe siècle.
À la fin du XIXe, le tiers du trafic du port
de la ville est encore assuré par le calcaire,
le reste est pris par les céréales et
le charbon. Au début du XXe, le commerce de la
pierre a pratiquement disparu. Deux matériaux
moins chers, brique et ciment, la remplacent. Après
le bombardement de juin 1944, qui a rasé une
partie de la ville, des tonnes de pierres de Caen
ont pu être récupérées et
réutilisées pour la reconstruction et
la restauration.
Mises à part la Normandie et l'Angleterre, on
trouve des bâtiments construits avec ce matériau
en Bretagne, en Aquitaine (Bordeaux, Marmande), à
Paris et même aux Bermudes (ancienne possession
anglaise) où la cathédrale a été
bâtie en pierre de Caen.
Aujourd'hui, en ce début du XXIe siècle,
les chantiers en pierre de Caen
redémarrent. Essentiellement pour la restauration
des bâtiments médiévaux : hôtel
de ville de Caen, château de Caen, églises
ornées de nombreuses sculptures gothiques. Le
travail ne manque pas. Plus de vingt millions de mètres
cubes : c'est le volume estimé que l'on a retiré
du sous-sol depuis le début de l'extraction.
Le Musée mémorial de la Bataille de Normandie
a été entièrement bâti en
pierre de Caen.
Des architectes étrangers, et notamment anglais,
viennent s'informer en Normandie des techniques de restauration
car leurs édifices en pierre de Caen
subissent eux aussi l'usure du temps.
Source : La Pierre
de Caen de Pascal Leroux, OREP Éditions.
---»» Suite 4/4
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Construction de la Tour de Londres avec de la pierre de Caen
: le port d'arrivée des pierres depuis la Normandie.
Maquette du musée de la Tapisserie de Bayeux. |
|
Tympan : scènes de la Vie de saint Pierre (?) |
La
pierre de Caen (4/4).
---»» Dans son ouvrage consacré à
la reconstruction de la ville après les destructions
de la dernière guerre, l'historien Patrice Gourbin
apporte une information complémentaire. Pour
rebâtir ce qui allait rester caché, les
restaurateurs privilégièrent le béton,
mais, pour le reste, on n'utilisa très peu la
pierre de Caen.
Dans tous les chantiers, pour les murs et les éléments
peu travaillés, on mit à profit la pierre
de Saint-Maximin, une petite commune près de
Senlis dans l'Oise. Au contraire, pour les sculptures,
on utilisa la pierre de Richemont, autre petite ville
près de Cognac,
en Charente. Cette pierre était dotée
d'une granulométrie et d'une couleur proches
de lcelles de a pierre de Caen.
En 2008, dans Caen, Architecture et Histoire,
Philippe Lenglart rappelle que cette fameuse pierre
de l'Oise a déjà été utilisée
à Caen
lors de restaurations au XIXe siècle. Il souligne
aussi qu'elle n'a malheureusement pas la qualité
de la pierre locale. «Non seulement, elle ne "prend"
pas la lumière de la même manière,
écrit-il, mais elle vieillit différemment
et l'accord avec la pierre de Caen
se fait mal : cette dernière, en quelque sorte,
rejette le matériau "horsain"».
Néanmoins, cette pierre servit bel et bien de
matériau de base pour les reconstructions de
l'après-guerre. Ainsi, en 1946, les remplages
flamboyants de l'église Saint-Michel
de Vaucelles, souligne Patrice Gourdin, furent reconstitués
avec de la pierre de l'Oise.
Comme on le voit sur les photos, le chevet de l'église
Saint-Pierre, tout blanc, a subi une restauration à
la fin des années 2000. Philippe Lenglart mentionne
la découverte de nouvelles carrières de
pierre à Cintheaux, au sud de Caen, des carrières
mises à profit pour cette restauration récente
et dont la qualité de la pierre semble très
proche de celle de la pierre de Caen.
Sources : 1) Le patrimoine
de Caen à l'épreuve de la Seconde Guerre mondiale et
de la Reconstruction par Patrice Gourbin, Société
des antiquaires de Normandie ; 2) Caen, Architecture
& Histoire de Philippe Lenglart, éditions
Charles Corlet.
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L'ornementation Renaissance du chevet au revers de la chapelle axiale. |
GARDE-CORPS DE STYLE
RENAISSANCE DANS LE CHEVET |
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Candélabres Renaissance dans le chevet. |
Médaillons et rinceaux Renaissance sur le chevet. |
«Vue de l'église Saint-Pierre à Caen»
par William Fowler (avant 1850). |
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L'église Saint-Pierre au début du XIXe siècle
avec le chevet se miroitant dans l'Odon. |
L'Odon
recouvert. Jusqu'en 1848, la petite rivière
Odon baignait le chevet de Saint-Pierre. On voyait l'onde
refléter l'image des sculptures Renaissance.
Poètes et romantiques trouvaient cette vision
exquise. Mais l'insalubrité des eaux et les odeurs
nauséabondes qu'elles dégageaient n'étaient
pas du goût de tous.
François Gabriel Bertrand (1797- 1875) est élu
maire de Caen
en 1848 et lance les travaux de recouvrement de l'Odon
après avoir fait raser les habitations qui entourent
l'église Saint-Pierre. Au grand dam des poètes.
Voir l'encadré sur ce sujet au musée
des Beaux-Arts de Caen.
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LA NEF ET LE CHUR
DE SAINT-PIERRE |
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Élévations sud de la nef et du chur.
La séparation est très nette entre les parties ouest
(nef) et est (chur) : un large «bandeau» coupe l'édifice
sur les deux élévations et la voûte.
L'historien François Saint-James y voit un arc triomphal.
On remarquera que le dessin du garde-corps de la galerie de circulation
n'est pas le même dans les deux parties de l'édifice. |
Architecture
de la nef et du chur.
La construction du corps de l'édifice se partage
en deux périodes : d'abord, au XIIIe siècle,
les cinq vaisseaux du chur (partie gauche de la
photo ci-dessus) avec les bas-côtés nord
et sud, le tout terminé par un chevet plat. Puis,
au XIVe, les cinq travées de la nef proprement
dite (partie droite de la photo) qui viennent relier
la base du clocher et le chur. Un large bandeau
plat sépare nettement les deux phases du bâti
sur les trois «faces» (haut, nord et sud).
Sur la partie haute, on pourra l'appeler doubleau.
L'élévation, identique dans la nef et
le chur, est à deux niveaux. Les grandes
arcades qui scandent le vaisseau sont surmontées,
d'abord, d'une galerie de circulation que les passages
normands dans les colonnes montantes permettent
de ne pas interrompre, puis par un pan de mur nu et
enfin par des grandes fenêtres. On remarque sur
la photo, dans la nef, les grands arcs de décharge
au second niveau. À quoi servent-ils? Lors du
Congrès archéologique de 1974,
Gabrielle Thibout s'interroge : «Faut-il y voir,
écrit-elle, un certain désir d'alléger
et de raidir le mur ou toute autre raison? Nous ne pouvons
le préciser.» N'est-ce pas simplement une
considération esthétique qui aurait conduit
le maître-maçon à casser la succession
de pans de mur nus du chur qui n'était
pas à son goût ?
La présence d'un larmier (photo à
droite) dans l'élévation du clocher montre
que celle-ci était, à l'origine, à
l'air libre, donc qu'elle surplombait la toiture de
l'église romane primitive. Rappelons qu'un larmier
a pour but d'écarter les eaux de pluie afin d'empêcher
leur ruissellement, souvent dommageable, sur la pierre.
Revenons sur l'étrange bandeau qui sépare
nef et chur. Quel est son origine ? On y a vu
la marque, pour des raisons pratiques, de la fermeture
du chur quand on a élevé la nef
sur l'église romane. Lors du Congrès
archéologique de 1974, Gabrielle Thibout,
rejette cette hypothèse à cause de la
largeur du bandeau et préfère y voir la
trace du mur pignon de l'église romane primitive.
Hypothèse à son tour peu réaliste
car l'existence du larmier indique que la toiture romane
n'était pas aussi élevée. Enfin,
en 1997, dans l'Architecture normande au Moyen Âge,
l'historien François Saint-James y voit tout
simplement un arc triomphal qui séparait le chur
de la nef. On l'aurait donc construit au moment où
l'on a joint les parties est et ouest de l'édifice.
C'est l'hypothèse la plus probable. Ajoutons
que sur la voûte, la largeur de ce bandeau est
irrégulière : il compense le défaut
d'alignement des deux parties de l'édifice.
La présence de cet arc triomphal conduira à
présenter l'église comme un édifice
avec une nef à cinq travées et un chur
à six, plutôt que comme un édifice
avec une nef à onze travées et un chur...
réduit au strict minimum.
Le visiteur qui entre dans Saint-Pierre ne doit pas
oublier de lever la tête. Si la voûte quadripartite
de la nef est semblable à bien d'autres, il n'en
est pas de même de celle du chur. Là,
c'est un foisonnement de nervures rehaussé par
une série d'audacieuses clés pendantes.
Une photo plus
bas en donne une illustration.
La partie de la voûte qui se trouve au-dessus
des trois travées qui jouxtent le déambulatoire
s'est effondrée peu après l'an 1525. Sa
reconstruction, probablement par Hector Sohier, a laissé
une marque par la présence de deux types de tailloir
sur les retombées d'ogives du chur (photo
ci-contre) : un tailloir circulaire vers l'ouest pour
les retombées du XIIIe siècle, deux tailloirs
(dont le circulaire) dans les trois travées proches
du déambulatoire pour les retombées des
cinq nervures rebâties au XVIe siècle.
Sources : 1) Congrès
archéologique de France tenu en Bessin et
pays d'Auge en 1974, article sur l'église Saint-Pierre
par Gabrielle Thibout ; 2) L'Architecture normande
au Moyen Âge, article sur l'église
Saint-Pierre par François Saint-James, 1997.
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Plan de l'église Saint-Pierre. |
Clé de voûte : un aigle tenant un oiseau. |
Clé de voûte : l'Agneau pascal
(cassé en 1944 ?) |
Vue d'ensemble de l'église Saint-Pierre depuis l'ouest. |
La
restauration architecturale d'après-guerre.
En août 1944, parmi les églises
de Caen
techniquement réparables, Saint-Pierre était
la plus endommagée : la charpente du vaisseau
et la flèche avaient totalement disparu ; la
voûte était en partie crevée ; le
déambulatoire et les chapelles latérales
souffraient de graves dégradations. Une couverture
provisoire est posée dès octobre 1944
pour protéger ce qui a été épargné,
couverture complétée au début de
1946. Cette même année, une vitrerie, elle
aussi, provisoire est posée dans le chur.
Saint-Pierre, qui s'impose à la vue des Caennais
plus que les autres églises, bénéficiera
de la priorité dans l'ordre des restaurations.
Les voûtes crevées se situant dans la nef,
le schéma des travaux s'impose afin que le culte
puisse reprendre le plus tôt possible : d'abord
le chur et les chapelles rayonnantes, puis la
nef (et ses réparations plus lourdes à
la voûte), enfin le clocher. Une cloison de plâtre
séparera le chur restauré de la
nef en travaux.
En 1948-1949, la charpente du chur est reconstruite
en béton armé (matériau privilégié
pour les parties qui resteront cachées) ; le
tout est recouvert de tuiles plates. Dans le même
temps, la voûte du chur est restaurée.
Mais que faire de la grande clé pendante de saint
Pierre qui gît au sol, partiellement brisée
? Dans sa chute, elle a d'ailleurs endommagé
le maître-autel, daté de 1778. Il se trouve
que la commission des Monuments historiques n'appréciait
guère cette ronde-bosse du XVIe siècle.
Après étude, il fut décidé
de la remplacer par une nouvelle
clé pendante, toujours dédiée
à saint Pierre, mais celle-ci avec une griffe
contemporaine. L'ancienne
clé a cependant été conservée
: elle est exposée dans un bas-côté
du chur.
En 1951, la voûte
du chur, avec ses multiples nervures et son
abondance de clés pendantes, est achevée,
tout comme la nouvelle
ronde-bosse de saint Pierre. L'année suivante,
les voûtes des bas-côtés (photo ci-contre),
le déambulatoire
et les chapelles rayonnantes étaient restaurées.
On éleva la cloison de plâtre entre la
nef et le chur, le culte reprit.
Dès 1953, les restaurateurs mirent en place la
nouvelle charpente en béton armé de la
nef et les voûtes manquantes furent recréées.
Vint alors le problème de la restitution de la
flèche, abattue par un obus de marine en juin
1944. La tâche n'était pas prioritaire,
mais cette flèche était l'emblème
de la ville. D'ailleurs, le maire avait lancé
une souscription publique en décembre 1948 pour
recueillir des fonds à cette fin.
Cette initiative fut inutile. En effet, dès 1945,
une association avait vu le jour pour commémorer
le D-Day. Neuf bornes seraient érigées
sur les côtes de la Manche et du Calvados (Omaha
Beach, Utah Beach, Sainte-Mère-Église,
Ouistreham, Hermanville, Bénouville, Courseulles,
Bernières-sur-Mer et Sainte-Marie-du-Mont). À
cette fin, les Américains acceptèrent
de céder au gouvernement français le matériel
hors d'usage qui traînait encore sur les plages.
La première borne fut celle de Bernières-sur-Mer
(donné ci-contre). Le reliquat de ces dépenses,
qui restait important, put être utilisé
pour restituer la flèche de Saint-Pierre.
Les travaux commencèrent en juillet 1951, mais
furent interrompus en 1953 : l'inflation rognait gravement
la valeur réelle des fonds à disposition.
Le service des Monuments historiques accepta de combler
le trou financier. Enfin, le 21 décembre 1953,
rapporte l'historien Patrice Gourbin, le coq, qui allait
prendre place au sommet de la flèche, d'abord
présenté, selon la tradition, aux autorités
civiles et religieuses, fut porté en procession
dans la ville. Il était prévu d'apposer
une plaque en remerciement du don américain,
mais l'intention n'aboutit pas.
Entre-temps, la restauration de Saint-Pierre continuait
: la nef fut remise en état de 1953 à
1957, et la rose, reconstituée en 1956. Dans
le courant de la même année, la partie
intérieure de la façade occidentale (photo
ci-dessous) fut restituée dans son état
médiéval à partir des traces subsistantes.
Le 31 mars 1957, la totalité de l'église
Saint-Pierre était rendue au culte. L'orgue ne
prit place au revers de la façade qu'en 1965.
L'orgue actuel, qui se dresse en nid d'hirondelle sur
l'élévation nord, date de 1997.
Sources : 1) Le patrimoine
de Caen à l'épreuve de la Seconde Guerre mondiale et
de la Reconstruction par Patrice Gourbin, Société
des antiquaires de Normandie ; 2) Plaque d'information
de la borne commémorative de Bernières-sur-Mer.
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Borne commémorative du
D-Day à BERNIÈRES-SUR-MER ---»»»
Le monument a été inauguré le 19
décembre 1950.
Il est indiqué en français et en anglais
:
«ICI, LE 6 JUIN 1944 / L'HEROÏSME DES /
FORCES ALLIEES / LIBERE L'EUROPE»
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L'élévation sud-ouest de la nef et le larmier
sur la paroi du clocher. |
Second niveau de l'élévation sud avec son garde-corps
en gothique flamboyant
et ses passages normands. |
L'orgue de Saint-Pierre est juché en nid d'hirondelle
contre l'élévation nord.
Son installation date de 1997.
Il a remplacé le précédent orgue installé
en 1965. contre la façade ouest. |
Le
traitement du mobilier lors de la reconstruction.
Les bombardements de 1944 ont fait des dégâts
dans les églises de Caen.
Architecture et mobilier ont beaucoup souffert.
La politique des restaurateurs fut de profiter de la
casse du mobilier, surtout celui du XIXe siècle,
pour vider les églises... avec la bénédiction
du clergé (!) S'il était jugé sans
valeur, il était retiré (lustres, stalles,
autels, grille). Dans le cas contraire, il était
conservé, après restauration en cas de
dommages.
À Saint-Pierre, furent ainsi conservés,
car restés intacts, la chaire
à prêcher et l'orgue
de chur, tous deux du XIXe siècle.
Le curé demanda le retrait des autels des chapelles
de la nef, ce qui fut accordé.
Le maître-autel
avait quelque valeur. Dans son ouvrage sur la restauration
à Caen,
édité en 2016 par la Société
des antiquaires de Normandie, Patrice Gourbin se
fonde sur une étude de 1991 pour écrire
que c'était une uvre de 1778, exécutée
par le sculpteur Largillière. Aucune information
n'a été trouvée sur cet artiste
(Largillière+sculpteur+actif en 1778).
Quoi qu'il en soit, en 1944, la chute de la clé
de voûte de saint Pierre l'endommagea : sa charpente
était disloquée et l'ange de droite, mutilé.
Le conservateur Louis Bourdil et Monseigneur Jacquemin,
évêque de Bayeux (qui souhaitait un autel
plus digne, en réelle harmonie avec l'ensemble)
s'accordaient pour le remplacer. Toutefois, l'architecte
en chef, Jean Taralon, en décida autrement et
l'autel fut restauré vers 1955.
Les stalles posaient un autre problème. Provenant
de l'abbaye du Val, près de Saint-Omer, elles
dataient du XVIIIe siècle et leur niveau artistique
justifiait leur conservation. Dégradées
en 1944, elles furent restaurées et remises en
place en 1955. On modifia néanmoins l'ordonnancement
global. Le dosseret
de la stalle abbatiale, qui se trouvait jusque-là
dans une chapelle de l'église fut placé
à l'entrée du sanctuaire. Enfin, quelques
stalles furent sacrifiées pour ouvrir plus largement
ce sanctuaire sur le chur et la nef.
Source : Le patrimoine
de Caen à l'épreuve de la Seconde Guerre mondiale et
de la Reconstruction par Patrice Gourbin, Société
des antiquaires de Normandie, 2016.
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Les bas-côtés sont voûtés d'ogives.
Ici le côté sud. |
Statue moderne du Sacré-Cur
dans une chapelle du chur. |
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Le revers de la façade occidentale
et sa verrière de Max Ingrand (vers 1960). |
La Crucifixion de saint Pierre.
Panneau sculpté sur la cuve de la chaire à prêcher.
XIXe siècle. |
Le
revers de la façade occidentale.
Ce revers, donné à gauche,
offre une claire-voie de toute beauté. Au premier
niveau, sous la claire-voie et au-dessus du portail,
un réseau flamboyant est encadré de deux
quadrilobes. À gauche et droite, les deux niches
sont surmontées elles aussi de quadrilobes.
Le second niveau comprend une très fine arcature
de cinq arcades quadrilobées, chacune étant
recoupée en deux baies géminées.
L'arcature repose sur une série de petites arcades
trilobées délimitant une galerie.
Sous la rose, le garde-corps, riche lui aussi de quadrilobes,
régale les yeux de la même finesse artistique.
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Chaire à prêcher du XIXe siècle.
N'ayant pas été touchée
par les bombardements de 1944,
la chaire a été conservée. |
La cuve de la chaire à prêcher (XIXe siècle). |
Galerie de vitraux dans la façade occidentale (Max Ingrand,
vers 1960). |
Les
vitraux modernes de Saint-Pierre (1/2).
Dans l'après-guerre, lors de la reconstruction
des églises, le financement des vitraux suivait
une règle immuable : dans les églises
classées (ce qui est le cas de Saint-Pierre),
les Monuments historiques prenaient en charge le coût
des nouveaux vitraux, mais pour le modèle minimum
: «une vitrerie à losanges, avec éventuellement
une bordure de couleur si l'édifice était
particulièrement intéressant», écrit
l'historien Patrice Gourbin dans son étude sur
le patrimoine de Caen lors de reconstruction. Un vitrail
historié créé par un artiste entraînait
évidemment un surcoût que la municipalité,
la paroisse ou le clergé devaient honorer.
Deux mots sur l'organisation administrative de la restauration
: les architectes en chef proposaient une liste de travaux
examinée ensuite par les inspecteurs généraux.
Ces derniers, qui tenaient les organes consultatifs
(commission des Monuments historiques et comité
consultatif), connaissaient mal le terrain. En 1950,
l'État créa les Conservations régionales
des Monuments historiques. Louis Bourdil (1907-1986),
forte personnalité normande, fut placé
à la tête de la Conservation de Normandie
qui couvrait cinq départements. Résultat
: les inspecteurs généraux devaient composer
avec le conservateur... qui empiétait donc sur
leur domaine.
Revenons à la restauration proprement dite. Dans
les faits, le service des Monuments historiques lançait
un concours de maquettes pour sélectionner un
atelier de maîtres verriers. Le lauréat
se voyait confier toute la vitrerie de l'édifice.
Si le «milieu local» (pour reprendre l'expression
de Patrice Gourbin) voulait un vitrail historié,
c'était l'atelier choisi qui s'en chargeait.
Le milieu local prenait le surcoût à sa
charge, mais n'en acquérait par pour autant la
moindre parcelle de décision (notamment sur l'iconographie).
Lors de la restauration de l'église Saint-Pierre,
le concours de maquettes eut lieu en septembre 1952.
Compte tenu de la qualité de l'édifice,
on décida de procéder en deux étapes
: un unique prototype serait installé dans sa
baie et la commission des Monuments historiques donnerait
son avis en venant voir sur place. Après quoi,
on pourrait lancer le programme global. L'atelier de
Paul Louzier, qui fut choisi à l'issue
du concours, présenta, en février 1953,
un devis pour le prototype.
Malheureusement, pour l'exercice 1953, les crédits
baissèrent et le projet fut différé.
En mars 1954, le crédit pour le vitrail fut enfin
engagé. On ne sait pas à quoi ressemblait
la verrière du prototype et personne ne sait
si elle a jamais été posée... Comme
l'atelier accumulait les retards, un nouveau concours
fut organisé en mai 1958, remporté cette
fois par Max Ingrand. C'est l'architecte en chef,
Jean Merlet, qui détermina les thèmes
des trois verrières de l'abside, nous apprend
Patrice Gourbin. Ce qui paraît curieux puisque
l'abside de Saint-Pierre, qui n'a pas de baie axiale,
comprend quatre baies ! Les trois thèmes furent
bien sûr tirés de la vie de saint Pierre
: la Pêche
miraculeuse, la Confession
de Césarée et le Reniement.
Auxquels il faut ajouter le quatrième (dans la
baie située au sud) : le Crucifiement
de saint Pierre.
Dans la nef
et le chur, les verrières reçurent
des compositions géométriques simples,
ponctuées de couleurs (photo
plus bas). Dans les chapelles rayonnantes, le verre
blanc fut enrichi de bordures de couleur à motifs
végétaux (photo
plus bas).
Les paroissiens de Saint-Pierre avaient entre-temps
usé de leur «droit à surcoût».
Ils avaient commandé à Paul Louzier un
vitrail historié dont le thème, tiré
de l'Apocalypse de Jean, et très vraisemblablement
approuvé par Jean Merlet, voulait rappeler l'horreur
des bombardements : une femme environnée d'étoiles
et dressée sur un croissant de lune faisait face
à la Bête à sept têtes surgissant
des flammes. Dans sa partie basse, un phylactère
dédiait le vitrail à Pierre Ruel et Michel
Poirier, deux prêtres de la paroisse tués
le 7 juillet 1944.
Ce vitrail, posé en 1957 dans la chapelle Saint-Antoine
de Padoue (donnée ci-dessous), juste avant les
chapelles rayonnantes, suscita l'ire du conservateur
Louis Bourdil et du service des Monuments historiques.
La raison en était simple : il déshonorait
l'église ! Tout fut fait pour le déposer.
On alla même jusqu'à organiser un nouveau
concours en 1962. Mais rien ne changea et, soixante-cinq
ans plus tard, le vitrail est toujours en place !
---»» Suite 2/2
|
|
Statue moderne de saint Antoine de Padoue. |
Chapelle latérale sud Saint-Antoine de Padoue
et le vitrail de l'Apocalypse de Paul Louzier (1957). |
|
Les deux niveaux de l'élévation et la chaire à
prêcher. |
L'APOCALYPSE, vitrail de Paul Louzier (1957). |
L'Apocalypse, détail (Atelier Paul Louzier, 1957) |
Détail de la rose dans la façade occidentale (Max
Ingrand). |
Les
vitraux modernes de Saint-Pierre (2/2).
---»» Les documents en possession des historiens
ne donnent pas l'explication de ce «déshonneur».
Patrice Gourbin, sans choisir, cite néanmoins
plusieurs possibilités : «Le problème
venait-il du caractère réaliste un peu
daté de la figuration? De l'équilibre
chromatique? Des tons trop soutenus qui assombrissent
le déambulatoire? De l'iconographie?»
Le rejet s'explique peut-être simplement par le
coup de crayon du dessinateur du carton, peut-être
Paul Louzier en personne, un coup de crayon sans doute
jugé puéril. Le style de la composition
rappelle en effet celui des bandes dessinées
du Journal de Mickey... Les enfants de Louis
Bourdil y étaient-ils abonnés ? Quoi
qu'il en soit, le style Walt Disney ne passait pas.
Il est certain que si les décisionnaires connaissaient
le grand vitrail de l'Apocalypse,
daté de la fin du XVIe siècle et inspiré
d'Albrecht Dürer, à l'église Saint-Nizier
de Troyes,
où l'archange saint Michel combat la Bête
à sept têtes, ils avaient de quoi faire
la moue devant cette création moderne !
Voir en gros plan le dessin de la Bête ici.
Source : Le patrimoine
de Caen à l'épreuve de la Seconde Guerre mondiale et
de la Reconstruction par Patrice Gourbin, Société
des antiquaires de Normandie, 2016.
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LE SANCTUAIRE
DE SAINT-PIERRE |
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Vue d'ensemble du chur de Saint-Pierre.
L'orgue de chur, sur la droite, est du XIXe siècle.
Sorti sans dommages des bombardements de 1944, la politique de restauration
appliquée après la guerre a conduit à le conserver. |
Le
sanctuaire de l'église Saint-Pierre (1/2).
Il se caractérise par deux éléments
clés : une étonnante abside flamboyante
et une pile dans l'axe de l'église.
L'abside flamboyante mérite d'être
observée de près. C'est l'objet de deux
photos plus bas (1
et 2).
Une description rapide conduit à dire que le
ruban central est constitué de fleurs à
deux rangées de pétales, insérées
dans des soufflets. Dans chaque travée, l'appareil
est surmonté d'une structure en mitre enrichie
d'une croix quadrilobée.
Louis Serbat, pour le Congrès archéologique
de 1908, s'est livré à un descriptif savant
des trois parties superposées de ce beau décor
: «D'abord un lacis de contre-courbes laisse place
à des feuillages et à des palmes variés
; dans la partie centrale, des losanges, aux angles
arrondis, encadrent des roses héraldiques. Puis,
entre deux bandeaux de feuilles de chicorées,
se voit un réseau de petits quatre-feuilles superposés.
Enfin, à chaque travée, une sorte de gâble
très plat, aux côtés concaves, hérissés
de crochets, est terminée par un gros fleuron.
Sous ce gâble, un disque porte une croix ajourée.
Le fleuron arrive au niveau d'un bandeau de feuillage
qui court au bas des fenêtres, sur une partie
de mur toute gravée de roses assez méplates.»
Que vient faire ce décor exubérant à
Caen
au tournant du XVIe siècle ? La Basse-Normandie
n'est pas réputée pour son foisonnement
flamboyant, du moins à l'intérieur des
édifices cultuels. Il faut donc y déceler
une origine extérieure à la région.
En passant sous silence les fonds nécessaires
pour créer une dentelle de pierre aussi sophistiquée
(et pour lesquels on ne dispose d'aucun document), son
créateur viendrait de Haute-Normandie. Les fleurs
à l'intérieur des soufflets rappellent
en effet les motifs utilisés à la façade
du Palais de Justice de Rouen,
bâti approximativement entre 1499 et 1507. Une
photo de ce palais est donnée plus
bas avec un gros plan sur le motif
du garde-corps qui court au bas de la toiture. Les
fleurs n'y ont certes pas la même forme que les
roses de l'abside de Saint-Pierre, mais on y détecte
bien un air de famille.
Sans totale certitude, le Palais de Justice de Rouen
est attribué au maître-maçon Roulland
Leroux. «Or, écrit l'historienne Gabrielle
Thibout pour le Congrès archéologique
de 1974, celui-ci avait des attaches à Caen,
où il séjourna en 1507 et 1509.»
On sait que ses visites concernaient plus sa famille
que l'architecture. Néanmoins, le chapitre de
Saint-Pierre pourrait tout à fait avoir fait
appel à lui et compté sur son expertise.
D'autre part, Gabrielle Thibout cite un autre Rouennais,
Marquet Bellefin, qui, en 1502, avait qualité
de maître des uvres de maçonnerie
pour le roi au bailliage de Caen. Aucun document
n'atteste que celui-ci soit intervenu sur le chantier
de Saint-Pierre. Il n'empêche, cela fait quand
même, présents à Caen,
deux maîtres-maçons de Haute-Normandie,
une région où fleurissait et fleurit toujours
le gothique flamboyant et sa luxuriante dentelle de
pierre.
De la présence de ces deux maîtres, les
historiens déduisent la période de construction
de l'abside : entre 1490 et 1510-1515.
Un point intéressant est à noter : le
maître-maçon de l'abside a respecté
le passage normand. Au second niveau de l'élévation,
la galerie de circulation court en effet sur toute la
longueur de l'édifice sans aucune interruption.
Ce qui permet aujourd'hui d'éclairer astucieusement
l'abside et son décor flamboyant par de la lumière
électrique.
---»» Suite 2/2
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Le chur, l'autel de messe et les stalles.
Les stalles, du XVIIIe siècle, viennent de l'abbaye du
Val, près de Saint-Omer. |
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Le sanctuaire et l'abside de Saint-Pierre. |
Le
sanctuaire de l'église Saint-Pierre (2/2).
---»» Le second élément-clé
de l'abside de Saint-Pierre est la présence d'une
pile dans l'axe du vaisseau. Cette particularité
se retrouve à Saint-Maclou
de Rouen
et à Notre-Dame de Caudebec, deux édifices
commencés sous l'occupation anglaise (1417-1450).
À Saint-Pierre, elle s'explique peut-être,
selon Gabrielle Thibout, pour des raisons techniques.
Le plan,
donné plus haut, montre que l'abside a été
conçue sur trois piles (ce qui se voit sur la
photo ci-dessus). Pouvait-on la concevoir sur quatre
piles afin de dégager l'axe ? En soulignant l'étroitesse
du terrain entre le chevet plat du chur (phase
n°2 de l'historique
de la construction) et la rivière, l'historienne
écrit : «il aurait fallu soit plus de place
pour reculer le déambulatoire soit diminuer exagérément
l'espace entre les piles.» La solution adoptée
semble donc la plus aisément praticable.
Sources : 1) Congrès
archéologique de France tenu en Bessin et
pays d'Auge en 1974, article sur l'église Saint-Pierre
par Gabrielle Thibout . 2) Congrès archéologique
de France tenu à Caen en 1908, article sur
l'église Saint-Pierre par Louis Serbat.
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La voûte du chur est ses multiples nervures (XIIIe siècle). |
Clé pendante moderne de saint Pierre au-dessus du sanctuaire. |
Ancienne clé pendante de saint Pierre (XVIe siècle). |
DEUX CLÉS
PENDANTES DE LA VOÛTE DU CHUR |
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Le maître-autel du sanctuaire est l'uvre du sculpteur
Largillière en 1778.
Dégradé en 1944 à la suite de la chute
de la clé de voûte, il a été restauré
en 1955. |
Les stalles de Saint-Pierre
proviennent de l'abbaye du Val, près de Saint-Omer,
et datent du XVIIIe siècle.
En 1955, le dosseret de la stalle de l'abbé a été
intégré ---»»»
dans l'espace du sanctaire en sacrifiant quelques anciennes
stalles. |
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L'élévation sud dans le chur. |
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ABSIDE - LES QUATRE
VITRAUX DE LA VIE DE SAINT PIERRE (ATELIER MAX INGRAND,
vers 1960) |
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La PÊCHE MIRACULEUSE. |
LA CONFESSION DE CÉSARÉE. |
LE RENIEMENT. |
Vue d'ensemble des parties hautes du chur et de sa vitrerie
créée par l'atelier Max Ingrand. |
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Angelot adorateur du maître-autel
(1778). |
LE CRUCIFIEMENT DE SAINT PIERRE.
(Max Ingrand, vers 1960). |
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Ornementation flamboyante de l'abside.
Un passage normand donne accès à l'arrière du
décor. C'est là qu'ont été installées
les lumières artificielles. |
La Pêche miraculeuse, détail.
Vitrail de l'atelier Max Ingrand, vers 1960. |
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Vitrail de Max Ingrand à thème géométrique.
Vers 1960. |
Ornementation flamboyante dans l'abside
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L'intrados n'a pas été oublié par le
concepteur de l'abside !
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Détail de l'ornementation flamboyante dans l'abside. |
PALAIS DE JUSTICE
DE ROUEN |
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PALAIS DE JUSTICE DE ROUEN
Palais du Parlement construit approximativement de 1499 et 1507.
uvre attribuée à Roulland Leroux |
PALAIS DE JUSTICE DE ROUEN
Palais du Parlement, détail du garde-corps de la façade. |
LE DÉAMBULATOIRE
DE SAINT-PIERRE ET LES CINQ CHAPELLES RAYONNANTES (Fin du XVe
siècle-Début du XVIe siècle) |
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Le déambulatoire avec, de gauche à droite, les chapelles
Sainte-Thérèse, du Saint Sacrement et de la Vierge. |
Plan du rond-point du chur, du déambulatoire et des chapelles
rayonnantes.
Ou l'art de projeter une structure à quatre pans sur un déambulatoire
à cinq chapelles... |
Le rond-point
du chur de Saint-Pierre et les chapelles rayonnantes
(1/2).
Le plan ci-contre montre que la présence d'une pile
dans l'axe du vaisseau n'a pas empêché le maître-maçon
de créer une chapelle axiale. L'église Saint-Maclou
à Rouen,
bâtie quelques décennies plus tôt, n'a
pas de chapelle axiale derrière la pile dans l'axe,
alors que Notre-Dame à Caudebec-en-Caux est riche d'une
grande chapelle axiale derrière sa pile d'axe. Bref,
les deux possibilités sont permises.
Mais, à Saint-Pierre, le schéma est plus compliqué.
Le plan montre trois piles soutenant l'abside et créant
évidemment quatre pans. À ces quatre
pans le maître-maçon a rattaché cinq
chapelles rayonnantes ! Un beau tour de force géométrique
! On s'en fera une idée en observant, ci-contre, le
tracé des nervures de la voûte du déambulatoire
: un tracé compliqué, mais efficient. Ce n'est
pas pour rien qu'il est toujours conseillé à
l'il profane de regarder de près les parties
tournantes de la voûte d'un déambulatoire. C'est
là qu'on peut trouver le génie d'un architecte
médiéval.
Dans son ouvrage L'Architecture flamboyante en France,
l'historien québécois Roland Sanfaçon
( 2021) se demande si le chevet de Saint-Pierre de Caen,
comme celui de l'église Saint-Jean,
n'est pas le résultat d'un «jeu de triangles
d'abord conçu sur le dessin, puis transposé
dans l'espace.» C'est plus que probable ! Est-il
besoin de rappeler que les maîtres maçons de
l'époque, en charge de la construction des églises,
étaient des experts dans le maniement de la règle
et du compas ? Et l'on n'imagine pas un architecte se
lancer dans un transfert de formes aussi compliqué
sans avoir tout élaboré sur parchemin ou sur
peau !
---»» Suite 2/2
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Le rond-point
du chur de Saint-Pierre et les chapelles rayonnantes
(2/2).
---»» L'historien britannique Painton Cowen, spécialiste
de la rose médiévale en architecture, écrit
d'ailleurs dans son ouvrage Rosaces : «Il est
à peu près certain que les architectes ou les
maçons utilisèrent des compas, des compas à
pointes sèches, des équerres, des règles
et des cordes nouées tout au long du Moyen Âge.»
Ce propos concerne bien sûr la création des roses,
mais il est aisément généralisable à
toute l'architecture, d'autant plus quand celle-ci inclut
des transitions compliquées.
En traitant ensemble les absides de Saint-Pierre et de Saint-Jean,
Roland Sanfaçon ajoute qu'«on peut dans les deux
cas regrouper un polygone à sept côtés
autour des absides à trois pans des chapelles rayonnantes.»
Pour Saint-Pierre, l'historien précise qu'il faut utiliser
les pans supplémentaires des chapelles et l'un des
triangles du déambulatoire. Il semble difficile de
concrétiser son idée. Qu'est-ce que le «pan
supplémentaire» d'une chapelle rayonnante et
quel triangle choisir ?
Le déambulatoire de Saint-Pierre et les chapelles offrent
un contraste intéressant entre gothique flamboyant
et style Renaissance. Gabrielle Thibout écrit pour
le Congrès archéologique de 1974 :
«On constate que toutes les parties basses de cet ensemble,
jusqu'à une hauteur d'un peu plus de deux mètres,
portent la marque du style flamboyant et que brusquement,
au-dessus de ce niveau, c'est une tout autre manière
: on passe à l'art de la première Renaissance,
d'ailleurs fort habilement raccordé avec la construction
commencée.» On en déduit qu'il y a eu
un changement de maître d'uvre, après peut-être
une interruption d'une durée inconnue.
Cette opposition de style se repère aisément
dans les statues du déambulatoire : le culot est flamboyant
alors que le dais, «extraordinaire édicule en
forme de clocheton», offre «toutes les grâces
de la grammaire décorative italianisante», si
l'on reprend les expressions de Gabrielle Thibout. De nombreuses
photos ci-dessous
en montrent des exemples.
Sources : 1) Congrès
archéologique de France tenu en Bessin et pays
d'Auge en 1974, article sur l'église Saint-Pierre par
Gabrielle Thibout . 2) L'Architecture flamboyante en France
de Roland Sanfaçon, 1972 ; 3) Rosaces de Painton
Cowen, 2005.
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Chapelle du Saint Sacrement : gros plan sur l'ornementation Renaissance. |
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Chapelle du Saint Sacrement : l'autel et, sur la droite, la
piscine. |
Chapelle du Saint Sacrement : Calvaire dans le retable.
XIXe siècle ? |
Saint Sébastien. |
Saint Georges terrassant le démon. |
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Chapelle du Saint Sacrement : Emblèmes liturgiques.
«««--- Statues
du XVIe siècle |
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Chapelle du Saint Sacrement : détail de l'ornementation
Renaissance. |
La chapelle rayonnante Sainte-Thérèse et ses statues. |
Retable de la Mise au tombeau dans la chapelle rayonnante nord
des Sept Douleurs.
Bas-relief de L. Cauvin (1869)
Copie au 4/3 de l'original du sculpteur De Solemnis (Parme,
XVIe siècle). |
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Lithographie du déambulatoire de Saint-Pierre (XIXe siècle). |
Statue d'un apôtre et son dais Renaissance. |
Statue d'un apôtre : détail du dais Renaissance. |
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Clé pendante de la chapelle Sainte-Thérèse. |
Chapelle Sainte-Thérèse ---»»»
Dessins de rinceaux Renaissance sur la voûte. |
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Chapelle Sainte-Thérèse : La Primauté de
Pierre dans le retable.
Terre cuite en haut-relief de Francis Aimé Jacquier (1883) |
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Clé pendante Renaissance
avec multiples têtes de Cerbère
dans une chapelle rayonnante. |
Chapelle rayonnante sud de la Vierge.
En hauteur, sur les deux premiers mètres : style flamboyant,
Au-dessus, style Renaissance. |
L'abside de l'église Saint-Pierre à Caen
(Peinture du XIXe siècle due à d'Herbès.) |
Chapelle rayonnante Saint-Joseph :
le retable de pierre est du XVIe siècle.
Saint Joseph portant l'Enfant est au centre.
À sa droite, saint Louis. |
Les chapelles du Saint Sacrement (éclairée) et
de la Vierge
dans le déambulatoire sud. |
La voûte Renaissance du déambulatoire nord.
Extrait en plan rapproché de la voûte Renaissance
---»»» |
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La voûte de la chapelle de la Vierge et son foisonnement
de clés pendantes. |
Chapelle de la Vierge : Le chemin de Damas dans le retable.
Haut-relief du XVIe siècle. |
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La nef de Saint-Pierre vue depuis le maître-autel. |
Documentation : Congrès archéologique
de France tenu à Caen en 1908, article sur l'église
Saint-Pierre par Louis Serbat
+ Congrès archéologique de France tenu en Bessin et
pays d'Auge en 1974, article sur l'église Saint-Pierre par
Gabrielle Thibout
+ «Le patrimoine de Caen à l'épreuve de la Seconde Guerre mondiale
et de la Reconstruction» par Patrice Gourbin, Société des antiquaires
de Normandie, 2016
+ «L'Architecture normande au Moyen Âge», article
sur l'église Saint-Pierre par François Saint-James,
éditions Charles Corlet, 1997
+ «L'Architecture flamboyante en France » de Roland
Sanfaçon, éditions du Septentrion, 2020
+ «Caen, Architecture & Histoire» par Philippe Lenglart,
éditions Charles Corlet, 2008
+ «Statistique monumentale du Calvados», tome 1, Arcisse
de Caumont, réédition de 2018
+ «Dictionnaire des églises de France», éditions
Robert Laffont, 1968
+ Panneaux affichés dans l'église. |
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