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Avant le XIIIe siècle, l'oratoire
qui se dressait à la place actuelle de l'église, était
en dehors du rempart normand. Au XIIIe siècle, le nouveau
rempart l'intégra dans la ville. Entre temps, à force
d'agrandissements et de reconstructions, il était devenu
une église dans un quartier où vivaient des artisans
drapiers et teinturiers peu fortunés. On y trouvait aussi
quelques grandes familles marchandes. Sous le règne de saint
Louis, l'église Saint-Maclou devint paroisse. Sous l'occupation
anglaise, cette paroisse fut l'une des plus importantes du diocèse.
En 1432, l'édifice, déjà bien délabré,
s'écroula par le milieu : il ne pouvait plus abriter que
le quart des fidèles qui la fréquentaient habituellement.
Dès 1433, on répara la partie ruinée en construisant
d'abord des chapelles neuves - les chapelles anciennes furent consolidées
par des étais. L'archevêque Hugues des Orges concéda
des indulgences pour attirer les aumônes des paroissiens.
L'année 1436 est une date importante. Plutôt que de
se contenter de réparations partielles, la Fabrique décida
de faire «table rase» et de reconstruire un nouvel édifice
(«funditus demolita» lit-on dans un document de l'époque).
Mais la «table rase» fut en fait un phénomène
progressif : on soutint l'existant, on démolit par partie
et on rebâtit par partie. Le plan du nouveau bâtiment
fut dessiné par le maître-maçon Pierre Robin
qui ne travailla à la reconstruction qu'en 1436 et 1437.
D'autres maîtres-maçons talentueux lui succédèrent
: Oudin de Mantes, Simon Le Noir, Ambroise Harel et Pierre Gringoire.
Dans la décennie 1440, les travaux avancent lentement car
l'argent manque. Les paroissiens font d'ailleurs une demande d'auto-imposition
à Henri VI, roi d'Angleterre et de France (voir plus bas
l'encadré
sur le financement de la construction). Malgré tout, quêtes
à domicile, donations et contributions diverses permettent
de progresser. En 1517, le gros uvre est achevé, tour-lanterne
de Pierre Gringoire et flèche incluses. Les ornementations
luxueuses qui les parent sont financées par le curé
Arthus Fillon et la famille Dufour, l'une des grandes
bienfaitrices de Saint-Maclou.
Le style de l'église est un pur gothique flamboyant.
Malgré la Renaissance qui naît, il n'y a aucun apport
du nouveau style : les maitres-maçons ont respecté
le plan de Pierre Robin, dressé en 1436. (Le même phénomène
caractérise l'église Saint-Merry
à Paris.) Notons que les chapelles rayonnantes sont décalées
de façon qu'il n'y ait pas de chapelle axiale. Saint-Maclou
est consacrée en juin 1521 par l'archevêque de Rouen,
Georges II d'Amboise. Au fil des ans, l'intérieur est embelli
: jubé, orgue de jubé avec un magnifique escalier
de pierre, ornements de draps d'or et de velours cramoisi. Suivront
peu à peu : la construction d'une nouvelle sacristie, la
mise en place des grandes
portes avec vantaux sculptés, puis la suppression du
jubé en 1541 et le transfert de l'orgue
contre l'élévation occidentale. Au XVIIIe siècle,
la flèche est en partie détruite par les intempéries
; finalement rasée, elle est remplacée par une modeste
toiture d'ardoises.
En 1562, les Protestants saccagent l'édifice (mutilation
des bas-reliefs des portes). À la Révolution, seules
treize églises de Rouen sont conservées. Saint-Maclou
est du nombre. La Convention la fait fermer en 1793 et la transforme
en fabrique d'armes. L'église est rendue au culte en 1802.
La flèche actuelle date du Second Empire. Elle est construite
par l'architecte Barthélemy en style néo-gothique.
En juin 1940, une bombe, qui explose non loin, provoque quelques
dégâts dans une chapelle. En juin 1944, lors de la
Semaine Rouge, c'est plus grave : une première bombe explose
à côté de l'édifice, mais une deuxième
frappe une pile du chur qui se trouve de ce fait coupé
en deux. En novembre 1945, tout le croisillon au-dessus du chur
s'effondre. Les travaux de restauration dureront jusqu'en 1980.
Si l'église Saint-Maclou bénéficiait au XVIIIe
siècle d'une ornementation
intérieure somptueuse, ce n'est plus la cas. Des magnifiques
confessionnaux qui ornaient ses chapelles, il ne reste que ceux
qui ont été regroupés dans la chapelle rayonnante
Notre-Dame-de-Pitié.
Outre son architecture en gothique flamboyant et ses cinq portails
en arc de cercle qui ont fait sa renommée, l'intérêt
de l'église réside aussi dans ses nombreux vitraux
du XVe siècle. Les deux pages consacrées à
Saint-Maclou dans ce site en proposent de nombreuses photos.
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Vue d'ensemble de la nef et du chur en entrant dans l'église.
Le visiteur remarque aussitôt l'absence de chapelle axiale.
À sa place s'élève une massive pile axiale dans
l'abside. |
Vue d'ensemble de l'église depuis la place Barthélemy. |
Les cinq portails en gothique flamboyant et leurs gables.
Ils affichent une nouveauté architecturale : les gables sont
projetés vers l'avant et non pas accollés à la
façade. |
Architecture
externe. L'intérêt archéologique
de l'église Saint-Maclou réside plus dans
son aspect extérieur que dans son architecture
et son ornementation intérieures. Son porche
est d'ailleurs l'élément qui fait sa renommée.
Ce porche exceptionnel a été conçu
dès 1436. Portant à lui seul toute la
richesse de l'architecture rouennaise de la fin du Moyen
Âge, il s'inspire de la façade de la cathédrale
Notre-Dame, conçue par Jean Périer
vers 1370.
Le porche de Saint-Maclou comprend cinq baies dont trois
seulement possèdent un portail dessiné
de façon toute classique : avec porte, tympan
ajouré ou sculpté, voussures et, dans
le portail central, des ébrasements recevant
des statues.
La nouveauté consiste à projeter vers
l'avant les encadrements flamboyants des cinq baies
et à ne plus les plaquer contre les élévations.
On voit ainsi cinq baies alignées sur un grand
arc de cercle, du nord au sud (photo ci-dessus). Chaque
baie est tracée en arc brisé. La baie
centrale, deux fois plus large que les autres, ouvre
sur le grand portail dont le trumeau a été
supprimé en 1793. Les deux baies jouxtant le
grand portail sont prolongées, à l'intérieur,
par les bas-côtés tandis que les deux baies
des extrémités se dressent devant l'alignement
des chapelles latérales. Chaque arcade, à
profil prismatique (ce qui est un classique du gothique),
repose sur des contreforts ornés de niches dont
les statues ont disparu depuis longtemps.
C'est toute la modénature qui enrichit ces gables
au-dessus des baies que le visiteur doit observer attentivement.
Le gothique flamboyant y étale sa richesse. Chaque
gable, triangulaire et orné de crochets, possède
son réseau ajouré de soufflets et de mouchettes.
La jonction des gables avec le sommet des contreforts,
à droite et à gauche, se fait par un grillage
de pierre très élaboré. L'élégance
de cet ensemble est encore accentuée par la présence
d'une claire-voie qui ceinture la terrasse du porche
(photo ci-dessous à gauche). Plus vaste que les
autres, le gable central gagne encore en beauté
car la grande rose qui le surmonte en arrière-plan,
est elle-même coiffée d'un gable flamboyant.
Des statues récentes d'anges et de la Trinité
ornent le centre de chaque gable. Le gable central est
en plus surmonté d'une statue moderne de saint
Maclou, créée en 1900. Dans son étude
sur Saint-Maclou pour le Congrès archéologique
de France de 1926 (89e session), le chanoine Jouen
précise qu'un premier ouragan frappa l'église
en 1891, mettant à mal des restaurations effectuées
quarante ans plus tôt. Le 15 février 1900,
une nouvelle tempête fit tomber la croix placée
sur le clocher en 1861 ; dans sa chute, celle-ci brisa
le sommet des deux gables de la baie centrale ainsi
que le rampant de la claire-voie qui court à
l'arrière de cette baie. La statue de la Trinité
(donnée ci-dessous) a été réalisée
cette même année par MM. Foucher père
et fils en remplacement des éléments cassés.
De même, une statue de saint Maclou, reprenant
les traits du curé d'alors, Mgr Julien Loth,
prit place au sommet du gable. Dans leur brochure sur
l'église et l'aître Saint-Maclou, les services
du Patrimoine signalent que ce curé, qui n'était
pas évêque, avait le droit de se faire
appeler monseigneur car il avait reçu du pape
le titre honorifique de protonotaire apostolique.
Le portail de Saint-Maclou a inspiré celui de
l'église Notre-Dame
à Alençon.
Sources : 1) Haute-Normandie
gothique d'Yves Bottineau-Fuchs, éditions
Picard, 2001 ; 2) Congrès archéologique
de France, 89e session tenue à Rouen en 1926,
article sur l'église Saint-Maclou par M. le chanoine
Jouen ; 3) L'église et l'aître Saint-Maclou,
Rouen, édité par la Région
Haute-Normandie ©2012.
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Le gable du portail central, la claire-voie et
la rose de la façade occidentale. |
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Statue de saint Maclou au-dessus du gable du portail central.
Sculpture de Foucher, père et fils, en 1900. |
Statue de la Trinité (1900).
Le Père céleste présente son fils crucifié
devant le gable du portail central, tandis qu'une colombe déploie
ses ailes sous son menton. |
La sacristie, qui cache le chevet, est elle-même cachée par
les arbres. |
À droite, la sacristie Renaissance de Lucien Lefort (vers 1910). |
LA MAQUETTE DE L'ÉGLISE EXPOSÉE
AU MUSÉE DES BEAUX-ARTS DE ROUEN |
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Vue d'ensemble de l'église Saint-Maclou
depuis le côté nord.
(La maquette est exposée au musée
des Beaux-Arts de Rouen.)
Pour le chanoine Jouen (Congrès archéologique de
France tenu
à Rouen en 1926), cette maquette n'est pas un modèle,
mais une copie faite à la fin du XVIIe siècle. |
Le chevet de l'église
Saint-Maclou ---»»» |
La façade ouest de l'église Saint-Maclou.
La projection vers l'avant des cinq gables
est ici bien manifeste. |
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À propos de cette
maquette, on lit ces précisions dans l'ouvrage
L'église et l'aître
Saint-Maclou, Rouen édité par
la Région Haute-Normandie en 2012 : «La
maquette de l'église réalisée vers
1500, qui est présentée aujourd'hui au
musée
des Beaux Arts montre qu'à peine achevé
l'édifice avait une grande réputation
; on ne sait toutefois si cette jolie maquette a été
exécutée par un admirateur ou si c'était
un modèle destiné à guider le travail
des maîtres d'uvre du XVIe siècle.»
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Un ange au centre du gable
d'un portail de la façade, au sud. |
Le clocher en gothique flamboyant.
La flèche du clocher, réalisée entre 1868 et
1872, est l'uvre de l'architecte Barthélemy. ---»»»
Il a laissé son nom à la place devant le parvis. La
pointe culmine à 87 mètres de hauteur. |
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Deux gables de la façade occidentale avec leurs statues :
le gable central et la statue de la Trinité (datée de
1900), le gable contigu, au sud, et la statue d'un ange. |
La Fontaine aux enfants pisseurs.
Milieu du XVIe siècle. |
La Fontaine
aux enfants pisseurs date du milieu du XVIe siècle.
À l'époque, les habitants de la paroisse avaient
obtenu qu'une fontaine soit installée à l'angle
de la façade et de la rue Martainville. L'eau provenait
de la source de Carville.
La pierre de cette fontaine a subi l'outrage du temps et la
férocité des destructeurs : sur les six statues
qui la surmontent, seules deux restent en place - et elles
sont sans tête. Dans la partie basse, malgré
la dégradation du temps, on reconnaît encore
les deux enfants pisseurs bien que la face de l'un d'entre
eux soit totalement dégradée. La posture de
ces enfants rappelle celle du Manneken-piss de Bruxelles.
Un médaillon les sépare, mais le bas-relief
qu'il abrite est depuis longtemps illisible.
Le motif des enfants pisseurs était très apprécié
à l'époque.
Source : L'église et l'aître
Saint-Maclou, Rouen, édité par la Région
Haute-Normandie.
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La Fontaine aux enfants pisseurs, milieu du XVIe siècle, détail. |
Un ange au centre d'un gable de la façade. |
LE PORTAIL CENTRAL DE LA FAÇADE OCCIDENTALE |
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Vue d'ensemble du portail central. |
Porte, voussures et statues du portail central.
(Début du XVIe siècle, les statues du XIXe.) |
Statue de saint Marc
dans un ébrasement du portail central,
XIXe siècle. |
Le tympan du portail central et ses voussures abritent le Jugement
dernier (début du XVIe siècle). |
Le Jugement
dernier prend place dans le tympan du portail central.
C'est une très riche composition de hauts-reliefs.
Elle est datée du début du XVIe siècle.
Les deux voussures qui l'entourent enrichissent le thème
principal de saynètes illustrant la résurrection
des morts.
Le Jugement dernier est représenté sur quatre
registres, chacun d'entre eux reposant sur une sorte de treillis
qui mérite parfaitement le qualificatif de «dentelle
de pierre» (voir image ci-contre). Dans la partie centrale
du registre inférieur, élus et damnés
sont séparés par l'archange Michel après
pesée de leurs âmes. Les élus vont à
gauche, vers le Paradis (c'est-à-dire à droite
de l'archange), tandis que les damnés sont immédiatement
saisis par les démons qui les dirigent vers l'enfer.
Les deux arcs en accolade (qui surmontent les vantaux de la
porte) symbolisent astucieusement les portes d'entrée
du Paradis et de l'enfer. Au-dessus, le deuxième registre
accueille les douze apôtres ; le troisième registre,
les saints avec des évêques et des cardinaux.
Tout ce monde a les yeux tournés vers le Christ, figure
centrale des deux registres supérieurs. Il montre les
stigmates de sa Passion, les pieds posés sur un globe
terrestre. Au registre du haut, des anges et des séraphins
chantent ses louanges.
Ce tympan est une magnifique composition malheureusement assez
dégradée : bien des personnages sont décapités.
Les services du Patrimoine, dans l'article cité en
source, indiquent que les mutilations datent des guerres de
Religion.
Dans le bas des deux voussures, l'artiste a sculpté
des saynètes très expressives, notamment pour
les démons suppliciant les damnés. Sur la droite,
quatre saynètes illustrent les justes sortant de leurs
tombeaux ; sur la gauche, dans quatre autres saynètes,
les diables s'en donnent à cur joie pour multiplier
les tourments des méchants. L'une de ces scènes,
donnée ci-dessous, montre deux démons tenant
une roue. Ce n'est pas la barre du navire auquel on pourrait
comparer l'enfer, mais le rappel du supplice de la mythique
sainte Catherine d'Alexandrie dont la chair devait être
labourée par une roue dentelée de crochets de
fer.
Source : L'église et l'aître
Saint-Maclou, Rouen, édité par la Région
Haute-Normandie.
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Registres du haut du tympan du portail central : les saints et les
anges glorifient le Christ du Jugement dernier. |
Premier registre du tympan du portail central : les damnés
sont poussés vers l'enfer par des démons monstrueux.
L'arc en accolade, au centre de l'image, symbolise l'entrée
de l'enfer. |
LES JUSTES ET LES DÉMONS
DANS LES VOUSSURES DU JUGEMENT DERNIER |
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Les justes sortent de leur tombeau. |
Deux démons tiennent, non pas la barre du navire, mais
un instrument de torture pour déchiqueter les chairs... |
Un chaudron de l'enfer où brûlent les damnés. |
Les démons et l'enfer. |
LES PORTES RENAISSANCE DE L'ÉGLISE SAINT-MACLOU |
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Les
vantaux des portes de Saint-Maclou.
L'église possède trois portes
aux vantaux de bois couverts de bas-reliefs de style
Renaissance. C'est sans conteste l'une de ses richesses.
Dans l'ouvrage Rouen aux cent clochers, les auteurs
rappellent que Prosper Mérimée est resté
plus d'une heure à les contempler et que le maréchal
Göring, en tournée d'inspection du Mur de
l'Atlantique en 1943, a fait un détour par Rouen
pour venir les voir...
Si la porte
de Martainville est gravée de l'année
1552 sur son côté interne, on n'est pas
sûr de la date de création pour les deux
autres. La plupart des ouvrages indiquent «entre
1552 et 1560», mais le chanoine Jouen dans
son article pour le Congrès archéologique
de France en 1926 écrit que si l'histoire
de ces portes «reste bien indéterminée»,
il n'en a pas moins trouvé, dans les comptes
de la fabrique, des écritures relatives à
un paiement de 15 sous à «ung huchier pour
les pourtrès des portes, qui sont en parchemin»
et un autre paiement de 14 sous et six deniers «pour
ung aultre pourtrect qui a esté faict pour les
portes, le 7e jour de febvrier 1527.» Dans les
deux cas, il s'agit de l'année 1527. Mais ces
écrits laissent perplexe et forcent le lecteur
à les interpréter. Au Moyen Âge,
le huchier, c'est l'ébéniste qui travaille
le bois, crée les huches, les coffres, en quelque
sorte les meubles. Il sait aussi sculpter le bois. Mais
il lui faut évidemment un modèle dessiné
par un artiste... sur papier ou parchemin. Ainsi l'on
comprend que, en 1527, les deux huchiers ont sculpté
des portes de l'église d'après des modèles
dessinés sur parchemin. On présume que
les artistes - les historiens, sans en être sûrs,
parlent de Jean Goujon ou de ses élèves
- ont déjà été payés
par la fabrique. De là, on déduit que
la porte
de Martainville, de 1552, est la plus récente
des trois.
Le chanoine Jouen écrit d'autre part :
«En 1562, les protestants ont brisé, à
ces portes, de nombreuses statuettes. En 1577, Le Prince,
peintre et doreur, a peint et verni ces portes, préalablement
restaurées par Cahais. Au XIXe siècle,
elles ont échappé à deux maux également
lamentables : les restaurations et le transfert dans
un musée. Détériorées par
de trop nombreux moulages dont certains furent exécutés
sans soin, elles sont actuellement pitoyablement poussiéreuses.»
Les trois portes de style Renaissance présentent
une même trame artistique : elles sont coupées
en deux, à mi-hauteur, par une corniche horizontale
très saillante. Dans la partie basse, chaque
vantail possède son portillon plus ou moins sculpté
de thèmes Renaissance (termes, animaux, fruits,
etc.). Les portillons de la porte
de Martainville sont à ce titre remarquables.
La partie au-dessus de la corniche est ornée
de scènes historiques sculptées au sein
de médaillons soutenus par des figurines en haut
et bas-relief.
Sources : 1) Congrès
archéologique de France, 89e session tenue à
Rouen en 1926, article sur l'église Saint-Maclou
par M. le chanoine Jouen ; 2) L'église et
l'aître Saint-Maclou, Rouen, édité
par la Région Haute-Normandie ©2012 Inventaire
général du patrimoine culturel ; 3) Rouen
aux 100 clochers de François Lemoine et Jacques
Tanguy, éditions PTC, 2004.
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La Dormition (1552) sur un vantail de la porte
de Martainville. |
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Partie haute de la porte droite du portail central :
La scène du Baptême du Christ est soutenue
par les quatre évangélistes. |
Les vantaux
du portail central. La partie haute, au-dessus
de la corniche centrale, est de loin, la plus intéressante.
Elle illustre la correspondance entre l'Ancien et le Nouveau
Testament. À gauche, une Circoncision est soutenue
par quatre Docteurs de l'Église (saint Augustin, saint
Grégoire, saint Jérôme et saint Ambroise).
À droite, le médaillon du Baptême du Christ
est soutenu par les quatre évangélistes reconnaissables
à leurs symboles. Les médaillons sont encadrés
par les Vertus : la Charité et la Foi à gauche
; la Justice et la Paix à droite.
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Partie haute de la porte gauche du portail central :
La scène de la Circoncision dans le médaillon
est soutenue par quatre Docteurs de l'Église. |
Saint Matthieu et saint Marc soutiennent le Baptême du Christ. |
LA PORTE DES FONTS BAPTISMAUX SUR LA FAÇADE
OCCIDENTALE |
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Vue d'ensemble de la porte des Fonts baptismaux. |
Le bon Pasteur dans le médaillon de la porte des Fonts. |
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La porte des Fonts et ses boiseries
(1ère moitié du XVIe siècle). |
La
Porte des Fonts baptismaux. Elle n'a qu'un
vantail. Dans la partie supérieure, son médaillon
illustre le thème du Bon Pasteur, soutenu par
quatre statuettes en haut-relief. Entre elles, en bas-relief,
trois allégories du printemps, de l'hiver et
de l'été (photo ci-dessous). Ces trois
bas-reliefs pourraient être l'uvre d'un
élève de Jean Goujon. De part et d'autre
du médaillon : le grand-prêtre Melchisédech
et saint Pierre.
Au centre de la partie basse, le Christ est entouré
de sylvains et de chimères. Dans les parties
latérales : à gauche, Aaron en costume
sacerdotal ; à droite, saint Paul avec son glaive.
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Porte des Fonts : boiseries et figurines. |
Aaron sur la porte des Fonts. |
Saint Pierre en bas-relief
sur la porte des Fonts. |
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Cette rangée de figurines soutient le médaillon du Bon
Pasteur sur la porte des Fonts.
Entre elles : allégories du printemps, de l'hiver et de l'été.
Ces trois bas-reliefs pourraient être l'uvre d'un élève
de Jean Goujon. |
LA PORTE NORD DITE «DE MARTAINVILLE» |
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La porte de Martainville donne sur la rue du même nom.
Elle peut être contemplée par tous les temps,
que l'église soit ouverte ou fermée.
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Partie haute des boiseries des vantaux de la porte de Martainville.
La Vierge mutilée, au centre, est entourée de deux médaillons
: l'Arche d'Alliance à gauche et la Dormition à droite. |
La porte
de Martainville, située sur le côté
nord de l'église, dans la rue du même nom, ferme
le bras nord du transept. Cette porte a l'avantage de ne pas
se trouver sous un porche. Son gothique flamboyant, très
pur, associé à une porte aux magnifiques vantaux
de bois, peut aisément être contemplé
à loisir par le passant. Toujours fermée, la
porte est protégée par une grille de fer.
Sa partie supérieure, très classique avec tympan
ajouré, statue, voussure et gable, est éclipsée
par la beauté remarquable des bas et hauts-reliefs
de ses vantaux de bois. Cette porte serait la plus récente
des portes de Saint-Maclou. La date de 1552 est visible sur
sa face intérieure.
Les sculptures sont consacrées à la glorification
de la Vierge dont la statue mutilée trône au
centre de la porte. La Vierge est encadrée par deux
médaillons qui font le lien entre l'Ancien et le Nouveau
Testament : à gauche, l'Arche d'Alliance (qui est une
figure symbolique de Marie) et, à droite, la Dormition.
Les médaillons sont eux-mêmes inclus dans des
structures carrées (ce qui permet de placer des anges
dans les angles) qui sont soutenues par quatre figurines (anges,
saints ou saintes), souvent décapitées. Au-dessus
des médaillons, le Père céleste et le
Christ trônent, chacun de leur côté, dans
les nuées. La partie basse des portes ne doit pas être
négligée. De très beaux bas-reliefs de
style Renaissance, peuplés de satyres et d'animaux
sont séparés, sur chaque vantail, par une superbe
ferronnerie dont l'ornementation culmine en une tête
de dragon.
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Le Père céleste dans les nuées
Vantail de la porte de Martainville
1552. |
Porte de Martainville : l'Arche d'Alliance dans un médaillon
(1552). |
À DROITE, porte
de Martainville ---»»»
Boiseries inférieures de style Renaissance sur
les vanteaux. |
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Porte de Martainville : détail de la partie
basse de la boiserie. |
Saint Jean dans l'ébrasement du portail central.
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Le financement
de la construction. L'église Saint-Maclou
s'est partiellement effondrée en 1432. La reconstruction,
d'abord limitée à la partie détruite,
s'est ensuite étendue à toute l'église.
Qui a financé ces travaux qui ont duré presque
un siècle?
Dans son étude pour le Congrès archéologique
de France tenu à Rouen en 1926, le chanoine Jouen
nous en donne les sources.
Il y a d'abord les quêtes à domicile (qui
doivent représenter la plus petite part), puis les
offrandes des fidèles. Ceux-ci sont incités
à donner du fait des indulgences, qu'ils réclament
souvent eux-mêmes, et qui sont concédées
par bulle pontificale ou lettre archiépiscopale (on
connaît le cas de la Tour de beurre à la cathédrale
de Rouen). Viennent ensuite les donations en terres
et maisons ou en rentes fieffées sur des maisons
ou autres valeurs immobilières. «Les principaux
donateurs, écrit le chanoine Jouen, appartiennent à
la famille Dufour [qui a financé la verrière
de la façade occidentale] et aux familles qui lui sont
alliées, les Basin, les Masselin, les de Croixmare
et ce Jean de Grenouville qu'une inscription mutilée
signale comme "ayant fait faire le plus de l'église"».
Autre mode de financement : l'imposition par lettre royale
autorisée, dans le cas de Saint-Maclou, par Louis XI et Louis
XII. Enfin, dernier mode : la générosité des curés de la
paroisse. Le chanoine Jouen cite trois d'entre eux : «Jean
Boissel (1421-1436) qui commença l'église, Guillaume
Auvré, chanoine de Rouen (1480) et surtout Arthus
Fillon (1508-1522), un des orateurs les plus célèbres
de son temps qui quitta la cure de Saint-Maclou pour l'évêché
de Senlis.» Précisons que ces curés recevaient
la rente liée à des domaines cultivés
par des paysans dans des bourgades plus ou moins lointaines,
et ils consacraient une grosse partie de cette rente à
leur église. Comme on le constate, il n'y a pas, dans
le cas de Saint-Maclou, de «subvention» royale.
Restons un moment sur l'imposition par lettre royale,
qui est en fait un surprenant cas d'auto-imposition,
et campons le contexte. Nous sommes par exemple dix ou vingt
ans après la guerre de Cent Ans. Des bourgeois de la paroisse
constatent que l'économie repart, que les marchands s'enrichissent.
Soucieux de leur église délabrée par le conflit, ils veulent
que ces gens «aisés» aident à sa restauration ou à
sa reconstruction par une contribution spéciale. On s'en doute
: il n'y a aucune raison pour que tout le monde soit d'accord
pour payer... Dès lors, comment venir à bout des opposants ?
Il est impossible de faire intervenir la force publique pour
leur faire payer un «impôt» qui n'a aucune assise légale.
Dans son article sur «La construction des églises
paroissiales du XVe au XVIIIe siècle» paru dans
la Revue d'Histoire de l'Église de France en
1987, l'historien Marc Venard nous en dit plus sur
le sujet. Par une multiplication d'exemples, il montre que
la paroisse (ou la ville) ne pouvait se passer d'une autorisation
royale pour s'auto-imposer. Ce fut notamment le cas à
Caudebec dès le XIVe siècle. Timide à ses débuts,
cette pratique s'est évidemment renforcée à mesure que le
pouvoir royal accroissait son emprise. Parfois, le Parlement
servait d'intermédiaire, comme en 1610 à Saint-Godard,
une paroisse de Rouen
qui souhaitait refaire son clocher menacé de ruine.
Marc Venard écrit : «les paroissiens (...) demandent
au parlement de lever une taxe sur les propriétaires
et sur les locataires, comme ont obtenu ceux de Saint-Martin-sur-Renelle
en 1605. Le parlement les renvoie devant le roi pour obtenir
une levée de 6000 lt [livres tournois] ; mais par provision,
il autorise une levée de 3000 lt à raison de
2 sous pour livre (de taille) sur les propriétaires,
et 1 sou sur les locataires.» On voit que la décision
finale appartient au Conseil du Roi. C'est lui seul qui permettra
de contraindre au paiement ceux qui sont compris dans l'assiette
fiscale. Et qui autorisera les échevins à faire
intervenir la force publique contre les récalcitrants...
Sous Louis XIV, la procédure devint officielle après
la publication d'un arrêt du Conseil royal le 16 décembre
1684. Désormais, c'était l'intendant de la province
qui allait jouer les intermédiaires. Grâce aux nombreuses
archives sur ce genre d'affaires détenues par la Généralité
de Rouen,
Marc Venard explique le mécanisme de l'auto-imposition
contenu dans cet arrêt. On peut le présenter en sept
étapes successives :
- Les paroissiens présentent une requête
à l'intendant qui ordonne de réunir une assemblée
générale (de la paroisse ou de la ville) ;
- L'assemblée désigne un ou deux experts
pour faire le devis ainsi que des commissaires pour suivre
l'affaire ;
- Le devis est établi en distinguant la part
du décimateur (ceux qui lèvent la dîme
pour l'Église) et celle des paroissiens ;
- L'intendant examine le devis ; s'il l'approuve, il
fait faire les adjudications (désignation des maîtres
d'uvre) ;
- Après les adjudications, l'intendant s'adresse
au Conseil du roi. Celui-ci délivre un arrêt
autorisant l'imposition ;
- Une nouvelle assemblée des paroissiens désigne
les collecteurs de cette taxe ;
- Les collecteurs précisent le rôle de
la taxe en distinguant les propriétaires et les locataires.
Marc Venard précise que cette procédure a fonctionné
sans heurt au XVIIIe siècle pour des villes comme Yvetot,
Bolbec et d'autres plus petites de la Haute-Normandie. Pourtant
le montant de cette auto-imposition pouvait être considérable.
Ainsi, à Bolbec, en 1772, la taxe s'élevait
à 60 000 livres tournois.
Les adjucations avaient souvent des conséquences désastreuses
car le système était totalement vicié.
Quand il fallait choisir un maître d'uvre parmi
les maçons qui répondaient à l'appel d'offres, les paroissiens
optaient naturellement pour le moins-disant ! Ainsi, à
Bolbec, le devis de construction de l'église s'éleva
à 140 000 livres tournois. Le marché fut adjugé
à l'entrepreneur qui, parmi ses pairs, n'en demandait
que 80 000 (!) et qui s'était engagé, comme les autres, à
respecter le cahier des charges... On devine la suite : les
malfaçons se multipliaient et les demandes de rallonges de
la part de l'adjudicataire s'additionnaient ! Et Marc Venard
de préciser : «Presque chaque chantier d'église
devient une source de procès» (pour malfaçons
et/ou dépassements). Les intendants mettaient parfois
en garde : opter pour un devis élevé parce qu'on rêvait d'une
église magnifique, puis choisir le maçon le moins-disant aboutissaient
vite à des surcoûts qu'il faudrait payer ; les paroissiens
pourraient-ils vraiment supporter la pression financière ?
On a là un vrai paradoxe : le représentant du Pouvoir royal
devait freiner les habitants devant leur soif d'auto-imposition !
Qu'en était-il dans le passé, avant la pratique des adjudications ?
Au Moyen Âge, le système fonctionnait avec des maîtres-maçons
(qui étaient en fait des spécialistes très qualifiés). Ils
étaient payés au «tézage»,
c'est-à-dire au métrage d'ouvrage réalisé.
Autrement dit, on n'anticipait pas sur le travail à
faire, mais on jugeait sur le travail réalisé.
Quand il y avait contestations sur la qualité ou la
quantité, on désignait des experts pour inspecter
le bâti et donner une évaluation financière
du travail accompli.
Sources : 1) Congrès
archéologique de France, 89e session tenue à
Rouen en 1926, article sur
l'église Saint-Maclou par M. le chanoine Jouen ; 2)
La construction des églises paroissiales, du XVe
au XVIIIe siècle par Marc Venard in Revue
d'Histoire de l'Église de France, tome 73, n°190
- 1987.
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LA NEF DE L'ÉGLISE SAINT-MACLOU |
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Vue d'ensemble de la nef avec son porte-croix (ou poutre de gloire). |
Élévations du bas-côté sud dans la nef. |
La voûte d'ogives de la nef. |
Poutre de gloire et Christ en croix.
La poutre de gloire a été installée en 1758 à
l'entrée du chur. |
Architecture
interne. Il arrive assez souvent dans les églises
du gothique tardif que l'architecture interne paraisse simplifiée.
C'est un peu le cas à Saint-Maclou.
Les grandes arcades de la nef (à trois travées)
sont en arc brisé. Elles sont profilées de moulures
prismatiques et concaves, séparées par de profonds
cavets, ce qui est une disposition assez traditionnelle. Il
n'y a aucun chapiteau. Ainsi les piles peuvent s'élever
sans interruption jusqu'à la retombée des voûtes
où la jonction se fait par simple pénétration.
La sensation d'élancement en est accentuée,
ce qui est primordial pour une nef étroite comme celle
de Saint-Maclou (sept mètres de large et photo ci-dessus
à gauche) : le fidèle n'a pas le sentiment d'être
écrasé par la pierre.
Au deuxième niveau, le triforium a attiré à
lui toute l'ornementation architecturale de l'église.
Il est aveugle (barré par le mur gouttereau) et se
compose de quatre remplages. Chacun d'entre eux peut être
vu comme une baie géminée de style flamboyant.
Dans sa partie basse, ce triforium possède une balustrade
avec une riche végétation (photo ci-dessous).
Le remplage des fenêtres hautes de la nef (là
encore des courbes et des contre-courbes très classiques
en gothique flamboyant) a été refait après
les destructions de 1944. Ce triple schéma grandes
arcades-triforium-grandes fenêtres se poursuit quasiment
à l'identique dans le transept et le chur. Voir
plus bas
une photo de biais du transept. Le mur de fond des croisillons
du transept rompt - comme à l'habitude - cette belle
harmonie pour accueillir une grande fenêtre avec vitrail,
elle-même surmontée d'une rose. Source : Haute-Normandie
gothique d'Yves Bottineau-Fuchs, éditions Picard,
2001.
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Plan de l'église Saint-Maclou. |
Voûte du bas-côté nord et élévations
sud près de l'orgue de tribune. |
Triforium aveugle et fenêtres en verre blanc au troisième
niveau de l'élévation. |
LES CHAPELLES LATÉRALES ET LEURS VITRAUX |
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Bénitier en pierre.
Quatrième quart du XVIe siècle. |
La cuve baptismale de la chapelle des Fonts
est du XVIIe siècle. |
«Le Baptême du Christ», tableau du retable
de la chapelle des Fonts. |
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La chapelle des Fonts baptismaux
et son vitrail de 1470 (baie
25) encadré de créations de 1980. ---»»» |
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Les
vitraux de Saint-Maclou. Si l'église
Saint-Patrice
à Rouen est un véritable musée
des vitraux du XVIe siècle, l'église Saint-Maclou
présente, quant à elle, une très
intéressante galerie de vitraux du XVe siècle.
Le Corpus Vitrearum nous en apprend plus à
ce sujet.
La mise en place des verrières, de 1440 à
1500, s'est faite en liaison avec les grandes étapes
de la construction. Saint-Maclou est «le seul
exemple rouennais d'une vitrerie intégralement
conçue et réalisée au XVe siècle»,
écrit le Corpus. On commença, vers
1440-1450, par les verrières des chapelles du
chur. Suivirent, vers 1460, celles des baies hautes
de l'abside ; puis, celles de la nef et des roses nord
et sud vers 1470, et l'on termina par la vitrerie de
la façade ouest, vers 1487. Notons que, au sud,
les lancettes de la
Passion, dans le transept, sont la seule exception
au-delà du XVe : elles sont datées aux
alentours de 1505.
Les deux pages de ce site consacrées à
l'église Saint-Maclou font une très large
place aux vitraux des XVe et XVIe siècles. Mises
à part les grandes baies de la
Passion et de l'Arbre
de Jessé, mises à part aussi les trois
roses, les vitraux de Saint-Maclou sont conformes à
l'art du vitrail tel qu'on le pratiquait au XVe siècle
: des grands personnages abrités dans des niches
à l'architecture très travaillée
et surmontées d'un tympan au remplage flamboyant,
souvent peuplé d'angelots.
Le programme iconographique de Saint-Maclou,
conçu entre 1440 et 1450, très limpide,
a été respecté : l'église
sera ornée de grands personnages composant un
véritable cortège de prophètes,
de saints et de saintes abrités dans des niches
d'architecture. Parfois la verrière affiche deux
niveaux : les grandes figures en haut et des scènes
légendaires en bas. Malheureusement, la plupart
de ces scènes ne sont plus qu'une juxtaposition
illisible de fragments. La baie
20 est la seule à proposer des saynètes
légendaires où l'on perçoit encore
quelque chose - en déployant toutefois des trésors
d'attention et d'imagination. On voit ainsi une conversion
de saint Paul, une
crucifixion de saint Pierre et une décollation
de sainte Barbe. Quant à la quatrième
saynète (donnée ci-contre), l'il
affuté de l'historien du vitrail Jean Lafond
y a vu une Fuite en Égypte. On y repère
en effet une Vierge à l'Enfant, des chevaux,
dont l'un attelé, un personnage aux mains liés
par une corde, une faucille tenue par un bras, bref
tous les éléments du Miracle des blés,
épisode habituellement associé à
la Fuite en Égypte. On pourra s'en faire une
idée plus nette en comparant cet amalgame avec
la Fuite en Égypte de la baie 32 de la cathédrale
Notre-Dame à Rouen (donnée ci-dessous).
Le Corpus n'en souligne pas moins que cette association
grande figure/saynète «constitue
une innovation dans l'histoire formelle du vitrail français».
La grisaille est le procédé de peinture
le plus utilisé. Cependant, le programme iconographique
impose aussi l'usage de certaines couleurs. Le jaune
d'argent, connu depuis le début du XIVe siècle,
vient rehausser certains détails, mais on en
voit peu. Les restaurations successives ont-elles contribué
à l'atténuer au point de le faire disparaître?
Comme le Corpus le souligne, il est difficile
de se prononcer sur ce sujet en l'absence d'une étude
sérieuse d'authenticité. La couleur (principalement
le rouge et le bleu) est réservée aux
fonds des niches d'architecture, évidemment pour
assurer un effet de contraste. On voit ainsi de très
beaux damas décorés de motifs floraux
ou de griffons. (Voir celui en rouge derrière
le magnifique visage en grisaille de sainte
Geneviève dans la baie 11 ou celui en vert
d'une sainte
martyre dans la baie 7.) Quant aux dais des niches,
ils étonnent par leur très haute complexité
architecturale qui aboutit parfois à une juxtaposition
de lignes verticales difficilement lisibles.
Deux verrières se distinguent : la
Passion et l'Arbre
de Jessé. Toutes les deux s'étalent
sur cinq lancettes et ornent le transept au nord et
au sud. Leur beauté ne manque d'attirer l'il
du visiteur, mais il faut une paire de jumelles pour
vraiment les apprécier. De nombreux extraits
en sont présentés ici. Suite ---»»
|
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La Fuite en Égypte dans la baie
20. |
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La Fuite en Égypte, détail de la baie
32 (vitrail des Saints Innocents).
CATHÉDRALE NOTRE-DAME DE ROUEN. |
Suite ---»»
On possède beaucoup d'informations sur les maîtres
chargés de l'entretien et de la restauration
de ces vitraux depuis le XVIe siècle. Le Corpus
signale ainsi que les verrières ont été
endommagées par les guerres de Religion et, en
1764, par un ouragan. On arrive ensuite au XIXe siècle
- après un XVIIIe qui n'avait porté aucun
intérêt à l'art du vitrail. Le Corpus
rapporte : «Au XIXe siècle, l'état
de la vitrerie est si compromis, notamment par l'absence
quasi totale d'entretien des verrières au XVIIIe
siècle et par la transformation des autels, que
l'on envisage son remplacement par des copies (...).»
De fait, en 1882, l'atelier Boulanger réalise
une copie de la baie n°1 selon la mode du XVe :
de grands personnages dans des niches architecturales
complétés par des petites figures au tympan.
Cette verrière a été détruite
en 1944. La restauration continue avec les verrières
hautes du bras nord du transept, de la rose sud et de
deux lancettes de la
Passion. Il y a pis : entre 1913 et 1916, des pierres
tombent de l'édifice sur la voie publique ! Il
faut consolider dix-huit verrières hautes. En
1918, les armées allemandes attaquent et percent
le front allié : vingt-trois verrières,
menacées par les bombardements, sont déposées.
Après la Grande Guerre, la restauration se poursuit.
Les ateliers Gruber, Gaudin, Ray et Ruedolf sont mis
à contribution entre 1941 et 1945.
Enfin, de 1975 à 1985, une vaste restauration
de l'ensemble de la vitrerie est entreprise par l'atelier
Le Chevallier. Mais il faut faire des choix et combler
les manques. L'atelier va utiliser des bouche-trous,
des remplois de morceaux épars (on en voit beaucoup
dans les soubassements des vitraux à grands personnages)
; il va aussi créer, avec d'autres ateliers,
des vitraux contemporains. Terminons en disant que certains
vitraux de Saint-Maclou sont déposés à
l'Archevêché de Rouen ou à l'atelier
Le Chevallier et que d'autres ont disparu. Source :
Corpus Vitrearum, Les vitraux
de Haute-Normandie, éditions du Patrimoine,
2001.
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BAIE 25 - COURONNEMENT DE LA VIERGE ET DORMITION,
vers 1470 |
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Le vitrail de la baie 25 dans la chapelle des Fonts. |
Baie
25, vers 1470. Ce vitrail ne contient plus
que deux scènes partielles datées des
années 1470.
En haut, un Couronnement de la Vierge surmonté
de douze anges adorateurs et niché dans une architecture
en accolade. L'ensemble est assez restauré. Le
visage du Père céleste présente
une très belle grisaille, le jaune d'argent étant
réservé à son habit et à
sa couronne. Il bénit de la main droite et tient
le globe terrestre dans sa main gauche. Le visage de
la Vierge laisse un peu perplexe : Marie arbore une
expression triste, presque résignée. On
sait que l'art chrétien, dès ses débuts,
a tenu à s'opposer à l'art du paganisme
en refusant toute expression de joie exaltée
ou de gémissements larmoyants. Pas de pleureuses
d'Adonis dans l'art chrétien ! Les artistes ont
toujours représenté des visages sérieux
dans la joie et stoïques dans la douleur. C'est
peut-être ici le choix du peintre : loin d'exprimer
le bonheur qu'elle ressent, la Vierge préfère
se concentrer sur le devoir qui l'attend : prier pour
les mortels afin d'essayer d'adoucir leur sort.
La scène du bas est la partie supérieure
d'une Dormition de la Vierge, elle aussi nichée
dans une architecture en accolade. La scène comprend
de nombreux bouche-trous.
Aux alentours de l'année 1980, Anne Le Chevalier
a incrusté ces deux scènes dans un habillage
de panneaux abstraits à base de formes géométriques.
Source : Corpus Vitrearum.
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Le Couronnement de la Vierge, détail (baie 25) :
L'ange qui tient la couronne.
Grisaille et jaune d'argent. |
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Le Couronnement de la Vierge, partie supérieure (baie
25), vers 1470. |
Le Couronnement de la Vierge, détail : la Vierge (baie
25). |
Le Couronnement de la Vierge, détail : le Père
céleste (baie 25).
Vers 1470. |
La Dormition (baie 25), vers 1470. |
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BAIE 23 - DEUX SAINTS, vers 1440-1450 |
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Vitrail de la baie 23. |
Personnages du XVe siècle dans la baie 23. |
Saint Clair (?) porte sa tête après sa décollation
(baie 23). |
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Chapelle latérale nord : Le corps du Christ mort soutenu
par les anges. |
Une chapelle latérale nord. |
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BAIE 20 - SAINTE BARBE, SAINT PAUL, SAINT PIERRE,
VIERGE À L'ENFANT, vers 1470 |
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Vitrail de la baie 20, vers 1470. |
Baie
20, vers 1470. Cette verrière
à grands personnages peints dans des niches
d'architecture en grisaille et jaune d'argent
est la seule de l'église qui possède,
dans sa partie basse, des scènes légendaires
à peu près reconnaissables.
Dans le registre supérieur, on peut voir
sainte Barbe, saint Paul, saint Pierre (dont la
tête est très bien conservée)
et une Vierge à l'Enfant (la tête
de la Vierge est incomplète). Quelques
statuettes figurent dans les piédroits
qui encadrent les personnages.
Le registre inférieur contient des fragments
de scènes légendaires dont trois
ne sont pas à la bonne place : la conversion
de saint Paul, la crucifixion de saint Pierre
(ci-contre) et, peut-être la plus lisible,
la décollation de sainte Barbe (donnée
partiellement ci-dessous).
Voir plus
haut le commentaire sur la quatrième
saynète, la Fuite en Égypte (qui,
elle, est à la bonne place, c'est-à-dire
au-dessous de la Vierge à l'Enfant), et
le rapprochement que l'on peut faire avec une
scène similaire du vitrail de la baie
32 à la cathédrale
de Rouen. La verrière comprend de nombreux
bouche-trous et le tympan est un assemblage de
fragments peints à la grisaille et au jaune
d'argent.
Source : Corpus Vitrearum.
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Vierge à l'Enfant (baie 20), détail. |
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Partie centrale du vitrail de la baie 20 : sainte Barbe, saint
Paul, saint Pierre, Vierge à l'Enfant (vers 1470). |
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Saynète de la baie 20 : la crucifixion de saint Pierre,
vers 1470. |
Saint Pierre (baie 20), détail. |
Saint Paul (baie 20), détail. |
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Saynète de la baie 20 : décollation de sainte Barbe
(détail). |
BAIE 17 AU-DESSUS DE LA PORTE DE MARTAINVILLE |
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La baie 17 de la porte de Martainville.
Le soufflet le plus intéressant est indiqué par une
flèche jaune. |
Baie 17,
XVe siècle. Cette baie abrite un remplage
flamboyant au-dessus de la porte du bras nord du transept,
c'est-à-dire la porte
de Martainville. Il faut s'y arrêter pour regarder
les saintes peintes à la grisaille et au jaune d'argent
dans le registre inférieur, mais surtout pour admirer
le magnifique travail à la grisaille dans l'avant-bras
droit de l'ange souffleur situé dans le soufflet gauche
de la baie (indiqué par une flèche dans l'image
ci-contre). Le vêtement de l'ange est en jaune d'argent.
Une reproduction en est donnée ci-dessous.
Une paire de jumelles ou un téléobjectif peuvent
être utiles : même si la baie n'est pas bien haute,
le soufflet est de taille réduite.
Le reste du vitrail (soufflets et mouchettes) est rempli avec
des fragments épars, peints à la grisaille et
au jaune d'argent - et qui ne ressemblent à rien.
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Deux saintes dans le registre inférieur de la baie 17
(croisillon nord du transept). |
LE TRANSEPT DE L'ÉGLISE SAINT-MACLOU |
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Le
transept. Le triplet architectural grandes
arcades-triforium-grandes fenêtres de la nef
se poursuit sur les côtés est et ouest
du transept. Il ne s'interrompt que sur les élévations
nord et sud pour accueillir quatre grandes verrières
qui attirent aussitôt l'attention du visiteur.
C'est là que se trouvent les plus beaux vitraux
de l'église. Par leur éloignement (car
ils sont perchés haut), on se rend vraiment compte
de la hauteur de l'édifice : la voûte de
la nef et des croisillons culmine à vingt-trois
mètres, celle de la tour-lanterne,
à la croisée, à quarante mètres.
Les baies nord et sud ont le même profil : au
niveau inférieur, cinq lancettes trilobées
abritant une vaste scène (qu'une paire de jumelles
permet de mieux observer) et surmontées d'une
série de mouchettes ; au-dessus une grande rose
dans un remplage flamboyant.
Au sud, la baie 114 accueille une magnifique
scène de la
Passion datée de 1505 par le Corpus Vitrearum.
C'est la seule verrière à ne pas être
du XVe siècle. La première lancette montre
un Portement de croix devant une foule hostile. Les
trois suivantes sont consacrées à la Crucifixion
: Jésus entre les deux larrons. L'artiste s'est
plu à dessiner un petit démon chassé
par un angelot au-dessus de Dismas (le bon larron) et,
à l'inverse, d'un angelot chassé par un
petit
démon au-dessus de Gesmas (le mauvais larron).
Jérusalem est représentée par des
bâtiments grandioses à l'arrière-plan
(voir plus
bas). La cinquième lancette est une descente
de croix avec Joseph d'Arimathie, la Vierge et Nicodème.
Au pied
de la croix, Marie et Jean se lamentent tandis que
Marie-Madeleine
s'agrippe à la croix. Sans conteste, c'est Marie
qui présente la plus belle expression de douleur
contenue (gros plan donné plus
bas).
Au-dessus, la baie 112, datée de 1470,
offre un Jugement
dernier «traditionnel», mais très
restauré au XXe siècle : le Christ montrant
ses plaies est entouré d'anges soufflant de la
trompette (certains ont été refaits en
1977), de séraphins, de groupes d'apôtres
et de ressuscités. Si les restaurations sont
nombreuses dans cette verrière, on n'en trouve
pas moins des morceaux d'origine comme ces deux femmes
qui sortent nues de leurs tombeaux (données plus
bas). Celle de droite possède une belle grisaille.
Notons que, au niveau du graphisme, la figure du Christ
montrant ses plaies n'est guère travaillée
: un gros plan ne montre, à la manière
d'une bande dessinée, que de simples traits marquant
les yeux, le nez et la bouche. Le tout resplendit dans
la lumière sans aucun contraste. Était-ce
le but recherché par l'artiste?
Au nord, les deux baies 111 et 113, datées
de 1470, sont qualifiées d'«assez restaurées»
par le Corpus. La baie 112 propose un très
bel Arbre
de Jessé. Tellement beau qu'on se doute qu'il
a été restauré. Jessé y
est assis endormi entre deux prophètes, l'un
en vêtement rouge, l'autre en vert, et chacun
tient un phylactère. Parmi les rois, on ne reconnaît
que David
qui joue de la lyre. Les dix mouchettes au-dessus sont
peuplées de séraphins dessinés
selon le même carton.
La rose (baie
111) est une cour céleste d'anges adorateurs
entourant un Couronnement
de la Vierge, dans un hexalobe, en présence
de la Trinité. Le Corpus indique que le
médaillon central a été reconstitué
en 1978.
Source : Corpus Vitrearum,
Les vitraux de Haute-Normandie, éditions
du Patrimoine 2001.
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Élévations sud du chur et du transept
avec les vitraux de la Passion (1505) et du Jugement dernier
(1470). |
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Partie d'un ange souffleur dans un soufflet de la baie 17. |
La porte de Martainville et ses boiseries (croisillon nord du
transept) |
BAIES 112 & 114 - LE JUGEMENT DERNIER
ET LA PASSION |
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La rose du Jugement dernier dans la baie 112. |
La Passion (baie 114), 1505. |
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Le Jugement dernier : une femme sort de sa tombe (baie 112). |
Les apôtres dans le Jugement dernier (baie 112), vers 1470. |
Le Jugement dernier : une femme sort de sa tombe (baie 112). |
La Passion, détail (baie 114), 1505. |
Le bon larron dans la Passion (baie 114), 1505. |
Le Christ et Joseph d'Arimathie dans la Passion (baie 114), 1550. |
Un démon repousse l'angelot au-dessus
du mauvais larron (baie 114) |
La Vierge dans la Passion (baie 114). |
Marie-Madeleine dans la Passion (baie 114). |
LE TRANSEPT NORD ET SES BAIES |
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Le croisillon nord du transept avec ses vitraux de l'Arbre de
Jessé
(baie 113) et du Couronnement de la Vierge (baie 111). |
La rose du Couronnement de la Vierge (baie 111), vers 1470. |
Le Couronnement de la Vierge (baie 111). |
Un prophète dans l'Arbre de Jessé (1470). |
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La Passion : la Vierge, Marie-Madeleine et saint Jean (baie
114). |
LA TOUR-LANTERNE À LA CROISÉE |
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La clef annulaire de la tour-lanterne laisse passer
les cordes attachées aux cloches.
Elle est décorée d'une magnifique couronne flamboyante. |
La
tour-lanterne se dresse à la croisée
du transept. La photo ci-dessous montre qu'elle dégage
beaucoup d'élégance. De plan carré,
élevée à quarante mètres
du sol, son réseau de nervures attire aussitôt
le regard. Prenant en étau une magnifique clé
annulaire de style flamboyant (ci-contre) permettant
le passage des cordes liées aux cloches, il se
compose de huit nervures principales associées
à huit nervures secondaires.
Grâce à ses huit baies au tympan à
remplage flamboyant, la tour-lanterne est un véritable
puits de lumière au-dessus de la croisée.
Les baies prennent appui sur une suite de huit arcades
géminées très élégantes
dont elles sont séparées par une corniche
saillante. L'architecte a anticipé sur ce que
les fidèles verraient ou pas : les nervures de
la voûte, que l'on voit par en-dessous, ne sont
que de simples filets sans hauteur, mais la corniche,
sur sa face inférieure que l'on voit très
bien depuis le sol, est ornée d'une majestueuse
guirlande de feuilles donnée plus
bas.
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La tour-lanterne. |
Tour-lanterne : arcades flamboyantes et corniche ornée
d'une majestueuse guirlande de feuilles. |
BAIES 111 & 113 - COURONNEMENT DE LA
VIERGE ET ARBRE DE JESSÉ |
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L'Arbre de Jessé (baie 113), vers 1470. |
Des anges au-dessus de l'Arbre de Jessé (baie 113)
|
Deux mouchettes avec des anges blancs
au-dessus de l'Arbre de Jessé (baie 113).
Voir l'Arbre de Jessé de l'époque Renaissance
de l'église Sainte-Étienne
à Beauvais.
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David et sa lyre dans l'Arbre de Jessé
(baie 113).
Voir l'Arbre de Jessé de l'époque
Renaissance de l'église Sainte-Madeleine
à Troyes. |
Les Rois de Juda dans l'Arbre de Jessé (baie 113). |
Un prophète dans l'Arbre de Jessé (baie 113). |
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QUELQUES ROIS DE JUDA
DANS L'ARBRE DE JESSÉ DE 1470 |
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Documentation : Congrès archéologique
de France, 89e session tenue à Rouen en 1926, article sur l'église
Saint-Maclou par M. le chanoine Jouen
+ Haute-Normandie gothique d'Yves Bottineau-Fuchs, éditions
Picard, 2001
+ Églises de Rouen d'Edgard Naillon, éditions Henri
Defontaine, Rouen, 1941
+ L'église et l'aître Saint-Maclou, Rouen, édité
par la Région Haute-Normandie ©2012 Inventaire général
du patrimoine culturel
+ Rouen aux 100 clochers de François Lemoine et Jacques Tanguy,
éditions PTC, 2004
+ Corpus Vitrearum, Les vitraux de Haute-Normandie, éditions
du Patrimoine 2001
+ La construction des églises paroissiales, du XVe au XVIIIe
siècle par Marc Venard in Revue d'Histoire de l'Église
de France, tome 73, n°190 - 1987. |
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