|
 |
 |
Dol-de-Bretagne,
à l'est de Saint-Malo, compte aujourd'hui moins de six mille
habitants, mais son passé ecclésial est riche. Après
avoir été pillée en 1203, la ville connut un
XIIIe siècle de paix qui favorisa la production artisanale
et agricole. Proche de la côte, les Dolois pratiquaient le
commerce maritime, notamment avec l'Angleterre et malgré
les interdits royaux. Sur terre, ils profitaient d'un important
axe de circulation tout proche entre la Bretagne du nord et la Normandie.
Sa richesse venait aussi des pèlerins en route pour le Mont-Saint-Michel
ou venus à Dol
vénérer les reliques de Samson, premier primat de
Bretagne et saint très populaire.
Jusqu'à l'importante étude d'Anne-Claude Le Boulc'h
sur la cathédrale Saint-Samson parue en 1999, on situait
le début de la construction de l'édifice juste après
l'incendie de 1203 provoquée par les troupes de Jean sans
Terre ; de même, on embrassait l'élévation de
la nef dans une seule période.
On distingue maintenant mieux les événements malgré
l'absence de sources historiques.
Les routiers du roi Plantagenêt s'emparent des reliques doloises
en 1203. Elles seront gardées par l'archevêque de Rouen.
En 1223, l'évêque de Dol
les récupère à sa demande. Les temps sont apaisés
; le pèlerinage doit affirmer la puissance du diocèse
: il est temps d'élever une imposante cathédrale de
style gothique qui fera la fierté des membres du chapitre.
Le monument fera 93 mètres de long et prendra la place de
l'ancien, de style roman, le long du rempart
sud-ouest.
La construction démarre par la nef
vers 1245, les vestiges romans de la tour
nord étant réutilisés pour la nouvelle
tour. Le premier niveau
(grandes arcades et bas-côtés) est l'œuvre d'un
premier maître resté inconnu. Un deuxième maître,
tout aussi inconnu, mais certainement d'origine anglaise, est chargé
des deux niveaux supérieurs.
Il donne à l'ensemble un fort accent anglo-normand. La nef
est achevée vers 1275-1280, ainsi qu'une bonne partie du
côté ouest du transept,
ce qui permet vraisemblablement la célébration du
culte. La fin du transept,
le chœur et
les chapelles
latérales sont l'affaire d'un troisième maître
d'œuvre, dont on ne sait rien non plus, dans les dernières
décennies du XIIIe siècle. En 1301, cette moitié
orientale est pratiquement achevée. Fidèle au goût
anglais, le troisième maître a créé un
chevet plat et un déambulatoire rectangulaire. Le chevet
est creusé d'une vaste baie permettant d'illuminer le sanctuaire.
Vers 1290, la baie reçoit la célèbre maîtresse-vitre
de Dol,
qui est toujours en place.
Au début du XIVe siècle, une chapelle
d'axe est ajoutée, puis des salles annexes (sacristie,
salle capitulaire). Le grand porche
sud est bâti à cette même époque,
de même que la poursuite de l'élévation de la
tour sud.
En 1700, pour installer un grand
orgue, la grande baie occidentale est partiellement murée.
Trois baies plus modestes la remplacent, défigurant la façade
d'origine.
À la Révolution, la cathédrale devient temple de la Raison, puis
écurie et entrepôt. Un jeu de paume est même installé
dans le transept,
avec des conséquences fâcheuses sur les verrières
des bras nord et sud (voir l'historique
des vitraux de Saint-Samson). L'édifice a été
classé monument historique dès la première
liste de 1840. Prosper Mérimée y a pris une part active
(voir plus bas
des extraits de sa communication au ministre de l'Intérieur
en 1836).
La cathédrale Saint-Samson est le plus grand édifice
gothique de Bretagne. Son style très pur, très dépouillé
ne laisse place à aucune sculpture, à aucun chapiteau
élaboré. Le peu de statues, de tableaux, voire de
tombeaux que l'on y voit a été rajouté dans
les siècles suivants. Dans le bras nord du transept,
le tombeau
de l'évêque Thomas James, réalisé
en 1507, inaugure l'arrivée en Bretagne du style Renaissance.
Ajoutons qu'en août 1944 l'édifice a été
sauvé de la destruction grâce à l'entremise
de belligérants de bonne volonté. Les vitraux du XIXe
siècle ont ainsi tous survécu au conflit, tout comme
les tympans du XIIIe siècle (qui n'avaient pas été
déposés contrairement à la grande verrière
orientale, mise à l'abri en 1942).
|
 |

Vue d'ensemble de la cathédrale Saint-Samson.
La cathédrale de Dol est célèbre pour la pureté
de ses lignes et sa sobriété austère.
Un détail saute aux yeux du visiteur : les colonnettes en délit
(nord et sud) sur les colonnes monocylindriques du vaisseau central. |

La cathédrale Saint-Samson vue depuis le nord-ouest.
Au premier plan : la tour nord, renforcée vers 1520 d'un appareil
extérieur.
Le contrefort nord-ouest qui la soutient présente alternativement
un plan carré et un plan en triangle.
Sur la partie centrale de la façade, la marque d'une grande
verrière, supprimée vers 1700, est bien visible. |

Sculpture de Nominoé
dans le jardin devant la cathédrale. |
Nominoé
(vers 800-851).
Il est considéré comme le
père fondateur d'une Bretagne unifiée
et indépendante.
Refusant la tutelle de l'archevêque de Tours
sur la Bretagne, il fonde la province ecclésiastique
doloise en déposant les cinq évêques
fidèles à l'aire tourangelle.
Après ce schisme, Nominoé, selon certains
historiens, s'empara du titre de roi de Bretagne et
fut couronné par l'archevêque de Dol
en 850.
|
|
|

Le jardin devant la cathédrale. |

Sculpture en granit dans le jardin devant la cathédrale. |

Les remparts de Dol-de-Bretagne. |

Les remparts de Dol-de-Bretagne. |
La
municipalité de Dol a créé une agréable
promenade le long des remparts de la ville. |

La cathédrale de Dol et ses 93 mètres de long vus depuis
le chemin qui mène au Mont-Dol. |

La tour sud de la façade ouest.
Sa partie basse a subi une consolidation vers l'année 1700.
Le côté nord
de la cathédrale vu depuis le chevet. ---»»»
Les chapelles latérales sont surmontées d'un muret
crénelé,
rappelant le rôle défensif joué par l'édifice
qui était situé tout près du rempart sud-ouest. |
|
Architecture
extérieure (1/4). Une fois écarté
l'aspect massif, austère du monument, différentes
parties de la cathédrale de Dol
peuvent susciter l'intérêt. On se souviendra
qu'elle était autrefois, sur son côté
nord, toute proche des remparts
qui entouraient la ville. Il fallait donc que ce côté
se présentât comme un complément
du système défensif, ce qu'illustrent
les créneaux sur les chapelles nord (photo ci-dessous).
Le visiteur entre par le portail
de la façade ouest. Il faut reconnaître
que cette façade, largement décriée,
se rapproche plus du blockhaus que de l'élément
cultuel de l'ère gothique. Les tours nord et
sud s'imposent de leur masse presque aveugle et prennent
en étau la partie centrale. Cette dernière
n'est ouverte que de trois petites fenêtres en
plein cintre : c'est le résultat des transformations
du tout début du XVIIIe siècle quand on
dressa un buffet d'orgues contre la façade. Le
Moyen Âge y avait creusé une haute fenêtre
dont le pourtour est encore bien visible. À travers
une vaste verrière, la lumière inondait
toute la nef.
Le portail
ouest et son appareil tout simple remplacent un
ancien porche hors œuvre à trois arcades,
vraisemblablement supprimé lui aussi lors de
l'installation de l'orgue. Ce porche «devait comporter
un étage, accessible depuis un étroit
passage latéral dans la tour
nord», écrivent Philippe Bonnet et
Jean-Jacques Rioult dans Bretagne gothique (Picard,
2010). Pourquoi ce porche, qui ne gênait en rien
l'orgue, a-t-il été supprimé ?
Sans apporter de réponse, les deux historiens
rappellent le contexte dolois à l'époque
: «Il est vrai que cette partie de la cathédrale,
expliquent-ils, située sous l'Ancien régime
dans un cul-de-sac formé par le coude de l'enceinte
urbaine ne fut guère privilégiée.»
Les étages apparents des tours ne se correspondent
pas. D'ailleurs les marques de séparation horizontale
de la tour sud (donnée ci-contre) ne correspondent
pas non plus à ses étages intérieurs.
La tour
nord possède un soubassement roman, bien
visible à l'intérieur de l'édifice.
Vers 1520, il menaçait ruine. L'évêque
Mathurin de Plédran le fit renforcer à
l'extérieur sur la totalité de son pourtour
et en profita pour y faire graver ses armes (que la
Révolution martela). De puissants contreforts
consolidèrent l'élévation. Celui
de l'angle nord-ouest présente une étonnante
alternance de plans carrés et de plans en triangle
(voir photo
du haut). Tous les étages de cette tour sont
ornés de bas-reliefs
de style gothique Renaissance, ce qui est considéré
comme exceptionnel en Bretagne. ---»» Suite
2/4
|
|
 |
|
Architecture
extérieure (2/4). ---»»
La tour
sud comprend quatre étages, tous bâtis
à différentes époques. Celui du
bas inclut les vestiges de la cathédrale romane,
mais date, pour l'essentiel, du XIIIe siècle.
Au-dessus, l'étage est orné d'arcatures
aveugles en tiers-point.
Les deux premiers étages de cette tour ont été
renforcés, au sud et à l'est «par
un massif de consolidation, exécuté de
1699 à 1701, grâce à une subvention
de 23.000 livres votée par les États de
Bretagne», écrit René Couffon pour
le Congrès archéologique de 1968.
L'étage suivant est du XVe siècle. Quant
au clocher (quatrième étage) il remonte
à la première moitié du XVIe siècle.
Son décor d'arcatures en plein cintre, aveugles
ou ajourées, est typique de l'époque.
Les différences très nettes entre l''élévation
de la nef et celle du chœur engagent à faire
le tour de l'édifice, ce que la topographie du
lieu permet facilement. La coupure dans les époques
de construction est évidente. Au couple
assez sobre des fenêtres de la nef (qui sont à
deux lancettes et oculus surmonté d'une simple
baie en tiers-point) a succédé, dans le
chœur, un appareil à l'ornementation plus
recherchée : un couple
de baies en tiers-point à trois lancettes
surmonté d'un tympan riche d'un quadrilobe et
deux trilobes. Mais, quel que soit le travail réalisé
sur les baies, la pierre de granit impose sa grisaille
austère.
Deux éléments sont à noter sur
le côté sud : le «petit
porche» et le portail
sud.
Le petit
porche date de la seconde moitié du XIIIe
siècle. Il donnait un peu d'ampleur au portail
privé réservé à l'évêque.
Au XVe, sous l'épiscopat de l'évêque
Cœuret, il fut profondément modifié.
Le prélat en profita pour faire graver ses armoiries
dans un écusson tenu par deux lions et surmonté
de la tiare papale et du chapeau d'évêque.
Une nouvelle modification eut lieu au début du
XVIe ; la dernière date de l'année 1906.
---»» Suite 3/4
|
|
 |
|

La tour nord est restée inachevée.
Ponctuée de petites fenêtres, un escalier à vis
s'élève jusqu'au dernier étage.
«««---
Ensemble de bas-reliefs gothiques sur un étage de la
tour nord. |
|

Le portail très sobre de la façade ouest montre
clairement
qu'on a jadis supprimé un porche à trois arcades. |

Élévation nord du chœur et ses baies à
trois lancettes et à tympan à remplage. |
|

La nef : Élévations du premier et du second
niveau.
Sur les deux niveaux, les baies sont plus simples
que celles du chœur. |

Une gargouille sculptée dans la pierre de granit
(bras sud du transept). |
|

Le chœur : Élévation de second niveau
et contreforts.
Le remplage des tympans comprend un quadrilobe et deux trilobes. |

Les armoiries de l'évêque Étienne
Cœuret sur le
«petit porche» contiennent un semis de cœurs. |
Le
«petit porche» était
réservé à l'évêque,
le palais épiscopal se situant juste en
face. Toutefois, Anne-Claude Le Boulc'h, dans
son étude très fouillée sur
la cathédrale de Dol
(1999), signale que, d'après des sources
anciennes, ce passage était en fait une
galerie couverte. Quant au petit porche, il aurait
été d'accès libre pour tout
le monde.
|
|
|

Le portail sud dit «petit porche» était réservé
à l'évêque.

Selon l'historien René Couffon, ce porche, à l'origine,
a servi de modèle
au porche nord de la cathédrale Saint-Corentin
à Quimper. |
|

Le porche Saint-Magloire termine le bras sud du transept. |
Architecture
extérieure (4/4). ---»»
Sur les trois côtés, les écoinçons
et les voussures recevaient un décor sculpté,
riche de statuettes et de bas-reliefs. S'y trouvaient
illustrées la Vie du Christ, celle de saint Samson,
de saint Judicaël, de sainte Catherine, de Nominoé,
auxquelles il faut ajouter celles d'autres rois et de
saints bretons. Tout ce décor a été
détruit à la Révolution et refait
en 1898. Au XXe siècle, au sud et à l'est,
les statuettes des voussures ont été remplacées
par de simples moulures.
Au XIIIe siècle, fidèle à l'influence
anglaise, la cathédrale se terminait, à
l'est, par un chevet plat, orné d'une
grande
verrière plus vaste que celles des bras du
transept. Au XIVe, une chapelle d'axe, dédiée
à l'origine à saint Samson, mais à
présent au Saint-Sacrement, a été
ajoutée. Cette chapelle gothique modifie totalement
l'aspect du chevet qui est cependant toujours soutenu
par deux grands arcs-boutants. Sans doute l'objectif
de cet ajout était-il de contrebuter le chevet.
Sources : 1) Congrès
archéologique de France, Haute-Bretagne, 1968
; 2) Bretagne gothique de Philippe Bonnet et
Jean-Jacques Rioult; 3) La cathédrale de Dol
d'Anne-Claude Le Boulc'h.
|
|
|
Architecture
extérieure (3/4). ---»»
En 1968, pour le Congrès archéologique
tenu en Haute-Bretagne, René Couffon, sans doute
dépité, écrit qu'«il fut
décoré de feuillages dans le plus pur
style Viollet-le-Duc.» Et il ajoute : «Il
serait fort opportun de lui rendre son aspect primitif,
ce qui paraît aisé, le porche nord de Saint-Corentin
à Quimper s'en étant très fortement
inspiré.» Le problème est que, sur
le côté nord de la cathédrale de
Quimper, outre une petite porte, il y a deux vrais portails
: l'un, avec une seule arcade, termine le bras nord
du transept ; l'autre est un porche secondaire, avec
deux arcades. René Couffon doit faire référence
au second. Voir ces deux portails plus
bas.
Les baies des bras nord et sud du transept reçoivent
d'imposantes verrières. On y voyait jadis des
vitraux anciens que la Révolution a cassés.
Depuis les années 1880, ont pris place des créations
de l'atelier manceau Jacquier et Küchelbecker (Vie
de sainte Anne et Vie
de saint Magloire).
Le bras sud se terminait à l'origine par deux
portes jumelles encadrées par un petit porche
en berceau (voir plan).
Le grand porche qui le précède maintenant
(photo à gauche), bâti au XIVe siècle,
a été renforcé peu après
sa construction par deux lourds massifs recevant colonnettes,
gâbles et statues (ces dernières ont disparu).
Ce grand porche, dédié à Saint-Magloire,
s'ouvrait par trois grandes arcades semblables à
celle que l'on voit toujours au sud (photo ci-dessous)
: arcade en tiers-point ; voussures moulurées
; scènes sculptées dans les écoinçons.
Sous l'épiscopat d'Étienne Cœuret
(début du XVe siècle), les côtés
est et ouest ont été murés dans
leur partie basse et ornés d'un remplage gothique.
---»» Suite 4/4
|
|

Le porche dit «Saint-Magloire» vu du côté
sud.
Au fond, les portes jumelles datent du XIIIe siècle.
Ce passage est en général fermé. L'entrée
dans la cathédrale se fait par le portail
de la façade ouest. |
|

Voussures et écoinçon sculptés dans le
porche Saint-Magloire (côté nord).
Détruit à la Révolution, l'ensemble a été
refait en 1898. |

Écoinçon sculpté du porche Saint-Magloire,
côté sud.
Détruites à la Révolution, les saynètes
ont été refaites en 1898.
Les statuettes dans les voussures (refaites en 1898) ont été
supprimées au XXe siècle. |
CATHÉDRALE
SAINT-CORENTIN
À QUIMPER ---»»»
Deux porches sur le côté nord.
Selon l'historien René Couffon, le «petit
porche» de la cathédrale de Dol ressemblait
vraisemblablement, à l'origine, au porche à
deux arcades ci-contre, à l'extrême-droite. |
|
|

Le côté ouest du porche Saint-Magloire a été
muré sous l'épiscopat
d'Étienne Cœuret (début du XVe siècle)
et un remplage ajouté sous l'arcade. |

Porche du bras nord du transept.
Cathédrale Saint-Corentin
à Quimper. |

Porche occidental sur le côté nord.
Cathédrale Saint-Corentin
à Quimper. |
|
|

Élévations sud de la nef de la cathédrale Saint-Samson.
Face au vaisseau central, les colonnettes en délit sont reliées
à la pile monocylindrique par trois queues de pierre. |
Architecture
de la nef (1/2). La cathédrale de
Dol
est réputée pour la pureté de ses
lignes, tout comme pour son austérité.
Richesse des formes, dégradés des tiers-points,
rétrécissement des arcades à mesure
que l'on monte d'étage, dépouillement
étudié de la pierre, «arcades dans
les arcades» au deuxième niveau apportant
une petite touche romane : quelle élégance
dans l'élévation de la nef ! Tout y est
pour satisfaire l'œil. Le visiteur admire immédiatement
la beauté de l'ordonnancement que ne vient atténuer
aucune surcharge.
Une fois élevé le premier niveau de la
façade, les bâtisseurs continuèrent
par la nef, probablement vers 1245-1250. Son premier
niveau s'étale sur six travées (sans compter
le vestibule entre les deux tours). Le maître
d'œuvre en est inconnu. Le style choisi (colonnes
monocylindriques et fenêtres des bas-côtés
à deux lancettes surmontées d'un oculus)
trahit une forte influence normande. Il n'a pas réalisé
les niveaux supérieurs, mais qu'avait-il prévu
? Les historiens ne le savent pas. Peut-être une
prolongation du style normand avec des murs peu épais,
sans galerie de circulation, et des fenêtres hautes
simples laissant un important plein de mur.
L'arrivée d'un deuxième maître
bouleversa le projet. Influencé par le style
anglais, celui-ci modifia le premier niveau pour l'adapter
à l'idée architecturale qu'il voulait
imposer dans les niveaux supérieurs. Prosper
Mérimée, qui connaissait la cathédrale
de Salisbury, visita Saint-Samson en 1835 et ne s'y
trompa pas : le style anglais était très
présent (voir plus
bas). L'architecte fit entourer les colonnes monocylindriques
de la nef par quatre colonnettes en délit disposées
en croix. Étant au niveau des yeux, cet ajout,
très voyant, modifie grandement le style de l'ensemble.
Le deuxième maître a pu inclure facilement
sa modification du côté de la nef et du
côté de l'arcade : prolongement de la colonnette
jusqu'à la retombée des voûtes ;
ajout d'une moulure sous l'arcade. En revanche, du côté
du collatéral, il a dû se contenter d'un
pis-aller fort curieux : la colonnette en délit
ne débouche sur rien ! Voir photo en gros plan
plus
bas.
Ce n'est pas tout car, de son côté, dans
les collatéraux, la retombée des voûtes
présente une liaison un peu bâclée.
Dans leur ouvrage Bretagne gothique, Philippe
Bonnet et Jean-Jacques Rioult soulignent le travail
réalisé par le premier maître du
côté des murs gouttereaux (colonnes encastrées
dans des gaines bien visibles), et remarquent qu'«en
face, faute de place, les nervures des voûtes
retombent maladroitement, à l'étroit sur
les tailloirs des piles de la nef.». Par chance,
cette liaison disgracieuse est nettement au-dessus de
la hauteur des yeux. ---»» Suite 2/2
|
|

Bas-relief rappelant la sauvegarde
de la cathédrale en août 1944. |

Bénitiers en pierre des XIVe et XVe siècles
dans le vestibule.
Bénitier
avec ornementation florale ---»»» |
|
|
Une
bonne action. Dans les guerres, il
se trouve toujours des hommes de bonne volonté
pour éviter les bains de sang et les destructions.
C'est en 2008 que l'on apprit que les Américains
avaient prévu, en août 1944, de pilonner
Dol
pour prendre la ville.
Grâce à l'initiative du colonel US
Robert Foster de la 83e division d'infanterie,
un homme sans aucun doute sensible aux vieilles
pierres, la ville et la cathédrale furent
sauvées.
Celui-ci ordonna au sergent Pusta et au caporal
O'Donnel de se porter en avant et d'aller trouver
le maire de Dol
par intérim. Objectif : le convaincre de
discuter avec l'ennemi retranché dans la
place pour trouver un accord d'évacuation.
En pleine nuit, ils allèrent parlementer
avec l'officier allemand qui commandait la troupe
d'occupation. L'officier ennemi accepta d'évacuer
la ville dans la direction de son choix «sans
reddition et dans l'honneur», sauvant la
cathédrale d'une destruction certaine.
Sources : 1) article
de Pierre-Yves Leprince dans la presse locale
; 2) plaque du souvenir dans l'église.
|
|
 |
|
|
|

L'élévation à trois niveaux dans la nef. |
Architecture
de la nef (2/2). ---»» Autre
problème : comment relier les quatre colonnettes
à la pile monocylindrique ? Le maître a
opéré sur deux plans : esthétique
et structurel.
Pour l'esthétique, il a créé des
queues de pierre installées au niveau de tambours
sculptés résolument plus minces que les
autres. Ces queues produisent un lien visuel entre les
éléments d'architecture, mais ne servent
en rien la solidité de l'ensemble. Pour le structurel,
donc pour la jointure des cinq éléments
verticaux, le seul moyen était d'utiliser des
tirants métalliques.
Dans son étude très fouillée sur
la cathédrale, Anne-Claude Le Boulc'h écrit
en 1999 : «Ces derniers [les tirants] disposés
sur trois niveaux, relient les quatre colonnes flanquant
le noyau [la pile centrale] les unes aux autres, de
manière à éviter tout déversement.
Nous avons ici un bel exemple d'utilisation du fer dans
la construction gothique.» S'agit-il vraiment
de relier toutes les colonnettes au «noyau»
? Une observation attentive (voir les deux photos plus
bas) permet d'en douter.
Il est clair que le deuxième maître voulait
renforcer la résistance des colonnes monocylindriques
pour réaliser une élévation selon
ses plans. Le renfort étant loin d'être
parfait, il a dû veiller à adapter la structure
de l'élévation. Sur des parois murales
assez minces, la répartition des charges est
astucieusement menée. «Les arcades principales
[au niveau du triforium] sont en effet doublées,
en retrait de leurs rouleaux, écrivent Philippe
Bonnet et Jean-Jacques Rioult, par d'autres arcs qui,
travaillant à la manière de petites voûtes,
répartissent les charges et soulagent les parties
inférieures de l'élévation.»
Le même système est adopté au troisième
niveau. Remarquons que cette pratique des «arcades
dans les arcades» rappelle l'art roman.
Enfin, les choix du premier maître (murs peu épais)
ont influencé l'aspect global du triforium. Le
deuxième maître a dû y pratiquer
un enfoncement assez large derrière les colonnettes
montantes pour créer un passage coupé
par des fausses portes. Un système similaire
a été adopté au troisième
niveau : petites arcades pour contribuer à la
répartition des charges et création de
passages normands à travers l'embrasure des fenêtres.
Le miracle de cette architecture doloise est que les
impératifs structurels, loin de dégrader
la beauté esthétique de l'ensemble, y
contribuent fortement...
Qu'en est-il de la lumière ? La nef n'est éclairée
que par les fenêtres des bas-côtés
et celles, plus réduites, du troisième
niveau. C'est peu. Il faut rappeler qu'il y avait à
l'origine une grande verrière sur la façade
occidentale, suffisante pour apporter un éclairage
apte à unifier les trois niveaux d'élévation.
De plus, Anne-Claude Le Boulc'h le souligne, cette source
de lumière faisait ressortir les volumes et les
creux d'une paroi «travaillée avec soin».
L'historienne termine son commentaire sur les fenêtres
hautes par une remarque sur l'équilibre général
de la nef, un équilibre qui jouait sur les oppositions
: «Cette verrière occidentale très
monumentale, écrit-elle, rompait le rythme ternaire
de l'élévation puisqu'elle occupait une
hauteur équivalente à celle des deux niveaux
supérieurs des murs gouttereaux.»
Sources : Bretagne
gothique de Philippe Bonnet et Jean-Jacques Rioult,
éditions Picard, 2011 ; 2) La cathédrale
de Dol d'Anne-Claude Le Boulc'h, Presses universitaires
de Rennes, 1999.
|
|
«««--- Baie 15 : Vitrail des
saints Roch et Gilles, détail.
Atelier Henry Ely, Nantes, 1876.

1) Saint Gilles, protégeant sa biche, reçoit
une flèche ;
2) Saint Roch et son chien.
|
|
|

Tirant métallique en haut d'une pile de la nef.
Le tirant métalllique lie à la pile la colonnette située
sous l'arcade,
mais pas la colonnette qui est en face du vaisseau central. |

Queue de pierre et tirant métallique en bas d'une pile de la
nef.
Le tirant métallique disparaît au niveau de la colonnette
de l'arcade.
Il ne semble pas lier cette colonnette à la pile. |

Élévation dans la nef : le deuxième niveau est
un triforium aveugle.
Le système d'arcatures répartit les charges pour soulager
le premier niveau de l'élévation. |

Élévation dans la nef : le troisième niveau.
Comme le deuxième, il est conçut pour répartir
les charges et soulager le premier niveau. |

Plan de la cathédrale Saint-Samson.
Le chœur est à chevet plat et déambulatoire,
typique de l'art gothique anglais.

Nef : entre 1245-1270 ;
Transept et chœur : entre 1270 et 1300 ;
Chapelle axiale : premier tiers du XIVe siècle. |

Baie 15 : Vitrail des saints Roch et Gilles.
Atelier Henry Ely, Nantes, 1876. |

Chaire à prêcher
Fin du XIXe siècle. |

Partie arrière de la chaire à prêcher.
Fin du XIXe siècle. |

Bénitier en marbre rouge à sculpture en godrons.
XVIe siècle. |
|

La cuve de la chaire à prêcher (fin du XIXe siècle). |

Baie 15, détail : Saint Gilles fonde le monastère
Saint-Gilles-du Gard.
Atelier Henry Ely, 1876. |

L'ange de l'abat-son de la chaire à prêcher.
Fin du XIXe siècle. |
|
Dol-de-Bretagne
contre Tours (1/2).
La rivalité ecclésiastique médiévale
entre Dol-de-Bretagne
et Tours
est sans doute un épisode de l'histoire de la Bretagne
peu connu des Bretons. Il faut dire que Dol,
avec moins de six mille habitants à l'heure actuelle,
très loin derrière Rennes, Quimper ou Nantes,
est loin de rappeler sa grandeur passée.
Tout part du VIe siècle. Quittant le Pays de Galles,
le moine Samson vient en Armorique, au mont Dol et
y fonde une abbaye-évêché. Surgit ensuite
la Vita Samsonis, une compilation de légendes
et de mystères sur laquelle les historiens planchent
toujours. Cette Vita prétend que le roi mérovingien
aurait consacré Samson Archepiscopatum totius Britanniae.
L'événement est loin d'être sûr,
néanmoins il va asseoir la volonté métropolitaine
de Dol
à régenter l'Église de Bretagne.
Vers 816-819, le roi carolingien Louis le Pieux réforme
l'Église : rôles et statuts des clergés
régulier et séculier sont redéfinis.
Cinq circonscriptions diocésaines voit le jour : Alet,
Dol,
Saint-Pol-de-Léon, Quimper et Vannes, toutes suffragantes
de l'archevêché de Tours
(c'est-à-dire sous son 'autorité). Mais un certain
Nominoé
(vers 800-851), qui a été missus de Louis
le Pieux en Bretagne, relève la tête car, dans
la province, commence à naître un sentiment d'unité
et une volonté d'autonomie. Conséquence : à
la mort de Louis, les velléités séparatistes
de l'épiscopat breton s'opposent au nouvel empereur
Charles le Chauve et à ses successeurs. Le concile
de Coitlouh, en 849, en est une illustration majeure.
Nominoé
accusait les cinq évêques bretons de corruption.
La voie légale pour les destituer passait par les évêques
carolingiens, mais Nominoé
transgressa la règle : il chassa les cinq évêques
au cours du concile et les remplaça par cinq autres...
aussitôt excommuniés par le pape puisque non
consacrés par leur archevêque de tutelle, à
Tours.
En 850, Nominoé
enfonça le clou et se fit couronner roi par l'archevêque
de Dol.
Le pallium était au cœur de la querelle. C'est
une petite étoffe blanche, toujours d'actualité,
portée en haut de la chasuble des plus hauts dignitaires
de l'Église et insigne de la dignité papale
ou métropolitaine. L'accorder ou pas ? C'était
le pape qui décidait. Une des raisons qui le poussaient
à refuser était la taille de la province bretonne
: cinq évêchés, c'était peu. En
851, cependant, les comtés de Rennes et de Nantes vinrent
s'y rajouter : le périmètre métropolitain
s'affirmait. Pourtant, il restait un écueil : à
qui donner le pallium ? Rennes et Nantes, soumises à
Tours,
étaient trop récentes dans l'aire bretonne et
Dol,
pour le Saint-Siège, n'était pas légitime.
Or, parmi les cinq évêchés bretons, seul
l'évêque dolois n'était pas excommunié...
Un nœud inextricable. ---»» Suite 2/2
à droite.
|
|

Oculus de la baie 23 : un ange tient un écu aux armes
de Bretagne.
Milieu du XVe siècle. |

Baie 10 : Vitrail des saints Sébastien, Michel et Louis.
Atelier Henry Ely, 1876. |
 |
|
Dol-de-Bretagne
contre Tours (2/2).
---»» An 865 : première demande
officielle de pallium par le prince breton Salomon et premier
refus du pape, Nicolas Ier. À cette époque où
politique et religion sont liées, faire de la Bretagne
un archevêché, c'est immanquablement renforcer
l'autorité du prince. Refuser est un geste de défiance.
Pour forcer la main du pape, les moines bretons s'activèrent.
Une redite de la première Vita enrichie de préoccupations
politiques fut rédigée dans un monastère.
Cette Vita secunda rappelait que l'autorité
archiépiscopale sur toute la Bretagne avait été
conférée, quelques siècles plus tôt,
à Samson par l'empereur carolingien. Mais rien n'y
fit.
Le refus de 865 ouvrit une querelle de plus de deux siècles
: Tours
va réclamer sans cesse le retour des évêchés
félons sous son autorité ; l'évêque
de Dol
et le roi de Bretagne vont réclamer au pape le pallium
et tout faire pour soustraire l'Église bretonne à
la mainmise tourangelle.
Le Xe siècle breton, marqué par les invasions
scandinaves, reste obscur. Un certain Wicohen s'est déclaré
archevêque malgré les plaintes de Tours.
Son successeur, Junguenée, commença, quant à
lui, à démembrer les biens de son église,
suivi par l'archevêque Juhel qui fit pis : nombreux
délits et dispersion des biens à des fins de
clientélisme.
Au XIe siècle, la réforme grégorienne
s'attaqua aux maux où était tombée l'Église
; elle arracha aux princes les prérogatives d'ordre
religieux qu'ils s'étaient attribuées. À
Dol,
Grégoire VII fit chasser Juhel. Son remplaçant,
l'évêque Even, reçut le pallium (enfin
!), le temps que le Vatican examine le bien-fondé des
revendications de Tours.
Grégoire VII voulut aussi récupérer les
biens d'Église dispersés : il exigea des évêques
bretons qu'ils se soumettent à l'archevêque de
Dol.
Dans son étude sur la cathédrale Saint-Samson,
Anne-Claude Le Boulc'h le souligne : «C'est ainsi, écrit-elle,
que, pour la première fois, le Saint-Siège reconnut
canoniquement la métropole bretonne.»
En fait, pour ce qui est du pallium, Rome ne tranchera pas
: ce sera tantôt oui, tantôt non, selon l'évêque
de Dol
en place, malgré les protestations de Tours.
Au XIIe siècle, la politique surgit dans la querelle.
Henri II Plantagenêt soutient Dol
; les rois de France soutiennent Tours.
L'opposition entre Capétiens et Plantagenêts
place le duché dans une situation difficile En Armorique,
les seigneurs ne s'occupent plus des querelles d'Églises
et peu d'évêques soutiennent Dol.
Henri II Plantagenêt s'éteint en 1189, son fils
Richard Cœur de Lion, en 1199. Très vite, son
frère, Jean sans Terre, s'embourbe dans les arcanes
de la succession bretonne, précipitant le duché
du côté de Philippe Auguste. Enfin, le 1er juin
1199, le pape Innocent III promulgue une sentence qui se veut
définitive : Dol
est déclaré suffragant de Tours.
Les liens entre la Bretagne et la France en sont renforcés.
Malgré tout, le clergé dolois veut affirmer
son indépendance et sa fierté bretonne. Mettant
à profit la présence de nombreuses reliques,
il fait entreprendre, vers 1245, la construction de Saint-Samson.
Pour l'historienne Anne-Claude Le Boulc'h, son appel à
des maîtres anglais pour élever la majeure partie
de l'édifice, ou, tout au moins, à des maîtres
très influencés par le style anglais serait
un pied de nez à l'autorité de l'archevêque
de Tours.
Elle écrit : «En effet, entre les années
1240 et la fin des années 1260, le chœur de la
cathédrale
de Tours était en construction, et il avait été
conçu, notamment pour les parties hautes, selon les
dernières innovations de l'art rayonnant. Les commanditaires
de la cathédrale de Dol
cherchèrent peut-être à rivaliser avec
leur église métropolitaine, en faisant construire
un édifice aussi imposant, mais faisant référence
à un tout autre vocabulaire architectural.»
Malgré la sentence du pape Innocent III, la querelle
entre Tours
et Dol
va continuer. Dans son ouvrage Quand les cathédrales
se mesuraient entre elles, paru en 2021, l'historien et
théologien Yves Blomme prend le contrepied de la voie
apaisée entre les deux cités défendue
jusque-là par ses confrères. À ses yeux,
en effet, profitant des divergences d'opinion entre les papes,
voire des oppositions, qui finissent par rendre caducs les
verdicts de Rome, les évêques dolois vont continuer
encore longtemps à se qualifier d'archiepiscopus
Dolensis. En 1299 par exemple, Boniface VIII, adversaire
acharné de Philippe le Bel, édicta une bulle
extrêmement favorable à leurs prétentions.
La verrière
orientale de la cathédrale, posée vers 1290,
illustre, dans sa septième lancette, cette rivalité
et ce désir d'affirmation des évêques
bretons. Yves Blomme le souligne : chacun des six panneaux
de cette lancette montre un archevêque entouré
de six évêques (voir une illustration plus
bas) ; le prélat au centre porte le pallium et
tient la croix archiépiscopale ; de plus, il est auréolé.
Chacun des six panneaux comprend donc, en son centre, l'un
des six premiers évêques canonisés de
la métropole doloise : Samson, Magloire, Budoc, Leucher,
Thuriau et Géneré. Chaque archevêque est
entouré de ses suffragants : les évêques
de Quimper, Léon, Alet, Tréguier, Saint-Brieuc
et Vannes. Yves Blomme conclut : «Nous avons donc affaire
à une représentation historicisante de la primauté
de Dol,
exécutée à l'heure où le conflit
avec l'archevêque de Tours
reprenait un ton virulent, car la verrière est vraisemblablement
antérieure à la sentence de Boniface VIII de
1299.»
Depuis le VIe siècle, l'évêché
de Dol
était très éparpillé : on comptait
33 enclaves en Bretagne et en Normandie. Ces enclaves étaient
regroupées en sept doyennés, le premier étant
bien sûr celui de Dol.
La Révolution supprima l'évêché
de Dol
et répartit les enclaves dans les évêchés
créés ou subsistant dans le nouveau découpage.
Ainsi, en 1790, Rennes est promue métropole et évêché
départemental d'Ille-et-Vilaine, incluant le doyenné
de Dol.
Le Concordat de 1801 ne rétablit pas l'évêché
dolois. C'en est fini des rêves de gloire. «Dol
est incorporé au diocèse de Rennes. En 1880,
les archevêques de Rennes joignent à leurs titres
celui d'évêque de Dol»,
écrit Jean-Paul Duquesnoy dans l'Atlas historique
des diocèses de France (Archives & Culture,
2020)
Sources : 1) La cathédrale
de Dol d'Anne-Claude Le Boulc'h, Presses universitaires
de Rennes, 1999 ; 2) Quand les cathédrales se mesuraient
entre elles de Yves Blomme, Ausonius Éditions,
2021.
|
«««---
Baie 10, détail :
Saint Louis porte la couronne d'épines à la Sainte
Chapelle.
Atelier Henry Ely, 1876. |
|
 |

Baie 10, détails (atelier Henry Ely, 1876) :
En haut : La pesée des âmes ;
en bas : Saint Louis rendant la justice. |

Bas-côté sud.
La suite de colonnettes «rompues» est ici bien visible. |
|

Le bas-côté nord et sa voûte d'ogives.
On note les raccords grossiers des retombées d'ogives vers le
vaisseau central. |
Irrégularités
architecturales (1/2).
En voulant modifier l'aspect général
de la nef pour le rapprocher du style anglais, le deuxième
maître d'œuvre dut accepter des concessions
fâcheuses.
La photo de droite montre la disposition des tombées
d'ogives dans les bas-côtés. Parmi les
quatre colonnettes rajoutées tout autour de la
pile cylindrique élevée par le premier
maître (et qui ont toutes, selon l'historienne
Anne-Claude Le Boulc'h, une très haute qualité
de granite), celle qui se trouve du côté
du collatéral reste dans le vide (flèche
jaune), ce qui est assez disgracieux. Les nervures elles-mêmes
retombent sur le tailloir de la pile sans aucun souci
de continuité (flèches bleues). Heureusement
pour le maître, cette jonction brutale est au-dessus
de la hauteur des yeux.
Au premier plan, la colonnette a été prolongée
d'un bandeau mouluré sous l'arcade. La trace
de l'ajout est assez nette.
Pour les historiens, le premier maître d'œuvre,
influencé par le style normand, voulait mettre
en place une ornementation digne de ce nom, notamment
dans les chapiteaux du vaisseau central.
Le deuxième maître a opté pour le
dépouillement, ce qui a commencé par la
casse des parties des chapiteaux contre lesquelles les
quatre colonnettes devaient s'appuyer... Les chapiteaux
des nouvelles colonnettes ne sont qu'une succession
de crochets.
---»» Suite 2/2
ci-dessous.
|
|

Chapiteau dans le bas-côté sud avec ses retombées
d'ogives. |

Chemin de croix : Jésus est descendu de la croix. |

L'Archange Michel terrassant le démon
(dessin d'après Raphaël).
Baie 10, atelier Henry Ely, 1876. |
|
|

Baie 17, détail : Jésus au jardin des Oliviers.
Atelier Henri Ely, Nantes, 1873. |
Irrégularités
architecturales 2/2).
---»» Dans son rapport au ministre
de l'Intérieur en 1835, Prosper Mérimée
porte une analyse intéressante sur ces quatre colonnettes.
Après avoir parlé de la colonnette qui fait
face au vaisseau central, Mérimée écrit
: «Dans les bas-côtés, même décoration
; seulement, on le sent bien, la colonnette est infiniment
moins élevée, et n'arrive qu'à la hauteur
de la naissance des arcades inférieures. Ces colonnettes
si frêles sont de granit, probablement bien garnies
d'une armature de fer. Je prise peu les tours de force, et
celui-ci a un défaut majeur, c'est qu'on ne s'en aperçoit
pas au premier abord. En effet, la colonnette est si près
du pilier et de la muraille qu'on peut l'y croire engagée
; ce n'est qu'en la touchant, pour ainsi dire, qu'on reconnaît
la difficulté vaincue. Or, ce me semble, le premier
mérite d'un tour de force, si tant est qu'il y ait
du mérite à faire une chose inutile, c'est d'étonner
le spectateur. Ici, l'étonnement ne vient qu'avec la
réflexion. À tout prendre, ce long fil de pierre
suspendu entre la voûte et le pavé ne nuit pas
à l'effet général et remplace parfaitement
la longue ligne verticale qui sépare les travées
dans tous les temples gothiques.»
Source : Notes d'un voyage
dans l'Ouest de la France de Prosper Mérimée,
1836.
|
|

Chemin de croix : Jésus rencontre les filles de Jérusalem. |
Sculpture
en granit. Les colonnes «rompues»
en délit sont la plupart du temps laissées
avec leur section supérieure «sèche».
Mais il arrive qu'un artisan, sans doute ému
par le vide et peut-être aussi par l'incongruité
de ce choix architectural, ait embelli cette section
avec une petite sculpture. C'est ce que montrent les
photographies ci-contre et ci-dessous.
|
|
|

Colonnette «rompue» en délit surmontée d'un personnage.
Le tirant métallique de liaison est ici bien visible. |

Personnage (prophète?) sculpté dans le granit
au sommet d'une colonnette «rompue» en délit.
Baie 17 : Vitrail
de la Passion ---»»»
Atelier Henri Ely, Nantes, 1873. |
|

|

Le bas-côté nord aboutit à la chapelle
Notre-Dame. |
|

La croisée du transept et l'autel de messe créé
au XXe siècle.
Au fond, le tombeau
de l'évêque Thomas James dans le bras nord
du transept.
La pile orientale, où se trouve le Christ en croix, est
plus massive que la pile occidentale visible ci-dessous. |

L'autel de messe et la première travée de la nef.
La pile occidentale de la croisée (ci-dessus) est moins
massive que la pile orientale (visible dans la photo à
droite). |
Pourquoi
trois maîtres d'œuvre ?
La disparition des sources historiques relatives
à la construction de Saint-Samson empêche
les archéologues de dresser une histoire précise
et rigoureuse du monument. La seule solution est de
se livrer à un examen architectural en profondeur.
Anne-Claude Le Boulc'h est la première
à l'avoir fait. Elle a concrétisé
ses résultats dans sa thèse de doctorat
soutenue en 1998.
De son analyse minutieuse du bâti, de l'observation
des raccords de maçonnerie, de la différence
des styles, elle a déduit une succession possible
d'étapes menées par des maîtres
d'œuvre supposés différents.
Ces reconstructions historiques reposent avant tout
sur la logique. Voir le problème similaire posé
par la nef de l'église Saint-Jacques
à Reims.
À Saint-Samson, on ne sait rien de la succession
de ces trois maîtres et des interruptions dans
la construction. Y a-t-il eu renvoi ? maladie ? décès
? changement d'avis de la part du chapitre ? succession
d'un fils à son père ? Mystère.
|
|

Baie 216 : Vitrail de la VIE de SAINTE ANNE
Atelier Jacquier et Küchelbecker, Le Mans, 1887.
Bras sud du transept. |
Les
vitraux de la cathédrale Saint-Samson (1/2).
Les églises de Bretagne sont riches de vitraux
de l'époque Renaissance, mais rares sont ceux
antérieurs au XVe siècle. Saint-Samson
en possède quelques-uns, d'où son intérêt
historique.
L'édifice a reçu des vitraux au fur et
à mesure de sa construction. D'après le
Corpus Vitrearum, le premier parti, arrêté
vers 1280, a été de poser des verres colorés
dans la grande
baie orientale et les bras du transept.
Les baies de la nef
et du chœur
auraient reçu des grisailles claires. Puis le
XIVe siècle a enrichi la vitrerie de quelques
œuvres de son cru, en plus de quelques restaurations.
Aucune de ces créations ne nous est parvenue
sans dommages. Le XIXe siècle a abondamment complété,
voire modifié, ce qui était tombé
entre ses mains. Seule la grande
baie orientale (baie n°100), appelée
maîtresse-vitre, conserve globalement son
vitrage d'origine. À part quelques tympans anciens
(baies n°8,
11,
14),
à part aussi deux baies partiellement du XIIIe
siècle dans le bras sud du transept (n°211
et 212)
qui affichent des évêques sans auréole,
le reste provient des ateliers du XIXe siècle.
Le principal est celui de Jacquier et Küchelbecker,
au Mans, auteur des grandes verrières nord et
sud du transept (Vie
de sainte Anne et Vie
de saint Magloire), Dans la chapelle
d'axe, la vitrerie (dix saints archevêques
de Dol) est due à René Échappé
en 1857 (baies 0,
1 et 2) ; dans les chapelles latérales du chœur
et la façade ouest, à Henry Ely
; dans la chapelle
Notre-Dame, à Édouard Didron.
Comment les vitraux du passé ont-ils été
détruits au cours des âges ? Lors des guerres
de Religion, les huguenots ont détruit. Au XVIIIe
siècle, les clercs eux-mêmes ont eu la
main lourde parce qu'ils voulaient de la lumière
dans leurs églises et que le concept de patrimoine
à sauvegarder n'existait pas. On sait que la
Révolution a aussi beaucoup cassé, les
jets de pierre constituant pour les vandales la plus
rapide façon de détruire le verre.
Dans La grande verrière de la cathédrale
Saint-Samson (éditions Yellow Concept,
2019) Christiane Paurd cite un prêtre de l'Oratoire
de Rennes, Charles Robert (1856-1900), auteur en 1893
d'une étude sur les vitraux de Saint-Samson.
Celui-ci rapporte que la maîtresse-vitre (baie
n°100)
a subi une dernière restauration en 1870 et que,
avant cela, elle était recouverte d'un épais
voile de poussière.
Plus intéressant encore, Charles Robert parle
de la destruction des grandes verrières nord
et sud du transept. Sous la Révolution, la cathédrale
a servi d'écurie, de magasin à blé
et de jeu de paume. Il écrit : «Il
faut croire que c'est dans le transept qu'était
installé le jeu de paume, et que c'est en grande
partie aux coups de balle qu'est due la disparition
complète des verrières qui décoraient
les deux grandes fenêtres, sœurs de celle
du chœur.»
En effet, quel bel endroit pour le jeu ! On peut imaginer
des spectateurs installés à l'est et à
l'ouest, dans la nef
et le chœur,
et des balles qui s'écrasent contre les grandes
verrières nord et sud du transept
sous les applaudissements de la foule...
Cependant, cette interprétation doit être
approfondie. La photo du transept donnée plus
haut montre que les baies sont situées très
en hauteur. Comment une balle (qui n'était évidemment
pas en caoutchouc) peut-elle les atteindre en rebondissant
? Seule solution : le faire exprès, c'est-à-dire
viser la verrière, pour rire..
---»» Suite 2/2
à droite.
|
|

L'Éducation de la Vierge
XIXe siècle ? |

Baie 216, détail : Parce qu'ils
n'ont pas d'enfant, le grand-prêtre
refuse l'offrande d'Anne et de
Joachim (qui s'en vont dépités). |
|
|
Architecture
du transept.
Le transept et le chœur,
commencés vers 1270, sont l'œuvre d'un troisième
maître, lui aussi inconnu. Celui-ci a achevé
le transept en respectant les travaux menés par
ses prédécesseurs, mais il a conçu,
pour l'ensemble transept et chœur,
un autre style d'élévation. Ce troisième
maître a néanmoins respecté les
proportions adoptées dans la nef
et en a appliqué les mêmes règles
de sobriété.
On observera (voir plan)
que les deux piles orientales de la croisée sont
plus massives que les deux piles occidentales. Ce que
montrent bien les deux photos ci-contre. Les piles à
l'ouest appartiennent à la première campagne
de construction. Pourquoi le troisième maître
a-t-il bâti, à l'est, des piles plus puissantes
? Envisageait-il d'élever une haute tour au-dessus
de la croisée ou poursuivait-il simplement un
but esthétique ? Il est vrai que le nombre plus
important de colonnettes dans cette pile plus large
autorise une mouluration plus riche dans la grande arcade
ouvrant sur le chœur.
Pour ce qui est de l'élévation au-dessus
de la croisée (photo
plus haut), quatre piles comme celles qui sont à
l'ouest auraient visiblement suffi pour supporter le
petit massif que l'on y voit.
Le transept est percé au nord et au sud de deux
vastes baies avec de beaux remplages du XIIIe siècle.
Les vitraux insérés dans ces baies ont
été cassés à la Révolution
(voir l'histoire du jeu de paume dans l'encadré
sur les vitraux). On y voit à présent
deux créations de l'atelier nantais Jacquier
et Küchelbecker datées des années
1880 (baies 215
et 216).
L'aile nord du transept abrite le tombeau de Thomas
James alors que l'aile sud est percée d'une
double porte débouchant sur le grand porche
Saint-Magloire. En 1968 (Congrès archéologique
de Haute-Bretagne), l'historien René Couffon
écrit que le tombeau n'a vraisemblablement jamais
pris la place d'une porte car «cette aile faisait
partie de la défense extérieure de la
forteresse que constituait la cathédrale et était
percée d'archères à sa base.»
Ajoutons, à ce sujet, que les chapelles latérales
nord du chœur sont surmontées de créneaux
comme dans un château-fort.
Source : Congrès
archéologique de France, Haute-Bretagne,
1968.
|
|

Le bras nord du transept et la première travée
du chœur.
La pile orientale de la croisée (ci-dessus) est plus
massive
que la pile occidentale (visible dans la photo à gauche)
|

Chapiteaux à thème floral sur le pile nord-est
de la croisée. |

L'autel de messe et ses bas-reliefs contemporains.
Cet autel date de 1963. Il est en terre cuite réfractaire sans
moulage.
Le sculpteur, Claude Gruet, a travaillé en taille directe sur
la matière.
On peut y voir saint Samson voguant vers Dol-de-Bretagne
et saint Magloire parlementant avec les Anglais. |

La voûte du transept. |
Les
vitraux de la cathédrale Saint-Samson (2/2).
---»» Dans les années 1880, en réalisant
les deux grandes verrières du transept,
l'atelier manceau Jacquier et Küchelbecker signa
la perte des vestiges du XIIIe siècle qui n'avaient
pas été brisés.
La maîtresse-vitre
a été très peu dégradée.
Pour Charles Robert, c'est vraisemblablement dû
à la présence de la chapelle d'axe qui
a éloigné les «gamins casseurs de
vitres» et leurs lance-pierres... Dépité,
le prélat signale d'ailleurs que ces «gamins»
ont percé «tout récemment encore»
plusieurs verrières modernes de la nef
et du transept...
En 1942, la maîtresse-vitre
sera déposée et mise à l'abri.
En août 1944, au plus fort de la percée
d'Avranches par laquelle se déversent les chars
de la IIIe armée américaine du général
Patton, aucune verrière restée en place
ne sera détruite grâce à la bonne
volonté des belligérants : les Américains
donnèrent aux Allemands encerclés le droit
d'évacuer la ville dans l'honneur et de rejoindre
leurs lignes (voir plus
haut).
Sources : 1) Corpus
Vitrearum, les Vitraux de Bretagne, Presses universitaires
de Rennes, 2005; 2) La grande verrière de
la cathédrale Saint-Samson, éditions
Yellow Concept, 2019.
|
|
|
LE TOMBEAU DE
THOMAS JAMES |
|

Le tombeau de l'évêque Thomas James date de 1507. |

Bas-reliefs Renaissance sur le tombeau.
Rencontre
à la Porte dorée. Célèbre
épisode de l'Ancien Testament : les deux époux,
Anne et Joachim, se retrouvent après avoir eu, chacun
de leur côté, la vision d'un ange leur annonçant
qu'ils auront bientôt un enfant et leur demandant de
se rendre à la Porte dorée, l'une des portes
de Jérusalem.
Cet enfant sera Marie. La présence d'un mendiant (qui
a l'air en pleine santé) venant harceler le couple
est anachronique dans cette scène. L'auteur du carton
avait-il une idée de ce qu'était la mendicité
au Moyen Âge et, plus loin encore, aux temps anciens
?
|
|

Baie 216, détail : La Rencontre à la Porte dorée
Vitrail de la Vie de sainte Anne
Atelier Küchelbecker, Le Mans, 1887.
Bras sud du transept. |

Baie 216, détail : L'Annonce de l'ange à Anne. |
Le tombeau
de l'évêque Thomas James, évêque
de Dol
de 1482 à 1504, est l'œuvre de deux artistes florentins
débutants : les frères Antoine et Jean Juste,
visiblement sollicités par recommandation. Le commanditaire
du tombeau, neveu du défunt évêque, avait
séjourné à Rome avec son oncle auprès
du pape Sixte IV.
Cette œuvre, terminée en 1507, est l'une des
premières de la Renaissance en France.
Là où Prosper Mérimée voyait une
«pureté de style, encore si rare en France au
commencement du seizième siècle», l'historienne
Denise Rober-Maynial, pour le Dictionnaire des églises
de France en 1966, dénote une certaine naïveté
dans l'interprétation qui s'explique par l'extrême
jeunesse de l'auteur. Elle ajoute qu'il y avait une statue
de l'évêque sous le baldaquin à caissons,
mais elle a disparu à la Révolution. Sous les
niches, les deux statues de la Foi et de la Justice ont été
mutilées à la même époque.
Sources : Congrès
archéologique de France, Haute-Bretagne, 1968 &
Dictionnaire des églises de France, éditions
Robert Laffont.
|
|

Baie 216, détail : L'Éducation de la Vierge. |

Baie 215 : Vitrail de la VIE DE SAINT MAGLOIRE
Atelier Küchelbecker, Le Mans, 1884.
Bras nord du transept.
|

Le tombeau de Thomas James : le fronton Renaissance. |

Baie 215, détail : Après avoir guéri
Loïescon, saint Magloire reçoit
de ce dernier la moitié de l'île de Sercq. Il y fonde un monastère.
|
|

Baie 215, détail : Saint Magloire renonce à l'épiscopat.
Atelier Küchelbecker, Le Mans, 1884. |
Prosper
Mérimée à Dol-de-Bretagne.
Mérimée passe à Dol
en 1835 et rédige une longue étude sur
la cathédrale. Avant de parcourir la France au
titre d'inspecteur général de la Commission
des Monuments historiques, l'écrivain avait
voyagé en Angleterre, attiré par l'architecture
religieuse. En 1835, il rédige, pour son ministre
de tutelle, un long rapport sur ses déplacements.
Dans son étude sur Dol,
il livre le témoignage intéressant d'un
voyageur curieux et passionné : «Une observation
qui ne peut échapper à quiconque à
voyager en Angleterre, écrit-il, c'est la grande
analogie qu'offre la cathédrale de Dol
avec les premières églises gothiques de
ce pays (early english style). La forme rectangulaire
du chœur,
la chapelle
de la Vierge (Lady's chapel), la décoration
intérieure, m'ont rappelé fortement l'une
des plus belles et des plus imposantes cathédrales
anglaises, celle de Salisbury. Ce rapport singulier
de style et surtout de plan semble confirmer la tradition
répandue en Bretagne, qui attribue à des
architectes anglais la construction des principales
églises de cette province. J'ai vainement cherché
quelques-uns des noms de ces artistes, mais les rapports
constans de commerce et de politique entre l'Angleterre
et la Bretagne aux treizième et quatorzième
siècles permettent de supposer que les deux pays
ont employé les mêmes architectes, ou du
moins des architectes de la même école.»
L'écrivain termine son étude par un appel
pressant au ministre :
«L'état actuel de la cathédrale
de Dol
est assez satisfaisant quant à l'intérieur.
Mais les balustrades de la galerie qui règne
le long du toit, surtout celle de la tour centrale,
sont horriblement mutilées. Les voûtes
et le toit demandent aussi des réparations. Il
n'y a point de paratonnerres sur cette belle église,
et cependant on m'assure que c'est la foudre qui a causé
les dégâts que je viens de signaler. Je
n'en vois pas en effet d'autre explication probable,
si ce n'est la malice des hommes ; car l'édifice,
bâti presque en entier d'un granit extrêmement
dur, semble défier les efforts du temps. Il serait
bien à désirer que l'on établît
des paratonnerres sur les plus importantes de nos églises
; mais si le gouvernement ne donne pas l'exemple, il
est malheureusement probable que les communes se refuseront
encore longtemps à les adopter. ---»»
|
|

Baie 215, détail : Saint Samson désigne
saint Magloire pour son successeur. |
---»» Je ne saurais
appeler trop instamment votre attention, Monsieur le
ministre, sur l'élégante cathédrale
de Dol
; et je crois remplir les vœux de tous les amis
des arts, en vous priant de vouloir bien la faire comprendre
au nombre des monumens à l'entretien desquels
il est pourvu par des fonds spéciaux. L'abandonner
aux faibles ressources de la ville de Dol,
c'est en quelque sorte la condamner à une ruine
inévitable.»
La cathédrale Saint-Samson sera classée
monument historique dès 1840, dans la
première liste établie par le ministère.
Source : Notes d'un
voyage dans l'Ouest de la France de Prosper Mérimée,
1836.
|
|
|

Baie 211 : deux évêques non nimbés.
Vers 1265-1270 et 1890.
L'évêque de gauche a été totalement refait
par l'atelier
Jacquier et Küchelbecker en 1890. La partie basse de l'évêque
de droite est également moderne. |

Baie 212 : deux évêques non nimbés.
Vers 1265-1270 et 1890.
Têtes de lancettes et soubassements armoriés sont modernes.
La tête de l'évêque de droite est moderne.
|

Baie 212, détail : deux évêques non nimbés.
Vers 1265-1270 et 1890, |
LE CHUR
DE LA FIN DU XIIIe SIÈCLE |
|

Vue générale du chœur depuis l'autel de messe dans
la croisée du transept. |
Architecture
du chœur.
Il faut s'arrêter un instant sur le
plan du
chœur : il est à chevet plat et à
déambulatoire. Dans l'architecture gothique française,
c'est un plan rare et original. C'est pourquoi son origine
anglaise ne fait guère de doute. Cependant, dans
les grands édifices anglais, on trouve la plupart
du temps un arrière-chœur très étendu
au-delà du maître-autel. Cet arrière-chœur
est riche de tombeaux, de reliquaires et de chapelles
seigneuriales.
Rien de cela à Dol
: au-delà du maître-autel, il n'y a qu'une
courte chapelle axiale à deux travées
(voir photo plus
haut). À la fin du XIIIe siècle, le
troisième maître d'œuvre a donc associé
les traditions des deux pays : selon le goût français,
deux collatéraux bordés de chapelles ;
selon le goût anglais, un déambulatoire
de plan rectangulaire. Dans son ouvrage Quand les
cathédrales se mesuraient entre elles, l'historien
et théologien Yves Blomme se demande d'ailleurs
si ces chapelles étaient bien prévues
sur les plans d'origine. Ne seraient-elles pas une réponse
à un besoin liturgique croissant, celui des messes
privées ? Un tableau du peintre hollandais Hendrik
II van Steenwick (1580-1649), au musée
Lambinet de Versailles,
montre, dans sa partie gauche, une messe privée
dite dans une chapelle de bas-côté.
L'esthétique du chœur de Saint-Samson, bâti,
comme le transept, vers 1270, ne peut qu'impressionner
le visiteur, surtout s'il la compare à celle
de la nef.
On sent chez l'architecte une grande maîtrise
des équilibres plastiques. Les cinq travées
(en dehors du déambulatoire) sont séparées
par des piles enrichies de dix colonnettes. Plus question
de piles en délit. Les chapiteaux
reçoivent des crochets fleuris, plus élaborés
que ceux de la nef,
trahissant une époque postérieure.
Le second niveau du chœur est beaucoup plus étudié,
plus beau aussi, que celui de la nef.
Chaque travée y est scindée en trois baies
abritant un triforium aveugle. Il n'y a aucun ornement
: c'est une véritable épure.
La dernière travée, la plus à l'est,
est ajourée. Pour Philippe Bonnet et Jean-Jacques
Rioult (Bretagne gothique, 2011), cet ajourage
correspond à un changement de parti en cours
de chantier pour suivre une mode qui va s'imposer dans
la seconde moitié du XIIIe siècle. Il
s'agit aussi d'apporter plus de lumière vers
le maître-autel présent dans cette même
travée. Enfin, le troisième niveau du
chœur abrite une succession de grandes baies vitrées
à quatre lancettes, ajoutant leur clarté
à celle de la grande
verrière orientale. ---»» Suite
2/2
à droite.
|
|

Le chœur vu depuis le déambulatoire avec ses piles
enrichies de dix colonnettes. |
|

Élévation nord du chœur.
Les niveaux supérieurs n'ont plus rien à voir
avec ceux de la nef.
Deuxième niveau : trois baies par travée abritant
un triforium continu ;
Troisième niveau : grande fenêtre vitrée. |
Architecture
du chœur 2/2).
---»» La pureté des lignes
et l'absence d'ornements, dans la nef
et le chœur, ont plu à Prosper Mérimée
lors de son passage à Dol
en 1835. Il écrit en effet dans son rapport à
son ministre de tutelle : «(...) on observera
que la cathédrale de Dol
réunit presque tous les caractères distinctifs
du premier style gothique, ayant déjà
reçu tout son développement, mais non
encore corrompu par l'exagération, la prétention,
et la manie des petits détails, qui précédèrent
sa décadence.» Sources : 1)
Congrès archéologique de France, Haute-Bretagne,
1968, article de René Couffon ; 2) Bretagne
gothique de Philippe Bonnet et Jean-Jacques Rioult,
éditions Picard, 2011.
|
|
|

Statue de la Vierge à l'Enfant.
XVe siècle.
Bois sculpté et peint
sur la colonne axiale du sanctuaire. |

Chapiteau à thème floral dans le déambulatoire. |

Chapiteau à thème floral dans le déambulatoire. |
|

La voûte du chœur et de la nef vue depuis le maître-autel.
Les voûtes sont quadripartites. |

Le maître-autel du XVIIIe siècle.
Le maître-autel est l'œuvre de la maison Poussielgue-Rusand sur
les plans du chanoine Brune. Il date de 1877.
À gauche : la chapelle Notre-Dame ; à droite : la chapelle
d'axe dédiée au Saint-Sacrement. |
LE STALLES DU
XIVe SIÈCLE |
|

Les stalles du chœur : le côté sud, que l'on voit
ici, se termine par le trône épiscopal.
À l'arrière-plan, les chapelles latérales sud
du chœur. |

Le trône épiscopal de François de Laval, évêque
de Dol
de 1528 à 1554, termine le côté sud des stalles. |
|
LES CHAPELLES
LATÉRALES DU CHUR ET LEURS VITRAUX |
|

Baie 13 : Vie de saint Gilduin de Chartres.
Atelier inconnu, vers 1930 ? |

Baie 14, détail : Jésus chez Marthe et
Marie.
«Une seule chose est nécessaire.»
Vitrail du pardon et de la Rédemption.
Atelier Henry Ely, Nantes, 1876. |
«Une
seule chose est nécessaire» et «une
seule question suffit» (1/3).
Le vitrail ci-dessus, sans grand génie
de conception, illustre néanmoins un jugement
christique fondamental dans le développement
socio-économique de l'Europe depuis le Moyen
Âge jusqu'au chamboulement révolutionnaire
de la fin du XVIIIe siècle.
Jésus chez Marthe et Marie :
L'histoire biblique est connue : Jésus est invité
à Béthanie chez Lazare et ses deux sœurs,
Marthe et Marie ; Marie écoute à genoux
la parole de Jésus et sa sœur Marthe vient
la trouver pour lui demander d'aider aux cuisines (dans
l'Évangile de Luc, Marthe s'adresse directement
à Jésus). Le Christ la tance en lui répondant
que le service de Dieu passe avant tout le reste : «une
seule chose est nécessaire». Marie symbolise
ainsi la vie contemplative, supérieure à
toutes les autres.
Sur cette injonction s'est établi l'ordre hiérarchique
des classes depuis le Moyen Âge : Clergé,
Noblesse et, en dernier, Tiers État. Autrement
dit, ceux qui prient (orantes), ceux qui combattent
(milites) et enfin ceux qui travaillent (laborantes).
Marthe, devenue depuis la sainte patronne des ménagères
et des domestiques, est parfois représentée
par les artistes dans une attitude plus énergique,
voire autoritaire. La toile de Jacques de Létin
(1597-1661) à l'église Sainte-Madeleine
à Troyes
en donne un exemple. Un meilleur exemple encore est
donné dans une toile du XIXe siècle («Marie
de Béthanie en prière») à l'église
Sainte-Élisabeth
à Paris : l'arrière-plan illustre carrément
une âpre dispute entre Jésus et Marthe !
La femme adultère :
Cette histoire a été regardée comme
le joyau du Nouveau Testament et ce n'est pas sans raison.
La scène de la femme adultère (voir à
droite) montre une femme dont les bras sont ligotés
derrière le dos. Adultère et prise sur
le fait, elle est promise, selon la loi mosaïque,
à la lapidation immédiate.
Scribes et pharisiens, prêts à exécuter
la sentence, questionnent Jésus : «Et toi,
qu'en dis-tu ?» Se tirant du piège, Jésus
se baisse et trace des traits sur le sol. Mais les questions
se multiplient. Alors il se redresse et leur répond
: «Que celui qui n'a jamais péché
lui jette la première pierre.» Ce qui revient
à demander : «Qui d'entre vous n'a jamais
péché?», ou plus généralement
: «Vous êtes-vous regardés avant
de juger les autres?» Il s'incline à nouveau
et continue ses traits sur le sol. Les accusateurs qui
l'entourent n'ont d'autre solution que de s'éloigner
les uns après les autres...
Jésus se redresse alors et constate qu'il est
seul avec la femme. «Où sont-ils passés ?
Personne ne t'a condamné ?», lui demande-t-il.
«Personne, Seigneur.» Alors le Christ la
renvoie en disant : «Je ne te condamne pas non
plus. Va et ne pèche plus». Ce qui revient,
comme le rappelle Alain Marchadour de l'Institut catholique
de Toulouse (Jésus, l'Encyclopédie,
éditions Albin Michel), à ôter la
culpabilité et à ouvrir le chemin vers
la liberté et la vie.
---»» Suite 2/3
à droite.
|
|

Chapelle latérale nord Saint-Gilduin. |
|

Suite de chapelles latérales nord dans le chœur.
Au premier plan, la chapelle du Sacré-Cœur |

Chapelle latérale sud dite «du Crucifix». |

Baie 14, tympan : un des trois trilobes consacrés
à la résurrection des morts.
On voit que le même carton a été utilisé
trois fois. |
«Une
seule chose est nécessaire» et «une
seule question suffit» (2/3).
---»» Pourquoi Jésus trace-t-il
sur le sol des traits qui n'ont, dans le récit
biblique, aucune signification ? Pour faire
patienter ? Pour narguer les accusateurs ?
Aux yeux des théologiens, cette attitude
est obscure. Pour certains, le Christ marque simplement
son refus de répondre. Pour d'autres, il
veut tourner en ridicule le souci des pharisiens
de compter les péchés d'autrui.
On peut avancer une autre explication : parce
que, en se baissant, Jésus ne regarde plus
personne ! S'il trace des traits quelconques,
c'est pour donner le change.
Décryptons les faits. Jésus se penche
vers le sol une première fois. En fait,
c'est pour laisser à chacun la possibilité
d'examiner sa propre conduite sans y être
incité, de s'interroger sur sa hargne accusatrice
et de comparer la faute de la femme avec son propre
comportement, peut-être plus fautif encore.
L'introspection est devenue une pratique essentielle
de la vie chrétienne.
Mais les pharisiens ne comprennent pas et continuent
à le harceler. Alors il se met debout et
leur adresse le principe moral qu'ils ont été
incapables de faire surgir d'eux-mêmes dans
leur conscience. Comme vu plus haut, ce principe
peut se résumer en une question : «Vous
ètes-vous regardés avant de juger
les autres ?» C'est la question cruciale,
la question qui fait mouche et qui stoppe net
toute opposition.
Jésus se rabaisse vers le sol et trace
à nouveau des traits informes. Cette fois,
il veut laisser le temps aux accusateurs de regarder
- enfin ! - leur propre conduite. Pris à
la gorge, ceux-ci n'ont d'autre solution que d'interroger
leur conscience en examinant leur vie personnelle.
Mais le refus de Jésus de les regarder
a une signification précise : ils doivent
le faire sans sentir deux yeux inquisiteurs pointés
sur eux. Le Christ ne leur met pas la bride. L'examen
de conscience, que seule la «question cruciale»
a pu provoquer et qui, en principe, fait jaillir
l'honnêteté qui sourd en tout homme
de bonne volonté, doit rester un exercice
personnel.
Un théologien pourrait ajouter que le refus
du Christ de regarder les accusateurs est la marque
de la liberté que Dieu accorde aux hommes.
Sans nous contraindre d'aucune façon, Il
attend de voir comment nous agissons. Ici, à
ces hommes trop prompts à juger et à
punir, le Christ envoie un signal fort et attend
que leur conscience se mette en mouvement. Il
ne se cache pas. Il rompt simplement le contact
visuel pour les laisser libres. Libres de penser,
libres de s'examiner. C'est à chacun de
choisir. Et, dans la parabole, chacun interroge
sa conscience... et s'en va.
---»» Suite 3/3
à droite plus bas.
|
|

Retable du XIXe siècle
dans une chapelle latérale nord. |
|

Baie 14 : Vitrail du pardon et de la Rédemption
Atelier Henry Ely, Nantes, 1876. |

Baie 11, vitrail à figures géométriques
avec tympan
de la fin du XIVe siècle donné en gros plan
plus bas. |

Baie 14, détail : Jésus et la femme
adultère.
«Une seule question suffit.»
Vitrail du pardon et de la Rédemption
Atelier Henry Ely, Nantes, 1876. |
«Une
seule chose est nécessaire» et «une
seule question suffit» (3/3).
---»» L'auteur du carton
a choisi de peindre Jésus traçant
des traits sur le sol tout en regardant les hommes
qui l'entourent. Ce n'est pas le meilleur choix.
L'Évangile de Jean, qui est le seul à
rapporter l'histoire de la femme adultère,
ne fait pas mention de cette concomitance.
Voir dans Les Grands Thèmes («une
seule chose est nécessaire»), d'autres
exemples où Jésus regarde le
sol.
Jésus se penche pour laisser les accusateurs
face à leurs consciences. C'est une véritable
leçon de vie qui doit être rapprochée
de l'attitude du Christ face à Marthe et
Marie.
Dans les deux cas, le Christ énonce une
sentence d'une haute valeur morale qui doit guider
la vie de chacun : prise de conscience de l'obligation
du service de Dieu d'un côté ; prise
de conscience de son comportement personnel de
pécheur de l'autre. En les juxtaposant,
ces deux sentences se renforcent. À Dieu,
le service : une seule chose est nécessaire
; au pécheur, l'indispensable examen de
conscience : une seule question suffit.
|
|
|
|

Suite de chapelles latérales sud.
Ces chapelles, à l'ornementation moderne, constituent l'élément
français du chœur.
Le déambulatoire rectangulaire à chevet plat en constitue
l'élément anglais. |

Chapelle latérale sud : Groupe sculpté d'une Piéta. |

Baie 11, détail du tympan : quadrilobe du Tétramorphe.
Fin du XIVe siècle. |

Statue de saint Gilduin
dans la chapelle éponyme.
XIXe siècle ?
|
LE DÉAMBULATOIRE
ET SES TROIS CHAPELLES ORIENTALES |
|

Baie 7 : Scènes de la Vie de Marie.
Atelier Édouard Didron, 1882. |

Chapelle absidiale nord Notre-Dame et son étonnante voûte
bombée. |

Baie 7, détail : La Naissance de la Vierge.
Atelier Édouard Didron, 1882. |
Le
déambulatoire doit être parcouru
avec intérêt par le visiteur. Rappelons
que le but du déambulatoire de Dol
était de permettre la circulation des fidèles
qui venaient vénérer les reliques de saint
Samson exposées dans le sanctuaire. Sa partie
plate terminale reflète l'inspiration anglaise
du troisième maître d'œuvre (fin du
XIIIe siècle).
Juste avant la chapelle
axiale (rajoutée au premier tiers du XIVe
siècle), la voûte du déambulatoire
et l'arcade d'entrée dans la chapelle méritent
un coup d'œil, et ceci à deux titres : d'une
part, la voûte (donnée plus
bas) montre un réseau avec une nervure qui
serpente d'une pile à l'autre jusqu'à
sa culée terminale et qui semble n'être
là que pour la beauté de l'ensemble ;
d'autre part, les chapiteaux de la pile sud de l'arcade
d'entrée affichent des têtes humaines (photo
plus
bas).
Une place à part doit être réservée
à la chapelle nord-est, celle de Notre-Dame (photo
ci-dessus). Les historiens ont abondamment souligné
l'étrangeté de sa voûte bombée
(à la mode Plantagenêt), «établie
sur quatre forts arcs-doubleaux, réalisation
tout à fait exceptionnelle dans le contexte de
la création bretonne de l'époque»
[Bretagne gothique]. Elle est de plan carré
et traverse le déambulatoire (voir plan).
Quatre fenêtres, un peu plus hautes que celles
des autres chapelles, y reçoivent des vitraux
d'Édouard Didron de 1882, illustrant la Vie de
la Vierge.
Quelques tympans, dans les chapelles latérales,
ont encore des vitraux du XIIIe siècle.
Voir plus haut des extraits du tympan de la baie
n°11 (le Père céleste et le tétramorphe)
et, ci-dessous, des extraits de celui de la baie
n° 8 (dont Jésus et le tétramorphe).
|
|
|

Autel de la Vierge et aspect du déambulatoire plat avec entrée
dans la chapelle d'axe. |

La voûte bombée de la chapelle de la Vierge est exceptionnelle
en Bretagne, au XIIIe siècle. |

Baie 8, détail du tympan :
un ange jouant de la viole.
Chapelle sud-est du déambulatoire, vers 1420. |

Baie 8, détail du tympan : le Tétramorphe.
Chapelle sud-est du déambulatoire, vers 1420. |

Baie 8, détail du tympan : Ange de l'Annonciation.
Chapelle sud-est du déambulatoire, vers 1420. |

La voûte du déambulatoire (partie orientale) et
son curieux réseau. |

Reliquaire du XIXe siècle dans la chapelle axiale. |

Baie 0, détail : saint Samson portant sa cathédrale.
Atelier René Échappé, 1857. |
 |
|
|
LA GRANDE VERRIÈRE
ORIENTALE OU «MAÎTRESSE VITRE» (Baie 100) |
|

La grande baie orientale ou maîtresse-vitre (baie 100).
Elle est datée de 1290-1300, puis a été restaurée
vers 1400, en 1870 et en 1950.
Le registre du bas n'est pas entièrement dans la photo à
cause de l'angle de vue. |
La
maitresse-vitre ou grande baie orientale (baie 100).
C'est la principale œuvre d'art de
la cathédrale.
L'essentiel de cette verrière a survécu
aux aléas de l'Histoire. À la Révolution,
selon le prélat Charles Robert, elle aurait été
préservée de la destruction par jets de
pierre grâce à la présence de la
chapelle axiale (voir plus
haut).
La verrière a été exécutée
vers 1290-1300, puis restaurée vers 1400. Cette
restauration concernait essentiellement les panneaux
du registre du bas (utilisation de jaune
d'argent).
Une restauration importante a été entreprise
par l'atelier Oudinot en 1870. Celui-ci a réalisé
des pastiches pour combler les lacunes et remplacé
les panneaux les plus endommagés. La verrière
a été mise à l'abri en 1942. En
1950, l'atelier de Jean-Jacques Gruber l'a à
nouveau restaurée. Seize panneaux nouveaux sont
venus remplacer des créations de 1870. Enfin,
une ultime restauration a eu lieu en 1982-83 par l'atelier
Hubert de Sainte Marie.
Cette vaste verrière de 9,50 m sur 6,50 m présente
une riche iconographie sur huit lancettes illustrant
des vies légendaires. Le tympan est consacré
au Jugement dernier.
Thème des lancettes de gauche à droite
: Vie de sainte Marguerite d'Antioche ; histoire d'Abraham
; Enfance et Vie publique du Christ ; Scènes
de la Passion (2 lancettes) ; Vie de saint Samson ;
intronisation des premiers archevêques de Dol
; Vie de sainte Catherine d'Alexandrie.
Les vies de Marguerite, de Catherine et l'histoire d'Abraham
se justifient par la présence de reliques dans
la cathédrale. En ce qui concerne Abraham, Dol
possédait une relique du chêne de Mambré.
À noter un détail rare : dans les scènes
de la Passion, Judas,
qui reçoit ses trente deniers, porte une auréole.
Les quinze panneaux individuels donnés plus bas
(à l'exception de la Nativité ci-dessous)
sont datés du XIIIe siècle (avec ou sans
restauration).
Sources : 1) Corpus
Vitrearum, les Vitraux de Bretagne, 2005 ; 2) La
Grande Verrière de la cathédrale Saint-Samson
de Dol-de-Bretagne de Christiane Paurd, 2019.
|
|

ENFANCE ET VIE PUBLIQUE DU CHRIST
Lancette n°3, 4e registre.
La Nativité (Atelier Gruber, 1950).
Joseph n'est pas désintéressé par la scène
: il se repose, les yeux fermés. |
|

Baie 100, détail du tympan : la Rose du Christ-Juge.
La Rose est datée du XIIIe siècle.
Quelques anges dans les trilobes du pourtour ont été
refaits en 1950. |

Baie 100, détail du tympan : quadrilobe latéral
droit avec le Christ tirant les hommes de l'Enfer.
L'Enfer est représenté par le léviathan (un monstre
de couleur verte), la gueule ouverte.
Vitrail du XIIIe siècle, peu restauré. |
LA GRANDE VERRIÈRE
ORIENTALE : PANNEAUX DU XIIIe SIÈCLE (peu ou pas restaurés) |
|

VIE DE SAINTE MARGUERITE
Flagellation de sainte Marguerite devant le gouverneur Olibrius.
Lancette n°1, 6e registre.
Panneau du XIIIe siècle restauré. |

SCÈNES DE LA PASSION
Baiser de Judas
Lancette n°4, 5e registre.
Panneau du XIIIe siècle avec restauration
partielle en 1870, puis dans la partie droite en 1950. |

SCÈNES DE LA PASSION
Portement de croix.
Lancette n°5, 2e registre.
Panneau du XIIIe siècle fortement complété
vers 1400 ; tête de Christ restaurée.. |

SCÈNES DE LA PASSION
Déposition de croix.
Lancette n°5, 4e registre.
Panneau du XIIIe siècle intact. |

VIE DE SAINTE CATHERINE D'ALEXANDRIE
Maxence fait brûler vifs les philosophes convertis.
Lancette n°8, 3e registre.
Panneau du XIIIe siècle bien conservé. |
|

VIE DE SAINTE MARGUERITE
Marguerite surgit du corps du dragon qui l'a avalée.
Lancette n°1, 3e registre.
Panneau du XIIIe siècle assez bien conservé. |

ENFANCE ET VIE PUBLIQUE DU CHRIST
Annonce aux bergers
Lancette n°3, 3e registre.
Panneau du XIIIe siècle très bien conservé. |

SCÈNES DE LA PASSION
La Cène
Lancette n°4, 2e registre.
Panneau du XIIIe siècle très bien conservé
à l'exception des deux têtes à l'extrême-gauche,
refaites. |

INTRONISATION DES PREMIERS ARCHEVÊQUES DE DOL
Intronisation de saint Magloire (en bas)
Intronisation de saint Budoc (en haut)
Lancette n°7, 2e et 3e registres.
Panneaux du XIIIe siècle bien conservés.
Chaque archevêque, au centre, porte le pallium.
(Le pallium est l'étoffe blanche en haut de la chasuble.) |
|

HISTOIRE D'ABRAHAM
Loth quitte Sodome avec sa famille ; un ange les accompagne.
Lancette n°2, 2e registre.
Panneau du XIIIe siècle restauré. |

ENFANCE ET VIE PUBLIQUE DU CHRIST
Adoration des mages
Lancette n°3, 5e registre.
Panneau du XIIIe siècle peu restauré. |

SCÈNES DE LA PASSION
Judas reçoit ses trente deniers.
Lancette n°4, 4e registre.
Panneau du XIIIe siècle bien conservé.
Détail remarquable et rare : Judas est auréolé. |

VIE DE SAINTE CATHERINE D'ALEXANDRIE
Le supplice de la roue.
Lancette n°8, 5e registre.
Panneau du XIIIe siècle très bien conservé. |

VIE DE SAINT SAMSON
Samson franchit la Manche pour gagner l'Armorique.
Lancette n°6, 2e registre.
Panneau restitué vers 1400, bien conservé. |
|

L'orgue de tribune. |

Le positif de l'orgue de tribune et son ornementation.
Le buffet d'orgue date du milieu du XVIIe siècle. |
Les grandes
orgues de la cathédrale de Dol. Au XIIe
siècle, la paroi occidentale était creusée
d'une grande baie dont le contour est toujours apparent sur
la façade extérieure. En 1700, pour installer
un grand orgue sur la tribune ouest, on remplaça cette
baie par trois baies verticales plus petites surmontées
d'un oculus. C'est l'ouverture actuelle.
Le buffet d'orgue date du milieu du XVIIe siècle. L'orgue
a été installé dans les années
1870, enrichi et restauré depuis.
|
|

La nef et l'orgue de tribune de la cathédale Saint-Samson vus
depuis la croisée du transept.
Sur cette photo, les queues de pierre liant les colonnettes aux piles
monocylindriques sont très visibles. |
Documentation : «Congrès archéologique
de France, Haute-Bretagne, 1968», article de René Couffin
sur la cathédrale
+ «Bretagne gothique» de Philippe Bonnet et Jean-Jacques
Rioult, éditions Picard, 2011
+ «La cathédrale de Dol» d'Anne-Claude Le Boulc'h,
Presses universitaires de Rennes, 1999
+ «Notes d'un voyage dans l'Ouest de la France» de Prosper
Mérimée, 1836
+ «Dictionnaire des églises de France», éditions
Robert Laffont, 1966
+ «La Grande Verrière de la cathédrale Saint-Samson
de Dol-de-Bretagne» de Christiane Paurd, 2019
«Corpus Vitrearum, les Vitraux de Bretagne», Presses universitaires
de Rennes, 2005
+ «Bretagne, Dictionnaire Guide du patrimoine», éditions
du patrimoine, 2002
+ «Le Livre des saints bretons» de Bernard Rio, éditions
Ouest-France, 2018
+ «Atlas historique des diocèses de France» de
Paul Duquesnoy, éditions Archives & Culture, 2020. |
 |
 |
 |
 |
 |
 |
 |
 |
 |
 |
 |
 |
 |
 |
 |
 |
 |
 |
 |
 |
 |
 |
 |
 |
 |
 |
 |
 |
 |
 |
 |
 |
 |
 |
 |
 |
 |
 |
 |
 |
 |
 |
 |
 |
 |
 |
 |
 |
 |
 |
 |
 |
 |
 |
|