|
|
|
Comme sa grande voisine Saint-Nicolas,
l'église Saint-Gorgon à Varangéville tire son
origine d'un prieuré. Celui de Saint-Nicolas
remonte au XIe siècle, mais celui de Saint-Gorgon figure
déjà dans un cartulaire de l'année 849 de l'abbaye
de Gorze, fondatrice des deux prieurés.
L'histoire de Saint-Gorgon reste opaque jusqu'à la fin du
XVe siècle. Après la bataille de Nancy en 1477 et
la défaite de Charles le Téméraire, les Lorrains,
en lieu et place de l'ancienne église Saint-Nicolas, engagent
la construction de la Grande
Église de Saint-Nicolas-de-Port. Qui deviendra le
lieu d'un important pèlerinage. L'ancien édifice était
placé sous la dépendance de l'église de Varangéville,
et, bien sûr, le nouveau le resta. Mais, dès lors,
comment accepter qu'une petite église romane soit la paroisse-mère
d'une église bien plus grande ? Pour les historiens, c'est
à ce moment qu'on décida - avec un certain esprit
de rivalité - de rebâtir l'église de Varangéville.
Le nouveau bâtiment, une église-halle de style gothique,
est une réussite architecturale. L'essentiel a vraisemblablement
été construit dans les deux décennies 1510-1530
(d'abord le chur,
puis la nef - donc une progression d'est en ouest). D'après
les documents d'époque et les éléments architecturaux
(clés de voûte, vitraux), l'église est due aux
largesses du cardinal Jean de Lorraine (1498-1550), frère
cadet du duc Antoine de Lorraine. C'est d'ailleurs la famille de
Lorraine qui offrit les trois vitraux
Renaissance du chur,
presque entièrement disparus lors du premier conflit mondial.
La chapelle latérale nord, dans la première travée,
chapelle dite du Saint-Sépulcre,
date de cette époque. Les deux autres chapelles nord sont
postérieures. En 1599, une chapelle fut ajoutée au
sud, mais elle a disparu.
L'église ne possède qu'un petit campanile. Cependant,
les deux grosses piles de la première travée de la
nef et la taille des contreforts extérieurs sur la façade
montrent qu'une imposante tour avait été prévue.
Seuls les premiers éléments en étaient construits
quand tout s'arrêta. On sait que, en 1545, le cardinal Jean
de Lorraine fut remplacé, à la commende du prieuré,
par Nicolas de Tanaguy. Ce dernier mit-il fin à la générosité
de son prédécesseur ? On ne sait.
En 1602, le prieuré de Varangéville fut inclus dans
le patrimoine de la primatiale de Nancy. En effet, en réponse
à la demande du duc Charles III de Lorraine d'ériger
Nancy en évêché, le pape Clément VIII
créa le titre honorifique de primat. L'église Saint-Sébastien,
à Nancy,
devint la première primatiale.
Au XVIIIe siècle, l'histoire de Saint-Gorgon n'est qu'une
succession de travaux (consolidations, reconstructions partielles,
regroupements de vitraux, etc.). Dans les années 1780, on
refit la toiture et l'on démolit la partie de la tour restée
inachevée pour bâtir le petit campanile que nous connaissons.
Sous la Révolution, l'église ne souffrit pas de dommages,
mais la première guerre mondiale détruisit les vitraux
Renaissance qui embellissaient le chur
et qui avaient été réalisés par Valentin
Bousch. De la Renaissance il ne nous reste qu'un soufflet
illustrant une Ascension et datée de la fin du XVe siècle.
|
|
Vue d'ensemble de la nef de l'église Saint-Gorgon.
Dès l'entrée, on est saisi par la forêt de liernes
et de tiercerons qui garnit les voûtes. |
La façade.
La taille des deux contreforts étonne : elle indique
qu'un
clocher massif avait été prévu à
l'origine de la constuction. |
Architecture
externe. Les côtés et l'abside
n'ont rien d'enchanteur. En revanche, il faut s'attarder
sur la façade. Elle paraît bien pauvre.
Le bas des ébrasements relève du gothique
flamboyant. L'archivolte n'est qu'une succession de
nervures sans aucun ornement. Tout semble simplifié
à l'extrême. La rose, sans aucune recherche
particulière, prend la forme d'une banale marguerite.
Ces détails conduisent à s'interroger
sur la date de construction de ce portail car on est
bien loin du goût artistique propre à la
première Renaissance française. On a cru
un moment que le portail remontait aux travaux du XVIIIe
siècle. Cependant une étude précise
fondée sur les matériaux (pierre taillée
du portail opposée aux moellons enduits au-dessus
du campanile) et artistique (fronton d'une part et arc
brisé --»»
|
|
|
|
Vue de la nef et du bas-côté sud depuis l'avant-nef. |
Plan de l'église. |
Vitrail moderne dans la nef. |
Les
vitraux. Achevé en 1518, le chur
de Saint-Gorgon fut rapidement enrichi de trois verrières
Renaissance offertes par le cardinal Jean de Lorraine,
son frère le duc Antoine de Lorraine et Renée
de Bourbon, son épouse (auxquels il rajouter
d'autres donateurs). On connaît l'iconographie
de ces vitraux : une Crucifixion au centre, associée,
d'un côté, à une Vierge de pitié
avec donateurs et, de l'autre côté, aux
armoiries de la duchesse de Lorraine, Renée de
Bourbon. L'auteur en est le célèbre Valentin
Bousch, peintre verrier alsacien, installé
à Saint-Nicolas-de-Port, ville de pèlerinage
toute proche, de l'autre côté de la Meurthe.
On sait qu'elles ont été très restaurées
en 1828 et 1895. Malheureusement, soufflées par
une explosion, elles ne survécurent pas au premier
conflit mondial.
De la Renaissance il ne nous reste que le soufflet d'un
tympan remonté dans une verrière du bas-côté
sud, la baie n°6. C'est une Ascension
avec des visages d'apôtres très expressifs
(voir ci-dessous).
Dans les années 1920, l'atelier de Jacques
Gruber fut sollicité pour reconstituer la
vitrerie de l'église. Elle fut installée
en 1925. Là encore, le second conflit mondial
lui fut fatal. Les bombardements de 1940 ne laissèrent
en entier que La
Légende de saint Nicolas (baie n°5).
Après la guerre c'est Pierre Chevalley
qui fut à son tour sollicité pour créer
les cartons des verrières
du chur et du bas-côté nord.
Notons que les trois vitraux du chur (baies 0
à 2) furent réalisés par l'atelier
Simon de Reims.
Sources : 1) Corpus Vitrearum,
les vitraux de Lorraine et d'Alsace, 1994 ; 2) Le
vitrail en Lorraine du XIIe au XXe siècle,
Éditions Serpenoise, Centre culturel des Prémontrés,
1983.
|
|
Le bas-côté sud avec l'autel Saint-Nicolas et son
absidiole. |
Vitrail moderne dans une chapelle latérale.
Carton de Pierre Chevalley. |
|
Les apôtres
dans l'Ascension
(fin du XVe siècle). |
|
|
Architecture
interne. Saint-Gorgon est une église-halle
: la hauteur des voûtes est la même dans
le vaisseau central et les bas-côtés ;
et cette hauteur est de onze mètres. Son église-fille,
Saint-Nicolas-de-Port,
à laquelle il faut la comparer, est une église
de type basilical (le vaisseau central est plus élevé
que les bas-côtés) et la hauteur de son
vaisseau central est de trente mètres. Ces deux
critères retiennent l'attention des historiens
car ils inversent l'image de vassalité entre
deux églises. En effet, l'église-mère
se doit d'être plus élevée que les
édifices qui lui sont rattachés et surtout
posséder un style basilical, jugé plus
noble que tous les autres. Ainsi, comme le pensent les
historiens, en allait-il du système de références
architecturales en vigueur au XVIe siècle. Du
moins, ce rapport entre mère et filles paraît
tout à fait logique. Pourquoi cette inversion
avec Saint-Gorgon ? On pourra répondre que le
pèlerinage qui fait la renommée de Saint-Nicolas-de-Port
accentue son dynamisme à partir de 1477, ce qui
veut dire offrandes, dons et legs à profusion,
donc plus de moyens financiers. Comme le souligne Pierre
Sesmat pour la 164e session du Congrès archéologique
de France : «En choisissant de lui donner
ce type d'espace, ses bâtisseurs n'ont fait qu'entériner
l'éclipse de leur église face au rayonnement
de la Grande Église. Et l'élancement bien
plus modeste de l'intérieur confirme ce choix.»
L'intérieur de Saint-Gorgon offre une magnifique
perspective, rare en Lorraine : le superbe jeu graphique
des voûtes à liernes et tiercerons, comme
on peut le voir dans la photo ci-dessus. Il est si bas
(onze mètres de haut) qu'il donne presque une
impression d'écrasement. N'était la pierre,
on se croirait sous une agréable tonnelle de
verdure. Le motif en étoile à cinq clés
est répété vingt-trois fois dans
le vaisseau central et les bas-côtés. Seule
diffère la voûte de la dernière
travée du bas-côté nord (voir plan
ci-contre) qui possède neuf clés. Les
piles sont cylindriques et de diamètre identique
(sauf les deux piles de la première travée,
plus épaisses, prévues pour soutenir un
clocher qui ne sera jamais bâti, mais qui aurait
dû être imposant). Il n'y a aucun chapiteau
: rien ne vient interrompre l'élancement des
piles vers la voûte puisqu'elles reçoivent
les nervures en pénétration directe.
L'église accuse une longueur de 54 mètres
et se termine par un chur
qui n'est qu'une simple abside pentagonale. En général,
plus la nef d'une église est longue, plus le
chur l'est aussi. À Saint-Gorgon, au contraire,
les bâtisseurs ont mis l'accent sur le vaisseau
central (8,40 m de large pour une largeur totale de
l'édifice d'environ vingt mètres), voulant
peut-être par-là symboliser la longue avancée
des élus vers le chur, comme on peut la
contempler dans la frise peinte au XIXe siècle
par Hippolyte Flandrin à l'église parisienne
de Saint-Vincent-de-Paul.
Source : Nancy et Lorraine
méridionale, Congrès archéologique
de France, 2006, article de Pierre Sesmat sur l'église
Saint-Gorgon.
|
|
La voûte du bas-côté nord. |
L'autel latéral sud Saint-Joseph . |
|
Bénitier dans l'avant-nef.
Ce bénitier est très ancien, sans qu'on
ait de certitude
sur le siècle auquel il appartient. |
Statue de saint Joseph
dans l'autel Saint-Joseph. |
Les fenêtres ornées de vitraux opaques n'éclairent
que peu la magnifique voûte. |
L'Ascension dans le soufflet d'un tympan de la nef (fin
du XVe siècle).
Auteur inconnu. |
Une chapelle latérale nord. |
|
Vitrail moderne dans la nef. |
Vitrail moderne avec un soufflet Renaissance dans le tympan. |
Chemin de croix, station VIII
dans le bas-côté sud
XIXe siècle ? |
|
|
|
La Vierge à l'Enfant, statue du XIVe siècle. |
La
Vierge à l'Enfant. Cette statue de
Vierge assise, datée du XIVe siècle, possède
un détail remarquable. Elle arborait auparavant
un sein dévoilé auquel s'allaitait l'Enfant-Jésus.
Dans son ouvrage Lorraine gothique aux éditions
Picard, Marie-Claire Burnand signale que, au début
du XIXe siècle, les paroissiens ont jugé
cette scène choquante. Aussi le sein a-t-il été
entièrement martelé. La main droite de
l'Enfant-Jésus, qui tenait le haut du sein, pend
à présent dans le vide.
Vous trouverez dans ce site des Vierges à l'Enfant
beaucoup plus jolies que celle que Saint-Gorgon, comme
par exemple la Vierge au raisin de la basilique Saint-Urbain
à Troyes
ou encore la Vierge à l'Enfant de Pigalle à
l'église Saint-Eustache
à Paris.
|
|
|
L'autel dans une chapelle du bas-côté nord
avec la statue de la Vierge à l'Enfant. |
Le sein de la Vierge ayant été martelé
au début du XIXe siècle,
la main de l'Enfant-Jésus ne s'accroche plus à
rien. |
|
Saint Nicolas ressuscite trois enfants.
Vitrail de l'atelier Jacques Gruber, 1925 |
LA CHAPELLE DU SAINT-SÉPULCRE
|
|
Le Sépulcre, daté du XVIe siècle. |
Le Sépulcre dans la chapelle latérale nord de l'avant-nef.
|
Le
Sépulcre. Cette uvre, datée
du XVIe siècle, paraît fort statique. Elle
dégage néanmoins une certaine émotion
compte tenu de son sujet. Même saint Jean tenant
le bras de la Vierge, au centre, semble figé.
Les statues de Nicodème, à droite, et
de Joseph d'Arimathie, à gauche, sont bizarrement
positionnées au premier plan (des anges agenouillés
les remplacent), ce qui fait qu'elles regardent dans
le vide. Cet anachronisme n'accroît pas la tension
qu'une scène de ce genre est censée créer.
On pourra préférer la Mise au tombeau
beaucoup plus réaliste de la collégiale
Saint-Denis à Amboise.
|
|
|
|
|
La Vierge, saint
Jean et Nicodème dans le Saint-Sépulcre. |
|
La
chapelle du Saint-Sépulcre a été construite
entre les contreforts de la première travée nord. Son
ouverture en anse de panier est intégrée dans les piles
qui délimitent la travée. Elle remonte donc à l'origine
de la construction, ce que confirme sa voûte en étoile,
à l'image de celles de la nef et des bas-côtés.
|
|
|
La voûte de la chapelle du Saint-Sépulcre et ses cinq
clés. |
La Colombe dans la clé de voûte centrale
de la chapelle du Saint-Sépulcre. |
Le Christ mort du Saint-Sépulcre. |
T ête d'angelot dans une clé de voûte de la chapelle
du Saint-Sépulcre.
Début du XVIe siècle. |
Vitrail moderne dans l'oculus de la chapelle du Saint-Sépulcre.
Carton de Pierre Chevalley, 1957 (baie 17). |
Un saint dans un vitrail moderne.
Carton de Pierre Chevalley. |
Piéta dans une niche.
À DROITE ---»»»
Le retable de Saint-Nicolas dans l'absidiole sud. |
|
|
La cuve baptismale dans l'absidiole sud.
XIXe siècle ? |
LE CHUR DE L'ÉGLISE SAINT-GORGON
|
|
Le chur de l'église Saint-Gorgon.
Les vitraux ont été réalisés en 1958 par
l'atelier Simon de Reims sur des cartons de Pierre Chevalley. |
Le chur
de Saint-Gorgon. Stricto sensu, c'est une simple
abside pentagonale embellie, à l'origine, de trois
vitraux Renaissance offerts par la famille de Lorraine. En
fait, s'il veut exister, le chur est obligé de
déborder sur la huitième travée de la
nef. Un emmarchement crée la rupture avec le vaisseau
central.
Le mur de l'abside abrite trois niches à dais gothique.
La niche centrale accueillait une Vierge à l'Enfant
qui a été volée ; dans les deux autres,
on peut voir un saint évêque assis et saint Urbain
qui tient un épi et une grappe de raisin. Le visiteur
pourra admirer les magnifiques sculptures gothiques, situées
chacune entre les portes et les baies latérales (voir
photo ci-contre).
L'historien Pierre Sesmat souligne l'importance de la lumière
dans le chur. Si la nef n'est éclairée
que par une suite de fenêtres petites et moyennes dont
les vitraux, bien souvent opaques, la maintiennent dans la
pénombre, le chur a droit à trois grandes
baies dans l'abside (n°0, 1 & 2) et deux grandes dans
les baies adjacentes (n°3 & 4). Ainsi se trouve soulignée
l'impression de long passage sombre en direction du chur
que donne le vaisseau central quand on entre dans l'église.
Source : Nancy et Lorraine méridionale,
Congrès archéologique de France, 2006, article
de Pierre Sesmat sur l'église Saint-Gorgon.
|
|
Portes, sculptures gothiques et statues derrière le maître-autel. |
Vue d'ensemble du chur et de l'absidiole sud. |
Extrait d'un vitrail du chur.
Atelier rémois Simon et cartons de Pierre Chevalley (1958).
Scènes de l'Ancien Testament. |
Vue d'ensemble du chur et de la voûte. |
|
|
|
|
La voûte en palmier du vaisseau central et des bas-côtés. |
«««---
À GAUCHE
Saint Nicolas ressuscitant trois enfants, détail.
Vitrail de l'atelier Jacques Grüber (1925). |
|
La nef et les bas-côtés vus du chur. |
Documentation : Nancy et Lorraine méridionale,
Congrès archéologique de France, 2006, article de Pierre
Sesmat sur l'église Saint-Gorgon
+ Lorraine gothique de Marie-Claire Burnand, éditions Picard,
1989
+ Corpus Vitrearum, les vitraux de Lorraine et d'Alsace, 1994
+ Le vitrail en Lorraine du XIIe au XXe siècle, Éditions
Serpenoise, Centre culturel des Prémontrés, 1983
+ feuille affichée dans l'église Saint-Gorgon |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|