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Page créée en nov. 2020
Trophée d'armes dans la chapelle ducale

Grâce à la faveur du duc René II (1451-1509), les couvents de moines franciscains se multiplièrent en Lorraine au XVe siècle. Le duc nourrissait une affection particulière pour les Observants, une branche réformée de cet ordre religieux. En 1482, il les installa à Nancy et créa le couvent des Cordeliers qui devint vite la plus célèbre de leurs fondations en Lorraine. Il est d'usage de dire que leur église, dont le nom complet est Saint-François des Cordeliers, fut construite rapidement : de 1482 à 1487. Mais l'historien Sylvain Bertoldi en 2006 a démontré que la date était plus tardive (voir plus bas). L'église suit les règles d'austérité architecturale voulue par l'ordre franciscain. En revanche, grâce à la générosité des ducs, l'intérieur de l'édifice était très riche : mobilier, retable, un jubé de style Renaissance et de très beaux vitraux à toutes les fenêtres. Le duc René se fit inhumer dans l'église, tout comme les ducs Antoine et François Ier. L'église des Cordeliers de Nancy était en quelque sorte la basilique Saint-Denis des ducs de Lorraine.
Au XVIe siècle, on ajouta des chapelles funéraires sur les deux premières travées (voir à nouveau l'encadré consacré à l'étude de Sylvain Bertoldi) et, en 1609, le duc Charles III fit construire au nord-est une chapelle ronde, aujourd'hui chapelle ducale. Au XVIIIe siècle, on modifia le chœur : la voûte était ogivale, on la transforma en berceau. La fenêtre d'axe fut bouchée, ainsi que toutes les fenêtres du côté nord, ce qui transforma complètement l'aspect de l'édifice.
Quand elle vint de Vienne à la cour de Versailles pour épouser le futur roi Louis XVI, la princesse Marie-Antoinette se recueillit dans la chapelle ducale sur la tombe de ses ancêtres de Lorraine : Marie-Antoinette était la fille de l'impératrice Marie-Thérèse de Habsbourg et du duc François III de Lorraine.
Pendant la Révolution, l'église des Cordeliers fut saccagée, le mobilier disparut. Les sépultures furent violées, les tombeaux mutilés. La ville loua le bâtiment à un aubergiste et à un marchand de charbon. Sous la Restauration, la maison de Habsbourg-Lorraine demanda au roi Louis XVIII la restauration de la chapelle ducale et des sépultures. On rechercha alors, dans toute la région, les restes et les tombeaux des membres de la famille de Lorraine et de Vaudémont et on les transféra aux Cordeliers. Ce retour fut sacralisé par une messe expiatoire en 1826. Quant à l'église, c'est la ville de Nancy qui assura sa restauration. Les Cordeliers furent remeublés : maître-autel, stalles d'une abbaye voisine, gisants de provenance diverse. Du tombeau de René II, il ne restait plus que l'enfeu.
Notons que le roi Stanislas Leszczynski, mort en 1766 et ex-roi de Pologne, n'osa pas se faire inhumer dans cette église qu'il savait réservée au repos de la famille ducale. Pour sa sépulture propre, il fit ériger l'église du Bonsecours. Notons encore deux grands moments des Cordeliers : le cercueil du maréchal Lyautey y fut déposé en 1934 ; Otto de Habsbourg-Lorraine s'y maria en 1951.
Sous la chapelle ducale se trouve une crypte assez sobre, interdite au public : les descendants de la famille de Habsbourg-Lorraine viennent s'y recueillir. C'est un lieu privé. À la Révolution, cette crypte fut elle aussi violée et saccagée. Les dépouilles ducales furent jetées dans une fosse commune du cimetière de Boudonville à Nancy. En 1826, on exhuma les restes et on les rassembla en plusieurs cercueils dans la cathédrale. Ceux-ci furent ramenés plus tard dans la crypte.
Dans les anciens locaux du couvent, la municipalité a installé une annexe du Musée Lorrain dédiée aux Arts et Traditions populaires. Ce musée fait l'objet d'une page séparée dans ce site.

Vierge de l'Annonciation dans l'enfeu de René II (XVIe siècle)
Vue d'ensemble de la nef
Vue d'ensemble de la nef de l'église des Cordeliers.
Les deux piles noires à gauche signalent l'entrée de la chapelle ducale ; à droite, elles servent de cadre au tombeau du cardinal Charles de Vaudémont.

L'église des Cordeliers à la pointe de la résistance anti-française.
La Guerre de Trente Ans, qui se déclenche en 1618, oppose en Europe centrale les catholiques aux protestants. La France de Louis XIII ne rejoint les belligérants qu'en 1632 en attaquant les Impériaux catholiques et leurs alliés au nom de la lutte contre la menace d'encerclement des Habsbourg. Aux marches du royaume, la Lorraine et son duc Charles IV ont pris le parti des Impériaux. De plus, le duc nargue ouvertement le roi de France en accueillant ses ennemis à sa cour. Louis XIII et Richelieu décident que la Lorraine et Nancy doivent tomber. Le siège de la capitale s'en suit. Louis entend affamer la ville. La cité ducale capitulera en septembre 1633 comme suite au traité de Charmes.
L'occupation de la Lorraine par les troupes françaises allait durer trente ans. Elle fut dure pour les Nancéiens qui eurent à supporter le poids des armées royales : hébergement forcé des soldats ; construction d'une myriade de huttes sur les terrains non bâtis pour loger ceux qui ne trouvaient pas place chez l'habitant ; exercices réguliers des troupes sur les places de la ville ; portes de la cité sévèrement gardées. Tout rappelait que Nancy était occupée. De plus, dès 1634 commença la construction d'une citadelle pour améliorer les défenses de la ville.
Les mesures administratives complétaient le tableau : un gouverneur fut nommé, assisté d'un conseil souverain composé de Messins, la plupart originaires de France. L'une de ses tâches fut bien sûr de gérer la collecte des impôts ordinaires et

extraordinaires.
Nobles, membres du clergé, officiers et syndics des communautés devaient prêter serment de fidélité à Louis XIII, nouveau maître de la Lorraine. Les communautés religieuses reçurent l'ordre de remplacer dans leurs prières le terme de «duc» par celui de «roi».
Évidemment, la résistance contre l'occupant s'organisa. D'abord par l'exil : des nobles rejoignirent les Impériaux ; des princes quittèrent clandestinement la ville. Puis surtout par les nombreux pamphlets et libelles qui condamnaient la France et affichaient la fidélité des Nancéiens à la Lorraine.
Le clergé des Cordeliers fut à la pointe de cette résistance qui demeurait, malgré tout, passive. Il était difficile de faire plus : les canons français menaçaient la ville. En chaire, le prêche des religieux faisait allusion aux malheurs du temps ; certains distribuaient des pamphlets, affichaient des placards sur les murs. Le père Didelot, gardien du couvent, se compta parmi les plus farouches opposants à l'occupation. À tel point qu'il fut arrêté en février 1635 et condamné à se repentir. «À genoux, nu-tête, en chemise et la corde au cou, il dut avouer publiquement sa faute devant la porte du palais ducal, puis sur la place du Marché de la Ville-Vieille, avant d'être définitivement expulsé», écrit Françoise Boquillon, historienne de Nancy.
Source : «Nancy, 1000 ans d'Histoire», éditions Place Stanislas, 2008.

L'église et sa façade gothique
L'église et sa façade gothique.
La chapelle ducale
La chapelle ducale, construite en 1609, s'élève sur le côté nord.
Les deux ordres architecturaux de l'élévation sont ioniques.
Bas-relief sur la façade
Bas-relief au tympan de la façade avec les armes de Lorraine.

Architecture interne. L'église des Cordeliers possède une architecture très simple : une nef unique à six travées carrées (voir plan), couverte d'une voûte d'ogives à liernes et tiercerons. L'édifice était jadis terminé par une abside à cinq pans ; la voûte de cette abside dessinait une croix de Saint-André. En 1707, elle laissa la place à un espace plus vaste, voûté en berceau.
Les ogives de la nef retombent sur des pilastres moulurés (que l'on peut appeler aussi «tableaux bisautés»), et non pas sur des colonnes engagées. Dans son étude de 1933 pour le Congrès archéologique tenu à Nancy et Verdun, Pierre Marot, ajoute : «ce qui ne manque pas d'être surprenant à cette époque», l'époque étant les années 1480. Dans son étude de 2006, toujours pour le Congrès archéologique tenu en Lorraine cette année-là, l'historien Sylvain Bertoldi lui répond et explique pourquoi, en partant de cette «surprise», il convient de corriger la date de création des Cordeliers (voir l'encadré à ce sujet).
Seul le côté sud de l'église possède des fenêtres. Celles-ci offrent un profil assez rare : dans chaque travée, une fenêtre centrale à trois lancettes et tympan est entourée de deux petites ouvertures. On le voit bien sur la photographie de la façade sud ci-dessus. Quant aux vitraux, à part la rose de la façade ouest qui date du XXe siècle, ils sont tous en verre cathédrale. On sait qu'au XVIe siècle, les vitraux des Cordeliers étaient très riches. Voir l'encadré.

LA NEF DE L'ÉGLISE DES CORDELIERS
Vue d'ensemble de la nef depuis le chœur
Vue d'ensemble de la nef depuis le chœur.
Oculus aux armes de Lorraine sur la façade
Armes du duc Antoine de Lorraine
dans l'œil de la rose (façade occidentale), XXe siècle.

Les vitraux primitifs. Grâce à une étude de l'historien du vitrail, Michel Hérold, parue en 1984, on sait dans les grandes lignes à quoi ressemblaient les vitraux du XVIe siècle aux Cordeliers. Michel Hérold a rapproché les sources de l'époque d'une planche de 1608, illustrant la pompe funèbre du duc de Lorraine Charles III, gravée par Frédéric Brentel.
Avec une grande Crucifixion dans la baie axiale, le thème iconographique du chœur tourne autour de la Passion (flagellation, Christ aux outrages, etc.). Tous les vitraux paraissent ornés, souvent dans leur partie basse, des armoiries de leurs donateurs. Au-dessus de l'enfeu de René II, un grand vitrail montrait le duc agenouillé, en costume ducal, devant un prie-Dieu. Mais, sortie du chœur et de ce vitrail du duc, l'iconographie semble ne répondre à aucun thème particulier. Sur les côtés nord et sud, les donateurs imposaient la scène qu'ils voulaient. Visiblement, les Franciscains se montraient assez lâches dans le choix des sujets.
La Crucifixion de la baie axiale est l'œuvre du grand verrier alsacien de l'époque, Pierre Hemmel d'Andlau. En revanche on ne possède guère de noms pour les autres ateliers. Installés à Nancy, ils apportent néanmoins la preuve que l'art du vitrail était bien présent en Lorraine pendant les soixante ans nécessaires à la création de ces vitraux (de 1485 à 1545 environ).
On en sait plus sur les donateurs. Hormis la famille ducale, on trouvait de nombreux nobles, des officiers ducaux ainsi que des anoblis qui imitaient les largesses du duc à qui ils devaient leur ascension sociale. Offrir un vitrail, objet d'ostentation dans une église, c'était afficher sa richesse et sa réussite, surtout quand on s'y faisait représenter agenouillé avec sa famille. Même si les modifications du XVIIIe siècle et la rage des révolutionnaires ont tout détruit, force est de constater que les donateurs se sont montrés très généreux pour embellir l'église de leur duc.
Source : Les vitraux disparus de l'église des Cordeliers de Nancy par Michel Hérold, Bulletin monumental, tome 142, année 1984.

Chapelle latérale avec statue d'une Vierge à l'Enfant et son présentoir d'informations
Chapelle latérale fermée par un présentoir d'informations.
À l'arrière-plan, statue d'une Vierge à l'Enfant.
Statue polychrome de la Vierge à l'Enfant
Statue polychrome d'une Vierge à l'Enfant
dans une chapelle latérale.
Peinture de saint François sur une colonne
Peinture de saint François
sur une colonne.
Plan de l'église
Plan de l'église des Cordeliers.
Selon l'étude de Sylvain Bertoldi, les deux
premières travées ont été ajoutées au XVIe siècle.
Statue polychrome de la Vierge à l'Enfant, détail
Statue polychrome de la Vierge à l'Enfant, détail.
Les quatre Vertus (fin du XVIIe, début du XVIIIe siècle)
Les quatre Vertus (fin du XVIIe, début du XVIIIe siècle)
Bois sculpté et peint.

Les Vertus. Présentes dans l'église au XVIIIe siècle, ces quatre vertus en bois sculpté et peint ont fait un séjour dans la cathédrale de Nancy, puis sont revenues aux Cordeliers. Le curé de la cathédrale en a fait don à l'église en 1977. On y voit, de gauche à droite, l'Espérance, la Foi, la Force et la Justice. Il est vraisemblable qu'elles servaient pour des décors funéraires.

«Saint Louis Bertrand» par Demange Prot, huile sur toile, vers 1670
«Saint Louis Bertrand» par Demange Prot,
Huile sur toile, vers 1670.

Louis Bertrand, moine dominicain né en 1526, part en Amérique du Sud en 1576. Il évangélise les indigènes de Colombie et du Pérou, puis revient en Espagne. Il est mort en 1580. Source : panneau dans la nef.

Bas-relief de la Cène par Florent Drouin
Haut-relief de la Cène par Florent Drouin, 1582.

La Cène. Ce haut-relief en pierre sculpté possède quelques traces de polychromie. C'est l'une des rares œuvres encore visibles qui nous restent de l'ancienne église Saint-Epvre, construite au XVe siècle et détruite en 1863 pour faire place à la basilique Saint-Epvre actuelle. Cette Cène a été ciselée aux frais de Didier Bourgeois, conseiller d'État et trésorier général de Lorraine, et de son épouse, Gertrude Fournier. Source : panneau dans la nef.

Pierre tombale de Jean-Blaise de Mauléon
Pierre tombale de Jean-Blaise de Mauléon.
Lorraine, vers 1615.

Jean-Blaise de Mauléon était capitaine des gardes du corps du duc Charles III, bailli de l'évêché de Toul et sénéchal du Barrois. Il est mort en 1613.

Pierre tombale d'Otto Ier, comte sauvage du Rhin et de Salm, vers 1607
Pierre tombale d'Otto Ier, comte sauvage du Rhin et de Salm.
Lorraine, vers 1607.
Bas–relief de la Cène par Florent Drouin, détail avec Jésus et Jean
Haut-relief de la Cène par Florent Drouin (année 1582).
Détail avec Pierre, Jésus et Jean.
Gisants de René de Beauvau et de Claude Baudroche par Guy Ligier
Gisants de René de Beauvau et de Claude Baudroche.
Œuvre en calcaire d'Euville attribuée à Guy Ligier (1500-1567)

René de Beauvau, maître d'hôtel du duc Antoine, était sénéchal de Barrois et bailli de Saint-Mihiel, dans la Meuse. Il est mort en 1549. Sa femme, Claude Baudroche, était dame de Pange. Elle est morte en 1541. Attribuée à Guy Ligier (1500-1567), leur sépulture a subi des restaurations. Les deux animaux qui sont à leurs pieds (le lion qui représente la force et le chien qui symbolise la fidélité) ont été refaits au XIXe siècle.
Source : panneau dans la nef.

«Sainte Rose de Lima» par Demange Prot, huile sur toile, vers 1670
«Sainte Rose de Lima» par Demange Prot.
Huile sur toile, vers 1670.
Demange Prot a travaillé à Nancy entre 1628 et 1658.

Sainte Rose de Lima, de son vrai nom Isabella Flores y de Oliva, est née à Lima en 1586. Sa famille est espagnole et vit dans l'aisance. Rose entre dans le tiers ordre dominicain sous le nom de Rose de la Vierge Marie. À l'âge de vingt ans, elle refuse de se marier et prononce ses vœux de dominicaine tertiaire. Comme il n'y a pas de couvent au Pérou, elle se bâtit une cellule au fond du jardin familial et y vit en recluse. Elle meurt en août 1617, à 31 ans. Elle est canonisée par le pape Clément X en 1671 et devient la première sainte d'Amérique. Source : panneau dans la nef.

Tombeau d'Antoine de Vaudémont et de Marie d'Harcourt, Lorraine, 2e moitié du XVe siècle
Tombeau d'Antoine de Vaudémont et de Marie d'Harcourt, détail.
Lorraine, 2e moitié du XVe siècle.
Le Prophète Élie, statue de Dieudonné-Barthélemy Guibal
Le Prophète Élie.
Statue en bois sculpté et teinté
de Dieudonné-Barthélemy Guibal (1699-1757)

Le prophète Élie. Cette statue faisait partie d'un grand décor réalisé pour le maître-autel de l'église des Carmes de Lunéville. Conformément aux Écritures, le prophète était représenté montant au ciel sur un char de feu tiré par deux chevaux. Source : panneau dans la nef.

Gisants de René de Beauvau et de Claude Baudroche par Guy Ligier
Gisants de René de Beauvau et de Claude Baudroche par Guy Ligier (XVIe siècle).

Marie-Madeleine tenant un vase de parfum. Cette jolie statue avec son beau travail sur les plis du vêtement est une copie du début du XXe siècle, réalisée en plâtre par Charles Joret. L'original, qui date de la première moitié du XVe siècle, a été «récupéré» par le Louvre qui en a rétrocédé une copie à l'église des Cordeliers.
Cette pratique de captation des œuvres d'art anciennes avec renvoi d'une copie était courante de la part du musée jusqu'à ce que Jack Lang, nommé ministre de la culture en 1981, y mette fin. On aurait bien aimé voir l'original dans l'église !

Gisants de René de Beauvau et de Claude Baudroche par Guy Ligier, détail
Gisants de René de Beauvau et de Claude Baudroche par Guy Ligier,
Gros plan sur les animaux refaits au XIXe siècle.
Statue de Marie–Madeleine tenant un vase de parfum, 1ère moitié du XVe siècle, copie en plâtre de Charles Joret
Marie-Madeleine tenant un vase de parfum.
Copie en plâtre réalisée par Charles Joret
entre 1906 et 1914.
L'orginal, qui date de la première moitié du XVe siècle,
est conservé au musée du Louvre.
L'ENFEU DU DUC RENÉ II  († 1508)
L'enfeu de René II
L'enfeu du duc René II (1451-1508).
Œuvre terminée en 1511, auteur inconnu.

L'enfeu de René II. C'est l'une des plus belles œuvres de l'église même si les statues et le gisant qui l'accompagnaient ont disparu. En effet, au XVIe siècle et jusqu'à la Révolution, c'était tout le tombeau du duc René II († 1508) qui se tenait contre le mur sud des Cordeliers. Il était scindé en deux parties : au sol, un tombeau de bronze où le duc, selon sa volonté testamentaire, était représenté étendu ; derrière, un enfeu monumental au-dessous duquel on voyait une statue du duc agenouillé devant la Vierge. Les révolutionnaires envoyèrent le tombeau de bronze à la fonte et détruisirent l'orant et la Vierge. Il ne restait plus que l'enfeu.
On a d'abord placé, dans sa partie inférieure, deux petites statues du duc et de la Vierge sculptées par Labroise, des statues jugées ridicules par l'historien Pierre Marot, auteur d'un article détaillé sur l'église pour le Congrès archéologique de France tenu à Nancy en 1933. Elles ont disparu depuis. L'enfeu était terminé en 1511 et l'on ignore son auteur. Son attribution à Mansuy Gauvain, que René II, avec d'autres artistes, avait appelé dans son duché, a été faite sans preuve. Ajoutons que l'enfeu était polychromé à l'origine et qu'il a été repeint au XIXe siècle «sans discernement», note encore l'historien Pierre Marot.
De par sa décoration sur les pilastres et la présence de nombreuses coquilles, son style est clairement Renaissance. Cependant, les six statues de la galerie médiane sont gothiques. On y voit au centre une Annonciation (et le duc René vouait un culte à ce mystère chrétien) entourée, sur la gauche, de saint Georges et saint Nicolas et, sur la droite, de saint Jérôme et saint François : saint Georges parce qu'il était vénéré par les ducs de Lorraine depuis la fondation de la collégiale Saint-Georges ; saint Nicolas, parce qu'il est le patron de la Lorraine ; saint Jérôme, parce que le précepteur du duc René, Didier Birstorff, avait transcrit les œuvres de ce docteur de l'Église ; enfin saint François parce que René II avait établi l'ordre des Franciscains à Nancy.
Au niveau supérieur, c'est-à-dire sur la frise de l'entablement, un groupe d'angelots tient quatre blasons, ceux de Hongrie, de Sicile, de Jérusalem et d'Aragon. Enfin, coiffant l'ensemble, l'artiste a ajouté une sculpture du Père céleste sur son trône. Il est entouré de deux anges musiciens (photo donnée ci-contre).
Source : Congrès archéologique de France, Nancy et Verdun 1933, article de Pierre Marot sur l'église des Cordeliers.

Bandeau supérieur droit avec des anges tenant des écussons
La galerie des personnages avec la Vierge, saint Jérôme et saint François
Au deuxième niveau de l'enfeu, quatre saints entourent une Annonciation.
Ci-dessus, la partie droite, avec la Vierge, saint Jérôme et saint François d'Assise.
L'ange de l'Annonciation
L'ange de l'Annonciation.
Marie de l'Annonciation
La Vierge de l'Annonciation.

Le duc René II vouait un culte particulier à l'Annonciation («La Nunciade»). Ce mysère, l'un des principaux du culte chrétien, était représenté sur son étendard à la bataille de Nancy en 1477, une bataille qu'il remporta contre les troupes bourguignonnes de Charles le Téméraire.

Le Père céleste
Partie supérieure de l'enfeu :
le Père céleste est entouré de deux anges musiciens.

«««--- Frise de l'entablement dans l'enfeu de René II, partie droite :
des angelots tiennent les écussons de Jérusalem et d'Aragon.
(1511)

Saint Georges terrassant le dragon
Saint Georges terrassant le dragon
(deuxième niveau de l'enfeu).
Saint Jérôme et son lion
Saint Jérôme et son lion
(deuxième niveau de l'enfeu).

Les nervures des voûtes de la nef
Les nervures des voûtes de la nef.
On voit très bien le style de la nervure : un listel [moulure plate] au milieu, bordé de deux cavets.
Ce style n'était pas pratiqué en Lorraine avant le XVIe siècle.

Clé de voûte à thème de fleur et de feuillage
Clé de voûte à thème de fleur et de feuillage.
Clé de voûte à feuillage
Clé de voûte à feuillage.
Les moulures du fronton de la façade occidentale
Les moulures du fronton de la façade occidentale.
Clé de voûte avec cordelette tressée
Clé de voûte avec cordelette tressée.
Chapiteau de la première Renaissance sur le portail de la façade occidentale
Chapiteau de la première Renaissance
sur le portail de la façade occidentale.

Quelle est la vraie date de création des Cordeliers? 1/3
En 1933, l'historien Pierre Marot, dans son article pour le Congrès archéologique de France, s'étonnait, sans comprendre, que les voûtes retombent sur des pilastres moulurés (photo ci-dessous). En 2006, l'historien Sylvain Bertoldi, dans un texte savant, et à nouveau pour le Congrès archéologique de France, part de ces pilastres pour remettre en question la date de départ de la construction des Cordeliers, admise par tous, de 1480. En 1971 déjà, un historien allemand, Robert-H. Schubart, cité par Bertoldi, avait émis l'hypothèse d'un agrandissement d'un édifice primitif.
Revenons à l'Histoire. En 1482, le duc René II décide de faire bâtir un couvent pour les Observants qu'il a fait installer à Nancy. Il demande bien sûr l'autorisation au pape Sixte IV. L'emplacement est assez vite trouvé : ce sera sur le flanc nord du palais ducal. Cet emplacement sera d'ailleurs agrandi en 1484 par l'achat de plusieurs maisons attenantes. Certain de l'accord papal (qui n'arrivera qu'en avril 1484), le duc n'attend pas la publication de la bulle. Il fait démarrer dès 1482 la construction des bâtiments conventuels sur le terrain disponible. En 1487, l'église était terminée puisqu'elle fut consacrée le deuxième dimanche après Pâques de cette année-là (29 avril) et dédiée à l'Annonciation de la Vierge, à saint Nicolas et à saint René. Les documents de l'époque indiquent que le couvent en lui-même n'était pas totalement terminé. En revanche, le duc René continuait à dépenser pour l'ornement de l'église (orgue, vitraux, retable).
Aucun document ne prouve que cette «première» église ait été voûtée. De plus, constate Sylvain Bertoldi, «...ni les voûtes actuelles, ni leurs supports, ni les remplages des baies en nid d'abeille sans redents - hormis ceux de la baie située au-dessus de l'enfeu de René II - ne semblent convenir aux années 1480.» ---»» Suite 2/3

«Chapiteau» mouluré sur un pilastre
«Chapiteau» mouluré sur un pilastre.
Clé de voûte représentant un soleil
Clé de voûte représentant un soleil.

Quelle est la vraie date de création des Cordeliers? 2/3
L'historien relie les pilastres moulurés des Cordeliers à ceux que l'on voit dans d'autres églises et chapelles de la région : l'église paroissiale d'Amance, la petite chapelle Saint-Roch au-dessus de Saint-Dié, l'église des sœurs grises du couvent d'Ormes-et-Ville (aujourd'hui disparue), le prieuré bénédictin de Flavigny-sur-Moselle, l'abbatiale d'Autrey dans les Vosges. Tous ces édifices, parfois bâtis par des proches du duc, sont érigés à partir de 1523. Pour Sylvain Bertoldi, ils ont une source d'inspiration identique : la chapelle ducale. Si la réplique est parfois empâtée, elle peut aussi être élégante, comme à Ormes-et-Ville, ou plus ferme, comme à Autrey. Ce style de supports à tableaux biseautés n'était pas inconnu en Lorraine avant 1523 puisqu'on le trouve à l'église de Blénod-lès-Toul, vers 1506. L'aspect de cette dernière église, nous dit Sylvain Bertoldi, a subi l'influence de l'évêque de Toul, Hugues des Hazards, un prélat «très au fait des nouvelles expressions architecturales».
Autre point d'attaque de l'historien : le remplage des fenêtres qui ne peut appartenir qu'au XVIe siècle (à part celui de la baie qui surplombe l'enfeu de René II). Même remarque pour la modénature des voûtes : «les nervures ont toutes un profil prismatique (listel dégagé par deux cavets) encore inconnu dans les années 1480» (voir photo ci-contre). Enfin les clés de voûte dont le motif et la facture «paraissent incompatibles avec une datation dans les années 1480.» De plus, toules les clés «offrent la plus grande similitude avec celles de l'église de Varangéville, commencée peu avant 1518 et achevée vers 1530.» Et Sylvain Bertoldi précise : «L'artiste inconnu qui a sculpté les clefs de voûte des Cordeliers aimait le motif de la cordelette tressée, les couronnes de feuillage (d'aspect très Renaissance) et les fleurs : renoncules, rose héraldique à cinq pétales (c'est-à-dire l'églantine) et, cas unique en Lorraine, une pensée.»
Les contreforts, essentiellement par l'aspect de leur gâble triangulaire, marquent aussi leur appartenance au XVIe siècle. Élaborés à l'est, ils sont plus secs et simples à l'ouest, indiquant que les travaux ont été réalisés d'est en ouest, «en peu de temps toutefois car ils sont tous dans le même esprit».
Dans la nef, les deux premières travées, qui possèdent des chapelles latérales de deux travées chacune (et d'amplitude réduite de moitié par rapport à celles de la nef - voir plan) trahissent, par leurs arcades en plein cintre et leurs supports, un agrandissement de l'édifice primitif. Les supports des arcades de ces chapelles ont une saillie plus marquée qu'ailleurs : preuve de la présence de l'ancien mur de façade au niveau de la troisième travée actuelle. L'édifice primitif avait donc deux travées en moins. Sylvain Bertoldi fait le parallèle architectural avec les chapelles de Saint-Nicolas-du-Port qui ont même plan et mêmes voûtes (mais plus de recherche aux Cordeliers). Or, ajoute-t-il, les chapelles de Saint-Nicolas-du-Port ne sont pas antérieures à 1490.
Après les travées de la nef, il existe encore un sujet justifiant la remise en question de la date de 1480 : c'est la façade occidentale avec son portail et sa rose. Contrairement aux constatations précédentes, ces deux éléments paraissent d'un style artistique si avancé que l'on a pu, pendant longtemps, dater la façade ouest de la seconde moitié du XVIe siècle. Pour Sylvain Bertoldi, ils sont tout à fait contemporains des deux premières travées de la nef. La rose et ses six occuli (il y en a six dans une gravure de 1641) accueillaient les différents quartiers des armes de Lorraine. On doit donc dater le vitrail de la première moitié du XVIe siècle. Notons que les neuf oculi qui entourent l'œil de la rose ont été mis en place lors d'une restauration du XIXe siècle.
Quant au portail, certains auteurs ont vu, dans les pilastres supportant le large entablement couronné d'un fronton rectangulaire (voir photo à gauche), une création du début du XVIIIe siècle... Pour la plupart d'entre eux, il était du moins exclu de remonter avant la seconde moitié du XVIe. Sylvain Bertoldi donne un avis totalement opposé. Il fait un parallèle intéressant avec l'église Saint-Médard de Blénod-lès-Toul : une datation de son portail sur la seconde moitié du XVIe siècle se serait imposée aux historiens si l'on n'avait pas pu avancer la preuve qu'il datait de 1512. Moralité : il faut se méfier des roueries de l'Histoire et ne pas se laisser leurrer par les formes. Le portail des Cordeliers, moins épuré que celui de Saint-Médard, doit bel et bien être rattaché à la même époque, c'est-à-dire autour des années 1510 à 1530. «On y remarque, écrit l'historien, des réminiscences du gothique flamboyant, dont on mit longtemps à se défaire. C'est particulièrement net pour l'encadrement intérieur fait de moulures en tores piriformes [c'est-à-dire en forme de poire] qui s'entrecroisent dans leur partie supérieure. Les bases, juchées sur un socle à talon, sont encore prismatiques. De plus, les chapiteaux [voir photo ci-contre] sont caractéristiques de l'art de la première Renaissance.»
Sylvain Bertoldi termine son long article par une énumération convaincante des manuscrits de l'époque. Ils montrent tous que les fondations des quatre chapelles latérales des deux premières travées ne peuvent pas remonter avant les années 1510. On sait, par les archives, que les documents indiquent que le voûtement de l'église et la construction des chapelles ont été payés aux maîtres d'œuvre en 1520-1521. De plus, l'historien du vitrail, Michel Hérold, a montré que les vitraux avaient été mis en place, de l'abside jusqu'à la première travée de la nef, de 1508 à 1544 (en réalité de 1489 à 1544). ---»» Suite 3/3

LE MAÎTRE-AUTEL DE L'ÉGLISE DES CORDELIERS
Le chœur avec le tombeau de Charles de Vaudémont
Le chœur et son retable. Sur la droite, le tombeau du cardinal Charles de Vaudémont.

Le retable du maître-autel. C'est une œuvre lorraine, datée de 1522, en pierre sculptée polychrome (la date figure sur le retable). Elle provient de la chapelle Saint-Fiacre de Rigny-Saint-Martin dans la Meuse, chapelle fondée vers 1520-1522 par Jean Gerrier, gouverneur de la maison et de l'hôpital du Saint-Esprit de Toul.
Dans sa partie inférieure, huit saints en bas-relief encadrent une Annonciation. Sa partie supérieure est constituée d'une Sainte-Trinité très élaborée : le Père céleste présente son fils en croix ; malheureusement, la colombe qui figurait l'Esprit-Saint a été brisée. Les angelots tiennent des phylactères où sont inscrits les sept dons de l'Esprit-Saint.
Source : panneau dans la nef.

Maître-autel, détail du soubassement
Retable du maître-autel : détail de la rangée des saints qui encadre l'Annonciation.
Sur la gauche : saint Jean et saint Pierre.
Le Père céleste dans le retable du maître-autel
La Trinité dans le retable du maître-autel.
La colombe du Saint-Esprit a été brisée.

Quelle est la vraie date de création des Cordeliers? 3/3
En conclusion, selon Sylvain Bertoldi, une seconde campagne de travaux a modifié toute l'église et l'a agrandie. On peut découper cette campagne en trois phases : l'abside ; les quatre dernières travées de la nef ; enfin, la construction des deux premières avec les chapelles latérales et la façade occidentale. Du premier édifice, on ne voit plus qu'une partie des murs de l'abside et de ceux des travées 3 à 6. «L'église actuelle des Cordeliers date dans sa plus grande partie des années 1520-1525», écrit Sylvain Bertoldi.
Cette reconstruction ne doit pas étonner car les ordres mendiants n'étaient pas pauvres. Leur histoire regorge de ces églises qui ont été agrandies pour répondre à la faveur croissante des pénitents et des nobles. S'y faire construire une chapelle et s'y faire inhumer étaient des marqueurs sociétaux importants pour l'aristocratie locale. En Lorraine, les cas similaires aux Cordeliers de Nancy abondent : les Cordeliers de Raon-l'Étape et ceux du Petit-Thon, l'église des Franciscains de Mirecourt, tout comme pour les Augustins de Bar-le-Duc. Dans tous ces cas, il a fallu, dix ou vingt ans plus tard, rebâtir et agrandir.
Source : Congrès archéologique de France, Nancy et Lorraine méridionale 2006, article de Sylvain Bertoldi.

LE TOMBEAU DU CARDINAL CHARLES DE VAUDÉMONT, ÉVÊQUE DE TOUL ET DE VERDUN

Le tombeau de Charles de Vaudémont, Nancy 1588
Le tombeau de Charles de Vaudémont, Nancy 1588.
L'orant de l'évêque agenouillé devant son prie-Dieu est entouré des quatre docteurs
de l'Église : saint Léon, saint Ambroise, saint Grégoire et saint Augustin.

Le priant de Charles de Vaudémont, détail
L'orant de Charles de Vaudémont, détail.

Charles de Vaudémont (1539-1587), qui fut évêque de Verdun et de Toul, faisait partie de la maison de Lorraine. Il était le petit-fils du duc Antoine, lui-même fils de René II.

Saint Grégoire et saint Augustin
Saint Grégoire et saint Augustin
sur leurs piédestaux de marbre gris ornés d'un médaillon.
Ex-voto de Claude Beaujan, huile sur toile, 1636
Ex-voto de Claude Beaujan par Rémond Constant (1575-1637)
Huile sur toile, 1636.

«Ex-voto de Claude Beaujan». C'est le tableau le plus intéressant de l'église. Il a été réalisé par le peintre Rémond Constant (1575-1637) dans les derniers mois de sa vie en réponse à la commande de Claude Beaujan passée en 1636.
C'est l'époque de la guerre de Trente Ans (1618-1648). La ville de Nancy, qui a pris le parti des Impériaux, est occupée par les troupes françaises de Louis XIII depuis la signature du traité de Charmes de 1633. L'occupant vit sur la ville ; l'existence des habitants, écrasés d'impôts, est très dure.
La guerre ne suffit pas, la peste s'en mêle. Venue d'Orient, elle est passée par la Hongrie, propagée par les nombreux mouvements de troupes depuis 1618 et le début de la guerre dans l'Empire. Elle frappe Metz en 1625, Pont-à-Mousson en 1629. Malgré un surcroît de précautions, elle arrive dans la Ville-Vieille de Nancy en 1630 et se répand dans toute la cité dès 1631. En 1635, l'année où l'épidémie fut la plus terrible, la paroisse de Saint-Sébastien enregistra 1720 morts de la peste.
Claude Beaujan, le commanditaire de la toile, est un prêtre qui s'est dévoué au service des malades. La peinture montre la ville de Nancy protégée par Notre-Dame de Lorette et, sur la gauche, par saint Charles Borromée (lui-même mort de la peste à Milan en 1584 et canonisé en 1610 par le pape Paul V), saint Sébastien et saint Roch (qui montre son bubon). À l'arrière-plan, l'artiste a représenté les «bordes» (constructions de bois sommaires) du clos de l'Asné, près de Maxéville où l'on conduisait les pestiférés.
Sources : 1) panneau dans la nef ; 2) Nancy, 1000 ans d'Histoire, éditions Place Stanislas.

Le priant de Charles de Vaudémont
L'orant du cardinal Charles de Vaudémont, évêque de Toul et de Verdun.
Œuvre en marbre de 1588
attribuée à Florent Drouin le Jeune (vers 1540-1612).

Le tombeau de Charles de Vaudémont. Cette œuvre sous son portique parait n'avoir aucun respect pour les proportions. En fait, c'est une disposition tardive, arrangée au XIXe siècle.
L'historien J.-J Lionnois, dans son ouvrage Histoire des villes vieille et neuve de Nancy paru de 1805 à 1811 en trois volumes, nous a laissé la description du tombeau tel qu'il était avant la Révolution. À l'origine, il se situait au milieu du chœur. L'orant, en grandeur naturelle, et son prie-Dieu se présentaient comme on les voit aujourd'hui. Ils se situaient dans une espèce de niche ornée de quatre pilastres en marbre d'ordre ionique. L'entablement était surmonté des armes de Lorraine, elles-mêmes coiffées d'un chapeau de cardinal. Les statues des quatre docteurs de l'Église sur leurs piédestaux de marbre gris étaient déjà présentes, à un niveau plus bas que celui de l'orant.
Au vu de leur valeur artistique, les révolutionnaires décidèrent de conserver les statues. L'ensemble fut envoyé au Museum que l'on constituait à Nancy à cette époque. Après le Concordat, les quatre docteurs furent disposés dans les croisillons du transept de la cathédrale. L'orant et son prie-Dieu, quant à eux, furent renvoyés aux Cordeliers et installés en face de l'entrée de la chapelle ducale. Un artiste, dénommé Glorieux, fut chargé de créer une niche pour donner au tombeau un environnement à sa mesure. Et, sans doute soucieux de symétrie, il a construit un portique similaire à celui qui lui fait face et qui marque l'entrée de la chapelle ducale. L'ennui, c'est que ce portique est beaucoup trop grand pour la taille de l'orant et qu'il contribue fâcheusement à rapetisser l'œuvre !
Dans son article pour le Congrès archéologique de France tenu à Nancy et à Verdun en 1933, l'historien Pierre Marot fait remarquer, à propos de l'artiste qui a conçu cet orant que, si celui-ci est attribué au sculpteur nancéien Florent Drouin le Jeune (vers 1540-1612), ce doit être néanmoins l'œuvre d'un atelier et non d'un seul artiste. «Il y a bien des maladresses et de la lourdeur dans l'étude du manteau et des mains, écrit-il pour justifier son jugement, tandis que la tête est au contraire fort belle.»
La note affichée dans l'église ajoute que les statues des quatre docteurs (saint Léon, saint Ambroise, saint Grégoire et saint Augustin) sont revenues aux Cordeliers en 1939. Elle prend soin de préciser que leur disposition est maintenant différente de celle à l'origine. Ce qui serait évident si le tombeau, disposé avant la Révolution sous une niche à quatre pilastres, était de forme rectangulaire - avec vraisemblablement une statue à chaque angle. Mais rien ne dit que les quatre pilastres n'étaient pas alignés comme le sont les deux piles du portique de Glorieux.
Sources : 1) panneau dans la nef ; 2) Congrès archéologique de France, Nancy et Verdun 1933, article de Pierre Marot.

Saint Léon et saint Ambroise
Les docteurs de l'Église saint Léon et saint Ambroise.
Saint Ambroise
Saint Ambroise, détail.
Évêque de Milan de 374 à 397.
Le pape saint Grégoire
Le pape saint Grégoire, détail.
Grégoire Ier fut pape de 590 à 604.
Médaillon de saint Grégoire, détail
Médaillon du piédestal de saint Grégoire, détail.
Saint Augustin, détail
Saint Augustin, détail.
Médaillon de saint Augustin
Médaillon du piédestal de saint Augustin.
LE CHŒUR ET LES STALLES
Vue d'ensemble des stalles du chœur
Vue d'ensemble des stalles du chœur. Elles datent de 1689 et
viennent de l'abbaye prémontrée de Salival, près de Château-Salins, en Moselle.
Ange musicien a la flûte Ange musicien au tambour Ange musicien à la trompettee Ange musicien au violon Ange musicien au triangle
LES ANGES MUSICIENS DES STALLES
Tableau «Saint Charles Borromée» dans le chœur
«Saint Charles Borromée» dans le chœur.
Tableau de Claude Charles, 1ère moitié du XVIIIe siècle.

Les stalles du chœur. Ces stalles en bois sculpté ont été créées en 1691. Initialement installées dans l'abbaye prémontrée de Salival, près de Château-Salins, en Moselle (une abbaye qui a aujourd'hui disparu), elles ont rejoint les Cordeliers lors de la restauration de l'édifice au XIXe siècle.
Leur aspect général assez sobre privilégie lignes droites et angles droits. Cet ensemble austère de quadrilatères nus est surmonté d'un bandeau feuillé, lui-même couvert d'une corniche très saillante qui semble délimiter fermement l'espace. La décoration principale de cet ensemble est la très belle série d'anges musiciens qui scande tout le périmètre. Enfin, au centre, la chaise de l'abbé est décorée d'un grand écusson aux armes de la Lorraine (armoiries du duc Antoine).

Deux anges entourent un écusson aux armes de Lorraine
Au-dessus du siège de l'abbé, deux anges entourent un grand écusson aux armes de Lorraine.
La voûte avec sa peinture d'anges
La voûte avec sa peinture d'anges d'Hugues de la Faye.

La voûte peinte. La travée qui dessert la chapelle ducale possède une voûte peinte d'anges tenant les instruments de la Passion. Cette peinture, datée du XVIe siècle, est l'œuvre d'Hugues de la Faye († 1541), peintre du duc Antoine. Elle a été mise à jour lors de la dernière restauration. On doit aussi à Hugues de la Faye la peinture de la voûte en cul-de-four du chœur dont il ne reste que des vestiges.

La peinture d'anges, détail
Anges tenant les instruments de la Passion, détail.
LA CHAPELLE DUCALE NOTRE-DAME DE LORETTE
Entrée de la chapelle ducale, le tympan
Portique à l'entrée de la chapelle ducale : le tympan.

Détail du tympan de l'entrée de la chapelle ducale ---»»»
Il représente les armes de Lorraine.
Tympan de l'entrée de la chapelle ducale, détail
Vue d'ensemble de la chapelle ducale
Vue d'ensemble de la chapelle ducale.
Au centre, une Vierge portant l'Enfant est assise sur un tabernacle, entourée de deux anges (marbre blanc).
Au soubassemenet, un Christ mort attribué sans certitude à Rémy-François Chassel.
Parmi les cénotaphes, seul celui qui est derrière l'autel est du XVIIIe siècle.
La chapelle ducale et son impressionnante voûte
La chapelle ducale et son impressionnante
coupole à caissons du XVIIe siècle.
Un ange souriant sur la coupole de la chapelle
Un ange souriant sur la coupole de la chapelle.
Angelot dans une coquille sur la coupole de la chapelle
Angelot dans une coquille sur la coupole de la chapelle.
Deux anges sont suspendus dans les airs sous le lanternon de la coupole
Deux anges sont suspendus dans les airs
sous le lanternon de la coupole.

Les anges du lanternon. L'ange de droite apporte, dans ses mains, une couronne de lauriers et une couronne d'étoiles. L'autre ange l'accompagne en tenant fermement son bras droit. Un petit nuage est représenté sous les pieds de cet ange accompagnateur.

Statue de la Vierge à l'Enfant
Vierge portant l'Enfant (XVIIIe siècle)
sur le tabernacle de l'autel central.
Bas-relief sur le mur du second niveau
Trophée d'armes sur le mur du second niveau.
Restauration du XIXe siècle.

La chapelle des ducs de Lorraine 1/2.
Un siècle après la construction des Cordeliers, le duc Charles III, arrière-petit-fils de René II, fit construire en 1608 une chapelle sur le flanc nord de l'église. Il voulait un caveau privé pour les sépultures de sa famille, évidemment avec le faste et la richesse dignes de la maison de Lorraine. Charles III s'éteignit l'année même du démarrage de la construction. C'est son fils, Henri II (duc de 1608 à 1624) qui poursuivit l'œuvre de son père à un moment crucial de la ville de Nancy : la cité est en plein développement urbain avec la création de la Ville-Neuve (entreprise à partir de 1588). Les plans de la chapelle sont traditionnellement présentés comme étant de la main de l'architecte italien Jean-Baptiste Stabili (qui est intervenu à l'époque dans la construction des remparts). La crypte (lieu privé réservé de nos jours à la famille ducale) est achevée dès 1609. Enfin, en 1612, le bâti est terminé, y compris le lanternon au-dessus de la coupole. La chapelle est consacrée à Notre-Dame de Lorette le 28 avril de cette même année.
Toute la décoration intérieure reste à installer. En fait, on n'y dressa que les colonnes de marbre noir au premier niveau. Pas de cénotaphe, pas de décor à la coupole. L'endroit resta vide. Soulignons qu'en 1612 les baies inférieures étaient toutes ouvertes et des vitraux ornaient l'édifice sur les deux niveaux.
Rien ne se passa plus pendant vingt ans. En 1632 toutefois, le sculpteur Siméon Drouin reçut une forte somme pour décorer la coupole. En fait, les historiens ne sont sûrs de rien, ni de l'artiste, ni de l'époque de la décoration qui pourrait bien être antérieure de vingt ans. Quoi qu'il en soit, ce somptueux décor en stuc est un élément essentiel du faste de la chapelle.
À nouveau, rien ne bougera plus pendant un siècle. Pis, la chapelle va se dégrader avec le temps sans que personne ne s'en soucie. Il faut dire que, au XVIIe siècle, la Lorraine connaît des années tragiques. Après avoir été la proie de Louis XIII, puis le champ de rapine de la soldatesque pendant la guerre de Trente Ans et, enfin, une des cibles privilégiées de l'appétit territorial de Louis XIV, ce n'est qu'en 1697 que le duc de Lorraine, Léopold Ier, put récupérer son fief. Cette année-là, le traité de Ryswick clôt la guerre de la Ligue d'Augsburg et redistribue les territoires. Une nouvelle occupation par les troupes du roi de France pendant la guerre de Succession d'Espagne se solda par une évacuation de ces mêmes troupes en 1714. Léopold put enfin rentrer chez lui et assurer sa tâche de duc jusqu'à sa mort en 1729. ---»» Suite 2/2

Bas-relief du Christ mort dans le soubassement de l'autel central
Bas-relief du Christ mort dans le soubassement de l'autel central.
Faut-il l'attribuer à Rémy-François Chassel comme le Christ mort de l'église Saint-Gengoult à Toul ?

La chapelle des ducs de Lorraine 2/2.
Dans la chapelle, tout restait figé, détérioré, et le restera jusqu'au mariage du successeur de Léopold, le duc François III, avec la future impératrice d'Autriche, la jeune archiduchesse Marie-Thérèse de Habsbourg. Le mariage eut lieu en 1736 à Vienne. En 1737, François abandonna son duché au profit de l'ex-roi de Pologne, Stanislas Leszczynski. Étrangement, c'est à ce moment que l'ex-duc François se soucia de la chapelle de ses ancêtres et engagea des travaux pour la tirer de son piteux état.
La première étape des restaurations fut achevée en 1743 : caveau, cercueils et coupole réparés ; rotonde du lanternon peinte d'un ciel. La deuxième étape fut plus longue et mit un terme à la décoration : on dressa enfin les colonnes de marbre noir au second niveau ; l'autel fut achevé en 1757. Le plan de la chapelle est octogonal. Chacun des huit pans, qui s'étale sur les deux niveaux de l'élévation, fut aménagé selon les deux ordres architecturaux. Le pan accueillait deux fenêtres en plein cintre, et le portrait d'un duc ornait le dessous de l'architrave du second niveau. Sur le devant, un cénotaphe de marbre noir. À chaque angle, un petit génie se dressait sur un piédestal de marbre gris. Le sol était pavé de marbres de différentes couleurs. À l'image de Saint-Denis pour les rois de France ou de la chapelle des Medicis à Florence, ce décor somptueux fêtait la gloire de la maison de Lorraine, désormais ancêtre de la prestigieuse famille des Habsbourg-Lorraine.
À la Révolution, les sépultures furent violées et toute l'ornementation disparut, y compris le marbre au sol. Il ne resta plus qu'une ruine. En 1810, les Lorrains demandèrent une restauration. Le projet ne fut adopté qu'en 1817 et les travaux ne commencèrent qu'en 1823. Seules les colonnes de marbre purent être récupérées. Tous les éléments utilisés pour le reste de la décoration étaient neufs. Malheureusement, leur médiocre qualité exigea des réparations dès 1826. Le décor se dégradant tout au long du XIXe siècle, on entreprit une nouvelle restauration en 1902. Et une autre encore en 1930 quand l'église et la chapelle furent considérées, par l'administration des Monuments historiques, comme des annexes du Musée Lorrain.
Quel est son état actuel ? Le cénotaphe derrière l'autel est ancien. C'est le seul qui n'a pas été détruit par les révolutionnaires. Le second niveau a perdu son ordre architectural composite et ses colonnes de marbre noir. On n'y voit plus que seize trophées d'armes et seize portraits de ducs, le tout daté du XIXe siècle. Le décor sculpté central est d'époque : la Vierge portant l'Enfant, entourée de deux anges, surmonte le tabernacle de l'autel central. Au soubassement de la table, un Christ au tombeau accompagné d'un ange qui pleure rappelle une œuvre similaire du sculpteur Rémy-François Chassel à l'église Saint-Gengoult de Toul. Mais aucun document ne vient attester que le bas-relief de la chapelle ducale est aussi de Chassel.
L'ornement majeur de la chapelle est évidemment sa coupole à caissons. Les historiens ne sont pas sûrs de la décennie de sa création : les années 1610 ou les années 1630 ? Même interrogation pour son auteur. Est-ce bien Siméon Drouin, le sculpteur de Charles IV ? Quoi qu'il en soit, cette coupole est une expression fidèle - et magnifique - de l'art du XVIIe siècle. «Moulés en relief plus ou moins profond et allant en s'amenuisant vers le haut, écrit l'historienne Francine Roze dans son article pour le Congrès archéologique de France en 2006, les caissons sont répartis en plusieurs registres de sujets différents : des bustes d'anges, des étoiles et les chiffres HH (pour Henri II) et CC (pour Charles III ou Charles IV).» Coiffant le tout, un lanternon, peint d'un ciel peuplé d'angelots, est enrichi de deux anges peints, suspendus dans les airs (voir ci-contre). Ajoutons qu'il faut une paire de jumelles pour bien les distinguer. Victime des infiltrations d'eau, la charpente de la toiture qui coiffe la coupole a été restaurée au XIXe siècle.
Sources : 1) Congrès archéologique de France, Nancy et Lorraine méridionale 2006, article de Francine Roze ; 2) La Lorraine des origines à nos jours par Pierre Brasme, Éditions Ouest-France, 2012.

La voûte de la chapelle ducale accueille des anges et des angelots.
La décoration en stuc de la coupole à caissons de la chapelle ducale accueille des anges,
des angelots et les initiales HH et CC, rappelant les ducs de Lorraine.
Trophée d'armes sur le mur du second niveau
Trophée d'armes sur le mur du second niveau.
Le lanternon de la coupole avec son ciel et ses deux anges suspendus
Le lanternon de la coupole avec son ciel et ses deux anges suspendus.
La porte de sortie de la chapelle ducale
La porte de sortie de la chapelle ducale.
Une série d'emblèmes et de drapeaux surmonte la porte de la  chapelle ducale
Une série d'emblèmes et de drapeaux surmonte la porte de la chapelle ducale.
Le ciel dans la rotonde du lanternon, détail
Le ciel dans la rotonde du lanternon, détail.
Cette peinture date des réparations entreprises par l'ex-duc
de Lorraine, François III, entre 1737 et 1743.
Regalia sur un tombeau de la chapelle ducale
Regalia sur un tombeau de la chapelle ducale.
Un portrait de duc au deuxième niveau de l'élévation de la chapelle ducale
La coupole de la chapelle ducale
La coupole à caissons du XVIIe siècle
dans la chapelle ducale.
L'écusson aux armes de Lorraine en haut de la porte de la chapelle
L'écusson aux armes de Lorraine
en haut de la porte de la chapelle ducale.

«««--- Un portrait de duc au deuxième niveau de l'élévation de la chapelle ducale (XIXe siècle).


Documentation : «Congrès archéologique de France, Nancy et Verdun 1933», article de Pierre Marot
+ «Congrès archéologique de France, Nancy et Lorraine méridionale 2006», article de Sylvain Bertoldi + article de Francine Roze
+ «Lorraine gothique» de Marie-Claire Burnand, éditions Picard, 1989
+ «Nancy, 1000 ans d'Histoire», éditions Place Stanislas, 2008
+ «Les vitraux disparus de l'église des Cordeliers de Nancy?5 par Michel Hérold, Bulletin monumental, tome 142, année 1984
+«La Lorraine des origines à nos jours» par Pierre Brasme, Éditions Ouest-France, 2012
+ Nombreux panneaux d'information dans l'église.
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