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Grâce à la faveur du duc
René II (1451-1509), les couvents de moines franciscains
se multiplièrent en Lorraine au XVe siècle. Le duc
nourrissait une affection particulière pour les Observants,
une branche réformée de cet ordre religieux. En 1482,
il les installa à Nancy
et créa le couvent des Cordeliers qui devint vite la plus
célèbre de leurs fondations en Lorraine. Il est d'usage
de dire que leur église, dont le nom complet est Saint-François
des Cordeliers, fut construite rapidement : de 1482 à 1487.
Mais l'historien Sylvain Bertoldi en 2006 a démontré
que la date était plus tardive (voir plus
bas). L'église suit les règles d'austérité
architecturale voulue par l'ordre franciscain. En revanche, grâce
à la générosité des ducs, l'intérieur
de l'édifice était très riche : mobilier, retable,
un jubé de style Renaissance et de très beaux vitraux
à toutes les fenêtres. Le duc René se fit inhumer
dans l'église, tout comme les ducs Antoine et François
Ier. L'église des Cordeliers de Nancy
était en quelque sorte la basilique Saint-Denis
des ducs de Lorraine.
Au XVIe siècle, on ajouta des chapelles funéraires
sur les deux premières travées (voir à nouveau
l'encadré
consacré à l'étude de Sylvain Bertoldi) et,
en 1609, le duc Charles III fit construire au nord-est une chapelle
ronde, aujourd'hui chapelle
ducale. Au XVIIIe siècle, on modifia le chur :
la voûte était ogivale, on la transforma en berceau.
La fenêtre d'axe fut bouchée, ainsi que toutes les
fenêtres du côté nord, ce qui transforma complètement
l'aspect de l'édifice.
Quand elle vint de Vienne à la cour de Versailles
pour épouser le futur roi Louis XVI, la princesse Marie-Antoinette
se recueillit dans la chapelle
ducale sur la tombe de ses ancêtres de Lorraine : Marie-Antoinette
était la fille de l'impératrice Marie-Thérèse
de Habsbourg et du duc François III de Lorraine.
Pendant la Révolution, l'église des Cordeliers fut
saccagée, le mobilier disparut. Les sépultures furent
violées, les tombeaux mutilés. La ville loua le bâtiment
à un aubergiste et à un marchand de charbon. Sous
la Restauration, la maison de Habsbourg-Lorraine demanda au roi
Louis XVIII la restauration de la chapelle
ducale et des sépultures. On rechercha alors, dans toute
la région, les restes et les tombeaux des membres de la famille
de Lorraine et de Vaudémont et on les transféra aux
Cordeliers. Ce retour fut sacralisé par une messe expiatoire
en 1826. Quant à l'église, c'est la ville de Nancy
qui assura sa restauration. Les Cordeliers furent remeublés
: maître-autel, stalles
d'une abbaye voisine, gisants de provenance diverse. Du tombeau
de René II, il ne restait plus que l'enfeu.
Notons que le roi Stanislas Leszczynski, mort en 1766 et ex-roi
de Pologne, n'osa pas se faire inhumer dans cette église
qu'il savait réservée au repos de la famille ducale.
Pour sa sépulture propre, il fit ériger l'église
du Bonsecours. Notons encore deux grands moments des Cordeliers
: le cercueil du maréchal Lyautey y fut déposé
en 1934 ; Otto de Habsbourg-Lorraine s'y maria en 1951.
Sous la chapelle ducale se trouve une crypte assez sobre, interdite
au public : les descendants de la famille de Habsbourg-Lorraine
viennent s'y recueillir. C'est un lieu privé. À la
Révolution, cette crypte fut elle aussi violée et
saccagée. Les dépouilles ducales furent jetées
dans une fosse commune du cimetière de Boudonville à
Nancy.
En 1826, on exhuma les restes et on les rassembla en plusieurs cercueils
dans la cathédrale.
Ceux-ci furent ramenés plus tard dans la crypte.
Dans les anciens locaux du couvent, la municipalité a installé
une annexe du Musée
Lorrain dédiée aux Arts
et Traditions populaires. Ce musée fait l'objet d'une
page séparée dans ce site.
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Vue d'ensemble de la nef de l'église des Cordeliers.
Les deux piles noires à gauche signalent l'entrée de
la chapelle ducale
; à droite, elles servent de cadre au tombeau
du cardinal Charles de Vaudémont. |
L'église
des Cordeliers à la pointe de la résistance
anti-française.
La Guerre de Trente Ans, qui se déclenche
en 1618, oppose en Europe centrale les catholiques aux protestants.
La France de Louis XIII ne rejoint les belligérants
qu'en 1632 en attaquant les Impériaux catholiques et
leurs alliés au nom de la lutte contre la menace d'encerclement
des Habsbourg. Aux marches du royaume, la Lorraine et son
duc Charles IV ont pris le parti des Impériaux. De
plus, le duc nargue ouvertement le roi de France en accueillant
ses ennemis à sa cour. Louis XIII et Richelieu décident
que la Lorraine et Nancy
doivent tomber. Le siège de la capitale s'en suit.
Louis entend affamer la ville. La cité ducale capitulera
en septembre 1633 comme suite au traité de Charmes.
L'occupation de la Lorraine par les troupes françaises
allait durer trente ans. Elle fut dure pour les Nancéiens
qui eurent à supporter le poids des armées royales
: hébergement forcé des soldats ; construction
d'une myriade de huttes sur les terrains non bâtis pour
loger ceux qui ne trouvaient pas place chez l'habitant ; exercices
réguliers des troupes sur les places de la ville ;
portes de la cité sévèrement gardées.
Tout rappelait que Nancy
était occupée. De plus, dès 1634 commença
la construction d'une citadelle pour améliorer les
défenses de la ville.
Les mesures administratives complétaient le tableau
: un gouverneur fut nommé, assisté d'un conseil
souverain composé de Messins, la plupart originaires
de France. L'une de ses tâches fut bien sûr de
gérer la collecte des impôts ordinaires et
|
extraordinaires.
Nobles, membres du clergé, officiers et syndics des
communautés devaient prêter serment de fidélité
à Louis XIII, nouveau maître de la Lorraine.
Les communautés religieuses reçurent l'ordre
de remplacer dans leurs prières le terme de «duc»
par celui de «roi».
Évidemment, la résistance contre l'occupant
s'organisa. D'abord par l'exil : des nobles rejoignirent les
Impériaux ; des princes quittèrent clandestinement
la ville. Puis surtout par les nombreux pamphlets et libelles
qui condamnaient la France et affichaient la fidélité
des Nancéiens à la Lorraine.
Le clergé des Cordeliers fut à la pointe de
cette résistance qui demeurait, malgré tout,
passive. Il était difficile de faire plus : les canons
français menaçaient la ville. En chaire, le
prêche des religieux faisait allusion aux malheurs du
temps ; certains distribuaient des pamphlets, affichaient
des placards sur les murs. Le père Didelot, gardien
du couvent, se compta parmi les plus farouches opposants à
l'occupation. À tel point qu'il fut arrêté
en février 1635 et condamné à se repentir.
«À genoux, nu-tête, en chemise et la corde
au cou, il dut avouer publiquement sa faute devant la porte
du palais ducal, puis sur la place du Marché de la
Ville-Vieille, avant d'être définitivement expulsé»,
écrit Françoise Boquillon, historienne de Nancy.
Source : «Nancy, 1000
ans d'Histoire», éditions Place Stanislas, 2008.
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L'église et sa façade gothique. |
La chapelle ducale, construite en 1609, s'élève sur
le côté nord.
Les deux ordres architecturaux de l'élévation sont ioniques. |
Bas-relief au tympan de la façade avec les armes de Lorraine.
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Architecture
interne. L'église des Cordeliers possède
une architecture très simple : une nef unique à
six travées carrées (voir plan),
couverte d'une voûte d'ogives à liernes et tiercerons.
L'édifice était jadis terminé par une
abside à cinq pans ; la voûte de cette abside
dessinait une croix de Saint-André. En 1707, elle laissa
la place à un espace plus vaste, voûté
en berceau.
Les ogives de la nef retombent sur des pilastres moulurés
(que l'on peut appeler aussi «tableaux bisautés»),
et non pas sur des colonnes engagées. Dans son étude
de 1933 pour le Congrès archéologique
tenu à Nancy
et Verdun, Pierre Marot, ajoute : «ce qui ne manque
pas d'être surprenant à cette époque»,
l'époque étant les années 1480. Dans
son étude de 2006, toujours pour le Congrès
archéologique tenu en Lorraine cette année-là,
l'historien Sylvain Bertoldi lui répond et explique
pourquoi, en partant de cette «surprise», il convient
de corriger la date de création des Cordeliers (voir
l'encadré
à ce sujet).
Seul le côté sud de l'église possède
des fenêtres. Celles-ci offrent un profil assez rare
: dans chaque travée, une fenêtre centrale à
trois lancettes et tympan est entourée de deux petites
ouvertures. On le voit bien sur la photographie de la façade
sud ci-dessus. Quant aux vitraux, à part la rose de
la façade ouest qui date du XXe siècle, ils
sont tous en verre cathédrale. On sait qu'au XVIe siècle,
les vitraux des Cordeliers étaient très riches.
Voir l'encadré.
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LA NEF DE L'ÉGLISE DES CORDELIERS |
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Vue d'ensemble de la nef depuis le chur. |
Armes du duc Antoine de Lorraine
dans l'il de la rose (façade occidentale), XXe
siècle.
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Les
vitraux primitifs. Grâce à une
étude de l'historien du vitrail, Michel Hérold,
parue en 1984, on sait dans les grandes lignes à
quoi ressemblaient les vitraux du XVIe siècle
aux Cordeliers. Michel Hérold a rapproché
les sources de l'époque d'une planche de 1608,
illustrant la pompe funèbre du duc de Lorraine
Charles III, gravée par Frédéric
Brentel.
Avec une grande Crucifixion dans la baie axiale, le
thème iconographique du chur tourne autour
de la Passion (flagellation, Christ aux outrages, etc.).
Tous les vitraux paraissent ornés, souvent dans
leur partie basse, des armoiries de leurs donateurs.
Au-dessus de l'enfeu de René II, un grand vitrail
montrait le duc agenouillé, en costume ducal,
devant un prie-Dieu. Mais, sortie du chur et de
ce vitrail du duc, l'iconographie semble ne répondre
à aucun thème particulier. Sur les côtés
nord et sud, les donateurs imposaient la scène
qu'ils voulaient. Visiblement, les Franciscains se montraient
assez lâches dans le choix des sujets.
La Crucifixion de la baie axiale est l'uvre du
grand verrier alsacien de l'époque, Pierre
Hemmel d'Andlau. En revanche on ne possède
guère de noms pour les autres ateliers. Installés
à Nancy, ils apportent néanmoins la preuve
que l'art du vitrail était bien présent
en Lorraine pendant les soixante ans nécessaires
à la création de ces vitraux (de 1485
à 1545 environ).
On en sait plus sur les donateurs. Hormis la famille
ducale, on trouvait de nombreux nobles, des officiers
ducaux ainsi que des anoblis qui imitaient les largesses
du duc à qui ils devaient leur ascension sociale.
Offrir un vitrail, objet d'ostentation dans une église,
c'était afficher sa richesse et sa réussite,
surtout quand on s'y faisait représenter agenouillé
avec sa famille. Même si les modifications du
XVIIIe siècle et la rage des révolutionnaires
ont tout détruit, force est de constater que
les donateurs se sont montrés très généreux
pour embellir l'église de leur duc.
Source : Les vitraux
disparus de l'église des Cordeliers de Nancy
par Michel Hérold, Bulletin monumental, tome
142, année 1984.
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Chapelle latérale fermée par un présentoir
d'informations.
À l'arrière-plan, statue d'une Vierge à
l'Enfant. |
Statue polychrome d'une Vierge à l'Enfant
dans une chapelle latérale. |
Peinture de saint François
sur une colonne. |
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Plan de l'église des Cordeliers.
Selon l'étude de Sylvain Bertoldi, les deux
premières travées ont été ajoutées
au XVIe siècle. |
Statue polychrome de la Vierge à l'Enfant, détail. |
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Les quatre Vertus (fin du XVIIe, début du XVIIIe siècle)
Bois sculpté et peint.
Les Vertus.
Présentes dans l'église au XVIIIe siècle,
ces quatre vertus en bois sculpté et peint ont fait
un séjour dans la cathédrale
de Nancy, puis sont revenues aux Cordeliers. Le curé
de la cathédrale en a fait don à l'église
en 1977. On y voit, de gauche à droite, l'Espérance,
la Foi, la Force et la Justice. Il est vraisemblable qu'elles
servaient pour des décors funéraires.
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«Saint Louis Bertrand» par Demange Prot,
Huile sur toile, vers 1670.
Louis
Bertrand, moine dominicain né en 1526, part
en Amérique du Sud en 1576. Il évangélise
les indigènes de Colombie et du Pérou, puis
revient en Espagne. Il est mort en 1580. Source : panneau
dans la nef.
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Haut-relief de la Cène par Florent Drouin, 1582.
La Cène.
Ce haut-relief en pierre sculpté possède quelques
traces de polychromie. C'est l'une des rares uvres encore
visibles qui nous restent de l'ancienne église Saint-Epvre,
construite au XVe siècle et détruite en 1863
pour faire place à la basilique Saint-Epvre
actuelle. Cette Cène a été ciselée
aux frais de Didier Bourgeois, conseiller d'État et
trésorier général de Lorraine, et de
son épouse, Gertrude Fournier. Source : panneau
dans la nef.
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Pierre tombale de Jean-Blaise de Mauléon.
Lorraine, vers 1615.
Jean-Blaise
de Mauléon était capitaine des gardes
du corps du duc Charles III, bailli de l'évêché
de Toul
et sénéchal du Barrois. Il est mort en 1613.
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«Sainte Rose de Lima» par Demange Prot.
Huile sur toile, vers 1670.
Demange Prot a travaillé à Nancy entre 1628 et
1658. |
Sainte
Rose de Lima, de son vrai nom Isabella Flores
y de Oliva, est née à Lima en 1586. Sa
famille est espagnole et vit dans l'aisance. Rose entre
dans le tiers ordre dominicain sous le nom de Rose de
la Vierge Marie. À l'âge de vingt ans,
elle refuse de se marier et prononce ses vux de
dominicaine tertiaire. Comme il n'y a pas de couvent
au Pérou, elle se bâtit une cellule au
fond du jardin familial et y vit en recluse. Elle meurt
en août 1617, à 31 ans. Elle est canonisée
par le pape Clément X en 1671 et devient la première
sainte d'Amérique. Source : panneau
dans la nef.
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Tombeau d'Antoine de Vaudémont et de Marie d'Harcourt,
détail.
Lorraine, 2e moitié du XVe siècle. |
Le Prophète Élie.
Statue en bois sculpté et teinté
de Dieudonné-Barthélemy Guibal (1699-1757) |
Le
prophète Élie. Cette statue
faisait partie d'un grand décor réalisé
pour le maître-autel de l'église des Carmes
de Lunéville.
Conformément aux Écritures, le prophète
était représenté montant au ciel
sur un char de feu tiré par deux chevaux. Source
: panneau dans la nef.
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Gisants de René de Beauvau et de Claude Baudroche par
Guy Ligier (XVIe siècle). |
Marie-Madeleine
tenant un vase de parfum. Cette jolie statue
avec son beau travail sur les plis du vêtement
est une copie du début du XXe siècle,
réalisée en plâtre par Charles Joret.
L'original, qui date de la première moitié
du XVe siècle, a été «récupéré»
par le Louvre qui en a rétrocédé
une copie à l'église des Cordeliers.
Cette pratique de captation des uvres d'art anciennes
avec renvoi d'une copie était courante de la
part du musée jusqu'à ce que Jack Lang,
nommé ministre de la culture en 1981, y mette
fin. On aurait bien aimé voir l'original dans
l'église !
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Gisants de René de Beauvau et de Claude Baudroche par
Guy Ligier,
Gros plan sur les animaux refaits au XIXe siècle. |
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Marie-Madeleine tenant un vase de parfum.
Copie en plâtre réalisée par Charles Joret
entre 1906 et 1914.
L'orginal, qui date de la première moitié du XVe siècle,
est conservé au musée du Louvre. |
L'ENFEU DU DUC RENÉ II ( 1508) |
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L'enfeu du duc René II (1451-1508).
uvre terminée en 1511, auteur inconnu. |
L'enfeu
de René II. C'est l'une des plus belles
uvres de l'église même si les statues
et le gisant qui l'accompagnaient ont disparu. En effet,
au XVIe siècle et jusqu'à la Révolution,
c'était tout le tombeau du duc René II
( 1508) qui se tenait contre le mur sud des Cordeliers.
Il était scindé en deux parties : au sol,
un tombeau de bronze où le duc, selon sa volonté
testamentaire, était représenté
étendu ; derrière, un enfeu monumental
au-dessous duquel on voyait une statue du duc agenouillé
devant la Vierge. Les révolutionnaires envoyèrent
le tombeau de bronze à la fonte et détruisirent
l'orant et la Vierge. Il ne restait plus que l'enfeu.
On a d'abord placé, dans sa partie inférieure,
deux petites statues du duc et de la Vierge sculptées
par Labroise, des statues jugées ridicules par
l'historien Pierre Marot, auteur d'un article détaillé
sur l'église pour le Congrès archéologique
de France tenu à Nancy
en 1933. Elles ont disparu depuis. L'enfeu était
terminé en 1511 et l'on ignore son auteur. Son
attribution à Mansuy Gauvain, que René
II, avec d'autres artistes, avait appelé dans
son duché, a été faite sans preuve.
Ajoutons que l'enfeu était polychromé
à l'origine et qu'il a été repeint
au XIXe siècle «sans discernement»,
note encore l'historien Pierre Marot.
De par sa décoration sur les pilastres et la
présence de nombreuses coquilles, son style est
clairement Renaissance. Cependant, les six statues de
la galerie médiane sont gothiques. On y voit
au centre une Annonciation (et le duc René vouait
un culte à ce mystère chrétien)
entourée, sur la gauche, de saint Georges et
saint Nicolas et, sur la droite, de saint Jérôme
et saint François : saint Georges parce qu'il
était vénéré par les ducs
de Lorraine depuis la fondation de la collégiale
Saint-Georges ; saint Nicolas, parce qu'il est le patron
de la Lorraine ; saint Jérôme, parce que
le précepteur du duc René, Didier Birstorff,
avait transcrit les uvres de ce docteur de l'Église
; enfin saint François parce que René
II avait établi l'ordre des Franciscains à
Nancy.
Au niveau supérieur, c'est-à-dire sur
la frise de l'entablement, un groupe d'angelots tient
quatre blasons, ceux de Hongrie, de Sicile, de Jérusalem
et d'Aragon. Enfin, coiffant l'ensemble, l'artiste a
ajouté une sculpture du Père céleste
sur son trône. Il est entouré de deux anges
musiciens (photo donnée ci-contre).
Source : Congrès
archéologique de France, Nancy et Verdun 1933,
article de Pierre Marot sur l'église des Cordeliers.
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Quelle
est la vraie date de création des Cordeliers?
1/3
En 1933, l'historien Pierre Marot,
dans son article pour le Congrès archéologique
de France, s'étonnait, sans comprendre,
que les voûtes retombent sur des pilastres
moulurés (photo ci-dessous). En 2006, l'historien
Sylvain Bertoldi, dans un texte savant, et à
nouveau pour le Congrès archéologique
de France, part de ces pilastres pour remettre
en question la date de départ de la construction
des Cordeliers, admise par tous, de 1480. En 1971
déjà, un historien allemand, Robert-H.
Schubart, cité par Bertoldi, avait émis
l'hypothèse d'un agrandissement d'un édifice
primitif.
Revenons à l'Histoire. En 1482, le duc
René II décide de faire bâtir
un couvent pour les Observants qu'il a fait installer
à Nancy.
Il demande bien sûr l'autorisation au pape
Sixte IV. L'emplacement est assez vite trouvé
: ce sera sur le flanc nord du palais ducal. Cet
emplacement sera d'ailleurs agrandi en 1484 par
l'achat de plusieurs maisons attenantes. Certain
de l'accord papal (qui n'arrivera qu'en avril
1484), le duc n'attend pas la publication de la
bulle. Il fait démarrer dès 1482
la construction des bâtiments conventuels
sur le terrain disponible. En 1487, l'église
était terminée puisqu'elle fut consacrée
le deuxième dimanche après Pâques
de cette année-là (29 avril) et
dédiée à l'Annonciation de
la Vierge, à saint Nicolas et à
saint René. Les documents de l'époque
indiquent que le couvent en lui-même n'était
pas totalement terminé. En revanche, le
duc René continuait à dépenser
pour l'ornement de l'église (orgue, vitraux,
retable).
Aucun document ne prouve que cette «première»
église ait été voûtée.
De plus, constate Sylvain Bertoldi, «...ni
les voûtes actuelles, ni leurs supports,
ni les remplages des baies en nid d'abeille sans
redents - hormis ceux de la baie située
au-dessus de l'enfeu de René II - ne semblent
convenir aux années 1480.» ---»»
Suite
2/3
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«Chapiteau» mouluré sur un pilastre. |
Clé de voûte représentant un soleil. |
Quelle
est la vraie date de création des Cordeliers?
2/3
L'historien relie les pilastres
moulurés des Cordeliers à ceux
que l'on voit dans d'autres églises et
chapelles de la région : l'église
paroissiale d'Amance, la petite chapelle Saint-Roch
au-dessus de Saint-Dié, l'église
des surs grises du couvent d'Ormes-et-Ville
(aujourd'hui disparue), le prieuré bénédictin
de Flavigny-sur-Moselle, l'abbatiale d'Autrey
dans les Vosges. Tous ces édifices, parfois
bâtis par des proches du duc, sont érigés
à partir de 1523. Pour Sylvain Bertoldi,
ils ont une source d'inspiration identique : la
chapelle ducale. Si la réplique est parfois
empâtée, elle peut aussi être
élégante, comme à Ormes-et-Ville,
ou plus ferme, comme à Autrey. Ce style
de supports à tableaux biseautés
n'était pas inconnu en Lorraine avant 1523
puisqu'on le trouve à l'église de
Blénod-lès-Toul, vers 1506. L'aspect
de cette dernière église, nous dit
Sylvain Bertoldi, a subi l'influence de l'évêque
de Toul, Hugues des Hazards, un prélat
«très au fait des nouvelles expressions
architecturales».
Autre point d'attaque de l'historien : le remplage
des fenêtres qui ne peut appartenir
qu'au XVIe siècle (à part celui
de la baie qui surplombe l'enfeu
de René II). Même remarque pour
la modénature des voûtes :
«les nervures ont toutes un profil prismatique
(listel dégagé par deux cavets)
encore inconnu dans les années 1480»
(voir photo ci-contre). Enfin les clés
de voûte dont le motif et la facture
«paraissent incompatibles avec une datation
dans les années 1480.» De plus, toules
les clés «offrent la plus grande
similitude avec celles de l'église
de Varangéville, commencée peu
avant 1518 et achevée vers 1530.»
Et Sylvain Bertoldi précise : «L'artiste
inconnu qui a sculpté les clefs de voûte
des Cordeliers aimait le motif de la cordelette
tressée, les couronnes de feuillage (d'aspect
très Renaissance) et les fleurs : renoncules,
rose héraldique à cinq pétales
(c'est-à-dire l'églantine) et, cas
unique en Lorraine, une pensée.»
Les contreforts, essentiellement par l'aspect
de leur gâble triangulaire, marquent aussi
leur appartenance au XVIe siècle. Élaborés
à l'est, ils sont plus secs et simples
à l'ouest, indiquant que les travaux ont
été réalisés d'est
en ouest, «en peu de temps toutefois car
ils sont tous dans le même esprit».
Dans la nef, les deux premières travées,
qui possèdent des chapelles latérales
de deux travées chacune (et d'amplitude
réduite de moitié par rapport à
celles de la nef - voir plan)
trahissent, par leurs arcades en plein cintre
et leurs supports, un agrandissement de l'édifice
primitif. Les supports des arcades de ces chapelles
ont une saillie plus marquée qu'ailleurs
: preuve de la présence de l'ancien mur
de façade au niveau de la troisième
travée actuelle. L'édifice primitif
avait donc deux travées en moins. Sylvain
Bertoldi fait le parallèle architectural
avec les chapelles de Saint-Nicolas-du-Port
qui ont même plan et mêmes voûtes
(mais plus de recherche aux Cordeliers). Or, ajoute-t-il,
les chapelles de Saint-Nicolas-du-Port
ne sont pas antérieures à 1490.
Après les travées de la nef, il
existe encore un sujet justifiant la remise en
question de la date de 1480 : c'est la façade
occidentale avec son portail et sa rose. Contrairement
aux constatations précédentes, ces
deux éléments paraissent d'un style
artistique si avancé que l'on a pu, pendant
longtemps, dater la façade ouest de la
seconde moitié du XVIe siècle. Pour
Sylvain Bertoldi, ils sont tout à fait
contemporains des deux premières travées
de la nef. La rose et ses six occuli (il y en
a six dans une gravure de 1641) accueillaient
les différents quartiers des armes de Lorraine.
On doit donc dater le vitrail de la première
moitié du XVIe siècle. Notons que
les neuf oculi qui entourent l'il de la
rose ont été mis en place lors d'une
restauration du XIXe siècle.
Quant au portail, certains auteurs ont vu, dans
les pilastres supportant le large entablement
couronné d'un fronton rectangulaire (voir
photo à gauche), une création du
début du XVIIIe siècle... Pour la
plupart d'entre eux, il était du moins
exclu de remonter avant la seconde moitié
du XVIe. Sylvain Bertoldi donne un avis totalement
opposé. Il fait un parallèle intéressant
avec l'église Saint-Médard de Blénod-lès-Toul
: une datation de son portail sur la seconde moitié
du XVIe siècle se serait imposée
aux historiens si l'on n'avait pas pu avancer
la preuve qu'il datait de 1512. Moralité
: il faut se méfier des roueries de l'Histoire
et ne pas se laisser leurrer par les formes. Le
portail des Cordeliers, moins épuré
que celui de Saint-Médard, doit bel et
bien être rattaché à la même
époque, c'est-à-dire autour des
années 1510 à 1530. «On y
remarque, écrit l'historien, des réminiscences
du gothique flamboyant, dont on mit longtemps
à se défaire. C'est particulièrement
net pour l'encadrement intérieur fait de
moulures en tores piriformes [c'est-à-dire
en forme de poire] qui s'entrecroisent dans leur
partie supérieure. Les bases, juchées
sur un socle à talon, sont encore prismatiques.
De plus, les chapiteaux [voir photo ci-contre]
sont caractéristiques de l'art de la première
Renaissance.»
Sylvain Bertoldi termine son long article par
une énumération convaincante des
manuscrits de l'époque. Ils montrent tous
que les fondations des quatre chapelles latérales
des deux premières travées ne peuvent
pas remonter avant les années 1510. On
sait, par les archives, que les documents indiquent
que le voûtement de l'église et la
construction des chapelles ont été
payés aux maîtres d'uvre en
1520-1521. De plus, l'historien du vitrail, Michel
Hérold, a montré que les vitraux
avaient été mis en place, de l'abside
jusqu'à la première travée
de la nef, de 1508 à 1544 (en réalité
de 1489 à 1544). ---»» Suite
3/3
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LE MAÎTRE-AUTEL DE L'ÉGLISE DES CORDELIERS |
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Le chur et son retable. Sur la droite, le tombeau du cardinal
Charles de Vaudémont. |
Le
retable du maître-autel. C'est une
uvre lorraine, datée de 1522, en pierre
sculptée polychrome (la date figure sur le retable).
Elle provient de la chapelle Saint-Fiacre de Rigny-Saint-Martin
dans la Meuse, chapelle fondée vers 1520-1522
par Jean Gerrier, gouverneur de la maison et de l'hôpital
du Saint-Esprit de Toul.
Dans sa partie inférieure, huit saints en bas-relief
encadrent une Annonciation. Sa partie supérieure
est constituée d'une Sainte-Trinité très
élaborée : le Père céleste
présente son fils en croix ; malheureusement,
la colombe qui figurait l'Esprit-Saint a été
brisée. Les angelots tiennent des phylactères
où sont inscrits les sept dons de l'Esprit-Saint.
Source : panneau dans la
nef.
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Retable du maître-autel : détail de la rangée
des saints qui encadre l'Annonciation.
Sur la gauche : saint Jean et saint Pierre. |
La Trinité dans le retable du maître-autel.
La colombe du Saint-Esprit a été brisée. |
Quelle
est la vraie date de création des Cordeliers?
3/3
En conclusion, selon Sylvain Bertoldi, une seconde campagne
de travaux a modifié toute l'église et
l'a agrandie. On peut découper cette campagne
en trois phases : l'abside ; les quatre dernières
travées de la nef ; enfin, la construction des
deux premières avec les chapelles latérales
et la façade occidentale. Du premier édifice,
on ne voit plus qu'une partie des murs de l'abside et
de ceux des travées 3 à 6. «L'église
actuelle des Cordeliers date dans sa plus grande partie
des années 1520-1525», écrit Sylvain
Bertoldi.
Cette reconstruction ne doit pas étonner car
les ordres mendiants n'étaient pas pauvres. Leur
histoire regorge de ces églises qui ont été
agrandies pour répondre à la faveur croissante
des pénitents et des nobles. S'y faire construire
une chapelle et s'y faire inhumer étaient des
marqueurs sociétaux importants pour l'aristocratie
locale. En Lorraine, les cas similaires aux Cordeliers
de Nancy abondent : les Cordeliers de Raon-l'Étape
et ceux du Petit-Thon, l'église des Franciscains
de Mirecourt, tout comme pour les Augustins de Bar-le-Duc.
Dans tous ces cas, il a fallu, dix ou vingt ans plus
tard, rebâtir et agrandir.
Source : Congrès
archéologique de France, Nancy et Lorraine méridionale
2006, article de Sylvain Bertoldi.
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LE TOMBEAU DU CARDINAL CHARLES DE VAUDÉMONT,
ÉVÊQUE DE TOUL ET DE VERDUN |
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Le tombeau de Charles de Vaudémont, Nancy 1588.
L'orant de l'évêque agenouillé devant
son prie-Dieu est entouré des quatre docteurs
de l'Église : saint Léon, saint Ambroise,
saint Grégoire et saint Augustin.
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L'orant de Charles de Vaudémont, détail.
Charles
de Vaudémont (1539-1587), qui
fut évêque de Verdun et de Toul,
faisait partie de la maison de Lorraine. Il était
le petit-fils du duc Antoine, lui-même fils
de René II.
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Saint Grégoire et saint Augustin
sur leurs piédestaux de marbre gris ornés
d'un médaillon. |
Ex-voto de Claude Beaujan par Rémond Constant (1575-1637)
Huile sur toile, 1636. |
«Ex-voto
de Claude Beaujan». C'est le
tableau le plus intéressant de l'église.
Il a été réalisé par
le peintre Rémond Constant (1575-1637)
dans les derniers mois de sa vie en réponse
à la commande de Claude Beaujan passée
en 1636.
C'est l'époque de la guerre de Trente Ans
(1618-1648). La ville de Nancy,
qui a pris le parti des Impériaux, est
occupée par les troupes françaises
de Louis XIII depuis la signature du traité
de Charmes de 1633. L'occupant vit sur la ville
; l'existence des habitants, écrasés
d'impôts, est très dure.
La guerre ne suffit pas, la peste s'en mêle.
Venue d'Orient, elle est passée par la
Hongrie, propagée par les nombreux mouvements
de troupes depuis 1618 et le début de la
guerre dans l'Empire. Elle frappe Metz en 1625,
Pont-à-Mousson
en 1629. Malgré un surcroît de précautions,
elle arrive dans la Ville-Vieille de Nancy
en 1630 et se répand dans toute la cité
dès 1631. En 1635, l'année où
l'épidémie fut la plus terrible,
la paroisse de Saint-Sébastien
enregistra 1720 morts de la peste.
Claude Beaujan, le commanditaire de la toile,
est un prêtre qui s'est dévoué
au service des malades. La peinture montre la
ville de Nancy
protégée par Notre-Dame de Lorette
et, sur la gauche, par saint Charles Borromée
(lui-même mort de la peste à Milan
en 1584 et canonisé en 1610 par le pape
Paul V), saint Sébastien et saint Roch
(qui montre son bubon). À l'arrière-plan,
l'artiste a représenté les «bordes»
(constructions de bois sommaires) du clos de l'Asné,
près de Maxéville où l'on
conduisait les pestiférés.
Sources : 1) panneau
dans la nef ; 2) Nancy, 1000 ans d'Histoire,
éditions Place Stanislas.
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L'orant du cardinal Charles de Vaudémont, évêque
de Toul
et de Verdun.
uvre en marbre de 1588
attribuée à Florent Drouin le Jeune (vers
1540-1612). |
Le
tombeau de Charles de Vaudémont.
Cette uvre sous son portique parait n'avoir
aucun respect pour les proportions. En fait, c'est
une disposition tardive, arrangée au XIXe
siècle.
L'historien J.-J Lionnois, dans son ouvrage Histoire
des villes vieille et neuve de Nancy paru
de 1805 à 1811 en trois volumes, nous a
laissé la description du tombeau tel qu'il
était avant la Révolution. À
l'origine, il se situait au milieu du chur.
L'orant, en grandeur naturelle, et son prie-Dieu
se présentaient comme on les voit aujourd'hui.
Ils se situaient dans une espèce de niche
ornée de quatre pilastres en marbre d'ordre
ionique. L'entablement était surmonté
des armes de Lorraine, elles-mêmes coiffées
d'un chapeau de cardinal. Les statues des quatre
docteurs de l'Église sur leurs piédestaux
de marbre gris étaient déjà
présentes, à un niveau plus bas
que celui de l'orant.
Au vu de leur valeur artistique, les révolutionnaires
décidèrent de conserver les statues.
L'ensemble fut envoyé au Museum que l'on
constituait à Nancy
à cette époque. Après le
Concordat, les quatre docteurs furent disposés
dans les croisillons du transept de la cathédrale.
L'orant et son prie-Dieu, quant à eux,
furent renvoyés aux Cordeliers et installés
en face de l'entrée de la chapelle ducale.
Un artiste, dénommé Glorieux, fut
chargé de créer une niche pour donner
au tombeau un environnement à sa mesure.
Et, sans doute soucieux de symétrie, il
a construit un portique similaire à celui
qui lui fait face et qui marque l'entrée
de la chapelle
ducale. L'ennui, c'est que ce portique est
beaucoup trop grand pour la taille de l'orant
et qu'il contribue fâcheusement à
rapetisser l'uvre !
Dans son article pour le Congrès archéologique
de France tenu à Nancy et à
Verdun en 1933, l'historien Pierre Marot fait
remarquer, à propos de l'artiste qui a
conçu cet orant que, si celui-ci est attribué
au sculpteur nancéien Florent Drouin
le Jeune (vers 1540-1612), ce doit être
néanmoins l'uvre d'un atelier et
non d'un seul artiste. «Il y a bien des
maladresses et de la lourdeur dans l'étude
du manteau et des mains, écrit-il pour
justifier son jugement, tandis que la tête
est au contraire fort belle.»
La note affichée dans l'église ajoute
que les statues des quatre docteurs (saint Léon,
saint Ambroise, saint Grégoire et saint
Augustin) sont revenues aux Cordeliers en 1939.
Elle prend soin de préciser que leur disposition
est maintenant différente de celle à
l'origine. Ce qui serait évident si le
tombeau, disposé avant la Révolution
sous une niche à quatre pilastres, était
de forme rectangulaire - avec vraisemblablement
une statue à chaque angle. Mais rien ne
dit que les quatre pilastres n'étaient
pas alignés comme le sont les deux piles
du portique de Glorieux.
Sources : 1) panneau
dans la nef ; 2) Congrès archéologique
de France, Nancy et Verdun 1933, article de
Pierre Marot.
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Les docteurs de l'Église saint Léon et saint
Ambroise. |
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Saint Ambroise, détail.
Évêque de Milan de 374 à 397. |
Le pape saint Grégoire, détail.
Grégoire Ier fut pape de 590 à 604. |
Médaillon du piédestal de saint Grégoire,
détail. |
Saint Augustin, détail. |
Médaillon du piédestal de saint Augustin. |
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Vue d'ensemble des stalles du chur. Elles datent de 1689 et
viennent de l'abbaye prémontrée de Salival, près
de Château-Salins, en Moselle. |
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e |
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LES ANGES MUSICIENS DES STALLES |
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«Saint Charles Borromée» dans le chur.
Tableau de Claude Charles, 1ère moitié du XVIIIe siècle. |
Les
stalles du chur. Ces stalles en bois
sculpté ont été créées
en 1691. Initialement installées dans l'abbaye
prémontrée de Salival, près
de Château-Salins, en Moselle (une abbaye qui
a aujourd'hui disparu), elles ont rejoint les Cordeliers
lors de la restauration de l'édifice au XIXe
siècle.
Leur aspect général assez sobre privilégie
lignes droites et angles droits. Cet ensemble austère
de quadrilatères nus est surmonté d'un
bandeau feuillé, lui-même couvert d'une
corniche très saillante qui semble délimiter
fermement l'espace. La décoration principale
de cet ensemble est la très belle série
d'anges musiciens qui scande tout le périmètre.
Enfin, au centre, la chaise de l'abbé est décorée
d'un grand écusson aux armes de la Lorraine (armoiries
du duc Antoine).
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Au-dessus du siège de l'abbé, deux anges entourent
un grand écusson aux armes de Lorraine. |
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La voûte avec sa peinture d'anges d'Hugues de la Faye. |
La
voûte peinte. La travée qui
dessert la chapelle ducale possède une voûte
peinte d'anges tenant les instruments de la Passion.
Cette peinture, datée du XVIe siècle,
est l'uvre d'Hugues de la Faye (
1541), peintre du duc Antoine. Elle a été
mise à jour lors de la dernière restauration.
On doit aussi à Hugues de la Faye la peinture
de la voûte en cul-de-four du chur dont
il ne reste que des vestiges.
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Anges tenant les instruments de la Passion, détail. |
LA CHAPELLE DUCALE NOTRE-DAME DE LORETTE |
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Portique à l'entrée de la chapelle ducale : le tympan.
Détail du tympan de l'entrée de la chapelle ducale ---»»»
Il représente les armes de Lorraine. |
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Vue d'ensemble de la chapelle ducale.
Au centre, une Vierge portant l'Enfant est assise sur un tabernacle,
entourée de deux anges (marbre blanc).
Au soubassemenet, un Christ mort attribué sans certitude
à Rémy-François Chassel.
Parmi les cénotaphes, seul celui qui est derrière l'autel
est du XVIIIe siècle. |
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Vierge portant l'Enfant (XVIIIe siècle)
sur le tabernacle de l'autel central. |
Trophée d'armes sur le mur du second niveau.
Restauration du XIXe siècle. |
La
chapelle des ducs de Lorraine 1/2.
Un siècle après la construction
des Cordeliers, le duc Charles III, arrière-petit-fils
de René II, fit construire en 1608 une chapelle
sur le flanc nord de l'église. Il voulait un
caveau privé pour les sépultures de sa
famille, évidemment avec le faste et la richesse
dignes de la maison de Lorraine. Charles III s'éteignit
l'année même du démarrage de la
construction. C'est son fils, Henri II (duc de 1608
à 1624) qui poursuivit l'uvre de son père
à un moment crucial de la ville de Nancy
: la cité est en plein développement urbain
avec la création de la Ville-Neuve (entreprise
à partir de 1588). Les plans de la chapelle sont
traditionnellement présentés comme étant
de la main de l'architecte italien Jean-Baptiste
Stabili (qui est intervenu à l'époque
dans la construction des remparts). La crypte (lieu
privé réservé de nos jours à
la famille ducale) est achevée dès 1609.
Enfin, en 1612, le bâti est terminé, y
compris le lanternon au-dessus de la coupole. La chapelle
est consacrée à Notre-Dame de Lorette
le 28 avril de cette même année.
Toute la décoration intérieure reste à
installer. En fait, on n'y dressa que les colonnes de
marbre noir au premier niveau. Pas de cénotaphe,
pas de décor à la coupole. L'endroit resta
vide. Soulignons qu'en 1612 les baies inférieures
étaient toutes ouvertes et des vitraux ornaient
l'édifice sur les deux niveaux.
Rien ne se passa plus pendant vingt ans. En 1632 toutefois,
le sculpteur Siméon Drouin reçut
une forte somme pour décorer la coupole. En fait,
les historiens ne sont sûrs de rien, ni de l'artiste,
ni de l'époque de la décoration qui pourrait
bien être antérieure de vingt ans. Quoi
qu'il en soit, ce somptueux décor en stuc est
un élément essentiel du faste de la chapelle.
À nouveau, rien ne bougera plus pendant un siècle.
Pis, la chapelle va se dégrader avec le temps
sans que personne ne s'en soucie. Il faut dire que,
au XVIIe siècle, la Lorraine connaît des
années tragiques. Après avoir été
la proie de Louis XIII, puis le champ de rapine de la
soldatesque pendant la guerre de Trente Ans et, enfin,
une des cibles privilégiées de l'appétit
territorial de Louis XIV, ce n'est qu'en 1697 que le
duc de Lorraine, Léopold Ier, put récupérer
son fief. Cette année-là, le traité
de Ryswick clôt la guerre de la Ligue d'Augsburg
et redistribue les territoires. Une nouvelle occupation
par les troupes du roi de France pendant la guerre de
Succession d'Espagne se solda par une évacuation
de ces mêmes troupes en 1714. Léopold put
enfin rentrer chez lui et assurer sa tâche de
duc jusqu'à sa mort en 1729. ---»»
Suite
2/2
|
|
Bas-relief du Christ mort dans le soubassement de l'autel
central.
Faut-il l'attribuer à Rémy-François Chassel
comme le Christ mort de l'église Saint-Gengoult
à Toul
? |
La
chapelle des ducs de Lorraine 2/2.
Dans la chapelle, tout restait figé,
détérioré, et le restera jusqu'au
mariage du successeur de Léopold, le duc François
III, avec la future impératrice d'Autriche, la
jeune archiduchesse Marie-Thérèse de Habsbourg.
Le mariage eut lieu en 1736 à Vienne. En 1737,
François abandonna son duché au profit
de l'ex-roi de Pologne, Stanislas Leszczynski. Étrangement,
c'est à ce moment que l'ex-duc François
se soucia de la chapelle de ses ancêtres et engagea
des travaux pour la tirer de son piteux état.
La première étape des restaurations fut
achevée en 1743 : caveau, cercueils et coupole
réparés ; rotonde du lanternon
peinte d'un ciel. La deuxième étape fut
plus longue et mit un terme à la décoration
: on dressa enfin les colonnes de marbre noir au second
niveau ; l'autel fut achevé en 1757. Le plan
de la chapelle est octogonal. Chacun des huit pans,
qui s'étale sur les deux niveaux de l'élévation,
fut aménagé selon les deux ordres architecturaux.
Le pan accueillait deux fenêtres en plein cintre,
et le portrait d'un duc ornait le dessous de l'architrave
du second niveau. Sur le devant, un cénotaphe
de marbre noir. À chaque angle, un petit génie
se dressait sur un piédestal de marbre gris.
Le sol était pavé de marbres de différentes
couleurs. À l'image de Saint-Denis
pour les rois de France ou de la chapelle des Medicis
à Florence, ce décor somptueux fêtait
la gloire de la maison de Lorraine, désormais
ancêtre de la prestigieuse famille des Habsbourg-Lorraine.
À la Révolution, les sépultures
furent violées et toute l'ornementation disparut,
y compris le marbre au sol. Il ne resta plus qu'une
ruine. En 1810, les Lorrains demandèrent une
restauration. Le projet ne fut adopté qu'en 1817
et les travaux ne commencèrent qu'en 1823. Seules
les colonnes de marbre purent être récupérées.
Tous les éléments utilisés pour
le reste de la décoration étaient neufs.
Malheureusement, leur médiocre qualité
exigea des réparations dès 1826. Le décor
se dégradant tout au long du XIXe siècle,
on entreprit une nouvelle restauration en 1902. Et une
autre encore en 1930 quand l'église et la chapelle
furent considérées, par l'administration
des Monuments historiques, comme des annexes du Musée
Lorrain.
Quel est son état actuel ? Le cénotaphe
derrière l'autel est ancien. C'est le seul qui
n'a pas été détruit par les révolutionnaires.
Le second niveau a perdu son ordre architectural composite
et ses colonnes de marbre noir. On n'y voit plus que
seize trophées d'armes et seize portraits de
ducs, le tout daté du XIXe siècle. Le
décor sculpté central est d'époque
: la Vierge portant l'Enfant, entourée
de deux anges, surmonte le tabernacle de l'autel central.
Au soubassement de la table, un Christ au tombeau
accompagné d'un ange qui pleure rappelle une
uvre similaire du sculpteur Rémy-François
Chassel à l'église Saint-Gengoult
de Toul.
Mais aucun document ne vient attester que le bas-relief
de la chapelle ducale est aussi de Chassel.
L'ornement majeur de la chapelle est évidemment
sa coupole à caissons. Les historiens ne sont
pas sûrs de la décennie de sa création
: les années 1610 ou les années 1630 ?
Même interrogation pour son auteur. Est-ce bien
Siméon Drouin, le sculpteur de Charles IV ? Quoi
qu'il en soit, cette coupole est une expression fidèle
- et magnifique - de l'art du XVIIe siècle. «Moulés
en relief plus ou moins profond et allant en s'amenuisant
vers le haut, écrit l'historienne Francine Roze
dans son article pour le Congrès archéologique
de France en 2006, les caissons sont répartis
en plusieurs registres de sujets différents :
des bustes d'anges, des étoiles et les chiffres
HH (pour Henri II) et CC (pour Charles III ou Charles
IV).» Coiffant le tout, un lanternon,
peint d'un ciel peuplé d'angelots, est enrichi
de deux anges peints, suspendus dans les airs (voir
ci-contre). Ajoutons qu'il faut une paire de jumelles
pour bien les distinguer. Victime des infiltrations
d'eau, la charpente de la toiture qui coiffe la coupole
a été restaurée au XIXe siècle.
Sources : 1) Congrès
archéologique de France, Nancy et Lorraine méridionale
2006, article de Francine Roze ; 2) La Lorraine
des origines à nos jours par Pierre Brasme,
Éditions Ouest-France, 2012.
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La décoration en stuc de la coupole à caissons de la
chapelle ducale accueille des anges,
des angelots et les initiales HH et CC, rappelant les ducs de Lorraine. |
Trophée d'armes sur le mur du second niveau. |
Le lanternon de la coupole avec son ciel et ses deux anges suspendus. |
La porte de sortie de la chapelle ducale. |
Une série d'emblèmes et de drapeaux surmonte la porte
de la chapelle ducale. |
Le ciel dans la rotonde du lanternon, détail.
Cette peinture date des réparations entreprises par l'ex-duc
de Lorraine, François III, entre 1737 et 1743. |
Regalia sur un tombeau de la chapelle ducale. |
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La coupole à caissons du XVIIe siècle
dans la chapelle ducale.
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L'écusson aux armes de Lorraine
en haut de la porte de la chapelle ducale. |
«««--- Un portrait
de duc au deuxième niveau de l'élévation
de la chapelle ducale (XIXe siècle).
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Documentation : «Congrès archéologique
de France, Nancy et Verdun 1933», article de Pierre Marot
+ «Congrès archéologique de France, Nancy et Lorraine
méridionale 2006», article de Sylvain Bertoldi + article
de Francine Roze
+ «Lorraine gothique» de Marie-Claire Burnand, éditions
Picard, 1989
+ «Nancy, 1000 ans d'Histoire», éditions Place
Stanislas, 2008
+ «Les vitraux disparus de l'église des Cordeliers de
Nancy?5 par Michel Hérold, Bulletin monumental, tome 142, année
1984
+«La Lorraine des origines à nos jours» par Pierre
Brasme, Éditions Ouest-France, 2012
+ Nombreux panneaux d'information dans l'église. |
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