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LE CROISILLON
SUD DU TRANSEPT |
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Le bras sud du transept sud, ses deux autels et les peintures murales
des XVe et XIXe siècles.
Foisonnante décoration en gothique flamboyant sur l'élévation sud. |
Le
transept et ses croisillons, XIIIe siècle (1/2).
Le transept a été construit après l'achèvement des parties
hautes de la nef. Les historiens, comme Jean Vallery-Radot
et Jacques Thirion donnent la période 1260-1280.
Les croisillons nord et sud offrent quelques différences
dans leur architecture et leur ornementation. Certes,
ils ont chacun deux travées couvertes d'une voûte
d'ogives quadripartite, ils ont le même type d'élévation
à deux niveaux séparés par une coursière et la même
grande baie riche d'un vitrail du XIXe siècle. Mais
contrairement à la nef,
la proportion donnée aux étages paraît plus équilibrée.
Les coursières abritent, au nord et au sud, des statuettes
de la fin du XIIe siècle représentant les apôtres
(avec une tête souvent refaite au XIXe siècle).
Entre les croisillons, le style diffère : au nord,
la sobriété ; au sud,
la profusion.
Au sud,
on observe une construction richement ornée d'arcatures
aveugles de différente taille, de rosaces, de polylobes,
etc. (photos ci-dessus, ci-contre et plus
bas). Le tout dans une disposition sans grand ordre.
Sur le côté oriental de ce croisillon, deux niches
peu profondes accueillent deux autels et leurs peintures
murales des XIIIe et XIXe siècles (photo ci-dessous).
Au nord,
le style rayonnant domine dans une disposition sobre
et monumentale. Une grande
chapelle baroque dédiée à saint Pierre, saint Léonard,
saint Jérôme et saint Michel vient compléter
l'arcature un peu froide qui orne le premier niveau
de l'élévation.
Les grandes verrières des deux baies 117
au nord et 118
au sud reçoivent des créations du XIXe siècle
(ateliers étienne Thevenot en 1845-48 et Nicolas Coffetier
en 1873).
Pour donner un peu de chaleur à l'arcature rayonnante
du bras
nord, on y a disposé une suite
de petits tableaux datés du milieu du XVIIe siècle
et illustrant la Passion. à l'origine, payés par le
chanoine trésorier de la cathédrale, ils ont été conçus
pour orner la chapelle
axiale.
Dix-huit de ces panneaux ont été sauvegardés à la Révolution,
mais il n'en subsiste que douze. Au XIXe siècle, on
leur rajouta une huile sur toile de la Présentation
au temple. Le peintre Gabriel Herson, venu
de Falaise et installé à Bayeux,
reçut commande de ce programme.
L'historien Emmanuel Luis explique dans l'ouvrage de
référence Bayeux, joyau du gothique normand,
que ces petits tableaux ont été conçus, selon
la pratique courante de l'âge classique, à partir
de modèles gravés. En effet, les toiles des maîtres
donnaient souvent lieu à un transfert sur gravure, ce
qui permettait leur reproduction imprimée.
---»» Suite 2/2
à droite.
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Croisillon sud : CHAPELLE SAINT-THOMAS BECKET ET SAINT-NICOLAS.
Les peintures sont du XIIIe siècle (restaurées), sauf
le meurtre de Thomas Becket qui est du XIXe siècle. |
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Élévation du transept sud.
La partie basse présente une profusion d'arcatures
de différente taille avec rosaces et polylobes. |
Le
transept et ses croisillons, XIIIe siècle (2/2).
---»» L'étude des styles montre que
Gabriel Herson a puisé dans le maniérisme
flamand de la fin du XVIe siècle (Couronnement
de Marie), dans «l'art flamand plus en cours
de Rubens» (Luis) comme on le voit aisément
dans la Pentecôte,
ou dans l'art français de l'époque (Nativité
d'après la toile de Simon Vouet datée
de 1638).
Enfin, dans le même bras
nord du transept, la grande toile de la Résurrection
est regardée par Emmanuel Luis comme «l'une
des meilleures et des plus imposantes copies en Normandie
de la toile de Carle Van Loo, dans le sens de la gravure
de Salvador Carmona datée de 1755.»
Sa belle qualité d'exécution conduit l'historien
à attribuer (sans justification historique) cette
copie au peintre Joachim Rupallay (1713-1780), renommé
à Bayeux.
Sources : 1) Congrès
archéologique de France, 1974, article de
Jacques Thirion ; 2) La cathédrale de Bayeux
de Jean Vallery-Radot, Henri Laurens éditeur,
1922 ; 3) Bayeux, joyau du gothique normand,
La Nuée Bleue, collection La Grâce d'une
cathédrale, 2016.
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Registre du haut : la Crucifixion, peinture murale du XIIIe siècle,
restaurée.
Registre du bas : panneaux de la Vie de saint Nicolas (datés
du XIVe siècle). |
Baie 118 : vitrail de saints évêques de Bayeux
par Nicolas Coffetier, 1873. |
Le Père céleste présentant son fils.
Peinture murale du XIIIe siècle, restaurée. |
Le Meurtre de Thomas Becket.
Peinture murale du XIXe siècle.
Le porte-croix de l'évêque porte effectivement
une croix, un objet
qui n'est plus visible dans la même
scène du tympan de la façade sud. |
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La Crucifixion, détail : Marie.
Peinture murale du XIIIe siècle, restaurée. |
La Crucifixion, détail : saint Jean.
Peinture murale du XIIIe siècle, restaurée. |
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Saint Nicolas calme la tempête.
Peinture murale du XIIIe siècle, restaurée. |
Baie 118, détail : saint martyr et saint-évêque.
(L'intervalle médian a été réduit.)
Atelier Nicolas Coffetier, 1873. |
«««---
L'Annonciation
Peinture murale du XIIIe siècle, restaurée. |
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L'Annonciation, détail : l'archange Gabriel.
Peinture murale du XIIIe siècle, restaurée. |
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Épisode de la légende de saint Nicolas.
Peinture murale du XIVe siècle,
repeinte au XIXe siècle.
«««---
L'Annonciation, détail : la Vierge
Peinture murale du XIIIe siècle, restaurée. |
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Baie 118, détail : galerie de saints évêques et de saints
martyrs de Bayeux.
Atelier de Nicolas Coffetier, 1873. |
Bras sud du transept : vue en grand angle des parties hautes
(XIIIe siècle).
Il faut remarquer la disposition un peu anarchique des arcatures sur
les trois faces du bras.
Elle rappelle le foisonnement de décoration sur l'extérieur
de la façade sud de ce même croisillon. |
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Statues d'apôtre
dans le garde-corps
du bras sud du transept.
Fin du XIIe siècle. |
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La croisée du transept et le bras sud du transept.
Les quatre piles de la croisée sont plus blanches que
le reste :
elles ont été entièrement reconstruites
sous le Second Empire
avec de la pierre d'Aubigny, plus blanche
que la pierre d'Orival utilisée au Moyen Âge. |
La
grande affaire du XIXe siècle : peut-on consolider
les piles de la croisée ou faut-il détruire
la tour centrale ? (2/5)
---»» En février 1855 se tient à
Paris une réunion sur la cathédrale avec
les défenseurs des deux écoles, mais aucune
décision n'est prise par le ministère.
Pis ! En mai 1855, un important claveau d'une arcade
du chur
près de la croisée se détache,
sans toutefois faire de victimes. Le chur
et une partie de la nef
sont alors interdits au culte.
En juin, Eugène Viollet-le-Duc vient à
Bayeux,
examine les dégradations et déclare que
l'écroulement de la cathédrale est imminent
! Il fait même un dessin de l'écroulement
prévu ! Il faut démolir la tour centrale
sans tarder.
Les Bayeusains ne renoncent pas et en appellent directement
à l'Empereur. La commission qu'ils ont constituée
est à Paris ce même mois de juin. Elle
ne peut rencontrer Napoléon III, mais celui-ci
lui fait savoir tout l'intérêt qu'il porte
à cette affaire. Pourtant la décision
de destruction est prise, approuvée par le Comité
des Inspecteurs généraux.
Les opposants font alors appel à l'ingénieur
de la marine, Jean-Baptiste Appolinaire Lebas qui avait
érigé l'obélisque de la place de
la Concorde en 1836. Venu à Bayeux,
il se prononce pour la possibilité d'une reprise
en sous-uvre, mais n'en dit pas plus et ne veut
se charger de rien.
Les travaux commencent le 1er août suivant. Le
dôme du XVIIe siècle, érigé
par Jacques Moussart, est démoli. Le premier
étage, celui du XVe siècle, va suivre.
Pourtant le 26 août (le 30 selon Jean-François
Belhoste dans son article pour L'homme et la matière,
Picard, 2009), une dépêche ministérielle
vient interrompre les travaux. Que s'est-il passé
? Tout simplement, un ingénieur, Eugène
Flachat, a accepté d'intervenir concrètement
sur le chantier.
---»» Suite 3/5
plus bas.
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La
grande affaire du XIXe siècle : peut-on consolider
les piles de la croisée ou faut-il détruire
la tour centrale ? (1/5)
Lors de l'époque romane, les piles de la croisée
étaient moins massives que celles d'aujourd'hui
et, selon Jean Vallery-Radot, elles ne pouvaient soutenir
qu'une voûte charpentée.
Au XIIIe siècle, l'ensemble de l'édifice
passe au gothique. Les piles de la croisée sont
renforcées par une gaine de pierre enveloppée
de colonnettes, selon le style gothique. Des retards
multiples repoussent à la fin de la guerre de
Cent Ans l'érection du premier étage de
la tour centrale, qui sera bâti en gothique flamboyant.
«Le second étage, surmonté d'un
dôme de style classique, ne fut construit qu'au
début du XVIIIe siècle (1714), sous l'épiscopat
de François de Nesmond, par l'architecte Jacques
Moussard», écrit François Neveux
dans l'ouvrage Bayeux, joyau du gothique normand..
Vers 1850 (voir en page
1 à quoi ressemblait la tour à cette
époque), il apparut à tous les experts
que la tour centrale était trop lourde pour les
piles de la croisée et le sol sur lequel elles
reposaient. Les multiples lézardes devenaient
inquiétantes.
Que fallait-il faire ? Supprimer la tour ? Abaisser
sa hauteur ? Ou renforcer les piles et le sol ?
Victor Ruprich-Robert, nommé architecte diocésain
de Bayeux
en 1848 à l'âge de 28 ans, laissa ce problème
de côté. Pour faciliter le suivi de la
messe par les fidèles, il détruisit le
jubé
qui fermait le chur.
Ce bel élément d'architecture classique
datait de 1714 et se trouvait entre les deux piles orientales
de la croisée. Malheureusement, son retrait ne
fit qu'aggraver la situation.
Les mesures mises en place, dont la pose d'étais,
ne furent que des pis-aller. L'architecte se vit contraint
de proposer la destruction de la partie supérieure
de la tour, autrement dit le premier étage actuel
et le dôme surmonté d'un lanternon. Le
projet fut approuvé par le ministre de l'Instruction
publique et des Cultes en 1853.
Aussitôt, tout ce que le département du
Calvados comptait d'érudits, de prélats
et de fervents catholiques protesta. Les architectes
locaux eurent vite fait de repérer l'entourloupe
montée par Paris : privilégier l'unité
de style (avec une reconstruction ad hoc de la
tour en tout gothique) au détriment d'éléments,
certes d'époque et de style différents
(gothique et classique), mais historiques... et qui
faisaient la fierté de la ville. Pis ! Certains
craignaient que l'état, faute de moyens, démolisse,
mais ne reconstruise pas !
Janvier 1854 : Bayeux
est en ébullition ; les commissions d'étude
se multiplient, l'une d'entre elles proposant de consolider
la tour ; les supplications auprès du ministère
s'enchaînent.
Si l'on replace cette querelle dans l'Histoire de l'art,
on constate que deux écoles s'affrontent. Initié
par le roman Notre-Dame de Paris de Victor Hugo
(publié en 1831), l'art gothique est en faveur
chez les architectes. Avec Viollet-le-Duc, une école
du tout gothique se fait jour. Son objectif est d'imposer
une unité de style. Elle n'hésite pas
à demander la démolition de parties Renaissance
ou classique dans les vieux monuments à majorité
gothique.
L'école opposée privilégie le côté
historique des constructions, même si des éléments
architecturaux, visuellement disparates, heurtent le
bon goût. On y trouve des gens au caractère
provincial prononcé, comme Arcisse de Caumont,
d'ailleurs natif de Bayeux.
---»» Suite 2/5
ci-dessous à gauche.
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La clé de voûte de la croisée du transept.
Les dessins du XVe siècle ont été restaurés. |
La clé de voûte de la croisée du transept, détail
: des anges porteurs d'encens. |
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LE CROISILLON
NORD DU TRANSEPT |
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Le bras nord du transept.
La suite d'arcatures de style rayonnant est plus dépouillée que dans
le bras sud. |
Le bras nord du transept avec la chapelle Saint-Pierre et le déambulatoire
nord.
Dépouillement : au XIIIe siècle, toute l'élévation
derrière la statue de la Vierge
jusqu'à la rosace sous la coursière a été
laissée nue. |
La Vierge à l'Enfant par Veyrassat, 1848. |
CHAPELLE SAINT-PIERRE, SAINT-LÉONARD,
SAINT-JÉRÔME ET SAINT-MICHEL. |
La Résurrection, copie d'une toile de Carle Van Loo
attribuée à Joachim Rupalley, vers 1775. |
Croisillon nord du transept : des petits tableaux du XVIIe siècle
sont disposés sous une arcature assez sobre, de style rayonnant. |
TABLEAUX DE GABRIEL HERSON,
milieu du XVIIe siècle (10 tableaux donnés ici
sur les 12 exposés) |
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La Nativité (d'après une toile de Simon Vouet de 1638) |
L'Assomption et le tombeau vide. |
Le Couronnement de Marie. |
La Passion : Jésus au jardin des Oliviers. |
La grande
affaire du XIXe siècle : peut-on consolider les piles
de la croisée ou faut-il détruire la tour centrale
? (3/5)
---»» Eugène Flachat (1802-1873)
est ingénieur en chef de la Compagnie des Chemins de
fer de l'Ouest. Spécialiste de la fonte, du fer et
du rail, il a déjà bâti le pont d'Asnières
et la grande halle en fers laminés de la gare Saint-Lazare.
Flachat, connu de l'Empereur, ne manque pas de soutien. Michel
Chevalier, ancien saint-simonien, venait de publier dans le
Journal des débats, le 1er juin précédent,
un article sur l'emploi du fer et de la fonte dans les constructions
monumentales, y citait Eugène Flachat et proposait
l'usage de piliers en fonte pour la restauration du Panthéon.
Dans son article rédigé pour le colloque de
Noyon en 2006 (L'homme et la matière, Picard,
2009), Jean-François Belhoste écrit que l'affaire
de la tour de la cathédrale de Bayeux
est «le début, en fait, d'une approche en termes
de résistance des matériaux» et donc «une
étape dans l'évolution des rapports entre architectes
et ingénieurs.»
On ne saurait mieux dire. Le 3 septembre, c'est carrément
le transfert de responsabilités d'un architecte à
un ingénieur qui est prononcé : Victor Ruprich-Robert
est remercié ; Eugène Flachat, arrivé
avec son équipe, prend sa place dans la conservation
diocésaine de Bayeux.
Il y a avec lui plusieurs ingénieurs des Compagnies
de Chemin de fer du Paris-Saint-Germain et du Midi. Parmi
eux se trouvent quelques jeunes diplômés de l'école
centrale des arts et manufactures spécialisés
dans l'ingénierie ferroviaire (édouard Molinos,
Henri de Dion, etc.). On note la présence d'émile
Trélat, centralien et professeur de constructions civiles
au Conservatoire des arts et métiers ; on remarque
aussi celle de Charles Nepveu, ingénieur constructeur,
spécialiste du fonçage à l'air comprimé.
Bref, les grosses têtes de l'industrie du fer et de
la fonte en France à cette époque.
Le 21 septembre, le diagnostic tombe : «tout le mal
venait de la détérioration des quatre piliers
qui soutenaient la tour et que les étayements réalisés,
loin de soulager la charge, accroissaient les désordres.»
Il faut reconnaître que, pour un néophyte, le
dernier jugement ne coule pas de source...
---»» Suite 4/5
plus bas.
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La grande
affaire du XIXe siècle : peut-on consolider les piles
de la croisée ou faut-il détruire la tour centrale
? (4/5)
---»» Il faut donc reprendre les piliers en sous-uvre.
Le 12 novembre, le ministère accepte le plan de reprise
et de consolidation. La responsabilité du chantier
est confiée à Henri de Dion. Il restera à
Bayeux
jusqu'à la fin des travaux en 1858.
Ordonnancement des tâches : les quatre piles de pierre
de la croisée devant être retirées, il
fallait un soutènement solide pour tenir la charge
de la voûte et de la tour centrale évaluée
autour de 3000 tonnes. Après avoir stabilisé
la tour par un double ceinturage, on posa des tirants à
la naissance des arcs de la croisée pour empêcher
les mouvements des piliers. Puis, dans cinq trous-colonnes
creusés autour de chaque pile jusqu'à la couche
dure (env. six mètres de profondeur), on enfonça
un tube de fonte de 1,20 m de diamètre que l'on remplit
de béton. Ensuite, on put dresser le soutènement.
La science vint en renfort. Jean-François Belhoste
note : «Le système d'échafaudage fit l'objet
d'une étude scrupuleuse. On calcula les efforts auxquels
ils seraient soumis [sic] une fois les piliers démontés,
ce qui permit de déterminer la section des étais,
leur inclinaison, la section des tirants en fer méplat
posés pour maintenir leur tête. Un système
de vérins permit enfin de soulever légèrement
l'ensemble.»
Les quatre piles de la croisée purent enfin être
démolies et reconstruites selon le même profil
gothique. On fit le choix de la pierre d'Aubigny, une pierre
calcaire plus dure que celle d'Orival utilisée au Moyen
Âge pour l'essentiel du bâti de la cathédrale.
C'était aussi une pierre plus blanche que la précédente.
---»» Suite 5/5
plus bas.
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La Passion : Jésus outragé.
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La Passion : Jésus flagellé. |
La Passion : Véronique présente le visage de Jésus. |
La Passion : Jésus est crucifié. |
La Passion : la Résurrection du Christ. |
La Pentecôte (inspirée de l'art flamand de Rubens).
Gabriel Herson, milieu du XVIIe siècle. |
La grande
affaire du XIXe siècle : peut-on consolider les piles
de la croisée ou faut-il détruire la tour centrale
? (5/5)
---»» Dans un discours qu'il prononça en
1881 devant la Société des Antiquaires de Normandie,
Victor Ruprich-Robert, mauvais perdant, pointa du doigt cette
différence de blancheur, ce contraste «du plus
fâcheux aspect». Pour sauver son honneur d'architecte,
il déclara que son intention avait été
de déposer le fameux premier étage de la tour
en numérotant les pierres une par une afin de le reconstituer
à l'identique après. Les historiens qui ont
étudié de près le déroulement
de cette affaire n'ont pas trouvé trace de cette idée
hardie qui sous-entendait la consolidation du sous-sol...
C'est à l'occasion de la démolition des quatre
piles gothiques qu'on découvrit, à l'intérieur
de la pierre, les anciens piliers romans. Cette heureuse découverte
allait nourrir les analyses des historiens médiévistes
au cours des décennies suivantes.
Les travaux s'échelonnèrent de juillet 1856
à janvier 1858.
Le chantier de Bayeux
fut clairement un chantier d'ingénieurs. Seule une
carcasse de fer en tant que support temporaire mathématiquement
conçu, pouvait supporter un effort de plusieurs milliers
de tonnes.
Eugène Flachat fut regardé comme le sauveur
de la cathédrale. Dans les faits, c'était plutôt
à Henri de Dion, auteur de l'essentiel du projet, que
l'on devait le succès de l'entreprise. Rappelons aussi
qu'il était bien secondé : la Compagnie des
Chemins de fer de l'Ouest avait mis à sa disposition
l'élite de ses charpentiers et de ses chefs-maçons.
Par la suite, Henri de Dion devint un expert en résistance
des matériaux et mit au point de nouvelles méthodes
de calcul pour les structures en arc.
Ainsi le premier étage de la tour centrale était
sauvé. Mais il fallait remplacer le dôme du XVIIe
siècle, détruit en août 1855. Après
un inutile concours de projets, ce fut l'architecte diocésain
Gabriel Crétin qui fut retenu. Il prévoyait
un étage néogothique couronné d'un dôme
métallique. L'ensemble fut terminé en 1868.
C'est ce que l'on voit à l'heure actuelle.
La querelle de la tour était devenue une affaire nationale
et l'Empereur lui-même s'y était intéressé.
En août 1858, lors de l'inauguration de la ligne de
chemin de fer Paris-Cherbourg, Napoléon III passa à
Bayeux
où il fut reçu en grande pompe par les autorités
laïques et ecclésiastiques. Il visita la cathédrale,
salué par un discours chaleureux de l'évêque.
Puis, l'ingénieur Eugène Flachat lui expliqua
les difficultés de l'entreprise et les éléments
de sa réussite finale.
L'historien François Neveux relate : Flachat fut immédiatement
fait officier de la Légion d'Honneur et l'évêque,
chevalier du même ordre.
Sources : 1) L'homme et la
matière, l'emploi du plomb et du fer dans l'architecture
gothique, Actes du colloque de Noyon, nov. 2006, éditions
Picard, article de Jean-François Belhoste ; 2) Bayeux,
joyau du gothique normand, collection La Grâce
d'une cathédrale, La Nuée Bleue, 2016, article
de François Neveux.
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Le bras nord du transept est en style gothique rayonnant.
Il est daté des années 1260-1280. |
Statue de saint Pierre avec le Bon Pasteur
dans le soubassement (Henri Dupont, 1872). |
Baie 117 : Vitrail d'une galerie d'évêques dans
le bras nord du transept.
Atelier Étienne Thévenot, 1845-1848. |
Baie 117 : Vitrail d'une galerie d'évêques dans
le bras nord du transept, détail.
Atelier Étienne Thévenot, 1845-1848 |
Statue d'un apôtre dans le garde-corps
du bras nord du transept.
Fin du XIIe siècle. |
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Bras nord du transept : un apôtre (fin du XIIe siècle)
dans le garde-corps de la coursière. |
Statue d'un apôtre dans le garde-corps
du bras nord du transept.
Fin du XIIe siècle.
«««---
Bas-relief du Bon pasteur.
XIXe siècle. |
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Baie 117 : Vitrail d'une galerie d'évêques
dans le bras nord du transept, détail.
Atelier Étienne Thévenot, 1845-1848
En faisant figurer des petits personnages dans les bordures,
l'atelier Thevenot a pastiché le style des verrières
du XVe siècle.
La cathédrale Notre-Dame de Rouen possède un magnifique
vitrail
réalisé en 1449-1450 selon cette règle
artistique :
le vitrail des
Saints-Innocents. |
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Documentation : «La cathédrale
de Bayeux» de Jean Vallery-Radot, Henri Laurens éditeur,
années 1920
+ «Bayeux, joyau du gothique normand», La Grâce
d'une cathédrale, La Nuée Bleue, Place des Victoires,
2016
+ «L'architecture normande au Moyen Âge», Presses
Universitaires de Caen,, articles de Maylis Baylé, 1997
+ «Congrès archéologique de France, 132e session,
1974, Bessin et Pays d'Auge», article de Jacques Thirion
+ «Congrès archéologique de France, 75e session,
1908, Caen», article de Louis Serbat
+ «L'homme et la matière, l'emploi du plomb et du fer
dans l'architecture gothique», Actes du colloque de Noyon, nov.
2006, éd. Picard
+«La cathédrale Notre-Dame de Bayeux» de François
Neveux, OREP éditions., 2007 |
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