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Nous sommes ici dans le quartier de Popincourt,
dans l'est de Paris. Au XVIIe siècle, on y construisit une
chapelle pour le couvent des Annonciades du Saint-Esprit, dédiée
à Notre-Dame de Protection. Rattachée à la
paroisse Sainte-Marguerite
en 1788, elle devient elle-même paroisse en 1791, cette fois
consacrée à saint Ambroise. Décrétée
bien national par l'État révolutionnaire, elle est
vendue en 1797, puis rachetée par la Ville en 1811. Sous
le Second Empire, de par la volonté de Napoléon III,
Paris se transforme. On perce les grands boulevards. L'aspect du
quartier de Popincourt en est bouleversé. Pour répondre
au besoin cultuel d'une population qui s'accroît, une grande
église est construite tout à côté de
la chapelle. Celle-ci reste en fonction pendant les travaux, puis
sera détruite pour laisser place à un square, toujours
présent.
C'est l'architecte Théodore Ballu (1817-1885), déjà
en charge de la construction de l'église de la Sainte-Trinité
dans le 9e arrondissement, qui est choisi pour le projet. Les travaux,
commencés en 1865, s'achèvent en 1869. Le style en
est le roman du XIIe siècle, mâtiné de style
gothique : un style hybride qui a reçu l'appellation de «style
Second Empire» et qui est loin du faste du néo- Renaissance
choisi pour la Sainte-Trinité
et son quartier huppé (voir encart
plus bas).
Au niveau artistique, l'église Saint-Ambroise ne recèle
pas de grandes richesses. À part quelques sculptures de saints
et de saintes, du XIXe siècle, sur la façade et dans
le sanctuaire lui-même, on note la présence de quatre
grandes toiles
marouflées du peintre Jules-Eugène Lenepveu
(1819-1898) dans le transept. Ces toiles, de l'année 1876,
sont données dans cette page. Elles illustrent des épisodes
de la vie de saint Ambroise et de saint Augustin. .
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La nef de l'église Saint-Ambroise vue depuis l'entrée. |
L'église Saint-Ambroise.
La chapelle dédiée à Notre-Dame de Protection
s'élevait, jusqu'aux années 1860, à la
place
du petit square que l'on voit devant l'église. Les deux
clochers culminent à 68 mètres.
La façade est ornée de médaillons dont
quatre sont reproduits sur la droite ---»»» |
Statue du prophète Jérémie par F. Taluet
sur la façade de l'église.
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Statue du prophète Ézéchiel par J. Cambos
sur la façade de l'église. |
Saint Ambroise
Peinture en lave émaillée sur le tympan du portail
central (partiel)
uvre de Guiseppe Devers (1823-1883). |
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Statue du prophète Isaïe par H.-A. Jacquemart
sur la façade de l'église. |
Allégorie de l'éloquence.
Peinture en lave émaillée sur le tympan
du portail gauche
uvre de Guiseppe Devers (1823-1883) |
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Calice |
Encensoir |
Chapeau de cardinal |
Ciboire |
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Allégorie de la théologie.
Peinture en lave émaillée sur le tympan du portail
droit
uvre de Guiseppe Devers (1823-1883). |
La nef et le bas-côté droit. L'église fait
87 mètres de long.
Les bas-côtés ne possèdent chacun que deux
chapelles latérales. Hormis le baptistère
et la chapelle des morts, les deux autres chapelles latérales
sont à trois pans,
comme la chapelle Saint-Denis donnée juste au-dessous.
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LES CHAPELLES LATÉRALES DE LA NEF |
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Les fonts baptismaux sont ornés des attributs des Évangélistes.
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Chapelle latérale Saint-Denis. |
Saint Denis (atelier Maréchal, entre 1866 et 1869)
Tous les vitraux sont l'uvre de Charles-Raphaël Maréchal. |
Vitrail de saint Denis.
Charles-Raphaël Maréchal (Années 1860). |
Élévations droites dans la nef.
L'élévation fait vingt mètres de haut.
Le triforium s'ouvre par une série de baies triples en plein
cintre. |
Statue de sainte Rita.
Auteur anonyme. |
Vitrail à motifs géométriques
dans les chapelles. |
Architecture.
Elle se veut romane. La nef est scandée de gros piliers
cylindriques ornés de chapiteaux à thème
floral. Les piliers portent des arcades en plein cintre décorées
de «pointes de diamant». L'architecte a fait choix
de colonnes engagées au-dessus des chapiteaux. Celles-ci
sont interrompues par un autre chapiteau à l'endroit
où elles reçoivent les arcs qui descendent de
la voûte.
Ce choix stylistique a pour effet de casser l'élancement
de l'élévation, ce qui n'a pas trop d'importance
car la nef est assez large et ne donne pas lieu à une
sensation d'écrasement.
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LE TRANSEPT, SES DEUX ROSES ET LES QUATRE TOILES
DE JULES-EUGÈNE LENEPVEU |
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Chapiteau à thème floral dans la nef. |
Saint Augustin
Vitrail dans le transept
Charles-Raphaël Maréchal (années 1860). |
Saint Denis
Vitrail dans le transept
Charles-Raphaël Maréchal (années 1860). |
La Sainte Famille
Vitrail dans une chapelle
Charles-Raphaël Maréchal (années 1860). |
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Les croisillons du transept reçoivent les chapelles Saint-Ambroise
et Saint-Augustin.
À l'arrière-plan : la chapelle Saint-Ambroise.
Ces deux chapelles sont enrichies chacune de deux toiles marouflées
de Jules-Eugène Lenepveu (1819-1898), d'une rose et de
deux baies à personnage. |
«Saint Ambroise interdisant l'entrée de l'église
à l'empereur Théodose».
Toile marouflée de Jules-Eugène Lenepveu
(1819-1898)
dans le croisillon droit du transept. |
«Saint Ambroise interdisant l'entrée de l'église
à l'empereur Théodose».
Détail : le visage autoritaire de saint Ambroise.
Toile marouflée de Jules-Eugène Lenepveu
(1819-1898). |
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Vie
de saint Ambroise (339-397). C'est
l'une des vies les plus pittoresques de la Légende
dorée de Jacques de Voragine. Là,
pas de supplice, pas de massacre, pas de décapitation
à la chaîne, juste quelques démons
froussards que la stature morale du saint intimide.
Ambroise est étudiant en lettres à
Rome, puis devient avocat. Il montre tant de brio
au prétoire que l'empereur Valentinien
l'envoie gouverner les provinces de Ligurie et
d'Émilie. Il arrive donc à Milan,
en pleine querelle populaire : catholiques et
ariens se déchirent pour élire un
nouvel évêque. Ambroise intervient
et rétablit le calme, mais la foule le
choisit alors pour le siège épiscopal.
Étonné, il veut marquer son refus
et décide de faire peur. De retour au tribunal,
il condamne des prévenus à des peines
corporelles, ce qui était contraire à
ses habitudes. Mais la foule persiste et l'acclame
: «Que la faute de ton péché
retombe sur nous!» Alors il utilise les
grands moyens et fait venir ostensiblement des
prostituées chez lui, l'air de dire : «Vous
voyez, je ne suis pas digne d'être évêque!».
Mais la foule hurle de plus belle : «Que
la faute de ton péché retombe sur
nous!» Désespéré, Ambroise
part se cacher. Il est retrouvé, reçoit
le baptême (car il n'était que catéchumène)
et, huit jours plus tard, on le coiffe de la mitre
d'évêque de Milan.
À cette époque, le catholicisme
est la religion officielle de l'empire romain.
Il n'y a donc plus de persécutions. Le
récit de Jacques de Voragine est une suite
de petites histoires édifiantes où
se manifestent toute l'intelligence, la piété
et l'autorité d'un homme qui sera déclaré
Docteur de l'Église romaine. C'est aussi
l'histoire de son combat contre l'arianisme, que
défend Justine, la mère de l'empereur.
Au nombre des petites histoires, on trouve celle-ci,
traduite par Teodor de Wyzewa : «Telle était
sa compassion que, lorsque quelqu'un lui racontait
un de ses péchés, il en pleurait
si amèrement que le pécheur était
forcé de pleurer avec lui.»
Le récit qu'illustre le tableau de gauche
est donné dans la Légende dorée.
Les habitants de la ville de Thessalonique se
sont révoltés et ont tué
des fonctionnaires. Sur le conseil d'Ambroise,
l'empereur Théodose pardonne. Mais des
courtisans aiguisent sa malice et, sur son ordre,
plusieurs habitants de la ville sont mis à
mort. L'apprenant, Ambroise interdit à
l'empereur l'accès de son église.
Quand celui-ci rétorque que le roi David
lui-même avait commis un adultère
et un meurtre, l'évêque répond
: «Tu l'as imité dans ses erreurs,
imite-le maintenant dans sa pénitence».
Et l'empereur Théodose fit pénitence.
Source : La Légende
dorée
de Jacques de Voragine, éditions Diane
de Selliers, trad. Teodor de Wyzewa.
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La rose de la chapelle Saint-Ambroise est dédiée
au Sacré-Cur.
Atelier Charles-Raphaël Maréchal (années
1860). |
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Que
s'est-il réellement passé à
l'entrée de la cathédrale de Milan
(1/2) ?
Le grand spécialiste des mentalités
à l'époque de l'Empire romain tardif,
l'historien irlandais Peter Brown, donne
des clés pour replacer la situation dans
un contexte réaliste.
Le début de l'histoire est exact : au début
des années 390, 7000 habitants de Tessalonique,
coupables de révolte, ont bel et bien été
massacrés sur ordre de l'empereur Théodose.
Il faut ici faire appel à deux concepts
clés de l'empire tardif : la paideia
et la parrhésia.
La paideia lie un comportement à
une culture. Le comportement, c'est la maîtrise
totale de soi en geste et en parole, autrement
dit une modération permanente. La culture
est celle des lettres classiques et du service
des Muses.
Cette attitude de philosophe instruit, expert
en rhétorique grecque, conduit à
s'extraire de la masse humaine, souvent ignorante
et violente. Elle place dans l'élite de
sa ville l'homme qui se voue à la paideia,
lui ouvrant la voie vers le pouvoir municipal,
voire régional ou impérial. La paideia
relie entre eux ces hommes de bonne volonté :
un «réseau» informel se forme
par le biais de la philia, «l'art
soigneusement cultivé de l'amitié»
(Brown).
Il s'agit bien d'un réseau interne car,
tout cultivés qu'ils soient, les hommes
de la paideia, à l'extérieur
de leur cercle, doivent savoir tenir leur langue.
Ils ne disposent pas du courage qui donne accès
à la liberté de parole. Peter Brown
l'explique aisément : «Pour rester
efficaces, les notables [ceux qui ont la paideia]
devaient impérativement se maintenir dans
le réseau de clientélisme qui liait
les cités à l'administration impériale
et, de là, à la cour.» La
liberté de parole n'était permise
qu'à «ceux qui savaient pouvoir compter
sur l'amitié des grands» (Brown).
À cette liberté de parole correspond
la parrhésia, qui découle
de l'amitié [philia] placée
aux plus hauts niveaux de la hiérarchie.
La parrhésia fait passer un homme
de la paideia un cran au dessus de ses
commensaux. Très peu en jouissent. Dans
chaque cité importante vit un sage, souvent
un philosophe, qui dispose de la parrhésia.
C'est l'homme qui compte dans la ville, l'homme
qu'il faut rencontrer, une sorte d'intouchable
qui a acquis, par sa sagesse et son savoir, le
droit de critique, même envers l'empereur.
---»»» Suite 2/2
ci-dessous.
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«Saint Ambroise interdisant l'entrée de
l'église à l'empereur Théodose».
Toile marouflée de Jules-Eugène Lenepveu
(1819-1898).
Le gros plan montre le visage surpris et effrayé de
Théodose.
Son épouse, affligée par l'interdiction, porte la main
à son visage.
Le peintre a représenté le couple impérial couvert de
bijoux.
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Chapelle Saint-Ambroise
dans le transept droit avec la toile de Jules-Eugène Lenepveu.
Voir une toile sur le même thème à l'église
Saint-Gervais-Saint-Protais
à Paris. |
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Que s'est-il
réellement passé à l'entrée de
la cathédrale de Milan (2/2) ?
---»» Si l'on replace ce phénomène
dans l'Angleterre du XVIe siècle en l'inversant, c'est
la jeune reine Élisabeth Ière qui donne à
Lord Cecil le droit de la reprendre.
Une femme pouvait disposer de la parrhésia.
Ce fut le cas d'Hypathie d'Alexandrie au début du Ve
siècle. À cette époque, les chrétiens,
souvent violents, voulaient que la parrhésia
fût systématiquement entre les mains de l'évêque
de la cité. Le bouillant évêque Cyrille
d'Alexandrie, écarté par le préfet romain
au profit d'Hypathie, décida de se débarrasser
de sa concurrente, déjà âgée. Hypathie
fut lapidée devant une église de la ville par
une foule chrétienne surexcitée.
Revenons à Ambroise et au IVe siècle. L'évêque
de Milan ne disposait pas de la parrhésia. Peter
Brown écrit : «Récemment établi
et devenu de lui-même porte-parole d'une faction pro-nicéenne
intransigeante, l'Ambroise de la fin des années 370
et du début des années 380 n'avait pas d'ascendant
garanti sur la conscience d'un empereur.»
Le massacre de Thessalonique s'est produit au début
des années 390, suscitant le courroux de l'évêque.
Vers la fin de la décennie, Ambroise avait mûri,
son influence s'était renforcée. Il pouvait
oser la parrhésia envers l'empereur, mais savait
aussi qu'il lui fallait en respecter les codes. Ambroise défiant
Théodose à l'entrée de sa cathédrale
n'est qu'un mythe.
Dans une longue lettre, l'évêque décida
de s'adresser à l'empereur en adoptant le ton d'un
guide spirituel, c'est-à-dire d'«endosser délibérément
le rôle du philosophe» (Brown). Si cette lettre
fâcha l'empereur, ce dernier dut, pour des raisons politiques,
calmer le jeu. Il voulait tenir sa cour à Milan et
devait en accepter les règles. C'étaient d'abord
une procession du palais à la cathédrale d'Ambroise,
puis des cadeaux impériaux offerts au sanctuaire, enfin
la communion (puisque Théodose était baptisé).
«C'est la majesté du cérémonial
impérial elle-même, écrit Peter Brown,
qui liait Théodose à l'Église catholique.»
Et il ajoute : « Regagner un rôle de premier plan
dans la grand-messe solennelle à la cathédrale
de Milan valait bien une pénitence.» Comme quoi
la lettre de l'évêque avait dû porter,
mais avec les formes.
Peter Brown écrit que l'empereur «dut probablement
renoncer à diriger la procession impériale en
grande tenue» et assister, pendant plusieurs semaines,
à l'office dominical sans ses insignes royaux. Théodose
attendit l'arrivée de ses deux fils pour parader sans
retenue.
L'habile Ambroise avait réussi à tempérer
la colère de Théodose et à tenir le rôle
d'arbitre de la grâce impériale.
En fin de compte, que s'est-il passé à l'entrée
de la cathédrale de Milan ? Rien. Si l'évêque
avait barré le chemin de l'empereur à l'entrée
de sa cathédrale, comme le conte la Légende
dorée, une sanction d'exil long et lointain l'aurait
vraisemblablement frappé.
Sources : 1) Pouvoir et persuasion
dans l'Antiquité tardive de Peter Brown, Le Seuil,
1998; 2) Le monde de l'Antiquité tardive de Marc
Aurèle à Mahomet de Peter Brown, éditions
de l'Université de Bruxelles, 1995; 3) Les chrétiens
et la culture de Sébastien Morlet, éditions
Les Belles Lettres, 2016.
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Les vitraux
de l'église Saint-Ambroise.
Tous les vitraux sont l'uvre de l'atelier
de Charles-Raphaël Maréchal. Ils ont été
créés entre 1866 et 1869.
Mises à part les trois roses, ils se présentent
de deux manières : soit c'est une baie à un
personnage représentant un saint ou une sainte, ou,
dans l'abside, le Christ et les apôtres ; soit c'est
une baie historiée à trois médaillons
sur un fond de figures géométriques colorées.
Le médaillon historié évoque des scènes
de la vie de la Vierge, de la vie de Joseph ou de celle de
sainte Geneviève. Les deux autres médaillons
reçoivent un ange tenant un phylactère. Certains
visages de saints sont très beaux et sont représentés
en gros plan dans cette page.
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La rose de la chapelle Saint-Denis, dans le transept gauche,
est dédiée au Père Céleste. Ici,
détail du médaillon central.
Atelier Charles-Raphaël Maréchal (années
1860). |
«Saint Augustin réconciliant les catholiques et
les donatistes»
Toile marouflée de Jules-Eugène Lenepveu (1819-1898). |
«Saint Augustin faisant cesser l'usage entre parents
de se battre pour s'exercer à la guerre»
Toile marouflée de Jules-Eugène Lenepveu (1819-1898).
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«Saint Ambroise livrant les vases sacrés de son
église pour le rachat des prisonniers» Toile marouflée
de Jules-Eugène Lenepveu (1819-1898). |
Saint Augustin, détail
Vitrail dans la chapelle Saint-Augustin.
Charles-Raphaël Maréchal (années 1860). |
Sainte Élisabeth, détail.
Vitrail dans la chapelle Saint-Ambroise.
Atelier Charles-Raphaël Maréchal (années
1860) .
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Chapelle Saint-Augustin dans le transept gauche.
Par souci d'économie et conformément aux
instructions de Napoléon III, la décoration
de l'église, en 1869, était sobre. Elle
l'est toujours. |
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Le Sacré-Cur dans le médaillon central de
la rose de la chapelle Saint-Ambroise
Atelier Charles-Raphaël Maréchal (années
1860). |
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LE CHUR DE L'ÉGLISE SAINT-AMBROISE |
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Le chur avec son baldaquin de style byzantin. |
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Églises
de riches, églises de pauvres (1/3).
Les quatre toiles marouflées de Jules-Eugène
Lepneveu datent de 1876. Nous ne savons pas qui les
a financées, ni qui a décidé de
les exposer dans le transept de Saint-Ambroise. L'église
ayant été construite de 1863 à
1869, on est porté à penser qu'à
son achèvement le transept ne devait comporter
aucune toile et donc paraître très pauvre.
Ce qui nous amène à un débat qui
agita les milieux architecturaux et artistiques au XIXe
siècle : comment construire des églises
avec économie? Le Second Empire créa d'ailleurs
en 1866 une commission chargée d'étudier
officiellement ce problème et de proposer une
solution. Il ne faut pas oublier que, à cette
époque, le christianisme est religion d'État.
C'est donc l'administration qui détient la maîtrise
d'ouvrage... et qui ouvre son porte-monnaie. Et elle
entend le faire sans gaspillage.
Rappelons que la Révolution a porté un
coup presque fatal à l'Église de France,
notamment dans la vente et la destruction des bâtiments
cultuels. Dès 1790, l'Assemblée Constituante,
sur proposition de Talleyrand, confisque tous les biens
de l'Église. Dans toutes les villes, les paroisses
subissent un redécoupage drastique qui aboutit
à une diminution notable du nombre des édifices
cultuels. Beaucoup sont vendus et réutilisés
comme grange ou atelier. Ce qui frappe d'ailleurs les
voyageurs étrangers.
Dans un article de 1969 paru dans la Revue d'Histoire
de l'Église de France, Berthier de Sauvigny
relate les réactions de ces voyageurs : «On
est frappé péniblement de trouver ici
et là des édifices vénérables
abandonnés à des usages profanes ; à
Toulouse, les chapelles des Dominicains et des Jacobins
sont utilisées, en 1829, comme des écuries
et des manèges ; à Dijon,
l'église de Saint-Jean-l'Évangéliste
sert de marché et l'on peut voir des hommes emballer
de la laine à l'endroit où s'élevait
le maître-autel.» Ce même auteur rappelle
qu'à Paris, en 1832, il ne restait que trente-six
églises ouvertes au culte (sur une superficie
beaucoup moins étendue qu'aujourd'hui il est
vrai puisque les arrondissements extérieurs ne
seront intégrés à la capitale qu'en
1860). ---»»
Suite 2/3 ci-dessous.
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STATUES
DE PART ET D'AUTRE DU CHUR |
«««---
Sainte Jeanne de France
par Louis Noël (1920). |
Saint
Ambroise ---»»»
par Gérard Vincent (1980). |
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Le maître-autel du XIXe siècle est orné
de quatre prophètes associés à deux anges
thuriféraires. |
Églises
de riches, églises de pauvres (2/3).
---»» Bref, il faut reconstruire car la
population s'accroît. C'est le cas notamment dans
les campagnes et dans les quartiers neufs des villes.
Dans ce débat envenimé qui cherchait le
moyen de bâtir au moindre coût des édifices
cultuels de différente taille surgit une polémique
concernant l'opposition entre les quartiers riches et
les quartiers pauvres.
Cette querelle prend sa source dans un désaccord
profond entre les styles d'architecture à retenir
: néo-classicisme ou gothique classique? (Le
gothique classique étant le gothique de Philippe
Auguste à saint Louis, par opposition au gothique
flamboyant, jugé frivole et écarté
d'office).
Le néo-classicisme, luxueux, est rejeté
par certains comme reflet du paganisme. Le néo-gothique,
sobre et austère, correspond à l'image
du stoïcisme religieux, pilier du vrai catholicisme.
Évidemment la sobriété coûte
moins cher à bâtir que le luxe. Cela tombe
bien car le chrétien par excellence, c'est le
pauvre ! Ainsi s'exprime l'historien et homme politique
Charles de Montalembert (1810-1870). Dans un article
de la Revue d'Histoire de l'Église de France
cité en source, l'historien Jean-Michel Deniaud
nous précise la pensée de Montalembert
: «Car le pauvre (...) n'aime pas les églises
somptueuses dont la richesse peut lui rappeler la médiocrité
de sa condition ; il lui faut au contraire une construction
simple et d'une ornementation discrète.»
La voie était ouverte à d'autres qui appliquèrent
une discrimination sociale aux styles architecturaux
: les églises riches dans les quartiers riches,
les églises pauvres dans les quartiers pauvres.
---»» Suite 3/3
plus bas.
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Vue du déambulatoire et de ses nombreuses peintures murales
représentant les apôtres,
uvres d'Alphonse Jacquier et François Perrodin (fin du
XIXe siècle). |
Bas-relief d'Aaron sur le maître-autel
(XIXe siècle) |
Bas-relief d'Abel sur le maître-autel
(XIXe siècle) |
Églises
de riches, églises de pauvres (3/3).
---»» Il en fut ainsi de l'architecte
Théodore Ballu (1817-1885) qui éleva
La
Trinité dans un luxueux style néo-Renaissance.
L'endroit s'y prêtait : les environs de la gare Saint-Lazare
étaient à l'époque un quartier huppé.
Dans le même temps (les années 1860), il bâtit
l'église Saint-Ambroise dans un néo-roman très
dépouillé. Et Jean-Michel Leniaud prend soin
de préciser : «Il ne s'agit pas là d'une
coïncidence fortuite, mais d'une attitude dûment
réfléchie, dont au reste, on félicita
l'architecte.»
Dans cette course effrénée à l'économie,
les défenseurs des deux écoles (néo-classique
et néo-gothique) luttèrent à coups de
chiffres. Plus précisément, il s'agissait de
brandir un coût de construction rapporté au mètre
carré le plus bas possible. Bien évidemment,
on le prétendait toujours inférieur à
celui supporté par l'école adverse ! L'un des
bénéfices de cette querelle est que les historiens
disposent aujourd'hui des chiffres sur lesquels asseoir leur
jugement. Les calculs de l'époque montraient ainsi
que le coût de la luxueuse
Trinité revenait à 3,950 millions de francs
|
pour 3000 mètres carrés,
soit 1315 F le m2, et les non moins luxueuses Saint-Augustin
et Saint-Vincent-de-Paul
à 2000 F le m2 chacune. Quant à Saint-Ambroise,
avec ses 4500 mètres carrés de superficie, sa
charpente métallique et ses murs érigés
avec une nouvelle technique d'appareillage, son coût
ne s'élevait qu'à 550 F le m2. Une autre église
parisienne fit l'admiration des contemporains : Saint-Jean-Baptiste
de Belleville. Ces 578 F au m2 (pour une dépense
totale de 950 000 francs) incluaient même des améliorations
importantes intervenues au cours de la construction, améliorations
qui n'avaient pratiquement pas modifié le devis initial.
Sources : 1) Les constructions
d'églises sous le Second Empire : architecture et prix
de revient par Jean-Michel Leniaud (Revue d'histoire de
l'Église de France, tome 65, n°175, 1979) ; 2)
La vie catholique en France sous la Monarchie constitutionnelle,
vue par les voyages américains par Guillaume Berthier
de Sauvigny (Revue d'histoire de l'Église de France,
tome 55, n°155, 1969)
|
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«Epistolae sancti Pauli»
Médaillon dédié à saint Paul
dans le déambulatoire. |
Saint Jean
Médaillon dans le déambulatoire. |
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Saint Philippe
Médaillon dans le déambulatoire. |
Statue de saint Ambroise, détail
par Gérard Vincent (1980) dans le chur. |
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Saint Pierre
Vitrail dans l'abside
Atelier de Charles-Raphaël Maréchal.
|
Saint Matthieu
Vitrail dans l'abside
Atelier de Charles-Raphaël Maréchal. |
Un ange tenant un phylactère
dans le vitrail de sainte Elisabeth (médaillon
inférieur)
Atelier de Charles-Raphaël Maréchal, années
1860. |
Saint Marc, détail. |
Saint Luc, détail. |
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Le déambulatoire droit et la chapelle absidiale
Sainte-Geneviève. |
Le baldaquin et le maître-autel dans le chur.
Le baldaquin est présenté comme étant
une réplique (en taille réduite)
de celui de l'église Saint-Ambroise de Milan. |
«««---
Deux figures d'apôtres dans l'abside :
Saint Marc et saint Luc
Atelier de Charles-Raphaël Maréchal,
années 1860. |
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Statue de sainte Jeanne de France, détail
par Louis Noël (1920), dans le chur. |
Saint Martin, détail
Vitrail dans le transept
Atelier Charles-Raphaël Maréchal, années
1860. |
Saint Martin, vitrail dans le transept
Atelier Charles-Raphaël Maréchal, années
1860. |
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La chapelle axiale de la Vierge.
Cette chapelle n'est pas confinée dans une suite de chapelles
rayonnantes,
mais fait partie intégrante de l'abside. Elle bénéficie
donc d'une importante verrière. |
La Vierge présentant l'Enfant Jésus
par Eugène-André Oudinot (1810-1887). |
La Mort de la Vierge.
Vitrail dans la chapelle de la Vierge
Atelier Charles-Raphaël Maréchal, années 1860. |
La Vierge
présentant l'Enfant Jésus est un
thème qui a inspiré les sculpteurs du XIXe siècle.
On pourra en voir un autre exemple à l'église
Saint-Vincent-de-Paul
(Paris 10e), dû au ciseau d'Albert-Ernest Carrier-Belleuse
(1824-1887).
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Médaillon : «La Nativité» |
Médaillon : «La Fuite en Égypte» |
Médaillon : «La Sainte Famille» |
CI-DESSUS, TROIS MÉDAILLONS
ILLUSTRANT LA VIE DE LA VIERGE ET DE JOSEPH DANS LA CHAPELLE
DE LA VIERGE (Atelier Maréchal, années 1860) |
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L'autel de la chapelle axiale de la Vierge avec la statue d'Oudinot. |
La chapelle absidiale droite Sainte-Geneviève.
L'autel est surmonté d'une belle statue de la sainte
incarnant la Foi,
l'une des trois vertus théologales.
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La verrière
de la chapelle Sainte-Geneviève contient trois
baies
réalisées par l'atelier Maréchal
(entre 1866 et 1869).
Le médaillon central de chacune de ces baies illustre
un épisode de la vie de la sainte :
- Geneviève gardant ses moutons (voir à
droite) ;
- Geneviève rencontrant l'évêque saint
Germain ;
- Geneviève en prière. |
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Médaillon : «La Déposition»
Vitrail de la chapelle de la Vierge (atelier Maréchal) |
Médaillon : «La Mort de Joseph»
Vitrail de la chapelle Saint-Joseph (atelier Maréchal) |
Sainte Geneviève représentant La Foi.
Auteur anonyme. |
À DROITE ---»»»
La rose occidentale, détail.
Elle reçoit la colombe qui symbolise le Saint Esprit.
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La Vierge présentant l'Enfant Jésus, détail.
par Eugène-André Oudinot (1810-1887). |
Médaillon «Sainte Geneviève et ses moutons»
Atelier Maréchal, années 1860. |
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Les vitraux centraux de l'abside : le Christ entre saint Pierre et
saint Paul.
Atelier Maréchal, années 1860. |
L'orgue de tribune est un Merklin-Schutze de 1869. |
La nef vue depuis le chur. |
Documentation : «Paris d'église
en église» (Massin éditeur), ISBN :978-2-7072-0583-4
+ Site de la paroisse + «La Légende dorée»
de Jacques de Voragine, éditions Diane de Selliers
+ «Pouvoir et persuasion dans l'Antiquité tardive»
de Peter Brown, Éditions du Seuil, 2003. |
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