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Figure de proue du Protecteur

Maquette du Protecteur (musée de la Marine de Paris)

Tableau de poupe du Protecteur (musée de la Marine de Paris)

Le Protecteur est une maquette d'un vaisseau de 64 canons exposée au musée de la Marine de Paris. L'existence de ce vaisseau est sujette à controverses. Pendant longtemps on a cru que la maquette était la reproduction d'un navire qui, au cours de la guerre d'Indépendance américaine, avait pris part à la bataille de la Grenade en 1779 sous le commandement de l'amiral de Grasse. Mais des recherches approfondies ont montré que le seul Protecteur présent dans la Marine royale au XVIIIe siècle était un vaisseau de 74 canons. Les spécialistes ont conclu à une confusion entre le Protecteur et le Protée, vaisseau qui a réellement existé de 1748 à 1771. Le Protecteur de 74 canons a été lancé en 1760 sous Louis XV. Cette date est conforme aux spécificités du modèle tant au niveau de la voile d'ourse au mât d'artimon qu'au niveau de la très belle décoration Louis XV sur le tableau de poupe.
Au-delà des incertitudes historiques, il n'en reste pas moins que le Protecteur est un vaisseau extrêmement élégant, particulièrement bien dessiné avec un somptueux tableau arrière qui en fait toute la richesse.
Au niveau technique, le navire est un deux-ponts de 64 canons, ouvert à 13 sabords à la batterie basse (canons de 24 livres), à 14 sabords sur la deuxième batterie (canons de 12 livres). Enfin, on compte dix canons de 8 sur les gaillards. Le Protecteur est le type de vaisseau à deux-ponts que l'on trouvait dans la Royale au moment de la guerre de Sept Ans (1756-1763).

La chaloupe du Protecteur

La guerre de Sept Ans trouve son origine dans les multiples rivalités coloniales qui opposaient la France à l'Angleterre. En Inde, depuis la fin de la guerre de Succession d'Autriche (1742-1748), les combats n'avaient en fait jamais cessé. Les Anglais s'opposaient les armes à la main à l'hégémonie française voulue par Dupleix. Devenu nabab, celui-ci outrepassa ses fonctions et finit par être rappelé en France. Le climat s'apaisa, mais le jeu des alliances avec les princes hindous maintenait une pression politique et militaire constante.
En Amérique, une ligne défensive française, courant du Canada à la Louisiane, limitait la progression anglaise vers l'Ouest. L'armée Braddock, débarquée en Virginie en 1755, fut anéantie cinq mois plus tard par les Canadiens. En Acadie, les Anglais procédèrent à une véritable déportation des dix mille colons français catholiques (1755). Mais le plus grave fut la rafle de l'amiral anglais Boscawen qui, anticipant le début des hostilités, s'empara en 1755 - en pleine paix - de 300 navires de commerce français et de six mille marins. Les provocations anglaises s'aggravant, la France fut contrainte de déclarer la guerre le 16 juin 1756.

Une salle du musée de la marine de Paris

La marine française était dans un piteux état d'impréparation : quelques dizaines de navires, souvent mal commandés, à opposer aux 120 navires anglais croisant en escadres de par les mers sous les ordres d'amiraux chevronnés. De plus le corps des officiers est coupé en deux : d'un côté, le Grand Corps (les officiers rouges), de l'autre les officiers bleus. De part et d'autre, on se déteste.
La guerre commença par l'attaque de Port-Mahon de Minorque où les Français débarquèrent douze mille hommes. Le mois suivant, la flotte anglaise arriva, commandée par l'amiral Byng. La canonnade réciproque n'eut pas de résultat, Byng se replia sur Gibraltar. L'île occupée par les troupes françaises devint inutilisable pour l'escale des flottes anglaises. A Londres, l'amiral Byng eut à répondre en conseil de guerre de son quasi-échec. Il fut condamné et fusillé.
En Angleterre, la lutte était menée par William Pitt, ministre de la guerre, décidé à en découdre jusqu'au bout avec les Français. Des coups de main sont tentés contre le territoire français lui-même (Cancale, Cherbourg, Saint-Malo).
En Inde, à la suite des maladresses et des défaites de Lally-Tollendal, la situation est désespérée. La France doit quitter l'Inde où elle ne conservera que cinq comptoirs. Lally-Tollendal sera jugé et exécuté en 1766. Au Canada, les renforts anglais s'attaquent aux troupes de Montcalm. Après les succès initiaux, c'est toute la ligne française qui s'effondre : Fort Frontenac, puis Louisbourg, enfin Québec et Montréal. Tout le Canada est perdu en 1761.

La somptueuse maquette du Protecteur, en construction dans un atelier professionnel

Les opérations maritimes lors de la guerre de Sept Ans se résument à deux cuisantes défaites françaises : le "désastre" de Lagos et la défaite des Cardinaux, toutes deux en l'année 1759.
Après la nomination de Choiseul comme ministre des Affaires étrangères en 1758, un projet de débarquement en Angleterre fut mis sur pied. Sans qu'on s'occupât de savoir si les routes maritimes étaient libres. En fait, les Anglais bloquaient la sortie de tous les grands ports français. La flotte devait néanmoins se regrouper. Laclue quitta Toulon avec douze navires et fit route vers Brest. Le 17 août 1759, après Gibraltar, il tomba sur la flotte de l'amiral anglais Boscawen. Refusant le combat, il fit signe, de nuit, par signaux à ses capitaines que l'escale de Cadix était annulée. Par malchance, cinq navires ne les comprirent pas et quittèrent la flotte. Chassée par Boscawen, elle s'allégea à nouveau de deux navires qui renoncèrent. Alors qu'il faisait voile vers le port portugais neutre de Lagos, en croyant s'échapper, Laclue se retrouva avec cinq unités face aux Anglais forts de onze navires. Trois vaisseaux français furent incendiés, un autre capturé. Les navires qui avaient fait escale à Cadix ne purent jamais rejoindre Brest et rentrèrent à Toulon.

Une salle du musée de la marine de Paris avec un trois-ponts au premier plan

La France essaya néanmoins de débarquer quelques troupes en Cornouailles. Le comte de Conflans, bien que réticent, fut chargé de l'expédition. Partie de Brest, sa flotte de 21 vaisseaux et 3 frégates naviguait vers Auray pour embarquer des troupes quand elle tomba, le 20 novembre 1759, au large de Belle-Ile, sur l'escadre anglaise de l'amiral Hawke forte de 27 vaisseaux et 6 frégates. Refusant là encore le combat, Conflans s'engagea entre Belle-Ile et la terre, par les Cardinaux. Mais Hawke l'y suivit et le rattrapa. L'arrière-garde française subit l'assaut. Deux vaisseaux coulèrent, un autre se rendit. Nuit et tempête s'abattirent sur les deux flottes. Au matin, huit vaisseaux français avaient quitté le champ de bataille pour Rochefort. Les autres se dirigèrent vers l'embouchure de la Vilaine et de la Loire : deux s'échouèrent et furent brûlés, un autre coula. Tel fut le bilan de ce que la Cour appela hypocritement la "journée" de Monsieur de Conflans.
La France emmena l'Espagne avec elle dans la guerre pour tenter de relever la tête, mais les Espagnols ne réussirent qu'à perdre leurs dernières colonies : Cuba et Manille.
Ce fut le roi d'Angleterre George III qui sauva la France en chassant le trop autoritaire et anti-français William Pitt. Bute lui succéda. Le traité de Paris fut signé en février 1764 avec les clauses bien connues : perte du Canada, perte de l'Inde à part cinq comptoirs, droits de pêche dans le Saint-Laurent et à Terre-Neuve (avec les îlots de Saint-Pierre et Miquelon) ; la France conservait Sainte-Lucie dans les Antilles, Gorée et Albréda sur la côte d'Afrique. A la fin de la guerre de Sept Ans, l'Angleterre se retrouvait maîtresse du monde, au-dessus des nations.

Maquettes du Protecteur non gréé, bâbord et tribord

La très belle galerie de poupe du Protecteur

La paix revenue, le désastre des Cardinaux servit de déclic : le peuple français s'intéressa à la Marine et couvrit en totalité la souscription de treize millions ouverte par Choiseul pour la construction de nouveaux vaisseaux. Cette volonté de renouveau s'allia avec un développement des sciences navales et un apport décisif en mathématiques, géométrie et dessin. Bernoulli, Euler, Borda, Monge hissèrent la construction navale à une rigueur jamais atteinte jusque-là. Enfin, l'ingénieur Sané définit les trois types essentiels de navires de ligne : le 118, le 80 et le 74 canons. La voie à la standardisation était ouverte.
Malgré des faiblesses en tactique navale (les théories du combat sur mer marquaient le pas) et l'animosité entre les corps de Marine, la Grande Ordonnance de 1765 donna un nouveau souffle à la Royale et aboutit à son redressement. Redressement assez florissant pour vaincre la marine anglaise lors de la guerre d'Indépendance américaine (1778-1783).

Buste de Jacques-Noël Sané
(musée de la marine de Paris)

Le tableau de poupe du Protecteur

 
Protecteur, 1760