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Le Valmy, maquette en bois d'ébène et en marbre réalisée par un atelier professionnel

La poupe du Valmy en bois d'ébène et en marbre

Après la tourmente des guerres de la Révolution et de l'Empire, la France doit reconstruire sa marine. Un important mémoire du directeur des Constructions Navales paraît en 1822, proposant un plan d'ensemble. S'ensuit une décision royale en 1824. Une commission se réunit la même année et décide du rang et du nombre des vaisseaux à bâtir. Pour les plus gros, ceux de 118 canons et au-delà, c'est en 1836 que sera ordonnée la mise en chantier d'un nouveau modèle de vaisseau de 120 canons. Cette décision sera confortée par une ordonnance royale de 1837 prévoyant en tout dix vaisseaux de 120 canons pour la Marine. Le premier de ces vaisseaux sera le Formidable, rebaptisé, en 1838, le Valmy.

Ce programme va être bouleversé par l'apparition de la vapeur et du boulet explosif qui va obliger les coques à être doublées en fer. Ainsi, en 1849-1850, deux autres bâtiments de 120 canons sont mis en chantier : le Desaix, construit à Cherbourg, est abandonné en 1852 ; la Bretagne, construit à Brest, est modifié en navire mixte voile-vapeur. Le Valmy est donc l'unique trois-ponts construit en France à la suite du programme de 1824.

La figure de proue du Valmy

Le gaillard d'arrière du Valmy

Avec ses 5231 tonneaux, le Valmy est le plus important vaisseau de ligne jamais construit par les chantiers navals français. Avec ce navire, les vaisseaux de ligne ont atteint une limite : le Valmy est presque trop grand, trop lourd pour être mû par la voile. Les clippers du XIXe siècle auront un profil tout à fait différent.
Dès son lancement à Brest, le 25 septembre 1847, deux gros défauts inattendus se manifestent : une hauteur de batterie insuffisante et un manque de stabilité. Les ingénieurs décident alors d'effectuer un soufflage, c'est-à-dire d'appliquer un deuxième bordage en sapin sur le franc bord au-dessous de la ligne de flottaison (comme une espèce de ceinture). Le bordage fait en son milieu 35 cm d'épaisseur. La hauteur de la première batterie (qui passe de 1,70 m à 1,87 m au-dessus de la surface de flottaison) et la stabilité sont alors jugées satisfaisantes. Le doublage en cuivre n'est réalisé qu'après cette correction des œuvres vives.
Le vaisseau ayant été mis à l'eau en 1847, son armement est conforme au règlement de 1848-1849. On trouve ainsi 32 canons de 30 longs à la première batterie, 32 canons de 30 courts à la deuxième, puis des caronades ainsi que la dernière nouveauté en matière de bouche à feu : le canon-obusier. Il est intéressant de noter la présence de quatre sabords de chasse à la proue, au niveau des première et deuxième batteries. Les canons de ces sabords permettaient de tirer dans la poupe du navire poursuivi.

La poupe du Valmy avec ses galeries ouvertes et ses balustrades en fer

Les décorations du Valmy sont assez dépouillées, conformément aux principes de l'époque, en dépit de la multiplication des frises sur les frontaux et le pavois. A la poupe, on constate la présence de galeries ouvertes avec des balustrades en fer qui se poursuivent sur les bouteilles (voir photo ci-contre).
A cause de la nécessité du soufflage, le Valmy fut considéré comme un vaisseau manqué. L'ingénieur P. Leroux, chargé de sa construction, avait pourtant conçu auparavant d'excellentes frégates. Avec ce trois-ponts de 120 canons, il subit un sérieux échec. Ainsi, le dernier des vaisseaux de ligne français a été raté en dépit de la formation scientifique de haut niveau des ingénieurs de la Marine. A ce titre, le Valmy occupe une place à part dans l'Histoire navale de la France et mérite d'être connu.
Malgré son manque de qualité, le Valmy fut un vaisseau réputé. Il effectua une première campagne de février à octobre 1849. Le rapport sur sa tenue à la mer indiqua que le vaisseau se comportait assez bien au vent, surtout par forte brise. En revanche, par brise faible, il avait beaucoup de mal à avancer et à virer de bord.
Le Valmy fut navire amiral lors de la guerre de Crimée qui opposa la Russie à une coalition anglo-franco-turque de 1853 à 1854. Il fut radié des listes de la Marine en 1863.

Vaisseau français de premier rang. Aquarelle de Frédéric Roux (1827)

Après les traités de Paris (1814) et de Vienne (1815), la Marine de guerre française n'existe quasiment plus. Quant aux navires de commerce, ceux qui ont osé prendre la mer ont été capturés par les Anglais ; les autres essaient de ne pas pourrir dans les ports. Pour ce qui est des institutions maritimes, tout ce que l'Empire a créé est supprimé : préfectures, équipages, écoles. On recrée timidement un Collège Royal de Marine, mais le gouvernement, qui s'en désintéresse, n'accorde à la flotte de guerre qu'un budget restreint.
La flotte de commerce est mieux lotie. Pendant la tourmente des guerres impériales, les armateurs les moins téméraires ont laissé leurs navires dans les ports en attendant des jours meilleurs. A présent, cette flotte a la chance de voir un ancien directeur d'une maison d'armement de Bordeaux, le baron Portal, en charge du ministère de la Marine. Mais les chiffres relativisent l'importance de cette flotte de commerce : en 1828, on trouve 2297 unités de plus de 100 tonneaux, alors que l'Amérique en a 14 000 et l'Angleterre 30 000. Cette flotte assure le commerce avec les quelques colonies qui subsistent : Guadeloupe, Martinique, Bourbon (la Réunion), Guyane, Sénégal et Madagascar.

 

Une salle du musée de la Marine de Paris avec un trois-ponts au premier plan et un deux-ponts au second.

Pour reconstruire une marine de guerre, le gouvernement de la Restauration doit prendre des décisions conformes au budget alloué, aux menaces extérieures et aux techniques navales en vigueur. Il doit aussi prendre en compte les mises en chantier de navires survenues dans les dernières années de l'Empire. A la chute de Napoléon, douze vaisseaux sont encore sur cale. Une partie sera mise à l'eau en 1831, mais les plus imposants (ceux de 118 canons) ne seront terminés qu'après 1850 - soit près de cinquante ans de construction! On assiste en fait à une période d'attente où les responsables ne savent pas exactement ce qu'il faut faire ni le cadre qu'il convient de donner à la Marine française en dépit des mémoires, des commissions et des ordonnances royales. L'héritage napoléonien est toujours pesant, il est difficile de tout bouleverser. La construction d'une vingtaine de nouveaux vaisseaux a bien été entreprise, mais la plupart vont rester sur cale pendant des décennies.
En fait le monde de la marine est à la veille de profondes mutations. C'est d'abord la révélation des grandes frégates armées de pièces de 24 livres (qui ont montré qu'elles prenaient l'avantage sur les vaisseaux en cas de temps médiocre, quand ceux-ci ne peuvent utiliser leur batterie basse), puis le boulet explosif de l'ingénieur Paixhans (qui détruit les navires en bois comme des châteaux de cartes et qui va, à terme, exiger la construction de navires en fer), enfin et surtout l'apparition de la propulsion à vapeur et le coût élevé de la transformation des navires en bâtiments mixtes voile-vapeur (transformation jugée très vite indispensable).

La maquette du Valmy au musée de la Marine de Paris. Chaloupes et canots sont disposés autour du vaisseau sur un plan symbolisant la mer.

Si l'on ajoute à cela l'absence de conflits majeurs, on comprend que l'époque soit à l'expectative : que faire sinon prolonger en plein XIXe siècle le type de vaisseau à 74 ou 80 canons conçu au siècle précédent par l'ingénieur Sané? Ce type de bâtiment constitue en fait le principal des escadres françaises, à côté des frégates dont les constructions se multiplient.
La marine traditionnelle est condamnée. Sur les trente et un vaisseaux du programme de 1824 qui ont été achevés, vingt-sept seront transformés en mixtes. Seuls onze vaisseaux de la marine classique resteront en activité, tous les autres appartiennent déjà à l'ère industrielle.

Une salle du musée de la Marine de Lorient

 
Valmy, 1847