Accueil
Histoire navale
Céramique
Bibliographie
Les Grands Thèmes
  PATRIMOINE
Châteaux, palais,
  Eglises, monuments
Est Ouest Sud-Ouest Nord IdF Sud-Est Centre-OuestCentre-Est
RÉGIONS


 Contact
Page créée en janv. 2019
Vitrail «L'Entrée du Christ à Jérusalem», 1537, détail

Au XIe siècle, Notre-Dame est une collégiale créée par les seigneurs de Vitré. Peu à peu, l'inconduite des moines mène à un dépérissement de l'institution : ils ne sont plus que trois au début du XIIe siècle. En 1116, Marbode, évêque de Rennes, donne la collégiale aux bénédictins de Saint-Melaine de Rennes. Après quelques soubresauts et contestations entre chanoines et bénédictins, l'institution devient prieuré et peut prospérer. L'église prieurale assure également le rôle d'église paroissiale. Aussi les moines se réservent-ils, pour leur culte, une petite «nef», l'actuelle chapelle orientale du Saint-Sacrement, appelée Chœur-aux-moines.
Entre 1480 et 1550 l'église est presque entièrement reconstruite. François de Laval, futur baron de Vitré, assure la totalité du financement des travaux. Il donne 1200 écus. Dans un acte rédigé en 1485, il ordonne de prendre cette somme sur les revenus de sa terre et baronnie de la Guerche. C'est l'époque de la fin de la guerre de Cent Ans, marquée par une reprise économique dans tout le royaume de France (qui n'inclura la Bretagne qu'en 1491). Époque marquée aussi par une multiplicité des reconstructions d'églises, des édifices fortement mis à mal par les grandes Compagnies et la soldatesque anglaise.
Le nouvel édifice vitréen jouit d'un atout architectural remarquable: c'est un trait d'union entre le gothique flamboyant et le style Renaissance. Peu présent à l'intérieur, ce passage d'un style à l'autre est très visible sur la façade sud. Celle-ci possède en outre une rareté : une belle chaire à prêcher extérieure où les prédicateurs de la Contre-Réforme pouvaient se déchaîner contre les huguenots... installés dans le bâtiment d'en face, de l'autre côté de la rue !
L'actuel chœur-aux-moines n'a pas été touché par la reconstruction ; le transept, très peu. Les aménagements intérieurs ont, sans aucun doute, été facilités par la richesse de la ville due au commerce des toiles. Le rôle des pieux barons de Vitré et de la puissante confrérie des marchands d'Outre-mer, fondée en 1473, est indéniable, notamment dans la création de retables enrichis de multiples écussons aux armes de leurs donateurs.
L'église est longue de 67 mètres. Son intérieur n'a guère impressionné Prosper Mérimée quand il est passé à Vitré en 1835 puisqu'il se contente d'en décrire les parties externes. En fait, il faudra attendre l'arrivée du dynamique curé Gilles Aubrée en 1850 pour aboutir à l'aspect que le visiteur peut découvrir aujourd'hui.
Parmi ses richesses, Notre-Dame offre un très beau vitrail Renaissance illustrant l'Entrée du Christ à Jérusalem, daté de 1537. Les autres vitraux sont du XIXe siècle (voir l'encadré).

Peinture du XVIIe siècle dans une chapelle latérale
Vue d'ensemble de la nef
Vue d'ensemble de la nef et, au fond, du chœur-aux-moines.
Comme cela était voulu au XIXe siècle, le percement du chevet du chœur-aux-moines permet d'éclairer le transept et le maître-autel.
Le clocher avec sa flèche de 1858
Le clocher avec sa flèche de 1858
vu depuis le jardin des Bénédictins.
La tour de la croisée a été édifiée entre 1440 et 1442.
La «porte du milieu» sur le côté sud
La «porte du milieu» sur le côté sud
est la plus ouvragée des trois.
Saint Pierre et sa clé
Saint Pierre et sa clé
Détail du bas-relief de la «porte du milieu».
Cette suite de pignons sur le côté sud est caractérique des églises bretonnes
Cette suite de pignons sur le côté sud est caractérique des églises de Haute-Bretagne du XVe au XVIIe siècle.

Les façades nord, sud et ouest de l'église sont très dissemblables. Malheureusement, la façade nord, qui accueille une série de pignons comme la façade sud, n'est pas vraiment accessible. Le haut muret du jardin des Bénédictins en cache la fondation ; de plus, en été, des arbres étalent leurs branches pleines de feuilles devant les fenêtres et la partie haute.
La plus pittoresque des façades est celle du sud (photo ci-dessus), élevée d'est en ouest de 1480 à 1540. La succession rapprochée des pignons donne à ce style le nom de «dents de scie». Une série de contreforts peu saillants sépare les fenêtres. Les pinacles fortement dentelés qui les surmontent achèvent de donner à la façade sa griffe bretonne. Nous sommes là dans le gothique flamboyant, chère à la Haute-Bretagne du XVe au XVIIe siècle.
En comparaison, la façade occidentale, construite autour de 1550, semble bien pauvre. À l'origine, elle était masquée par un bâtiment en bois utilisé pour le commerce : la Grande halle aux draps. Ce n'est qu'au XXe siècle que le vis-à-vis de la façade disparut.
À part la grande verrière au-dessus de la porte, il n'y a aucune fenêtre sur les côtés : il est difficile de deviner que le vaisseau central est bordé, au nord et au sud, par un bas-côté et une suite de chapelles latérales. Enfin, au-dessus des contreforts, la suite des six pinacles ornés de crosses et de choux frisés donne un aspect surréaliste à la façade. À l'heure des drones, on dirait presque une série de rotors qui vont se mettre à tourner pour soulever l'église !
Parmi les trois portes, celle de l'ouest et celle du milieu (photo ci-dessous) méritent un coup d'œil admiratif. On y retrouve, sculptées dans le bois, les scènes de l'Annonciation et de la Crucifixion ainsi que des apôtres, dont les quatre évangélistes. Ces bas-reliefs sont datés des XVIe et XVIIe siècles.

La «porte du milieu» et ses bas–reliefs en bois du XVIIe siècle
La «porte du milieu» et ses bas-reliefs en bois. On y lit la date de «1689».
La Vierge à l'Enfant
La Vierge à l'Enfant
domine la «porte du milieu».
La Vierge de l'Annonciation
La Vierge de l'Annonciation
Bas-relief de la «porte du milieu».
Plan de l'église
Plan de l'église et parties extérieures.
Chaire à prêcher extérieure
La chaire à prêcher extérieure repose sur un pédicule.

La chaire à prêcher extérieure. Cette sorte de chaire, à l'extérieur d'un édifice, est très rare. La cuve, savamment travaillée, accueille une suite d'arcatures trilobées, rehaussées de sculptures diverses (Triple face, sirène, lion, etc.). Le dais est façonné en forme de clocheton. Fidèle à l'ensemble des pinacles, il est lui-même garni de crochets.
La chaire aurait été créée à la fin du XVe siècle, avant l'apparition du protestantisme à Vitré. À quoi l'utilisait-on ? Selon Arcisse de Caumont cité par Arthur de la Borderie «probablement, pour prêcher les jours de grandes fêtes où l'église ne pouvait contenir toute la foule des fidèles.» Quand des protestants s'installèrent en ville, elle servit évidemment de tribune pour réfuter la «religion prétendument réformée». ---»»»

L'abat–son de la chaire à prêcher extérieure avec ses sculptures
L'abat-son de la chaire à prêcher extérieure avec ses sculptures.
Les sculptures de la cuve de la chaire à prêcher extérieure
Les sculptures de la cuve de la chaire à prêcher extérieure.
La triple face symbolisant la Trinité
La triple face symbolisant la Trinité
sur la cuve de la chaire à prêcher extérieure.
Une sirène sur la cuve
Une sirène ou un atlante sur la cuve
de la chaire à prêcher extérieure.

---»»» La présence de cette chaire est-elle due à l'influence de saint Vincent Ferrier, moine dominicain qui prêchait à l'extérieur des églises et qui fut appelé par le duc de Bretagne Jean V en 1418 ? C'est l'opinion de l'historienne Denise Robert-Maynial dans le Dictionnaire des églises de France aux éditions Robert Laffont.

Prosper Mérimée. En 1835, l'écrivain parcourt l'ouest de la France. La Bretagne est inscrite dans son périple, tout comme le Maine et l'Anjou. C'est en suivant la côte atlantique que l'écrivain découvre les villes et les monuments bretons. En décembre de la même année, il remet un rapport au ministre de l'Intérieur. Dans sa lettre d'introduction, il précise que Vitré est la première ville de l'ancienne Bretagne où il s'est arrêté.
On apprend ainsi que Mérimée n'aime pas du tout l'église Notre-Dame. Il écrit : «L'église Notre-Dame dans la ville haute indique par son architecture la décadence complète de l'art gothique. Pauvre et mesquine d'ornementation, on y chercherait en vain quelque détail gracieux. Sa façade latérale se compose de quatre frontons garnis de crochets ; on dirait quatre maisons accolées l'une à l'autre. Ce système me paraît peu rationnel ; au lieu de donner l'idée d'un grand bâtiment, il le rapetisse en le divisant en plusieurs parties indépendantes. - Il faut citer comme une singularité très rare une chaire à prêcher en pierre, pratiquée extérieurement sur le côté méridional de l'église. Les sermons en plein air ayant été défendus de bonne heure, parce que dans la rue on ne pouvait exiger de l'auditoire un maintien aussi décent que dans l'intérieur d'une église, je ne me serais pas attendu à trouver un vestige de cet usage dans un édifice aussi moderne que Notre-Dame-de-Vitré.» Ajoutons que Mérimée ne dit pas un mot de l'intérieur du monument. Rien ne l'a donc particulièrement frappé, mais rien n'exigeait une restauration rapide non plus.
Source : Notes d'un voyage dans l'Ouest de la France, Prosper Mérimée, 1836.

Le jardin des Bénédictins borde le côté nord de l'église
Le jardin des Bénédictins borde le côté nord de l'église.
La façade occidentale a été construite en 1550.
La façade occidentale a été construite en 1550.
Ses contreforts à pinacles sont ornés de crosses et de choux frisés.
À l'origine, la façade était masquée par un bâtiment en bois utilisé pour le commerce : la Grande halle aux draps. En la regardant,
il est difficile de deviner que le vaisseau est bordé, au nord et au sud, par un bas-côté et une suite de chapelles latérales.
La porte d'en-Bas au milieu de la façade occidentale
La «porte d'en-Bas» au milieu de la façade occidentale.
On y reconnaît un agrégé de la seconde Renaissance, inspiré par l'Art antique : porte en plein cintre, fronton triangulaire et arcade cintrée.
Tympan de la porte occidentale
Le tympan de la porte occidentale illustre la Crucifixion avec les apôtres Pierre, Paul, Jean et André.
La Crucifixion sur la porte occidentale
La Crucifixion sur la porte occidentale, XVIIe siècle.
Dais Renaissance au coin sud-ouest de l'église
Dais Renaissance au coin sud-ouest de l'église.
Blason portant les armes de Guy XV de Laval,
baron de Vitré de 1486 à 1501,
au-dessus de la porte d'en-Haut ---»»»
La porte d'en-Haut
La porte d'en-Haut
est la plus à l'est des trois portes.
Au-dessus de la porte : le blason de Guy XV de Laval.
Blason portant les armes de Guy XV de Laval
Un aigle au-dessus de la 1ère fenêtre au sud-ouest
Un aigle au-dessus de la 1ère fenêtre au sud-ouest.
LA NEF DE L'ÉGLISE NOTRE-DAME
La nef et les bas-côtés vus depuis l'entrée de l'église
La nef et les bas-côtés vus depuis l'entrée de l'église.
Le grand retable à droite est du XIXe siècle.
La voûte en bois peint du vaisseau central. La peinture date du XIXe  siècle.
La voûte en bois peint du vaisseau central. La peinture date du XIXe siècle.
Détail des peintures de la voûte du vaisseaucentral
Détail des peintures de la voûte du vaisseau central.

Architecture interne. La nef de l'église offre un ensemble très homogène, mais sans point d'accroche artistique réel. À tel point que la notice de l'Office de tourisme «Laissez-vous conter l'église Notre-Dame» ne parle que de ses aspects extérieurs !
En passant en 1835 à Vitré, Prosper Mérimée n'a rien dit sur l'intérieur de l'édifice. Celui-ci n'était donc pas menacé d'une ruine rapide si l'on n'intervenait pas. Quant à l'abbé Gilles Aubrée, grand ordonnateur de la restauration de l'église au XIXe siècle, il n'a pris possession de la cure qu'en 1850.
La grande photo plus haut montre que la nef, à six travées, est séparée des bas-côtés par des arcades brisées assez sobres. Les piles octogonales possèdent des chapiteaux moulurés sans grande recherche ornementale. Comme souvent dans les anciennes églises bretonnes, la voûte est en bois. Elle offre ici au regard des lambris peints selon un motif de rinceaux répétitif. Les bas-côtés et les chapelles sont voûtés d'ogives en pierre dont les nervures retombent sur des consoles ornées d'anges ou d'animaux. Plus intéressant : les clés de voûte sont ornées des armes des barons de Vitré, des armes de la Bretagne ou encore du lion de Vitré. On a là la marque de plusieurs donateurs. Quelques-unes de ces clés sont données plus bas.
Les murs gouttereaux n'ont pas l'épaisseur voulue pour soutenir une voûte en pierre. Les églises de Bretagne mettaient à profit la présence de grandes forêts (et la proximité de la mer pour le transport) : on faisait ainsi une première économie en faisant le choix de la charpente pour coiffer la nef et une seconde en diminuant le nombre de pierres ainsi que la masse des contreforts pour la soutenir. Pour avoir une idée du poids des différentes pierres par rapport au bois, on pourra se reporter à un encadré présenté à la basilique Notre-Dame du Roncier de Josselin, église qui possède également une voûte en bois.
Le plan de l'église Notre-Dame montre sur le côté sud, au niveau de la première travée orientale, la présence d'une pièce fermée (une petite sacristie). Celle-ci est surmontée d'une tribune qui était réservée autrefois aux barons de Vitré. Une photo plus bas en donne un bon aperçu. C'est à cet endroit que se trouve la célèbre sculpture de l'arracheur de dents.

Plan de l'église

La chapelle des Fonts est la seule à être fermée par une grille. En effet, à part un retable en pierre du XIXe siècle (donné à droite), elle possède un enfeu intéressant, malheureusement assez mutilé : celui de Pierre Hubert, mort en 1498. Messire Pierre Hubert était prêtre doyen de Vitré, recteur de la chapelle d'Erbrée et chanoine prébendé de la collégiale de la Magdeleine de Vitré. Dans son étude sur l'église en 1876, l'abbé Paul Paris-Jallobert nous apprend que cet ecclésiastique avait fondé en 1488, avec beaucoup de précisions, une chapellenie (que l'on définira comme un acte de dévotion à son profit, et pour une période précisée, contre un revenu). Pierre Hubert demanda que soit «(...) célébré à jamais par chacun jour de l'an, une messe à basse voix, à l'heure de neuf heures, et premier le chapelain doit tirer la cloche nommée le Gros-Saint, par quinze gobets (...)». À noter que la sculpture du doyen comporte d'intéressants bas-reliefs illustrant les orfrois, c'est-à-dire les parements d'or et d'argent, de sa chasuble.

LA CHAPELLE DES FONTS
Le baptistère (première chapelle latérale nord)
La chapelle des Fonts
Première chapelle latérale nord.
Haut–relief sous un enfeu de Pierre Hubert, mort en 1498
Haut-relief sous un enfeu de Pierre Hubert, mort en 1498,
recteur de la chapelle-Erbrée (chapelle des Fonts).
Enfeu de Pierre Hubert, détail de la chape brodée d'orfrois
Enfeu de Pierre Hubert, détail de la chape
avec ses bas-reliefs qui représentent les orfrois.
«Le Baptême du Christ» dans le baptistère
«Le Baptême du Christ» dans la chapelle des Fonts
par «Claudius Lavergne et ses fils 1884».
Retable du XIXe siècle
Retable du XIXe siècle de la chapelle des Fonts.
Le lion de Vitré dans une clé de voûte
Le lion de Vitré dans une clé de voûte.
«Le Baptême du Christ» dans le baptistère par «Claudius Lavergne et ses fils 1884»
«Le Baptême du Christ» dans la chapelle des Fonts par «Claudius Lavergne et ses fils 1884»
Détail de la scène centrale.
La cuve de la chaire à prêcher (reproduction de la chaire de pierre de la cathédrale de Strasbourg).
La cuve de la chaire à prêcher rappelle celle de la chaire de Geiler von Kaysersberg à la cathédrale de Strasbourg.
Le bas-côté nord et ses chapelles latérales.
Le bas-côté nord et ses chapelles latérales.
Au premier plan, le retable de Saint-Michel (XVIIe siècle)

Les retables du XVIIe siècle. L'église Notre-Dame abrite quatre grands retables du XVIIe siècle dans ses chapelles latérales. Il n'est pas inutile au visiteur de s'arrêter quelques instants devant chacun d'entre eux. Ces retables étaient la plupart du temps financés non par des nobles, mais par des roturiers. Parmi ceux-ci, les confréries comptent pour une moitié. Sur l'image à droite, on peut voir un autre très grand retable, dressé au côté sud, mais il est du XIX siècle.
Dès le XVIIe siècle, la région de Laval connut plusieurs ateliers de fabrication de retables. La ville de Vitré, d'importance secondaire, subit l'influence de sa grande voisine et adopta peu ou prou le style conçu par les fabricants de Laval. On trouve ainsi à Vitré une décoration parfois un peu surchargée, typique des retables lavallois.
Comme Saint-Malo et Laval, Vitré pratiquait le commerce sur une grande échelle. Dès 1473, les marchands vitréens constituèrent une confrérie : les Marchands d'Outre-mer. Vitré exportait des toiles assez grossières, mais très robustes, idéales pour les voiles des navires et la confection des ballots. La bourgeoisie mettait à profit les petits ateliers domestiques des tisserands pauvres, ateliers disséminés dans la ville et ses alentours, et s'enrichissait. Ce commerce culmina lors d'une période de grand faste - qui fut courte : de la fin des guerres de Religion jusqu'à la politique anti-espagnole de Richelieu. L'intervention de la France dans la guerre de Trente Ans, en 1635, gela les relations entre les ports bretons et la péninsule ibérique ainsi qu'avec toutes les possessions espagnoles du continent. Les exportations de toiles, via Saint-Malo, se tarirent. C'est donc au début du XVIIe siècle que se produisit l'enrichissement rapide des marchands vitréens. Les commandes de retables en découlèrent, accentuées par l'offensive de la Contre-Réforme. Au sujet de cet enrichissement rapide, Jean-Claude Menou [cf source] signale en note une découverte de l'abbé Paris-Jallobert dans le registre de Notre-Dame : en 1612, des corsaires (que J.-C. Menou appelle des pirates, terme impropre puisque les marchands vitréens y détiennent des parts) arraisonnèrent deux navires qui transportaient plus de deux cent cinquante mille écus, ainsi que beaucoup de pierreries et autres objets précieux. L'abbé Paris-Jallobert ajoute que, de cette fabuleuse prise, les Vitréens reçurent «plus de deux cent mil livres». Ce qui a dû faciliter les commandes de retables.
Le style de ces retables est souvent à la démesure, propre à l'esprit espagnol. Le style classique (retable Saint-François) résiste malgré une offensive du style baroque, appuyée par «le goût tout espagnol pour les surfaces totalement décorées» [Menou]. Citons, dans le style baroque, les retables de Saint-Michel, de Saint-Melaine et de Saint-Sébastien. N'oublions pas que la démesure véhicule avec elle le triomphalisme et la beauté majestueuse. Les confréries qui passaient commande pouvaient être fières. Le Concile de Trente (1545-1563) avait d'ailleurs affirmé son credo artistique : les œuvres d'art belles et grandes sont idéales pour impressionner les fidèles. (Sur ce thème de l'impression faite aux fidèles catholiques... et aux protestants, on se reportera utilement à la prière des Quarante-Heures à Issoire au XVIIe siècle.)
Dans son étude des retables vitréens de 1971, Jean-Claude Menou fait une remarque intéressante à propos du retable Saint-Michel. Celui-ci, par souci d'économie, est en bois. Mais l'historien note qu'il n'est accepté que parce qu'il rappelle «en tous points la noble décoration que donnent les marbres jaspés, noirs et rose, des carrières du pays de Laval.»
Ajoutons que l'église Notre-Dame possédait, il n'y a pas encore longtemps, un très beau retable d'émaux peints daté du XVIe siècle. Ce retable est à présent exposé au musée du château de Vitré.
Source : Retables vitréens par Jean-Claude Menou, Bulletin et mémoires de la société archéologique du département d'Ille-et-Vilaine, 1971.

«Le Portement de croix»
«Le Portement de croix»
Vitrail de la Maison Clamens et Bordereau, Angers 1886.
Retable de Saint–François dans une chapelle latérale sud, XVIIe siècle.
Retable de SAINT-FRANÇOIS dans une chapelle latérale sud, XVIIe siècle.
«Le Ravissement de saint François d'Assise» par Lefebvre, XVIIe siècle.
«Le Ravissement de saint François d'Assise» par Lefebvre, XVIIe siècle
dans le retable de Saint-François.
Sainte tenant la palme du martyre
Sainte tenant la palme du martyre
Retable d'une chapelle latérale.
Statue de saint André
Statue de saint André
Retable d'une chapelle latérale.
Saint Dominique au pied de la croix
Statue de la Vierge, 1536.
Retable de Saint-François, XVIIe siècle.
Clé de voûte avec trois glaives d'argent
Clé de voûte avec trois glaives d'argent
sur fond de gueules.
Armes de Pierre Landais, marchand vitréen, trésorier du duc de Bretagne.
Pierre Landais fut exécuté en 1485.
LA CHAIRE DU XIXe SIÈCLE
La chaire à prêcher est datée de 1855, œuvre de l'ébéniste rennais Hérault.
La chaire à prêcher est datée de 1855, œuvre de l'ébéniste rennais Hérault.
La cuve de la chaire s'inspire de la chaire à prêcher en pierre
de la cathédrale de Strasbourg (chaire qui date de 1486).
L'abat–son de la chaire à prêcher et ses magnifiques sculptures.
L'abat-son de la chaire à prêcher et ses magnifiques sculptures.
Retable du XIXe siècle dans une chapelle latérale sud.
Retable du XIXe siècle dans une chapelle latérale sud.
«L'adoration des bergers»
«L'adoration des bergers», scène centrale.
Atelier de Georges Claudius Lavergne, 1888.
Retable de Saint-Michel, XVIIe siècle.
Retable de SAINT-MICHEL, XVIIe siècle.
La statue, de style sulpicien, a vraisemblablement remplacé une statue de 1616,
lit-on dans le Bulletin de la Société Archéologique d'Ille-et-Vilaine (1971).
«Présentation de la Vierge au Temple»
«Présentation de la Vierge au Temple», scène centrale du vitrail.
Atelier Champigneulle fils, Paris, 2e moitié du XIXe siècle.
La nef et l'orgue de tribune vus depuis l'autel de messe (première  travée orientale de la nef)
Console de la statue de la Vierge.
Il faut l'imaginer avec sa polychromie d'origine.
Premier quart : trois fleurs de lys sur fond
d'azur (le royaume de France) ;
2e et 3e quarts : une croix de gueules (rouge)
chargée de cinq coquilles d'argent et contournée
de seize alériens d'azur (les armes
des Montmorency-Laval) ;
4e cadran : fond d'azur (bleu) à deux fleurs de
lys d'or avec un bâton composé d'argent et
de gueules (les armes du comte d'Évreux).
La nef et l'orgue de tribune vus depuis l'autel de messe (première  travée orientale de la nef)
Statue de saint Jean,
XVIIe siècle
Retable de Saint-François.
Bas-côté nord : retable de Saint-Michel et retable de Saint-Sébastien
Bas-côté nord : retable de SAINT-MICHEL et retable de SAINT-SÉBASTIEN.
Les deux retables sont du XVIIe siècle.
QUATRE CLÉS DE VOÛTE DANS LES BAS-CÔTÉS
Le lion de Vitré.
Le lion de Vitré.
Les armes des Laval-Montmorency.
Les armes des Laval-Montmorency.
Clé de voûte dans l'allée centrale.
Clé de voûte dans l'allée centrale.
Véronique et le visage du Christ.
Véronique et le visage du Christ.
La nef, ses piles et le bas-côté sud.
La nef, ses piles et le bas-côté sud.
Sur la droite, le retable de Saint-François qui remonterait à 1636 (d'après le Bulletin de la Société Archéologique d'Ille-et-Vilaine, 1971).
À gauche, un grand retable du XIXe siècle.
Retable de Saint-Melaine, XVIIe siècle
Retable de SAINT-MELAINE, XVIIe siècle
dans la chapelle Saint-Melaine.
«La Vierge et Sainte Élisabeth avec l'Enfant Jésus et Jean–Baptiste»
«La Vierge et Sainte Élisabeth avec l'Enfant Jésus et Jean-Baptiste»
Détail du vitrail du XIXe siècle avec un beau panorama médiéval.

Le retable de Saint-Melaine est celui de la confrérie des menuisiers, fondée le 6 août 1632 par neuf maîtres menuisiers. Le Bulletin de la Société Archéologique du département d'Ille-et-Vilaine daté de 1971 donne un extrait des archives de Notre-Dame à cette époque : neuf maîtres-menuisiers «demeurans es ville et forsbourgs dudict Vitré, lesquels, pour le zèle et affection qu'ils ont de l'augmentation du sainct service divin, ont fait et accordé une frayrie en l'église Nostre-Dame dudict Vitré, à perpuité, et prenne pour patronne Sainte Anne». Selon le Bulletin, la date de construction du retable doit être proche de celle de la fondation.

Piéta
Piéta du XIXe siècle dans la niche frontale
du retable de Saint-Melaine.
Colonnes torses décorées de pampres, XVIIe siècle
Colonnes torses décorées de pampres, XVIIe siècle
Retable de Saint-Melaine.
«La Vierge et Sainte Élisabeth avec l'Enfant Jésus et Jean–Baptiste» (Vitrail de Claudius Lavergne et ses fils)
«La Vierge et Sainte Élisabeth avec l'Enfant Jésus et Jean-Baptiste» (Vitrail de Claudius Lavergne et ses fils ?)
«La Vierge présentant l'Enfant Jésus à sainte Anne»
«La Vierge présentant l'Enfant Jésus à sainte Anne»
par Jean Picart dans le retable de Saint-Melaine, XVIIe siècle.
«La Vierge intercédant pour les pêcheurs repentis»
«La Vierge intercédant pour les
pécheurs repentis», atelier inconnu.
Sur le premier registre : Adam et Ève et sainte Monique présentant son fils Augustin.
«La Sagittation de Saint Sébastien» par Jean Picart
«La Sagittation de Saint Sébastien» par Jean Picart, 1640.
Retable de Saint-Sébastien,.
Retable de Saint-Sébastien, 1640
Retable de SAINT-SÉBASTIEN, 1640
dans une chapelle latérale nord.

«La Vierge intercédant pour les pécheurs repentis». Ce vitrail du XIXe siècle et d'atelier inconnu, dans la chapelle absidiale sud, est difficile d'interprétation. Autant l'attitude de la Vierge face au Christ est clairement celle de l'intercession, autant l'attitude d'Adam et Ève d'un côté, et celle de Monique et Augustin de l'autre soulèvent des questions. Sainte Monique a l'air de présenter son fils à Adam et Ève qui prient devant elle). D'après les documents consultés, les exégètes n'ont pas d'explication à donner.

Statue de saint Sébastien
Statue de saint Sébastien
dans le retable de Saint-Sébastien, 1640.
Art baroque.
«La Vierge intercédant pour les pécheurs repentis»
«La Vierge intercédant pour les pécheurs repentis»
Détail de vitrail du XIXe siècle : Adam et Ève.
«L'Entrée à Jérusalem», baie 16 «L'Entrée à Jérusalem», baie 16, 1537.
Voir gros plan plus bas.
«L'Entrée à Jérusalem», détail
«L'Entrée à Jérusalem», détail, 1537.

Les vitraux de l'église Notre-Dame. D'après le Corpus Vitrearum sur les vitraux de Bretagne, il y aurait eu au moins une dizaine de vitraux Renaissance relevés en 1848 par l'historien Guilhermy : une Résurrection des morts enrichie d'un Christ du Jugement dernier, un Couronnement de la Vierge et une Dormition, des débris d'une légende de saint Jean-Baptiste. On trouve aussi une messe de saint Grégoire et des figures en pied de sainte Barbe, saint Christophe et sainte Anne. Enfin, un vitrail entier nous est resté dans l'église : une magnifique Entrée à Jérusalem, datée de 1537 (donnée ci-contre en entier et en gros plan plus bas). Il faut lui rajouter un archange de l'Annonciation agenouillé et tenant un phylactère, remontant peut-être à l'année 1473 (ci-dessous). Enfin, un petit Calvaire subsiste dans le tympan d'un vitrail ornemental (non donné ici).
À propos de l'Entrée à Jérusalem, l'état de conservation est jugé «bon» par le Corpus Vitrearum qui indique que les restaurations sont plus nombreuses dans la lancette de gauche.
Après l'inventaire des vitraux Renaissance, le Corpus écrit dans une prose très laconique : «Devenus fragmentaires, la plupart de ces vitraux ont été remplacés lors de campagnes menées pendant la seconde moitié du XIXe siècle.» Voilà qui est bien flou et un certain nombre de questions se pose : quand sont-ils devenus fragmentaires et pourquoi? quel était leur état réel en 1848? que sont-ils devenus après leur dépose? Le Corpus n'apporte aucune réponse. On ne peut s'empêcher de penser à une éventuelle destruction pendant la Révolution. Selon le rapport établi sur l'église en 1876 par l'abbé Paul Paris-Jallobert, membre de la Société d'Archéologie d'Ille-et-Vilaine, nous savons que, en 1794, les volontaires du bataillon de la Montagne en garnison à Vitré se sont amusés, par simple plaisir de détruire, à saccager l'orgue du XVIIe siècle. Pourquoi pas les verrières aussi? Quand le Corpus parle de vitraux «devenus fragmentaires», ne s'agirait-il pas de vitraux saccagés à coups de pierre en 1794?
Quoi qu'il en soit, de nombreux vitraux modernes vinrent orner les bas-côtés, le transept et le chœur-aux-moines entre 1868 et 1900. L'atelier vitréen Chauvel a signé les grandes compositions de l'Arbre de Jessé et du Rosaire dans le transept. Le Carmel du Mans, fidèle à son style, a réalisé une Vie de la Vierge. Enfin on retrouve l'atelier Champigneulle (Résurrection et Présentation de Marie au Temple) et celui de Lavergne (Baptême du Christ et Adoration des bergers, auxquels il faut peut-être rajouter l'intéressant Vierge et Sainte Élisabeth avec l'Enfant Jésus et Jean-Baptiste doté d'un beau panorama médiéval). Les principaux vitraux historiés de l'église sont présentés dans cette page.

«Le Couronnement de sainte Cécile»
«Le Couronnement de sainte Cécile»
par Fournier, 1646.
«L'archange de l'Annonciation», baie 10
«L'archange de l'Annonciation», baie 10.
Troisième quart du XVe siècle.
«L'archange saint Michel»
«L'archange saint Michel», 1884 (atelier Lavergne?)
«L'archange saint Michel», détail
«L'archange saint Michel», gros plan sur le démon.
«L'Entrée à Jérusalem», baie 16
«L'Entrée à Jérusalem», baie 16
Détail : les apôtres.
Le sacrifice d'Abraham
Le sacrifice d'Abraham
dans une clé de voûte.
«L'Entrée à Jérusalem», baie 16, 1537.
«L'Entrée à Jérusalem», baie 16 datée de 1537.
Scène centrale.
Chapelle latérale nord avec le monument au curé Aubrée.
Chapelle latérale nord avec le monument au curé Gilles Aubrée (1805-1881).
«La Résurrection»
«La Résurrection»
Vitrail de Charles Champigneulle Paris, 1896 (Ancienne Maison Coffetier)
Scène centrale.
«Sainte Barbe protégeant l'église Notre–Dame de la foudre»
«Sainte Barbe protégeant l'église Notre-Dame de la foudre»
par Philippe Matozrec, 1769.

L'abbé Gilles Aubrée (3/4) ---»» indispensable dans la gestion financière du collège de Redon, placé sous la direction des Eudistes.
Après un passage d'un an à Pacé, près de Rennes, l'abbé fut nommé à la cure de Notre-Dame de Vitré, au début de l'année 1850, en remplacement du titulaire décédé. Le faubourg populeux du Rachapt, inclus dans le périmètre de la paroisse, donna au nouveau curé l'occasion de montrer son énergie et sa détermination à secourir les âmes. De l'énergie, il en fallut aussi beaucoup pour tirer l'église de son triste état : la flèche du clocher abattue par la foudre en 1704 ; le placître délimité par un petit muret sans forme qui cachait le premier niveau de l'édifice ; absence de voûte sous la tour de la croisée ; un seul et unique vitrail (qui demandait à être restauré) ; plus d'orgue ; chaire à prêcher et autels vieillots, repeints de temps à autre ; voûtes sales et aux douvelles disjointes qui laissaient passer la bise ; enfin une nef coupée en deux par un mur sous l'arcade ouest de la croisée et une cloison de bois sous l'arcade est (en 1626, les paroissiens et les moines bénédictins de l'ancien prieuré avaient religieusement délimité leur espace de prière).
L'abbé Aubrée se mit au travail. Nul doute qu'il s'en alla frapper à la porte ---»»

Chapelle latérale nord avec retable du XIXe siècle
Chapelle latérale nord avec retable du XIXe siècle.
«La Résurrection»
«La Résurrection»
Vitrail de Charles Champigneulle Paris, 1896
(Ancienne Maison Coffetier).

L'abbé Gilles Aubrée (1805-1881). 1/4. C'est un prélat qui compte dans l'histoire de l'église Notre-Dame. Septième garçon d'une famille rennaise d'une modeste aisance, il fut instruit par son frère aîné. Entré au petit séminaire, sa vocation se déclare. Le grand séminaire suivit. En 1828, à 23 ans, il est ordonné prêtre à Rennes.
Il est d'abord vicaire à Saint-Aubin-du-Cormier, puis vicaire de la paroisse Saint-Sauveur de Redon dès 1835 (où il suit le curé de Saint-Aubin qui est nommé à la cure). Gilles Aubrée reste quatorze ---»»

Priant du curé Aubrée sous un dais
Priant du curé Gilles Aubrée sous un dais
dans une chapelle latérale nord, XIXe siècle.
Œuvre du sculpteur Jean-Marie Valentin.

(2/4) ---»» ans à ce poste où il se fait remarquer en revitalisant la «congrégation des hommes» de Redon, groupement catholique mis à mal par la Révolution. L'historien Arthur de la Borderie qualifie l'abbé Aubrée d'«âme ardente» : c'est-à-dire une âme propre à soulever l'enthousiasme et à entraîner les gens dans ses louables desseins. Sa lutte pour le bien se concrétise par la charité et l'aumône. Avec quels moyens? Ceux des riches ! L'historien de la Borderie écrit que l'abbé Aubrée obtenait des riches tout ce qu'il voulait ! (Il est vrai qu'il y a toujours eu au sein de l'Église des prélats qui harcelaient leurs ouailles pour leur faire ouvrir leur porte-monnaie. L'ornementation de l'église nancéenne de Notre-Dame de Lourdes est en partie le résultat d'un harcèlement similaire.) Bref, l'abbé Aubrée donnait sans compter, quitte à se trouver lui-même dans le besoin. Il se signala aussi par son aide   3/4 ---»»

«Sainte Barbe protégeant l'église Notre-Dame de la foudre». Ce tableau de 1769 a l'énorme avantage de faire découvrir deux choses disparues : le clocheton qui surmontait le clocher depuis le XVe siècle et le placître de l'église.
L'historien Arthur de la Borderie, dans sa relation de la vie de l'abbé Aubrée (1805-1881), nous donne quelques détails sur ces parties architecturales. Le clocheton était couronné par une «belle et haute flèche de pierre» qui fut brisé par la foudre en 1704. On la remplaça bientôt par une construction fort peu solide : une flèche à lanterne, fort élancée, en ardoise et en charpente. Quatre-vingts ans plus tard, on préféra l'abattre pour éviter un accident. Vint la remplacer un «affreux petit toit d'ardoise, sorte de parapluie rapiécé, planté à la diable au-dessus de la tour pour empêcher les cloches de mouiller». La flèche actuelle, en pierre de Crazannes, fut construite en 1858, à l'initiative de l'abbé Aubrée et sous la direction de l'architecte Raffray. Elle donne au monument une hauteur de 62,70 mètres.
Le placître est l'espace clos qui entourait jadis une église. Celui de Notre-Dame, surélevé par rapport à la rue, fut démoli au XIXe siècle, toujours à l'initiative de l'abbé Aubrée. De la Borderie écrit à ce sujet que l'abbé «rasa et détruisit sans pitié ce mauvais petit terre-plein qui emprisonnait l'église et engageait vilainement sa base en diminuant sa hauteur. Les assises inférieures, une fois dégagées, furent reprises et rétablies en beau granit, et l'aspect du monument renouvelé, on peut le dire, de la tête aux pieds et rendu à ses proportions et à ses lignes primitives, se trouva changé du tout au tout.».
Source : M. L'abbé Aubrée, curé de Notre-Dame de Vitré par A. de la Borderie, 1880.

«La Vie de la Vierge», atelier du Carmel du Mans, avant 1876.
«La Vie de la Vierge», atelier du Carmel du Mans, avant 1876.
«La Vie de la Vierge»
«La Vie de la Vierge»
Atelier du Carmel du Mans, avant 1876.
Détail : Le Mariage de la Vierge
et l'Annonciation.
Détail des sculptures d'apôtres provenant d'un tombeau du XVe siècle
Bas-reliefs d'apôtres sous des dais gothiques provenant du tombeau de Guy X de Laval (XVe siècle).
Détail du soubassement d'un autel latéral.
Voir les fragments du tombeau au musée du château de Vitré.

L'abbé Gilles Aubrée (4/4).  ---»» des riches familles de Vitré, muni d'un plan de restauration en bonne et due forme. Tous les points négatifs listés ci-dessus reçurent une solution. L'abbé commença par l'intérieur : on construisit une voûte sous la croisée ; les murs qui coupaient la nef furent abattus ; le maître-autel fut replacé ; le chevet du chœur-aux-moines, percé d'une fenêtre pour éclairer l'édifice. Puis, à l'extérieur, sous la maîtrise de l'architecte Raffray : on créa une nouvelle flèche au-dessus de la tour ; ensuite on abattit le muret du placître, les assises inférieures seules étant rétablies en beau granit. L'abbé revint alors vers les travaux intérieurs : les voûtes en lambris furent renouvelées et peintes (notamment celles du chœur-aux-moines) ; on répara toutes les fenêtres avec pose éventuelle de vitraux ; un nouvel orgue fut installé en 1852 ; puis ce fut le tour de la chaire à prêcher et des autels en pierre (au nombre de sept) auxquels on ajouta les vases sacrés, les habits de messe, les ostensoirs, etc. Visiblement les sources de financement ne manquaient pas puisque le curé fit même poser un somptueux dallage de granit autour de l'édifice à l'ancien emplacement du pourpris (i.e. enceinte délimitée par l'ancienne clôture).
L'historien Arthur de la Borderie conclut le résultat heureux de ce travail incessant en rappelant les principes de base suivis par l'abbé : «Dans tous les travaux accomplis à Notre-Dame par M. Aubrée, écrit-il, deux principes l'ont constamment dirigé : 1° ne rien détruire d'ancien ayant quelque valeur, quelque intérêt soit pour l'art, soit pour l'histoire ; 2° suivre exactement, scrupuleusement, dans toute réparation ou restauration, le style primitif du monument». À cette fin, l'abbé Aubrée fut épaulé par l'abbé Paul Brune, un spécialiste réputé dans tout le diocèse de Rennes à cette époque. L'abbé Aubrée est mort en novembre 1881, à l'âge de 76 ans. L'église actuelle de Notre-Dame de Vitré est le résultat de sa détermination.
Source : M. L'abbé Aubrée, curé de Notre-Dame de Vitré par Arthur de la Borderie, années 1880.

LA CHAPELLE ABSIDIALE NORD ET SES PEINTURES REDÉCOUVERTES EN 2007
Chapelle absidiale nord, XIXe siècle
Jésus parmi les Docteurs, 1619

«««--- À GAUCHE
Chapelle absidiale nord, XIXe siècle.
En 2007, des peintures du début du XVIIe siècle
y ont été mises à jour sur les parois latérales.

La chapelle absidiale nord était autrefois celle de la confrérie des Anges gardiens, fondée en 1639.
C'est à la faveur d'une restauration de cette chapelle en 2007 que l'on a mis à jour les restes de peintures illustrant les mystères du Rosaire. Celles qui sont sur le mur de droite sont en meilleur état que celles du mur de gauche.
Ces peintures auraient été créées en l'année 1619 (sans doute une date repérée par les restaurateurs lors des travaux).

La Crucifixion, 1619.
Les Mystères du Rosaire : la Crucifixion, 1619.

La Descente de croix, 1619. ---»»

««--- Jésus parmi les Docteurs, 1619, détail.
La Résurrection du Christ, 1619
Les Mystères du Rosaire : la Résurrection du Christ, 1619.
La Descente de croix
Vue d'ensemble des peintures sur le mur oriental La Vierge de l'Annonciation
Les Mystères du Rosaire : la Vierge de l'Annonciation, 1619, détail.

««--- Vue d'ensemble des peintures sur le mur oriental de la chapelle absidiale nord.

La chapelle absidiale sud, est, avec le chœur-aux-moines, la chapelle la plus restaurée au XIXe siècle. Elle suit les canons artistiques de cette époque. Murs et retombées d'ogive sont peints. La voûte est étoilée sur un fond bleu noir. Les clés de voûte et les consoles ont-elles été recréées pour l'occasion? Les clés de voûte probablement pas, mais les consoles, d'un style assez neuf, sèment le doute. Un bas-relief en plâtre illustrant la Crucifixion est disposé sur l'autel.

«Les Mystères du Rosaire»
«Les Mystères du Rosaire»
Vitrail de l'atelier Joseph Chauvel, 1876.
La chapelle absidiale sud aménagée au XIXe siècle
La chapelle absidiale sud a été aménagée au XIXe siècle.
La voûte peinte étoilée de la chapelle absidiale sud
La voûte peinte, étoilée de la chapelle absidiale sud.
Clé de voûte XIXe siècle
Clé de voûte, XIXe siècle (?)
Un ange tenant un phylactère
Un ange tenant un phylactère
dans une console de la chapelle absidiale sud.
Un prophète tenant un phylactère
Un prophète tenant un phylactère
dans une console de la chapelle absidiale sud.
«Les Mystères du Rosaire». Détail : Annonciation, Visitation, Nativité et Circoncision
«Les Mystères du Rosaire». Détail : Annonciation, Visitation, Nativité et Circoncision.
Vitrail de l'atelier vitréen Joseph Chauvel, 1876.
LE MAÎTRE-AUTEL DANS LA PREMIÈRE TRAVÉE ORIENTALE
L'autel de messe est installé dans la première travée orientale de la nef
Le maître-autel est installé dans la première travée orientale de la nef.
L'autel de messe dans la première travée
Le maître-autel dans la première travée.
Les piliers de la croisée portent des consoles à personnages (voir ci-contre).
L'ARBRE DE JESSÉ
«L'Arbre de Jessé»
«L'Arbre de Jessé»
Vitrail de l'atelier Chauvel à Vitré, 1868.
Vue d'ensemble de la première travée
Vue d'ensemble de la première travée et du maître-autel. Au second plan, la petite sacristie
et la tribune autrefois réservée aux barons de Vitré.
Console dans la croisée : un moine
Console dans la croisée : un moine
Console dans la croisée
Console dans la croisée :
un homme assis en tailleur
Console dans la croisée
Console dans la croisée :
un homme de loi (?) tenant un bâton.
Le croisillon sud du transept avec le vitrail de l'Arbre de Jessé
Le croisillon sud du transept avec le vitrail de l'Arbre de Jessé.
À gauche : l'entrée dans la chapelle absidiale sud.
Arbre de Jessé : le roi Roboam, 1868
Arbre de Jessé : le roi Roboam, 1868.
Arbre de Jessé : le roi Joathan, 1868
Arbre de Jessé : le roi Joathan, 1868.

Le grand Arbre de Jessé de l'atelier Chauvel, exposé à la fenêtre du croisillon sud du transept, n'est certainement pas le plus beau qu'il soit donné de voir en France. Les gros plans des différents rois de Juda proposés ici montrent un graphisme un peu grossier. Comme toujours, David est accompagné de sa lyre, tandis que Salomon tient le parchemin où est dessiné le plan du temple qu'il aurait - selon les textes - fait reconstruire. Sur le premier registre, Jessé est présenté allongé en train de dormir.
Le tympan est construit d'une manière classique : la Trinité au centre ; les prophètes autour. Parmi eux on trouve Moïse et son frère Aaron, Isaïe et Jérémie, Daniel et Ezéchiel.
On pourra préférer l'Arbre de Jessé de l'église Saint-Madeleine à Troyes ou celui d'Engrand le Prince à l'église Saint-Étienne de Beauvais.

Arbre de Jessé : le roi Ézéchias
Arbre de Jessé : le roi Ézéchias.
Arbre de Jessé : le roi Salomon
Arbre de Jessé : le roi Salomon.
Il tient le parchemin où est dessiné le plan du Temple.
Arbre de Jessé : Jessé endormi
Arbre de Jessé : Jessé endormi.
LA PLUS CÉLÈBRE SCULPTURE DE L'ÉGLISE NOTRE-DAME : L'ARRACHEUR DE DENTS, XVIe siècle ---»»»
Arbre de Jessé, partie basse
Arbre de Jessé, partie basse (vitrail du XIXe siècle).
La plus célèbre sculpture de l'église Notre–Dame : l'arracheur de dents
Tête de lion sur une console Tête de lion
sur une
console de la
chapelle
latérale nord
Saint-Michel.
LE CHŒUR-AUX-MOINES (ou CHAPELLE DU SAINT-SACREMENT)
Le Chœur-aux-moines
Le Chœur-aux-moines est une ancienne nef romane du XIIe siècle restaurée au XIXe.
Le retable du XIXe siècle du chœur-aux-moines
Le retable du XIXe siècle du chœur-aux-moines.
«L'Assomption»
«L'Assomption»
Atelier du maître-verrier nantais René Échappé.
«L'Assomption», détail
La Vierge dans L'Assomption de René Échappé.

«L'Assomption». Ce vitrail, placé dans l'axe de l'église a subi bien des critiques. La qualité n'est pas au rendez-vous dans cette œuvre du maître verrier rennais René Échappé. Les visages des anges qui entourent la Vierge sont laids ; le visage de la Vierge elle-même s'en sort tout juste. Autour du tombeau vide, on retrouve l'attitude interloquée des apôtres, mais là encore le graphisme laisse à désirer. ---»»

«L'Assomption», détail
Un ange dans L'Assomption de René Échappé.

L'Assomption (suite) ---»» La cathédrale Saint-Étienne de Bourges propose un vitrail de 1619, de bien meilleure qualité, sur le même thème. S'inspirant d'une œuvre du peintre maniériste italien du XVIe siècle, Taddeo Zuccaro, le maître verrier Louis Pinaigrier a placé la Vierge au sommet du tympan. Voir aussi le vitrail de Claudius Lavergne, réalisé en 1880, à l'église Notre-Dame de Combourg. Dans ces deux vitraux, les apôtres découvrent un tombeau garni de fleurs. Moins riche, le vitrail de René Échappé montre un tombeau vide.

«L'Assomption», détail : les apôtres interloqués  autour du tombeau vide
«L'Assomption», détail : les apôtres, interloqués, découvrent le tombeau vide.
La voûte peinte du chœur–aux–moines (XIXe siècle)
La voûte peinte du chœur-aux-moines (XIXe siècle).

Le chœur-aux-moines.
C'est une ancienne nef romane remontant au XIIe siècle. Les travaux de construction de l'église aux XVe et XVIe siècles ne l'ont pas concerné. On observe qu'il dévie un peu sur la droite par rapport à la nef. Extérieurement, ce chœur est caché par les bâtiments et les jardins qui l'entourent.
En 1626, les religieux, qui en avaient peut-être assez d'être dérangés par les fidèles, firent ériger une cloison de bois pour fermer l'arcade orientale de la croisée. À leur tour, les paroissiens délimitèrent leur fief en élevant un mur de pierre au niveau de l'arcade occidentale. Contre ce mur, le curé fit dresser un autel dédié à saint Pierre.
À partir de 1850, l'abbé Aubrée mit fin à cette séparation : mur et cloison furent abattus ; l'autel fut supprimé. Un nouvel autel sans retable prit place sous l'arcade. Il fallait de la lumière : on perça la paroi du chevet qui reçut plus tard le vitrail de l'Assomption. Deux autres fenêtres, de bonne taille, furent percées dans les murs latéraux.
Le chœur-aux-moines a été embelli au XIXe siècle. On note la présence d'un très riche retable au chevet et d'une voûte en berceau dont les lambris ont été peints dans le goût néo-gothique.

«La Descente de croix»
«La Descente de croix»
Tableau d'après le Rubens de la cathédrale d'Anvers
par Bonnecamp Mathurin, deuxième quart du XVIIe siècle.
La voûte peinte du chœur–aux–moines (XIXe siècle, gros plan
La voûte peinte du chœur-aux-moines, détail.
L'ORGUE DE TRIBUNE
L'orgue de tribune
L'orgue de tribune est un Ducroquet de 1850,
entièrement restauré de 1987 à 1994.
Bénitier avec mufle de lion
Bénitier avec mufle de lion.
Deuxième moitié du XVIe siècle.
«Le Sacré–Cœur entre François de Sales et Augustin», vitrail de 1885
«Le Sacré-Cœur entre François de Sales et Augustin»
Vitrail de 1885.
Détail : saint François de Sales.
Le fond bleu damassé est imité de l'art du vitrail du XVe siècle.

L'orgue de tribune. En matière d'orgue, la ville de Vitré est assez riche. Les documents anciens montrent qu'un orgue était déjà présent dans la cité au début du XVIIe siècle. En effet, un dénommé Paul Maillard construisit un grand orgue pour l'église Notre-Dame de 1636 à 1639 après un don de René Nouail de Briettes. L'instrument comprenait un buffet double avec deux claviers et un pédalier. Il subit de multiples restaurations et modifications aux XVIIe et XVIIIe siècles si bien que, en 1780, l'orgue possédait trois claviers et un nombre de jeux augmenté.
À la Révolution, en 1794, il est démoli pièce à pièce, pour le plaisir de détruire, par les volontaires du bataillon de la Montagne en garnison à Vitré. L'église Notre-Dame resta sans orgue pendant plus de cinquante ans.
En 1847, l'abbé Guillois, curé de l'église, se tourne vers le facteur Ducroquet afin d'obtenir un devis pour un nouvel orgue. Après son décès, au début de 1850, l'abbé Aubrée est nommé à la cure. Il a de la chance : dès 1851, la fabrique bénéficiera d'un important don. Elle pourra ainsi financer l'achat d'un instrument plus riche (deux claviers et un pédalier) que celui du devis initial - et sûrement de grande qualité puisque l'entreprise Ducroquet remporta une médaille d'or à Londres lors de l'Exposition universelle de 1851. Félix Danjou, grand organiste du XIXe siècle eut l'honneur de l'inaugurer.L'instrument subit de nombreuses modifications jusqu'en 1961. Cette année-là, son titulaire décéda et personne ne le remplaça. L'orgue se dégrada et faillit être vendu en 1968. Finalement, il fut classé monument historique en 1986 et totalement restauré par le facteur Yves Sévère de 1987 à 1994. Sources : 1) Vitré de A à Z par Ludovic Billon, éditions Alan Sutton, 2007 ; 2) Rapport sur les excursions archéologiques dans la ville de Vitré par l'abbé Paul Paris-Jallobert, 1876.

Sainte Cécile au pinacle de l'orgue de tribune
Sainte Cécile au sommet de l'orgue de tribune.
Bénitier mural de la première Renaissance, 1563
Bénitier mural de la première Renaissance (1563)
dans le bras sud du transept.
Armes de Guy XV de Laval
Armes de Guy XV de Laval
dans une clé de voûte du transept.
«Le Sacré–Cœur entre François de Sales et Augustin», détail
«Le Sacré-Cœur entre François de Sales et Augustin».
Vitrail de l'atelier Claudius Lavergne, 1885.
«Le Sacré-Cœur entre François de Sales  et Augustin», vitrail de 1885
«Le Sacré-Cœur entre François de Sales et Augustin», vitrail de 1885.
Détail : le Père céleste dans le tympan (atelier Claudius Lavergne).

Le vitrail du Sacré-Cœur entre saint François de Sales et saint Augustin (de 1885), se remarque pour son tympan où le Père Céleste bénit son fils (ci-dessus). L'ateler Claudius Lavergne a affublé le Créateur d'une attitude nonchalante qui mérite d'être soulignée. Avec son bras gauche appuyé sur une sphère symbolisant le Monde, il semble jeter un regard distant, concrétisé par le geste désinvolte de la main qui bénit.

La nef et l'orgue de tribune vus depuis l'autel de messe (première  travée orientale de la nef)
La nef et l'orgue de tribune vus depuis le maître-autel (première travée orientale de la nef).

Documentation : «Rapport sur les excursions archéologiques dans la ville de Vitré» par l'abbé Paul Paris-Jallobert, 1876
+ «Notes d'un voyage dans l'Ouest de la France», Prosper Mérimée, 1836
+ «Vitré de A à Z» par Ludovic Billon, éditions Alan Sutton, 2007
+ «Laissez-vous conter l'église Notre-Dame et le prieuré des Bénédictins», feuillet de l'Office de Tourisme de Vitré
+ «M. L'abbé Aurée, curé de Notre-Dame de Vitré» par Arthur de la Borderie, années 1880
+ «Corpus Vitrearum, les vitraux de Bretagne» de Françoise Gatouillat et Michel Hérold, Presses Universitaires de Rennes, 2005
+ «Retables vitréens» par Jean-Claude Menou, in Bulletin et mémoires de la société archéologique du département d'Ille-et-Vilaine, 1971
+ «Vitré et son pays» de Daniel Pichot et Hervé Ronné, éditions Ouest-France, 2005
+ Dictionnaire des églises de France, éditions Robert Laffont, 1967
+ Panneau de présentation de l'église dans la nef.
PATRIMOINE CARTE PATRIMOINE LISTE Retourner en HAUT DE PAGE