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Astrolabe
Atocha, galion espagnol
Berlin, frégate allemande,
XVIIe siècle
Bretagne, 1766
Caraque Atlantique
Chaloupe armée en
guerre, XIXe siècle
Cocca Veneta
Cogge médiéval
Confiance, Surcouf
Drakkar viking
Endeavour, 1761
Flore, frégate française,
XVIIIe siècle
Golden Hind, Francis
Drake
Louis XV, XVIIIe siècle
Mirage
Ouragan
Polacca Veneziana
Prins Willem, 1649
Protecteur, 1760
Requin, chébec du
XVIIe siècle
Santa Maria, 1492
Soleil Royal, 1669
Souverain des mers, 1638
Valmy, 1847
Yacht Mary, 1660
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NAVALE
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La Bretagne s'inscrit au carrefour
de la construction des vaisseaux trois-ponts dans la marine
française et des conséquences du désastre que fut la guerre
de Sept Ans pour le Royaume, désastre concrétisé par le Traité
de Paris de 1763.
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Au début du XVIIIe siècle, les
vaisseaux de ligne les plus puissants construits par la France
se décomposent en trois catégories : les 74 canons, les 80
canons et enfin les vaisseaux trois-ponts avec plus de 100
canons. Abondamment construits par les chantiers français
au XVIIe siècle, les trois-ponts incarnaient toute la majesté
et la gloire du souverain.
Après la mort de Louis XIV (1715) et le peu d'attrait du Régent
pour la marine, leur construction fut très nettement freinée.
Après 1715, la première mise en chantier d'un vaisseau de
cette importance n'eut lieu qu'en 1723 avec le Foudroyant.
Il faut attendre 1740 pour la deuxième : ce sera le Royal
Louis, troisième du nom. Malheureusement un incendie détruira
tout le chantier et le projet avec. Pendant vingt ans, aucun
trois-ponts ne sera construit en France. Enfin, en 1756, le
ministre Machault fait mettre en chantier un vaisseau de cette
classe, mais d'une conception particulière : le Ville de Paris,
mis à l'eau en 1764. En 1759 commença la construction d'un
nouveau Royal Louis - le quatrième dans les annales de la
Marine - vaisseau équivalent à celui détruit par un incendie
dix-sept ans auparavant. Enfin, en 1762, les Etats de Bretagne
font don au Roi d'un grand trois-ponts portant le nom de la
province.
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La figure de proue de la Bretagne |
De la sorte, de l'avènement
de Louis XV (1723) jusqu'à 1786 (date rupture avec l'adoption
des plans de type de Sané dans la Marine), la France
n'a mis en chantier que neuf trois-ponts. Au déclenchement
de la guerre d'Indépendance, en 1778, elle ne compte
que deux vaisseaux de cette envergure : le Ville de
Paris et la Bretagne. Ce désintérêt pour cette classe
de navires s'explique par les arguments de poids de
ses nombreux détracteurs, au nombre desquels on trouvait
des architectes navals de renom.
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Jacques-Luc Coulomb, auteur
des plans des troisième et quatrième Royal Louis écrivit
en 1761 un mémoire caustique contre ce type de navire,
peut-être pour se dégager de ses responsabilités dans
la conception de ces bâtiments. Il est vrai que réussir
un navire de cette taille était un tour de force pratiquement
irréalisable.
Dans un rapport de 1828, avec le bénéfice du recul,
l'ingénieur Jacques-Noël Sané décrit leurs défauts :
"Ces vaisseaux ne réunissaient pas toutes les qualités
nécessaires à la navigation ; ils étaient d'une marche
inférieure, ils tenaient mal au vent,
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Vue d'ensemble
de ce magnifique trois-ponts qu'est la Bretagne |
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La somptueuse poupe de la
Bretagne |
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Le Roi avait souhaité que la province
offre un vaisseau de 80 canons et une frégate. Finalement un trois-ponts
fut accepté, mais à condition qu'il ne soit pas plus fort que le
Royal Louis (le plus gros navire de toute la Royale à l'époque),
et qu'il n'ait pas de gaillard d'avant.
La Bretagne a été mis en chantier à Brest en 1765 sur les plans
de l'ingénieur-constructeur A. Groignard. Initialement, le vaisseau
devait être construit à Lorient. En fait, seule une partie de la
membrure y fut exécutée, puis transportée à Brest. Le navire fut
mis à l'eau en 1766.
La Bretagne est un vaisseau à trois ponts de 100 canons, percé à
15 ouvertures à la batterie basse, armée de 30 canons de 36 livres.
La deuxième batterie comporte 32 canons de 24 livres, la troisième
32 canons de 12 livres. Enfin les gaillards portent 6 canons de
6 livres. A la poupe, la forme des bouteilles est dite à l'anglaise.
Mais, bientôt, la forme de cintre en fer à cheval va s'imposer dans
la marine française. De l'étrave à l'étambot, la longueur é tait
de 59,88 m. L'équipage en temps de guerre se composait de 1150 hommes.
Le vaisseau subit une refonte aux deux tiers en 1777. A cette occasion,
l'artillerie fut portée à 110 canons avec la construction d'un gaillard
d'avant et l'augmentation du nombre de sabords du gaillard d'arrière.
La dunette reçut quatre canons de quatre livres.
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Lors de la guerre d'Indépendance (1778-1783)
quand la France décida d'intervenir contre l'Angleterre au profit
des Insurgents d'Amérique, la Bretagne participa au combat d'Ouessant
du 27 juillet 1778 en tant que navire amiral du comte d'Orvilliers,
commandant l'escadre française sortie de Brest pour affronter la
flotte anglaise de l'amiral Keppel. Cette bataille est souvent présentée
comme une victoire française. Elle fut en réalité totalement indécise.
Les deux flottes se canonnèrent pendant quatre heures après avoir
manœuvré savamment pendant trois jours, l'une en vue de l'autre.
En fait, les Anglais furent contraints de lever le blocus de Brest
pour aller réparer leur flotte dans les ports de la Manche.
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La Bretagne du musée
de la Marine de Brest, vue de la poupe
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Un canon dans son sabord
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Ce combat eut un énorme retentissement
en France : c'était la première fois depuis les défaites répétées
de la guerre de Sept Ans qu'une flotte française parvenait à faire
jeu égal avec les Anglais dans un combat d'escadre. Paris fêta ses
"héros" : le duc de Chartres (futur Philippe-Egalité), qui commandait
l'avant-garde en tant que lieutenant général des armées navales,
fut - selon les témoins - tellement acclamé à l'Opéra que la représentation
du jour (Orphée) en devint parfois inaudible! Pourtant le duc de
Chartres fut destitué car il n'avait pas compris les ordres de l'amiral
d'Orvilliers pendant la bataille…
En juin 1779, la Bretagne participa à la tentative de débarquement
en Angleterre, l'objectif étant l'île de Wight. Le comte d'Orvilliers
fit voile pour la Corogne où les flottes française et espagnole
devaient se regrouper avant l'offensive. Mais la flotte de l'amiral
Cordoba, homme de 80 ans peu combatif, eut un mois de retard. L'approvisionnement
vint à manquer; la maladie fit son apparition. Vers la Manche, la
flotte combinée de 66 vaisseaux ne put s'opposer au passage des
navires de l'amiral anglais Hardy qui put gagner Plymouth sans être
inquiété. Le malheur s'était abattu sur les équipages : scorbut,
dysenterie, manque sévère d'eau. Deux mois de mer étaient venus
à bout de l'escadre. On fit voile vers Brest pour y débarquer sept
mille malades. D'Orvilliers fut privé de son commandement.
En 1796, la Bretagne devint le Révolutionnaire. La même année, il
fut radié des listes de la Marine.
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La
bataille d'Ouessant, tableau de Théodore Gudin (photo de l'auteur)
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Les lourdes défaites de Lagos
(août 1759) et des Cardinaux (novembre 1759) pendant
la guerre de Sept Ans, détruisirent les deux principales
escadres françaises du Ponant. Ces échecs furent vivement
ressentis dans la population. Le traité de Paris qui
mit fin au conflit en 1763 fut le point d'orgue de l'humiliation
française: perte du Canada, perte de tous les territoires
en Inde sauf cinq comptoirs; sur la côte d'Afrique,
la France ne gardait que Gorée et Albréda, un droit
de pêche était concédé dans le Saint-Laurent, joint
à la possession des îlots de Saint-Pierre et Miquelon.
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L'émotion
populaire causée par le désastre des Cardinaux et par
la déconvenue totale des flottes royales montrait que
les Français s'intéressaient enfin à la mer et à la
vie de leurs marins. Choiseul, secrétaire d'Etat à la
marine, en profita pour ouvrir une souscription publique.
Il demanda 13 millions de livres pour la construction
de nouveaux vaisseaux. Celle-ci fut couverte avec enthousiasme
en quelques semaines. Les Etats (Bourgogne, Artois,
Flandres, Bretagne, Languedoc), les villes, les provinces
offrirent au Roi un vaisseau qui les représenterait
dans la flotte.
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Le pont de la Bretagne avant son gréement
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Participèrent aussi les municipalités
(d'où le Ville de Paris), les Chambres de commerce (de
Marseille), les corporations de marchands (de Paris),
les fermiers généraux, les receveurs des finances, les
régisseurs des Postes, les chevaliers de l'ordre du
Saint-Esprit et même le clergé qui ira jusqu'à donner
un million. La souscription permit de construire neuf
vaisseaux.
Praslin succéda à Choiseul au secrétariat d'Etat à la
Marine en 1766. Le décor avant bien changé: en 1763,
à la fin de la guerre de Sept Ans, la France possédait
40 vaisseaux; en 1771, on comptait 64 vaisseaux et 50
frégates.
Les navires jouissaient de très bonnes qualités nautiques.
En effet, la fin du XVIIIe siècle est marquée par le
développement des sciences navales et l'importance croissante
des mathématiques dans la construction des vaisseaux
(avec Bernouilli, Euler et Borda), plus particulièrement
la conception des coques. Le dessin s'enrichit de la
géométrie descriptive de Monge. Les grands traités d'architecture
navale se répandent (Chapman en 1768 et Juan en 1774).
Quant à la capacité de combat de la flotte royale, elle
fit ses preuves dans la guerre d'Amérique.
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La Bretagne
(musée de la Marine de Brest)
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Si la guerre d'Amérique
fut victorieuse sur terre, elle est marquée, sur mer,
par la lourde défaite des Saintes le 12 avril 1782.
La flotte de l'amiral de Grasse fut nettement battue par celle
de Rodney : sept vaisseaux capturés dont le vaisseau
amiral Le Ville de Paris, sans compter que de Grasse lui-même
est aux mains des Anglais! En France, on craint de revivre
le scénario de la guerre de Sept Ans : victorieuse
au début, la nation se délite ensuite et se
fait humilier dans le traité de paix qui met fin aux
hostilités (comme le traité de Paris de 1763).
La défaite des Saintes, connue en mai, déclenche
un élan de patriotisme national. Mais la situation
n'est plus celle de Choiseul. En 1766, l'élan venait
du gouvernement ; en 1782, il va venir du peuple et plus particulièrement
de Caron de Beaumarchais. Celui-ci, sans prévenir le
pouvoir, fait circuler à Paris la nouvelle d'une souscription
pour relever la Marine... suscitant un enthousiasme populaire
inouï. Nous sommes le 27 mai. Le même jour, il
informe les chambres de commerce de Marseille, Bordeaux, Nantes
et La Rochelle qu'il serait bon qu'elles imitent la capitale.
Vergennes, secrétaire d'État aux Affaires Étrangères,
n'est informé de cette initiative privée que
deux jours plus tard. Jusqu'au 31mai, la dynamique des souscriptions
échappe complètement au gouvernement... ce qui
est inédit.
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Coque
du Sans-Pareil (France) dans un atelier professionnel |
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Le 31 mai, le supplément
de la Gazette de France annonce que les deux frères
du Roi ont ordonné la construction d'un vaisseau de
premier rang pour l'offrir à Sa Majesté. On
apprend aussi que les élus de Bourgogne, de leur côté,
supplient le Roi d'accepter, au nom de la Province, un vaisseau
de 110 canons. En fait le Pouvoir essaie de ramener la corde
à lui : le nom de Beaumarchais n'est pas cité
dans la Gazette, le zèle patriotique des Parisiens
est caché. Derrière ce stratagème réside
le souci constant de la stabilité du régime.
Tout doit aller du haut vers le bas, les initiatives individuelles
étant impensables. Comme en 1766. Si ce n'est pas le
cas, il est indispensable de le faire croire. Donc, officiellement,
l'élan patriotique est né à la Cour,
dans l'entourage du monarque, puis il s'est répandu
dans les provinces en suivant les rouages traditionnels de
l'autorité et des pouvoirs locaux...
Le 3 juin, le secrétaire d'État à la
Maison du Roi officialise cette version des faits par une
lettre - rendue publique - au prévôt des marchands
et au lieutenant de police. On y lit que le Roi est «infiniment
sensible à l'empressement des citoyens de tous les
ordres qui veulent souscrire». Sous-entendu : la souscription
est initiée par le pouvoir(!) La fin de la lettre remet
les points sur les i : ce qui vient des Corps de l'État
est accepté par le Roi qui, en revanche, «ne
croit pas devoir profiter des offres des Particuliers».
Répétons-le : pour les puissants, le corporatisme
de l'Ancien Régime doit être respecté.
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Coque
du Santissima Trinidad (Espagne) en construction dans un atelier
professionnel |
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En fait, derrière cette
manuvre se cache la rivalité entre Vergennes
et Necker. Le banquier genevois, renvoyé quelques temps
plus tôt, est favorable à l'idée d'un
libre choix du public... un peu comme en Angleterre. Ce qui
est inacceptable pour Vergennes : on ne peut pas prôner
l'exemple anglais en matière de gestion des affaires
publiques et, en même temps, susciter l'aversion des
Français pour le voisin d'Outre-Manche. Vergennes est
aux affaires, c'est lui qui aura gain de
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cause. Les souscriptions spontanées
vont se transformer en impôts supplémentaires.
Source : «Du patriotisme aux
nationalismes (1700-1848)», éditions
Créaphis. Article : «Les
enjeux politiques du patriotisme français pendant la
guerre d'Amérique : les dons de vaisseaux de 1782»
par Edmond Dziembowski.
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