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A gauche : Maquette en teck ciré d'un cogge du XIIe siècle de la Méditerranée. La présence d'un château arrière rond et d'un tout petit château avant rend le vaisseau apte au combat naval. On notera aussi les trois voiles latines et le timon constitué de deux palets pour diriger le navire.

Au milieu et à droite : Cogge en bois peint avec un petit château arrière carré. La direction du navire se fait toujours à l'aide d'un timon constitué de deux palets.

A l'époque de l'Empire romain, puis des dynasties mérovingiennes et carolingiennes, le commerce naval - plus précisément le transport des marchandises - se faisait à l'aide de galères marchandes. Propulsés à la rame et par le vent grâce à une voile carrée, ces navires pouvaient transporter, au temps de l'Empire, jusqu'à cinq cents tonnes de céréales, à une vitesse réduite. Ce commerce connut une chute rapide lors de la longue phase de décadence qui suivit les invasions barbares et la césure de l'Empire romain entre l'Est et l'Ouest. Dans les mers nordiques, le commerce maritime restait à l'état embryonnaire, quasiment séparé du commerce méditerranéen. Les conditions de navigation étaient d'ailleurs plus périlleuses dans le Nord que dans l'ancienne Mare Nostrum des Romains.
Le cogge (ou kogge) est l'élément moteur du démarrage de la croissance économique de l'Europe vers les XIe et XIIe siècles. Grâce à ce bâtiment nouveau, le tonnage va pouvoir augmenter, la navigation se faire plus sûre, la richesse s'accroître.

La célèbre trière de guerre romaine. On ne sait pas comment les rameurs étaient disposés. Inventeur de l'archéologie expérimentale, l'empereur Napoléon III en fit construire une, en taille réelle. Elle fut mise à l'eau sur la Seine en 1865. Mais les rames se croisaient et s'entrechoquaient. La trière ne réussit pas à avancer.

Navire marchand romain. On remarquera la voile carrée gréée sur le grand-mât et la petite voile carrée sur le mât incliné vers l'avant, sorte de mât de misaine couché. Un timon tient le rôle de gouvernail.

Les invasions vikings sur l'Europe (IXe - XIe siècles) s'accompagnèrent d'un commerce très actif dans les mers nordiques avec une extension notable dans l'Atlantique et la Méditerranée. A cette occasion, le navire marchand viking, le knarr, se fit connaître dans les différentes régions où s'installaient les vikings.
C'est ainsi qu'au XIIe siècle apparut sur les rives de l'Atlantique un nouveau navire dérivé du knarr et du bateau normand : la nef. Plus grande et plus large, plus lente, mais plus stable, la nef fut surtout utilisée pour le transport du vin, bien que, à cette époque, il n'y eut pas encore de différence entre les bâtiments marchands et les vaisseaux de guerre. Ainsi, à la première croisade (fin du XIe siècle), les croisés du Nord rejoignirent ceux du Sud sur des vaisseaux de transport marchand. Le beaupré de la nef était emprunté à l'Europe du Sud, tandis qu'une innovation majeure venait du Nord : la réduction de la surface de la voile carrée par des ris. Enfin, les avirons propulsifs étaient plus ou moins abandonnés. Un peu plus tard, la nef se vit renforcée d'un petit château avant et arrière, mis à profit pour l'abordage des bâtiments adverses.
La nef occidentale, tout comme le knarr, ne semble pas avoir eu une capacité de charge supérieure à la trentaine de tonnes.

Le knarr, navire marchand viking

La nef atlantique, un knarr avec "châteaux" avant et arrière

Vers la fin du XIIe siècle arriva le cogge. Les chroniqueurs en signalent quatre au départ de Cologne en 1188, transportant des croisés vers la Terre Sainte. Ce navire disposait d'une capacité de charge huit à dix fois supérieure à celle des navires construits jusque-là : la révolution technique était considérable. Trente mètres de long, sept de large, tirant d'eau de 3 mètres. Avec un navire de ce type exploité par des marchands qui ne cherchaient qu'à s'enrichir par le commerce et l'échange, l'économie des régions nordiques allait pouvoir décoller rapidement. Malgré sa voile unique, le nouveau navire était relativement maniable, capable d'avancer contre le vent et rapide (quatre à cinq milles à l'heure par bon vent). La coque était bordée à clins (planches assemblées à la façon des tuiles d'un toit), la quille et les étraves restant rectilignes, ce qui nécessitait un mode de construction totalement nouveau. Le cogge disposait en outre d'une superstructure de pont - ce que la nef n'avait pas. Le premier cogge découvert par les archéologues le fut en 1962 sur les rives du Weser, près de Brême. Il remontait aux environs de l'an 1380.
D'où venait le cogge? La question n'a jamais reçu de réponse certaine. Selon les historiens, il fut vraisemblablement élaboré dans les Frisons, aux Pays-Bas. En effet, des redevances dues par des cogges sont signalées dans la keure de Nieuport en 1163. On en trouve même d'autres traces, plus anciennes encore, dans l'évêché d'Utrecht, dès le Xe siècle.
Les constructeurs des Frisons n'en restèrent pas là, puisque c'est à eux aussi que les historiens attribuent l'origine du gouvernail d'étambot (ou gouvernail à safran), qui vint remplacer le timon (constitué d'une ou de deux barres latérales) pour diriger le navire. Ce nouveau gouvernail facilitait la marche du vaisseau.

Le cogge des XIIIe et XIVe siècles révolutionna les transports dans les mers nordiques. La présence du gouvernail d'étambot sur le cogge ci-dessus montre qu'il s'agit de la reproduction d'un vaisseau du XIIIe siècle, voire du XIVe siècle.

Un cogge vu de la poupe

En Angleterre aussi, les constructeurs innovèrent. Après la bataille de Hastings (1066), ils imaginèrent un nouveau type de navire inspiré de la nef et du bateau normand. Ce fut le roundship utilisé aux XIIIe et XIVe siècles pour le cabotage le long des côtes britanniques et la navigation sur les grands fleuves. ll était large, de forme arrondie, bordé à clins, avec un étambot, une étrave surélevée et, enfin, un gouvernail à safran. La proue et la poupe possédaient des plates-formes de combat : le navire conçu pour le transport était adapté aux nécessités de la guerre. Le roundship fut aussi appelé cogge anglais. Ses qualités nautiques restèrent médiocres. Il ne put jamais concurrencer le cogge hanséatique.

A gauche : vue en gros plan du château arrière d'un cogge.

A droite : roundship anglais. Très voisin du cogge, de faible tirant d'eau, il servait au cabotage le long des côtes britanniques et à la navigation sur les fleuves. Il ne portait guère de canons, mais, grâce à son château arrière, il pouvait se défendre contre l'assaillant.

Les innovations technologiques dans les navires furent une des causes du déclin viking en Europe du Nord. D'une part, avec l'accroissement du tirant d'eau, bien des petits ports vikings se virent incapables de recevoir les nouveaux vaisseaux ; d'autre part, la construction de ces vaisseaux exigeait des capitaux importants et une logistique financière totalement inconnue des Scandinaves. Seuls les marchands allemands purent relever le défi. Ce fut la Hanse ou Ligue hanséatique dont l'histoire commence au XIIe siècle. Dès le début, les Hanséates donnèrent une forte impulsion à la construction des cogges, navires dont les qualités leur garantissaient une nette supériorité sur leurs concurrents, surtout dans la Baltique. Aux XIIIe et XIVe siècles, le cogge demeura le navire hanséatique par excellence.

Georg Giese, marchand de la Hanse au comptoir de Londres par Holbein (1532)
La hourque de la ligue hanséatique en sapelli acajou

La Hanse occupe une place prépondérante dans le développement des échanges et la croissance économique de l'Europe au cours du Moyen Age. Même si son âge d'or se situe vers la moitié du XIVe siècle, les innovations techniques et les progrès en tonnage n'en ont pas moins continué pendant la période de déclin.
On estime que la Hanse, au XVe siècle, disposait d'un millier de navires au long cours (donc bâtiments côtiers exclus) pour une capacité de transport de 60 000 tonnes. Ce qui la placerait en tête des puissances navales de l'époque, devant la France et l'Espagne.

Au XIVe siècle, un autre type de navire se répandit au sein de la Hanse : la hourque, inspirée des caraques atlantiques. De dimension modeste à l'origine, mais plus ventrue que le cogge, la hourque vit sa taille - et sa capacité de charge - s'accroître progressivement. Ce qui lui permit d'éliminer complètement le cogge au cours du XVe siècle, d'autant plus qu'elle incorpora toutes les innovations intéressantes qui avaient fait le succès du cogge. La hourque pouvait transporter 300 tonnes, parfois plus. Elle fut dotée de superstructures de plus en plus importantes, de châteaux avant et arrière à un ou deux étages.

Le pont arrière de la hourque. Il y a nettement plus de place que sur un cogge. On notera la présence, sous le château arrière de nombreux canons pour repousser pirates et corsaires, toujours très actifs en mer du Nord et en mer Baltique.

Sur le plan naval, à la faveur des croisades, le Moyen Age est une vaste zone d'échanges technologiques. Si le cogge et le gouvernail à safran viennent du Nord, c'est la caraque atlantique (c'est-à-dire portugaise) qui a inspiré la hourque allemande. La hourque a chassé le cogge, la caravelle, là encore inspirée des navigateurs portugais, essaiera de s'imposer, dans les mers nordiques, face à la hourque.
La caravelle apparaît, dans le Nord, au milieu du XVe siècle. Ce n'est plus la petite caravelle des débuts, mais un bâtiment imposant. Au Nord, c'est le commerce et la volonté d'échanges qui ont été à l'origine du progrès naval. Au Sud, c'est avant tout le rêve de conquête des épices qui animent les Portugais et leur roi, Henri le Navigateur. Pour se lancer à l'assaut des mers et pouvoir contourner l'Afrique afin d'atteindre les Indes, Henri le Navigateur jette son dévolu sur ce type de bâtiment dont une variante est utilisée par les marins arabes.

Caravelle latine du XVe siècle

La Hanse découvre la caravelle un peu par hasard : en 1462, une caravelle française, de dimensions excep-tionnelles, le Saint-Pierre-de-la-Rochelle, est abandonnée par son capitaine dans le port de Dantzig. Aussitôt elle fait sensation. Elle est plus grande que la hourque, munie de trois mâts, et surtout sa coque est bordée à franc bord (les planches sont jointes et non plus superposées). Avec une coque de cette sorte, tonnage et vitesse s'accroissent : la charge de la caravelle pourra dépasser 400 tonnes. Cependant son intérêt militaire reste limité. La hourque continuera d'être le vaisseau dominant de la flotte hanséatique jusqu'au XVIIe siècle.

 
Cogge médiéval