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Le Prins Wilhem, maquette en palissandre

Le Prins Willem a été vraisemblablement le navire de commerce le plus puissamment armé de la VOC, la Compagnie hollandaise des Indes Orientales. Le navire fut armé à Middelburg en 1649 et appareilla le 5 mai 1651 pour son premier voyage à destination de Batavia (l'actuelle Jakarta) avec un équipage de 276 personnes dont 93 soldats et 22 femmes et enfants.
Compte tenu de sa puissance de feu, le navire fut intégré dans la flotte de guerre des Provinces-Unies lors de la première guerre anglo-hollandaise (1652-1654). Il prit part au combat de Kentish Knock, le 8 octobre 1652, opposant les 62 vaisseaux du vice-amiral de With (secondé par de Ruyter) aux 67 vaisseaux de l'amiral anglais Blake. Au cours de cette bataille perdue par les Hollandais, le bâtiment fut très endommagé.
Rendu à la Compagnie une fois réparé, il continua de naviguer sur les routes des Indes de 1653 à 1660. Le 23 décembre 1661, le Prins Willem quitta Batavia avec d'autres navires à destination des Pays-Bas. La petite flotte n'arriva jamais à destination.

La belle poupe dorée du Prins Willem

Le pont du Prins Willem

Le Batavia est un autre navire de la VOC qui fit naufrage sur la barrière de corail australienne le 4 juin 1629. Il a fait l'objet d'une reconstitution d'une remarquable authenticité en Hollande de la part d'une équipe de passionnés sous la responsabilité de Willem Vos. Le navire a été lancé en 1995 en présence de la reine Beatrix des Pays-Bas.
Le Prins Willem a été reconstruit par des Japonais en 1985. L'aspect extérieur a été respecté, mais les œuvres vives (la partie immergée) sont en acier. Le bâtiment est mouillé dans un "village hollandais" non loin de Nagasaki, en hommage aux marchands bataves qui avaient obtenu l'autorisation de s'installer sur la petite île voisine de Deshima en 1598. Le premier navire hollandais qui a établi des relations commerciales avec le Japon, en l'an 1630, a lui aussi été reconstitué. Il s'agit du De Liefde, voilier de 39 mètres lancé en 1992 en Hollande. Il ne navigue pas. Il est conservé à côté du Prins Willem au musée de Nagasaki. Sa figure de proue représente Erasme.

Le Batavia, navire marchand de la VOC hollandaise

La poupe du Batavia

Tout commence par une histoire de saveur. Les Européens ont toujours été attirés par les épices de l'Asie, indispensables pour donner du goût aux aliments (sans réfrigération, après un jour, ils devenaient fades). Au Moyen-Age, les Arabes avaient fermé les voies de communication entre la Méditerranée et les Indes. Venise était leur seul interlocuteur pour le commerce des épices en Europe et en profitait - comme les Arabes - pour prélever des taxes colossales sur le marché des épices. La situation durait depuis plus de cinq cents ans quand, vers la fin du XVe siècle, les Portugais décidèrent d'aller acheter les épices eux-mêmes aux producteurs. Pour cela, il fallait se lancer dans de téméraires voyages d'exploration : longer la côte africaine vers l'inconnu et remonter vers les Indes. Ils profitèrent du soutien éclairé et de l'argent du prince Henri le navigateur.
Le premier marin qui releva le défi fut Vasco de Gama. Il atteignit Calicut, sur la côte indienne, en 1497. Lisbonne devint alors, avec Venise, pourvoyeuse d'épices pour l'Europe et plus particulièrement pour les Hollandais. Anvers abrita même l'un des principaux comptoirs portugais. L'année 1580 vit l'union personnelle des couronnes ibériques. Cette union conduisit à fermer le port de Lisbonne aux marchands bataves. Ceux-ci décidèrent alors d'assurer eux-mêmes leur ravitaillement.

Une indienne, le vêtement de coton que la bourgeoisie s'arrachait en Europe à l'époque de Colbert (musée de la Compagnie des Indes, Port-Louis).

Le musée de la Compagnie des Indes à Port-Louis, la salle des porcelaines

En 1592, les principaux marchands se réunirent à Amsterdam. En 1594, la Compagnie des terres lointaines fut créée. Une première flotte de quatre navires se dirigea vers les Indes, inaugurant un trafic régulier avec les Indes orientales. Mais cet événement majeur marqua aussi le début d'un long conflit armé sur les mers entre la Hollande et le Portugal.
En 1602, la Verenigde Oost Indische Compagnie (VOC) vit le jour. Elle eut le droit d'exercer un commerce maritime et colonial sur "toutes les mers et toutes les terres au-delà du cap de Bonne Espérance jusqu'au détroit de Magellan en même temps qu'un pouvoir souverain sur les terres et les eaux concédées à ladite compagnie."
Cet organisme, qui se voulait puissant, possédait sa flotte et sa milice. Il entra aussitôt en conflit avec les colonies du Portugal. Les Hollandais, disposant d'une indiscutable supériorité maritime, eurent rapidement raison de leur empire aux Indes. A cette fin, ils utilisèrent ce que les historiens appellent pudiquement des méthodes "extrêmement brutales", ce qui signifie en clair qu'ils massacraient tous les Portugais qu'ils trouvaient dans un comptoir quand ils voulaient prendre leur place. En 1660, il ne restait plus rien de la puissance portugaise, à l'exception de Goa et de quelques possessions mineures.

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Porcelaines de Chine (musée de la Compagnie des Indes, Port-Louis).

"Indienne" (musée de la Compagnie des Indes, Port-Louis).

Les Anglais aussi voulaient des épices. A la fin du XVIe siècle, ils avaient pris l'habitude de les acheter aux Hollandais. Mais, en 1599, ceux-ci voulurent élever le prix du poivre de 3 à 8 shillings. Aussitôt les marchands anglais demandèrent à Elisabeth Ière le droit de créer à leur tour une Compagnie Anglaise des Indes Orientales. Ce fut l'East India Company (EIC) créée en 1600. Son premier navire appareilla pour les îles des épices en 1601 et son siège fut bientôt installé à Bombay. La compagnie possédait, elle aussi, son propre système de défense militaire et ses navires.
Quant à la France, elle attendit l'année 1664 et l'initiative ministérielle de Colbert pour créer la Compagnie française des Indes Orientales. Au cours du XVIIIe siècle, Pondichéry allait être l'un des principaux comptoirs français en Inde. Entre Européens la concurrence fut rude : d'autres compagnies suivirent, créées par les Ostendais, les Danois ou encore les Suédois. Toutes ces compagnies de commerce avec l'Inde furent des sociétés à monopole bénéficiant de privilèges importants.

Pot à eau. Porcelaine de Chine, Qianlong vers 1740 (musée de la Compagnie des Indes, Port-Louis)

Assiette à décor armorié. Porcelaine de Chine, Yongzeng vers 1735 (musée de la Compagnie des Indes, Port-Louis)

La guerre de Trente Ans (1618-1648), déclenchée pour des motifs étrangers aux intérêts commerciaux en Orient, voyait les pays européens s'entredéchirer. Néanmoins, guerre des épices oblige, l'Espagne sentait ses colonies menacées par les Hollandais. C'est pourquoi elle décida, à l'instar de l'Invincible Armada envoyée contre l'Angleterre en 1588, de lancer une nouvelle Armada en 1639 contre la Hollande. 70 unités remontèrent la Manche et s'opposèrent à la flotte batave. Après de multiples engagements à l'issue incertaine, les Hollandais mirent la flotte ennemie en déroute à la célèbre bataille des Dunes. Pour l'Espagne, cette défaite fut un désastre national qui marqua lourdement l'avenir de ses colonies.

Poupe du Boullongne, vaisseau de 600 tonneaux de la Cie française des Indes Orientales, lancé en 1759. Les somptueuses décorations de poupe

comme celles du Prins Willem ont disparu depuis longtemps de l'architecture des vaisseaux marchands.

Le comte d'Artois, bateau marchand de la Compagnie française des Indes Orientales (musée de la Compagnie des Indes, Port-Louis).

Les épices (poivre, cannelle, gingembre, noix de muscade, cumin, coriandre, cardamome, curry, aneth, badiane, fenouil, céleri, etc.) furent les premières denrées convoitées par les marchands européens. Une fois sur place, ils découvrirent une manufacture d'un très haut niveau qui allait faire l'objet d'une demande croissante en Europe.
A côté des porcelaines de Chine (vendues via le port de Canton, seul port chinois ouvert aux Européens), il faut noter les célèbres indiennes qui étaient des cotonnades peintes, au décor floral sophistiqué, utilisées dans l'ameublement et l'habillement des nobles et des bourgeois. Les textiles en soie n'ont eu qu'une importance secondaire. Bien sûr, l'importation de ces produits se heurtait aux productions locales (soieries de Lyon et d'Andalousie par exemple).
Les règlements royaux restreignaient ce commerce avec l'Extrême-Orient (à cause du déficit des balances commerciales et parce que la doctrine mercantiliste de l'époque s'effrayait de voir l'or et l'argent sortir des frontières). Cependant la contrebande était vivace dans toute l'Europe.

 

Canton, les factories européennes (maquette du musée de la Compagnie des Indes, Port-Louis)

De leur côté, les Européens exportaient surtout des métaux et des lainages auxquels venaient s'ajouter des produits à plus haute valeur technique : armes, effets de marine et quelques produits de luxe (miroirs, horloges, lunettes). Ces échanges commerciaux avec la Chine et l'Inde étaient largement déficitaires pour l'Europe. Le vieux Continent finançait ses achats avec l'or et l'argent qui revenaient des Amériques.
Plus exactement le circuit était le suivant : L'Espagne ramenait les lingots sur ses galions, argent facile qui n'encourageait pas la croissance ou même la naissance d'une industrie ibérique. Elle achetait des produits finis à ses voisins (France, Angleterre, Hollande, Italie, etc.), qui, à leur tour, l'utilisaient pour acheter les produits d'Extrême-Orient si convoités. Si bien que les historiens ont pu écrire que l'or des Amériques se trouvait dans les coffres de l'Asie...

Le port de Pondichéry en Inde (maquette du musée de la Compagnie des Indes, Port-Louis)

 
Prins Willem, 1649