** Version imprimable de la Santa Maria

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Christophe Colomb reste une énigme. Selon l'Histoire officielle, c'est un navigateur génois ayant surtout fréquenté la Méditerranée et les côtes ibériques. Il est avide d'or, de puissance et persuadé que l'on peut atteindre les Indes par l'Ouest. Pour trouver un soutien royal et convaincre que le trajet est possible, il construit un discours erroné sur la circonférence de la Terre qui conduit à diviser par deux la distance Europe-Indes. Le roi Jean II du Portugal et ses conseillers, qui connaissent par leurs propres navigateurs les ordres de grandeur exacts, le prennent pour un ignorant. Finalement, c'est Isabelle la Catholique, reine de Castille, qui accepte de donner des gages (quasi irrécouvrables) pour qu'il finance son expédition malgré ses prétentions exorbitantes en cas de découverte. Colomb s'entend avec les frères Pinzon, des pilotes et armateurs peu scrupuleux de Palos.
Avec trois petits bateaux, l'expédition part le 3 août 1492 et arrive en octobre dans la mer des Sargasses. Jusque-là, la route suivie est parfaitement connue des navigateurs basques et bretons qui y pêchent la baleine et qui ont déjà noté l'existence de terres dans l'Ouest.

Une maquette traditionnelle de la Santa Maria : la coque et le gréement sont ceux d'une caraque. On notera les renforts verticaux sur la coque.

Prenant le cap sud-ouest, Colomb découvre l'île de San Salvador (aujourd'hui Catling) dans l'archipel des Bahamas. Cependant le génois persiste à croire qu'il a découvert Cipango (le Japon) et cherche de l'or qu'il ne trouvera qu'en infime quantité. La Santa Maria ne reviendra jamais en Espagne : elle fera naufrage quelques mois plus tard.
Le grand mérite de Christophe Colomb n'est pas d'avoir découvert les Bahamas ni longé la côte de Cuba ou celle d'Haïti, mais d'avoir inventé la volta de retour : la route maritime qu'il faut impérativement suivre pour revenir en Europe. Sur le tropique du Cancer, les alizés et les courants poussent les navires vers les Antilles, empêchant tout retour vers l'Est. Pour revenir en Europe, il faut remonter jusqu'à la latitude de 30° Nord pour profiter des Westerlies, ces vents d'ouest plus ou moins réguliers qui soufflent depuis l'Amérique du Nord. Le Gulf Stream, qui peut atteindre deux nœuds à l'heure, favorise aussi le retour. Cette volta sera utilisée par tous les navires espagnols pendant plus de trois siècles. Après une courte escale aux Açores, Colomb atteint Lisbonne, puis Séville en 1493.
Le Génois recevra le commandement du deuxième voyage avec 17 navires et 1200 hommes. Cette fois, il arrivera plus au sud, aux petites Antilles : Dominique, Marie-Galante et Guadeloupe. Mais ces îles sont peuplées d'indiens cannibales, les Caraïbes. Il fera en tout quatre voyages sans jamais descendre au-dessous du 10° de latitude Nord. Selon les historiens, il est mort en restant persuadé d'avoir atteint les Indes et le Japon.

La poupe de la Santa Maria telle qu'elle ressort des plans conçus par les modélistes modernes. On retrouve une renommée de la Sainte Vierge comme figure de poupe : un grand classique dans la marine espagnole avec des dizaines de noms de navires (parmi ceux qui nous sont parvenus) en "Nostra Senoria de" suivi du nom d'un lieu.

La flotte de Christophe Colomb comprenait trois navires : une caraque, la Santa Maria et les deux caravelles des frères Pinzon, la Pinta et la Nina. A la vérité, aucun document ne nous permet de savoir exactement comment était la Santa Maria. Les historiens navals lui attribuent la forme d'une caraque, navire à haut bord avec un château arrière élevé et une poupe plane, disposant d'une grande capacité de stockage. Les caraques servaient pour les longs trajets. Leur tonnage variait entre 250 et 1000 tonneaux.
La caravelle est, à l'origine, un instrument portugais. Navire de construction légère, économique, très maniable, il ne possède ni château avant ni château arrière. Il est gréé en deux ou trois voiles latines. Le tonnage initial de 40 à 60 tonneaux va augmenter jusqu'à 160 tonneaux au cours du XVe siècle quand la caravelle sera adoptée par les Espagnols.

La Pinta, caravelle retonda (à voile carrée)

La Nina, caravelle classique (à voiles latines)

Christophe Colomb était-il portugais? C'est la thèse soutenue en 1988 par un érudit passionné d'histoire, le professeur portugais Augusto de Mascarenhas Barreto. Rappelons les faits marquants de cette thèse considérée par certains historiens comme irréfutable.
Le vrai nom de Colomb était Salvador Fernandez Zarco. Les trois lettres F, S et Z ont été retrouvées entremêlées en forme de paraphe dans une quinzaine de documents signés par Christophe Colomb. Il était de sang royal et demi-frère de la reine du Portugal Leonor, épouse du roi Joâo II. Colomb a travaillé pendant quinze ans comme agent secret du roi du Portugal. Le professeur Barreto rappelle qu'aucun document sérieux de l'époque n'a jamais parlé de la nationalité génoise de Colomb. Et il a montré que ceux qui en parlaient étaient des faux. En revanche, on a la preuve qu'il écrivait en portugais et qu'il possédait, aux dires du père Las Cases, un très fort accent portugais. Notons en outre que Colomb appela Salvador la première île qu'il découvrit : c'était son prénom. La deuxième fut appelée Fernandina : c'était son nom. Isabela, nom donné à la troisième, était le prénom de sa mère et Juana, le nom de la quatrième, fut choisi en l'honneur du roi du Portugal D. Joâo II, son cousin et beau-frère. Notons aussi que Guadalupe est le nom de l'ermitage de la ville de Serpa dans la province portugaise d'Alentejo où Colomb a été baptisé.


Le Sao Gabriel, la nave de Vasco de Gama.
Cette nave (ou nao en portugais, c'est-à-dire navire)
peut aussi être qualifiée de caraque.

Caraque sculptée dans la pierre au-dessus d'une porte
du palais Jacques Cœur à Bourges.

Ajoutons que, au retour de son premier voyage, Colomb fit volontairement escale aux Açores, îles portugaises, puis à Lisbonne où il fut reçu en grande pompe par le roi Joâo II. Ceci alors que l'un des frères Pinzon, à la tête de l'autre caravelle, l'avait devancé et menaçait de rentrer le premier en Espagne pour y glaner tous les honneurs.
La thèse du professeur Barreto a été combattue par maints historiens sous le seul prétexte, semble-t-il, qu'elle ne correspond pas à l'Histoire officielle. Cette thèse a au moins le privilège de la rigueur et de la cohérence. Elle correspond aussi en tout point à l'atmosphère de secrets et d'espionnage qui régnait dans les cours d'Europe occidentale dans la seconde moitié du XVe siècle. On savait qu'il existait des terres nouvelles à l'Ouest, des zones de pêche très riches dans l'Atlantique. Les marins dessinaient des cartes qui devenaient aussitôt des secrets d'Etat attisant les plus vives convoitises de la part des royaumes voisins.

Quels étaient les véritables voiliers de Christophe Colomb? Une énigme enveloppe toujours le véritable aspect de la Santa Maria et des deux autres navires présentés comme des caravelles. Là encore, certains historiens arguent du fait que Colomb n'était pas connu, avait peu navigué et que, s'il partait vers l'Ouest sur la mer Océane, il possédait très peu de chances de revenir. Ils en concluent que Colomb n'a pas pu trouver d'armateur assez fou pour lui confier une caraque comme l'Histoire officielle le rapporte. Documents et peintures à l'appui, ils n'hésitent pas à affirmer que la coca de Mataro est le navire qui se rapproche le plus de ceux de Christophe Colomb.
Cette coca était un petit bâtiment de cabotage "standard" entre les ports de la Méditerranée et de l'Atlantique. Pour être robuste, sa coque était renforcée par des virures longitudinales et, dans le sens vertical, par cinq allonges.
On observera sur la maquette la hauteur d'un long château arrière, appelé tolda, et l'existence d'un château avant. La voilure était plus rudimentaire que celle d'une caravelle.
La coca de Mataro est un ex-voto découvert dans le sanctuaire de Saint Simon de Mataro, près de Barcelone. On peut la considérer comme une grande maquette réalisée à l'échelle 1/24 peu de temps avant que les navires de Colomb quittent Palos. La coca devait avoir environ 24 mètres de long, 10 de large et 6 de haut. C'est la représentation qui se rapproche le plus des peintures figurant sur les toiles de Carpaccio ou de Mansueti à l'Académie de Venise ou encore des petites nefs du mystérieux peintre flamand W.A.

La Coca de Mataro, un navire rudimentaire avec une seule voile carrée, un pont large et un château avant très haut.Ces navire sont qualifiés de "ronds". Ce sont les navires peints sur les toiles du peintre italien Carpaccio.

La Coca de Mataro, maquette
reproduisant l'ex-voto trouvé près de Barcelone

Une autre thèse défendue par des historiens prétend que l'existence des terres nouvelles à l'Ouest (Terre-Neuve, côte américaine, Floride, Brésil) était connue depuis des siècles par les marins scandinaves et normands, et parmi eux les marins de Dieppe.
A l'appui de leur thèse : la comparaison savante de différentes cartes marines de l'Atlantique Nord depuis le XIVe siècle et l'étude de leur chronologie ainsi que l'analyse des textes relatant les produits importés en Europe au Moyen Age, notamment le bois brésil. Ils en concluent que l'existence des terres étaient connues des cours européennes (Espagne, Portugal, France, Angleterre) qui se livraient à un espionnage actif auquel répondait un culte du mystère, du secret et de l'affabulation. L'objectif était de garder pour soi la connaissance de ces terres et surtout des zones de pêche voisines. On sait par exemple que les frères Pinzon ont poussé Colomb à faire cap au sud-ouest (vers le Brésil) plutôt que de continuer sur le tropique du Cancer pour aboutir finalement dans la mer des Sargasses. Les frères Pinzon avaient-ils déjà été au Brésil?
Selon cette thèse, un peu ésotérique, Christophe Colomb n'a fait que dévoiler au grand jour ce que les gens bien informés savaient déjà. Il en a recueilli tout le prestige en privant les premiers explorateurs et les véritables défricheurs de la gloire qui leur revenait.

Une autre maquette de la Santa Maria. Quand l'aspect du navire est incertain, les créateurs laissent aller leur imagination. On a ici une très belle caraque.

Le mystère Colomb demeure. Etait-il portugais? Etait-il un espion? A-t-il vraiment découvert l'Amérique le premier? On sait que la route qu'il a suivie à l'aller était connue des marins. On sait aussi que des pêcheurs avaient découvert Terre-Neuve dès 1480, mais qu'ils n'avaient rien dit pour conserver le monopole de leurs lointaines zones de pêche.
Replacé dans le contexte du XVe siècle (quand l'art de naviguer et la taille des bâtiments permettent pour la première fois de s'affranchir du cabotage dans l'Atlantique), il est certain que des gens savaient, mais qu'ils se taisaient. Christophe Colomb a officialisé l'existence de terres à l'Ouest. Après son voyage, aucune cour européenne, aucun marin ne pouvait plus nier.

La coca de Mataro vue de tribord arrière

 
Santa Maria, 1492