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Page créée en en fév. 2022
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L'Assomption, vitrail de Max Ingrand dans l'abside nord

L'origine de l'église Saint-Sauveur, autrefois appelée Notre-Dame-de-Froide-Rue, est obscure. Si l'on fait abstraction des récits plus ou moins légendaires, la première mention de l'église n’est pas antérieure au milieu du XIIe siècle. On la trouve en effet citée dans une bulle du pape Eugène III, vers 1152-1153, à l'occasion de la confirmation des biens de la cathédrale de Bayeux.
Les élévations de pierres, les voûtes en bois et les baies à remplage, associées sans logique visible, ne facilitent pas son étude archéologique. Pas plus que son clocher typiquement normand. Depuis le XIXe siècle, les historiens ont trébuché sur la chronologie de sa construction. Toutefois, en 2015, Étienne Faisant, du centre André Chastel, en a proposé un déroulement logique tiré de ses recherches dans les archives et d'une observation minutieuse de la pierre.
Tout semble partir du XIIe siècle avec une chapelle romane de trois travées. Devenue église paroissiale au début du XIVe siècle, elle est reconstruite et acquiert un cimetière à l'est géographique (plan 1). Le clocher actuel est rattaché à cette période, juste après l'érection de celui de Saint-Pierre en face duquel il apparaît comme une version simplifiée.
À la fin du XIVe, une seconde nef, aujourd'hui appelée nef Saint-Eustache, est bâtie à la place du cimetière, tandis qu'un grand arc est percé pour relier les deux bâtiments accolés (plan 2). Chacun d'eux possède sa voûte en bois et son chevet plat. L'ensemble s'apparente à une église-halle.
Au tout début du XVIe siècle, l'édifice s'agrandit par une extension au nord géographique (plan 3). Il s'enrichit d'un jubé et d'un beau porche gothique, aujourd'hui délabré. Au sud, le chevet plat est transformé en abside à trois pans de type gothique. Vers le milieu du XVIe, c'est l'autre chevet qui devient abside à trois pans, mais de type Renaissance. Voir plus bas le long développement proposé sur l'historique de la construction.
En 1562, détruisant jubé et orgue, les protestants saccagent l'église qui est ensuite restaurée. Le XVIIIe siècle est celui des réparations multiples (clocher, pavage du sol, bancs installés dans la nef, nouvelles cloches).
À la Révolution, le panorama religieux de Caen est bouleversé : les treize paroisses de la ville sont réduites à sept. Celle de Notre-Dame-de-Froide-Rue disparaît. Une partie est rattachée à l'église Saint-Étienne. L'édifice devient magasin pour les équipages de l'armée. Avec le Concordat, le schéma paroissial caennais est réorganisé : en 1803, Notre-Dame-de-Froide-Rue devient l'église Saint-Sauveur, centre cultuel d'une paroisse retrouvée.
En passant à Caen, si vous flânez dans la rue Saint-Pierre, ne manquez pas d'entrer dans Saint-Sauveur. Les deux nefs accolées constituent une caractéristique assez rare pour en justifier la visite. Vous y trouverez un monde de vieilles pierres à l'historique complexe, enrichi des beaux vitraux de Max Ingrand. L'atmosphère qui s'en dégage vous étonnera.

Statue de saint Matthieu dans l'abside sud
Vue d'ensemble de la double nef de l'église Saint–Sauveur
Vue d'ensemble de la double nef de l'église Saint-Sauveur.
L'église Saint-Sauveur vue depuis la rue Saint-Pierre.
L'église Saint-Sauveur vue depuis la rue Saint-Pierre.
La nef «nord» et son abside Renaissance sont au premier plan.
Le chevet de l'église Saint–Sauveur : à gauche, l'abside gothique «Sud» du XIVe siècle ; à droite, l'abside «Nord» du XVe siècle
Le chevet à deux absides de l'église Saint-Sauveur.
À gauche, l'abside gothique «sud» (vers 1500) ; à droite, l'abside «nord» (vers 1540).
Le clocher est similaire à celui de l'église Saint–Pierre
Le clocher est très proche de celui de l'église Saint-Pierre :
grandes lancettes surmontées de quatre clochetons et d'une flèche.
Fenêtre Renaissance dans la nef «Nord»
Fenêtre Renaissance dans la nef «nord».
Frise et remplage d'une baie gothique dans l'abside «sud»
Frise et remplage d'une baie gothique dans l'abside «sud».

Architecture extérieure.
Trois éléments méritent l'attention : le porche gothique donné ci-dessous, les deux absides et le clocher.
Se voyant de loin, le clocher est l'élément extérieur le plus caractéristique de l'édifice. il reprend en de nombreux points celui de l'église Saint-Pierre. Chaque face présente deux hautes lancettes encastrées en forte saillie dans une arcade riche de nombreuses colonnettes. Au-dessus, quatre clochetons hexagonaux sont ceinturés par un gardecorps. L'imposante flèche repose sur un tambour.
Si les absides ont pu être saccagées par les protestants et les révolutionnaires, elles ont aussi subi les outrages du temps. Les statues ont disparu des consoles depuis longtemps ; les dais sont rongés par les intempéries. Quant à la frise qui court sous le toit, ses figurines sont presque méconnaissables. À coté du remplage flamboyant de l'abside gothique sud, l'élément intéressant de l'abside nord est sa griffe Renaissance bien visible dans les panneaux de pierre de son soubassement (photo ci-dessus).
Dans son article pour le Congrès archéologique de France tenu à Caen en 1908, l'historien Louis Serbat attribue, pour une grande part, cette abside à Hector Sohier, auteur attesté de l'abside de l'église Saint-Pierre. Cependant, aucun document ne confirme cette thèse, ce que rappelle l'historien Étienne Faisant dans son étude approfondie de 2015. En 1889, Eugène de Beaurepaire, secrétaire général de la Société archéologique, avançait déjà cette même idée avec assurance.
Le porche gothique (photo ci-dessous) se trouve dans la rue Froide. Il est pratiqué dans l'épaisseur du mur. Sa petite voûte d'ogives est à double lierne. Au centre d'un tympan nu trône le reste mutilé de ce qui était sûrement une statue de la Vierge. Les statuettes de l'unique voussure de l'archivolte ont disparu, comme celles de la grande arcade. Un triste état pour un porche gothique qui, bien que petit, ne devait pas manquer de charme.
Sources : 1) Congrès archéologique de France tenu à Caen en 1908, article de Louis Serbat ; 2) L’église Notre-Dame-de-Froide-Rue (aujourd'hui Saint-Sauveur à Caen) par Étienne Faisant, Les Annales de Normandie, 2015.

Porche gothique sur le rue Froide (nef «sud»)
Porche gothique sur le rue Froide (nef «sud»).
Fenêtre et escalier donnant sur la rue Froide
Rue Froide : fenêtre gothique et escalier à vis conduisant à l'ancien jubé.
Vantail de la porte gothique (2e moitié du XVe siècle)
Vantail de la porte gothique
(Début du XVIe siècle).
Ce reste de sculpture sur le tympan devait être une Sainte Vierge
Ce reste de pierre sur le tympan
devait être une statue de la Vierge.

Escalier (1/2). Quel est cet étrange escalier coincé entre deux pans de murs sur le côté «nord» (photo à gauche) ? Lors du Congrès archéologique de France tenu à Caen en 1883, Eugène de Beaurepaire, dans son article Promenade à Caen, note sommairement : «C'est au XVe siècle notamment qu'appartient le charmant escalier que l'on aperçoit du côté de la rue Froide et qui a donné lieu à tant de suppositions.»
En 1908, toujours pour le Congrès archéologique de France, l'historien Louis Serbat rédige une analyse plus riche de l'église Saint-Sauveur et s'interroge. L'escalier est tournant : sa révolution est indiquée par la décoration extérieure en spirale. La partie supérieure, vitrée en 1908, mais fermée aujourd'hui par un grillage, est surmontée d'un dais très travaillé. Ce dais s'abrite sous un arc dentelé qui joint les deux murs et «sert de pont à la corniche du toit» [Serbat].
À quoi servait cette tourelle ? À l'intérieur de l'église, il n'y a qu'un mur nu où est accroché un grand Christ en croix. Aucune marque ou correspondance ne subsiste dans la pierre. Était-ce un escalier conduisant à une chaire ? Il monte trop haut. Était-ce une monstrance pour exposer le Saint Sacrement ou une relique ? Dans ce cas, pourquoi la partie ouverte continue-t-elle de tourner avec l'escalier ? N'était-il pas plus noble de créer une niche adéquate ?
Lors du même Congrès, l'historien Henri Prentout avance des preuves en faveur de la monstrance. Il cite un large extrait d'un document de 1493, découvert par ses soins dans le Tabellionage de Caen. Ce texte officialise la donation en faveur de l'église Notre-Dame de Froide Rue d'un «très noble et précieux tableau» contenant des reliques de saints. Cette donation est faite par «maistre Richard de Verdun, procureur en l'audience de la chancellerie de France, garde du scel aux obligations de la vicomté de Caen, et dame Martine, son espouse.» ---»» Suite 2/2 ci-dessous.

Détail de l'archivolte du porche gothique
Détail de l'archivolte du porche gothique.
Si le temps peut être à l'origine de la dégradation
générale de la pierre, l'absence de tête
est-elle due aux saccages des guerres de Religion ?

Escalier (2/2). Outre une donation en argent pour l'«augmentation» et la décoration de l'église, l'acte mentionne - et c'est le plus important - la présentation du tableau «aux curé et chappellains tresoriers et paroissiens d'icelle» par Jehan le Sens, écuyer, seigneur de Reviers. Henri Prentout nous apprend que Jehan le Sens était un noble qui logeait dans la Froide-Rue où s'élevait son hôtel et qui était receveur et sénéchal de Monseigneur Charles d'Orléans.
L'acte est ensuite très clair : les donateurs ont le désir de voir leurs parents et amis associés aux prières et aux bienfaits de l'église ; ils veulent que le tableau soit porté en procession autour ou dans l'église lors des grandes fêtes et des solennités dédiées à la Vierge, solennités que l'on fera suivre le lendemain par la sonnerie des cloches. Comme de coutume, la donation précise les sommes allouées aux membres du clergé tenus de respecter les termes de ce contrat.
En 1576-1577, c'est-à-dire près d'un siècle plus tard, cette marche et cette monstrance avaient toujours lieu car sa rémunération figure encore dans le compte des trésoriers.
Ce compte du XVIe siècle parle d'ailleurs de procession du Verdun. Henri Prentout écrit alors en guise de conclusion : «N'est-il pas évident que c'est bien du reliquaire donné par Richard de Verdun qu'il s'agit? C'est lui que l'on promène en procession, et on appelle aussi le Verdun la monstrance qui l'abrite et où on se rend en procession.» Et il en déduit que la partie supérieure de l'escalier était la monstrance du tableau...

C'est aller bien vite en besogne. De l'acte de tabellionage de 1493, on ne peut que conclure qu'il s'agit d'une courte procession autour de l'église ou dans l'église d'un tableau dont on ignore la taille. Rien n'est dit sur une exposition prolongée vers l'extérieur de l'édifice. Aucun lien logique ne peut donc être établi entre le Verdun (en admettant qu'il s'agisse bien du tableau) et ce curieux escalier de la rue Froide. Henri Prentout, dont le zèle étonne, s'emballe un peu vite. De plus, si la partie supérieure de cette architecture énigmatique était bien une monstrance, le tableau aux reliques ne devait pas être bien large ! Pourquoi faire tout ce remue-ménage pour une si petite chose, sans doute indigne du rang du donateur ?
La fonction de cet escalier est restée en suspens jusqu'en 2015. Cette année-là, dans une nouvelle analyse très détaillée de l'église, l'historien Étienne Faisant donna enfin une réponse convaincante. Faisant état de la présence attestée d'un jubé, érigé au début du XVIe siècle à l'est du clocher, dans la nef «sud», il écrit : «(...) le seul trumeau sur lequel il [le jubé] a pu venir s’appuyer est celui où se trouve le mystérieux escalier. Il n’y a donc aucun doute : cette vis permettait de monter sur le jubé.» Tout simplement. Et l'ouverture observée dans sa partie haute servait à l'éclairer. Étienne Faisant signale d'ailleurs que cette hypothèse avait été formulée avant 1914 par André Adam, ancien vicaire de l'église.
Sources : 1) Congrès archéologiques de France tenus à Caen en 1883 et 1908 ; 2) L’église Notre-Dame-de-Froide-Rue à Caen par Étienne Faisant, Annales de Normandie, 2015.

HISTORIQUE DE LA CONSTRUCTION
Plan 1
Plan 1 : l'église romane primitive.

Historique de la construction : proposition d'Étienne Faisant en 2015 (1/5).
Préliminaire : Comme on le voit sur le plan ci-contre, l'église Saint-Sauveur, anciennement Notre-Dame-de-Froide-Rue, a ses deux absides en direction du «sud - sud-est» géographique. La norme pour une église est d'avoir son chœur, et donc son abside, dirigés vers l'est, vers l'orient. C'est-à-dire qu'elle est «orientée». Dans le cas opposé, elle est dite «occidentée», mais ce terme est rarement employé. Dans le cas des orientations non traditionnelles, les spécialistes de l'art religieux conviennent d'utiliser les directions dites «liturgiques». Ce qui veut dire que l'église est quand même considérée comme «orientée». C'est pourquoi ici la nef qui dirige sa façade vers l'est sera appelée nef nord, et l'autre, nef sud. Dans cet historique, quand les directions suivront les points cardinaux, elles seront systématiquement qualifiées de «géographiques».
Comme l'écrivait l'historien Aristide Joly en 1874, l'église Saint-Sauveur est «pleine d'étrangetés». Bâtir la chronologie de sa construction relève du parcours du combattant. En l'étudiant de près, Joly pensait que la nef nord, la seule qui paraît érigée selon un plan, était historiquement la première ( XIVe siècle) et que le clocher, en tant que tour indépendante, venait se coller à son côté sud. L'autre nef, apparemment sans grand ordre architectural, aurait été ajoutée par petits bouts, au hasard de la disponibilité des terrains adjacents. Cette version a été acceptée pendant plus d'un siècle. Et ceci en dépit d'une constatation étrange sur le coin sud : un élément d'architecture semblait se rattacher à la fin du XIIIe siècle ou au tout début du XIVe !
Mais, dans ce même coin sud, l'observation récente d'un reste d'arcature attribuée au XIIe siècle a remis en question le schéma général de la construction. En 2015, les choses se sont précisées. Grâce à de nouveaux documents d'archives et en étudiant de près les reprises de maçonnerie, les décrochements dans la pierre et autres raccords et jointures, l'historien Étienne Faisant, du centre André Chastel, a proposé une chronologie nouvelle et assez convaincante de toute la construction. Ce document, paru dans les Annales de Normandie, est utilisé ici pour la rédaction de cet historique.
La première étape, au XIIe siècle, est une petite église romane sans cimetière, sans doute une simple chapelle, sur le côté sud, approximativement de 17 mètres sur 9 mètres. On lui adjoignit par la suite un clocher (plan 1 ci-contre) à l'ouest, moins imposant que le clocher actuel, avec un escalier extérieur flanqué sur le côté est géographique. On voit d'ailleurs encore deux petites fenêtres obstruées de ce premier clocher, orientées vers l'ouest géographique (voir photo plus bas). Pour entrer dans l'édifice, on passait vraisemblablement par un portail situé à la base du clocher, donnant sur la rue Froide. Une entrée au nord géographique n'était pas possible puisque le terrain n'appartenait pas au chapitre de l'église. On observe le même genre d'ouverture à l'église Saint-Pierre. ---»» Suite 2/5 ci-dessous.

Historique de la construction : proposition d'Étienne Faisant en 2015 (2/5).
---»» À ce stade de son analyse, Étienne Faisant conclut que cette nef a été plus tard entièrement reconstruite, clocher inclus - et d'un seul tenant. Ne voyant aucune trace de raccords dans l'abside actuelle, il en déduit que le chevet de cette petite église de trois travées, dédiée à la Vierge, était plat (comme le seront au XIIIe siècle ceux de Saint-Pierre et de Saint-Étienne-le-Vieux).
La deuxième étape est donc la reconstruction de l'église, «sans doute dans la première moitié du XIVe siècle, avant le siège de Caen par les Anglais en 1346», écrit l'historien. Plus précisément, le roi Philippe VI de Valois signe en 1329 une lettre patente autorisant l'«église paroissiale» Notre-Dame-de-Froide-Rue à Caen à acquérir un terrain pour y établir un cimetière. De cela, il découle que, partant d'une possible chapelle, l'édifice était devenu église paroissiale qui se devait de posséder son cimetière et qu'une reconstruction était en cours.
L'édifice sera voûté de pierre et surmonté d'un clocher normand traditionnel. Étienne Faisant situe ces importants travaux au début des années 1320. Le clocher actuel daterait donc de cette époque. Celui-ci s'inspire d'ailleurs fortement de celui de Saint-Pierre, terminé au tout début du XIVe siècle.
Dans son ouvrage général Caen, Architecture & Histoire paru en 2008 aux éditions Corlet, Philippe Lenglart pose la question qui arrêtait les spécialistes depuis longtemps : «la tour de Saint-Sauveur annonce-t-elle celle de Saint-Pierre ou en est-elle une réplique?» En 2015, Étienne Faisant replace le problème dans le cadre de la chronologie qu'il propose et répond : «La tour de Notre-Dame s’inspire donc manifestement de celle de Saint-Pierre, dont les niveaux supérieurs furent commencés sous l’administration du trésorier Nicole Langlois, mort en 1317.» Au demeurant, l'historien Lefèvre-Pontalis avait déjà pris parti dans ce sens dans son article général sur les clochers du Calvados rédigé à l'occasion du Congrès archéologique de France tenu à Caen en 1908.
Terminons l'étape 2 en citant Étienne Faisant à propos de ce fameux cimetière autorisé par Philippe VI et, selon la lettre patente, établi sur une propriété achetée à la censive de l'hôpial de Caen : «La date exacte de l’achat de ce cimetière n’est pas connue, mais elle peut être située vers 1320. Si rien ne l’atteste formellement, il semble alors logique de considérer que la création de ce cimetière a pu faire partie d’un réaménagement global et que la reconstruction de l’église a pu également être entreprise à cette époque.» Cela fait beaucoup de suppositions, mais, les étapes 1 et 2 mises bout à bout, l'ensemble offre l'avantage d'une logique certaine, appuyée par de nombreuses marques dans la pierre.
La troisième étape est la construction de la nef nord à la place de la plus grande partie du cimetière (plan 2 à droite). Cette «nef», appelée aujourd'hui nef Saint-Eustache, possédait cinq travées et doit être regardée comme un très large collatéral. Les documents de l'époque parlent d'une «aile». Cette aile avait même hauteur que la nef principale et se terminait vraisemblablement à l'est par un chevet plat. De la sorte, l'ensemble affichait un aspect d'église-halle. ---»» Suite 3/5 ci-dessous.

Plan 2
Plan 2 : construction de la seconde nef.
À partir de 1380, la nef nord est bâtie à la place de l'ancien cimetière.
Au nord géographique subsistent des terrains et des maisons
qui seront bientôt achetés par le chapitre.
Plan 3
Plan 3 : Extension vers l'ouest géographique
doublée d'aménagements dans les nefs.
Jubé avec son escalier à vis, pont pour accéder au clocher,
et au sud : abside gothique à trois pans et
nouveau mur gouttereau dans le prolongement
des contreforts du clocher.

Historique de la construction : proposition d'Étienne Faisant en 2015 (3/5).
---»» Dans sa partie nord (liturgique), on observe une suite de chapelles latérales très peu saillantes. Des colonnettes interrompues sont accolées aux murs qui séparent ces chapelles. On avait donc le projet de bâtir une voûte en pierre, mais il a été abandonné. Pour l'accès au clocher, on détruisit l'escalier situé au nord-est, remplacé par un nouveau dans le coin nord-ouest, tandis que des ouvertures étaient pratiquées dans l'ancien mur gouttereau de la nef principale, au nord, pour faire communiquer les deux vaisseaux..
Aux XIVe et XVe siècles, trois anciennes églises de Caen, aujourd'hui disparues, reprenaient ce schéma d'un grand collatéral opérant comme une seconde nef sans maître-autel. Cette disposition pittoresque s'observe encore en France. On peut en voir une à l'église Saint-André à Joigny en Bourgogne (où le grand collatéral nord a été construit au XVIe siècle). En revanche, la double nef de l'église Saint-Porchaire à Poitiers possède une fonction différente : l'une est pour les moines ; l'autre, pour les fidèles.
Quand eut lieu l'extension de cette troisième étape ? Aucun document ne l'indique. Mais, chronologiquement, la fabrique de l'église devait d'abord acquérir un terrain pour y établir son nouveau cimetière. Ce qui fut fait en novembre 1382 par l'achat d'une parcelle où se trouvait une vieille bâtisse à détruire (maison D + terrain sur les plans 1 et 2). La construction de la nef nord aurait donc démarré dans les années 1380 et, pour Étienne Faisant, elle fut lente. Il date l'élévation des chapelles latérales, au nord, du début du XVe siècle. Comme le chevet voisin, le nouveau chevet était plat
La quatrième étape eut lieu dans le courant du XVe siècle. On décida d'ouvrir un large espace entre les deux nefs, sans pile ni support, donc sans couvrement lourd. À cette fin, la voûte de pierre, posée au début du XIVe siècle dans la nef sud, fut détruite au profit d'une voûte de bois en berceau brisé. Étienne Faisant observe que les trois arcs qui communiquent entre les deux nefs ont un profil prismatique propre au XVe siècle et sont vraisemblablement issus d'une même campagne de travaux. Le grand arc oriental qui unit l'espace des deux nefs est une des curiosités de l'église. L'arc adjacent est nettement plus bas : le mur soutient le clocher et doit garder sa robustesse.
Ajoutons ici une remarque qui tempère cette chronologie : on ne peut pas avoir créé l'arc occidental entre les deux nefs (le troisième arc) avant l'extension de l'église vers l'ouest géographique...
La cinquième étape est l'extension de l'édifice vers l'ouest géographique à partir de 1496, une extension sans doute exigée par l'accroissement démographique. La fabrique avait bénéficié d'une donation en 1467. Alain Guyon, seigneur de Villiers et grand écuyer de France, avait offert un terrain dans les «prés de la Boucherie». On y établirait le nouveau cimetière de l'église (le troisième !), libérant ainsi l'espace à l'ouest de l'édifice. Mais, comme le plan 2 le montre, ce n'était pas suffisant pour réaliser l'extension prévue sur les deux nefs. C'est pourquoi en 1496, la fabrique acquit la maison qui jouxtait l'église à l'ouest (maison C sur les plans 1 et 2).
En ajoutant à cet espace la partie du premier cimetière qui n'avait pas été utilisée pour la nef nord, la fabrique put adjoindre deux travées supplémentaires à son église. On comprend, à la lecture du texte d'Étienne Faisant, que la volonté des fabriciens était d'ouvrir largement ce nouveau mur occidental par des baies vitrées au nord et au sud. Mais deux maisons bouchaient l'horizon. Au sud, le curé de l'église était propriétaire de la petite bâtisse (maison A sur les plans). Il l'offrit à la fabrique qui put ainsi la faire détruire. De la sorte, l'horizon se dégageait partiellement et on put insérer une grande rose dans l'élévation. Côté nord, il y avait un petit recul devant le vitrail prévu, mais jugé insuffisant. La fabrique passa alors un arrangement avec le propriétaire de la maison qui barrait la lumière (maison B sur les plans). Pour donner du jour à la grande verrière, celui-ci donna l'autorisation de faire modifier la toiture de sa demeure en échange d'une place de banc et d'une sépulture contre l’un des piliers qui soutient la tour. ---»» Suite 4/5 ci-dessous.

Historique de la construction : proposition d'Étienne Faisant en 2015 (4/5).
---»» Dans ce nouvel espace, la liaison entre les deux nefs fut assurée par un nouvel arc, que l'on put construire assez ample puisqu'il ne soutenait pas le clocher (photo ci-contre). Quant à l'escalier, situé au nord-ouest, qui menait au clocher, il fut détruit et remplacé par un dispositif original : un nouvel escalier, construit dans l'élévation nord de l'église rejoignait le premier étage du clocher par un pont de bois qui enjambait toute la nef nord (voir plan 3 ci-dessus).
Selon les sources, ce pont de style gothique était encore en place en 1847. En revanche, Prosper Mérimée, inspecteur général des Monuments historiques, qui est de passage à Caen en juin 1841, n'en parle pas dans sa lettre à Ludovic Vitet, président de la Commission. L'écrivain voyageur ne s'en cache pas : il pensait qu'Arcisse de Caumont (natif de Caen et père de l'archéologie française) avait converti sa ville «jusqu'aux marchandes d'huitres» à l'amour de l'art, mais il dut déchanter. Lassé de la «sauvagerie» et du «vandalisme» qu'il a trouvés dans la ville, il n'est sans doute pas rentré dans l'église Saint-Sauveur, sinon il est probable qu'il aurait laissé à la postérité une appréciation sur ce pont de bois du XVe siècle.
Cette extension vers l'ouest s'accompagna d'autres travaux assez importants qui furent achevés vers 1510 ou un peu après. À la fin du XVe siècle, les dommages de la guerre de Cent Ans se sont estompés depuis une trentaine d'années ; le commerce a repris ; les marchands s'enrichissent. Et, manifestement, la générosité des donateurs alimente les financements.
Deux portes furent créées dans la travée qui s'étend le plus à l'ouest : au nord, on perça un portail assez chiche (qui existe toujours) ; au sud, sur la rue Froide, on érigea un beau portail gothique avec trumeau, archivolte et sculptures. Il est aujourd'hui bien délabré, mais il nous reste la menuiserie des vantaux. L'ancien portail situé sous le clocher fut bouché et remplacé par une verrière à remplage flamboyant.
Autre modification, plus étonnante (mais l'argent ne devait pas manquer) : un nouveau mur gouttereau sur la rue Froide, entre le clocher et le chevet, fut construit dans le prolongement des contreforts du clocher en empiétant de plus d'un mètre sur la rue. Il faut croire que le terrain était propriété de l'église... Quand on abattit l'ancien mur, on créa deux grands arcs qui abritèrent chacun une chapelle latérale. ---»» Suite 5/5.

La façade occidentale avec sa tribune de bois
La façade occidentale avec sa tribune de bois.
Le grand arc qui sépare les deux nefs date du milieu du XVIe siècle.
La tribune de bois a été installée en 1808,
sans doute pour répondre à l'afflux
des fidèles pendant les cérémonies.

Vue d'ensemble des deux chœurs et de la vitrerie créée par l'atelier Max Ingrand
Vue d'ensemble des deux chœurs avec leurs verrières de l'atelier Max Ingrand.

Plan actuel de l'église Saint-Sauveur
Plan 4 : plan actuel de l'église Saint-Sauveur.

Historique de la construction : proposition d'Étienne Faisant en 2015 (5/5).
---»» À tout cela, on ajouta un jubé dans la nef sud et, pour y monter, on inséra un escalier en vis dans le nouveau mur gouttereau qui s'élève le long de la rue Froide. Voir le texte sur l'énigme posée aux historiens par cet escalier. Ajoutons que le jubé fut détruit lors du saccage de l'église par les protestants en 1562 et reconstruit à partir de 1577. Pour Étienne Faisant, ce jubé subsista jusqu'à la Révolution.
La logique veut que ce soit aussi à cette époque, et dans le prolongement des travaux du nouveau mur gouttereau, que l'on transforme, au sud, le chevet plat en une abside gothique à trois pans. Étienne Faisant place ces travaux dans les années 1510. Chaque pan se compose d'une grande lancette et d'une petite verrière basse. Ces fenêtres sont ornées aujourd'hui d'une vitrerie créée par l'atelier Max Ingrand.
Les trois fenêtres basses avaient-elles une utilité particulière ? En 1940, un article dans le Bulletin de la Société des antiquaires de Normandie émit l'idée que ces lieux étroits servaient de logettes à des reclus volontaires. Certes, la rue Saint-Pierre est très animée et, pour leur nourriture, les reclus dépendaient totalement de la générosité des passants. Mais un reclus vit dans la solitude et le refus du monde. Dès lors pourquoi une fenêtre aussi large et un aussi beau remplage ? Enfin, vivre isolé du monde, ce n'est pas faire du compagnonnage à trois, même si chacun est séparé des autres par une cloison de pierre. Il semble qu'il y ait eu confusion, dans des documents anciens, entre les logettes de reclus et les boutiques de marchands dressées devant l'abside (boutiques appelées loges) et dont la présence est attestée dès 1559. Comme l'écrit Étienne Faisant, cette idée de reclus, que rien ne vient confirmer, doit être écartée. Il peut s'agir, comme il le suggère encore, d'une ancienne sacristie. Les loges seront détruites en 1873.
La sixième et ultime étape intervient dans les années 1540. C'est la transformation du chevet nord en une abside à trois pans, fortement inspirée de celle de l'église Saint-Pierre. Cette abside est abusivement appelée «abside Saint-Eustache». En effet, un document de la fin du XVIe siècle, cité par Étienne Faisant, nous apprend qu'un autel dédié à ce saint se trouvait dans une chapelle latérale nord et qu'il avait été «rapproché» du maître-autel et placé dans le nouvel hémicycle. C'était donc une chapelle et non pas un chœur baignant dans une abside Renaissance. Qui a réalisé cette abside ? En 1883, dans son article Promenade dans Caen rédigé pour le Congrès archéologique de France, Eugène de Beaurepaire, secrétaire général de la Société archéologique, avance sans sourciller le nom d'Hector Sohier, auteur attesté de l'abside de l'église Saint-Pierre. Mais, pour l'église Saint-Sauveur, aucun document ne le confirme. Prudent, Étienne Faisant se contente donc du minimum : la chapelle Saint-Eustache «fut élevée sous la direction d’un architecte qui n’avait pas dirigé le chantier de Saint-Pierre, mais qui s’est simplement inspiré de différents motifs qu’il avait pu y voir.»
Sources : 1) L’église Notre-Dame-de-Froide-Rue (aujourd'hui Saint-Sauveur à Caen) par Étienne Faisant, Les Annales de Normandie, 2015 ; 2) Caen, Architecture et Histoire par Philippe Lenglart, 2008.

LA NEF Ouest (SUD LITURGIQUE)
La nef gothique «Sud» vue depuis l'entrée sur  la rue Froide
La nef gothique «sud» vue depuis l'entrée sur la rue Froide.

Architecture intérieure des deux nefs (1/2).
L'église n'a qu'un seul niveau d'élévation. Les deux voûtes en berceau dégagent beaucoup d'espace en hauteur et les grandes baies à remplage flamboyant apportent l'indispensable lumière.
L'élément architectural le plus intéressant est évidemment le grand arc de séparation (ou de liaison) entre les deux nefs. Percé au début du XVe siècle dans l'ex-mur gouttereau de la nef «sud», ses moulures prismatiques se retrouvent dans les deux autres arcs de séparation. Le visiteur attentif remarquera la faible hauteur des arcs sous les quatre murs porteurs du clocher. Compte tenu du poids que ces murs ont à soutenir, il ne faut pas en briser la robustesse.
Le long des élévations «nord» et «sud» s'aligne une série de chapelles latérales, parfois larges, mais toujours très peu profondes. Dans quelques-unes d'entre elles, on voit d'ailleurs encore la piscine (photo plus bas). (Rappelons que, dans les vieilles églises, la piscine était un petit vide creusé dans la pierre où l'officiant se purifiait les mains après l'offertoire.) La superficie dévolue à l'église était réduite et la population de la paroisse, comme l'indiquent d'anciens documents, s'accroissait au fil des siècles. Le chapitre devait veiller à pouvoir accueillir tout le monde lors des cérémonies. Donc pas de chapelle un peu profonde qui aurait obligatoirement réduit l'espace disponible pour la nef.
Une tribune de bois, datée de 1808, s'élève le long de la façade occidentale. Selon un arrest notable du Parlement de Normandie de 1749, cité par Étienne Faisant dans son étude parue dans les Annales de Normandie en 2015, il y avait auparavant à cet endroit un banc de la Conférie de la Charité. ---»» Suite 2/2 plus bas.

Nef gothique au «Sud» : Élévation et chapelles  latérales
Nef gothique au «Sud» : Élévation et chapelles latérales.
La baie de gauche est décentrée par rapport à l'arcature qui la reçoit. Même chose pour la baie du milieu.
Chapelle latérale. Le statut de chapelle se reconnaît  à la présence de la piscine
Chapelle latérale.
Le statut de chapelle se reconnaît à la présence d'une piscine (flèche).
Nef gothique : l'une des deux arcades qui soutiennent le clocher
Nef gothique : l'une des arcades qui soutiennent le clocher.
«L'Éducation de la Vierge», statue de pierre attribuée à Guillaume Brodon, XVIIe siècle
«L'Éducation de la Vierge»
Statue de pierre attribuée à Guillaume Brodon,
XVIIe siècle.
Copie de la Transfiguration de Raphaël
Copie de «La Transfiguration» de Raphaël
XVIIIe siècle ?
Statue de saint Joachim sur son pied gothique
Statue de saint Joachim sur son pied gothique.
Reste de frise florale gothique près de la statue de saint Joachim
Reste de frise florale gothique
près de la statue de saint Joachim.
Vitrail contemporain de l'atelier Max Ingrand
Vitrail contemporain de l'atelier Max Ingrand.
«L'Éducation de la Vierge», statue de pierre attribuée à Guillaume Brodon, XVIIe siècle, détail
«L'Éducation de la Vierge»
Statue de pierre attribuée à Guillaume Brodon,
XVIIe siècle, détail.
Chapelle latérale Saint-Joseph dans la nef gothique
Chapelle latérale Saint-Joseph dans la nef gothique.
«La Fuite en Égypte», tableau de Louis Dorigny (1654–1742)
«La Fuite en Égypte», tableau de Louis Dorigny (1654-1742).
Nef gothique : la voûte sous le clocher avec l'ouverture pour le passage des cordes
Les voûtes d'ogives sous le clocher avec l'ouverture pour le passage des cordes.
Les deux petites fenêtres sur la droite (en direction de l'ouest géographique)
datent vraisemblablement d'un premier clocher, moins imposant que le clocher actuel.
L'abside de la nef gothique (XVe siècle)
L'abside de la nef gothique (XVe siècle).
Des historiens ont émis l'idée que les trois fenêtres basses
correspondaient à des logettes pour reclus volontaires.
La Vierge dans «la Fuite en Égypte» de Louis Dorigny (1654–1742), détail.
La Vierge dans «la Fuite en Égypte»
de Louis Dorigny (1654-1742), détail.
Le maître–autel de la nef gothique et son soubassement sculpté datent de 1875
Le maître-autel de la nef gothique et son soubassement sculpté datent de 1875.
Abside de la nef gothique : les statues des quatre évangélistes (Marc, Jean, Luc et Matthieu) accompagnent la vitrerie de Max Ingrand
Abside de la nef gothique : les statues des quatre évangélistes (Marc, Jean, Luc et Matthieu) accompagnent la vitrerie de Max Ingrand.
Seule une photo avec un flash doux permet de saisir à la fois les statues et les vitraux.
Voir la verrière NORD dans les mêmes conditions de photographie.
Statue de Saint Marc dans l'abside gothique
Statue de Saint Marc
dans l'abside gothique.
Vitraux de Max Ingrand dans l'abside gothique
Vitraux de Max Ingrand dans l'abside gothique.
De gauche à droite : Nativité, Résurrection, Jésus au jardin des Oliviers

Statue de Saint Matthieu dans l'abside gothique ---»»»
Statue de saint Mathieu dans l'abside gothique

Les vitraux de Max Ingrand.
Dans les années 1950 et 1960, cet atelier parisien, à la griffe si caractéristique, fut souvent sollicité pour vitrer une église, totalement ou partiellement. Le style de ses verrières historiées, parfois jugé un peu enfantin, a fait polémique et bien des historiens du vitrail ne l'aiment pas. Ainsi, le gros ouvrage Vitrail, Ve-XXIe siècle, paru aux éditions du Patrimoine en 2014 se contente tout juste de mentionner l'existence de cet atelier sans y adjoindre le moindre exemple de ses créations.
Max Ingrand (1908-1969) créait lui-même tous les dessins des vitraux de son atelier. Mais, à force de les voir dans les églises, de les comparer, de les scruter de près dans les photographies, on peut penser qu'il était peut-être plus doué pour les grandes verrières que pour les petites. Ses réalisations de 1953 pour les petites fenêtres de l'église parisienne de Saint-Pierre-de-Montmartre ont été dénigrées par le clergé : on jugeait (à bon droit d'ailleurs) qu'ils cassaient l'atmosphère romane de ce lieu du XIIe siècle. En revanche, les grands vitraux historiés pour l'église Saint-Sauveur, présentés dans cette page, sont remarquables dans leur conception abstraite et leur assemblage de plans. C'est notamment le cas pour les trois épisodes de la Vie de la Vierge dans l'abside Renaissance. Ils sont peut-être parmi les plus beaux sortis de cet atelier. Cependant, les opposants verront toujours dans les visages un regrettable aspect «bande dessinée pour enfant». Voir un exemple plus bas dans un extrait de la Dormition.
La cathédrale Notre-Dame de Rouen présente une belle et imposante verrière de Max Ingrand sur le thème des moissons dans la chapelle Sainte-Colombe. Enfin, tout le style de cet artiste se retrouve dans l'immense vitrerie circulaire qui décore majestueusement l'église moderne de Saint-Pierre à Yvetôt, en Haute-Normandie. On pourra d'ailleurs y lire un long développement sur la polémique Ingrand dans les années 1950-60.
À l'église Saint-Sauveur, les vitraux Max Ingrand des deux absides sont séparés par d'anciennes statues d'anges ou d'évangélistes, toutes placées sous des dais magnifiques. Mais l'orientation de l'église pose problème aux visiteurs car ces absides sont pratiquement plein sud. Autrement dit, si le temps est nuageux, l'intérieur de l'édifice est sombre et la pénombre empêche d'admirer en même temps les statues et les vitraux. Si le temps est clair, le fort contre-jour rend les statues quasiment invisibles... On donne ici des photos obtenues avec un flash doux, seul moyen de capter l'ensemble et de l'apprécier... sur un écran d'ordinateur.

La Résurrection, partiel (Max Ingrand)
La Résurrection, partiel (Max Ingrand).
Les Anges musiciens de la Nativité (Max Ingrand)
Les Anges musiciens de la Nativité (Max Ingrand).
La Nativité (Max Ingrand)
La Nativité (Max Ingrand).
Jésus au jardin des Oliviers, partiel (Max Ingrand)
Jésus au jardin des Oliviers, partiel (Max Ingrand).
La nef gothique vue depuis le chœur de la nef «Nord» Chemin de croix, station I : Jésus est condamné
Chemin de croix
station I :
Jésus est condamné.

«««--- À GAUCHE

La nef gothique vue
depuis le chœur de la nef «Nord».

Le grand arc de jonction entre
les deux nefs est une des curiosités
de l'église Saint-Sauveur.

À droite, l'arc de jonction médian
est plus modeste : il faut soutenir
l'imposant clocher.
LA NEF Est (NORD LITURGIQUE)
Vue d'ensemble de la nef du XIVe siècle et de son abside Renaissance refaite au XVIe siècle
Vue d'ensemble de la nef de la fin du XIVe siècle et de son abside Renaissance refaite au XVIe siècle.
Dais de style Renaissance près de l'abside
Dais de style Renaissance près de l'abside «Nord».
Monument funéraire avec tête de mort sur le mur d'une chapelle latérale
Monument funéraire avec tête de mort sur le mur d'une chapelle latérale.
Élévation du côté «Nord» et ses chapelles peu saillantes.
Élévation du côté «Nord» et ses chapelles peu saillantes.
Les colonnettes s'arrêtent brutalement : la voûte en pierre
prévue n'a pas été construite.

«La Pentecôte» ---»»»
Tableau anonyme
XVIIIe siècle ?

Architecture intérieure des deux nefs (2/2).
---»» Étienne Faisant rappelle en note l'importance de la démographie de la paroisse : «L’édifice demeurait encore cependant trop petit au XVIIIe siècle puisque l’on ne pouvait pas alors trouver la liberté du passage dans l’ordre des Processions, et qu’il falloit se frayer dans l’église même, une route oblique pour y pouvoir marcher avec décence et sûreté [arrest de 1749], si bien qu’il fallut au début du XIXe siècle aménager à l’ouest une grande tribune.»
C'est vraisemblablement aussi pour cette raison, comme le souligne en note l'historien, qu'au XVIIIe siècle on installa des bancs dans une petite tribune élevée à hauteur de la quatrième travée du mur gouttereau nord.
Dans les deux absides, les grandes verrières de Max Ingrand brillent de mille feux. Au sud, la verrière, moins large que celle du nord, se présente en deux niveaux. Les trois petites baies à remplage de la partie inférieure ont longtemps intrigué les historiens. Certains y ont vu des logettes médiévales pour reclus volontaires. Si cette hypothèse doit être écartée (voir la cinquième partie de l'historique de la construction), il n'en reste pas moins que l'utilité de ces baies n'a pas reçu de réponse ferme.
Quand on additionne tous ses éléments architecturaux, souvent étonnants, parfois bizarres ou mystérieux, l'église Saint-Sauveur, comme l'écrivait Eugène de Beaurepaire en 1883 dans Promenade à Caen, est bien «l'une des constructions les plus étranges que l'on puisse rencontrer». Ceux qui aiment l'architecture apprécieront l'immense arc entre les deux nefs. Ceux qui aiment l'Histoire y trouveront des traces tangibles de l'impact de l'accroissement démographique d'une paroisse au cours des siècles.

Élévation du côté «Nord»
Élévation du côté «nord».
Vitrail à thème floral de l'atelier Max Ingrand
Vitrail à thème floral de l'atelier Max Ingrand.
Cet arc de jonction entre les deux nefs est bas car le mur doit soutenir le clocher
Cet arc de jonction entre les deux nefs a été construit
volontairement bas car le mur doit être assez robuste
pour soutenir le clocher.
«La Pentecôte», tableau anonyme (XVIIIe siècle  ?)
Vue d'ensemble de la nef depuis l'entrée dans la nef «Nord»
Vue d'ensemble de la nef depuis l'entrée dans la nef «nord».
Porte en accolade dans l'élévation «Nord»
Porte en accolade du XIVe siècle
dans l'élévation «nord».
Abside Renaissance de la nef «Nord» : statues d'anges et vitrerie de Max Ingrand
Abside Renaissance de la nef «nord» : les statues d'anges sous leur dais Renaissance accompagnent la vitrerie de Max Ingrand.
Comme pour l'abside gothique au «Sud», seule une photo avec un flash doux permet de saisir à la fois les statues et les vitraux.
Voir la verrière SUD dans les mêmes conditions de photographie.
L'archange Gabriel sous son dais dans l'abside Renaissance
L'archange Gabriel sous son dais dans l'abside Renaissance.
L'archange Michel dont la lance est cassée
L'archange Michel et sa lance.
Vitrail de la Dormition, détail (atelier Max Ingrand)
Vitrail de la Dormition, détail (atelier Max Ingrand).
Frise typique du style Renaissance dans l'abside «Nord», refaite au XVIe siècle
Vitrail de l'Assomption, détail (atelier Max Ingrand)
Vitrail de l'Assomption, détail (atelier Max Ingrand).
Vue d'ensemble des deux nefs depuis l'abside «Sud»
Vue d'ensemble des deux nefs depuis l'abside «Sud».
«««--- Frise typique du style Renaissance dans l'abside «nord», refaite au XVIe siècle.
Vitraux de Max Ingrand dans l'abside Renaissance
Vitraux de Max Ingrand dans l'abside Renaissance.
De gauche à droite : l'Annonciation, l'Assomption et la Dormition.
Culot avec bonhomme accroupi dans une tombée d'arcade latérale
Culot avec bonhomme accroupi
dans une tombée d'arcade
sur le côté «nord».
Vue d'ensemble de la nef du XIVe siècle
Vue d'ensemble de la nef du XIVe siècle.
Vitrail de l'Annonciation, détail (atelier Max Ingrand)
Vitrail de l'Annonciation, détail (atelier Max Ingrand).
Vitrail de la Dormition, détail (atelier Max Ingrand)
Vitrail de la Dormition, détail (atelier Max Ingrand).
Vue d'ensemble des deux nefs depuis l'autel de messe
Vue d'ensemble des deux nefs depuis l'autel de messe.
Au début du XVIe siècle, pour que la grande verrière de la paroi occidentale
reçoive assez de lumière, il a fallu modifier la toiture de la maison d'en face.

Documentation : Congrès archéologique de France tenu à Caen en 1883
+ Congrès archéologique de France tenu à Caen en 1908, article de Louis Serbat
+ «L’église Notre-Dame-de-Froide-Rue (aujourd'hui Saint-Sauveur à Caen)» par Étienne Faisant, Les Annales de Normandie, 2015
+ «Caen, Architecture & Histoire» par Philippe Lenglart, éditions Charles Corlet, 2008
+ «Statistique monumentale du Calvados», tome 1, Arcisse de Caumont, réédition de 2018
+ «Dictionnaire des églises de France», éditions Robert Laffont, 1968
+ «La naissance des Monuments Historiques, correspondance de Prosper Mérimée avec Ludovic Vitet», éditions du CTHS,1988.
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