|
|
|
--»»» Le 11 novembre
1635, lors de la guerre de Trente Ans (1618-1648), la soldatesque
mit à sac Saint-Nicolas-de-Port. L'église fut incendiée,
toute la charpente disparut dans les flammes. Soldats français
? suédois ? les deux réunis ? Les historiens n'ont
aucune certitude. Toujours est-il qu'il faudra un demi-siècle
pour réparer la toiture. On organisa des quêtes dans
toute la province ; le duc offrit les ardoises ; dès 1636
toutefois, le roi Louis XIII avait promis dix mille livres et donné
trois cents pieds d'arbres pour reconstruire la charpente. Les bulbes
qui couvrent les tours seront construits dans le courant du XVIIe
siècle.
Sous la Révolution, l'édifice n'eut pas trop à
souffrir. En 1790, le prieuré fut supprimé. L'église
devint une simple paroisse, puis fut déclarée temple
de la Raison. Mais tous les objets d'or et d'argent du trésor,
dont le bras reliquaire offert par le roi René Ier d'Anjou,
furent envoyés à la fonte.
En dépit des réticences de Prosper Mérimée,
Saint-Nicolas est classée dès 1840 sur la liste des
Monuments historiques. Ce grand homme de lettres, considéré
aujourd'hui comme l'un des rares piliers de la sauvegarde du patrimoine
dès la première moitié du XIXe siècle,
n'avait que dédain pour ces édifices construits, à
ses yeux, à «une époque de décadence».
En 1905, la Loi de Séparation de l'Église et de l'État
provoqua quelques tumultes ; une douzaine de pièces précieuses
du trésor furent volées. Vrai vol ou vol de précaution
? Voir à ce sujet l'encadré
et les révélations d'un article de l'Est républicain.
La première guerre mondiale épargna l'église,
mais pas la seconde. Le 18 juin 1940, un duel d'artillerie pour
la possession du pont sur la Meurthe eut des conséquences
fâcheuses. Des obus français frappèrent l'édifice
sur deux travées sud de la nef, faisant s'effondrer une partie
de la voûte et l'un des piliers. Heureusement pour la sauvegarde
du patrimoine, les vitraux du XVI siècle, comme en 1914,
avaient été déposés. Ceux du XIXe siècle,
non classés, étaient restés en place, et la
plupart furent soufflés par les explosions. La reconstruction
dura jusqu'en 1951. L'année précédente, le
pape Pie XII avait érigé l'église au rang de
basilique.
En 1983, tomba du ciel l'incroyable legs
de 7 millions de dollars de madame Camille Croué-Friedman
au profit du monument. On put engager un grand nombre de restaurations
sur un édifice qui en avait bien besoin. Les élévations
des tours, sapées par l'incendie de 1635, purent enfin être
consolidées. Les travaux arrivèrent à leur
terme vers l'an 2000.
À l'heure actuelle, Saint-Nicolas est une grande église
très claire, très lumineuse qui demandera pas mal
de temps aux visiteurs intéressés par les vitraux
du début du XVIe siècle : ceux-ci demeurent la première
richesse de la Grande Église. Après la cathédrale
de Metz, c'est la basilique Saint-Nicolas qui en compte le plus
en Lorraine.
|
|
Cette page traite du chur, des
vitraux de l'abside
et des absidioles,
des verrières
des bas-cotés et de la façade
ouest.
En page
1 : l'architecture de l'église, son ornementation, ses
vitraux modernes + texte sur les vitraux.
En page
3 : les chapelles nord et leurs verrières.
En page
4 : les chapelles sud et leurs verrières.
|
LE CHUR DE LA BASILIQUE SAINT-NICOLAS
|
|
Le chur et ses grandes verrières du XVIe siècle. |
Vue des stalles de 1728. |
Le sanctuaire de la basilique Saint-Nicolas et ses trois hautes
verrières à deux lancettes.
La voûte en étoile est le point de jonction des
élégantes moulures qui s'élèvent
depuis le soubassement. |
Les
stalles. Datées de 1728, elles sont
en chêne sculpté. Elles servaient bien
sûr aux moines bénédictins qui géraient
les offices et le pèlerinage. La tradition fait
état d'un souterrain reliant le chur au
couvent et qui aurait permis aux moines de rester à
l'écart de l'animation créée par
les pèlerins. On voit encore une faible trace
de ce passage près de l'autel du Sacré-Cur.
Quoi qu'il en soit, il a dû être muré
au XVIIIe siècle.
Les boiseries comportent des médaillons où
sont sculptés en bas-relief le Bon Pasteur, les
évangélistes et quelques scènes
classiques du Nouveau Testament (Baptême du Christ,
Jésus au jardin des Oliviers). Inutile que préciser
que, si elles avaient contenu à l'origine quelques
armoiries, les révolutionnaires se seraient faits
un malin plaisir à tout marteler.
Puisque la basilique est ornée de nombreuses
fresques murales sur les piles, il est tout à
fait possible qu'il y en ait aussi qui soient cachées
derrière les boiseries. C'est une idée
intéressante émise par l'association Connaissance
et Renaissance de la basilique.
Source : «La basilique
de saint Nicolas en Lorraine», Association Connaissance
et Renaissance de la Basilique, 1979.
|
|
|
Architecture
du chur. Le chur de Saint-Nicolas
se compose d'un sanctuaire, de deux absidioles et de
deux travées. Quatre chapelles latérales
barlongues lui sont ainsi rattachées (voir plan).
Le tout est d'une très grande clarté,
ce que la photographie sans lumière artificielle
du sanctuaire donnée ci-dessous
montre mieux encore : trois grandes fenêtres à
deux lancettes (baies 101,100
et 102)
éclairent un vaste espace où trônent
le maître-autel en marbre du XVIIIe siècle
et, au premier plan, l'autel de messe, une uvre
du sculpteur Anthonioz consacrée en 1996.
Dans le sanctuaire, les fenêtres reposent sur
un haut soubassement, en très grande partie caché
par les stalles
de 1728. Quant à l'élévation, elle
prend la forme de très élégantes
moulures qui se rejoignent en étoile sous la
voûte. Le point le plus intéressant demeure
la coursière champenoise qui parcourt
toute l'abside et les absidioles, comme d'ailleurs tout
l'édifice. Les piliers ne l'interrompent pas
puisque des passages dits «champenois»
permettent à un homme de se faufiler dans la
pierre. Signalons que cette coursière fut mise
à profit pendant les amples restaurations de
la fin du XXe siècle entreprises grâce
au legs
Croué-Friedman.
Les deux travées du chur, qui furent les
deux premières construites, signent le type d'élévation
de tout l'édifice. Il est à deux niveaux
avec, au premier, des grandes arcades en tiers point
qui retombent dans des piles cylindriques par des nervures
à pénétration ; au second, des
grandes fenêtres garnies de verre blanc qui occupent
tout l'espace entre les retombées des voûtes
(ce qui est rare en Lorraine). Ce modèle sera
appliqué à l'ensemble des travées.
Les historiens ne sont pas unanimes sur les monuments
qui ont influencé l'architecture de ce chur.
Dans l'ouvrage publié par l'association locale
Connaissance et Renaissance de la basilique en
1979, Fabien Roussel veut y voir l'influence troyenne
et notamment celle de la basilique Saint-Urbain.
Il fait le lien en la personne de Michel Robin, maître-maçon
présent à la fois à Saint-Nicolas-de-Port
et à Troyes
au début du XVIe siècle. Mais la plupart
des autres, comme Pierre Sesmat pour le Congrès
archéologique de France tenu en Lorraine
en 2006, y décèlent tout simplement l'influence
touloise. La Lorraine était éprise d'un
fort sentiment «national», que l'on pourra
qualifier ici de «ducal». S'inspirer de
la cathédrale
de Toul, c'était rester dans le cadre strictement
lorrain et refuser l'influence française. C'était
aussi rejeter l'idée d'un déambulatoire
avec chapelles rayonnantes, une structure jugée
trop française et adoptée, en Lorraine,
uniquement à la cathédrale de Metz.
Se contenir dans le cadre lorrain n'empêchait
pas les rivalités. Les concepteurs de Saint-Nicolas
ont vu grand dès le début puisque les
voûtes s'élèvent à trente
mètres au-dessus du sol, plus haut qu'à
la cathédrale
de Toul de l'époque. Ce qui entraîna
les Toulois dans un sursaut d'orgueil. «C'est
probablement pour ne pas être distancés
que les maîtres d'uvre de la cathédrale
de Toul optent après coup pour un surhaussement
du chur de leur église (à même
hauteur que celles de la nef)», écrit l'historienne
Suzanne Braun dans Lorraine gothique aux éditions
Faton.
Sources : 1) «Lorraine
gothique» de Marie-Claire Burnand, éditions
Picard, 1989 ; 2) «La basilique de saint Nicolas
en Lorraine», Association Connaissance et Renaissance
de la Basilique, 1979 ; 3) «Congrès archéologique
de France, Nancy et Lorraine méridionale»,
2006, article de Pierre Sesmat ; 4) Lorraine gothique
de Suzanne Braun, éditions Faton, 2013.
|
|
Porte et ornementation dans les stalles (année 1728). |
|
Le maître-autel du XVIIIe siècle et les boiseries du
chur.
Au premier plan à droite, l'autel de messe, créé
par l'artiste Anthonioz, a été consacré en 1996. |
Les verrières 101, 100 et 102 de l'abside.
Le registre du bas est le plus intéressant de tous.
Le donateur, le duc René II, est à gauche,
son fils Antoine est à droite. Ils entourent une Annonciation. |
Les vitraux
de l'abside - baies 100, 101 et 102 (1/2). D'une
hauteur de 20,40 mètres, ce sont les vitraux les plus
imposants de l'église. Malheureusement, comme ils se
trouvent dans le sanctuaire, il est impossible de s'en approcher.
Les voyant de loin, le visiteur aura plutôt tendance
à privilégier les vitraux des fenêtres
des bas-côtés et ceux, presque à portée
de main, des chapelles. Pourtant, avec une paire de jumelles
ou un téléobjectif, on peut admirer quelques
belles réalisations du XVIe siècle, dont quelques
très beaux visages.
C'est vers la fin de son règne que René II (duc
de Lorraine de 1473 à 1508) finance les verrières
des trois baies de l'abside selon un programme iconographique
laissé libre. Pour ce faire, il appelle un maître
verrier très talentueux, Nicolas Droguet de
Lyon qui s'installe au Port, vraisemblablement vers 1505.
Quand le duc René s'éteint en 1508, le travail
n'est pas achevé. Nicolas Droguet, pour une raison
qui reste mystérieuse, quitte la ville en 1510. Georges
Millereau dit «le verrier» achève sa
tâche, associé à un autre verrier, Jacot
de Toul.
Nicolas Droguet est regardé par les historiens du vitrail
comme plus talentueux que Georges Millereau et Jacot de Toul.
C'est pourquoi son style a fait l'objet d'une analyse plus
fine. Ce qui frappe le plus chez lui, c'est sa maîtrise
du travail à la grisaille, autrement dit l'art
de dessiner les visages avec l'expression recherchée.
Ce travail n'a rien de facile et interdit toute erreur, tout
comme la sculpture que Michel-Ange, dans l'ordre des arts,
plaçait avant la peinture parce que, elle aussi, interdit
toute erreur. Travailler à la brosse sur un vitrail
pour donner vie aux formes et retirer trop de matière
est rédhibitoire. Mais, à lire Michel Hérold,
Nicolas Droguet était un maître. «Sa technique,
écrit l'historien pour le Corpus Vitrearum,
est à la fois très précise et inventive
: un lavis de fond brun-roux très chaud, des éclaircis
à la brosse judicieusement placés et quelques
traits de grisaille brune pour dessiner la bouche, le contour
du nez, la forme de l'il, donnent naissance à
un visage. Nicolas Droguet joue aussi sur plusieurs nuances
de grisailles souvent très colorées, grisaille
brun-noir pour les yeux, grisaille carmin pour les lèvres.
Des traits en hachure de grisaille brune animent les ombres,
d'autres, plus libres, en pointillés, en virgules,
ou en S, suivent le modelé du visage.»
Ajoutons à ce bagage professionnel l'harmonie d'une
palette de couleurs très étendue incluant des
verres précieux et rares. Ajoutons aussi des coupes
complexes comprenant de nombreuses pièces montées
en chef-d'uvre, et l'on obtiendra la riche panoplie
technique qui explique les uvres de très haute
qualité de Nicolas Droguet.
Revenons à l'histoire. Par chance, l'incendie de 1635
épargne les grands personnages qui se dressent dans
les panneaux des baies. Et la Révolution n'y touchera
pas non plus. Cependant, le temps faisant son uvre,
vers le milieu du XIXe siècle on s'aperçoit
que leur état s'est bien dégradé. Les
trois restaurations qui vont suivre conduiront, entre autres,
à la création de nouveaux panneaux, sans toutefois
remettre en question l'aspect général des baies.
En 1850, une première restauration, confiée
au verrier Napoléon Rives et au cartonnier Désiré
Laurent, se révèle insuffisante. Le duo
recrée d'ailleurs deux apôtres dans le registre
supérieur de la baie
102 : les deux saints, Vincent de Paul et François
de Sales, s'y dressent dans la pure tradition de la vitrerie
du XIXe siècle, en opposition de style flagrante avec
le reste. Le duel d'artillerie de juin 1940, frappant le côté
sud de l'édifice, les réduira en miettes. Il
nous en reste des photos en noir et blanc.
Une deuxième restauration intervient vers 1854-1855,
menée par Marcellin le Forestier, peintre verrier à
Saint-Nicolas-de-Port et qui est aussi l'auteur de la grande
verrière du Décalogue dans la baie
112. À nouveau, on assiste à un remplacement
de pièces et à la création d'un nouveau
registre associant saint Simon et saint Jacques le Majeur
dans le haut de la baie
102, registre détruit, lui aussi, en juin 1940.
Cependant, dans les années 1880, l'état des
baies ne cesse d'alarmer les experts : les meneaux, la mise
en plomb et les armatures ne font plus que de la figuration.
Pis, un vent violent jette même à bas tout un
panneau. La Commission des Monuments historiques sollicite
alors le savoir-faire des verriers Steinheil et Bonnot.
Entre 1888 et 1894, les verrières subissent donc une
troisième restauration. «De nombreuses pièces
ont été remplacées, écrit Michel
Hérold pour le Corpus Vitrearum, et plusieurs
panneaux refaits à neuf, douze dans la baie
100, six dans la baie
101, treize dans la baie
102, avec tous les panneaux des tympans.» Précisons
que «refaits», ici, veut dire «restaurés».
---»»»
Suite 2/2.
|
|
ABSIDE - BAIE 100 (AXIALE)
|
|
Baie 100, registre 5 : Saint Barthélemy
et saint Matthieu
(ou Matthias) qui tient une hache et un livre.
Atelier Jacot de Toul, vers 1505. |
Baie
100. C'est la verrière axiale,
donc la plus importante de l'église. Hormis
le registre supérieur avec le duo saint
Pierre-saint Paul et le tympan (retravaillés
ou créés au XIXe siècle et
non donnés ici), les registres peuvent
être attribués dans leur ensemble
à Nicolas Droguet et Jacot de
Toul, peintres verriers qui travaillèrent
pour l'église au tout début du XVIe
siècle.
Au premier registre, et bien visible par les pèlerins,
trône une Annonciation de Nicolas Droguet.
La scène veut rappeler la victoire du donateur,
le duc René II, à la bataille de
Nancy
en 1477 car une Annonciade figurait sur l'étendard
ducal. On remarquera le regard de la Vierge, visiblement
effarouchée par l'apparition de l'ange
(photo ci-dessus à droite).
Juste au-dessus se tiennent deux saintes «provençales»
: Marthe et Marie-Madeleine. Selon la légende,
les deux surs, avec leur frère Lazare,
seraient venues en Provence pour évangéliser
la contrée. Avec ces deux figures, le duc
veut marquer son intérêt pour l'héritage
de son grand-père, le roi René d'Anjou.
Source : «Les vitraux
de Saint-Nicolas-de-Port», Corpus Vitrearum,
Michel Hérold, 1993.
|
|
|
Baie 100, registre 1 : La Vierge de l'ANNONCIATION.
Atelier de Nicolas Droguet
Vers 1505.
On lit dans l'auréole jaune :
«(AVE) MARIA GRATIA PLENA DO(MINUS TECUM)» |
Baie 100, registre 1 : L'ange de l'ANNONCIATION.
Atelier de Nicolas Droguet
Vers 1505. |
|
Baie 100, registre 2 : Sainte Marthe et sainte Marie-Madeleine.
Atelier de Nicolas Droguet, vers 1505. |
|
Baie 100, registre 4 : La Vierge à l'Enfant et
l'Éducation de la Vierge.
Atelier de Nicolas Droguet, vers 1505..
Les têtes de la Vierge (enfant et mère) sont modernes. |
Baie 100, registre 1 : L'ange de l'ANNONCIATION et Marie.
Atelier de Nicolas Droguet.
Vers 1505. |
Baie 100, registre 2 : le dais qui surmonte Marie-Madeleine
a tout d'une abside d'église avec ses trois verrières.
Atelier de Nicolas Droguet, vers 1505. |
|
|
Baie 101, registe 6 : Saint André et saint Matthieu
(?)
La partie supérieure du saint André et son dais sont
du XIXe siècle. |
Baie 101, registre 2 : Saint Grégoire le Grand et saint
Jérôme.
Atelier de Georges Millereau
Vers 1510. |
Baie 101, registre 4 : Sainte Marguerite d'Antioche
et sainte Geneviève avec un mouton.
Atelier de Georges Millereau
Vers 1510. |
Le duc René II : ses mains, sa bague et son livre.
Atelier Nicolas Droguet, vers 1510. |
Les
vitraux de l'abside - baies 100, 101 et 102 (2/2).
---»» Le travail a été bien
fait parce que, vu de la croisée du transept,
on ne s'en aperçoit pas. Michel Hérold
le confie lui-même : «La grande majorité
des figures conserve heureusement une bonne proportion
de pièces anciennes, assurant l'authenticité
de la plupart des compositions.» Soulignons que
les restaurateurs ont respecté la griffe de Nicolas
Droguet et de ses successeurs. Même les quatre
saints, très modernes, réalisés
par l'atelier Claude Courageux pour la baie
102 en 1998, s'intègrent parfaitement dans
l'ensemble. Le tout reste conforme à la tradition
verrière de la fin du Moyen Âge : de grandes
figures placées dans des niches d'architecture
gothique entre soubassement et dais, entourées
de deux piliers. La basilique Saint-Urbain
à Troyes
est l'une des églises qui ont lancé, vers
la fin du XIIIe siècle, cette nouvelle façon
de concevoir les verrières.
Comme souvent, le registre le plus riche de sens est
celui du bas : celui que les pèlerins distinguaient
le mieux. C'est pourquoi l'on y trouve les donateurs
: au nord, le duc René II, accompagné
de saint Nicolas et, au sud, son fils Antoine, lui-même
accompagné de saint Antoine de Padoue. Tous quatre
encadrent une Annonciation. La volonté du duc
est ainsi clairement exprimée : rappeler que
sur son étendard, qui a brillé à
la bataille de Nancy en 1477, figure une «Annonciade».
Dans les vitraux, les marchands se font souvent représenter
avec femme et enfants. Mais, dans ces grandes baies
du chur, comme le fait remarquer Michel Hérold,
il n'y a pas trace des épouses des princes, à
savoir Philippe de Gueldre et Renée de Bourbon.
«Ce qui compte ici, c'est affirmer la légitimité
de la nouvelle dynastie des Lorraine-Vaudémont
et sa continuité», écrit l'historien.
Le vitrail est utilisé comme une arme politique.
Au-dessus du premier registre, on observe quatre Pères
de l'Église entourant les saintes provençales
du Nouveau Testament, Marthe
et Marie-Madeleine, des saints évêques
non reconnus (peut-être de Toul),
puis des saintes avec Anne et la Vierge. Au troisième
registre, la présence des saints Georges et Antoine
revêt une importance particulière : saint
Georges, c'est le patron de la collégiale à
côté du palais ducal de Nancy
; saint Antoine ermite est le saint patron de l'héritier
du duché.
Au sein des vitraux, une paire de jumelles permet de
voir les dais en gros plan. Ceux peints par Nicolas
Droguet (baies 100 et 102, notamment celui
qui abrite Marie-Madeleine) méritent qu'on
s'y arrête. Le verrier joue avec la pénombre
pour créer l'illusion du relief. Et le résultat
n'est pas banal puisque, dans la baie axiale, cette
illusion de relief fait venir la lumière du nord
! Dans cette même baie, l'artiste dessine de véritables
absides
d'églises en miniature : on aperçoit
nettement trois baies aux remplages flamboyants, vitrées
de losanges en verre blanc.
Source : «Les vitraux de
Saint-Nicolas-de-Port», Corpus Vitrearum, Michel
Hérold, 1993.
|
|
|
Baie
101. Hormis le registre du haut (n°
6), son dais et les anges du tympan, cette baie
est assez bien conservée. Elle est attribuée
à l'atelier de Georges Millereau,
vers 1510. Millereau est souvent identifié
comme étant Georges «le verrier».
L'intérêt de cette baie est de représenter
le donateur, le duc René II, en tenue de
majesté. Il est associé au patron
de l'église, saint Nicolas, qui vient de
ressusciter trois «enfants» (ici trois
clercs tonsurés). Le duc est vêtu
d'une somptueuse robe de brocart jaune doublée
d'hermine, couronne ducale sur la tête,
anneau à un doigt de la main droite. À
genoux et priant, son «échelle»
est même supérieure à celle
du saint. Le soubassement présente les
armoiries du duché tenues par deux angelots.
L'écusson, qui contient plusieurs pièces
montées en chef-d'uvre, rappelle
les prétentions déçues des
ducs de Lorraine sur les quatre royaumes de Hongrie,
de Sicile, de Jérusalem et d'Aragon, ainsi
que sur le duché d'Anjou.
Source : «Les vitraux
de Saint-Nicolas-de-Port», Corpus Vitrearum,
Michel Hérold, 1993.
|
|
Baie 101, registre 1 : Saint Nicolas et
René II de Lorraine, donateur.
Atelier de Georges Millereau, vers 1510. |
|
Baie 101, registre 1 : Saint Nicolas
Atelier de Georges Millereau, vers 1510. |
Baie 101, registre 1 :
Le duc de Lorraine René II (donateur),
Atelier de Georges Millereau, vers 1510.
C'est la seule représentation du duc de son vivant. |
Baie 101, registre 2 : Saint Jérôme, détail.
Atelier de Georges Millereau, vers 1510. |
Baie
101, les lunettes de saint Materne --»»
La photo à droite donne un détail
rare sur un vitrail du début du XVIe siècle
: des besicles. Cet ustensile n'est évidemment
pas un attribut traditionnel du saint. Il faut
plutôt le replacer dans un contexte documentaire.
On peut voir un cas similaire d'un homme qui lit
avec des besicles dans un vitrail Renaissance
de la Mort de la Vierge à l'église
Notre-Dame
de l'Assomption de Villeneuve-sur-Yonne. Voir
aussi un apôtre dans le vitrail de la Dormition
à Notre-Dame à Alençon
et saint Marc à la basilique Saint-Sauveur
à Dinan.
Dans leur maître-ouvrage sur l'iconographie
des saints, (éditions de l'Armateur, 1999),
Bertrand Berthod et Élisabeth Hardouin-Fugier
n'attribuent des lunettes qu'à deux saints
modernes : Maximilien Kolbe, franciscain mort
de faim à Auschwitz en 1941 et Joseph Gérard,
oblat de Marie-Immaculée, missionnaire
mort au Lesotho en 1914. Jacques de la Marche,
franciscain mort à Naples en 1476 est,
quant à lui, dessiné avec un étui
de lunettes à la ceinture.
|
|
|
|
Baie 101, registre 2 : Saint Jérôme, détail.
Atelier de Georges Millereau
Vers 1510. |
Baie 101, registre 3 : Deux évêques non
identifiés.
Peut-être saint Materne de Cologne et saint Ambroise de
Milan.
Atelier de Georges Millereau, vers 1510. |
Baie 101 : les lunettes (ou besicles) de saint Materne.
Atelier de Georges Millereau, vers 1510. |
|
|
Baie
102. Elle accueille le pendant du duc René,
(ce qui est aussi la partie la plus intéressante
de la baie) : son fils Antoine, héritier
du duché, habillé en marquis «du
Pont-à-Mousson». Agenouillé sur
un coussin face à son père, et son heaume
à ses pieds, il se recueille devant un prie-Dieu
en armure de guerre, l'épée au côté.
Sa cote porte les armes de Lorraine.
Le soubassement contient un écusson arborant,
lui aussi, les armes de Lorraine. Comme celui du duc,
il est tenu par deux putti.
Le saint patron du fils héritier était
Antoine ermite, présent dans la même baie
au registre 3 (photo ci-contre). Ici, dans le registre
1, le fils est accompagné de saint Antoine de
Padoue (vitrail moderne à part le chef, l'auréole
et une partie du dais). Le duc René a sans aucun
doute voulu évoquer l'attachement que lui-même
et son fils portaient à l'ordre franciscain qu'ils
n'ont cessé de protéger dans leurs États.
Le registre n°3 (donné ci-contre) offre deux
belles figures réalisées par l'atelier
de Nicolas Droguet : saint Georges terrasse le
démon tandis que saint Antoine ermite chemine
avec sa clochette, sa canne et son cochon.
Le registre 4, restauré et recréé
en partie, présente deux saintes attribuées
au même atelier : sainte
Barbe et sainte Catherine.
Source : «Les vitraux de
Saint-Nicolas-de-Port», Corpus Vitrearum, Michel
Hérold, 1993.
|
|
Baie 102, registre 6 : Deux apôtres.
Atelier Claude Courageux, 1998.
|
|
Baie 102, registre 3 : Saint Georges et saint Antoine
ermite
(avec un cochon à ses pieds).
Atelier de Nicolas Droguet, vers 1508-1510. |
Baie 102, registre 1 : Antoine, marquis du Pont, donateur
et saint Antoine de Padoue.
Antoine est dû à l'atelier de Nicolas Droguet,
vers 1508-1510.
Saint Antoine de Padoue est une création de 1893-1894
des verriers Steinheil et Bonnot. |
|
Baie 102, reg. 4 : Sainte Barbe et sainte Catherine d'Alexandrie.
Sainte Catherine est représentée avec deux roues
symboliques.
Atelier de Nicolas Droguet, vers 1508-1510.
Dans les robes des saintes, seule la partie supérieure
de la robe de sainte Barbe est du XVIe siècle. |
Baie 102 , registre 5 : saint Simon avec sa scie et
saint Jacques le Majeur avec son bâton de pèlerin.
Atelier Claude Courageux, 1998.
Ces panneaux modernes s'intègrent à la perfection
dans l'ensemble de la baie. |
|
Baie 102, détail : Sainte Barbe et sainte Catherine.
Atelier de Nicolas Droguet, vers 1508-1510.
Sainte Barbe est représentée avec la tour au-dessus
du damas violet en arrière-plan.
Le manteau de sainte Catherine est tenu par deux agrafes en forme
de roue en rappel de son supplice. |
LA CHAPELLE ABSIDIALE NORD ET SON VITRAIL
- BAIE 105
|
|
|
L'autel Notre-Dame du XIXe siècle dans la chapelle absidiale
nord. |
Les
vitraux des absidioles et des bas-côtés
(2/2).
--»» Que contenaient les scènes
disparues ? Les historiens sont réduits aux spéculations.
On est certain d'une Transfiguration (partie de la baie
111), d'une Adoration des Mages (partie de la baie
113) ; on peut imaginer, avec Michel Hérold,
une Vie du Christ et une Vie de la Vierge. Auxquelles
viendraient se rajouter des scènes de martyre
: saint Sébastien, sainte Barbe.
Le Strasbourgeois Valentin Bousch semble être
le principal auteur de ces créations artistiques
primitives mises en place, au plus tard, vers 1508-1510.
On trouve aussi la griffe de l'allemand Veit Hirsvogel.
Le reste est attribué, par Michel Hérold,
à deux ateliers inconnus. Ce qui fait, d'après
l'étude des styles, quatre ateliers.
Parmi les donateurs on trouve encore le duc René
II (la présence de ses armoiries l'atteste),
mais surtout la grande noblesse lorraine et les marchands.
L'héraldique, très présente, permet
d'en identifier certains.
Source : «Les vitraux de
Saint-Nicolas-de-Port», Corpus Vitrearum, Michel
Hérold, 1993.
|
|
Baie 105 : Le Martyre de saint Sébastien.
On remarquera l'étrange position du bras gauche du martyr.
L'index de sa main semble désigner le Ciel. |
Baie 105 : Visage isolé sur un fond bleu. |
|
|
Les
vitraux des absidioles et des bas-côtés
(baies 105, 106, 108, 111 et 113) - Généralités
(1/2).
Les vitraux des absidioles (baies 105,
106
et 108)
et les deux vitraux du bas-côté nord (baies
111
et 113)
ont une histoire tragique. Ce ne sont en rien les vitraux
originaux. On sait que la catastrophe viendra par l'incendie
de 1635. Avant cette date, en plus des trois baies l'abside,
il faut imaginer dix-neuf baies et leur vitrerie de
scènes figurées illuminant l'église
d'une lumière chatoyante. De ces dix-neuf baies
on sait seulement, par les sources disponibles, que
leur installation a dû suivre les étapes
de la construction de l'édifice : d'abord le
chur, puis la nef. Le travail a été
rapidement mené. En une quinzaine d'année,
toute la vitrerie était posée.
L'incendie de novembre 1635, allumé par la soldatesque,
a détruit ou gravement endommagé les verrières.
Les couvertures des chapelles latérales et des
deux chapelles à côté des absidioles
(chapelle des fonts et sacristie) consumées par
les flammes, voient disparaître les verrières
avec elles. L'incendie n'épargnera que les baies
de l'abside (101,100
et 102).
Au XVIIe siècle, il est vraisemblable qu'on s'est
contenté des réparations d'urgence : bouche-trous
dans les verrières endommagées et vitrerie
à losanges à la place de celles détruites
par le feu. Vers 1850, époque où le catholicisme
regagne dans la société française
la place qu'il tenait sous l'Ancien Régime, les
curés successifs de Saint-Nicolas se donnent
le droit d'intervenir. Optant pour la méthode
la plus facile, ils font regrouper dans cinq baies,
par le verrier Napoléon Rives et le cartonnier
Désiré Laurent, les lambeaux des vitraux
Renaissance restés en place depuis deux siècles.
Ceux des chapelles latérales bénéficieront
d'une méthode plus respectueuse de l'art qui
cherchera à restituer le vitrage ancien.
Le résultat de ce travail d'agrégations
aboutit évidemment à une catastrophe «archéologique»
: il sera désormais impossible de récupérer
l'ordonnancement primitif des scènes. Mais cinq
baies historiées, c'est peu. La grande majorité
recevra donc du verre blanc à losanges. Pour
apporter un peu de couleurs à la nef, le verrier
Marcellin le Forestier est chargé d'orner la
baie
112. Ce sera le vitrail du Décalogue dont
le style, aux normes du XIXe siècle, offre un
contraste assez fâcheux avec celui du XVIe siècle.
Ce rapiéçage, qui est toujours en place,
présente au moins un avantage : les verrières
des cinq baies «d'agrégats», y compris
leurs tympans, n'ont quasiment que des vitraux d'avant
1520. --»» Suite
2/2 à gauche.
|
|
Chapelle absidiale et chapelles latérales du côté
nord.
L'ombrelle rouge et or rappelle que, depuis 1950, Saint-Nicolas
est une basilique mineure. |
BAIE 105 (Absidiole nord)
|
|
Baie 105 dans l'absidiole nord.
TOTALITÉ.
Le panneau du 1er registre à gauche
est dit «en macédoine».
Vers 1510.
«««--- Saint Laurent dans la baie 105.
Réalisé vers 1510, atelier inconnu. |
Baie
105. C'est la seule baie historiée
de la chapelle absidiale nord. Les autres sont
en verre blanc. Par chance, toute la partie supérieure
de cette baie correspond à la verrière
primitive, celle d'avant l'incendie de 1635. Vers
1850, les quatre panneaux du bas ont reçu
des éléments épars et deux
éléments de figures de saints venant
d'autres baies. On peut avancer que ces panneaux,
à l'origine, accueillaient les marques
des donateurs (portraits et blasons). L'atelier
qui a créé cette verrière,
vers 1508, reste anonyme.
La verrière est très exiguë.
Par manque de place, il n'y a pas de bordure.
Les scènes illustrent les martyres de sainte
Barbe et de saint Sébastien. En haut (photo
ci-contre à gauche), Sébastien est
mis en joue par deux arbalétriers dans
un dessin qui s'étale sur les deux lancettes.
De sa main gauche, le supplicié semble
désigner le ciel.
Les scènes du registre du dessous sont
distinctes. Dans la lancette
de droite, le père de sainte Barbe,
selon la légende, s'apprête à
décapiter sa fille, le tout dans une esquisse
assez opaque. À côté, la sainte
est montrée à genoux, en prière.
Au-dessous, saint Crépin (ou saint Crépinien)
s'attelle à la réparation d'un soulier.
Faut-il en conclure que la corporation des cordonniers
de la ville avait offert une verrière à
l'église ? C'est vraisemblable. Au-dessous
encore, saint Laurent et un couple de donateurs
(qui n'a probablement rien à voir avec
la baie 105 originelle). Enfin, à gauche,
la composition dite «en macédoine»
dégage un visage sur fond bleu. Son aspect
juvénil empêche d'y voir la sainte
Face.
Source : «Les vitraux
de Saint-Nicolas-de-Port», Corpus Vitrearum,
Michel Hérold, 1993.
|
|
Baie 105 : Saint Crépin (ou saint Crépinien),
patron des cordonniers. |
Baie 105 : Décollation de sainte Barbe. |
|
|
|
Baie 105 : La Décollation de sainte Barbe.
Selon la légende, son propre père a été
son bourreau. |
Chapelle absidiale nord : vue partielle du retable de Notre-Dame. |
LA CHAPELLE ABSIDIALE SUD ET SES VITRAUX
- BAIES 106 ET 108
|
|
Vitrail de la baie 106 dans l'absidiole sud.
TOTALITÉ.
Entre 1508 et 1520. |
Baie 106 : la donatrice
Marguerite de Neufchâtel
au pied de sainte Marguerite.
Attribué à l'atelier de Valentin Bousch.
Vers 1514-1520. |
|
|
La chapelle absidiale sud est dédiée au
Sacré-Cur.
Sur la partie droite de la photo, on voit deux chapelles
rattachées à la
première période de construction. La partie
centrale de leur
ouverture sur la nef est occupée par une colonne
moulurée. |
Absidiole sud : les baies 106 et 108.
Chacune est un agrégat de fragments de vitraux
du XVIe siècle venant des bas-côtés.
Les flèches indiquent les deux panneaux qui constituent
le saint Henri de Bamberg. |
Baie 108 : Sainte Anne trinitaire et saint Georges.
Panneaux attribués à l'atelier de Valentin
Bousch, vers 1514-1520. |
L'autel du Sacré-Cur
dans l'absidiole sud (XIXe siècle) ---»»» |
|
«««---
Le Sacré-Cur dans l'absidiole sud,
détail. |
|
|
Baies
106 et 108. Le plus grand désordre
règne dans ces baies. Excepté pour
deux panneaux que l'on pense d'origine, elles
reçoivent des fragments issus des bas-côtés
et assemblés dans le seul but de remplir
les vides. Il y a même des pièces
qui sont montées en grisaille vers l'extérieur !
Une étude précise de la verrière
conduit l'historien du vitrail Michel Hérold
à distinguer au moins quatre ateliers derrière
ces panneaux anarchiques. Il n'en attribue pas
moins la majorité d'entre eux au Strasbourgeois
Valentin Bousch. L'époque de création
se situe entre 1508 et 1520.
Source : «Les vitraux
de Saint-Nicolas-de-Port», Corpus Vitrearum,
Michel Hérold, 1993.
|
|
Baie 106 : Saint Henri de Bamberg (en haut à
gauche),
sainte Marguerite d'Antioche et la donatrice.
En bas à gauche, un saint archevêque.
Atelier anonyme, entre 1508 et 1520.
PASSEZ LA SOURIS SUR SAINT HENRI DE BAMBERG
pour afficher le personnage dans sa totalité quand
les deux panneaux qui le constituent sont réunis. |
Baie
106. On arrive à distinguer
quelques scènes et personnages dans cette
baie. Dans le bas, un beau saint
Georges en armure est attribué à
Valentin Bousch, tout comme la sainte
Dorothée de Cappadoce au-dessus. Le
Christ
ressuscité à côté
de la sainte est attribué aussi à
Valentin Bousch. L'appariement des deux figures
n'est évidemment pas d'origine.
Au-dessus, dans une moitié haute très
chaotique (voir ci-contre à gauche dans
la baie donnée en totalité), une
inscription en lettres gothiques s'étale
sur les deux panneaux en vis-à-vis. Sans
aucun doute, c'est la marque d'un donateur : Henri
de Thierstein, seigneur Pfaeffinge et de Fénétrange.
Serge Saunier, dans l'ouvrage de l'Association
Connaissance et Renaissance de la basilique
donne une information utile : «Son père,
d'origine suisse, écrit-il, avait apporté
son aide à René II dans la lutte
contre le Téméraire et, pour ce
motif, avait reçu le titre de maréchal
de Lorraine».
Plus intéressante est la scène donnée
ci-dessus
: sainte Marguerite écrase un démon
en même temps qu'elle présente une
donatrice.
Celle-ci est probablement Marguerite de Neufchâtel,
épouse d'Henri de Thierstein. Juste au-dessus
de cet encadré également, on peut
voir saint
Henri de Bamberg avec les attributs impériaux
(couronne fermée, sceptre et grand collier).
Il tient une maquette d'église dans la
main gauche. Saint Henri est attribué à
l'atelier de Valentin Bousch.
Le point le plus piquant de ce panneau est que
la partie basse qui complète le personnage
se trouve dans la baie 108 de la même chapelle !
Les panneaux en question sont indiqués
par des flèches dans la photo des baies
106 et 108 ci-contre. Passez la souris sur saint
Bamberg ci-dessus pour voir ce que donnent les
deux panneaux quand on les réunit.
Sources : 1) «Les
vitraux de Saint-Nicolas-de-Port», Corpus Vitrearum,
Michel Hérold, 1993 ; 2) «La basilique de saint
Nicolas en Lorraine», Association Connaissance
et Renaissance de la Basilique, 1979.
|
|
|
|
|
Baie
108. Le désordre est encore plus prononcé
que dans la baie 106 avec davantage de panneaux «en
macédoine».
Néanmoins, on peut en extraire la scène
ci-contre qui illustre la consécration d'un évêque.
Est-ce saint Nicolas ? Deux évêques
entourent un homme agenouillé, aux traits assez
jeunes. L'évêque de gauche tient une tiare
entre ses mains et s'apprête à la poser
sur la tête du nouveau consacré. À
droite, un second évêque observe la scène,
accompagné d'un clerc. Cette scène très
riche (on remarquera les baies en plein cintre vitrées
de losanges dans l'arrière-plan) est attribuée
à un atelier lorrain anonyme. La partie basse
de ces deux panneaux a été perdue.
Ci-dessus au centre, deux figures attribuées
à l'atelier de Valentin Bousch : une sainte
Anne trinitaire tenant l'Enfant-Jésus nu
dans son bras gauche. Devant lui, sa mère, la
jeune Marie, en robe bleue et dessinée de profil.
Dans le panneau de droite, un beau saint
Georges en armure avec deux élégantes
plumes à son heaume.
Ci-dessous au centre, un saint évêque en
costume pontifical, sur fond de damas blanc, présente
une donatrice (atelier indéterminé).
Source : «Les vitraux
de Saint-Nicolas-de-Port», Corpus Vitrearum,
Michel Hérold, 1993.
|
|
Baie 108 : Consécration d'un évêque
(saint Nicolas ?), atelier lorrain anonyme.
Les deux panneaux ont été rapprochés pour
les besoins de la mise en page. |
|
Baie 106 : Sainte Dorothée de Cappadoce et le
Christ ressuscité.
Panneaux attribués à l'atelier de Valentin Bousch.
Vers 1514-1520. |
Baie 108 : un saint évêque.
Atelier indéterminé.
Baie 106 : Saint Georges à pied --»»
Attribué à l'atelier de Valentin Bousch, vers
1514-1520. |
|
|
Baie 108 : Saint Georges, détail.
Attribué à l'atelier de Valentin Bousch, vers
1514-1520. |
Les
tribulations du trésor de la Grande Église
et le vol de 1905 (1/3).
La première pièce du trésor de
Saint-Nicolas fut la phalange du saint rapportée
vers 1098 par un croisé. C'est la relique insigne
de l'église. Les dons des pèlerins et
des têtes couronnées firent le reste. Saint
Nicolas était un saint très populaire,
aux multiples pouvoirs de protection. Le Port attirait
les foules, souvent généreuses. Deux inventaires,
en 1584 et en 1604, donnent une idée assez précise
du contenu du trésor : statuettes en or ou en
argent représentant saint Nicolas ; statue de
l'autel Saint-Nicolas enrichie de pierreries, avec une
crosse et une mitre d'argent ; nombreux reliquaires
; monstrance en argent ; calices, ciboire, encensoir,
lampes, pièces de vaisselle plate ; ex-voto volumineux
en forme de têtes et de jambes d'argent, en forme
d'hommes et de femmes agenouillés, d'anges et
de saints.
Parmi les reliquaires, mentionnons les trois plus grands
: le bras offert par le duc Charles II ( 1431)
pour abriter la phalange de saint Nicolas, «composé
d'une main d'argent doré sortant d'un manchon
d'argent aux garnitures dorées», lit-on
dans l'ouvrage cité en source ; le bras donné
vers 1472 par le duc René Ier d'Anjou pour remplacer
le précédent (socle en argent doré,
manchon et main en or ornés de pierres précieuses
et de nombreuses camées antiques ; le bras de
vermeil contenant l'huile de saint Nicolas. Il y avait
aussi des vêtements : la reine Marguerite d'Anjou,
épouse du roi d'Angleterre Henri VI, avait envoyé
de Londres des habits sacerdotaux qui étaient
très admirés. ---»» Suite
2/3 ci-dessous.
|
|
Baie 106 : Saint Georges à pied, détail.
Attribué à l'atelier de Valentin Bousch, vers
1514-1520. |
|
Les tribulations
du trésor de la Grande Église et le vol de 1905
(2/3).
Lors de la mise à sac de 1635, pendant la guerre de
Trente Ans, une grande partie de ces objets disparut, volés
ou détruits dans l'incendie provoqué par la
soldatesque. Les historiens ne savent pas s'ils s'agit de
soldats français ou suédois. Les Français
étaient censés être catholiques et les
Suédois, protestants. Et qui peut donc incendier une
église ? Heureusement, quelques pièces
parmi les plus précieuses purent être mises à
l'abri, dont le bras d'or offert par le roi René II.
Sous le règne de Louis XIV, le besoin de payer les
troupes engagées dans les guerres du Grand Roi eut
raison de l'argenterie. À deux reprises, le roi ordonna
à tous les nobles et aux maisons religieuses de donner
leur vaisselle d'argent pour financer la guerre. C'est à
cette occasion que le duc de Saint-Simon rapporta que la Cour
s'était convertie à la faïence de Moustiers.
Cependant les dons continuaient, venant parfois de personnages
illustres comme la reine de France Marie Leszczynska.
En 1792, les révolutionnaires parisiens déclenchèrent
des guerres qui allaient ravager l'Europe pendant vingt-cinq
ans. Le 10 septembre de cette même année, l'Assemblée
Législative vota la réquisition de tous les
objets du culte en or et en argent. Au Port, les commissaires
firent main basse sur le trésor et l'envoyèrent
à la fonte. Seule la phalange du saint fut sauvée
(et rendue en 1797). Le trésor n'existait plus.
|
Le XIXe siècle fut, en France,
une période de grande dévotion. La générosité
des fidèles et le perfectionnement des techniques d'orfèvrerie
permirent de recréer un trésor riche de multiples
pièces (reliquaires, statues et objets d'art). On réalisa
un nouveau bras reliquaire pour la relique du saint et l'on
offrit des pièces anciennes, dont un reliquaire de
la Vraie Croix daté du XVe siècle et un vaisseau
d'argent dit du cardinal de Lorraine. Les dons étaient
si nombreux qu'on aménagea en 1893 un petit musée
dans le côté sud de l'église.
En 1905, la Loi de Séparation de l'Église et
de l'État, couplée avec l'obligation des inventaires,
fit redouter le pire au sein de la population. Le 6 décembre,
au soir de la célébration de la Saint-Nicolas,
douze des plus belles pièces disparurent dans un cambriolage.
Était-ce un vol de précaution commis par des
fidèles craignant les rapines de la République ?
Un article de L'Est républicain du 9 avril 1993
nous livre le pot aux roses. Soulignant le travail de professionnels
des voleurs «très au courant du fonctionnement
de la grande église», le journaliste Philippe
Sauter rapporte d'abord que le trésor est réapparu
de nuit, vingt-six ans plus tard jour pour jour, au pied de
l'autel. Et personne n'a d'explication... Lisons ce qu'écrit
ce journaliste dans L'Est républicain : «En
1931, un pharmacien de Saint-Nicolas, Marius Rollin découvre,
en brisant un mur creux dans la maison qu'il vient d'acquérir,
de mystérieux paquets qui s'avère [sic] cacher
le trésor intact volé en 1905. ---»»
Suite 3/3
|
|
LES GRANDES VERRIÈRES RENAISSANCE
DE LA NEF - BAIES 111 et 113
|
|
BAIE 111 - LA TRANSFIGURATION
|
|
Baie 111 : La Transfiguration.
Malgré son «rapiéçage»,
elle demeure, l'une des plus belles verrières de
la basilique.
La Transfiguration, dans les trois lancettes de gauche,
est attribuée à l'atelier de Valentin Bousch,
vers 1514-1520. |
Les
tribulations du trésor de la Grande Église
et le vol de 1905 (3/3).
«Les anciennes propriétaires, deux
surs célibataires, avaient caché,
pendant 26 ans, le pactole, semble-t-il en complicité
totale avec les curés de Saint-Nicolas
inquiets de voir le trésor emporté
par les "laïcs" déchaînés.
Le trésor fut discrètement remis
en pleine nuit (de Saint-Nicolas !) avec la complicité
du curé de l'époque qui fit semblant
de découvrir le magot à la messe
de 6 heures.
«L'histoire ne fut connue que soixante ans
plus tard grâce à une cassette enregistrée
par Armand Nill, fils du pharmacien qui avait
lui-même recueilli les confidences de son
père.»
Et le journaliste de conclure : «Le trésor
est désormais solidement cadenassé...»
La raison de ce «vol» est sûrement
à trouver dans l'atmosphère surchauffée
qu'avait créée la Loi de Séparation
de l'Église et de l'État un peu
partout en France. Si, par exemple, à Versailles,
les inventaires des biens de l'église Saint-Symphorien
provoquèrent une rixe entre fidèles
et forces de l'ordre, l'article de L'Est républicain
relate qu'en 1905 un jeune vicaire de la basilique
Saint-Nicolas tua un manifestant pour défendre
le presbytère...
Lors des deux guerres mondiales, le trésor
de l'église Saint-Nicolas put être
mis à l'abri.
Dans un pays à l'histoire aussi mouvementée
que la France, quand on s'intéresse aux
églises, on s'aperçoit que dérober
les pièces les plus précieuses d'un
trésor religieux pour les cacher en attendant
que l'orage passe n'est pas si rare. Rappelons
ici le «vol» commis sur la statue
de Notre-Dame-la
Brune (XIIe siècle) à l'abbatiale
Saint-Philibert de Tournus,
lors de la Révolution, par une fidèle
zélée... qui rendit la statue à
l'église une fois le Concordat signé.
Dans d'autres cas, les pièces réapparaissent
sans explication quelques années plus tard
et sèment le doute chez les historiens
sur la vraie nature du vol...
Sources : 1) «La
basilique de saint Nicolas en Lorraine»,
Association Connaissance et Renaissance de
la Basilique de Saint Nicolas de Port, 1979,
article de Pierre Gérard, conservateur
des Objets d'Art de Meurthe-et-Moselle ; 2)
L'Est républicain, édition du
9 avril 1993, article de Philippe Sauter.
|
|
|
L'autel de messe et les verrières des baies 111
et 113. |
Baie
111 (1/3). Malgré un travail
«d'agrégats» exécuté
vers 1855, la baie 111, par sa taille et ses couleurs
chatoyantes, est l'une des plus belles de l'église.
On y distingue nettement une Transfiguration
dans les trois lancettes de gauche : Élie
et Moïse
entourent le Christ
transfiguré. Ce qui signifie que cette
scène ornait à l'origine une baie
à trois lancettes (en fait la baie 124).
Il n'y a que l'Assomption,
dans la quatrième lancette qui est peut-être
restée à sa place originelle.
La baie 111 accueillait-elle une Vie de la Vierge
sur quatre lancettes ? Élie,
dessiné en vieillard barbu, pointe une
main vers le Christ tandis que Moïse,
plein d'assurance, tient sur sa poitrine les tables
de la Loi où sont inscrites des lettres
de l'alphabet hébreu.
Dans les trois lancettes de la Transfiguration,
on voit des raccords assez larges sur les bords
verticaux de chaque panneau : la réadaptation
de 1855 a placé la scène dans des
lancettes légèrement plus larges
que celles d'origine.
La Transfiguration a lieu en présence de
trois apôtres qui occupent le bas de la
composition : saint Jacques avec sa cape rouge
à gauche ; saint
Pierre, dont il ne reste que le chef, au centre
; et enfin, à droite, saint
Jean dont les quatre panneaux ont échappé
à l'incendie. Les apôtres se tiennent,
éblouis, sur un tertre rocheux au milieu
d'une végétation dense. Pour les
visiteurs disposant d'une paire de jumelles, il
n'est pas inutile d'observer de près le
paysage derrière l'apôtre Jean.
C'est «une ville fortifié et entourée
d'eau, campée au pied de montagnes alpestres»,
écrit l'historien Michel Hérold.
Cette scène magnifique est donnée
en gros plan plus
bas.
Le visage, tout de lumière, du Christ transfiguré
peut étonner : il ne possède aucun
trait humain. Ce n'est pas un bouche-trou, mais
bien le choix de l'artiste qui a transcrit à
la lettre le texte de l'Évangile de Matthieu
(17,2) : «son visage resplendit comme un
soleil». --»» Suite
2/3
|
|
Baie 111 : Moïse, détail.
Atelier de Valentin Bousch, vers 1514-1520. |
|
|
Baie 111 : Élie regarde le Christ transfiguré.
Atelier de Valentin Bousch, vers 1514-1520. |
Baie 111,: Saint Jean.
Atelier de Valentin Bousch.
Vers 1514-1520. |
Baie 111 : Le Christ ressuscité dans le
tympan. |
|
|
Baie 111 : trois anges dans le tympan. |
|
Baie 111 (2/3). ---»» La Transfiguration
est attribuée à l'atelier de Valentin
Bousch et datée entre 1514 et 1520. L'auteur
des patrons a pris certains de ses modèles dans
les dessins d'Albrecht Dürer. C'est notamment le
cas, note Michel Hérold pour le Corpus Vitrearum,
des saints Jacques et Jean.
Le haut des lancettes reçoit des blasons, retaillés
pour l'occasion, avec le seing manuel de donateurs non
nobles.
La lancette de droite, qui n'appartient pas à
la scène de la Transfiguration, est attribuée
à un atelier lorrain anonyme : on voit clairement
que la «griffe» n'est pas la même
que celle de l'atelier de Valentin Bousch. Elle comporte
néanmoins une belle scène de l'Assomption
: la Vierge en prière, dans une mandorle rayonnante
rouge, s'élève dans les nuées.
Elle est accompagnée de deux anges au dessin
peu banal : le beau graphisme de leurs larges ailes
les fait un peu ressembler à des aigles ou à
des albatros. Au-dessus, un saint
Goëry bénissant dont il ne reste que
la partie supérieure. --»» Suite
3/3
|
|
Baie 111 : Saint Pierre en prière devant le Christ
transfiguré. |
Baie 111 : Moïse tient les tables de la Loi
où sont inscrites des lettres de l'alphabet hébreu.
Atelier de Valentin Bousch, vers 1514-1520. |
Baie 111, lancette 4 : L'Assomption.
Atelier lorrain anonyme. |
Baie
111 (3/3). ---»» Extraits du
tympan, les anges ci-contre sont attribués à
l'atelier de Valentin Bousch. Malheureusement,
les verres initiaux ont été retaillés
et disposés un peu n'importe comment. Les anges
de gauche et de droite ont été conçus
en mouvement plongeant. Ils sont maintenant montés
en mouvement ascensionnel. L'ange au centre a été
coupé : avant-bras droit et main sont manquants.
Source : «Les vitraux
de Saint-Nicolas-de-Port», Corpus Vitrearum,
Michel Hérold, 1993.
|
|
|
Baie 111 : Saint Jean devant une ville fortifiée.
L'apôtre est dessiné avec des cheveux blonds bouclés
et des papillottes à la manière des coiffures juives.
Atelier de Valentin Bousch, vers 1514-1520. |
BAIE 113 - L'ADORATION DES MAGES
|
|
Baie 113 : Adoration des mages, saint Sébastien
et saint Nicolas, saint Christophe. |
Baie 113 : Gaspard et Balthazar dans l'Adoration des
Mages.
Atelier de Veit Hirsvogel, Nuremberg, vers 1510. |
Baie 113 : Melchior présente un coffet d'or (Adoration
des Mages).
Atelier de Veit Hirsvogel, Nuremberg, vers 1510. |
Baie 113, lancette de saint Nicolas : le décor
d'un château est inséré en bouche-trous
à l'arrière-plan.
Attribué à l'atelier de Valentin Bousch, entre
1514 et 1520. |
Baie 113 : l'ange Annonciateur, partiel.
Attribué à l'atelier de Valentin Bousch.
Entre 1514 et 1520. |
Baie 113, tympan : La «tête» de la
Piéta
ou les bizarreries du rapiéçage.
«Attribué» à l'atelier de Veit Hirssvogel. |
Baie
113. Utiliser des fragments de vitraux pour
en faire des bouche-trous aboutit parfois à des
associations cocasses. Vue de très près,
on voit, ci-dessus, que la tête de la Piéta
dans le tympan présente le beau visage d'une
Vierge en prière (allongée ou debout),
disposée de travers en 1855 sûrement pour
des raisons techniques.
On observera un résultat encore plus cocasse
au tympan d'un vitrail «rapiécé»
de la chapelle de la Vierge à la cathédrale
d'Évreux.
|
|
|
Baie
113. Encore plus que sa voisine (la baie
111), cette verrière porte la marque du travail
d'agrégats réalisé vers 1855. Le
désordre des compositions héraldiques,
des fontaines, des guirlandes qui meublent les hauts
de lancettes et la cacophonie dans les mouchettes du
tympan frappent l'il au premier regard. Pourtant,
un impressionnant saint
Sébastien s'en détache par sa clarté.
Et, au-dessus, étalée sur les quatre lancettes,
une composition illustrant l'Adoration
des Mages. Cette scène a son importance parce
qu'elle vient de l'atelier de Veit Hirsvogel
à Nuremberg et qu'elle est datée aux alentours
de 1510. La présence de ce maître verrier
vient rappeler le rôle primordial joué
par les marchands allemands dans l'activité économique
de Saint-Nicolas-de-Port au XVIe siècle.
Les quatre panneaux de l'Adoration
sont analysés par les historiens comme une scène
d'origine. Le reste, attribué à l'atelier
de Valentin Bousch (à part la Piéta
du sommet), provient d'anciennes verrières des
bas-côtés.
L'Adoration
des Mages se déroule sur un riche fond campagnard
: prairies, arbres et montagnes accompagnent une ville
cernée de remparts et de tours crénelées.
À gauche, Gaspard
et Balthazar
se regardent tandis que Melchior,
vêtu d'un somptueux manteau rouge doublé
d'hermine, présente un coffret d'or à
l'Enfant-Jésus. Chaque mage se tient dans une
belle arcade de fleurs. La crèche
est une construction succincte : une grosse colonne
monocylindrique rouge soutient un début de charpente.
Si l'Adoration
se trouvait bien dès l'origine au troisième
registre de cette grande baie, il est probable que l'ensemble
de la verrière était consacré à
une Vie de la Vierge. On peut alors imaginer, au premier
registre, l'Entrée de Marie au Temple et, au
deuxième, le Mariage de la Vierge ou une Visitation.
Le niveau inférieur de la baie reçoit
quatre figures datées entre 1514 et 1520 : saint
Nicolas, l'Ange
de l'Annonciation, saint
Sébastien et saint
Christophe. Elles sont toutes attribuées
à l'atelier de Valentin Bousch. Le saint
Sébastien est de loin le mieux conservé.
Son corps, qui marque une torsion, a déjà
reçu trois flèches. Appuyé sur
un tronc d'arbre, le supplicié se détache
sur un beau fond damassé rouge.
Enfin, malgré de nombeux bouche-trous, le pinacle
du tympan abrite une émouvante Piéta
assise, peut-être à sa place d'origine,
et attribuée à l'atelier de Veit Hirsvogel.
Source : «Les vitraux
de Saint-Nicolas-de-Port», Corpus Vitrearum,
Michel Hérold, 1993.
|
|
Baie 113 : Saint Sébastien.
Atelier de Valentin Bousch, entre 1514 et 1520. |
Baie 113 : saint Christophe portant l'Enfant-Jésus.
Le saint a les pieds dans l'eau de la rivière,
tandis que l'Enfant a la main posée sur une sphère.
Bel arrière-plan avec arbres et montagnes.
Attribué à un membre de l'atelier de Valentin
Bousch. |
Baie 113 : Piéta dans le trilobe au sommet du
tympan.
Atelier de Veit Hirsvogel, Nuremberg. Vers 1510. |
|
VERRIÈRE DE LA FAÇADE OCCIDENTALE
- BAIE 219
|
|
La nef vue de la croisée. |
Baie
219. La grande rose occidentale est très
riche en héraldique, mais seule une paire de
jumelles permet d'apercevoir les multiples blasons
qui occupent le cercle extérieur autour du soleil
central. La rose en elle-même n'a guère
subi de changement depuis l'époque de sa pose,
vers l'année 1530. Créée vraisemblablement
par l'atelier du maître strasbourgeois Valentin
Bousch, elle a miraculeusement échappé
aux flammes de l'incendie de 1635, peut-être protégée
par le remplage de pierre. Malheureusement, cela n'a
pas été le cas des lancettes de son soubassement.
On sait en effet que le feu a ravagé la façade
et les deux tours, fragilisant l'édifice pour
plusieurs siècles. Les tours ne seront en effet
consolidées que lors des travaux entrepris grâce
au legs
Camille Croué-Friedman de 1980.
L'ensemble de la baie 219 a été offert
par la famille ducale de Lorraine. Ses armoiries et
les quartiers des royaumes qu'elle revendiquait se retrouvent
en de multiples endroits. On y voit d'abord le couple
princier, le duc Antoine et son épouse
Renée de Bourbon, mais également
le frère du duc, le cardinal Jean de Lorraine,
grand protecteur de Valentin Bousch. L'atelier du maître
strasbourgeois sera d'ailleurs redevable à ce
haut prélat de la commande des vitraux de l'église
Saint-Gorgon
à Varangéville, dont le cardinal est le
prieur, et de celle des vitraux de la cathédrale
de Metz.
Les lancettes ont beaucoup souffert de l'incendie. La
première restauration, en 1847-1848, n'a pas
changé grand-chose. En revanche, le travail d'agrégat,
conduit autoritairement par les curés de la paroisse
vers 1855, a regroupé les panneaux restants dans
trois lancettes, les autres recevant du verre blanc
losangé. Les restaurateurs ont même pris
la liberté d'insérer une inscription,
rappelant les grandes dates de l'église, au bas
de quatre des six lancettes : 1495 COEPTA, 1544 PERFECTA,
1635 INCENSA, REFECTA 1730. Seules restent aujourd'hui
les trois premières dates (photo ci-dessus).
À la même date de 1855, rien ne fut fait
pour consolider la verrière. Menaçant
ruine, elle fut déposée en urgence en
1890. Après quinze années d'atermoiements
administratifs et techniques, elle subit finalement
une restauration complète en 1906 dans les locaux
du verrier parisien Albert-Louis Bonnot. Les
panneaux figurés des lancettes, regroupés
en 1855 sur trois seulement, sont reventilés
sur cinq. Et les panneaux de verre blanc losangé
sont ornés de médaillons peints.
Il est quasiment impossible de connaître l'iconographie
des lancettes à l'origine. La verrière
était à la gloire des ducs de Lorraine
et de Bar et voulait rappeler leurs prétentions
sur quatre royaumes : Hongrie, Sicile, Jérusalem
et Aragon. N'était-elle composée que d'armoiries ?
On ne sait pas.
Toujours est-il que la lancette de gauche affiche les
armes de Lorraine à six quartiers, une autre
affiche celles du cardinal Jean de Lorraine (armoiries
que l'on voit ci-contre, dans la lancette au centre
de la photo). Les autres panneaux, attribués
à des peintres de l'atelier de Valentin Bousch,
viennent vraisemblablement des baies des bas-côtés
: une Crucifixion ; un saint Jacques (refait en grande
partie en 1906) et deux donatrices (mère et fille)
qui n'ont rien à voir avec la baie 219 d'origine.
Seule la rangée d'angelots (très bien
conservés) dans les hauts de lancettes est du
XVIe siècle. Elle a échappé à
l'incendie de 1635.
Source : «Les vitraux
de Saint-Nicolas-de-Port», Corpus Vitrearum,
Michel Hérold, 1993.
|
|
|
La baie 219 dans la façade occidentale. |
Baie 219 : Saint Jacques le Majeur.
Figure refaite en très grande partie en 1906.
«««--- Les inscriptions du bas :
1495 COEPTA, 1544 PERFECTA, 1635 INCENSA,
ont été insérées en 1855.
Il y avait une quatrième mention, REFECTA, 1730,
qui a disparu dans une restauration ultérieure. |
Baie 219 : Crucifixion, armes du cardinal Jean de Lorraine
et deux «donatrices».
La Crucfixion et les donatrices sont des panneaux venant des
baies des bas-côtés.
Les quatre médaillons en forme de soleil sont des créations
de 1906. |
Baie 219 : Christ en croix, détail (début
du XVIe siècle). |
Baie 219 : Deux «donatrices», panneau
venant d'un bas-côté. |
|
|
Baie 219 : Suite d'angelots dans les hauts de lancettes
Exécuté par un peintre de l'atelier de Valentin
Bousch, vers 1530.
L'angelot n°2 a été supprimé pour les
nécessités de la mise en page. |
VERRIÈRES DE LA NEF - BAIES
126 ET 114
|
|
Baie 126 : Vestiges d'une verrière du début
du XVIe siècle avec un soufflet et deux têtes de
lancettes.
(Vestiges situés au-dessus de la chapelle Sainte-Barbe). |
|
Baie 219 : Détail de la rose.
En bas, le quartier du royaume de Hongrie :
huit bandes d'argent et de gueules. |
Baie
126. Cette baie ne contient, en guise de
vitraux figurés, qu'un soufflet et deux hauts
de lancettes. Les hauts de lancettes sont similaires
: on y voit un ciboire bicolore posé sur une
portion d'arc en plein cintre. Deux cornes avec feuillage
ou grappes de raisin entourent chacun d'entre eux.
Quant au soufflet, il rappelle par son héraldique
l'importance des blasons dans les verrières de
l'église. Ces blasons incorporaient des armoiries
ou simplement, pour les donateurs non nobles, un seing
manuel.
Le sigle «Pfff» peint sur l'écu,
associé à la date de 1518, se rapporte
peut-être au seigneur Henri de Thierstein de Pfaffenhoffen.
On a vu plus haut que son nom figurait en lettres gothiques
dans deux panneaux de la baie
106. Les armoiries sont du plus bel effet car l'écu
jaune sur fond écarlate est encadré par
quatre animaux de légende à corps de poisson
et à tête d'oiseau, assurant un équilibre
géométrique à l'ensemble.
|
|
|
|
Baie
114. Elle ne contient que quelques fragments
restaurés de vitraux du XVI siècle.
Sur un fond de paysage, on peut néanmoins voir
une tête de sainte dans une auréole rouge
(donnée ci-contre).
Le panneau est cerné sur trois côtés
par de larges bandes architecturales.
|
«««--- Baie
114, partie historiée de la verrrière.
|
Baie 114 : Visage d'une
sainte
sur un fond de paysage ---»»»
|
|
|
|
|
Documentation
: «Congrès archéologique de France, Nancy et Verdun»,
1933, article d'André Philippe sur la basilique Saint-Nicolas
(avec les notes de Pierre Marot pour l'historique)
+ «Congrès archéologique de France, Nancy et Lorraine
méridionale», 2006, article de Pierre Sesmat sur la basilique
Saint-Nicolas
+ «La basilique de saint Nicolas en Lorraine», Association
Connaissance et Renaissance de la Basilique de Saint Nicolas de
Port, 1979
+ «Lorraine gothique» de Marie-Claire Burnand, éditions
Picard, 1989
+ «Lorraine gothique» de Suzanne Braun, éditions
Faton, 2013
+ «Les vitraux de Lorraine et d'Alsace», Corpus Vitrearum,
1994
+ «Les vitraux de Saint-Nicolas-de-Port», Corpus Vitrearum,
Michel Hérold, 1993
+ «Le vitrail en Lorraine du XIIe au XXe siècle»,
Éditions Serpenoise, Centre culturel des Prémontrés,
1983
+ Brochure «Découvrir la basilique de Saint-Nicolas-de-Port»,
Association Connaissance et Renaissance de la Basilique de Saint Nicolas
de Port
+ Dictionnaire iconographique des saints, Les éditions de l'Armateur,
1999 par Bertrand Berthod et Élisabeth Hardouin-Fugier.
++++++ |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|